Les retrouvailles des pilotes

Tags spécifiques au chapitre :

Cid et Setzer étaient BFF, Cid et Setzer étaient des bro, Cid et Setzer vont s'en mettre pleins la tronche, Ils s'adorent en vrai, Mais ils ont une bouche à laver au savon de Marseille, Et à frotter au gant de crin, Shera est volontaire pour le faire, insulte à caractère homophobe ? Setzer a ZERO tact, Et probablement des traumas de la taille du cul de Bahamut, Consommation d'alcool, Voire alcoolisme, Mort de personnages

Personnages :

Les mêmes et on recommence, Setzer, Darill, au moins un OC, allusions vagues à d'autres.


Zack avait passé une partie de sa vie à Gongaga, puis à Nibelheim, avant d'arriver à Midgar. Sans être un grand défenseur de la nature, les montagnes de ses origines lui avaient lourdement manquées quand il s'était retrouvé perdu dans la ville technologique. Il n'y avait pas de saison à Midgar, pas de doux soleil estival ou de neige épaisse. La seule différence qu'il pouvait voir entre les saisons était un froid glacial en hiver, et une canicule insupportable l'été.

Canicule apparemment en avance cette année.

"On est qu'en Mai, bon sang !" Râla le brun en retirant son pull, le nouant autour de ses hanches.

Quelqu'un dans la foule le siffla. Zack siffla en réponse.

Il adorait les Midgariens en revanche.

"Les ventilateurs des plaques doivent être encore en panne, ça réchauffe le sol,", grommela Barret, debout en tee shirt près de Zack, presque aussi trempé de sueur que le brun.

Peut-être même plus. Ses différentes prothèses étaient souvent lourdes et encombrantes, et même si la prothèse de main était plus légère, la mitraillette avait parfois tendance à chauffer un peu trop au soleil. La seule astuce qu'avait trouvé Jessie pour le moment était d'y coller une matéria de gel de bas niveau activée en permanence, mais cela fatiguait rapidement Barret et avait tendance à le rendre un peu ronchon.

"Quelle ville pourrie, ils feraient mieux de tout démolir et reconstruire plus loin."

"Quand la guerre sera finie peut-être", déclara le géant sans se laisser distraire par son cadet.

Les deux soldats étaient en ronde de surveillance à la surface, remontant une des grandes avenues de Midgar qui menait au centre de la ville. Les habitants semblaient être tous sortis de chez eux, espérant trouver un peu d'air frais hors de leurs bicoques. Fort heureusement, de par leurs tailles respectives1, Zack et Barret culminaient au-dessus de la foule, ce qui leur permettait de repérer immédiatement des comportements suspects.

"Hey… dis-moi que je rêve, Barret…"

"De quoi ? "Demanda le colosse, en train de surveiller la direction opposée de Zack.

"Y'a un mec aux longs cheveux gris qui se promène sous mon nez."

Barret tourna légèrement la tête, suivant la direction qu'indiquait Zack. Il y avait effectivement un homme aux longs cheveux argent et vêtu d'un manteau noir, qui se promenait dans la rue, à quelques mètres d'eux.

Le cyborg arma son bras fusil d'un geste habitué pendant que Zack lançait un message à Jessie.

"Jessie, alerte niveau 2, suspicion de bellâtre aux cheveux gris2."

Il entendit un bruit précipité comme Jessie se mettait à son poste de surveillance, empoignant son casque.

Bien reçu, je préviens tout le monde !

"La cible se dirige vers le réacteur Tonberry3, en suivant la 3ème avenue."

Soyez discrets.

Zack se retint de rétorquer qu'il faisait équipe avec un géant cyborg large comme deux hommes et que la discrétion n'était pas forcément possible en telle compagnie. Néanmoins, mettant à profit leurs expériences militaires respectives, les deux équipiers parvinrent à suivre la cible sans se faire repérer.

Ou du moins, jusqu'au moment où l'homme s'arrêta sur la place au croisement de la 3ème et de là 12ème, levant les yeux vers le réacteur au bout de la rue et que Zack se sentit inspiré pour crier un avertissement.

"INTERVENTION D'AVALANCHE ! LIBÉREZ LE PASSAGE !"

Barret pointa son canon vers l'homme qui s'était arrêté et regardait autour de lui, hébété, voyant les habitants de Midgar se précipiter frénétiquement à l'abri.

"L'HOMME AUX CHEVEUX GRIS ! MAINS EN L'AIR ! ! !" Renchérit Barret.

L'homme hésita un moment avant de s'exécuter lentement, levant bien haut ce qu'il tenait à la main.

Les deux membres d'Avalanche restèrent un moment à se demander si le monde tournait rond, ou s'ils ne venaient pas de faire une grosse bourde.

"Tu sais, je suis certain que Séphiroth est plutôt du genre à prendre de la glace à la vanille... Pas fraise."

Barret soupira.

"La ferme, Zack"

"Je peux me retourner sans risquer de me faire flinguer ?" Fit leur cible d'une petite voix un peu penaude.

"Pas de geste brusque," ordonna Barret.

L'homme aux cheveux argent obéit et se tourna lentement, faisant face aux deux équipiers.

"Quoique j'ai fait, je suis innocent", assura-t-il d'une voix grave, plus rauque que celle de Séphiroth.

"Définitivement pas Séphiroth", murmura Zack quand le visage de l'homme fut visible.

Si Séphiroth et leur cible partageaient la même couleur de poil, l'homme était un peu plus pâle et ses traits un peu plus marqués par les ans. Il devait avoir une trentaine d'années, bien tassées et semblait fatigué, peut-être même un peu malade.

En tout cas, son teint était blafard, de celui des habitants des Taudis, qui ne voient pas assez la lumière.

Et surtout, ses yeux n'étaient pas vert phosphorent.

Mauve.

Entourés de cicatrices profondes, dont l'une avait failli le rendre borgne.

"Doit y avoir erreur", constata Zack en approchant, "vos papiers, monsieur."

"Je dois baisser les bras pour ça", rétorqua l'homme en gardant les yeux baissés, un sourire taquin aux lèvres.

"Mais je vous en prie."

"Tenez-moi ça," demanda-t-il en tendant son cornet de glace à Zack.

Toujours sous la visée de Barret, l'homme ouvrit son manteau lentement, fouilla dans la poche intérieure et sortit un portefeuille qu'il tendit, ouvert, au brun.

"Ma glace ?"

"C'est une garantie, Monsieur", fit très sérieusement Zack en lisant la carte d'identité. "Setzer Gabbiani. Age, 32 ans, situation maritale : célibataire, taille…"

"C'est bon Zack", coupa Barret en lui arrachant la carte des mains, "veuillez nous excuser monsieur, il y a eu méprise."

Setzer sourit en passant la main dans sa crinière argent.

"Bah, j'ai l'habitude, je commence sérieusement à envisager de me teindre les cheveux…"

"Ce serait préférable", fit Barret en lui tendant ses papiers.

L'homme leva les yeux et Barret croisa son regard.

Quelque chose n'allait pas.

Barret fronça les sourcils et baissa les yeux sur la carte d'identité entre ses doigts.

La carte avait l'air vraie, pourtant. Mais il n'avait pas de scanner pour le vérifier, ça faisait déjà six mois qu'ils les attendaient, mais Shinra faisait encore des manières.

Qu'est-ce que ça pouvait l'énerver de devoir se débrouiller avec les moyens du bord, ils étaient là pour aider les habitants de Midgar bon sang ! Ça n'était pas à lui de vérifier les identités de tous les pauvres types qui avaient eu le malheur de naître avec la même couleur de cheveux que Séphiroth !

"Votre carte," finit-t-il par dire en lui rendant brutalement son portefeuille.

"Merci, Monsieur. Heu... Ma glace ?" Répéta Setzer.

Zack prit un air innocent au possible mais le regard noir de Barret lui fit abandonner toute velléité de garder le sorbet et il le tendit à son légitime propriétaire.

"Merci beaucoup, mec !" Fit Setzer en se jetant sur sa friandise.

"Mais de rien ! Barret, je peux en avoir une ?"

"Tu peux te la payer", répondit sèchement son supérieur avant d'annoncer la fausse alerte aux habitants soigneusement cachés.


"On est rentrés !" Annonça Zack en entrant dans le garage de Seventh Heaven.

"Alors cette alerte ?" S'enquit Vincent.

"Plus fausse que les dents du président Shinra", fit Zack en retirant son pull de sa taille, "un mec aux cheveux argentés qui se baladait dans la rue…"

"Aux cheveux argent ? C'est pas courant," fit Cid, assis près de la Daytona de Vincent, en train de l'aider à l'entretenir.

"C'était sa vraie couleur ?" Demanda Yuffie, en revenant de la salle commune, s'empiffrant de Shiva Delight parfum noix de coco.

"Ça ma puce", déclara le brun en lui arrachant le pot des mains, "j'ai pas été vérifier dans son fute."

"HEY, RENDS CA, HÉRISSON !"

"Viens le chercher, Sauterelle," rétorqua Zack en levant le pot loin au-dessus des mains de Yuffie.

"Vous avez pris son signalement ? Demanda Vincent sans lever les yeux de son démontage d'une pompe récalcitrante.

"Attends, dévisse aussi cette partie avant, ça gênera moins" indiqua Cid.

"Oui" grommela Barret en détachant son bras fusil " cheveux gris argent, long jusqu'au milieu du dos, taille moyenne, plusieurs cicatrices faciales d'origine inconnue, yeux mauve, nom : Gabbiani, prénom…"

"Setzer", coupa Cid.

Barret leva les yeux de sa prothèse pour jeter un regard intrigué au pilote blond. Celui-ci s'était figé en plein passage de clef anglaise à Vincent et semblait absorbé par la contemplation du sol.

"Tu le connais ?"

Cid releva le regard vers son chef, pâle comme un mort.

"On était à l'académie de vol ensemble…"

"Et ?"

"Setzer Gabbiani est mort il y a cinq ans. Lors de la bataille du Guernica. Il a tenté de bazarder son aéronef sur Sin et son corps n'a jamais été retrouvé."

Un mog passa.

"ALERTE MAXIMALE !" Hurla Zack en jetant le pot de glace sur la première surface plane venue.

"Il se dirigeait vers Tonberry, Yuffie !" renchérit Barret en remettant immédiatement sa prothèse" Dit à Jessie de prévenir les SOLDATs stationnés là-bas ! Qu'ils évacuent le quartier !"

"Tout de suite Barret ! Répondit la jeune fille en se ruant vers le bureau de Jessie.

L'alarme commença à hurler la minute suivante. Le bâtiment entier s'anima d'un seul coup, tout le monde sautant dans ses bottes, uniforme ou pas, arrachant ses armes du râtelier et bondissant dans les camionnettes. Cid avait déjà démarré quand Jessie arriva avec sa valise de matériel, la jetant à Vincent et grimpant avant que la camionnette soit sortie de Seventh Heaven. Vincent laissa Jessie lui installer son module de communication sur l'oreille et prit celui de Cid pour le lui mettre pendant qu'il conduisait. Derrière eux, Zack expliquait frénétiquement la situation à Reeve par PHS, lui demandant de faire évacuer la zone du réacteur, au-dessus et dessous la plaque de secteur. Yuffie encore en short et débardeur, fouillait la réserve de la camionnette, sortant les équipements d'urgence toujours installés là. Vincent parvint à se glisser à la place du mort et tendit le module de communication à Cid qui l'empoigna sans un mot et le mit dans le même mouvement.

Essai micro. fit la voix de Jessie dans son oreille.

"Ça marche," rétorqua Cid avant de négocier un virage particulièrement serré, à une vitesse largement supérieure à celle autorisée, s'insérant dans la circulation de Jormungand.

Dans le rétroviseur, Vincent pouvait voir la seconde camionnette derrière eux, peinant à suivre bien que Wedge soit au volant. Encore derrière, il voyait l'ambulance d'Aérith et Shera, conduite par Biggs, visiblement largement dépassé par la conduite de Cid. Cid avait beau être un as du pilotage de tout ce qui pouvait l'être, il poussait le fourgon encore plus que pour les autres alertes.

Et ce depuis qu'on lui avait parlé de ce Gabbiani.

"Cid, qu'est-ce que c'est la bataille du Guernica ?"

"Hein ? T'en as jamais entendu parler ?"

"Vaguement," répondit Vincent.

Il y eut quelques secondes de silence.

"Ha oui, c'est vrai." grommela Cid. "Voilà. Il y a cinq ans, Hojo a attaqué Junon pour s'approprier le destroyer Guernica. Avec toutes ses armes magiques et tout et tout. A l'époque, c'était le prototype des HuMaPoW."

"Humapow ?"

"Huge Materia Powered Weapon", expliqua Jessie de l'arrière du véhicule. "Ce sont des armes qui fonctionnent avec les mégamatérias, des matérias mutantes qui apparaissent dans les réacteurs. Elles sont cent à mille fois plus puissantes que les matérias normales car hyper condensées. Sister Ray est une Humapow."

Sister Ray, l'immense canon encore en construction au-dessus de Midgar, prévu pour protéger la ville en cas d'attaque directe de Sin.

Et dont la construction était encore en pause, à la suite de cafouillages d'ordre technique.

N'importe qui aurait pu dire que coller un canon aussi gros au-dessus de Midgar alors qu'il manquait un pilier de soutènement, une plaque et qu'une autre était endommagée, était une mauvaise idée.

N'importe qui, sauf Scarlet, la directrice du programme de l'armement de la Shinra.

"Je vois. L'as t'il obtenue ?"

"Ouais. L'officier chargé du Guernica a essayé de le faire exploser quand Hojo l'a capturé, mais ça n'a servi à rien, la méga matéria a échappé à l'explosion intacte."

"Et c'est ce que Hojo voulait."

"Selon le Professeur Gast," reprit Jessie, "Sin fonctionne grâce à l'énergie des mégas matérias. C'est pour cela qu'Hojo attaque surtout des villes côtières avec un réacteur Mako."

"Et à Midgar", ajouta Cid en prenant un virage serré.

"Mais comme Midgar n'a pas de contact direct avec la mer", reprit Yuffie à son tour, tendant des munitions à Vincent, "il ne peut pas attaquer avec Sin. C'est pour ça qu'il envoie les squames."

"Allez mettre votre ceinture", ordonna Cid aux deux jeunes filles.

"Cid, tu crois pas que tu vas un peu vite ?" Hasarda Jessie.

"Non."

Les deux jeunes filles échangèrent un regard inquiet et se ruèrent sur les sièges à l'arrière, bouclant leurs ceintures.

Quand Cid stoppa, Zack, le seul à ne pas être harnaché, leur tomba sur les genoux en jurant comme un burmécien dans ses grands jours. Mais avant qu'il ait pu se relever, Cid avait déjà sauté de la fourgonnette, négligeant de prendre sa lance et se ruait dans l'entrée du réacteur, évitant les SOLDATs postés d'un grand saut qui le propulsa loin au-dessus d'eux.

"Cid ! Cid revient ! Merde ! Barret, Cid est parti en solo !"

Shera, tu restes ici. Les jumeaux avec moi. Aérith, derrière moi, Biggs, Wedge, tenez-vous prêt pour désamorcer les bombes s'il y a. Vincent, prends Yuffie et Red avec toi, essayez de trouver un poste de tir. Jessie, trouve-moi tous les plans du réacteur que tu peux et guide nous !


Cid n'eut pas besoin des infos de Jessie, courant dans les couloirs du réacteur, négligeant les escaliers pour des bonds phénoménaux, typiques des dragoons, et qui le propulsait d'étage en étage sans le moindre effort. Finalement, il parvint dans l'antichambre du réacteur, parcourut les énormes câbles et tuyaux qui pompaient la Mako et évacuaient l'énergie qu'elle dégageait pour alimenter la ville. Il stoppa sur la plateforme où il était arrivé, cherchant l'intrus du regard et priant de tout son cœur pour que ce soit une erreur.

Il sentit son cœur stopper en reconnaissant, sans erreur possible, la silhouette de son ami.

"SETZEEEEEER ! ! !"

La silhouette stoppa net, manquant de glisser du tuyau qu'elle parcourait pourtant agilement, puis elle se tourna, voyant le blond se ruer vers lui d'un bond encore plus inhumain que les autres, semblant voler plutôt que sauter.

"Cid ! ?" s'exclama le balafré.

Il y eut un choc quand les deux hommes se percutèrent de plein fouet, puis une série de jurons quand ils chutèrent du tuyau, atterrissant avec fracas sur les tubes plus mince en dessous.

"T'AS CINQ PUTAINS DE SECONDES POUR M'EXPLIQUER CE QUE TU FOUS LÀ !" Rugit Cid, saisissant Setzer par le col.

"C'EST MOI QUI DEVRAIT TE DEMANDER CA, BLONDASSE !" Rétorqua Setzer en tentant de se dégager.

Le reste d'Avalanche choisit ce moment pour arriver.

Barret et les jumeaux stoppèrent sur une plateforme plus basse, cherchant Cid du regard tandis qu'en hauteur, Vincent s'installait discrètement, accompagné de Yuffie et Red, tous deux préparent leurs sorts.

"Ça ira d'ici ?" demanda Yuffie en se penchant.

Vincent l'attrapa par la ceinture sans un mot et la posa plus loin avant de se mettre en position de tir.

"Barret, ils sont au-dessus de vous, à onze heures" annonça-t-il à voix basse.

Cid et Gabbiani ?

"Ils sont en train de se taper dessus," déclara Yuffie.

Au moins, Cid a retenu le principe de base de notre job, commenta Zack.

"Est-ce que Cid est augmenté ?" demanda Vincent.

Non, pourquoi ?

Un coup de pied de Setzer écrasa violemment un tube de transport large comme la cuisse de Barret, évitant de peu le pied de Cid.

"Gabbiani l'est. Il risque de le tuer."


"INTERVENTION D'AVALANCHE ! MAINS EN L'AIR !" cria Zack en grimpant l'escalier aussi vite qu'il put.

"Jessie, cet escalier ne s'arrête pas à leur niveau !" protesta Barret.

Je voudrais vous y voir, c'est pas un jeu vidéo, ces plans ! Continuez tout droit et à gauche, vous devriez en trouver un autre !

Setzer jura en les voyant arriver et donna un coup de pied dans l'abdomen de Cid pour se libérer de la prise que celui-ci tentait de lui imposer, mais si ça fit lâcher le blond, ça ne dura que quelques secondes après lesquelles Cid l'attrapa par le pied, le faisant s'étaler de tout son long.

"Cid, bordel, lâche-moi !"

"Tu rêves connard !" Rétorqua Cid.

"Hé hoooo ! J'ai dit : intervention d'Avalanche !" Répéta Zack toujours sur l'escalier à leur hauteur.

"TA GUEULE !" Rétorquèrent d'une même voix les deux belligérants.

"Je crois que ça va être l'arrestation la plus space qu'on ait jamais eu", commenta Zack avant de suivre Barret, entraînant Cloud après lui.


Vincent, toujours en position, tenait les deux hommes en joue, prêt à tirer au moment où Cid s'écarterait assez pour ne pas risquer de le blesser.

"Tu y arrives ?" Demanda Red.

"Cid est toujours devant", répondit Vincent, l'œil sur le viseur.

En contre bas, le combat tournait à la bagarre de rue, chacun usant des coups les plus bas pour arrêter ou repousser son ennemi. Coup de pieds, coup de boule, coude de coude… Mais curieusement, Vincent vit à plusieurs reprises des trous grands comme un béhémoth dans la garde des deux hommes, sans qu'aucun n'ose en profiter pour placer un coup fatal. Ils finirent par se séparer, Cid coupant la route du réacteur à Setzer. L'homme aux cheveux argent hésita, jetant un regard à Cid, puis dans la direction de Vincent avant de revenir vers le blond.

"Cid. Laisse-moi passer."

Cid lui donna du doigt en guise de réponse, bien campé sur ses jambes.

"Tu ne me laisses pas le choix, désolé Cid," commença Setzer en sortant une lame de sa manche.

Cid eut aussitôt le réflexe de se baisser, mais la lame, tranchante comme un rasoir, ne lui était pas destinée et creva un tube d'évacuation, faisant exploser le gaz. Quand le reste d'Avalanche eut rejoint leur camarade, celui-ci émergeait du nuage de fumée, toussant comme un tuberculeux, la main crispée sur son épaule, où un autre rasoir était fiché.

"Cid, ça va ?" Demanda Barret en arrivant près de lui.

Pour toute réponse, Cid lui tendit l'épaule en désignant la lame plantée dans son bras. Barret la prit entre deux doigts et tira d'un coup, arrachant l'arme.

"Il balance des rasoirs ?" S'étonna-t-il.

"Facile à planquer et à utiliser", siffla Cid, "gamin des Taudis", ajouta-t-il avant de se retourner, suivant Setzer.

"Cid !" L'appela Barret, "retourne en arrière, tu t'impliques trop !"

"Je vais lui impliquer mon poing dans la gueule, oui !" lança Cid en disparaissant à nouveau d'un bond phénoménal.

Juste comme ça, Shera dit qu'elle va en attraper un pour taper sur l'autre avec, risqua Jessie.


Setzer approcha du réacteur et jeta un regard par le hublot fixé devant, cherchant le but de sa venue. Il vit très vite la pierre, grosse comme le poing, qui se développait dans le liquide visqueux. Il prit une profonde inspiration et se tourna vers le panneau de commande, tendant déjà la main vers le digicode.

"A ta place je ne toucherais pas à ça, Zer."

Le voleur tourna lentement la tête vers Cid, essayant de se composer une expression la plus neutre possible.

"Et tu m'en empêcheras ?"

"Zer, écarte-toi de ce réacteur".

L'homme aux cheveux gris passa la main dans sa crinière en soupirant.

"Tu ne comprends pas...Il faut que je ramène ce truc…"

"Zer, si tu prends cette matéria, je vais devoir te passer ma lance à travers le corps. Ne m'y oblige pas."

"Quelle lance ?"

"Devine, trou du cul" rétorqua Cid, presque par habitude.

"Pas assez longue" répondit Setzer en se tournant vers Cid.

Les deux amis se regardèrent quelques secondes, Cid à bout de souffle, mais Setzer toujours frais et…

Non. En fait, Cid voyait bien que son ami n'était pas exactement comme avant.

Sa peau pâle était grisâtre, ses traits tirés et il avait visiblement perdu du poids. Ce n'était plus le jeune homme qui avait disparu cinq ans plus tôt. Ce n'était plus non plus celui que Cid avait rencontré il y a dix ans, en train de draguer sa meilleure amie.

Et ces yeux, bon sang.

Setzer avait toujours eu les yeux mauve sombre, jamais aussi lumineux que Zack.

"Zer, viens… Oublie ce truc et on... on va tout arranger."

Setzer secoua la tête en levant les mains en signe de refus.

"Je dois le lui ramener ! Cid, il… Il a promis de ressusciter Darill !"

Cid sembla un moment sous le choc, regardant son ami sans arriver à articuler le moindre mot.

"Darill ?" Finit-il par souffler. "Hojo dit qu'il va... ?"

"Il m'a dit qu'il pouvait le faire… Essaye de comprendre…"

"Zer…"

"Tu le ferais toi aussi ! Si ça pouvait ramener Darill..."

"Zer écoute…" reprit Cid en se frottant le visage des deux mains.

"Laisse-moi la prendre…" supplia Setzer.

"On ne peut pas ramener les morts, Zer. Personne ne peut."

"Mais si, il m'a expliqué ! Si on va chercher l'âme à Guadosalam, il suffit de cloner le corps mort et…"

"Personne ne peut ramener les morts, Zer ! ! ! Ce qu'on trouve à Guadosalam, ce ne sont pas des âmes, ce sont juste des souvenirs ! "

"J'y suis allé !" s'exclama Setzer en agitant les mains. "J'ai VU Darill là-bas !"

"Putain, ZER ! Ce sont les furolucioles qui font apparaître les morts présents dans les souvenirs des vivants ! "

"Ce n'est pas VRAI !" Hurla Setzer en assénant un coup de poing sur le réacteur derrière lui.

Cid vit avec appréhension que le coup avait laissé un creux dans le métal. Il devait convaincre Setzer et vite.

"Zer."

"Il m'a juré qu'il ramènerait Darill et... Et que nous serions libres après... Darill, moi… Le gosse et Haru et tous les autres…"

"Zer, je ne t'ai jamais menti, mais est-ce que Hojo tient ses promesses ?"

Setzer sembla hésiter et passa nerveusement sa main dans ses cheveux, fouillant sa mémoire. Il sursauta quand le pas des autres membres d'Avalanche retentit sur la passerelle de métal. Mais alors qu'il allait lancer un sort, Cid les arrêta d'un geste.

"Restez-là !"

"Cid, on doit intervenir !" Protesta Barret.

"Non… Attends un peu. Cinq minutes. Je t'en supplie Barret. Cinq minutes."

Cid ne suppliait jamais. Ce fut peut-être ce qui convainquit Barret d'attendre.

Ça et il venait de voir Vincent et Yuffie se glisser à un point d'observation en hauteur et le sniper s'installer silencieusement, Setzer dans sa ligne de visée.

Cid se tourna de nouveau vers Setzer, réfléchissant rapidement avant de tendre la main à Aérith, derrière lui.

"Aérith, viens là."

"Elle n'approche pas ! "S'exclama Setzer, brandissant une carte.

"Je suis d'accord avec lui !" renchérit Zack en retenant immédiatement Aérith par le bras.

"C'est une guérisseuse, Zer", grommela Cid en roulant des yeux. "Elle ne serait pas foutu de te faire mal."

Setzer hésita à nouveau, mais ne protesta pas quand Aérith finit par se dégager doucement de la prise de Zack. Elle posa une main sur son épaule, lui jetant un regard calme et rejoignit Cid qui lui tendait la main. Elle prit la main du blond dans les siennes et lui adressa un sourire paisible. Cid se sentit immédiatement un peu mieux.

Aérith, plaisantait-il souvent, était leur valium humain.

Tout allait mieux dès qu'elle était là.

"Aérith, s'il te plait. Dis-lui ce qu'il advient des âmes des morts."

La jeune femme lui jeta un regard surpris.

"S'il te plait Aérith. Dis-le-lui."

Aérith hésita un moment mais finit par acquiescer.

"Que voulez-vous savoir ?" Demanda-t-elle poliment en se tournant vers Setzer.

"On peut ressusciter les morts. Dites-moi qu'on peut."

Aérith sembla peinée par le désespoir qui teintait la voix du voleur et secoua doucement la tête.

"Je suis désolée. C'est impossible."

"Mais avec les âmes de Guadosalam…"

"Quand quelqu'un meurt", reprit Aérith, le coupant doucement mais fermement, "son âme ne va pas à Guadosalam. Elle retourne à la planète, avec ses souvenirs et connaissances et se fond dans celle de la planète."

"NON !" Protesta Setzer.

"Et un jour, l'âme revient à la vie, dans un autre corps, peut-être une plante, ou un animal…"

"Non", répéta Setzer, d'un ton désespéré cette fois. "Je vais récupérer Darill. Et on reconstruira le Falcon et… Et… Et on ira loin… loin..."

Il glissa peu à peu au sol, toujours adossé au réacteur.

"Darill… "commença-t-il à sangloter.

Cid remercia Aérith d'un signe de tête et approcha de son ami d'un pas mesuré. Derrière la guérisseuse, le reste d'Avalanche se tenait prêt à intervenir au cas où, mais Setzer ne réagit pas quand Cid s'agenouilla près de lui et passa un bras autour de ses épaules.

"Ça va, Zer."

"Cid, pardon…"

"C'est rien," assura Cid en le serrant contre lui, faisant signe aux autres que tout allait bien. "Tu vas venir avec moi, faut pas que les SOLDATS te trouvent ici."

"Je voulais juste… Darill…"

"Je sais, elle me manque aussi, avoua Cid. Allez, ne pleure pas merde… T'es celui qui a dit que ça faisait tantouze je te rappelle… Pleure pas vieux…"

"Enculé !" Lâcha Setzer entre deux sanglots.

"Si seulement," lui chuchota Cid avec un demi-sourire.

La boutade sembla faire rire le voleur malgré lui et ses sanglots se calmèrent un peu. Cid se leva alors, l'aidant à faire de même. Setzer se laissa faire et tangua quelques secondes avant de regarder son ami.

"Il va faire du mal à Haru et au petit" murmura Setzer.

"Qui ?"

"Des amis… des amis là-bas. Dans Sin..."

"Viens avec moi et joue le profil bas, ok ?" Demanda-t-il en retournant vers le reste d'Avalanche, le traînant par le bras.

"On ne peut pas le ramener à Seventh Heaven", déclara Barret en s'interposant, "il risque d'être sous l'influence d'Hojo et…"

Cid se tourna à demi, brandissant son index sous le nez de son chef.

"Barret. Un mot. Red", ajouta-t-il en désignant le fauve à côté de Cloud.

Le fauve se fit tout petit, baissant les oreilles d'un air penaud quand Cloud lui jeta un regard. Puis Cid se détourna et, reprenant Setzer par le bras, le ramena à l'extérieur. Esquivant les SOLDATs qui couraient un peu partout, le blond guida son ami jusqu'à l'ambulance où Shera les accueillit, pâle malgré son sourire tremblant.

"Shera ? T'es là aussi ?" S'étonna Setzer en la voyant, debout devant l'ambulance, sa blouse ouverte sur son pull et sa jupe verte.

Pour toute réponse, la biologiste franchit la distance qui les séparait en quelques pas, et le serra contre elle, passant ses bras autour des épaules larges du voleur.

Setzer commença par résister, avec un moment de recul et puis sembla s'abandonner d'un coup dans l'étreinte de la brune.

"Shera," gémit-il.

"Je suis là, tout va bien."

"J'ai... Failli tuer Cid…" murmura Setzer en plongeant son visage dans le cou de la jeune femme.

"Comme si t'étais le premier… Qu'est ce qui t'es arrivé au nez ?" S'enquit la brune en l'écartant légèrement, voyant un filet de sang couler des narines de Setzer.

Setzer tata son visage avec précaution avant de grimacer et désigner Cid qui avait le même filet de sang coulant d'une narine.

"Cid est arrivé."

"Cinq ans que vous ne vous êtes pas vu et la première chose que vous faites, c'est vous casser le nez ?" S'exclama Shera, laissant échapper un petit rire nerveux avant de faire asseoir l'homme dans l'entrée de l'ambulance.

"Y'a des choses qui changent pas, "rétorqua Cid en s'allumant une cigarette.

Setzer tendit la main et la lui subtilisa si habilement qu'il ne s'aperçut pas immédiatement qu'il ne l'avait plus.

"Hey !"

"Ces trucs finiront par avoir ta peau", déclara Setzer en l'écrasant, se laissant soigner par Shera.

"La tienne avant la mienne j'espère, décoloré," ronchonnant Cid en s'allumant une seconde cigarette.

"Dites, vous deux, ça serait bien que vous ne commenciez pas" marmonna Shera.

"Monsieur Gabbiani ?"

Setzer leva les yeux et reconnut Barret, entouré des jumeaux, debout devant lui et, pour une fois, aussi sérieux l'un que l'autre. Le reste d'Avalanche les entourait, tentant à la fois de dévisager Setzer et de lui couper toute route de sortie.

"Il faut que vous répondiez à des questions", commença Zack.

"Il faut vraiment ?", grommela Setzer.

Cid donna un petit coup sur le pied de Setzer. Shera le tira par l'oreille.

"Oui, bon BON ! Ça va les Highwinds" protesta le voleur en se frottant l'oreille.

"Joue pas au con, Zer," lui conseilla Cid en croisant les bras.

"Pourquoi Hojo vous avait envoyé ?" reprit Barret un peu décontenancé de l'attitude du... squame ? Vraiment ?

"Je suis un des seuls couillons de Sin à avoir à la fois gardé visage humain et vécu à Midgar. Et... et il me tenait par les couilles. Merde", gémit Setzer en fermant les yeux, s'accoudant sur ses cuisses, "il va faire du mal aux autres."

"Quels autres ?" demanda Aérith.

"Les... Les autres... Les gens qu'il a enlevés, les soldats qu'il a capturés."

"Ils sont encore en vie ?" S'étonna Aérith.

"Oui… Enfin, ça dépend… Il y en a qui sont… nourri à Sin. D'autres... Il... Il les utilise pour ses expériences. On y est tous passés", ajouta Setzer en remontant sa manche, montrant le chiffre tatoué sur son poignet.

46

Vincent recula aussitôt, imité par les jumeaux et Red, qui alla aussitôt se blottir contre les jambes de Cloud.

"Je vais buter ce fils de pute," grommela Cid en prenant la main de Setzer. "Qu'est-ce qu'il t'a fait ?"

"Pas… Pas grand-chose", répondit Setzer en arrachant sa main des doigts gantés de Cid. "Je faisais partie d'un lot de test pour de la régénération et des injections de mako."

"Ah merde." murmura Zack. "Je suis désolé, mec."

Setzer fronça les sourcils et dévisagea Zack pensivement.

"Tu te rappelles pas ?"

Tous les regards se tournèrent vers Zack.

"De quoi ?"

Setzer tourna la tête vers Cloud qui le fixait d'un regard limpide.

"Et toi ?"

"Il était à Sin" répondit Cloud. "mais il était plus petit."

Cette fois, Setzer laissa échapper un rire hystérique. Shera et Cid échangèrent un regard alarmé par-dessus sa tête.

"Plus petit. Je la retiendrai, celle-là. Faudra que je la raconte à Tarask" ricana-t-il. "si je le revois" ajouta-t-il alors que son rire retombait brusquement.

"Comment as-tu survécu au crash du Blackjack ?" demanda soudain Shera tout en caressant le crâne de Setzer.

Celui-ci commença par essayer de se dégager, mais cessa de lutter quand Shera posa une main sur sa joue, l'attirant contre elle. Il inspira longuement avant de soupirer et finit par passer un bras autour de ses jambes, gardant son visage dans son giron.

"Je sais pas trop" finit-il par répondre, la voix assourdie par le pull de la jeune femme. "Je me suis réveillé dans une cuve à mako. Il me manquait les deux jambes et un bras. Plus petit, quoi. Une partie du bide aussi. J'ai plus mon tatouage."

"C'est pas une perte, ce truc était hideux," déclara Cid d'une voix blanche, "ça te dirait de virer ta sale gueule de Shera ?"

"Non," répondit Setzer sans bouger.

"Connard."

"Trou du cul."

"Je vais en prendre un pour taper sur l'autre avec" les prévint Shera sans cesser de caresser les cheveux de Setzer.

"Cid" grommela Barret, faisait signe de pouce de le suivre à l'écart.

"J'arrive. Zer, tu ferais mieux d'aller te planquer dans l'ambulance, y'a des journaleux et des soldats qui vont pas tarder à arriver."

"Cid a raison" déclara Shera en lui caressant les cheveux. Grimpe te mettre à l'abri."

Setzer hocha la tête et se dégagea le plus délicatement qu'il put avant de se hisser à l'arrière de l'ambulance. Il s'assit sur la civière en soupirant.

L'ambulance bougea de nouveau quand Red vint se coucher à son entrée, gardant un œil sur lui. Il vit les jumeaux se poster de chaque côté de l'entrée et Zack se pencher vers son frère pour murmurer.

"Tu te souviens vraiment de lui ?"

Cloud hocha la tête.

Ce n'était pas si étonnant que Zack ne se souvienne pas, se dit Setzer. Beaucoup de ceux qui avaient subi les cuves faisaient un blocage après s'être réveillés dedans et il avait vu Zack hurler dans la sienne, tenter de se dégager, de briser la paroi de verre, voire d'arracher le bras qui repoussait à ses côtés.

C'était peut-être mieux que le brun ne s'en souvienne pas.

Plus loin, Setzer entendait une dispute commencer à s'envenimer entre Barret et Cid. Shera vint fermer une des portes et lui adressa un petit sourire.

Il avait mis du sang sur son pull.

Il frotta son visage, étalant derechef la tâche sous son nez.

"M'a pas raté ce con. TU M'ENTENDS CID ? JE VAIS TE RECASSER LE NEZ !"

"JE T'AI PAS ATTENDU POUR CA !"

"Cid, on n'en a pas fini !" protesta Barret. "Reste ici !"

Setzer soupira, les yeux baissés sur ses genoux. Il ferma les yeux, coupant un de ses sens surdéveloppé par Hojo. Immédiatement, les autres pallièrent le manque. Les odeurs du fourgon firent frémir ses narines, l'aidant à discerner toutes les senteurs. Le plastique, le métal d'abord, puis du sang, affaibli par une odeur de savon. Le petit sapin parfumé pendu au rétroviseur l'empêcha un moment d'approfondir son analyse, mais, une fois l'entêtante odeur bloquée, il put isoler les autred effluves. Un parfum de fleur. Une odeur de désinfectant.

Puis celle du fauve d'abord, qui sommeillait à l'entrée. Il sentait la terre brûlée, le désert, les flammes.

Celle des jumeaux. Cette odeur de mako entêtante qui imprégnait jusqu'à la moindre de leurs cellules, cachant tout le reste.

Expiration. Inspiration.

Tabac et huile de moteur. Et loin derrière, une note de fin d'averse, de feuilles humides.

Cid.

Son meilleur ami qu'il avait failli tuer…

"Mais qu'est-ce que j'ai fait bon sang", gémit Setzer en rouvrant les yeux, glissant ses mains dans ses longs cheveux.

"Est ce que ça va ?" S'enquit Red.

Setzer lui jeta un œil puis hocha rapidement la tête.

"Ça… Iras… Je survivrais…"

Une douleur fulgurante traversa sa tête, si violente qu'il se redressa, enfonçant le côté de l'ambulance de son crâne.

Il ne le sentit même pas à travers la douleur.

"Monsieur Gabbiani ?" S'inquiéta Red en se levant.

"Je dois sortir," marmonna Setzer, pâle comme un mort.

Il enjamba Red et sauta à bas du fourgon, une main portée à sa tête.

"Attendez !" Commença Zack en tendant la main vers Setzer.

L'homme en noir se retourna vivement, repoussa la main du Strife.

"NE M'APPROCHEZ PAS !" hurla-t-il, attirant l'attention des autres sur lui.

"Zer ? ça ne va pas ?" Demanda Cid en jetant sa cigarette, s'éloignant de Barret.

L'homme aux cheveux argent agrippa son ami par le col, le traînant après lui.

"Cid, écoute-moi je n'ai pas beaucoup de temps."

"Qu'est ce qui se passe ?" demanda Cid en faisant signe aux autres de ne pas les suivre.

"Hojo prépare des trucs, je sais pas quoi exactement, mais il prépare quelque chose, ça fait quelques mois qu'il sort plus du labo." expliqua fébrilement Setzer. "Y'a du clonage impliqué, en masse et il prépare de gros GROS mutants."

"Ok, Zer, calme-toi vieux tu vas tout nous expliquer calmement…"

"J'ai pas le temps de tout t'expliquer, Cid ! Il y a… Il y a une s.. s.. série de mutants, il les appelles les Remnants : Ce sont des MALADES !"

"Zer…"

Qu'est ce qui se passait ? Setzer avait semblé être calmé et tout d'un coup, il recommençait à paniquer.

"Monsieur Gabbiani, calmez-vous." commença Barret en posant la main sur son bras

"Il essaye d'en faire d'au… d'autres Séphiroth" gronda Setzer alors que ses doigts s'enfonçaient dans les épaules de Cid.

"Quoi ?" murmura Zack.

"Zer, tu me fais mal." balbutia Cid.

Setzer baissa les yeux sur ses mains.

Sa main gauche se couvrait de veinures noires, ses muscles se convulsant autour de l'épaule de Cid.

Il saisit sa main gauche de la droite et parvint à lui faire lâcher prise, brisant les os à la grande horreur des autres membres d'Avalanche.

"Setzer ?" balbutia Cid.

"J'ai plus le temps… Demande pardon à Shera pour moi…"

"Zer, attend..."

Les yeux de Setzer s'ouvrirent brusquement sur ses pupilles mauve, rendue flamboyante par son regard furieux et la mako.

"NE ME SUIS PAS ! ! !" rugit-t-il en repoussant violemment Cid qui vola contre les jumeaux.

Setzer fit ensuite demi-tour, repoussant les troopers qui tentaient de le retenir.

"Qu'est-ce qu'il lui prend ?" Demanda Zack en se relevant, hissant Cid sur ses pieds.

"Pas la moindre idée", avoua Cid en se relevant, "mais ça va mal !"

Pendant ce temps, l'homme aux cheveux argent avait gagné l'esplanade devant le réacteur, encore vide de l'évacuation précédente. Il tomba à genoux, haletant bruyamment et leva les yeux vers le ciel.

"Et dire que je voulais mourir en volant", soupira-t-il.

"SETZER !"

L'interpellé sentit son sang se figer et se retourna, apercevant Cid approcher à grands pas, suivi de ses collègues.

"Zer bon sang qu'est ce qui te prend ?"

"CID NON RECULE !"

"Donne-moi une seule bonne raison, espèce de pilote de merde ? !"

Cid fit un pas en direction de Setzer. Celui se releva fébrilement, une main en avant pour repousser son ami.

"N'APPROCHE PAS TU VAS ETRE TOUCH…"


Cid ne comprit pas tout de suite ce qui s'était passé.

Il ne vit pas tout de suite.

A un moment, il se tenait devant Setzer et celui d'après, les jumeaux étaient devant lui, leurs épées dressées en guise de bouclier, dos à son ami, arborant le regard dur qu'ils avaient toujours quand ils repartaient en mode combat. Puis le regard fixe de Zack se radoucit et il jeta un petit coup d'œil par-dessus son épaule.

"Cid" commença-t-il d'une voix hésitante, "tu vas venir avec moi."

"Qu'est-ce qui se passe ?"

"Tourne-toi" ordonna Zack en lui prenant le bras "ne regarde pas, retourne au fourgon."

"Zack, qu'est ce qui se passe ?"

"J'essaye de t'épargner, s'il te plait, retourne au fourgon."

"Mon cul c'est du chocobo ! Laisse-moi le voir !" protesta Cid en essayant de pousser Zack de l'épaule, agrippant son épée par la partie non tranchante pour la repousser.

Il la lâcha en sentant le liquide poisseux qui la couvrait.

Sa main était couverte de sang.

Le dos de l'épée était couvert de sang.

Le sol derrière les jumeaux était couvert de sang.

Sauf au milieu, où il ne pouvait voir que le manteau noir de Setzer qui...

"Non.. non non non non NON ! ! !"

Cid tenta à nouveau de forcer le passage mais ne put faire bouger Zack d'un centimètre.

"Cloud, tiens les gens à l'écart" ordonna Zack en lui tendant son épée, laissant son frère cacher la vue du corps de Setzer de leurs armes.

"Oui, Zack."

C'était injuste.

Zack le prit à bras le corps comme un enfant, l'obligeant à reculer, le portant quand Cid essaya de se faire plus lourd pour lui échapper.

Et il l'éloignait de Setzer.

Ce ne fut qu'une fois enfermé dans le fourgon avec Shera que Cid réalisa qu'il était en train de hurler à s'en déchirer la gorge.


"Cid ?"

Il tourna la tête.

Aérith était assise à l'entrée du fourgon, les jambes pliées sur le côté, les mains sur les genoux.

"Est-ce que ça va mieux ?"

"Mieux ?" répéta le pilote avant de grimacer.

Sa voix était rauque, plus que d'habitude même, et sa gorge faisait mal.

"Tu as beaucoup crié. Tu voudras un thé ?"

"Je… oui. Oui, s'il te plait."

"On va te préparer ça, d'accord ?"

Elle lui parlait tellement doucement qu'il devait se concentrer sur elle pour bien l'entendre. Pourquoi est-ce qu'elle parlait comme ça ? On aurait dit qu'elle essayait de calmer Cloud quand…

Il se redressa, regardant autour de lui.

"Bahamut, qu'est-ce qui s'est passé ?"

Un des sièges avait été arraché, la garniture d'un autre, déchiquetée. Une des vitres était brisée, complètement étoilée et à peu près toutes les surfaces cabossées.

"Shera dit que tu as failli atteindre ta limite."

"Failli ? Ça ressemble pas à du 'failli' ce bordel !" s'exclama Cid en levant les mains, montrant l'état du fourgon. "Merde !"

Lui qui se vantait de savoir se maîtriser, c'était du joli.

Bon, au moins, seule Shera avait dû le voir dans cet état. Les gens dehors avaient dû se poser des questions, par contre.

"Shera ! Elle n'est pas blessée ?"

"Elle n'a pas une égratignure" le tranquillisa Aérith en se relevant doucement pour l'approcher, lui tendant la main. "Tu viens ?"

Il se leva, prenant la main d'Aérith et la laissant le guider hors du camion.

Ils n 'étaient plus au réacteur.

En fait, ils n'étaient plus dehors. A un moment, l'équipe d'Avalanche était retournée à Seventh Heaven et le fourgon était garé à sa place, entre la camionnette et l'ambulance. Cid regarda autour de lui, un peu déphasé avant que son esprit pratique reprenne le dessus. Il lâcha la main d'Aérith, regardant de nouveau l'intérieur dévasté et plongea ses mains dans ses cheveux courts.

"Je vais réparer ça."

"Reeve dit que tu as intérêt."

"Je paierais les pièces détachées."

"Je connais quelqu'un qui en vend."

"Tu connais toujours quelqu'un" marmonna Cid. "Où... où est Shera ?"

"Au laboratoire."

"Et… Setzer ?"

Cette fois, Aérith eut un petit sourire triste.

"Aussi. Dès qu'elle a réussi à te calmer, elle m'a demandé de le ramener au plus vite ici, avant que…"

Elle releva brutalement la tête et la tourna sur le côté, écoutant quelque chose.

Ses yeux s'agrandirent.

"Ho, Rivière, non !"

"Aérith ?"

Elle fit quelques pas de côté jetant un regard entre l'ambulance et le fourgon et Cid entendit un moteur s'arrêter.

"Reno ! Rude ! Non !"

"Désolé Aérith" répondit la voix de Rude.

"Manquait plus qu'eux" marmonna Cid.

Les deux Turks passèrent Aérith et Cid au pas de course, se dirigeant vers le laboratoire au fond du couloir, Rude installant une matéria de feu sur son bracelet.

"Shera ! Shera les Turks arrivent ! Zack ! Quelqu'un !" s'écria Aérith pendant que Cid leur emboitait le pas, bien décidé à les arrêter.

"Dégagez tous les deux !" ordonna-t-il.

"Ordre du patron, Cid, désolé" répondit Reno d'un air absolument pas désolé.

"Si vous touchez à un cheveu de Setzer, je vous jure que…"

Rude poussa la porte du labo.

Et recula, les mains en l'air.

"Qu'est ce qui se passe Ru…" commença Reno avant de reculer à son tour, comme Shera sortait.

Jusqu'à présent, les relations entre les Turks et Shera avaient été aussi cordiales que possible, vu la situation. Shera n'était ni une combattante entrainée, ni une mage née, ni une guérisseuse native et n'avait d'autres recours quand les Turks venaient détruire ses recherches que d'attendre qu'ils aient fini et farfouiller dans les cendres.

Et Shera avait maintenant un fusil entre les mains et le tenait dans une posture parfaite, prête à tirer.

Tout d'un coup, Cid se félicitait de l'avoir obligée à passer par le camp de formation militaire avant de l'avoir embarquée dans cette guerre.

"Tu fais un pas dans cette pièce, Rude et je tire."

"Mademoiselle Highwind," commença le Turk d'un ton raisonnable.

Shera retira la sécurité.

"Vous n'avez pas trouvé le corps de Setzer Gabbiani."

Rude se figea en entendant la voix de Vincent juste derrière lui. Cid et Reno jurèrent en voyant l'ex-Turk apparaître près d'eux et le roux voulut le frapper, mais la main mutante de Vincent le saisit par la gorge, le plaquant contre la paroi en préfabriqué du couloir.

Vincent ne lui avait même pas adressé un regard.

"Quand vous êtes arrivés, Shera avait déjà incinéré son corps. Elle ne l'a pas autopsié, n'a fait aucun prélèvement. Elle l'a incinéré directement, par égard pour leur amitié."

"Tu nous demandes de mentir à notre supérieur ?"

"Je ne demande pas." répondit Vincent.

"Rude ! Dis-lui d'aller se faire foutre !" glapit Reno.

La main de Vincent se resserra imperceptiblement et le rouquin se tut sous la pression, relevant le menton pour tenter de respirer.

Vincent ne le regardait toujours pas gardant le regard fixé sur l'autre Turk.

Cid ne voyait pas les yeux de Rude à travers ses lunettes de soleil, mais il vit ses sourcils se froncer imperceptiblement.

"Vous n'avez pas trouvé le corps de Setzer Gabbiani" répéta Vincent.

"Nous n'avons pas trouvé le corps de Setzer Gabbiani" confirma Rude. "Il a déjà été incinéré. Mademoiselle Highwind ne l'a pas autopsié."

L'instant d'après, il se retrouvait avec un Reno à bout de souffle dans les bras.

"Espèce de bâtard," commença le roux.

Rude le retint, l'empêchant de sauter à la gorge de Vincent.

"Nous aurions besoin d'un Turk comme toi au bureau" déclara Rude.

"Je ne suis plus Turk" répondit Vincent sur le même ton.

"Les seuls ex-Turks qui existent sont les morts" grommela Reno.

"En effet."

Cela eu le mérite de faire taire Reno. Rude adressa un petit signe de tête à Shera et repartit, entraînant Reno avec lui.

"Je vais m'assurer qu'ils ne reviennent pas" déclara Vincent en les suivant.

"Vincent ?"

"Hm ?"

"Merci" fit Cid.

"Va voir si Shera va bien" répondit Vincent avant de disparaître à son tour par la double porte du couloir, suivi d'Aérith qui composait déjà un numéro sur son PHS.

Avec un petit soupir de soulagement, Cid se tourna vers Shera, la regardant baisser son fusil.

"Tu réalises que tu as essayé de flinguer un Turk ?"

La jeune femme eut un petit sourire tremblant et appuya sur la gâchette.

Il n'y eut qu'un petit clic dérisoire.

"Ce n'est pas chargé."

"Tu BLUFFAIS ?"

"Zer m'a appris," balbutia Shera "m'avait appris" corrigea-t-elle.

Des larmes lui emplirent à nouveau les yeux et elle retira précipitamment ses lunettes. En deux pas, Cid fut près d'elle, la serrant dans ses bras.

Il le regretta en voyant le corps étendu sur la table d'opération derrière elle.

Shera l'avait couvert d'un drap, mais le manteau de Setzer était soigneusement plié, plus loin, le reste de ses habits posé en tas, un plateau contenant ses effets personnels à côté.

Le drap faisait un creux au-dessus de ses épaules et Cid détourna le regard, posant sa joue sur le crâne de Shera.

"Tu... tu l'as…"

"Autopsié ? Oui" répondit Shera.

Elle s'écarta suffisamment pour pouvoir regarder Cid.

"Je suis désolée."

"C'est ton travail" répondit Cid." Tu... as découvert quoi ?"

Shera se dégagea doucement des bras de Cid et se tourna à son tour vers la table, posant le fusil sur son bureau et remettant ses lunettes.

"Il n'a pas menti. Son corps a été régénéré. Il n'avait plus aucune de ses cicatrices sur le bras gauche et j'ai noté une différence de carnation entre les parties régénérées."

"Hojo peut vraiment faire repousser des membres ?"

"Il semblerait."

"Comment…"

Cid prit une profonde inspiration et se frotta le front du pouce avant de reprendre d'une voix qu'il espérait égale.

"Comment est-il mort ?"

"Explosion d'origine biologique."

"On en a de plus en plus comme ça."

"Je crois que c'est un système d'autodestruction," expliqua Shera.

"Quoi ?"

"Hojo fait en sorte que les squames que nous capturons ou tuons ne puissent pas être étudiés. Il détruit volontairement leur cerveau."

"Zer n'était pas un squame."

"Il n'a pas été qu'augmenté."

"Shera…"

"Il y a eu plusieurs injections de mako, sur quelques années je dirais, la dernière très récente, pas plus d'une semaine. Mais" reprit-t-elle en désigna l'écran de son ordinateur, "j'ai trouvé des traces de début de mutations, au stade cellulaire seulement, d'ici quelques semaines, il aurait pu commencer à.. à être…"

"Shiera. Komdu hingað4…" marmonna Cid en essayant de la reprendre dans ses bras.

"Même si... même s'il n'y avait pas eu l'auto... l'autodestruction, il aurait fini par…par devenir un…"

Makonoïde.

Et il n'y a avait aucun moyen d'inverser le processus.

"On l'aurait perdu quand même" murmura Shera laissant Cid déposer un baiser sur sa tempe.

Quelqu'un toqua à la porte et Cid recula, lâchant Shera avant de se tourner vers l'intrus.

Reeve se tenait à l'entrée du laboratoire, une main toujours levée sur le battant de la porte.

"Aérith vient de me dire que les Turks sont venus récupérer le corps, est-ce que tout va bien ?"

"Oui, oui merci Reeve" déclara Shera en s'essuyant les yeux d'un doigt, relevant ses lunettes de l'autre main.

"Je vais écrire une plainte officielle à Heidegger, ont-ils pris quelque chose ?"

"Non, mais… vois d'abord avec Vincent" objecta Cid.

"Ils ont accepté de mentir à leurs supérieurs" reprit Shera en s'essuyant les yeux. Officiellement le corps de Setzer a été détruit sans au... sans autopsie."

Le regard de Reeve glissa vers la table d'autopsie et le corps recouvert qui gisait dessus.

"Que... comptez-vous faire ?"

"La seule chose qu'on peut : Lui offrir des funérailles."

Reeve hocha la tête. Ce n'était pas la première fois qu'ils avaient à gérer ce genre de situation. Quand ils arrivaient à identifier les Bienheureux, ou tout mutant humanoïde, Reeve faisait tout son possible pour trouver leurs familles, s'il y avait, et leur rendre les cendres.

Il y avait toujours des corps qui restaient non réclamés et dont les restes étaient envoyés à Guadosalam, la ville cimetière, mais Reeve tâchait de s'arranger pour que toutes les religions possibles bénissent les morts avant leurs départs.

"Il était croyant ?"

Les deux Highwind éclatèrent du même rire nerveux.

"Je.. Cristallite5 plus ou moins. Yévonite de tradition familiale, mais pas très… pas très pratiquant."

"Ça, c'est le moins qu'on puisse dire," ajouta Cid, "entre les machines, l'alcool, le jeu et les femmes..."

"Je peux trouver un prêtre des cristaux, discrètement" proposa Reeve.

"Merci Reeve."

"Vous avez besoin d'autre chose ?"

"On... on va se débrouiller" répondit Shera. Je vais allumer l'incinérateur et…"

"On va s'en charger," acheva Cid.

"Très bien. Je vais passer le message pour que personne ne vous dérange aujourd'hui."

Il commença à sortir mais hésita à nouveau, posant la main sur la poignée.

"Prenez votre temps mais… Il me faudra un rapport. De vous deux. Et on va devoir discuter, Cid."

"Ouais, ouais," grommela le blond avant d'ajouter, plus bas "désolé."

Une fois seuls, Cid et Shera échangèrent un regard puis se tournèrent vers le corps.

"C'est pas comme ça que je pensais finir la journée," maugréa Cid.

"Moi non plus," avoua Shera avant d'aller chercher le plateau contenant les affaires de leur ami.

"Qu'est-ce que c'est ?"

"Ce qu'il avait dans ses poches. Quelques guardian-cards… je vais relever le numéro de série, ça devrait permettre de trouver comment il les a eu. Ses rasoirs..."

Cid leva la main à son épaule, par réflexe et trouva le trou ensanglanté dans son tee shirt, mais là où la lame avait transpercé sa peau, il n'y avait plus qu'une fine ligne blanche.

Ha. Aérith.

Bosser avec une guérisseuse était une bénédiction. A tous les sens du terme.

"Son portefeuille…"

"Où il a eu des faux papiers ?"

"Ce sont les siens," répondit Shera en ouvrant le portefeuille, sortant une photo maltraitée et délavée, " sans scanner, impossible de savoir qu'il était censé être mort."

Setzer et une belle femme blonde leurs souriaient et elle la regarda longuement avant de la ranger et glisser le portefeuille dans sa poche.

Il y avait une étrange écaille dans le plateau, irisée, longue comme le pouce, d'un beau bleu mauve. Un vieux jeton de casino. Une pièce factice avec deux faces. Un ticket d'achat chez un glacier.

"Zack a dit qu'il mangeait une glace quand ils l'ont vu la première fois."

"Pas foutu de résister à un bonbon, celui-là," maugréa Cid en prenant la pièce.

"Je ne comprends pas l'écaille" murmura Shera en la levant à la lumière, observant les iridescences.

"Quelque chose qu'il aurait récupéré à Sin ?" suggéra Cid.

"Je vais l'analyser."

Il n'y avait rien d'autre.

Aucun autre témoin des cinq dernières années de la vie de leur ami.

Cid se tourna légèrement vers le corps, hésitant à le regarder, pendant que Shera tirait sur les plis du manteau posé près du plateau.

"Est-ce qu'il… est-ce que je peux le voi..."

"Non" répondit durement Shera avant de se radoucir. "Non. Ne regarde pas Cid."

Elle prit une profonde inspiration et se redressa.

"On va le mettre dans l'incinérateur avec le drap."

"Shera, je..."

"Siddhe," reprit Shera d'un ton de nouveau dur, "tu ne le regardera pas."

"Tu l'as vu !"

"Et justement je le regrette !"

Et pour une fois, Cid ne tenta pas d'avoir raison. Il suivit Shera du regard quand elle alla vers l'incinérateur au fond de la pièce, tirant le plateau d'insertion.

"Besoin d'aide ?" proposa Cid.

Elle hésita mais finit par hocher la tête.

"Il pèse toujours une tonne" admit-t-elle.

"C'est la glace à la fraise, ça. Comment on…"

Shera alla vers la table d'autopsie et s'affaira autour du corps, l'enveloppant dans le drap qui le cachait aux regards.

Cid détourna le regard.

Ce vide au-dessus des épaules. Il ne s'y faisait pas.

Shera avait raison.

Il ne voulait pas le voir. Pas comme ça.

"Voilà." déclara Shera avant de donner un coup de pied sur le bas de la table, débloquant le frein. "On va le pousser à côté et le faire basculer dessus."

"Je peux le porter," proposa Cid.

En s'y mettant à deux, ils arrivèrent à placer le corps de Setzer sur le plateau et le poussèrent en place dans l'incinérateur. Shera activa les matérias puis referma la porte.

"Prêt ?" demanda-t-elle.

"Ça ne vaut pas un feu de dragon."

"Tu veux le faire ?"

"Pas sûr que la pièce soit assez grande."

"Appuyer sur le bouton, Siddhe," corrigea Shera.

"Ho… Ouais."

Ça ne fut pas spectaculaire.

Cid pressa le bouton.

L'écran afficha 'crémation en cours' et le compte à rebours avant la fin du procédé.

Mais Shera et lui passèrent l'heure suivante devant l'incinérateur, sans même échanger un seul mot supplémentaire.


Le lendemain, on ne vit la biologiste et le pilote qu'aux heures du repas. Shera tapa son rapport, le donna à Reeves, puis disparut toute la matinée. Le débriefing entre Cid, Barret et Reeve fit trembler les murs, jusqu'à ce que Jessie et Wedge finissent par visser une encoche à matéria sur le montant de la porte et y glissèrent une matéria de silence.

Cid décida ensuite d'entamer les réparations du fourgon et aboya férocement sur quiconque tentait de lui changer les idées.

Après qu'Aérith elle-même se soit fait rabrouer, ses camarades décidèrent sagement d'attendre que l'orage passe et le laissèrent à ses bricolages, reprenant leurs occupations habituelles

"Donc, si je comprends bien, l'invocation de la G-Force devrait annuler les magies à proximité ?"

"Seulement si la G-Force que tu as invoquée est plus puissante que les sorts. Sinon, ils seront juste affaiblis. Et puis après, il a la nature du sort à prendre en compte" corrigea Aérith, penchée par-dessus l'épaule de Yuffie pour l'aider à faire ses devoirs.

"Ouais, l'étoile élémentaire. Feu sur glace, glace sur eau, eau sur… heu.. terre. Non, je me trompe…"

Vincent leva les yeux de sa tablette, où il lisait enfin les derniers rapports, et jeta un coup d'œil à son tour, intrigué par les termes qu'utilisaient les deux jeunes filles. Il reconnut des cartes posées devant le livre de Yuffie.

"Tu as des G-forces ?" s'étonna-t-il.

"Ouais. On est obligés d'apprendre leur maniement à la MGU."

"Toi aussi ?" demanda-t-il à Aérith.

'Oui. Carbuncle. C'est le seul avec lequel j'arrive à travailler."

"J'ai une shiva, mais elle ne m'aime PAS" ajouta Yuffie.

"Gabbiani avait les mêmes" nota Vincent.

"Ouais, je ne sais pas où il les a eu," s'étonna Aérith.

"Moi, je sais pas comment il s'est pas fait frire la cervelle avec plusieurs," ajouta Yuffie

"Comment ça ?" s'étonna Vincent.

"Heu… tu sais comment ça fonctionne ?"

Vincent secoua la tête.

"Jessie a parlé de lier son esprit à la G-Force..."

"Ouais. Y'a pas… y'a pas que des bons côtés. Tu partages ta cervelle avec la G-Force, il y a parfois des interférences, des maux de crâne… Des amnésies."

"Et vous les utilisez ?"

"Pas le choix. Y'a pas assez de matéria pour tout le monde."

"Et Zer était une telle brêle en magie qu'il faussait les matérias en approchant," coupa Cid en entrant à son tour, vêtu d'un costume noir, rasé de frais et ses cheveux retombant sur son front, sans ses éternelles lunettes d'aviateur pour les maintenir.

"On l'aurais cru Al Bhed vu son talent en magie" grommela encore le blond, le regard perdu dans le vide.

Il faisait plus jeune ainsi, sans sa cigarette, sans son sourire fier à bras.

"Tu ne nous attends pas pour le repas Elmyra, Shera et moi on mange dehors", déclara-t-il avant de glisser un doigt dans son col et tira légèrement en ronchonnant. "Quoi ?" Fit-il en avisant tous les regards sur lui.
"Rien, je ne t'ai juste jamais vu rasé et en costard", expliqua Yuffie " t'es mimi comme ça".
"C'est l'enterrement de Zer", marmonna Cid en tirant à nouveau sur son col.
"Cid ? Tu es prêt ?" Appela la voix claire de Shera, venant du garage.
"Ouais, j'arrive Shera."
Le pilote se traîna jusqu'à la porte où l'attendait la brune, puis subit un resserrage de cravate de la scientifique avant de la suivre jusqu'à la voiture.
"Je ne l'ai jamais vu aussi secoué", murmura Aérith.
"Ouais, il n'a même pas envoyé voir Yuffie", renchérit Zack.


Le cimetière militaire était petit.
Pas seulement parce qu'il était entouré de toute part par de hauts bâtiments, mais aussi parce que tous les militaires morts depuis le début de la guerre étaient incinérés. Il ne fallait pas risquer de voir revenir un tacticien hors pair, ou fournir de la chair à canon à leur ennemi, uniquement parce que Hojo les aurait ramenés des morts, sous forme de Bienheureux. C'était déprimant de regarder toutes ces petites tombes des officiers supérieurs, et au fond du cimetière, ce grand mur de pierre gravé des noms des simples soldats. Il y avait le nom de Setzer quelque part, et Cid savait qu'un jour son nom serait probablement dessus, si son père décidait de ne pas récupérer son corps. Il ne voulait rien avoir à faire avec lui, et c'était réciproque, au point qu'il avait fini par traverser la moitié d'un continent pour venir à Midgar et se trouver une autre famille, faite de bric et de broc, d'autres solitaires comme lui, marginaux ou orphelins.

Famille qui, avec la guerre, avait bien diminué.

Il n'y avait personne à l'enterrement, juste un prêtre que Reeve avait engagé pour le service mortuaire. Personne d'autre pour se souvenir de Setzer.
"Le service va commencer. Désirez-vous une prière en particulier ?"
"Priez pour qu'il revienne sous la forme d'un piaf, c'est la seule chose qu'il aurait voulu de son vivant," déclara Cid, coupant Shera qui allait répondre.
Le prêtre jeta un regard stupéfait au blond puis un autre, interrogateur à la brune qui lui souffla quelques mots avant de glisser son bras sous celui de Cid et le mener jusqu'au mur.
"J'aime pas cet endroit, Shera", marmonna Cid en regardant les tombes chichement fleuries.

C'était peut-être culturel.

Les Burméciens pratiquaient la crémation bien avant les Midgariens, mais préféraient répandre les cendres du haut de leurs montagnes, et les envoyer aux quatre vents. Il n'y avait pas de cimetière dans les montagnes de Burmécia, le peu de terre disponible étant réservé aux cultures et à l'élevage.

Savoir qu'il y avait des tonnes de cendres humaines autour de lui ne lui semblait pas naturel.

Quant aux cimetières d'inhumation en pleine terre, ils lui donnaient envie de partir en courant.
Shera se contenta de presser légèrement l'avant-bras de Cid. Ils s'arrêtèrent vite près du mur et cherchèrent le nom de Setzer pendant de longues minutes. Il y en avait tant. Le prêtre posa l'urne funéraire sur le sol, près de la trappe de dépôt la plus proche, ouvrit son livre de prières et se racla la gorge avant de commencer sa lecture.
"Nous sommes ici réunis pour dire adieu à Setzer Gabbiani, pilote renommé et ami sincère..."
Cid se coupa immédiatement du discours du prêtre et se concentra sur le nom gravé dans la pierre.

Il avait beau jurer par tous les noms de Bahamut et avec de multiples variations plus ou moins polies, il avait cessé de prier presque quinze ans plus tôt et n'avait pas accordé d'importance à un autre Dieu.

Il refit son calcul par réflexe.

Seize ans.

C'était officiel, il avait maintenant passé autant de temps hors de Burmécia que dedans.

Setzer aurait insisté pour le fêter, toujours prêt à dégainer une bouteille à la moindre occasion.

Les diplômes de Shera ? Champagne Alexandrite !

Le premier vol du Falcon ? Brandy de Junon !

Leur embauche à la Shinra ? Vodka d'Icicle !

Le premier record de vitesse de Darill ? Tournée générale et on se finit au whisky Blackbelly !

Maintenant qu'il y pensait, il avait peut-être été alcoolique dans leur jeunesse.

Et la mort de Darill n'avait rien arrangé.
"Cid ?"
Le blond tourna la tête vers Shera qui tirait sur sa manche. Le prêtre avait fini l'oraison. L'urne avait été déposée avec les autres, sous le mur.

C'était fini.
"Allons-y... Il faudra qu'on aille voir Darill un jour, non ?"
"Pourquoi ? Où y'a Zer y'a Darill... Pas la peine de se fatiguer... Ces deux-là reviendront sous la forme d'inséparables, ajouta Cid en se rallumant une clope, "rentrons Shiera."


Quand Vincent alla se coucher ce soir-là, il sut dès le début du couloir que le pilote n'était pas seul.

"Ce type était un roublard, un voyou, un coureur de jupon, un tricheur, un branleur, un mécano de merde mais je le regretterais quand même ! ! !"

"Oui, Shera, pose cette bouteille et prend en une pleine plutôt", rétorqua calmement Cid, d'une voix bien plus ferme que celle de la jeune femme.

"Elle a peut-être assez bu, non ?" fit Vincent tout en refermant la porte derrière lui.

Cid et Shera étaient tous deux assis sur le lit, quoique que le terme « affalé » convienne mieux pour la jeune femme habituellement si digne. Elle n'avait pas retiré sa jupe et son tailleur noir, mais ses chaussures à talons gisaient sur le tapis, près des bottes et de la veste de Cid. Alors que Cid allait répondre à Vincent, elle attrapa la bouteille de whisky Blackbelly du blond et en descendit une grande lampée avant de donner le doigt au plafond sans cesser de brailler.

"Et tu as intérêt à rendre Darill heureuse là où vous êtes, CONNARD ! ! !"

"Shera, baisse le ton, ne réveille pas Marlène ou Barret va nous tuer."

"Vincent !" Tonna Shera en apercevant le brun.

"Je vais vous laisser, je dormirais sur le canapé" déclara le sniper en commençant à s'esquiver.

"Nan nan nan, viens là, tiens, assieds-toi", marmonna Shera en cherchant un verre et le remplissant.

Vincent obéit avec un brin d'appréhension et s'assit sur son lit, recevant aussitôt sa boule de poil sur les genoux. Shera manqua de lui casser le nez en brandissant le verre devant ses yeux.

"Tiens ! Trinque !"

Vincent prit le verre doucement comme s'il prenait une grenade désamorcée.

"Allez, trinque !" l'encouragea Shera." On fait une veillée funèbre Burmécienne vu que ses vieux n'étaient pas capables de reconnaître qu'ils avaient une…un... un truc bien entre les mains et ont... ont même pas célébré son premier enterrement !"

"Shera, je ne le connaissais pas… " protesta Vincent.

"M'en fout," rétorqua la brune en revenant vers le lit de Cid, en une ligne qu'elle espérait droite. "On... on va te parler de lui, t'verras. Tu… Tu l'aurais DÉTESTÉ !"

Elle s'assit, écrasant le genou de Cid qui ne protesta pas et leur resservit un verre chacun. Vincent le vit toutefois couper discrètement le verre de Shera avec de l'eau et le lui tendre innocemment.

"Voilà comment on a rencontré Setzer… Comment on l'a rencontré au fait ?" Demanda Shera à Cid.

"Darill nous l'a présenté," répondit Cid en installant Shera plus confortablement sur son genou, la retenant d'un bras autour de sa taille.

"Ha ouais... Et comment on a rencontré Darill ?"

"Bois, je vais raconter. En fait, Darill était la colocataire de Shera quand elle était à Midgar pour le lycée. Et comme je squattais souvent chez Shera…"

"T'avais un gobelet avec une brosse à dent à ton nom et sept caleçons dans MON placard !" Vociféra Shera.

"Bon ok, je vivais chez Shera à l'époque. Donc j'ai fini par rencontrer Darill, qui était aussi mordue de mécanique et d'aviation que moi. Elle m'a appris toutes les bases. Quand elle a fini le lycée, et qu'elle est passée à l'académie de pilotage, je l'ai suivie."

"Moi je n'étais pas avec eux," râla Shera.

"T'avais qu'à pas faire biologie" rétorqua Cid.

"La mécanique aéronautique, c'est trop simple" grommela Shera d'un ton boudeur avant d'avaler une gorgée.

Vincent se permit une petite moue appréciative. Trop simple. Ben voyons.

"C'est là que Darill a rencontré Setzer et a commencé à sortir avec lui. Évidemment, comme c'était ma meilleure amie, j'ai décidé de mettre les choses au point, pour qu'il s'occupe bien d'elle."

"Ils ont fini à l'hosto", l'interrompit Shera. "Je te raconte pas le savon que Darill et moi on leur a passé."

"Mais après ça, on est devenu les meilleurs potes du monde !" Conclut Cid avec un grand sourire.

Shera leva son verre presque vide avec enthousiasme.

"Ouais ! Les quatre pires tarés au monde !"

"Bahamut er vitni6", renchérit Cid.

"A Darill, qui avait beau ressembler à une grande dame, belle, distinguée, élégante, et n'en était pas moins la pire salope que le monde ait connue !"

"Et qui commençait et finissait glorieusement toutes les bagarres de bar auxquelles on n'a jamais participé," ajouta Cid en levant son verre.

Devant eux, Vincent se demandait s'il arriverait à vider son verre quelque part sans qu'ils s'en aperçoivent, ou du moins avant qu'ils ne lui demandent de faire un compliment du même acabit à la grandeur de leurs amis disparus.

"A Setzer Gabbiani, connard fini devant l'éternel qui a définitivement largué ses meilleurs amis !" Lança Shera, la voix tremblante. "Et qui ne nous a jamais laissé le temps de lui dire… au revoir…"

La voix de Shera se brisa définitivement et elle jeta ses bras autour du cou de Cid, enfouissant son visage au creux de son épaule, hurlant quelque chose dans le tissu avant d'exploser en sanglots.

"C'était du Burmécien, non ?" S'enquit Vincent en jetant un regard perplexe à son propre verre.

"Ouais, elle a vécu à Burmécia pendant quelques années", répondit Cid en tapotant le dos de la brune. "Elle a chopé les formules de politesses."

Vincent haussa un sourcil.

"Ça n'avait pas l'air d'une politesse."

"Du point de vue burmécien, la politesse couvre les compliments et les injures."

"Je comprends mieux que tu jures comme un charretier", murmura Vincent en goûtant du bout des lèvres à son verre de whisky.

Pas mauvais, Cid et Shera avaient du goût en matière d'alcool.

"Insulter les gens est tout un art de vivre", renchérit Cid avant de tourner la tête vers Shera qui avait arrêté de pleurer. "Ça va, Shiera ?"

"Je vais être malade," gémit la biologiste.

C'est avec un flegme ahurissant, ou peut-être simplement la force de l'habitude, que Cid approcha la corbeille à papier et tint les cheveux de Shera pendant qu'elle vomissait. Puis, en attendant qu'elle se remette, geignant misérablement, il alla nettoyer la poubelle, chercher un verre d'eau, une aspirine et proposa à Shera une matraque qu'elle refusa avec un regard noir.

L'aspirine fut néanmoins acceptée comme offrande de paix.

Le reste de la soirée se passa dans un calme plus approprié à une veillée funèbre. Shera finit par s'endormir, blottie sur les genoux de Cid qui lui caressait distraitement les cheveux tout en sirotant le fond de sa bouteille. Au bout d'un moment, voyant que Cid n'avait pas l'intention de reprendre son récit où il l'avait laissé, Vincent s'éclipsa pour se changer dans la salle de bain du rez-de-chaussée. Quand il revint, Cid avait disparu. Il avait pris soin de border soigneusement la jeune femme et de ranger les bouteilles vides là où personne ne risquerait de marcher dessus. Vincent remarqua aussi que les vêtements de Shera étaient soigneusement repliés sur le dossier de la chaise et qu'elle était emmitouflée dans un pull de Cid, trop grand pour elle.

Du pilote, pas de traces.

En revanche, la fenêtre de la chambre était grande ouverte.


Il trouva Cid allongé sur le toit, pieds nus, comme d'habitude, en tee shirt et caleçon à contempler le dessous de la plaque.

Ou plus probablement le vide.

Heureusement, le toit n'était qu'en légère pente, et formé de plusieurs plaques de tôles soudées entre elles, mais vu tout ce que Cid et Shera avaient avalé ce soir, il préférait rester à proximité au cas où.

Un tas de photos était posé à côté du pilote et certaines commençaient à glisser le long de la pente.

Vincent en attrapa une au vol avant de finir de se hisser sur le toit.

"Tu regretteras si tu la perds" déclara-t-il.

"J'ai les négatifs" répondit Cid.

C'était une des photos que le blond gardait dans la chambre, épinglées sur un panneau de liège. Celle-ci représentait une scène d'intérieur, probablement un bar. La photo était de travers, Shera avait eu le bras tendu en la prenant. Derrière elle se tenaient Setzer et Cid, chacun un bras autour de la taille d'une belle jeune femme blonde aux yeux vert qui brandissait un bock de bière. Ils devaient avoir la vingtaine sur cette image, Shera portait même encore un tee-shirt orné du nom de son école.

"Darill ?" demanda Vincent en approchant.

"Hm. On fêtait notre embauche ce jour-là. Premier jour de boulot le lendemain, on avait une gueule de bois à s'en taper la tête sur les murs."

"En tant que pilote ?"

"Non, ingénieurs" répondit Cid, "on a commencé comme ça à la Shinra. On concevait des aérostats. Ca avait fait ses preuves dans la guerre contre Wutai et ils voulaient développer le concept. Et comme il n'y avait pas beaucoup de gens formés au pilotage, on s'en chargeait aussi."

"Elle était très belle." admit Vincent en venant s'asseoir près de Cid, croisant les jambes.

"Ouais hein ? Elle était de Kohlingen, je crois. Une petite famille noble. Techniquement une Princesse. Une vraie de vraie."

Vincent regarda de nouveau la photo, notant le bock de bière et la cigarette que la jeune femme avait dans l'autre main.

"Vraiment ?"

"Ouais, non, j'ai jamais dit qu'elle agissait comme tel. Ça la gonflait tout ce qui était rond de jambes et petits fours. Elle était plus courses d'aérostat et mains dans le cambouis."

Vincent posa la photo parmi les autres, observant le petit tas.

"Je peux ?" finit-il par demander en montrant les photos.

"Vas-y et pose les questions. Tradition Burmécienne, on partage nos morts en buvant comme des trous."

"Tradition intéressante." nota Vincent en prenant le tas de photos.

Il n'avait jamais vraiment prêté attention au panneau de liège. Il avait reconnu Cid et Shera sur les photos, mais n'avait pas regardé de près qui elles dépeignait. Et il y en avait beaucoup avec une tête aux cheveux argent et une autre aux longs cheveux blonds. En train de parler, de boire, de prendre la pose ou d'être surpris par le photographe.

Il s'arrêta sur une autre photo, montrant Cid et Darill penchés par-dessus l'épaule de Setzer, qui dessinait un plan et apparemment, qui se disputaient avec virulence.

"Les disputes, c'est aussi une tradition ?"

"Quatre têtes de mules qui bossent ensemble, ça ne va pas tout seul. Tu ne le croirais peut-être pas vu le peu que tu l'as rencontré, mais de nous trois, Setzer était le plus prudent en matière de conception. Darill était prête à tout pour aller plus vite, moi plus haut et Setzer nous rappelait des choses aussi négligeables que la loi de la gravité et de la pesanteur."

"Pas Shera ?"

"Shera ne nous reprochait jamais notre manque de prudence. Elle corrigeait juste les plans dans notre dos. Attends, montre ?"

Vincent lui tendit la photo.

"Ha, ça c'était quand on commençait le Falcon. L'aérostat de Darill. On venait de finir le Blackjack, le bébé de Zer."

"Il y en avait plusieurs ?"

"Des prototypes pour la Shinra. Ils voulaient plusieurs types. Pour la vitesse, pour le transport de troupes, pour les déplacements de longue durée. Respectivement, le Falcon, le Blackjack et le Haut-Vent."

"Le Haut-Vent. Hm… Ça ne signifie pas..."

"Highwind, si si, c'est notre bébé à Shera et moi. Je te le montrerais si tu veux, il est amarré à l'aéroport de Midgar."

"Je n'ai jamais vu d'aérostat" murmura Vincent.

"Sérieux ? Mais comment ça se… Ho… ah ouais, ça n'existait pas y'a trente ans."

"C'était en projet, mais les premiers tests n'étaient pas concluants."

"Evidemment, nous n'étions pas encore là," rétorqua Cid en souriant à la photo.

Vincent continua de feuilleter les photos dans ses mains, il en trouva une de Setzer seul posant devant un...

"Un avion ?"

"Ha, ça, ça doit être le Tiny Bronco" commenta Cid en prenant la photo. "Ouais, c'était avant l'accident de Zer."

On voyait Setzer sur la photo, le visage lisse, en train de montrer fièrement une vieille carcasse d'avion, ses cheveux étaient plus courts et il portait les mêmes lunettes de pilotage que Cid, bien qu'une carte de poker usée soit glissée à la place du paquet de cigarettes du blond.

"C'était un vieil avion qui partait à la casse, on l'a racheté en mettant nos économies en commun et on l'a retapé de A à Z. Ça nous a servi de CV pour entrer à la Shinra."

"Setzer a eu un accident avec ?"

"Pas en vol. Un des moteurs a explosé pendant un test de capacité. Setzer a failli y passer, il a eu du bol d'avoir une limite de chance."

Cid se tut, fermant brièvement les yeux.

Il se rappelait le rire de Setzer, l'insulte graveleuse qu'il lui avait lancée, la promesse de Shera de leur offrir une bière s'ils pouvaient se calmer cinq minutes et finir le test.

Et puis l'explosion. Le hurlement de Setzer. Celui de Shera. La voix de Darill qui tentait de calmer tout le monde et d'incanter en même temps. Le trajet jusqu'à l'hôpital qui lui avait semblé être le plus long de sa vie.

Et ce bâtard avait eu le culot de réclamer sa bière en sortant.

"Enfin. Ouais du bol, il a failli perdre son œil gauche et il s'est retrouvé couvert de cicatrices, mais il s'en est sorti en vie."

"Les limites basées sur la chance sont aléatoires."

"C'est pour ça qu'on ne peut pas leur faire confiance. Probablement comme ça qu'il a échappé à la suspicion de Barret."

Vincent prit une autre photo, représentant Cid et Darill, plus jeunes, tous deux en tenue de soirée, Darill resplendissante dans sa robe, Cid la faisant tourner sur un pas de danse, un pouce était visible dans le coin de la photo, quiconque l'avait prise avait approuvé.

Ils avaient tous les deux l'air tellement jeunes. A peine plus vieux que Yuffie.

Il tourna la photo vers le blond qui la saisit aussitôt.

"Rends-moi ça !"

"Vous étiez proche."

"Non je... enfin c'est Shera qui a pris la photo… c'était pour leur cérémonie des diplômes" grommela Cid en jetant un petit coup d'œil ronchon à l'image, sans toutefois s'empêcher de sourire " Darill venait de plaquer son dernier mec en date et m'avait demandé d'être son cavalier."

"Setzer n'était pas là à l'époque…"

"Non, on l'a rencontré l'année suivante. Ces deux-là sont tombés amoureux avec la violence d'un crash d'aérostat. Tout le temps en train de se disputer et se rabibocher, à un moment je ne tenais plus le compte, je demandais juste à Shera avant d'aller les voir."

Il se recoucha sur le toit, admirant le sourire de Darill sur le papier glacé.

"Elle est morte il y a huit ans."

"La guerre ?"

"Même pas. Accident d'aéronef. Elle a tenté de battre un record de vitesse et elle s'est écrasé quelque part autour de Rocket City. Avec la guerre, il a fallu un an pour retrouver les restes du Falcon."

Il reposa la photo avec les autres.

"Ça a démoli Zer. Surtout que la famille de Darill a récupéré son corps et ne nous a pas laissé assister à l'enterrement. J'ai cru qu'il allait faire une connerie. On ne l'a pas laissé seul pendant tout le temps qu'il a fallu pour la retrouver et jusqu'à un an après ça. Et après on a FAIT une connerie et on s'est engagé tous les trois. On aurait mieux fait de rester se bourrer la gueule à Midgar."

Cid ramassa le tas de photos pour la ranger et feuilleta rapidement ce qu'il avait dans les mains avant d'en choisir une avec un petit sourire triste.

"Ha… dernière photo de Setzer…" murmura Cid en la tendant à Vincent.

Le pilote était assis sur une caisse, les bras appuyés sur ses genoux et le regard dans le vide. Il avait l'air épuisé, sa cigarette à la main, et de profondes cernes sous les yeux. Shera était assise derrière lui, les bras passés autour de sa taille et la tête sur son dos. Elle semblait dormir. En y regardant mieux, Vincent remarqua que les lunettes de Shera étaient dans la main de Setzer, comme s'il les tenait pour elle le temps de la sieste.

Ils portaient tous les deux un uniforme militaire, et leurs cheveux longs étaient soigneusement attachés en arrière pour ne pas les gêner. Tout autour d'eux, il n'y avait que des tentes vertes sales, des caisses de matériel, un avion au loin ou quelque chose qui y ressemblait.

"Je suis sûr qu'à un moment, ils se sont mis ensemble, mais qu'ils n'ont pas osé me le dire7." marmonna Cid.

"Pourquoi ?"

"Hé. Je peux pas leur donner tort, je suis un peu un dragon quand ça concerne la vie amoureuse de Shera."

"Tu vas trouver que je me mêle de ce qui ne me regarde pas…"

"Profites-en, je sais pas quand je serais à nouveau assez bourré pour te parler d'eux. "

"Qu'est-ce qu'il y a entre Shera et toi ?"

Surpris du changement de sujet, le pilote se redressa sur ses coudes, jetant un regard confus au sniper.

"Comment ça qu'est-ce qu'il…" commença Cid avant de comprendre la question. "Ho ! Ho non ! Ho, merde, c'est vrai, on te l'a jamais dit. Shera est ma sœur.8"

Cette fois, ce fut Vincent qui fut confus. Il y avait au moins une demi-dizaine de raisons pour lesquelles ce n'était pas possible.

Génétiques pour la plupart.

"Demi-sœur ? Hreiðrasystir9 ? Y'a pas de mot précis en commun... belle-sœur ? Mon père et sa mère se sont mariés quand on avait dix ans, on a grandi ensemble à Burmécia, mais à la base, elle est de l'est d'Alexandria."

Et une seule explication qui faisait que ça l'était.

"Ho. Décidément, je suis rouillé question enquête."

"Ça explique beaucoup de choses ?" ricana Cid.

"Tout, en fait. J'étais curieux" admit Vincent.

"Je vais lui raconter demain, ça la fera marrer. Ça faisait longtemps qu'on nous avait pas pris pour des époux."

"Ça arrive souvent ?"

"On a été collé l'un à l'autre depuis le premier jour, on a élevé notre sœur ensemble, je l'ai suivie à Midgar, on a vécu dans le même appart, bossé dans les mêmes coins... Même Barret s'y est laissé prendre."

"Votre sœur ? Freya ?" demanda Vincent en se souvenant du nom de leur correspondante de Burmécia, la mystérieuse expéditrice de thé.

"Ma petite souris blanche10 ! Pur produit Burmécien, elle, tu ne la fera jamais sortir de sa montagne."

"Je ne risque pas de la voir donc."

Cid lui jeta un regard faussement noir.

"Hey, rêve pas, pas moyen que je te présente ma sœur. Elle a l'âge d'être ta petite fille en plus."

"Beaucoup trop jeune pour moi, donc."

"On est d'accord."

"Dragon, hein ?" fit Vincent avec un petit sourire.

"Et grand frère. Et toi, tu as des…" commença Cid avant de se taire réalisant ce qu'il allait demander. "Heu… merde. Désolé."

Vincent secoua la tête.

"Mon père avait d'autres enfants, mais nous n'avons jamais été proches."

"Ha. Dommage."

Vincent haussa les épaules d'un air désinvolte. Ne pas avoir été proche de ses frères était un peu une litote. Il avait plutôt cherché à être le plus loin possible d'eux, le plus vite possible. Surtout de Chaos.

Cid hocha la tête puis s'assit.

"Bon… Il est temps d'aller dormir. Faut que je finisse de réparer le fourgon, demain."

"Tu arriveras à descendre ?"

Cid ramassa les photos et les glissa dans sa poche avant d'adresser un sourire sarcastique à Vincent, marchant d'un pas sûr vers le bord du toit.

"J'ai grandi à crapahuter sur les montagnes de Burmécia, faudrait que je sois beaucoup plus bourré pour me planter," fanfaronna Cid avant de descendre, prenant à peine appui sur le bord de la fenêtre pour passer.

Il réapparut presque aussitôt, passant la tête par l'ouverture.

"Comment tu es monté là au fait ?"

Vincent s'accrocha au bord du toit et se glissa par la fenêtre, atterrissant souplement sur le lit.

Le rire de Cid réveilla Shera qui lui enjoignit de faire quelque chose de probablement très osé en Burmécien. Cid descendit du lit pendant que Vincent refermait la fenêtre et tirait le rideau. Il vit Cid se pencher sur Shera et la pousser doucement du plat de la main.

"Allez Shera, pousse-toi, fais-moi de la place" réclama-t-il d'une voix basse avant de s'allonger à ses côtés.

"Coudes pointus" protesta la brune.

"Pieds froid" rétorqua Cid avec un petit baiser sur son front. "rendors-toi."

"T'lavé tes pieds ?"

"Oui, oui" menti Cid.

"'Settes" grommela Shera.

"J'y penserais."

Vincent s'allongea à son tour, poussa le chat qui tentait déjà de s'endormir sur lui et tendit la main pour éteindre.

"Vincent ?"

"Oui ?"

Un petit silence.

"Merci."


1 Barret : 1.97m, Zack : 1.90m

2 J'ai déjà mentionné que j'aimais écrire Zack ?

3 Dans le jeu originel, Jessie mentionnait que les réacteurs avaient eu des noms mais que personne ne s'en j'ai brodé dessus. Dans l'ordre Ifrit, Diablos, Tonberry, Quetzalcóatl, Shiva, Siren, Séraphim, Ultima.

4 Viens là.

5 Je vais souvent faire référence à des religions dans l'univers d'Avalanche, mais elles ne seront pas exactement identiques à celles des jeux originels. Certaines sont des religions, d'autres des croyances plus locales, certaines invocations sont révérées comme des divinités, bref, comme dans notre monde: C'est compliqué.
Mais en gros, les cristallites vénèrent le Crystal qu'ils pensent être à l'origine de toute chose et sont très ouvert à l'idée d'explorer l'espace. Les Yévonites… disons que les machines, c'est pas leur truc.

6 Bahamut en soit témoin.

7 Alors c'était pas prévu quand j'ai écrit cette phrase, mais maintenant : I ship it. Rare pair all the way.

8 C'était censé être révélé plus tard, mais là, j'en pouvais plus.

9 Probablement intraduisible, mais pour les Burméciens, désigne les sœurs dans une famille recomposée, littéralement, sœur de nid. Hreiðribróðir pour les frères.

10 Oui, elle déteste ce surnom. Et oui, c'est celle de FF9