Chapitre 4 :
Oleg Petrovsky était un homme prudent. Après la perte d'Oméga suite à son incarcération et son retour impossible sur la station après son évasion, il avait dû trouver un autre point de chute pour gérer ses affaires. Lors de la dernière bataille, celle où l'Homme Trouble avait péri, il se trouvait déjà en sécurité, à plusieurs centaines de mètres sous la surface, au cœur du Mont Weather, une base militaire américaine abandonnée pendant la guerre du premier contact. Les zombis des Moissonneurs avait mis à sac l'endroit où il était retenu prisonnier plusieurs mois avant et c'est ainsi qu'il avait pu s'échapper, au nez et à la barbe de tous, profitant de la panique générale pour mettre les voiles. Il n'avait eu aucun mal par la suite à pirater les serveurs de l'Alliance et a trouver son nouvel eldorado. Chef auto-proclamé de Cerberus à la mort de l'Homme Trouble, il n'avait eu aucune difficulté à retrouver les membres éparpillés à travers toute la planète et à les rassembler sous sa nouvelle bannière.
En tant qu'ancien général, il connaissait les ruses qu'il fallait parfois employer pour arriver à ses fins, comme lorsqu'il avait repris Oméga à la Reine Pirate. Aussi, lorsqu'il reçut le message d'Aria, qui lui proposait une alliance, il en conclut immédiatement que ce devait être un piège. Il écouta cependant le message plusieurs fois, afin de s'assurer qu'il avait bien comprit sa demande. Et après de longues minutes de réflexion, il fit venir l'un de ses hommes de main. Celui-ci, un ancien soldat de l'Alliance ayant servi sous les ordres d'Anderson, se présenta devant lui, une main sur la tempe en guise de salut.
- Repos soldat !
- Bien, Monsieur !
- Dis-moi, lorsque tu servais dans les rangs d'Anderson, tu as dû entendre parler de la reine pirate, n'est-ce pas ?
- Et de la cuisante défaite que vous lui avait infligée ? Oui, Monsieur !
- Bien. Figure toi qu'elle vient de m'envoyer un message dans lequel elle me demande de m'allier à elle, pour combattre Shepard.
- Shepard ? C'est du suicide Monsieur ! Elle n'a fait que vous arrêter la dernière fois et vous a laissé la vie sauve. Qui sait ce qu'elle fera si la situation se représente à nouveau !
- Oui, je sais, tu as sûrement raison. Cependant, je me dis que si Aria est de notre côté, cette fois, elle pourrait ne pas avoir autant de chance. Et puis, une fois Shepard éliminée, il ne restera qu'elle à détruire. Ne dit-on pas, l'ennemi de mon ennemi est mon ami ?
- Certes, Monsieur !
- Bien, je lui répondrai plus tard. Du nouveau sur la pyramide ? Heureusement que nous avions ce… comment l'appelle nos scientifiques déjà ? L'Ansible de Clonage Quantique ?
- Oui, heureusement. Sans ce téléporteur, nous serions tous morts à l'heure qu'il est. Mais non, rien de nouveau. Les scientifiques ne savent pas ce qui a pu provoquer cette explosion.
- Bon. Tu peux disposer. Amène-moi le docteur Caitlin immédiatement. Il faut que je lui parle.
- Bien, Monsieur !
Petrovski entendit la porte se refermer, puis quelques minutes plus tard se rouvrir. Le Docteur Caitlin entra dans la pièce puis vint s'asseoir à côté de lui. C'était une grande et belle femme, d'une trentaine d'année, aux cheveux d'un noir de jais qui se déployaient en cascade de part et d'autre de son visage. Ses yeux d'un bleu azur semblaient transpercer votre regard. Pour finir, de petites lunettes rondes venaient sublimer davantage ce visage déjà si parfait. Elle portait, comme tout scientifique qui se respecte, une blouse blanche avec un badge agrafé sur la poitrine, où l'on pouvait y lire son nom et son grade. La photo n'était pas récente mais suffisait toutefois à l'identifier.
- Ha, docteur ! Dites-moi que vous avez du nouveau !
Vous m'en voyez confuse, mais non, malheureusement, nous n'avons pas encore découvert à qui ou à quoi nous avions affaire. Nous sommes sûrs qu'il ne s'agit ni des Prothéens ni des Léviathans. Mais nous ne savons rien de plus, si ce n'est que les pyramides ne sont pas l'œuvre des Egyptiens, comme on a toujours voulu nous le faire croire.
- Je vois. Peut-être qu'Aria sait quelque chose et qu'il serait bon de prendre contact avec elle. Et pour ce téléporteur, l'ACQ ? Vous savez comment il fonctionne ?
On planche dessus, Monsieur. Cependant, nous pensons que son activation est de deux sortes : volontaire ou accidentelle dans votre cas, comme lorsqu'il vous a emmené à l'intérieur de la pyramide, ou non volontaire, comme un mécanisme d'urgence ou un système de survie, qui vous a permis de sortir de cet endroit sans encombres. Dans tous les cas, il nous faut comprendre son fonctionnement pour l'utiliser de nouveau par la suite. Peut-être aurait-il été judicieux de demander une explication aux archéologues qui l'ont trouvé et à qui nous l'avons volé, avant de les tuer.
- Attention mademoiselle. Vous êtes douée mais pas irremplaçable.
- Pardon, Monsieur. Je ne voulais pas dire que vous aviez agi sans réfléchir. C'est juste que c'est frustrant de ne pas savoir comment il fonctionne.
- Bien. Et ce bout de tissu poussiéreux qu'on a trouvé dans la tente des archéologues? Celui avec toutes sortes de symboles bizarres ? Une idée de ce que cela signifie ?
- Non monsieur. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que ces écritures ne ressemblent à rien de connu. Ce ne sont pas des hiéroglyphes, ni du Prothéen, ni aucune autre langue morte ou vivante existante dans notre galaxie.
- Bien. Je ne vous retiens pas plus longtemps. Vous pouvez disposer.
- Merci Monsieur.
Le docteur Caitlin quitta la pièce et Petrovski entreprit de répondre à Aria. Après mûre réflexion, il appuya sur le bouton d'enregistrement du holo.
- Aria T'loak, bonjour. Oleg Petrovski. J'ai bien reçu votre message et je pense qu'il serait en effet opportun de faire front commun contre cette empêcheuse de tourner en rond. Quand pourrons-nous nous rencontrer ? Il y a également quelque chose dont je souhaiterai vous parler. Fixez une date et nous parlerons business.
Il coupa le holo et l'envoya via un canal privé. Il ne restait plus qu'à attendre.
Un bruit le sortit de sa torpeur. Il tourna vivement la tête, dans un réflexe de survie, mais ne vit rien. Étrange, se dit-il, en reprenant sa position initiale. Il se trouvait à bord d'un vaisseau alien après tout, ce bruit faisait sûrement partie de l'appareil. Il en était là de ces réflexions, lorsque le même bruit se fit entendre. Et là, il sentit quelque chose. C'était subtil, certes, mais tout de même présent, comme cette sensation dans la pyramide.
- Il y a quelqu'un ? demanda-t-il en se retournant. Je ne vous vois pas mais je peux sentir votre présence. Je préfère vous prévenir tout de suite. Je ne suis peut-être pas armé mais je suis un humain biotique. En d'autres termes, je suis une arme à moi tout seul.
L'air sembla onduler dans un coin de la pièce, puis une forme apparut. Kaidan la reconnut instantanément pour en avoir déjà vu une, il n'y avait pas si longtemps, sous la mer. Il se demandait quand même ce qu'il faisait là. N'étaient-ils pas censés avoir quitté la Terre à la fin de leur dernière entrevue ?
- Vous ! s'exclama Kaidan. Comment ? Pourquoi ?
- Bonjour à vous également et de rien pour votre guérison.
- Quoi ? Heu…merci, oui. Excusez-moi, je suis tellement surpris de me retrouver devant vous et sur ce vaisseau. Comment suis-je arrivé ici ? Je vous croyez parti. Nous le pensions tous.
- Beaucoup de questions et peu de temps pour y répondre. Nous étions partis, c'est vrai. Mais une alarme provenant de votre planète nous a obligé à revenir. Quelque chose de grave est sur le point de se produire. Et vous et votre équipe devaient l'en empêcher.
Kaidan n'en croyait pas ses oreilles. Eux, les Troriens, une race tellement avancée, demandait de l'aide à de « jeunes » humains ? C'était le monde à l'envers.
- Et en quoi pouvons-nous vous aider ? Est-ce que ça a un rapport avec ce qu'il s'est passé dans la grande pyramide ?
- Oui. Un groupe de personnes mal intentionnées s'est emparé d'objets très important pour nous. Un téléporteur et un parchemin. S'ils apprennent à les utiliser, alors tous les pièges que nous avons mis en place seront vains. Et ils pourront s'emparer du plus grand trésor de tout l'univers.
- A ouais ? Rien que ça ? Le plus grand trésor de tout l'univers ? Et qu'est-ce donc que ce fabuleux trésor ?
- Chaque chose en son temps. Le gardien que vous avez rencontré vous a laissé la vie sauve. Heureusement pour vous, lors de notre dernière rencontre, une infime trace de talion, une particule contenue dans notre bulle sous-marine s'est accroché à votre structure moléculaire, ce qui vous a permis de passer pour un des nôtres. Gravement blessé, nous vous avons téléporté jusqu'ici.
- Mais comment saviez-vous que j'étais blessé et dans quel endroit de la pyramide me trouver ?
- Nous avons des yeux dans tous les endroits que nous avons construits. Il faut bien que nous protégions nos créations. Nous avons également vu la femme qui vous sert de chef avec deux autres personnes quitter la pyramide rapidement.
- Shepard ! Donc, elle va bien. C'est déjà ça. J'avais peur que les hommes de Petrovski les aient intercepté.
- Les hommes en questions ont utilisé le téléporteur pour sortir de la pyramide. Je ne sais comment ils ont réussi à l'activer, mais cela devait être accidentel, autrement ils seraient déjà là.
- Quoi ? Votre téléporteur peut leur permettre de rejoindre votre vaisseau ?
- Oui, mais il est sécurisé. Ils ont dû activer le mode d'urgence sans s'en apercevoir. C'est pour cela que nous avons besoin de vous. Il faut que vous récupériez ces objets. Il en va de la sécurité de l'univers.
- Heu, soit. Mais comment je fais, moi, pour retourner sur terre ?
- Je vais vous aider. Pour l'heure, prenez ceci, lui dit-il en lui tendant un petit appareil qui ressemblait fort à un ocarina. C'est un appareil de téléportation. Il vous permettra d'aller là où bon vous semble. Mais n'en abusez pas. Il vous servira également pour revenir sur ce vaisseau. Maintenant, suivez-moi.
Il lui fit signe de le suivre et tous deux quittèrent la pièce. Le couloir du vaisseau ne comportait que quelques écoutilles, çà et là, et le mur était recouvert d'une texture phosphorescente. Aucune fioriture n'était apparente. Ni inscriptions, ni dessins, rien qui puisse indiquer dans quel endroit du vaisseau l'on se trouvait. Le Trorien paraissait flotter au-dessus du sol, mais sa longue robe lui masquant les pieds, Kaidan n'aurait pu l'affirmer. D'ailleurs, se demanda-t-il pour lui-même, est-ce qu'ils avaient même des pieds ?. Après tout, il ne les avait jamais vu sans leur tunique. Il chassa rapidement cette idée idiote pour se reconcentrer sur son hôte. Comme lors de leur précédente rencontre, c'était sa taille qui l'impressionnait le plus. Mesurant plus de deux mètres, au bas mot, il possédait quatre doigts à chaque main. Il semblait d'une maigreur extrême, drapé comme il était dans sa robe foncée. Son capuchon jetait une ombre sur son visage, en dissimulant une grande partie. Seul les yeux étaient visibles distinctement et ceux-ci paraissaient plus larges que d'ordinaire. Mis à part ce détail, son allure lui faisait penser à un moine des temps anciens. Soudain, lui vint une question, toute bête, certes, et il s'en voulut de ne pas y avoir pensé avant. De quel genre était son espèce ? Les Asari étaient une espèce féminine, les Turiens, les Humains, les Galariens, pour ne citer qu'eux, étaient soit féminin, soit masculin. Mais les Troriens ? Qu'étaient-ils ? Il regarda attentivement l'être qui le précédait et en vint à la conclusion que peut-être, son espèce était principalement masculine. Ou peut-être qu'elle n'était ni l'une ni l'autre, ou les deux, comme les escargots. Cette pensée le fit sourire. Perdu dans ses réflexions, il ne vit pas son guide s'arrêter et le percuta quelque peu.
- Vous voyez cette colonne de lumière, au centre de la pièce ?
- Oui.
- Mettez-vous en son centre. Visualisez l'endroit où vous voulez vous rendre et elle vous y emmènera.
- Heu, d'accord !
Il se dirigea vers la source de lumière, mais arrivé devant, marqua un temps d'arrêt. Il regarda en arrière et vit son hôte lui faire un signe de tête. Il avala sa salive, ferma les yeux, prit une grande inspiration et fit un pas en avant, comme s'il s'apprêtait à sauter d'une falaise. Mais rien. Pas de sensation de chute, de vitesse, rien de tout ça. Il rouvrit les yeux et s'aperçut qu'il était à l'intérieur de la colonne. Tout autour de lui n'était qu'énergie pure. Il distinguait encore l'endroit d'où il venait, mais celui-ci était flou. Comme dans un rêve. Alors, il fit ce que lui avait dit le Trorien, ferma de nouveau les yeux et visualisa Shepard et le Normandy.
Un bruit le sortit de sa bulle. Il ouvrit les yeux et fut stupéfait, pas autant que ces coéquipiers, d'être de retour sur son vaisseau. Il regarda son poing qu'il tenait fermé depuis son départ, puis, l'ouvrant lentement, leur dévoila le mystérieux appareil.
