Théo attrapa Stiles par le col de son t-shirt et le releva brutalement avant de le plaquer contre l'arbre. Ses rugosités manquèrent de faire grimacer l'hyperactif tant le choc était brutal, mais la peur et la souffrance tétanisaient jusqu'à son visage. Les yeux exorbités et emplis d'horreur du châtain fixèrent ceux, brûlant d'une colère particulièrement bien jouée de son vis-à-vis. Si Stiles n'avait pas été aussi cassé par la soirée puis la nuit qu'il avait passées, sans doute aurait-il perçu la faille dans ce regard bleu ciel. Après tout, personne n'était parfait et personne ne pouvait maîtriser le mensonge à la perfection.

Mais les conséquences des actes de Théo étaient là, face à lui. Ainsi, il était assuré que Stiles ne pouvait pas découvrir ce qu'il en était vraiment.

- Qu'est-ce que tu fous ? Lui cracha-t-il au visage. Qu'est-ce que tu fous, bordel ?!

Stiles ferma les yeux une seconde. Il en avait besoin. La respiration tremblante, il ne savait que faire. La vérité ? Il n'aurait pas peur de la dire s'il avait la certitude que sa faiblesse ne causerait pas la perte de son père. L'hyperactif voulait le protéger et il le ferait au péril de sa vie.

Mais aujourd'hui, il n'était pas capable d'aller au lycée, de mentir éhontément à ses amis. Il n'était pas prêt. Tout ça, c'était trop frais. Il savait qu'il allait les trahir, cependant… Il n'avait même pas encore eu le temps de se faire à l'idée. Soudain, son visage partit brutalement sur le côté. Stiles sentit à peine la gifle en tant que telle. La brûlure mordante de la main se fit ressentir en décalé, à mesure que l'hyperactif prenait conscience du geste de la chimère.

- Stiles, je te le demande une dernière fois. Qu'est-ce que tu fous ?!

La voix de Théo était forte, tant et si bien qu'il criait presque et son ton des plus agressifs et menaçants le fit frissonner violemment. La violence allait tomber, il la sentait arriver. Honnêtement, Stiles n'avait aucune idée de ce qui pourrait lui permettre d'éviter ses poings au maximum. D'éloigner le danger de son père également. Une chose était certaine : s'il allait au lycée… Son mensonge ne tiendrait pas une seconde. Il avait besoin de temps pour établir une stratégie et apprendre à contrôler ses réactions. Dans tous les cas, quoi qu'il dise, les retombées l'attendaient et il en était diablement conscient. Plus que jamais, sans doute.

- J-je peux pas... Je peux… J'y arriverai pas, articula-t-il péniblement. Pas maintenant, s'il te plaît…

Ce qui le poussait à être honnête ? Un mélange de panique et de lucidité. Stiles savait que le mensonge ne le sauverait pas, dans la mesure où les facultés chimériques de Théo lui permettaient, comme les loups-garous, d'entendre les battements de cœur. Ainsi, il n'avait pas réellement le choix. La terreur l'inondant purement et simplement l'obligea à fermer les yeux avec force. Il ne voulait pas voir ce qui allait lui arriver. Intérieurement, il se fustigea, s'insulta de tous les noms. Se montrer aussi faible n'était pas dans ses habitudes et suppliant… Encore moins. Stiles avait sa fierté et il avait toujours essayé de la maintenir à flot : il était humain, et son statut l'obligeait à être plus fort, dans un sens. Mais là… Il était traumatisé tant la torture de Théo, quelle que soit sa forme, avait été efficace. Et tout ça, c'était trop frais.

Brisé. Ce fut le mot qui vint instantanément à l'esprit de Théo qui cachait son effroi devant le fruit de ses sombres agissements. Mais il ne pouvait pas arrêter. Pas maintenant. Pas alors qu'il l'avait malencontreusement… Dressé. Qu'on le croie ou non, Théo ne comptait pas en arriver là. Cela n'avait jamais été son but. Et pourtant, ce n'était pas fini. Stiles était… Il était si têtu et loyal qu'il avait fallu qu'il fasse tout pour le rendre obéissant, quitte à dépasser ses propres limites. Il était indéniable que sa stratégie des plus barbares avait fonctionné.

Un peu trop bien fonctionné.

Théo aurait sincèrement voulu ne pas en arriver là… Mais c'était paradoxalement le meilleur moyen de le protéger. Le briser, pour l'empêcher d'être visé.

Ce qu'il fit par la suite lui donna la nausée tant il ne voulait pas continuer. En quelques secondes, Stiles se retrouva à taire, le souffle coupé, les bras serrant douloureusement son ventre. Le poing de Théo semblait être fait de fer. D'un geste brusque, il l'attrapa par les cheveux et lui pencha violemment la tête en arrière, exposant son cou frêle et blanc. Stiles respirait mal tant l'angoisse et la souffrance régnaient en lui et Théo en était plus que conscient. Néanmoins, il réussit à faire en sorte que son air ne soit pas moins dur. Il se pencha, sortit les crocs, sentit l'hyperactif frémir. Manqua de tout abandonner.

Tint le coup malgré tout.

Sa bouche frôla la peau hérissée de frissons d'horreur et remonta avec une lenteur sadique jusqu'à son oreille et voici ce qu'il lui susurra d'un ton menaçant tout en continuant de lui tirer les cheveux en arrière :

- Je te laisse deux jours pour être prêt. Si tu ne fais rien passé ce délai, je briserai ton père.

xxx

Stiles était rentré en traînant les pieds. Il avait le pas lourd, le cœur au bord des lèvres. Ses mains tremblaient, il avait froid.

Froid à l'intérieur.

La seule chose pour laquelle Stiles se considéra chanceux dans cette histoire fut de se retrouver seul. Son père travaillait encore et il y avait même moyen qu'il fasse des heures supplémentaires à cause du fait que le poste était en sous-effectif quasi-constant. Si la chose avait tendance à le chagriner en temps normal, cette fois-ci fit exception. Parce qu'il était soulagé. Soulagé de ne pas avoir à se cacher, à dissimuler son mal-être clair. Bien sûr, il lui avait envoyé un message en lui disant qu'il se sentait malade, qu'il avait peut-être de la fièvre et qu'il était donc rentré pour se reposer. Ainsi, Noah ne serait pas surpris lorsqu'il recevrait un coup de fil du lycée. Idem pour ses amis : il les prévint de son absence.

Et dire qu'il allait devoir faire ça pour le lendemain également. La perspective de commencer à satisfaire Théo le rendit malade, tant et si bien qu'il alla se réfugier aux toilettes. Il essaya de vomir, de se libérer de ce nœud qui lui serrait le ventre à lui faire mal… Mais rien ne sortit. Et Stiles se retrouva, pantelant, face à la cuvette, à ne rien pouvoir régurgiter. Il se releva en se tenant le ventre et marcha difficilement jusqu'à sa chambre.

Dans sa tête, un compte à rebours paralysait sa réflexion, l'empêchait d'essayer de trouver une quelconque solution autre que celle que Théo lui imposait. Pour sauver son père et donc se préserver lui-même, Stiles n'avait pas d'autre choix que de lui obéir. Ses jambes tremblantes le menèrent jusqu'à sa chaise de bureau. Pas sur son lit. Il s'était passé des choses dans ce lit et il ne voulait y retourner que le plus tard possible, lorsque ses paupières ne tiendraient plus et obligerait ses yeux, comme son corps, à se reposer.

Théo n'était jamais allé jusqu'au bout de ses actes et Stiles n'avait donc par conséquent pas été violé. Cependant, les limites qu'il avait atteintes n'avaient pas de bien meilleures conséquences tant il avait tout fait pour le pousser à bout. Et l'hyperactif ne sut pas s'il aurait préféré ou non que la chimère mette un point final à ses gestes plus que déplacés. Dans un sens, il pouvait s'estimer heureux d'avoir été épargné, mais d'un autre côté… Le châtain se sentait au plus mal sans se sentir légitime de se plaindre. Parce qu'après tout, ce qu'il avait subi relevait d'une simple agression sexuelle, à ses yeux, pas d'un viol en tant que tel.

Là était toute la différence dans la stratégie de Théo.

La chimère avait joué avec son corps, ses nerfs, ses valeurs et ses principes. Il savait parfaitement ce qu'il faisait d'autant plus que même si l'agression et l'acte complet en lui-même restaient horribles et complètement répréhensibles, il avait fait exprès de ne jamais rien concrétiser. Stiles ne minimisait pas ce qu'il avait subi et qu'il mettait au même niveau que les coups et les menaces. Simplement, il était atrocement lucide et voyait clair dans le plan de Théo… Sans pouvoir s'en échapper pour autant. La chimère le tenait et il en était bien conscient.

Et il avait deux jours. Deux jours pour apprendre à faire illusion, deux jours pour tromper des lycanthropes capables de déceler le mensonge.

Stiles prit sa tête dans ses mains et émit le souhait silencieux de disparaître.

Il n'allait jamais y arriver.

Parce que Théo reviendrait. Il ne savait pas ce qu'il faisait, où il était, qui il voyait… Et le côté imprévisible de la chimère le terrifiait. D'ordinaire, Stiles n'était pas facilement… Manipulable, d'autant plus qu'il était parfaitement conscient de ce que Théo lui faisait subir et dans quel but. Il était au courant des choses, mais ne pouvait s'y soustraire. Un spectateur de sa propre vie, voilà ce qu'il était. Peut-être l'hyperactif aurait-il pu se montrer plus coriace si les choses avaient été différentes…

… Si un esprit démoniaque ne s'était jamais amusé à le torturer pour pénétrer de force dans sa tête pour se nourrir du chaos qu'il forcerait son hôte à engendrer.

Alors voilà, tout n'était qu'une question de pression psychologique et Théo en profitait. Ne jamais aller jusqu'au bout de l'horreur pour toujours laisser planer l'ombre du pire.