Lorsque Stiles rentra du lycée ce soir-là, il n'avait qu'une envie : se laisser tomber à la renverse sur son lit et ne rien faire. Il était hyperactif mais il y avait des moments où il était agréable de ne penser à rien, ne rien faire, ne rien dire.
En temps normal, il rentrait chez lui aux alentours de seize heures. Ce jour n'aurait pas dû déroger à la règle. Toutefois, il se trouvait que le jeune Stilinski s'ennuyait. En mathématiques, il était en avance et il s'agissait d'une matière relativement facile à ses yeux. Il avait une logique particulière, mais qui fonctionnait. Ainsi, il avait passé un peu trop de temps à enquêter sur une affaire et le professeur n'avait pas réellement apprécié de voir sur son bureau des copies de rapports d'autopsies. Trouvant naturellement cela d'un glauque ahurissant et connaissant l'énergumène, il avait envoyé le directeur prévenir son père et avait collé le jeune Stilinski en retenue. Durant trois heures. Histoire de l'occuper, puisqu'apparemment l'adolescent manquait cruellement d'occupations, le professeur lui avait donné une montagne d'exercices à faire et que le surveillant ramasserait à la fin de la retenue. Des exercices si simples à ses yeux qu'il s'était mis à faire des avions en papier au bout d'une heure et vingt minutes.
Tout cela pour dire qu'il était rentré plus tard que d'ordinaire et que se détendre se trouvait être une bonne compensation pour cette fin de journée pas réellement à son goût. Stiles se dit qu'une douche bouillante serait un bon début. Il adorait la chaleur, vraiment. Après sa douche, il prit le temps de se sécher et d'enfiler des vêtements plus confortables déjà présents dans la salle d'eau. Dans le cas présent, il s'agissait de son pyjama, composé d'un pantalon de jogging noir et d'un t-shirt rose pâle. Ce qu'il n'assumait pas en public, il le mettait chez lui. Stiles se regarda dans le miroir et tritura son visage, étira sa peau. Rien à faire, il continuait d'avoir l'air épuisé. Il ne l'était pas tant que ça, en soi. Toutefois, il avait besoin de se détendre un peu plus. Il hésita alors : jeux-vidéo, ou série ? Devant son miroir, il fit la moue d'une façon atrocement mignonne mais sans s'en rendre compte. Qu'il choisisse l'une ou l'autre des activités, il devait, dans tous les cas, rejoindre sa chambre. Et c'est ce qu'il fit.
Sauf qu'il n'avait pas prévu, en ouvrant la porte, de se faire attraper et plaquer contre un mur avant même d'avoir eu le temps d'allumer la lumière. La silhouette qui l'enserrait appuya brusquement une main sur sa bouche et l'autre, sur sa gorge. Mais ce qui figea instantanément Stiles, ce fut de sentir des griffes acérées contre sa peau si fine. Dans un premier temps, il avait imaginé Derek lui rendant visite, comme à son habitude, avec sa petite dose de brusquerie habituelle. Mais le loup avait beau tenter de lui faire peur de temps à autres, il n'allait pas plus loin que la menace. Jamais il n'avait sorti les griffes en sa présence, encore moins contre lui. Et pourtant, Stiles l'énervait facilement.
Le cœur de l'hyperactif battait la chamade. Si ce n'était pas Derek, qui était-ce ? Même s'il n'y voyait rien, il ferma les yeux. Non, très honnêtement, ce n'était pas la fin de journée qu'il espérait. Il avait beau être habitué à se faire souiller et à être rarement respecté, il ne pouvait empêcher la peur de le submerger. Pour preuve, il tremblait et faisait de son mieux pour se contrôler. Il était effrayé à l'idée de finir égorgé juste parce qu'il avait tremblé un peu trop fort. En plus d'être nul, c'était triste, comme fin. Parce que Stiles n'avait ni prévu, ni envie de mourir prématurément. Et à ce qu'il semblait, son agresseur non plus, puisqu'il éloigna doucement ses griffes de la peau aussi pâle que tendre, tandis que son autre main restait collée contre la bouche de l'hyperactif qui n'en pouvait déjà plus. Des larmes perlaient à ses yeux alors qu'il revoyait sa vie passer en accéléré dans sa tête.
- Je vais pas te tuer.
Au début, si Stiles entendit effectivement la voix, il ne comprit pas réellement ce qu'elle disait, tout comme il ne chercha pas à le faire. Disons qu'il avait d'autres priorités, comme tenter désespérément de contenir cette peur viscérale ou bien de faire son possible pour ne pas s'évanouir.
- Je vais allumer la lumière, d'accord ?
Les jambes de Stiles ne tenaient plus. Pourtant, il fit de son mieux pour les faire durer encore un peu, mais c'était peine perdue. Ainsi, il sentit l'homme l'empoigner de sa main libre et le tourner. Contre la paume étrangement chaude, l'hyperactif hoqueta. Il était… Contre lui ? Oui, l'intrus le maintenait, sans doute pour pouvoir le bâillonner et le bloquer plus facilement. L'empêcher de tomber, comme de partir. Mais dans quel guêpier Stiles s'était-il encore fourré ? Enfin, pour une fois, il ne se sentit coupable de rien, à part de… Eh bien… D'être rentré chez lui ? Quelle honte de se retrouver dans un tel état alors que pour l'instant, aucun mal ne lui avait été fait ! Mais il était terrifié par cette intrusion et ça, il n'y pouvait rien. Il était à deux doigts de tourner de l'œil… Et la lumière fut. La seconde d'après, Stiles était balancé sur son lit. Il hoqueta. Qu'est-ce que… Quoi ? Il tourna expressément la tête et malgré sa vue plutôt floue et pas encore habituée à la forte luminosité de sa lampe de plafond, il reconnut la silhouette. Les cheveux blonds. La musculature. Puis, elle s'affina doucement et bien vite, Stiles fut capable de reconnaître le visage mesquin de Théo, ses yeux bleus perçants, son expression sérieuse. D'un seul coup, alors qu'il était en sueur, la peur décampa, fit place à tout autre chose : la colère.
- Espèce d'encu…
Mais la chimère l'empêcha d'en dire plus en se mettant d'autorité sur lui et en le bâillonnant à nouveau. Oui, parce qu'il avait commencé à hurler et que ça, ce n'était pas une bonne chose.
- Désolé, mais si tu cries comme ça et si ton père t'entend, je suis mort, siffla le blond.
Le cœur de Stiles, pas encore remis de sa terreur, battait à toute allure et sa peau était luisante de sueur froide. Mais son regard avait déjà changé. Il avait l'air de dire « tant mieux, fais-toi choper, sale con ». La colère gagnait en puissance, au point que l'hyperactif se mit à se débattre, histoire d'embêter Théo. Quoi qu'il lui veuille, Stiles ne comptait pas lui faciliter la tâche. Il n'avait qu'à pas lui faire peur de cette façon. Il aurait même dû ne jamais venir.
Théo grimaça et s'en voulut aussitôt pour ce qu'il allait faire, mais il n'avait pas le choix. Il avait beau avoir plus de force que Stiles, celui-ci n'arrêtait pas de se débattre, de bouger partout et ça ne l'arrangeait pas. Lui, ce qu'il désirait, c'était juste communiquer. Oui, parler. Discuter. Mais avec cette pile électrique énervée… Impossible. Certes, il ne s'y était pas pris de la bonne manière, mais comment aurait-il pu faire autrement ? Dans tous les cas, Stiles aurait hurlé, alerté son père et fait capoter tout son plan. Et l'air de rien, Théo n'avait pas énormément de temps.
Une seconde plus tard, Stiles avait le souffle coupé et les yeux exorbités. Théo n'avait pas frappé extrêmement fort, mais… Un coup dans le ventre assez bien placé lui permettait de gagner quelques secondes, qu'il devait utiliser à bon escient.
- Désolé, mais tu m'as pas laissé le choix, commença Théo d'un ton pressé. Il faut que tu m'écoutes et qu'on discute.
- Tu peux… Rêver, peina à articuler l'hyperactif, le regard noir.
- Ah ouais ? Fit Théo d'un air arrogant. Je suppose donc que tu te fiches que ta meute soit en danger.
Parce que si Stiles avait bien un point faible, c'était celui-ci. Sa meute, c'était sa famille. Théo capta alors l'attention dont il avait besoin et après un instant de réflexion extrêmement court, l'hyperactif garda la bouche fermée, montrant ainsi non seulement qu'il était sans voix, mais également qu'il lui laissait une chance de s'expliquer avant qu'il n'appelle son père à la rescousse pour l'enfermer et éloigner cet enfoiré de lui.
Il y avait une chose à notifier. La meute avait banni Théo pour sa trahison et l'intégralité de ses manipulation. Scott, hypocrite, ne l'avait répudié que lorsque les preuves avaient été lentement et clairement étalées sous son nez. Puis, il avait interdit à tout le monde de lui parler tout en lui ordonnant de quitter Beacon Hills et de ne plus jamais y revenir.
Depuis, quelques mois s'étaient écoulés.
Non seulement Stiles n'avait pas la moindre envie de voir Théo après ce que celui-ci leur avait fait à tous, mais en plus celui-ci l'avait frappé. Pour le faire taire, oui, mais tout de même. Disons que la chimère ne perdait pas de temps et ne s'embarrassait pas de palabres inutiles. Il allait droit au but, et tant pis si Stiles avait quelque chose à y redire. De toute manière, que pourrait faire l'hyperactif ? Il était à sa merci. Il n'y avait qu'à voir la manière dont Théo l'avait maîtrisé dès qu'il était entré dans cette foutue chambre : cela avait été simple comme bonjour et Stiles s'était retrouvé à trembler et manquer de s'évanouir parce qu'il avait cru mourir. La chimère avait eu le champ libre pour le tuer et nul doute qu'il l'aurait fait s'il n'avait pas ce petit quelque chose derrière la tête.
- Je préfère ça, Stiles.
- Ferme l…
- Maintenant, tu vas m'écouter, le coupa brusquement Théo d'un ton autoritaire.
Disons que ce n'était plus le moment de jouer l'arrogance, tout simplement parce que ce qui se profilait était aussi grave qu'important. La chimère savait il fallait agir et penser avec sérieux. Des raisons d'être là, il en avait. Infiltrer cette maison et se coltiner cet hyperactif insupportable n'était pas ce qu'il désirait le plus au monde, bien au contraire. Mais il était obligé de reconnaître que Stiles était le plus lucide et le plus intelligent des membres de la meute. Lydia le concurrençait aisément. Le seul problème avec elle, c'était son cri, et Théo ne pouvait pas prendre le risque d'être mis chaos avant d'avoir pu délivrer son message. Stiles était sans défense : c'était bien plus simple de causer avec lui. Enfin, quand il se voyait forcé de coopérer. Autrement, il pouvait se montrer bien plus têtu qu'un loup, le moyen de se défendre en moins.
- Une meute en a après la tienne, fit Théo rapidement. Si tu veux que je t'en dises plus, il va falloir que tu acceptes quelques petites choses.
- Et puis quoi encore ? S'emporta l'hyperactif avant de tousser.
- Si tu ne le fais pas, ils vont vous détruire.
Et ça, c'était peu de le dire. Théo se releva, avec la certitude que la curiosité et l'inquiétude de Stiles étaient piquées. Il ne se mettrait pas à essayer d'hurler, cette fois : il avait bien trop à perdre. Ne disait-on pas que l'information faisait le pouvoir ? Sans elles, Stiles n'avait aucune valeur, d'autant plus que la chimère lui faisait miroiter un danger qui les concernait tous. Lui, mais surtout la meute. Sa meute.
Alors oui, il allait se taire. Il devait savoir.
