OMG OMG OMG OMG ! Ils ont patché la fin !
Enfin, un vrai point final. Je ne ferai pas de spoiler mais, fuck, comment ça fait plaisir ! J'avais une banane large comme ça tout le long de l'épilogue, je n'en pouvais plus. Je suis tellement contente d'avoir pu sauvegarder pas loin de la fin pour vivre cet épilogue de malade. MERCI LARIAN, z'êtes top !
Journal des reviewers :
Seulie : J'aime beaucoup Halsin aussi (et ça se devine vu ce que j'en... enfin, vu ce qu'en dit Silesta). Je me suis permise de le chopper quand il s'est déclaré dans ma run (après tout, Astarion est OK et son imitation de Halsin m'a tuée XD), il a un côté adorable, le daddy Halsin (et quelle fougue!). Si je n'avais pas autant à faire, je l'aurais inclus sur le long terme dans cette fic. Hélas...
A défaut, je ferai revenir notre Raphou le magnifique. Je prends grand plaisir à le retranscrire lui aussi, il pète de charisme.
Liline37 : Ha ha, pas mal effectivement le bug, très bon timing lol. J'en ai eu un aussi dans les cut-scene de LR mais je m'en suis pas plainte : j'ai eu deux fois le gros câlin avec Astarion XD J'étais super étonnée de voir une suite après le dialogue « Here's my little treat ». J'étais... « Ah... Oh. Ben... D'accord » O.o
Pour le erhu, c'est très égoïste, c'est juste un instrument que j'aime particulièrement. Après, la chanson existe vraiment mais elle n'est pas jouée avec un erhu. Du coup, je te renvoie vers une vraie mélodie qui pourrait te donner une idée de ce que jouerait Silesta : "To Love's End - Inuyasha" reprise par Eliott Tordo Erhu sur YouTubemusic (je sais que tu connais déjà ce manga génial et cette mélodie au erhu est juste sublime)
Bon, on y est, non ? J'espère ne pas décevoir.
CHAPITRE XIV – LE FEU QUI NOUS ANIME
Nos aventuriers poursuivirent leur chemin vers le bosquet des druides sans autre encombre, à croire que les dieux les avaient pris en pitié après tout ce qu'ils avaient déjà dû traverser. L'épisode avec Raphaël demeurait dans les esprits bien qu'il eût été décidé d'un accord commun de ne pas se pencher sur cette option. Dans leur malheur, ils avaient la chance de jouir de la protection de l'artefact d'Ombrecoeur, l'offre du diable n'avait donc aucune raison d'être envisagée pour l'instant.
À côté de cela, Silesta ne pouvait s'empêcher de repenser à l'aide proposée concernant son amnésie et elle s'en voulait de ne pas l'ignorer. Elle pensait ce qu'elle avait dit à propos de l'absence de fiabilité des diables et pourtant, ceux-ci avaient l'art et la manière de déposer le petit grain de sable dans la machine qui permettait d'enrailler la mécanique. Silesta mentirait si elle prétendait ne pas vouloir savoir pourquoi sa mémoire restait figée et la récupérer une bonne fois pour toute. Cela la chagrinait de l'avouer mais elle devait sans doute se faire une raison : elle ne retrouverait probablement jamais ses souvenirs, elle devrait donc aller de l'avant et se contenter de s'en créer des nouveaux. Et quels nouveaux souvenirs était-elle en train d'accumuler avec ce groupe aussi hétéroclite que fascinant. Vivrait-elle des moments aussi vibrants sur une scène avec ses bolas ? L'appréhension et le doute ne la quittaient pas, non. Néanmoins elle se disait que ce qu'elle avait partagé jusqu'ici avec ses camarades d'infortune constituait une bonne base pour se laisser aller à plus de confiance en l'avenir. Ils veilleraient les uns sur les autres.
Les heures filèrent au gré de leur marche et des conversations plus ou moins légères qui survenaient de temps à autre. La plus loufoque qui avait duré plus longtemps qu'elle ne l'aurait espéré avait été lancée par Silesta qui discutait de métamorphose avec Gayle : si chacun d'entre eux devait être changé en animal selon son caractère ou son apparence, qui aurait été quoi ? Le débat avait enflammé l'assistance : Gayle aurait bien vu en Ombrecoeur une belle chouette au plumage sombre, l'animal nocturne et discret par excellence à l'aura mystérieuse et insondable, ce que la prêtresse jugea plutôt bien approprié. Concernant le magicien, l'exercice fut plus ardu et se dirigea après de longues réflexions plus ou moins assertives vers un cerf, par rapport à la confiance noble qu'il dégageait. Enfin on frôla la catastrophe diplomatique lorsqu'Astarion voulut se prêter au jeu pour Lae'zel. Il était inutile de chercher bien loin : il suffisait de la regarder deux secondes pour savoir qu'elle avait déjà tout d'un batraci...
« Pour Astarion, c'est tellement évident : un chat angora blanc, coupa précipitamment Silesta, très fière de sa trouvaille mais avec un grand coup de coude dans les côtes du concerné pour lui sauver la vie. Je le vois de façon si nette, en train de balancer la queue négligemment et à vous toiser de toute sa splendeur comme pour vous dire d'un air ennuyé « Quoi ? » »
La grimace hautaine qu'elle ajouta à son « Quoi ? » appuyée d'une voix maniérée sonnèrent si justes qu'elle en amusa ses compagnons – même Lae'zel, bien qu'il fallût y faire très attention.
« Je ne me vexerai pas, affirma le vampire, beau joueur. Ça me va très bien. Les chats sont de nobles animaux.
_ Et moi ? quémanda Silesta avec énergie et curiosité. Je serais quoi ?
_ Un écureuil, tranchèrent quatre voix à l'unisson.
_ Le roux de vos cheveux, commença Lae'zel.
_ Vous amassez l'argent comme il amasse les noisettes, poursuivit Ombrecoeur.
_ Et vous bondissez partout, acheva Astarion. C'en est parfois épuisant. »
Court silence avant que la jeune femme n'éclate de rire. Plus que le comparatif, c'était cette drôle d'unité commune entre ses compagnons qui la touchait plus qu'autre chose. Sa bonne humeur et la légèreté de l'instant furent contagieux pour les autres qui s'autorisèrent à se détendre un peu. Depuis le début de leur périple, ils n'avaient guère eu l'occasion de baisser la garde. Cette courte parenthèse d'insouciance leur fit du bien.
La fin d'après-midi venait d'apparaître sans crier gare, tout comme les murailles fortifiées du Bosquet d'Émeraude. Discuter pendant le trajet pouvait être une très bonne chose pour briser la monotonie et passer le temps. Lorsque le groupe approcha de la porte de pierre, les sentinelles tieffelines postées dans les hauteurs les reconnurent aussitôt.
« Ce sont eux ! Ouvrez les portes ! Ouvrez les portes ! Prévenez Zevlor et maître Halsin ! » entendirent-ils claironner avec joie.
La pierre racla alors qu'elle s'élevait devant eux, dévoilant une foule de tieffelins en allégresse qui les accueillit de mille clameurs. Les aventuriers se frayèrent un chemin dans la marée de personnes qui voulaient leur serrer la main ou les gratifier de tapes reconnaissantes sur l'épaule ou dans le dos. Une petite fille vint même déposer une couronne tressée de fleurs dans les cheveux de Silesta. Partout autour d'eux ne résonnaient que des remerciements et des acclamations de joie. Silesta se laissa happer par leur bonheur, trop heureuse de savoir qu'ils ne craindraient plus rien.
Enfin Zevlor parvint à les rejoindre après quelques zigzags dans la foule, lui aussi soulagé.
« Mes amis, aucun mot ne sera assez fort pour vous exprimer notre reconnaissance. Grâce à vous, notre peuple pourra reprendre la route en toute quiétude. Je vous remercie infiniment, dit le tieffelin avant de leur tendre une petite cassette. Nous n'avons pas grand chose, mais veuillez accepter ce modeste...
_ Gardez-le, refusa Gayle humblement. Vous en aurez plus besoin que nous.
_ Euh... D'accord, l'argent ne fait pas le bonheur, mais de quelle somme parle-t-on, exactement ? »
Court silence et œillade en coin sur l'écureuil de la bande.
« Je plaisantais, s'excusa Silesta avec un geste désolé de la main. Je suis sincèrement heureuse pour les vôtres, Zevlor. Vous êtes libérés du spectre du rituel.
_ En effet. Halsin a fait passer un sale quart d'heure à Kagha quand il est revenu. Je mentirais si je disais que je n'ai pas apprécié ce moment.»
La jeune femme rousse eut aussi un léger rictus satisfait. Elle aurait payé cher pour assister à cela. Elle fut frustrée d'apprendre plus tard que Halsin n'avait fait que rétrograder Kagha au grade de novice au lieu de la bannir car cette punition était à son goût bien trop douce pour cette horrible druidesse. Hélas, le maître véritable des lieux avait tranché, elle devait s'en remettre à son jugement. Cela ne fit que renforcer la bonne opinion que Silesta avait en leur hôte. Sa noblesse d'âme n'était donc pas qu'une impression.
Justement, quand on parlait de l'ours, on en voyait la carrure. Halsin rejoignit les arrivants et les salua d'une main sur le cœur. À la lumière naturelle du jour, il paraissait encore plus grand et massif que lors de leur première rencontre.
« Heureux de vous revoir sains et saufs, sourit-il à leur attention. Comment avez-vous fui ?
_ Un chemin secondaire pour éviter le reste du camp, répondit Ombrecoeur. Méfiez-vous, ils sont encore nombreux.
_ Sans chef, ils représentent une moindre menace. Nous resterons tout de même vigilants.
_ Et concernant les informations que vous aviez pour nous ? » rappela Lae'zel qui restait fixée sur son objectif.
Halsin la rassura : il n'avait pas oublié ce qu'il leur avait promis au camp. Mais après tous leurs efforts, ils méritaient bien de se reposer un peu.
« Les tieffelins ont prévu de partir dès demain pour se rendre à la Porte de Baldur. Avant cela, nous souhaitions organiser ce soir une petite fête en votre honneur. Déposez un instant votre fardeau et profitez d'un moment d'insouciance, vous l'avez amplement mérité. Je vous donnerai tous les détails de notre affaire demain matin, si cela vous convient. »
Les aventuriers se consultèrent d'un regard. Après tout, décompresser réellement une nuit et dans un lieu en sécurité sans ennemis ne pourrait que leur faire du bien. Ils acceptèrent l'invitation avec plaisir, à la grande joie de Zevlor et Halsin qui les convièrent au coucher du soleil pour le début des réjouissances.
Après leur départ, Silesta fut alpaguée par une petite troupe d'enfants tieffelins qui tiraient sur sa manche. Un garçon aux cheveux lavande épars la dévisageait avec attention.
« Merci de nous avoir aidés, mademoiselle. Vous êtes une barde ?
_ Je suis mieux que ça, répondit-elle avec un clin d'œil. Je suis une artiste.
_ Je me souviens de toi, marmonna Astarion en croisant les bras face au gosse. Tu avais essayé de m'arnaquer avec ta camelote la dernière fois. Mattis, c'est ça ?
_ Hé ! C'est vous qui m'avez arnaqué avec votre tour de passe-passe ! Vous m'avez volé mon anneau !
_ Vous n'avez pas fait ça ? morigéna Silesta avec de gros yeux au roublard. C'est un enfant.
_ Passer pour bon et ne pas l'être est la pire des escroqueries, se défendit le gredin sans le moindre remord. Je lui ai donné une leçon d'aîné à novice. »
Elle abandonna et roula des yeux ; il n'y avait qu'Astarion pour se permettre ce genre de choses. Quoiqu'il fallait reconnaître que cet enfant s'était frotté à plus fort que lui, il l'avait appris à ses dépens. Un peu mal à l'aise malgré tout que son acolyte se fût mal comporté, Silesta s'excusa auprès de Mattis qui secoua la tête en souriant, loin d'être vexé.
« J'ai plein d'anneaux en stock, je voudrais vous en offrir un pour vous remercier. Quelle est votre couleur préférée ?
_ J'aime toutes les couleurs de la plume de paon, ça te va ? »
Mattis farfouilla dans ses poches et finit par faire la moue ; hélas, aucun de ses biens n'avait de pierre dans ces tons. La jeune femme sourit et lui répondit que ce n'était pas grave. L'attention la touchait déjà beaucoup. L'enfant les salua une dernière fois puis repartit avec ses amis, très excités par la perspective de la fête. Il n'était pas le seul.
Quand elle se retourna, Silesta vit qu'Astarion avait déjà mis les voiles ailleurs. Cela ne l'étonna pas plus que ça, elle se doutait très bien qu'il n'aimait pas les effusions de bon sentiments. Qu'importe. Elle comptait bien profiter des prochaines heures.
Elle n'eut d'ailleurs pas à aller très loin car une autre tieffeline était venue à sa rencontre. Cette pétillante jeune femme aux cheveux violines méchés de rose et répondant au nom d'Alfira était une barde qui avait remarqué le erhu que Silesta transportait et n'avait pu s'empêcher de l'aborder. Les deux musiciennes passèrent un long moment ensemble, échangeant sur leurs talents artistiques respectifs. Alfira donna quelques conseils de solfège à sa presque consœur, bien que son domaine de prédilection musical était le luth. Silesta savoura cette bulle colorée en poussant même jusqu'à essayer un duo avec la tieffeline, loin de toute l'agitation du bosquet. Elle se rendit compte que cela lui manquait de rire et parler de façon aussi insouciante depuis le crash. Cela lui faisait un bien fou.
Le soir prit petit à petit ses quartiers au ronronnement d'effervescence qui faisait frémir tout le Bosquet d'Émeraude. Des torches agrémentées de quelques lampions colorés furent dressées partout dans la grotte pendant que de délicieuses odeurs de nourriture embaumaient l'air. Le murmure des conversations n'avait plus du tout le même ton que la première fois. C'était à présent des rires et des intonations joyeuses, parfois quelques chansons, qui s'élevaient dans les hauteurs. Les tables furent dressées de mets qui, bien que simples, n'avaient rien à envier au luxe du festin de Raphaël et les bancs de fortune se remplirent vite de convives. Le vin et autres boissons enivrantes remplirent gobelets, verres et chopines qui s'entrechoquaient dans un joyeux tintinnabulement continu tandis que les plats circulaient d'un bout à l'autre des tables.
Assis à la table principale près de Halsin, les hôtes de la soirée trinquèrent à leur succès et firent honneur au banquet servi en leur honneur. Ça changeait de la cuisine du campement faite à la va-vite en plus d'être délicieux ! Des cinq invités, Silesta était celle qui pétillait le plus. Les couleurs, les visages réjouis, la nuit qui s'invitait entre les lumières, tout cela mettait son cœur en joie. Elle en avait mal aux zygomatiques tellement elle souriait.
Après le repas, les sons de lyre, tambour, flûte et vielle commencèrent à s'élever au-dessus des conversations dans une mélodie joyeuse et entraînante. Des druides et tieffelins quittèrent leur siège pour s'adonner à quelques pas de danse en riant ou en tapant des mains en rythme. Silesta se tendit comme un arc, ses chevilles trépignaient d'impatience sous la table.
« Allez-y », l'encouragea Gayle à sa gauche avec malice. Il sourit, amusé par l'air mi-gêné, mi-hésitant qu'elle lui retourna. « Ne vous faites pas prier. Vous en mourrez d'envie. »
La saltimbanque ne se le fit pas répéter deux fois. Elle sauta de son banc et accourut au milieu du carré formé par les tables.
« Ignis ! »
Dragonnes en main, Silesta amorça le mouvement de ses bras et l'amplifia pour faire danser la pluie de feu autour d'elle. Des exclamations émerveillées s'élevèrent. Gayle fit un mouvement discret des doigts vers la jeune femme.
« Omnia mutatio. »
Une volute de poussière brillante flotta doucement jusqu'à Silesta et se posa sur elle, transformant ses vêtements en un nouveau costume de scène bien plus à propos pour l'occasion. Sa chemise corsetée était devenue brassière sertie de breloques brillantes et son pantalon de toile, à présent plus large et légèrement bouffant aux chevilles s'était paré d'une sorte de demi-robe ample qui tournoyait dans le dos. Le tissu moiré aux couleurs iridescentes variant du bleu canard au vert mousse se mariait parfaitement à la tiare en plumes de paon qui cerclait les cheveux cuivrés de la danseuse. À la découverte de cette magnifique surprise, le sourire de Silesta s'agrandit et sa danse de feu tourbillonna de plus belle.
« N'est-ce pas un peu trop ? fit remarquer Astarion au magicien.
_ Regardez-la, elle n'a jamais été aussi rayonnante. Accordez-lui ce moment. Elle en a besoin. »
Le vampire s'autorisa un moment de contemplation et eut à se rendre à l'évidence que Gayle était dans le vrai. Jamais l'elfe ne l'avait vue avec visage si radieux. Ses gestes étaient francs et gracieux, ses pas s'adaptaient parfaitement au rythme changeant de la musique. Elle flottait presque au-dessus du sol alors qu'une gerbe d'étincelles la frôlait dans des cercles toujours plus serrés avant de s'alanguir avec plus d'amplitude. Les exclamations de joie et d'admiration du public la galvanisaient d'une énergie si redoutable qu'elle en avait capturé l'attention totale de l'elfe. Il posa son menton dans sa main. Le spectacle était loin d'être des plus désagréables, il fallait se l'avouer. Peut-être était-ce le bon moment... ?
Loin dans sa bulle, Silesta se sentait pleinement vivante et elle-même. Elle vivait pour ça, pour cet instant entre elle, son art et ceux qui la regardaient faire. Elle vivait pour faire sourire les gens. C'était à peine si elle avait conscience de son propre corps et de ses mouvements tant elle se laissait transporter par eux et la musique. Elle en oublia tout autour d'elle. Elle voulait que jamais ce moment ne se termine.
La danseuse ignora combien de temps elle s'abandonna et ni le tournis, ni la raideur dans ses bras et encore moins le feu qui enflammait ses joues ne la feraient se départir de l'adrénaline bienfaisante qui courait en elle comme un fleuve impétueux. Elle aurait tenu toute la nuit s'il fallait ! Le souffle court et le cœur faisant des bonds de cabri dans sa cage thoracique, Silesta salua la foule après une dernière danse et quitta la scène de fortune dans une cabriole élégante. Quand elle approcha de sa table pour se désaltérer, elle rencontra Astarion qui était parti chercher de quoi boire.
« Quelle énergie, lui sourit le vampire d'un air affable. C'était très divertissant.
_ Merci. Vous en revanche, vous semblez moins dans votre élément. »
En effet, elle avait eu le temps d'entrevoir le fin voile en demi-teinte sur son visage avant qu'il ne la salue. Astarion confirma sans détour : jouer les héros n'était pas dans ses habitudes et être le centre des célébrations l'était encore moins. Il but une gorgée de la bouteille qu'il tenait et grimaça.
« Je déteste ça. C'est affreux. »
Silesta haussa un sourcil. Parlait-il de son nouveau statut de sauveur ou du vin ? Elle trouvait dommage qu'il ne s'amuse pas alors qu'elle était encore sur son nuage. Elle voulut lui remonter le moral :
« Vous exagérez, ce n'est pas si terrible. Pensez à tous ces gobelins que l'on a vaincus. Avec ou sans éléments du décor.
_ C'est vrai. C'était drôle, reconnut-il avec un sourire de connivence avant de se renfrogner un peu. Cependant, eu égard à ma peine, j'aurais préféré avoir plus qu'une tape sur l'épaule et du vinaigre en guise de vin.
_ Oui, j'ai cru comprendre que vous étiez plus du genre à aimer les ambiances gobelines. »
Silesta n'en avait pas oublié cet air rêveur chez leurs ennemis. L'elfe n'en démordit pas : tout ce qu'il voulait, c'était quelque chose de plus distrayant ou d'amusant. Son interlocutrice fut intriguée par l'espièglerie qui étincelait dans ses yeux rubis ; elle reconnut son regard joueur. La curiosité lui brûlait les lèvres.
« Et à quoi songez-vous exactement ? »
Astarion leva les yeux au ciel.
« Par les dieux, je parle de sexe, très chère. Une folle nuit d'amour, exposa-t-il d'une voix profonde. Attendons que l'effervescence de la fête ne retombe et quand tout le monde sera endormi, nous pourrons nous retrouver. »
C'était comme si le bouton « pause » de sa télécommande vitale avait été appuyé. Silesta entendait et comprenait très distinctement chaque mot prononcé et pourtant, ses synapses avaient formé une boucle des plus insolites : au-delà de cette proposition plus que cavalière, la seule pensée incongrue qui matraquait son cerveau affolé était : avait-elle déjà eu l'occasion de se lier ainsi à un homme ?!
Au premier abord interloqué par le silence paralysé de son interlocutrice, Astarion étira à son tour le fil de sa réflexion... qui prit une direction légèrement détournée. Il retint un rire dans sa paume.
« Oh ! Vous êtes... ? Enfin, vous n'avez jamais... ? Oh ! Oh, ma douce, tendre amie. Ceci est à la fois amusant, désolant et... délicieusement séduisant. De toutes les aberrations sexuelles, la chasteté est la pire. Ce serait pour moi un plaisir de...
_ Je vous saurai gré de ne pas être aussi sûr de vous ! rugit la danseuse mortifiée, le visage écarlate de honte.
_ Bien sûr, s'excusa-t-il en reprenant sa contenance charmeuse. Il serait fort dommage qu'une telle splendeur de feu aussi agile de ses courbes n'eût jamais eu à s'en servir dans la chaleur d'une étreinte. Dans le cas contraire, sait-on jamais, vous ne soupireriez pas sous meilleure peau que la mienne. »
La boucle infinie dans sa tête se brisa et laissa la place au tambourinement furieux de son cœur. Non. Elle ne devait pas se focaliser sur cet imperceptible petit sourire de défi bien caché derrière ce visage tendre, elle savait comment ça allait finir. Ne pas se faire avoir. Elle savait et pourtant...
« Très bien. Je vous retrouve plus tard.
_ J'espère bien. À plus tard », susurra-t-il avant de la laisser.
La réalité reprit ses droits et tout son sang retomba dans ses chevilles d'un seul coup, ne lui léguant qu'un étourdissement figé. Qu'est-ce qu'elle venait de faire ?
Silesta regagna mollement son siège, plus portée par des papillons dans le ventre que ses pieds. Elle se laissa presque choir sur un banc et un léger rire alla la distraire de sa rêverie.
« On dirait que la soirée n'est pas encore finie pour vous, s'amusa Ombrecoeur, l'œil complice.
_ C-Comment savez-vous ? » bondit la jeune femme rousse, les joues en feu.
Ce n'était pas bien compliqué : Astarion n'était visiblement pas le genre d'homme à prendre des détours – surtout pour ce genre de sujet – et un peu d'observation de langage corporel suffisait bien assez. De plus, il fallait être aveugle pour ne pas voir que les deux challengers se tournaient autour depuis un moment.
« Tout va bien, tempéra la prêtresse en remplissant son verre de liquide ambré. Nous sommes des êtres pétris d'envies et de désirs, il n'y a rien de mal à vouloir prendre du bon temps. Et puis, ce soir n'est-il pas le meilleur soir pour ça ? »
Silesta se trouva un instant naïve de s'étonner qu'une prêtresse pût lui tenir ce genre de propos mais le fait qu'Ombrecoeur lui apporte une forme de soutien la touchait beaucoup.
« Vous voulez une petite bénédiction d'assistance pour vous aider ? offrit la brune avec une once de moquerie.
_ Vous pensez que c'est nécessaire ? »
La demi-elfe haussa les épaules. Pour elle, Astarion incarnait ce que décrivait une expression qu'elle affectionnait beaucoup : la femme aime rarement et beaucoup, l'homme aime souvent et peu. Cela étant, si l'on passait outre cela, la nuit promettait d'être des plus délicieuses.
« Tenez, incita-t-elle en tendant son verre à Silesta. Ce n'est pas très fort, juste ce qu'il faut pour surmonter la nervosité. »
Sa camarade descendit le verre d'une traite ; autant mettre tous les avantages de son côté. La douce chaleur de l'alcool fit son petit effet yoyo et aussitôt, une partie de sa tension retomba, lui permettant de voir à la table d'en face Gayle qui porta silencieusement un toast à la santé de la danseuse quand leurs yeux se rencontrèrent. Silesta sourit doucement et l'imita à son tour. Elle se sentit coupable de rêvasser des prochaines heures alors qu'elle savait que le magicien était contrarié par quelque chose. Elle espéra ardemment que son visage reflétait davantage sa reconnaissance que sa gêne.
« Merci, Gayle. »
Les festivités se poursuivirent jusque tard dans la nuit avant de s'éteindre comme un feu de cheminée s'amenuisait en braises et les derniers tieffelins plus ou moins éméchés qui quittèrent les lieux finirent d'étouffer la dernière étincelle d'amusement. Le silence qui prit place peu après était presque assourdissant par rapport au tumulte de la fête tant il isolait face à elle-même et ses attentes la retardataire qui n'était pas partie se coucher. Alors qu'elle était à la césure de sa raison, Silesta ne faiblit pas, à sa grande surprise. L'alcool n'y était pour rien. Le cœur battant, elle se faufila entre les murs caverneux et s'éclipsa dans les ombres des hauteurs du bosquet.
La lune était pleine ce soir et visiblement encline à donner un coup de pouce à la rôdeuse en écartant les nuages voilant sa clarté d'argent. La lueur cireuse lui ouvrit la voie vers une petite clairière baignée de quiétude et protégée du reste du bosquet. Un bruissement dans les frondes la fit s'arrêter et une silhouette pâle apparut.
« Vous voilà. Je vous attendais », sourit Astarion en l'approchant à pas de velours.
Elle l'observa sans mot dire. Dans son esprit, une bataille entre sa raison qui lui murmurait de garder les idées claires et cette pulsion qui la poussait à s'approcher davantage faisait rage. Elle perdit le fil du duel quand elle eut le malheur de rencontrer les yeux d'Astarion.
« Je vous attendais depuis le moment où mes yeux se sont posés sur vous. » Il la caressa de haut en bas d'un regard qui lui en mit la chair de poule. « J'attendais de vous avoir enfin. »
Silesta soutenait son attention au prix de gros efforts pour masquer l'émoi qui l'habitait. Cette voix profonde l'emprisonnait dans une moite paralysie. La jeune femme fut frappée de voir à quel point Astarion était beau, même si l'on mettait de côté son charme ravageur et sa maîtrise du verbe. Ses traits lisses elfiques étaient désarmant de perfection.
Elle ne sut comment elle réussit à esquisser un sourire rebelle.
« Vous ne m'avez pas encore.
_ Vraiment ? Vous êtes pourtant là. Et je doute que ce soit pour discuter, lui fit-il remarquer tranquillement. Je pense que vous voulez que je vous connaisse. Que je vous goûte. »
Nouveau frisson à mesure que son assurance s'amenuisait encore. Stupide sens de la représentation qui refusait de se rendre.
« Et vous, que voulez-vous ? » souffla-t-elle.
Une étincelle brilla dans ses iris amarante. Que voulaient-ils, si ce n'était du plaisir ?
« Le vôtre, le mien. Une extase commune, murmura Astarion. C'est bien ce que vous voulez, n'est-ce pas ? Vous étourdir dans mes bras. »
La dernière brique du mur de son doute se brisa et tout devint plus clair que le cristal : elle désirait cet homme de tout son être. Il avait gagné. Encore. Elle déposa les armes et hocha la tête. Il sourit.
Les quelques centimètres qui les séparaient ne firent pas long feu alors que leurs mains ne cherchaient qu'à s'emparer de l'autre. Silesta ne tarda pas à aller quémander ce dont elle avait le plus envie. Elle ne tenait plus de retenir ce baiser qu'elle rêvait depuis de longues minutes. Ses sens explosèrent dans son corps et son esprit. Sa bouche avait la tendresse d'un fruit mûr, son odeur entêtante l'enivrait plus que le vin des gobelins et son toucher éthéré la faisait vibrer toute entière.
Très vite, leurs doigts s'attelèrent entre le froissement des étoffes qui les entravaient. Une seule main habile façonnée par des décennies de vol à la tire suffit à Astarion pour faire sauter la fermeture de la brassière de Silesta alors que celle-ci ne s'encombra pas d'autant de légèreté aérienne. Elle s'arracha un instant au vampire, juste assez pour le débarrasser de sa chemise et leurs yeux se croisèrent. Le même courant électrique au fond de leurs prunelles se renvoya en miroir. Ils voulaient la même chose. Astarion souleva Silesta par la taille aussi naturellement qu'elle enroula ses jambes autour de ses hanches et ses bras autour de ses épaules et l'emporta dans un nouveau baiser qui ne serait que le prélude à une symphonie d'autres caresses exquises.
La jeune femme vit bien plus d'étoiles qu'il n'y en avait dans le ciel ce soir-là. Son bel amant pâle maîtrisait autant le langage de l'amour que les mots ; tout comme sa voix, il savait moduler le frôlement de ses mains d'étreintes tantôt pressées tantôt lascives et tout autant enchanteresses. La fraîcheur de sa peau contrastait avec délice avec la tiédeur qui faisait briller leurs corps enlacés. Il était un artiste méticuleux qui prenait à cœur de faire chanter la moindre parcelle du gracieux instrument qui s'offrait à son savoir-faire expert. Même si elle pensait qu'elle n'avait sans doute pas rencontré beaucoup d'hommes dans sa vie intime, sa muse était aussi bien décidée à faire profiter son partenaire du feu qui la consumait jusqu'à disparaître dans une vague de chaleur qui les feraient fondre.
Un rayon de soleil encore frais lui caressant la joue fit grimacer une jeune femme rousse qui se refusait à quitter le paisible sommeil qui la gardait dans une douce félicité. Hélas, sa conscience réintégrait petit à petit son corps, elle se résolut à ouvrir les yeux. L'herbe tendre qui frémissait sous une légère brise caressait sa peau nue de petites chatouilles. Elle se redressa sur les coudes et découvrit la charmante cause de la douce anesthésie qui l'engourdissait.
Dos à elle et torse nu, Astarion était un peu plus loin et profitait de la lumière matinale comme s'il rechargeait son corps grâce aux rayons d'or. Au départ subjuguée par ce corps parfait dont elle avait pu découvrir les moindres lignes, l'attention de Silesta se porta sur cet étrange et immense symbole gravé dans toute la superficie du dos de son compagnon. Elle se redressa davantage, l'estomac soudainement noué. Sur trois cercles inscrits les uns dans les autres, des runes inconnues s'enchâssaient en de profondes cicatrices qui arrachèrent un frisson à la jeune femme. Il lui semblait bien avoir senti d'étranges reliefs sous ses doigts quand elle avait étreint Astarion mais elle n'aurait jamais imaginé quelque chose de cette envergure.
Un instant de flottement bien plus frivole la tenailla. Comment réagissait-on après une nuit pareille face à un amant avec lequel on n'avait aucune idée de la relation que l'on avait avec lui ? S'était-elle montrée trop affamée de lui ou au contraire avait-elle été maladroite ? Un petit écho du plaisir échangé la veille l'aida à rassembler son courage.
« Bonjour », lança-t-elle timidement.
Le vampire quitta sa méditation et se tourna vers elle.
« Vous avez le sommeil léger. Moi qui pensais que vous seriez épuisée après cette nuit, regretta-t-il, toujours aussi humble.
_ C'était très agréable. Pourtant, je vous ai senti un peu ailleurs ».
C'était une impression qui l'avait traversée de temps à autre avant d'être vite chassée dans une autre caresse. Astarion reconnut que sa compagne avait raison ; il s'était retenu. Aussi douce fut-elle entre ses bras, il craignait d'aller trop loin.
Silesta s'étonna de son aveu. S'il parlait de morsure – ce qu'elle lui avait accordé dans le feu de l'action - il l'avait déjà fait auparavant et elle lui avait fait confiance en pleine conscience. Elle ne comprenait pas.
L'elfe alla s'agenouiller près de sa conquête avec un sourire de bon perdant.
« Il me faut d'ailleurs reconnaître mon erreur : votre corps connaît les arabesques de la volupté. Il y avait même quelque chose de presque touchant. Il semblait s'éveiller de frisson en frisson. Il me tarde de libérer son plein potentiel. »
Elle se sentit rosir et flattée. Apparemment elle n'avait pas été si gauche que ça.
« Parce que vous voudriez recommencer ?
_ Il n'y a que les commencements qui sont charmants. Il n'y a donc rien d'étonnant à trouver du plaisir à recommencer souvent. »
Elle n'aurait aucune difficulté à expérimenter derechef un nouveau « commencement » s'il la couvait d'un tel regard. Silesta eut hélas à refréner son envie. Elle n'avait pas plus idée de la teneur de leur relation mais elle s'en fichait car en cet instant précis, elle se sentait bien.
Astarion attrapa sa chemise pour l'enfiler, ce qui ne fit que presser davantage cette question au bord des lèvres de sa maîtresse :
« Pardonnez ma curiosité mais... ces marques dans votre dos, qu'est-ce que c'est ? »
Le vampire se renfrogna mais consentit à lui répondre : c'était là une œuvre de ce très cher Cazador. À ses heures perdues, son maître se considérait comme un artiste qui aimait prendre ses esclaves comme toile de support. Ce poème dans son dos avait été gravé au cours d'une seule et même nuit, avec de nombreuses révisions en cours de route. Silesta perdit aussitôt son entrain face à ce récit. Une sensation de brûlure acide s'étendit dans son dos en imaginant le calvaire qu'avait vécu Astarion pendant ce tracé.
« Vous savez ce qu'il dit ?
_ Non et je n'en ai cure, la rembarra-t-il un peu froidement. Ce pourri était fou. Assez bavardé, rentrons avant de nous faire entraîner à nouveau vers je-ne-sais quelle histoire. »
Elle comprit aussitôt que le sujet était sensible et qu'elle n'avait pas intérêt à l'ébruiter. Tout ce qui touchait à Cazador et sa tyrannie tombait dans le domaine de l'indicible. La jeune femme attrapa sa chemise qui avait perdu l'effet magique de Gayle et se hâta de l'enfiler. Ils avaient une entrevue importante ce matin.
Pour la petite parenthèse, les vrais savent que plus que le chat, c'est Goostarion qui est canon mais même Neil approuve le Catstarion XD. Honk. (si vous faites partie des rares ignorants de qui est Goostarion, je vous renvoie sur Youtube avec en recherche : Goose Astarion. Honk.' - VA Neil Newbon imagines Astarion as chaotic goose - Livestream Highlight)
La proposition de béné d'assistance d'Ombrecoeur me fume (mais QUI n'a jamais fait ça avant un dialogue?), je m'éclate à essayer de glisser des petites allusions au jeu ici et là. Ça me fait trop rire.
En tout cas, ça y est, le vrai rapprochement est fait : on va pouvoir distiller un petit peu plus d'émotions pour lui, des sentiments pour elle et de meilleurs échanges entre les deux. J'ai hâte d'avoir vos retours.
Ah, et si ça intéresse quelqu'un, j'ai trouvé la chanson-thème qui colle parfaitement bien à mon petit couple chéri, tant par les paroles que la mélodie. Elle m'aide beaucoup à écrire les parties romantiques entre eux : Light me up – Ingrid Michaelson
