Aria T'Locke se prélassait dans son bain lorsque quelqu'un frappa à la porte. N'aimant pas être dérangée, elle pensa un instant à renvoyer ce cloporte qui osait l'importuner pendant son moment de détente puis se ravisa. Elle voulait d'abord entendre ce qu'il avait à dire avant d'entreprendre quoi que ce soit. Entrez !, dit-elle. Son homme de main et second, Krank, entrouvrit la porte, juste assez pour pouvoir parler à sa maîtresse sans pour autant la voir.
- Chef, excusez-moi de vous déranger mais nous venons de recevoir un message de Petrovsky.
La reine pirate se redressa. Après tout ce temps, ce dernier daignait enfin lui répondre. Attendez-moi dans mes quartiers. J'arrive dans une minute, lui dit-elle. Elle prit la serviette posée près de la baignoire, l'enroula autour d'elle et sortit de l'eau. Elle s'habilla rapidement puis se dirigea vers sa salle de réunion où l'attendait son second. Il faisait sombre, le faible éclairage ne permettant pas de distinguer tout ce qui se trouvait dans la pièce. Elle reconnut cependant l'immense silhouette de Krank, postée près d'un siège. Il la salua lors de son entrée et ne prit place qu'une fois Aria installée. Il appuya alors sur un bouton et l'hologramme de Petrovsky apparut au centre de la table. Son message raisonna dans toute la pièce.
- Aria T'loak, bonjour. Oleg Petrovsky. J'ai bien reçu votre message et je pense qu'il serait en effet opportun de faire front commun contre cette empêcheuse de tourner en rond. Quand pourrons-nous nous rencontrer ? Il y a également quelque chose dont je souhaiterai vous parler. Fixez une date et nous parlerons business.
Une fois le message terminé, le holo s'éteignit et la pénombre revint dans la pièce. Après quelques minutes de silence, Aria prit la parole.
- Bien, dit-elle. Il accepte de me rencontrer. Maintenant, essayons de trouver un terrain neutre, histoire qu'il n'essaie pas de m'entuber. Krank, tu viendras avec moi. Il me faudra quelqu'un pour couvrir mes arrières au cas où.
- Bien chef. Quand voulez-vous le rencontrer ?
- Eh bien, reprit-elle. Il n'habite pas la porte à côté. Mais le plus tôt sera le mieux. Notre navette est-elle opérationnelle ?
- Oui, madame. Les hommes viennent de finir son entretien. Nous pouvons la prendre dès maintenant, répondit le krogan.
- Vu l'heure qu'il est, j'attendrai demain. En attendant, va me faire à manger. Et un truc bon, pour une fois, dit-elle pour elle-même plus que pour son homme de main. Je te rejoins dès que j'ai terminé ici.
- Bien madame.
Sur ces mots, il se leva et quitta la pièce. Aria appuya sur le bouton de l'intercom et appela Pitney For. La ligne grésilla un moment puis le petit Volus apparut.
- Aria ? bégaya-t-il. Que me vaut cet honneur ? Je vous ai dit tout ce que je savais.
- Du calme, lâcha-t-elle prestement. J'ai besoin de joindre Petrovsky de toute urgence. Tu peux me trouver ses données personnelles ?
- Heu, bégaya-t-il, oui je peux vous les trouver. Il vous les faut pour quand ?
- Le plus vite possible. Et si ça peut t'aider à chercher plus vite, je veux bien te payer 1000 crédits.
- Vous m'en devez beaucoup plus, dit-il dans ses dents.
- Pardon ? Je n'ai pas bien entendu, lâcha-t-elle
- Je disais, bien sûr, Aria. Vous êtes si généreuse, comment ne pas vous rendre service rapidement ? déclara-t-il. L'espace d'un instant, il y eut un blanc, pendant lequel elle entendit le cliquetis des touches sur un clavier, puis la respiration sifflante du Volus se fit de nouveau entendre. J'ai trouvé, déclara-t-il. Je vous les envoie tout de suite.
- Merci. Ce sera tout, dit-elle en coupant net à la conversation.
Elle entra les coordonnées dans sa console et après un blanc de quelques secondes, l'hologramme de Petrovsky apparut enfin.
- Qui ose me déranger ainsi ? hurla-t-il, avant de se rendre compte à qui il avait affaire. Aria ? Co…comment vous avez…
- Assez de bavardage, lui répondit-elle d'un geste de la main. Vous vouliez me voir et bien c'est le cas.
- Je pensais plutôt à un entretien en face à face.
- Pour cela il aurait fallu me donner des coordonnées géographiques, dit-elle passablement énervée. Bon, reprit-elle plus calmement. Il nous faut un endroit neutre et vous devrez venir seul.
- Vous me croyez donc si naïf ? Ça pourrait être un piège ! Après tout, c'est vous qui avez insisté pour me voir, soi-disant pour combattre Shepard à vos côtés. Mais peut être que tout ceci n'était qu'un prétexte fallacieux pour pouvoir vous venger, dit-il calmement.
- Soit, dit-elle. Vous avez raison. Je vous tends peut être un piège. Mais pour le savoir, il faudrait qu'on se rencontre. Après tout, peut-être suis-je honnête avec vous. Imaginez si nous mettions nos forces en commun pour vaincre une ennemie commune ?, lâcha-t-elle. Et puis, il me semble, à en croire votre message, que vous vouliez aussi me demander quelque chose. Ce serait donnant donnant, comme vous dites ici. Alors Petrovsky, vous en pensez quoi ? Vous prenez le risque ?
Oleg Petrovsky réfléchit une seconde afin de peser le pour et le contre. Il devait bien admettre, qu'à eux deux, ils seraient plus fort et que si l'envie lui prenait de le doubler, elle le paierait de sa vie. Même s'il n'était pas chose aisée de supprimer une Asari aussi puissante que la reine pirate. Qu'à cela ne tienne, il était joueur et accepterait ce défi.
- C'est d'accord. Je vous envoie les coordonnées. L'endroit se situe dans le Dakota du Sud, au pied du mont Rushmore. Je vous attendrai demain après-midi. Ne soyez pas en retard. Et pas d'entourloupes, dit-il avant de couper net à la conversation.
Shepard faisait les cent pas. Tout le monde était présent à l'exception de James. Elle avait bien interrogé Liara à ce sujet, mais celle-ci n'en savait pas plus qu'elle. N'en pouvant plus d'attendre, elle décida de commencer la réunion sans lui.
- Bon, si je vous ai tous fait venir, c'est parce que nous avons des choses importantes à faire, commença Shepard. Comme vous pouvez le constater, le lieutenant-colonel Alenko nous a rejoint, grâce à un téléporteur. Ce serait une excellente découverte si Cerberus n'en possédait pas un également. Il va sans dire qu'il est extrêmement dangereux pour l'humanité et la galaxie toute entière qu'une telle organisation puisse se rendre où elle veut, quand elle le veut. Heureusement pour nous, pour le moment, ils ne savent pas l'utiliser. Mais il y a fort à parier que leurs scientifiques travaillent dessus sans relâche, nuit et jour. Et nous savons la pression que met Cerberus sur ses employés. Ce n'est donc qu'une question de temps avant qu'ils ne sachent l'utiliser. Il semblerait également, d'après les informations que lui ont donné les Trorien, qu'ils aient aussi dérobé un parchemin très ancien.
- Shepard, commença Garrus. Vous ne songez tout de même pas à prendre d'assaut la base de Cerberus ? On ne sait même pas où elle se trouve.
- Je peux la trouver. J'ai encore des informateurs efficaces, même si le réseau du Courtier n'est plus aussi étendue qu'avant, fit remarquer Liara.
- Ce ne sera pas nécessaire, lâcha James qui venait de faire irruption dans la pièce. Tout le monde se tourna vers lui, et Shepard lui lança un regard noir, qu'il ne lui connaissait pas. Du calme, Lola, j'ai une excellente raison d'être en retard, dit-il.
- J'espère James. Et cette raison, c'est…, déclara-t-elle, laissant sa phrase en suspens.
- J'ai une taupe chez Cerberus. Elle peut nous fournir les plans de la base si je lui demande. Et sa localisation. J'étais justement en train de communiquer avec elle.
- Je vois, dit Shepard. Je ne veux pas savoir comment ni pourquoi vous avez connaissance d'une taupe chez Cerberus mais je veux bien connaître son emplacement. Vous êtes sûr qu'on peut lui faire confiance ?
- Oui m'dam, répondit James calmement. Je vais la contacter de ce pas.
- Très bien, lui répondit-elle avant de se tourner vers les autres. Il nous faut mettre en place un plan d'action. Connaître l'emplacement de la base constitue la première étape. La deuxième est de savoir comment on va s'infiltrer et qui participera à l'action.
Tous se regardaient pour savoir qui leur chef allait choisir. Il est vrai que par le passé, rare étaient les missions où ils avaient tous participé. Et cela créait toujours un malaise au sein de l'équipe.
- Maintenant, le sujet qui fâche, ironisa Tali. Qui allez-vous prendre pour cette mission ?
- Je n'y ai pas encore réfléchi, avoua Shepard. Des volontaires ?
- Et pourquoi pas un tirage au sort ? demanda Kaidan, non sans humour.
- Attendons de voir ce que va nous dire James, et après on avisera, tenta timidement Tali. On ne connaît même pas la taille de la base. Si ça se trouve, on n'aura besoin de plus de trois personnes.
- La voix de la sagesse, répondit Garrus. Vous en pensez quoi Shepard ?
- Ce n'est pas une mauvaise idée. Attendons alors. Rompez ! leur dit-elle, avant que tous ne retournent vaquer à leurs occupations respectives.
Le Centre des Opérations d'Urgence du Mont Weather, où se terrait Oleg Petrovsky se trouvait près d'une petite ville de Virginie, dans les montagnes bleues. Il avait été créé par l'armée au XXème siècle pour servir de refuge aux membres du gouvernement en cas de catastrophe, dans le cadre du plan de continuité des opérations et avait notamment servi lors des attentats du 11 septembre 2001. Depuis, il n'avait été utilisé qu'en de rares occasions, comme pendant la guerre du premier contact ou plus récemment, lors de l'invasion des Moissonneurs. Véritable forteresse de pierres et de roches, ce complexe ne possédait pas moins de sept niveaux, tous gardés par un commando armé de Cerberus. C'est à ce dernier niveau que se trouvait le bureau de leur chef. Petrovsky en sortit passablement énervé et c'est à peine s'il salua les gardes qui couvraient l'ascenseur en y entrant. A cause de Sa majesté Aria, il était obligé de se taper 2400 km dans la journée de demain. Ah, si on m'avait dit que ma journée se finirait comme ça, songea-t-il. Au vu de l'heure qu'il était, il se dirigea vers le sixième niveau, là où se trouvait son appartement. Il demanda aux cuisines de lui préparer son repas et alla prendre une douche. Il avait prévu de se coucher tôt pour affronter sereinement la journée de demain.
Le personnel scientifique de la base étant rentré chez lui au cinquième niveau et les laboratoires du troisième étaient plongés dans le noir. Les gardes postés à l'entrée de l'ascenseur discutaient tranquillement, tout en visionnant un holo sur leur omnitech. Absorbés par leurs occupations, ils ne remarquèrent pas la silhouette qui se faufilait de bureau en bureau afin de ne pas attirer l'attention. Tel un chat, elle se déplaçait furtivement, longeant les murs pour ne pas se faire voir. Arrivée dans le quatrième bureau, et une fois certaine qu'ils ne pouvaient pas la voir, elle alluma un ordinateur et téléchargea des données. Une fois son méfait accomplie, elle l'éteignit. Alors qu'elle était sur le point de refaire le chemin dans le sens inverse, elle entendit quelque chose. L'un des gardes s'était mis en mouvement. Merde, se dit-elle, s'il vient par ici, je suis foutue. Parker va me le payer. Il m'avait assuré que les gardes ne faisaient pas de ronde, car trop sûrs d'eux. Enervée mais pas désespérée pour autant, elle se fit encore plus discrète. Elle entendit les pas se rapprocher, s'arrêter devant la porte du bureau puis repartir. Elle se rendit compte alors qu'elle avait arrêté de respirer et pris une profonde inspiration. En sortant de sa cachette, elle fit rouler par mégarde une chaise, qui alla percuter une armoire métallique. Cela eut pour conséquence de faire revenir le garde et elle alla de nouveau se cacher sous la table.
- Hé, t'as entendu ça ? demanda le type à son collègue, qui n'avait pas bougé de son poste.
- De quel bruit tu parles ?
- Ça venait de ce bureau ! Je te dis qu'il y a quelque chose de pas claire dans cette histoire, renchérit-il.
- Peut-être un rat. J'en ai vu un l'autre jour, il grignotait les restes dans une des poubelles des cuisines.
- Sérieux ? Et t'as rien dit ? Tu sais quels genres de maladies ça amènent les rats ? dit-il, profondément choqué.
Abasourdi parce qu'il venait d'entendre, il retourna à son poste de surveillance afin de continuer cette discussion avec son collègue. Soulagée, elle fit en sorte, cette fois, de ne toucher à rien et c'est en longeant les murs qu'elle retourna dans le premier bureau. Elle ouvrit alors la trappe qui menait au conduit d'aération et s'y faufila, au nez et à la barbe des gardes, qui ne s'étaient rendu compte de rien.
Après avoir rampé un moment au milieu des poussières et des saletés, elle réapparut au cinquième niveau, dans la cuisine de son appartement. James, dit-elle en regardant la boîte qui contenait les données, tu vas être fier de moi. Elle la déposa dans un placard secret puis alla prendre une douche. Elle enverrait les données plus tard. Sa journée était enfin terminée.
