Dans les bas quartiers de Vancouver, au milieu d'immeubles partiellement éventrés, voire carrément effondrés, se dressait une vieille bâtisse partiellement en ruine. Les fenêtres qui avaient volés en éclat pendant la guerre n'avaient toujours pas été remplacées et mis à part les routes qui avaient été déblayées après le cataclysme, rien n'avait vraiment changé. Faute de moyens, le gouvernement avait décidé de le laisser à l'abandon et l'endroit était devenu le repère des criminels et des laissés-pour-compte. C'est dans ce lieu qu'avait choisi de s'installer Pitney For, un petit Volus débrouillard, tour à tour prêteur sur gage et informateur. Ancien agent du Courtier de l'Ombre, il travaillait désormais à son compte, sous couvert de ses activités officielles. Ce jour-là, elles tournaient au ralenti car il se passait en ville un événement d'une grande importance, le mariage en grande pompe du sauveur de l'humanité. Il n'avait bien évidemment pas été invité et en profitait pour mettre un peu d'ordre dans ses papiers. Soudain, une explosion se fit entendre dans le hall d'entrée de sa boutique, là où il n'y avait pas si longtemps se trouvait encore son employé. A peine eut-il le temps de se lever pour aller voir ce qui se passait, que la porte s'ouvrit dans un grand fracas. Apparut alors Aria T'Locke, la célèbre reine pirate.

- La reine pirate en personne ! s'exclama le petit Volus. Vous m'avez donc retrouvé ! Moi qui croyais avoir trouvé la planque idéale ! Que me vaut cet honneur ?

- J'ai besoin d'informations…et des bonnes, rétorqua-t-elle.

- Dans ce cas, vous avez frappé à la bonne porte. Que voulez-vous savoir ? Et combien êtes-vous prête à mettre pour cette info ?

- Ne va pas t'imaginer que j'ai oublié ta petite trahison.

- Mais…

- Tu m'as vendu à Shepard et elle a fait capoter toute mon affaire. Donc, en échange de ta vie, tu vas me dire ce que je veux savoir.

- A ce rythme-là, je vais faire faillite.

- Qu'est-ce que tu marmonnes entre tes dents, sale petit escroc ?

- Rien. Vos désirs sont des ordres. Alors, quels genres d'informations il vous faut?

- Rien de bien compliqué, tu vas vite t'en rendre compte, lui dit-elle sur un ton froid. Je veux savoir où Shepard a été envoyée en mission, j'ai un petit cadeau à lui remettre en main propre.

- Il va me falloir un peu de temps pour le savoir. L'Alliance sait garder ses secrets.

- Tu as vingt-quatre heures, pas une minute de plus. Sinon, et bien…soit à l'heure, ça vaudra mieux... pour toi bien sûr !

Elle émit un petit rire diabolique et sortit en claquant la porte, le laissant dans son fauteuil, perplexe. Il ne savait pas par où commencer, mais il savait que s'il échouait, il ne ferait pas de vieux os. Il se pencha sur son ordinateur et commença à pirater le système informatique de l'alliance. Un Quarien serait bien plus efficace que moi ! vociféra-t-il. Ha, pourquoi n'en ai-je pas dans mes employés !

Quelques kilomètres plus à l'ouest, à une centaine de mètres sous la surface, se trouvait la nouvelle base secrète d'Aria. C'était un ancien bunker, érigé pendant la grande guerre qui avait vu s'affronter l'univers tout entier et les Moissonneurs. L'entrée se faisait par un immeuble situé deux rues plus loin, pour plus de discrétion et deux Krogan montaient la garde. L'un d'eux la salua avec respect mais Aria rétorqua : « Oui, oui, faites juste votre boulot ! Au diable les civilités ! » Elle longea plusieurs couloirs, descendit quelques escaliers et entra dans une pièce sombre. Là, elle se laissa tomber sur son divan et alluma son holo-télé. Le volume était assez bas et elle ne l'écoutait que d'une oreille distraite. Soudain, une information la fit se redresser, au moment où la présentatrice qui commentait la rediffusion du mariage de Shepard annonça qu'elle venait de monter à bord du Normandy, après avoir quitté précipitamment l'église. Elle n'en croyait pas ses yeux d'avoir devant elle une légende vivante et était ravie de son dernier salut à la foule… Aria, elle, retenait sa colère :

- Profites-en tant que tu le peux, ma chère. Je te réserve une petite surprise dont moi seule ait le secret. Tu vas regretter de t'être mêlée de mes affaires.

- … Retraçons l'histoire exceptionnelle de cette femme…

- Rrrr, saleté d'humains, se mit-elle à vociférer. Tout était plus tranquille quand ils n'étaient pas là. Et me voilà coincée sur leur planète. Je dois suivre les travaux du professeur Erissart d'un peu plus près si je veux avoir une chance de retourner sur Thessia un de ces jours. Mais pour l'heure, je dois m'occuper de cette empêcheuse de tourner en rond. Et se tournant vers la porte : « Krank ! Amène-toi, il me faut un verre. »

Le Krogan entra précipitamment et bruyamment dans la pièce, le précieux breuvage à la main.

- Tenez chef. Du nouveau ? lui demanda-t-il en lui tendant sa boisson.

- Oui…elle est maligne mais heureusement pour moi, je ne suis pas la seule à lui en vouloir. Cerberus, tu connais ?

- Oui, des empêcheurs de tourner en rond qui veulent ériger la race humaine au-dessus de toutes les autres ! s'exclama-t-il en grognant. J'en ai affronté quelques-uns par le passé ! Heureusement, cette organisation n'existe plus.

- C'est là où tu te trompes ! Elle existe toujours. Moins de membres, certes, mais toujours la même fougue et surtout, toujours le même intérêt pour Shepard !

- Vous voulez faire alliance avec eux ? s'étonna-t-il. Mais, ils ont tué votre fille, vous ont volé Omega, tourné en ridicule…

- Je sais tout ça, lui répondit-elle en chassant ses paroles d'un geste. Et je n'ai pas l'intention de les laisser s'en tirer à si bon compte ! Mais pour le moment, il me faut des alliés, et je ne vois qu'eux d'assez malin pour réussir ma vengeance. Et puis, mieux vaut me débarrasser du plus gênant en premier, il me sera d'autant plus facile de les éliminer définitivement une fois Shepard hors course, dit-elle avec un petit sourire.

- Et comment vous comptez vous y prendre pour les contacter ?

- For ! Ce petit avorton va m'aider. Retourne à ton poste, je dois faire une course !

Elle se leva et posa son verre sur un petit guéridon puis se dirigea vers la sortie. Les deux Krogan la saluèrent et de nouveau balaya leur geste d'un revers de main. Elle partit en direction des bas quartiers de Vancouver, là où se trouvait le bureau de Pitney For. Le standardiste se remettait doucement de sa rencontre avec la reine pirate, lorsque celle-ci fit de nouveau irruption. Il bondit hors de sa chaise et alla se cacher sous son bureau, comme un enfant tremblant de peur dans le noir.

- Il est dans son bureau ?, lui demanda-t-elle plus par politesse que par véritable besoin.

Sans attendre de réponse, elle traversa rapidement la pièce et trouva le Volus penché sur son ordinateur. Celui-ci sursauta à sa vue :

- Hé, vous m'aviez donné vingt-quatre heures !

- Du calme, lui dit-elle, c'est pas cette info que je suis venue chercher. Tu te souviens de Cerberus ?

- Cerberus, oui, le groupe pro humain.

- Eh bien, il se dit qu'il serait en train de se reconstruire. Je veux un max d'infos sur cette affaire. Et n'oublie pas. Ton temps est compté.

Elle sortit en claquant la porte, le faisant une nouvelle fois sursauter.

- Allez mon vieux, au boulot. Cette info va être facile à trouver ! Une chance qu'elle ne soit pas protégée par l'Alliance ! Il pianota sur son ordinateur et trouva ce qu'il cherchait. Bingo, j'ai trouvé ! Tiens, tiens, Aria avait raison. Cerberus est bel et bien en train de se reconstruire. Voyons, quel est le nom de leur nouveau chef ? Petrovsky Oleg, recherché activement par le gouvernement pour terrorisme aggravé ! Voilà qui devrait faire plaisir à Aria.

Il téléchargea les informations qu'il avait pu trouver sur ce type et son organisation sur un disque. Il ne restait plus qu'à les envoyer à l'intéressée. Il appuya alors sur un bouton :

- Eros, j'ai besoin de toi.

- Qu'y a-t-il Monsieur For ?

- Envoyez un coursier chez Aria. J'ai un petit colis à lui remettre. Je vous envoie ses coordonnées.

- Très bien, Monsieur !

Pendant ce temps, Aria était retournée chez elle et attendait des nouvelles avec impatience. Elle entendit un double « bip », signe qu'un nouveau message venait d'arriver. Elle le lit rapidement et se dit pour elle-même que Pitney n'était pas si incompétent finalement. Elle se tourna alors vers la porte et cria :

- Krank, viens ici !

- Oui chef, qu'y a-t-il ?

- For nous envoie un coursier avec des infos importantes. Va l'attendre, mais ne fait pas de vagues ! Il ne faudrait pas attirer l'attention sur nous !

- A vos ordres !

Dix minutes s'écoulèrent, puis le Krogan réapparut, un disque à la main.

- Tenez ! lui dit-il en lui tendant le précieux objet.

- Merci, tu peux y aller ! Elle inséra le disque dans un lecteur et son sang ne fit qu'un tour. Par la déesse, qu'est-ce que c'est que ça ? Ne me dites pas que c'est cet enfoiré qui tire les ficelles maintenant ? Passé ce moment de stupeur, elle se reprit et se dit qu'elle se chargerait de lui le moment venu. Pour l'heure, c'est de lui dont elle avait besoin. Elle se leva et prépara un holo à l'attention de Petrovsky :

- « Oleg Petrovsky ! Ici Aria, vous vous souvenez de moi je suppose ? Je sais que c'est vous qui dirigez maintenant Cerberus, depuis le décès de l'Homme Trouble. » Elle esquissa un sourire, et après une petite pause, histoire de lui laisser le temps de comprendre à qui il avait à faire, reprit sans autre forme de procès. « Mais je manque à tous mes devoirs. Félicitation pour cette promotion et cette magnifique évasion. Vous avez fait du chemin depuis notre rencontre sur Oméga, la base que vous m'avez volé. Mais soit, ce n'est pas pour cela que je vous contacte. Shepard. Ça vous dit quelque chose ? Cette garce nous a fait du tort à tous les deux, et je suis sûre que comme moi, vous aimeriez lui rendre la monnaie de sa pièce. C'est bien comme ça que vous dites, vous, les humains. Elle m'a volé quelque chose de très important et vous a fait emprisonner. On pourrait s'entraider, faire cause commune contre elle, qu'en dites-vous ? Si mon offre vous intéresse, envoyez-moi votre réponse sans tarder. Nous fixerons un rendez-vous. »

Elle coupa l'enregistrement et appuya sur le bouton pour l'envoyer via un canal sécurisé. Voilà qui est fait, se félicita-t-elle. Espérons qu'il ne tarde pas à me répondre.