Cet OS a été inspiré par l'excellent chapitre 3 du recueil À la mi-temps de Moira-chan que j'ai juste adoré !
Personnages : Iyo & Isagi/Kaiser
Thème : réfractaire
Seconde chance
Iyo attendait dans le salon, nerveuse. Yo-chan allait arriver d'une seconde à l'autre. Elle avait tellement hâte de le revoir. Malgré tout... malgré tout, elle appréhendait son retour. Une boule s'était formée dans son estomac depuis le moment où son fils lui avait demandé s'il pouvait ramener Kaiser à la maison. Tu comprends, il retourne bientôt en Allemagne et je veux en profiter avant qu'il ne s'en aille ! Et, à vrai dire, non, Iyo ne comprenait pas. Elle ne voyait vraiment pas ce que Yo-chan trouvait à ce garçon.
Quand elle l'avait vu pour la première fois, en visionnant l'application BLTV, elle l'avait pourtant trouvé plutôt mignon. Son look atypique avait attiré son attention. Elle avait commenté gaiement son tatouage et sa coupe de cheveux alors que son mari n'avait cessé de marmonner que, décidément, il ne comprenait rien aux nouvelles tendances. Elle avait même fait des recherches sur le Bastard München et avait cru comprendre que Michaël Kaiser était un grand joueur prometteur. Iyo s'était donc fait une joie de voir son fils dans la même équipe que lui.
Mais elle avait vite déchanté. Comment aurait-elle pu faire autrement alors que les images devenaient de plus en plus dur à regarder ? Elle avait beau ne rien y connaitre en foot, elle se rendait bien compte que ce Kaiser était dans le pur anti-jeu. Sans parler de toutes ces remarques désobligeantes envers son fils. Alors Iyo avait purement et simplement décidé de ne pas l'aimer. Ce n'était pourtant pas son genre, mais là, ce garçon était allé beaucoup trop loin !
Alors, pourquoi ? Pourquoi Yo-chan parlait-il de lui avec autant d'enthousiasme ? Pourquoi voulait-il le ramener à la maison ? Et pourquoi... pourquoi avait-il décidé de se mettre en couple avec lui ? Iyo s'était toujours promis de soutenir son fils dans ses choix, mais là... elle ne pouvait s'empêcher d'être réfractaire à sa relation avec Kaiser.
Ses réflexions tournaient toujours en boucle dans son esprit lorsqu'elle entendit la porte d'entrée s'ouvrir. Elle sursauta et se redressa aussitôt.
« On est là, maman ! »
La voix de Yo-chan résonna dans le hall. Iyo se tendit lorsqu'elle entendit une deuxième voix à ses côtés, sans comprendre un seul mot de ce qu'elle disait.
« Attends, Mika ! Il faut retirer tes chaussures. Tiens, tu peux mettre ça. »
Il y eut des bruits de mouvements dans le hall, puis son fils entra dans son champ de vision avec un grand sourire. Derrière lui, Kaiser semblait parfaitement détendu, comme s'il était chez lui. Iyo tiqua intérieurement, mais tâcha de ne rien dire.
« Bonjour Yo-chan, bienvenue à la maison ! Bonjour Kaiser. »
Elle essaya de mettre autant de joie dans sa voix en saluant le jeune garçon, mais elle n'y parvint pas. La froideur teintait affreusement ses mots. Face à elle, Kaiser se pencha légèrement.
« Enchanté de vous rencontrer », lui lança-t-il en japonais.
Il se tourna ensuite vers Yo-chan, comme pour avoir son approbation. Yo-chan leva aussitôt son pouce en l'air et Kaiser afficha un doux sourire.
« Tiens, maman, j'ai demandé à Reo s'il pouvait m'en donner un autre. »
Il lui tendit une sorte d'oreillette qu'Iyo prit d'un geste hésitant.
« Qu'est-ce que c'est ?
—C'est un traducteur automatique. Il est déjà réglé sur l'allemand. Comme ça, tu pourras comprendre Mika.
—Oh... Je vois... C'est bien... »
Elle balança légèrement son bras, sans trop savoir quoi faire. La politesse aurait voulu qu'elle le mette directement dans son oreille bien sûr et qu'elle entame une conversation avec Kaiser, mais... mais elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas lui parler sans faire part de sa désapprobation. Le mieux qu'elle pouvait faire, c'était donc de s'effacer et de les laisser profiter à deux sans intervenir.
« Je n'ai pas le temps maintenant, poursuivit-elle alors d'un ton trop froid à son goût. Je dois absolument faire les courses avant ce soir. Une autre fois peut-être. »
Sa phrase n'eut pas l'effet escompté. Le sourire de Yo-chan glissa de son visage, mais ce fut surtout la réaction de Kaiser qui la marqua. Le regard de ce dernier se troubla directement à ses mots. Il leva ensuite l'une de ses mains sur le tatouage qui ornait son cou et se mit à le masser, dans un geste qui semblait inconscient. Ses yeux se détournèrent d'elle. Soudain, il lui parut plus petit et beaucoup moins assuré que ce qu'elle avait perçu jusqu'ici. Yo-chan posa une main sur son épaule.
« Eh... Et si tu allais voir ma chambre ? Je suis sûr que tu meures d'envie de critiquer mes posters de Noa. C'est la première porte à droite à l'étage. »
Kaiser le regarda un moment, mais il finit par acquiescer. Il s'en alla ensuite, sans lui jeter le moindre regard. Lorsqu'il entendit la porte de sa chambre se refermer, Yo-chan se tourna vers sa mère, les sourcils froncés.
« Qu'est-ce qui se passe ?
—Je... Je suis désolée, Yo-chan..., lui répondit-elle alors que la culpabilité l'envahissait. Je ne voulais pas le blesser, c'est juste que... Je ne m'attendais pas à ce que tu veuilles l'inviter à la maison. »
Elle soupira tout en jouant nerveusement avec ses mains. Elle n'avait jamais eu de réel conflit avec son fils jusqu'ici et elle ne voulait surtout pas commencer maintenant.
« Je croyais que mon homosexualité ne te posait pas de problème...
—Quoi ? Non ! Bien sûr que non ! répliqua-t-elle aussitôt, effarée que son fils puisse penser ça. Je n'ai aucun souci là-dessus, tu as le droit d'aimer qui tu veux !
—Alors, c'est son tatouage ? Tu sais, c'est très fréquent d'en avoir en Europe. Ça n'a rien à voir avec le Japon.
—Je sais. Et j'aime beaucoup son tatouage, ça lui va très bien. »
Son fils le regarda avec surprise, ne s'attendant clairement pas à cette réponse.
« Mais... quel est le problème alors ? Je ne comprends pas ta réaction... »
Iyo resta silencieuse un moment. C'est vrai... Elle-même ne se reconnaissait pas. Elle s'était toujours montrée bienveillante et accueillante envers tout le monde. Mais là...
Elle prit les mains de son fils et les serra avec douceur.
« J'ai regardé toutes les émissions sur toi, tu sais... J'ai vu la façon dont il te traitait. Quand le championnat s'est terminé, j'étais contente que tu n'aies plus à le côtoyer. Et voilà que tu le ramènes carrément à la maison... Il t'a intimidé, Yo-chan !
—Oh... »
Yo-chan la fixa un moment, avant de soupirer.
« Je sais, maman. C'était un vrai enfoiré quand il est arrivé à Blue Lock. Il l'est toujours, à vrai dire, mais... il est plus que ça. J'ai appris à le connaitre et je l'aime sincèrement. En plus, je ne peux pas dire que j'ai été un ange avec lui, non plus. »
Iyo l'écouta, étonnée par sa dernière confession.
« J'aimerais juste que tu lui donnes une deuxième chance, comme je l'ai fait. »
Yo-chan lui lança un regard peiné et Iyo s'en voulut aussitôt.
« Je sais qu'il n'en a pas l'air, mais il n'est pas aussi sûr de lui qu'il aime le prétendre, poursuivit-il. S'il te plait, ne le rejette pas directement... »
Les mots de son fils la frappèrent de plein fouet.
« Je... oui... D'accord. Je ne le rejetterais pas, promis.
—Merci. »
Yo-chan lui sourit, soulagé. Puis, il monta à son tour dans sa chambre pour rejoindre son petit ami. Iyo, quant à elle, resta un moment immobile, avant de se forcer à se ressaisir. Yo-chan avait raison ! S'il avait décidé de passer à autre chose, elle devait en faire de même. Après tout, ce n'était pas à elle de critiquer leur relation et elle avait confiance dans le jugement de son fils. Mais comment faire pour rattraper le coup ? Soudain, elle eut une idée. Elle sourit et elle sortit alors de la maison en quatrième vitesse.
Après avoir passé un long moment à débattre pour savoir quel était le pire match de Noa, Michaël s'approcha d'une étagère et regarda la figurine du "meilleur attaquant au monde" avec un mépris qu'il eut du mal à cacher.
« Tu sais qu'ils vont en faire une de moi ? se vanta-t-il. Je te l'enverrai quand elle sortira.
—Deux Kaiser dans ma vie, ça en fait au moins un de trop », répliqua Yoichi d'un ton moqueur.
Michaël rigola doucement, avant de revenir sur le lit. Sans hésiter, il posa sa tête sur les genoux de son petit ami. Il faisait comme si de rien n'était, comme si ça ne l'atteignait pas, mais... mais, en vérité, il ne se sentait pas bien. Il avait été si nerveux à l'idée de rencontrer les parents de Yoichi. Lui qui avait grandi sans adulte de confiance à ses côtés, il avait tant voulu faire bonne impression. Il s'était même entrainé d'innombrables fois pour prononcer parfaitement ses salutations en japonais. Mais rien n'y avait fait. La froideur de la mère de Yoichi avait été plus que palpable. Et maintenant... maintenant, il ne savait plus quoi faire.
« Tu veux qu'on fasse les magasins demain ? lui demanda Yoichi tout en se mettant à caresser ses cheveux.
—Ouais... ce serait sympa. »
S'éloigner de cette maison, ce serait sans doute l'idéal. Et peut-être que-
« Les garçons ? »
La voix d'Iyo s'éleva soudain de l'autre côté de la porte, les faisant tous les deux sursauter.
« J'ai préparé le goûter. Vous pouvez descendre quand vous voulez. »
Michaël échangea un regard avec Yoichi. En toute honnêteté, il n'avait pas envie de descendre. Il ne voulait plus se confronter à la mère de Yoichi. Mais ce dernier lui sourit en lui prenant la main.
« J'ai super faim ! On y va ?
—... Si tu y tiens. »
Alors qu'ils se dirigeaient vers la porte, Yoichi lui glissa :
« Ne t'en fais pas. Ma mère est gentille. Ça va aller. »
Michaël haussa les sourcils. Euh... Il avait déjà oublié ce qui s'était passé tout à l'heure ? Enfin... Il n'avait pas envie d'en discuter, encore moins de se disputer avec Yoichi alors qu'il ne leur restait pas beaucoup de jours ensemble. Ils descendirent donc en silence dans la salle à manger.
L'odeur de pomme frappa Michaël dès qu'il pénétra dans la pièce. Il ouvrit grand les yeux lorsqu'il réalisa ce qui était posé sur la table.
« Euh... Qu'est-ce que c'est ? demanda Yoichi d'un ton curieux.
—Hmm c'est un dessert allemand. Un... apfelstrudel ? Je ne sais pas si je le prononce bien. »
Son regard se tourna vers Michaël avec bienveillance. Il remarqua à ce moment-là qu'elle portait l'oreillette. Le soulagement et la joie l'envahirent aussitôt.
« C'est bien ça, oui. »
Il n'en revenait pas... Elle s'était réellement renseignée sur les spécialités culinaires de son pays... ?
« J'espère que ce sera bon, ajouta Iyo avec douceur. C'est la première fois que j'en fais. »
Et en plus, elle l'avait fait elle-même... Michaël sentit son coeur se mettre à battre très fort contre sa poitrine. Yoichi avait raison. Sa mère était vraiment gentille.
« J'en suis sûr, lui répondit-il alors. Ça a la même odeur que chez moi. Ce sera parfait, assurément. »
Iyo sourit à ses mots. Ils étaient partis du mauvais pied, mais son fils avait raison. Michaël Kaiser méritait bien une seconde chance...
