Kaidan regarda autour de lui sans rien comprendre à ce qui venait de se passer. Il appela les autres, mais ne reçut aucune réponse. Seul le silence régnait. Il était dans le noir le plus complet et c'est à peine s'il pouvait voir sa main qu'il agitait frénétiquement devant lui. Heureusement pour lui, les casques de l'Alliance étaient pourvus d'une lampe frontale et il appuya sur un bouton pour la mettre en marche.
- Bon, je ne sais toujours pas où je me trouve mais au moins j'y vois clair. Enfin, si on peut dire. Allez Kaidan, reprends-toi, dit-il à voix haute pour se donner du courage.
Il regarda autour de lui mais la lumière ne lui renvoyait que les ombres des colonnes qui parcouraient la pièce. Il pouvait cependant affirmer qu'il se trouvait dans une salle assez grande, sans porte apparente, avec en son centre une énorme statue. De l'endroit où il se trouvait, il ne pouvait malheureusement voir ce qu'elle représentait. Il n'était jamais venu ici et pourtant cet endroit lui était familier. Le bruit de ses pas résonnait dans toute la pièce et il entreprit alors de marcher sur la pointe des pieds. Arrivé au pied de la statue, il leva la tête pour distinguer son visage et recula d'un pas. Il ne faisait maintenant plus aucun doute que cette pyramide était bien un vestige Trorien. Et pour cause. Cette statue en représentait un. Cela dit, ses vêtements étaient différents de ceux qu'ils portaient lors de leur visite dans leur dôme sous-marin. Il était en effet habillé d'une tunique, comme celles que portaient les pharaons d'Egypte et tenait une boule dans sa main. Kaidan essaya de voir ce qu'elle représentait, mais il était trop petit. Il jura et regretta que Liara ne soit pas là. Elle aurait peut-être pu répondre aux nombreuses questions qu'il se posait à ce moment précis. Soudain, un bruit le fit sursauter. Il entendait des bruits de pas. Il se rapprocha d'un des murs et se camoufla dans un coin sombre. Les pas étaient plus proches maintenant, mais il n'aurait su dire s'ils venaient de l'extérieur de la pièce ou s'ils venaient du dessus. – Saloperie d'écho, murmura-t-il. Il attendit donc un moment puis une fois le danger écarté, sortit de sa cachette. Il se surprit à transpirer. Pourtant, il faisait plutôt frais dans cette pièce. Une douleur le prit alors dans la jambe et baissant machinalement la tête pour regarder ce qui la provoquait, il vit avec horreur un scorpion se glisser hors de sa botte. Il était tellement absorbé par les bruits de pas, qu'il n'avait pas remarqué la bestiole y pénétrer. Lorsqu'il s'était relevé, elle en avait profité pour le piquer. – Saloperie ! cria-t-il en essayant de l'écraser. Mais le poison commençait à faire effet, rendant sa vision trouble et il perdit l'équilibre. Un genou à terre, il chercha vivement dans ses poches les doses de médi-gel qu'il avait emmené et qui ralentiraient le poison. Du moins l'espérait-il. Il s'adossa au mur et retira sa botte pour pouvoir appliquer le médicament sur la piqûre. La douleur disparut instantanément mais pas les vertiges. Visiblement, cette tactique ne s'avérait payante qu'à moitié. Il passa la main devant ses yeux mais celle-ci était floue. Il ne tarderait pas à perdre la vue s'il ne trouvait pas rapidement une solution. C'est alors qu'un autre bruit lui fit dresser l'oreille. Certes il n'y voyait plus très clair mais son ouïe était encore intacte. Il distingua vaguement une ombre au fond de la pièce, là où l'obscurité était la plus complète. Elle semblait se déplaçait lentement, comme si elle prenait son temps. Un bruissement l'accompagnait, comme un bout de tissu qui traîne par terre. Il commença à paniquer et essaya de se remettre debout, sans succès. Il était maintenant coincé avec une créature inconnue, dans une pièce secrète où personne ne penserait jamais à le chercher et blessé. Pour couronner le tout, le poison qui se rependait dans son organisme le paralysait petit à petit. Il en était sûr, c'était la fin.
Pendant ce temps, à l'entrée de la pyramide, Liara sondait les murs à la recherche d'informations sur les éventuels pièges qui se trouvaient à l'intérieur. Le couloir était étroit et en pente, ce qui ne facilitait pas leurs déplacements.
- Eh bien, souffla Liara, Kheops regorge de nombreux secrets. Mise à part la disparition de Kaidan, je suis très excitée à l'idée de ce que l'on va découvrir à l'intérieur de ses murs.
- Je ne suis pas aussi enthousiaste que vous Liara, répondit Garrus. Il fait sombre, le sol est glissant et j'ai l'impression que les murs se resserrent à mesure que nous avançons.
- Ce sentiment, mon ami, répliqua Liara, s'appelle de la claustrophobie. De nombreux humains en souffrent mais je ne savais pas que les Turien pouvaient aussi en souffrir.
- Shepard, demanda Garrus, vous pensez que l'on va le retrouver ?
- Sûrement. Il ne peut en être autrement, dit-elle. Regardez ! Là ! Le chemin se sépare en deux tunnels. Liara, c'est vous qui connaissez le mieux cet endroit, par où devons-nous aller ?
- Eh bien, réfléchit-elle. Si nous continuons à descendre, nous arriverons dans une chambre souterraine. Si nous prenons le chemin qui monte, on se rapprochera de la chambre du roi. Maintenant, la question est de savoir où pourraient se trouver les renseignements que nous cherchons.
- Et Petrovski ! répliqua Shepard. Y'a pas un truc qui vous chiffonne ? Liara, vous nous avez dit qu'il y avait des pièges et pourtant, il n'y a aucun cadavre. Où se trouvent ses hommes de main ? Nous savons qu'ils sont passés par ici, c'est la seule entrée, mais dans ce cas, où sont-ils ? C'est étrange, c'est comme s'ils étaient venus ici mais pas en marchant.
- Maintenant que vous le dites Shepard, il n'y a que nos traces de pas, affirma Garrus en éclairant le sol devant elle.
- Et merde ! ragea Shepard en donnant un coup de poing dans le mur. Ils ont une sacré longueur d'avance sur nous.
- Doucement, répliqua Liara. Le plafond va s'effondrer sur nous sinon !
Un grondement monta soudain de la chambre souterraine situé en contrebas, accompagné d'un nuage de poussière.
- Shepard, demanda Garrus, qu'est-ce que vous avez fait ?
- Je ne pense pas que cela vienne de moi, si vous voulez tout savoir.
- On n'a plus le choix, vite, tous vers la chambre du roi ! hurla Liara.
Ils fermèrent la visière de leur casque en vitesse, tout en courant dans la direction qu'avait indiqué Liara. Autant la pente qui les avait menés ici était raide et glissante, autant ce chemin montait à pic. Ils durent s'arrêter au bout de 500 m, à bout de souffle. Haletants, ils retirèrent leur casque et regardèrent derrière eux mais ne virent rien. La chose qui était responsable de ce vacarme ne les avait visiblement pas suivis.
- Pff, qu'est-ce que c'était ? demanda Garrus, haletant.
- Je ne sais pas, lâcha Liara. Mais on l'a échappé belle. La densité de ce nuage aurait pu nous asphyxier dans un espace aussi réduit.
- Et si c'était une explosion ? Peut-être que Petrovsky et son équipe ne sont pas aussi loin que nous le pensions et qu'ils ont dynamité la porte de la chambre souterraine, avança Shepard.
- Dans ce cas, répliqua Garrus, ils ont dû être sévèrement touchés par l'explosion, vu le nuage de poussière que cela a provoqué !
- Pas forcément, répondit Liara. Il aura sûrement trouvé un moyen de se mettre à l'abri avec ses hommes.
- Il y a une autre hypothèse, renchérit Shepard.
Devant le regard dubitatif de son équipe, elle expliqua sa théorie.
- Et si c'était autre chose qu'une explosion ?
- A quoi vous pensez ? interrogea Liara.
- A une créature que nous ou Petrovsky aurions réveillé. Un gardien, par exemple.
- Comme celui que l'on a affronté sous la mer ? demanda Liara.
- Exactement, dit Shepard.
- Super, avança Garrus. J'en ai encore jamais vu, moi. Attendez, hésita-t–il avant de poursuivre, c'est une bonne ou mauvaise chose ?
- Eh bien, hésita Liara. Il est là pour monter la garde, alors, s'il est réveillé, ce n'est sûrement pas une bonne chose pour nous. Il ne fait pas de distinction entre les individus qui violent l'entrée de son temple.
- Et merde ! lâcha Garrus. Et Kaidan qui n'est pas là.
- Shepard, demanda timidement Liara, vous êtes sûre qu'il va bien ?
- Liara, on ne parle pas d'un débutant là, mais bien d'un soldat de l'Alliance. Et l'un des meilleurs qui plus est.
- Shepard a raison, continua Garrus. Il nous rejoindra bientôt. Il trouvera une solution.
La vue de Kaidan baissait de plus en plus. L'ombre qu'il distinguait n'était certes plus qu'un point sombre au milieu de son champ de vision mais un point tout de même qui continuait à avancer. – Il y a quelqu'un ? interrogea-t-il. Je vous entends mais je ne peux pas vous voir. Je ne suis pas un ennemi. Je suis blessé, aidez-moi. La créature était maintenant à deux pas de lui et il pouvait sentir le souffle de sa respiration. Bizarrement, elle ne bougeait plus, comme si elle prenait son temps pour observer sa proie de près, maintenant que celle-ci était devenue inoffensive. Kaidan commença à paniquer. Il savait que les bêtes sentent la peur mais c'était plus fort que lui. Il sentit la sueur descendre doucement dans son dos, son souffle s'accéléra et son corps se raidit. La peur et le poison auraient bientôt raison de lui, il le savait. Et pourtant, la bête n'attaquait toujours pas, rendant ce moment encore plus angoissant. Elle jouait avec lui, comme un chat avec une souris.
- Kaidan ! hurla Shepard. Lève-toi !
- Shepard ? s'interrogea-t-il. C'est toi ? Voilà…que j'ai…des…hallucinations, bafouilla-t-il.
- Je suis la partie encore consciente de ton esprit. Bats-toi ! Le poison aura bientôt atteint ton cœur !
- Co…comment ? Je…ne…peux… plus…respirer…, haleta-t-il. Shepard ? She…pard ?
- Vous allez mourir, dit soudain une voix venue d'outre-tombe.
- Je …quoi ?
- Sans antidote, reprit la voix, vous mourrez. Vos forces commencent à vous abandonner, vous n'y voyait plus rien. Cependant, je vous ai bien observé et vous semblez sincère, pas comme ces individus qui se font appeler Cerberus et qui pillent allégrement le sanctuaire de mes maîtres. Pour cette raison, je vais vous donner une chance de vous en sortir. Répondez honnêtement à ma question et je vous sauverai. Jouez-vous de moi et ce tombeau sera votre tombeau !
- D'a…d'accord, haleta Kaidan. Que…voulez-vous…savoir ?
- Ce que vous faites là, reprit la voix. Pourquoi êtes-vous venus ici ? Que cherchez-vous ?
- Je…, commença Kaidan, et il perdit connaissance.
Lorsqu'il reprit conscience, il remarqua immédiatement que sa vision était revenue et qu'il n'avait plus de fièvre. –Exactement comme pour Liara, murmura-t-il. Il était allongé sur ce qui semblait être une table d'examen, et la lumière lui fit plisser les yeux. Il tourna la tête à droite et à gauche, pour avoir une vision d'ensemble et tenta de s'asseoir. Il y parvint, non sans mal, son corps étant encore endolorit. L'endroit était désert et lumineux. Mise à part la table sur laquelle il était assis, le reste de la pièce était vide. Les murs étaient blancs, avec dans l'un d'entre eux une encoche assez grande pour y placer quelque chose. Intrigué par ce trou, Kaidan se leva doucement et décida d'aller voir de plus près de quoi il retournait. L'échancrure était juste assez grande pour contenir une main et sans réfléchir plus longtemps, il y glissa la sienne. A sa grande surprise, un panneau se souleva, laissant entrevoir un spectacle pour le moins étonnant. Devant lui, ou devrais-je plutôt dire, sous le vaisseau, parce qu'il ne faisait plus aucun doute maintenant qu'il se trouvait à l'intérieur d'un vaisseau spatial, la Terre se déployait dans toute sa splendeur. Il en eut le souffle coupé. – Mais je suis où, là ? Puis, dans un éclair de lucidité, il murmura :
- Mon équipe, comment je vais faire pour retrouver mon équipe ?
Il se trouvait désormais à des milliers de kilomètres de la grande pyramide et de Shepard, à l'intérieur d'un vaisseau dont il ne savait rien, sans armes et sans possibilité de demander de l'aide. Cette fois il en était certain, il était dans de beaux draps.
