Résumé :
Vincent aimerait savoir pourquoi après chaque mission, il y a toujours une session de contrôle des dommages auprès de la Shinra.
Et aussi pourquoi, cette fois, c'est lui qui doit s'y coller.
Personnages :
Team Avalanche, Squall Leonhart, Ellone, Gast Team Turk, Turk : OC, Team Bâtard Shinra : Scarlet, Président Shinra, Rufus Shinra, Umbra, Heidegger, Palmer
Tags spécifiques au chapitre :
Politique interne de la Shinra, Scarlet, oui elle a besoin d'un warning, Vincent est un petit con, Vincent est un Turk, comment ça c'est synonyme, passé de Vincent, banter, pasque la traduc française est zarbe, Shera et Vincent sont BFF, Cid devrait s'inquiéter, ils sont en chute libre mais ils battent des bras avec détermination.
Quand Shera, Reeve et Vincent arrivèrent à la Tour Shinra quelques heures plus tard, ils étaient aussi frais, alertes et présentables que possible.
Dans le cas de Vincent, Aérith et Jessie lui avaient fait porter un pantalon et une chemise noir, le blouson de moto rouge qui était un jour apparut à la place de son manteau de la même couleur[1] et une paire de gants pour cacher sa main démoniaque.
Elles avaient même réussi à convaincre Vincent de s'attacher les cheveux et de ne pas mettre sa griffe, arguant qu'il devrait la laisser à l'entrée avec le reste de ses armes de toute façon.
Yuffie lui avait discrètement prêté un poignard avec une lame en céramique, lui affirmant que ça n'était pas repéré par les détecteurs de métaux.
Et après, c'est lui qui avait une mauvaise influence sur elle.
"Bonjour, Directeur Tuesti ! " s'exclama un des gardes de l'entrée, sa main sur son arme.
"Bonjour ! Comment allez-vous aujourd'hui ? "
"On est en vie et le secteur 8 est toujours là ! [2]" répondit son collègue.
"On a entendu dire que ça avait été vilain, par-contre," reprit le premier après un petit regard à Vincent et Shera.
Vincent jeta un petit regard étonné à Shera qui haussa les épaules.
"La rumeur vole vite," déclara-t-elle d'un ton résigné.
"Il n'y a pas à s'inquiéter," assura Reeve en passant le portail étiqueté 'personnel', "mes petits soldats sont des experts et Midgar est en sécurité avec eux."
Vincent s'effaça pour laisser passer Shera en premier, mais le garde eut un geste de refus.
"Je suis désolé, mais vos pl… vos collègues doivent passer par le portail des invités."
Shera soupira mais obéit, se dirigeant vers le détecteur de métal que lui désignait le garde. Il sonna aussitôt.
"Shera," soupira Vincent en tendant la main vers elle, "passe-moi ton sac."
La biologiste le lui tendit puis repassa le portail, qui ne se déclencha pas.
"Puis-je fouiller le sac, je vous prie ? " demanda l'homme en tendant la main à Vincent.
Vincent obtempéra.
Le garde vida le sac à main de façon très scrupuleuse, jusqu'à sortir une poignée d'épingles à cheveux.
"Quoi, c'est ça ? " s'exclama Shera en revenant sur ses pas, se tenant près de Vincent pour voir le résultat de la fouille.
"A chaque fois tu nous fais le coup," marmonna Vincent.
"J'oublie toujours de les retirer ! " s'exclama Shera en reprenant son sac pour passer le portail.
Portail qui se déclencha à nouveau à son passage.
"Oh, mais kúkalabbi ! " s'exclama la biologiste en rouvrant son sac," je vais les jeter ! "
"Passez, Docteur," soupira le garde, "Monsieur ? "
Vincent passa le portail sans encombre et rejoignit Shera et Reeve qui l'attendaient. Ils entrèrent dans l'ascenseur en discutant calmement et Reeve scanna sa carte pour monter.
Calme qui s'évapora chez Shera dès que la porte fut fermée et qu'elle eut rouvert son sac, inquiète.
"Où est ce qu'elle est passée ? "
"Poche de veste, à gauche," souffla Vincent.
Shera y mit aussitôt la main et la referma sur la capsule.
"Comment as-tu fait ? "
"Pickpocket inversé."
"On en apprend des choses chez les Turks," commenta Reeve.
Vincent n'osa pas lui répondre que ça lui venait de l'année passée dans les Taudis de secteur 6, avant que les Turks ne le recrutent.
Quoi qu'à l'époque, il s'agissait plus de retirer des choses des poches des gens plutôt que de les mettre.
"Et depuis quand j'ai des épingles à cheveux dans mon sac ? " ajouta Shera en sortant un des accessoires de coiffure.
"Je les ai empruntées à Yuffie" répondit Vincent en la prenant pour l'empocher, "ça sert toujours."
"Et je doute que tu parles de chignon," soupira Reeve avec un regard à la toison de Vincent.
"Je reste avec toi ? " demanda Vincent, jetant un œil sur les chiffres au-dessus de la porte.
"Accompagne Shera au 65 d'abord," demanda Reeve. "Rejoins-moi après au 63. Demande à Julia, la dame de l'accueil, de te guider, elle acceptera très volontiers."
"Compris," fit Vincent.
La porte s'ouvrit sur l'étage du département scientifique et à nouveau, Vincent laissa passer Shera la première.
Ils arrivèrent vite au bureau de Gast où les accueillit joyeusement sa secrétaire.
"Bonjour, Docteur Highwind, Monsieur Valentine."
"Bonjour Mademoiselle Idun," salua poliment Vincent.
"Bonjour Idun," salua Shera en se penchant par-dessus le bureau pour serrer la main de la jeune femme, "Est-ce que le professeur Falmis est là ? "
"Il vous attend au laboratoire 4, tenez, voici une carte d'accès."
La jeune femme tendit la carte à Vincent qui accepta avec un petit signe de tête poli, avant de laisser passer Shera.
"Tu as une touche," commenta Shera en jetant un coup d'œil par-dessus son épaule à la secrétaire qui regardait le Turk s'éloigner avec une expression rêveuse.
Depuis qu'il avait pris du poids et avait moins l'air d'un squelette ambulant, il avait remarqué qu'il commençait de nouveau à attirer les regards dans la rue, ce que les filles de Seventh Heaven[3] avaient confirmé avec enthousiasme.
Et dans les magasins.
Et en fait partout où il allait.
Et c'était encore pire quand il attachait ses cheveux et dégageait son visage.
Trente ans plus tôt, il en aurait éhontément profité et flirté avec tous ceux avec qui il était légal de flirter en public.
Désormais, les regards sur lui avaient plutôt tendance à le mettre mal à l'aise. Il préférait se cacher derrière ses cheveux ou des vêtements un peu larges.
"Elle a presque un tiers de mon âge," soupira Vincent.
"Vincent, je pense que tu devrais faire abstraction des trente ans de stase. Sinon, tu ne risques de trouver que des cougars."
"Qu'est-ce que c'est une cougar ? " demanda Vincent.
Shera tenta de camoufler son rire sous une petite toux polie, cherchant frénétiquement comment expliquer le terme à Vincent avant qu'il ne lui prenne l'idée de regarder sur le mognet.
Elle fut heureusement épargnée de ça par l'arrivée d'une femme vêtue de rouge qui marchait dans leur direction, accompagnée d'un essaim d'employés en costumes ou en blouses, l'un d'eux lui annonçant des résultats de tests d'armements.
Elle devait avoir une quarantaine d'années et portait une robe qui laissait assez peu de place à l'imagination, ou à un soutien-gorge d'ailleurs. Le décolleté était plongeant, la robe fendue haut sur sa cuisse et s'ouvrait sur une paire de bas résille.
Visiblement, le code vestimentaire de la Shinra avait beaucoup changé depuis la dernière fois que Vincent avait dû s'y soumettre. Elle était aussi outrageusement maquillée, ses paupières alourdies de fard noir, et elle jeta un regard gourmand à Vincent quand elle les croisa dans le couloir, Shera et lui.
Elle s'éloigna, accompagnée de son essaim et Shera sembla se détendre.
Vincent aussi.
Son parfum avait été un brin trop agressif pour son nouvel odorat.
"C'est ça une cougar," finit-t-elle par déclarer, "une femme plus âgée qui aime les hommes plus jeunes."
"Je crois que je n'ai jamais été déshabillé du regard avec une telle intensité," constata Vincent.
"Scarlet, directrice du département de l'armement," expliqua Shera.
"Sa robe est..." commença Vincent, cherchant un terme approprié.
"C'est son arme secrète pour que le Président lui accorde tout ce qu'elle veut."
"Il n'a pas changé, "soupira Vincent.
"Leader du monde libre."
"J'ai peur pour le monde libre," rétorqua Vincent en ouvrant la porte à Shera.
Le scientifique de l'autre côté de la porte se redressa en voyant Shera et Vincent approcher et se leva pour les accueillir.
"Vincent ! Docteur Highwind ! "
"Bonjour, Gast," répondit Vincent, se laissant éteindre par son vieil ami.
Il jeta un coup d'œil rapide au laboratoire et fut rassuré de ne voir aucune table de dissection, ni cuve à mako. A part les machines incluses dans un des murs, le laboratoire était assez similaire à celui de Shera.
Le carrelage blanc sur les autres murs lui donnait des frissons par contre et il lui tourna le dos avec ostentation.
"Bonjour, Professeur," salua Shera en lui serrant la main, "je suis ravie de vous revoir."
"Tout le plaisir est pour moi, vous m'apportez de quoi me changer les idées ? "
"Gast," soupira Vincent en jetant un coup d'œil méfiant autour d'eux.
"Nous sommes seuls ici, Vincent ne t'en fais pas."
Le Turk secoua la tête et lui fit signe de se taire avant de faire un tour du petit laboratoire, palpant derrière tous les recoins, écoutant attentivement et secouant les meubles.
Quelques minutes plus tard, il revenait avec une poignée de minuscules micros.
"Ah," fit Gast.
Vincent alla ouvrir une fenêtre et les balança sans état d'âme du haut du soixante-cinquième étage.
"Qui se serait ? " demanda Shera une fois qu'il eut fait signe qu'ils pouvaient parler.
"La technologie a évolué, mais j'ai vu trois modèles différents."
"Donc trois factions différentes ? "
Le PHS de Vincent tinta et il le prit, lisant le message sur l'écran avec un petit sourire avant de le ranger.
"L'un d'eux était à Reeve."
"Tu t'es fait disputer ? " demanda Shera, pendant que le Professeur Falmis semblait abasourdi.
Vincent hocha la tête, amusé de la réaction du professeur moustachu.
"Mais enfin, je suis votre allié ! " s'exclama-t-il.
"Si tu savais le nombre de micros qu'il y avait à Nibelheim."
"Quoi ? ! Comment tu le sais ? "
"C'est moi qui les posais."
Shera laissa échapper un petit rire à l'échange entre les deux hommes, tout en sortant la capsule de sa poche.
"Voilà, Professeur. Nous avons trouvé ceci dans… Dans le corps…"
"J'ai vu les clones," expliqua le vieil homme d'un ton triste en prenant la capsule.
"Les Turks les ont ramenées ici ? " s'étonna Vincent.
"Elles ont été détruites une fois autopsiées. Je n'ai pas été autorisé à aider."
"S'il y a quelqu'un ici qui pourrait comprendre ce que fait Hojo, ce serait vous, pourtant…" soupira Shera.
"Je sais. Mais je ne suis autorisé à travailler que sur des dossiers, ou avec Mademoiselle Scarlet pour la conception de nouvelles armes contre les squames. Merci pour vos rapports Docteur, ou je volerais en aveugle."
"Je vous en prie. Merci de me laisser utiliser le laboratoire."
"Je constate que l'ambiance à la Tour a empiré," nota Vincent.
"Ne m'en parle pas," grommela le scientifique en réponse, se tournant vers le reste du laboratoire.
"C'était déjà comme ça avant ? " demanda Shera.
"Hm, tous les départements se tiraient dans les pattes."
"Maintenant, ils y vont au canon à mako," ajouta Gast, "bon, commençons, Docteur."
"Et je vous laisse, je vais rejoindre Reeve," déclara Vincent en se détournant.
"Repasse d'ici une heure ou deux," indiqua Shera en retirant sa veste pour enfiler une blouse à la place.
Vincent savait comment travaillaient des scientifiques.
Il décida de leur accorder trois heures.
L'ambiance au département du développement urbain était nettement plus chaotique.
Vincent resta quelques secondes immobiles devant l'ascenseur quand celui-ci le déposa à l'étage 63.
Il était encore séparé de l'espace principal du département par une porte, mais il entendait déjà le brouhaha qui y prenait place.
"Est-ce que je peux vous aider ? " demanda la femme assise au bureau de l'accueil, une dame d'une quarantaine d'années aux cheveux remontés en chignon strict, et portant un badge au nom de Julia.
"Vincent Valentine, le Directeur Tuesti m'a demandé de le retrouver dans son bureau."
"Oh, oui, il m'a demandé de vous guider, par ici je vous prie."
Elle posa un petit panneau d'absence sur son bureau avant de se lever, faisant signe à Vincent de la suivre.
Elle ouvrit la porte.
Le capharnaüm était assourdissant.
Alors que le département scientifique avait été un endroit plutôt calme, le département du développement urbain était beaucoup plus encombré et peuplé. C'était un grand open-space qui prenait quasiment tout l'étage, où étaient installées deux longues enfilades de bureaux, sur lesquels travaillaient de nombreux employés, une salle de réunion aux murs vitrés où une dizaine d'architectes débattaient d'un projet, et des assistants qui allaient et venaient pour apporter ou emporter des dossiers.
Il y avait une petite salle de pause aussi, dotée d'une impressionnante machine à café et d'un canapé sur lequel un employé faisait une sieste.
Tout au fond de la pièce, donnant sur les baies vitrées de la Tour, il y avait quelques bureaux fermés, plus intime et son guide l'emmena vers l'un d'eux, reculant quand la porte s'ouvrit sur deux personnes, les bras pleins de dossiers, discutant entre eux et qui passèrent en coup de vent sans les voir.
Vincent dû s'écarter précipitamment pour ne pas être percuté.
Julia toqua à la porte restée ouverte et se pencha pour annoncer sa venue.
"Directeur ? Monsieur Valentine est là."
"Ah, Vincent, entre. Merci Julia."
L'ex-Turk obéit, remerciant Julia d'un signe de tête et referma la porte, levant une main à son oreille.
Même avec la porte fermée, il entendait encore le bruit de l'open-space.
"Trop de bruit ? "
"Augmentation mako, c'est assourdissant."
Il observa le bureau de Reeve.
Pour le lieu de travail d'un directeur de département, c'était une pièce plutôt simple. Le bureau était de meilleure qualité que celui de Seventh Heaven, en bois sombre et lourd et toute la pièce était meublée du même type de fournitures, mais à part ça...
A part ça, il y avait une collection impressionnante de chats, figurines, peluches et autres bibelots, qui trônait sur une étagère sur le côté du bureau.
L'autre côté était occupé par un canapé, au-dessus duquel était suspendu un plan encadré de la ville.
Il y avait évidemment le même type de fatras sur le bureau qu'à Seventh Heaven, des dossiers, des plans, un téléphone qui sonnait et un ordinateur qui tournait.
Ah.
Et une plante verte dans un coin, qui n'était plus très verte.
"Bienvenue au département d'aménagement urbain. Qu'en penses-tu ? "
"C'est différent des autres départements."
"Oui, nous, on bosse," rétorqua Reeve d'un ton acerbe.
"Puis-je faire un tour de ton bureau ? " s'enquit Vincent en jetant un coup d'œil autour de lui.
Reeve leva les yeux de son écran, intrigué mais hocha la tête.
Il vit Vincent inspecter méthodiquement ses meubles, sa plante verte, ses peluches et figurines avant de revenir, deux micros dans la main.
Les mouchards subirent le même sort que ceux du laboratoire.
"Merci pour mon micro, au fait," fit Reeve quand Vincent eut fermé la fenêtre.
"J'ignorais que tu espionnais le professeur Falmis."
"Ses visiteurs plutôt. J'aime savoir ce que Scarlet prépare. Tu vois qui c'est ? "
"J'ai eu le plaisir immense qu'elle me déshabille du regard," répondit Vincent, pince-sans-rire en s'adossant au mur, près de la porte, croisant les bras.
Reeve gémit.
"Si tu l'avais vue la première fois que les jumeaux l'ont rencontrée. J'ai cru que Zack allait partir en courant avec son frère sous le bras."
Les jumeaux avaient probablement l'âge de Scarlet.
Si on les additionnait.
"Les choses ont changé à la tour Shinra, n'est-ce pas ? "
"Il y a trente ans, c'était le Président qui courait les jeunes de la moitié de son âge."
"Il le fait toujours. Le Vice-Président a une quantité incroyable de demi-frères et sœurs illégitimes."
"Je suis surpris qu'il en ai un de légitime," commenta Vincent.
"Oui, ça a fait ça à tout le monde il y a quinze ans."
"Tu étais déjà ici ? "
"Je venais d'arriver. J'étais ingénieur junior."
On toqua et la porte s'ouvrit presque aussitôt.
"Directeur, nous avons une demande du secteur 3 concernant la réhabilitation de leur réservoir à eau," demanda une jeune femme, un téléphone à la main.
"J'ai signé un ordre à ce sujet il y a deux jours, va voir avec Mackenzie, ça devrait être validé."
"Tout de suite, Directeur, Merci ! "
Vingt minutes plus tard, Vincent avait cessé de se demander comment Reeve parvenait à travailler à Seventh Heaven, au milieu du bruit et de l'agitation.
C'était pire à la Tour Shinra.
Toutes les cinq ou six minutes, quelqu'un appelait, ou entrait pour faire signer un document, signaler un problème ou sa résolution, jusqu'à ce que la secrétaire de Reeve, une jeune femme aux courts cheveux noirs, ne finisse par mettre tout le monde dehors.
"Réunion du conseil dans dix minutes ! " s'exclama-t-elle en tapant de l'index sur sa montre.
"Dans la joie et la bonne humeur," soupira Reeve en se levant, la laissant arranger sa veste et sa cravate.
Apparemment, c'était une habitude chez toutes les secrétaires de Reeve, Jessie faisait pareil à Seventh Heaven, s'assurant que Reeve avait l'air humain et caféiné dès qu'il devait mettre un pied dehors. La jeune femme se tourna ensuite vers Vincent et le jaugea longuement, avec moins d'intérêt dans le regard que d'agacement. Il baissa les yeux sur sa tenue, intrigué par la réaction.
"Votre Plomb va avec vous ? "
"Aérith et Jessie ont tenté de le rendre présentable."
"Mettez-le en costume la prochaine fois."
"Kyahaha l'a déjà repéré, je préfèrerais qu'elle ne lui saute pas dessus quand il doit m'escorter."
"Je vous entends," signala Vincent.
"Parfait, venez en costume la prochaine fois," déclara la jeune femme avant de sortir, "neuf minutes ! "
"Tes secrétaires n'ont peur de rien," nota Vincent.
Reeve eut un petit rire et attrapa ses dossiers avant de sortir à son tour, suivit par Vincent.
"Je les choisis avec une bonne trempe, une de leurs tâches est d'empêcher Heidegger et Scarlet de venir me déranger de manière intempestive."
"Huit minutes ! "
Ils furent à la salle de réunion en cinq.
Quand Vincent était Turk, une des mesures disciplinaires les plus courantes était de coller le Turk fautif en protection rapprochée durant les réunions du conseil d'administration, à faire le poteau de garde à la porte de la salle de réunion ou derrière le Directeur des Turks.
Ce n'était pas un travail difficile, mais ça n'avait pas manqué à Vincent de rester debout sans bouger pendant des heures à écouter le conseil se chamailler poliment[4].
Bon, ça lui permettait toutefois de remettre à jour ses connaissances sur l'organigramme de la Shinra. Outre Reeve, étaient présents le Président, son fils légitime, Gast, Scarlet, un petit homme en costume mal ajusté du nom de Palmer et le directeur de la sécurité publique, Heidegger.
Lequel accapara la parole fort longtemps, laissant à peine à Reeve le temps de justifier les décisions prises la veille sur le pilier.
"Cette fois encore, vos petits soldats de plomb ont failli provoquer une catastrophe ! "
"Mes hommes étaient en place en quelques minutes, dois-je mentionner le fait que les SOLDATs ne sont arrivés qu'une demi-heure plus tard ? "
"Il y avait une bombe posée sur le pilier ! Si le secteur 8 avait chuté à son tour, c'est l'intégrité structurelle de la ville qui serait menacée ! Vous le comprenez, Monsieur le président ? " rétorqua Heidegger, prenant le Président Shinra à partie.
"Il se trouve, Directeur Heidegger, qu'en tant que responsable du département de l'urbanisme, j'en suis pleinement conscient et je vous remercie d'aborder le problème d'intégrité structurelle. Il serait en effet nécessaire de commencer à renforcer les piliers autour du secteur 7 pour éviter tout dégât supplémentaire à la Plaque."
Reeve se défendait avec brio, admit Vincent, mais la logique et l'argumentation ne valaient pas grand-chose à la Shinra où le népotisme était de mise.
Que Heidegger soit encore au conseil en était la preuve.
Depuis la dernière fois que Vincent l'avait vu, il y avait plus de trente ans, il n'avait pas beaucoup changé. Heidegger était un homme d'une stature impressionnante, similaire à celle de Barret, bien que plus âgé. Il avait une barbe broussailleuse noire, striée de gris et portait un uniforme militaire. Il avait vieilli, acquis plus de décorations militaires, et écopé d'une longue cicatrice sur la partie droite de son visage.
Et surtout, il était toujours là.
Lui et le Président étaient les seuls visages qu'il connaissait.
Eux et Tseng, debout derrière le Président, comme il l'était derrière Reeve.
"Nous discuterons du renforcement de la Plaque au prochain conseil de financement, quand est-ce, Rufus ? " s'enquit le Président.
"Dans deux semaines, Père," répondit son fils sans même prendre le temps de vérifier.
"D'ici là, Reeve conserve la direction d'Avalanche. Je n'ai rien à redire sur sa gestion de cette unité et ils ont encore prouvé leur efficacité. Toutefois, j'ai cru entendre qu'il y avait eu… de fortes pertes ? "
"Je ne sais pas de quoi vous parlez, Monsieur le Président," répondit Reeve avec une telle franchise que Vincent le crut quelques secondes.
"Une jeune femme serait morte ? Des enfants ? "
Vincent resta impassible, sentant le regard de Tseng sur lui.
"Monsieur le Président," commença Reeve, "vous savez aussi bien que moi qu'Hojo n'hésite pas à envoyer toute sorte de Bienheureux à l'assaut de Midgar. Il est regrettable qu'il commence à le faire avec des enfants, mais tant que les points d'entrée des squames n'auront pas été trouvés et surveillés, ce genre d'attaque continuera."
"Et pourquoi ne le sont-t-ils pas ? " tonna Heidegger.
Reeve se tourna vers le directeur de la sécurité publique, les sourcils levés dans une expression de surprise sincère.
"Directeur, vous aviez offert de mettre des SOLDATs sur ce problème il y a trois mois, est-ce que vous éprouvez des difficultés dans cette tâche ? "
Vincent aurait applaudi. Et prit note de ne jamais jouer au poker contre Reeve.
"Il suffit. J'ai un autre rendez-vous," déclara le Président. "Heidegger, j'aimerais que les entrées des squames soient trouvées et bloquées. Faites de votre mieux."
"Oui, Président," grommela l'homme avec un regard noir vers Reeve.
"Rufus, nous y allons," ordonna Shinra en se levant.
"Oui, Père," répondit le jeune homme en l'imitant, claquant des doigts pour appeler le fauve qui sommeillait près de la fenêtre.
Les autres directeurs se levèrent à leur tour. Scarlet fut la première, adressant un dernier regard à Vincent avant de prendre son PHS et commencer à donner des appels. Palmer se leva avec difficulté avant de trottiner vers l'ascenseur, marmonnant quelque chose au sujet de thé et de beurre.
Quant à Heidegger, après un regard furieux dans le dos du Président, il se leva et s'approcha de Reeve et Vincent.
"Voici donc la fameuse recrue que vous avez volé à mes Turks, Reeve ? "
"Monsieur le Directeur," salua Vincent, aussi poliment que possible.
Heidegger jaugea le Turk, un sourire méprisant aux lèvres.
Vincent fit de même, gardant une expression soigneusement neutre.
Heidegger n'avait pas l'air de reconnaître Vincent, ce qui n'était pas tellement étonnant. A l'époque, les Turks n'étaient pas sous sa juridiction, et avec leur réputation d'espions et de d'assassins, étaient bien loin de l'idée que se faisait Heidegger d'un vrai combattant. Il n'avait jamais cherché à les connaître, ni à les côtoyer, à part le directeur des Turks de l'époque.
Et puis officiellement, Vincent était toujours le fils du précédent Turk du même nom. Jessie avait même corrigé son dossier pour que ça semble plus cohérent. Ils s'étaient mis d'accord pour que Gast n'ait plus jamais à créer une fausse identité.
Maintenant qu'il y pensait, elle n'avait toujours pas réussi à faire disparaître ses dossiers Turks, il fallait qu'il aille y jeter un coup d'œil tant qu'il était à la tour.
"Si vous ne souhaitez pas rejoindre les Turks, pourquoi pas les SOLDATs, jeune homme ? Vous êtes déjà augmenté après tout, ce serait dommage de gâcher vos compétences chez les soldats de plombs de Reeve."
Vincent baissa les yeux vers l'arme dans la main du général, un katana richement décoré, un peu déplacé dans les mains d'un Midgarien.
Visiblement, l'interdiction des armes dans la Tour ne s'appliquait pas à tout le monde.
"Ah ! Je vois que vous admirez mon arme ! " tonna Heidegger avec un sourire fier.
Il lui tendit son sabre d'une main. Vincent le prit très respectueusement à deux mains, l'observant attentivement. C'était une arme wutane, de bonne qualité, tant l'épée elle-même que son fourreau délicatement ouvragé. Il avait vu des armes similaires dans les mains d'un de ses collègues Turk, une lame meurtrière entre avec le bon entraînement, tout en restant suffisamment élégante pour faire forte impression hors combat.
"Prise de guerre. Bataille de Fort Tamblin. Une victoire écrasante pour la Shinra."
Vincent retint la première réponse qui lui vint, que cette dite victoire avait été due à la présence des SOLDATs et surtout de Séphiroth, pas celle de Heidegger et ses troopers.
Oui, il avait lu les livres de cours de Yuffie. Il avait même annoté certains évènements.
Il rendit l'arme à son propriétaire avec un petit hochement de tête.
"Je suis sniper, Monsieur. J'ai bien peur de ne pouvoir apprécier cette arme, ni votre proposition, à leur juste valeur."
Tout comme son propriétaire d'ailleurs. Sauf si le dédain était autorisé comme forme d'appréciation.
Heidegger eut une grimace méprisante et reprit brutalement son arme.
"Je n'en attendais pas moins d'un Turk."
Et il s'éloigna, sans même saluer Reeve. Lequel le regarda partir en silence avant de s'assurer d'un regard que personne n'écoutait et se tourna vers Vincent.
"Je vais mordre à l'hameçon : qu'est-ce qu'elle a son arme ? "
"Je ne suis pas spécialiste des épées wutane, mais j'ai bien l'impression qu'il s'agit d'une arme familiale. Il a dû la prendre à un guerrier wutan de haute lignée."
"Et il te l'a mise sous le nez pour quelle raison ? "
Vincent désigna son visage, et surtout ses yeux, dont la forme l'identifiait immanquablement comme métis. Il avait eu droit à beaucoup plus de remarques dérogatoires sur son héritage, trente ans plus tôt, mais elles n'avaient pas toutes disparu à l'époque moderne, surtout chez ceux qui avaient connu la guerre contre Wutai et la propagande de l'époque.
"Pour narguer ma fibre patriotique ? "
"Tu as ça, toi ? "
"Non."
"Je me disais," ricana Reeve en se dirigeant vers l'ascenseur menant aux étages inférieurs
Il appuya sur le bouton d'appel et les deux hommes attendirent la cabine en silence avant d'entrer dedans.
"Des nouvelles de Shera, au fait ? "
Vincent sortit son PHS pour vérifier ses messages. Il avait bien fait de prévoir trois heures avant d'aller la chercher.
"Ils ont besoin de plus de temps, j'irais la chercher dans une heure."
" Profites-en un peu pour redécouvrir la Tour."
"Hm, j'ai quelque chose à faire."
Reeve sortit à son étage, se tournant vers Vincent en se souvenant d'un détail.
"Ah ! Attends, il faut que je mette à jour ton accréditation pour que tu puisses te promener comme tu veux."
Vincent resta dans l'ascenseur avec un petit sourire.
"Tu penses que j'en ai besoin ? "
Reeve sentit un frisson lui remonter dans le dos.
Les portes commencèrent à se refermer entre eux.
"Oh… Vincent, pitié… Pas de bêtise."
"Je serais sage," promis Vincent au moment où elles se fermaient.
Ça ne rassura pas Reeve.
Du tout.
Il fallait vraiment qu'il trouve un moyen d'occuper Vincent.
Tseng avait mentionné des mots-croisés ?
"C'est une blague ? " s'exclama Elena en arrivant dans le bureau des Turks.
L'homme brun assis dans le fauteuil de Reno tourna la tête vers elle.
Ok. OK. Il avait été Turk. Probablement le seul Ex-Turk qui n'ait jamais existé, d'ailleurs.
Et du coup, il n'y avait effectivement aucun article dans le règlement qui stipulait qu'un ex-Turk n'avait pas le droit de venir s'incruster dans leur bureau.
Mais quand même.
Qu'est-ce qu'il y avait déjà, dans son dossier ?
'Aptitude à interpréter les règles, les ordres ou le simple bon sens quand ça l'arrange.'
"Bonjour," fit Valentine sans se lever de son siège.
"Est-ce que je peux savoir ce que vous faites ici ? "
Il baissa les yeux sur son fauteuil, l'observant attentivement avant de lever à nouveau les yeux sur elle.
"Nostalgie. C'était ma place."
"Et maintenant, c'est celle de Reno," déclara Elena en fermant derrière elle, approchant de Vincent, "s'il vous trouve ici…"
"Que fera-t-il ? "
Elle réfléchit quelques secondes avant de s'asseoir à son propre bureau, posant son dossier.
"Ce sera drôle à voir."
"Je vois que le respect pour les aînés est toujours impeccable chez les Turks."
"J'ai lu votre dossier des archives Turk," rétorqua Elena sans se tourner vers lui, "j'ai bien l'impression que vous vous asseyez sur le respect aux aînés."
'Tendance à la fraternisation. Demander à l'agent Morrow le détail de la mission de ▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉▉
Commentaire censuré par le Directeur Morrow.'
"Tout le dossier ? "
"Tout ce que Tseng a jugé nécessaire que je sache," répondit Elena avant de tourner la tête vers lui, le jaugeant de la tête aux pieds. 'Vous êtes plutôt bien conservé pour vos cinquante-sept ans."
"Merci. Je ne conseille pas le traitement."
'Sarcastique. Joue avec les mots. Impossible d'obtenir une réponse franche, même quand il est fin saoul.
Très bon en interrogation. Mettre en équipe avec Yoshiro pour bénéficier du tandem : bon flic, mauvais flic.'
"Plus sérieusement, qu'est-ce que vous faites ici ? " demanda Elena en s'accoudant sur son bureau, posant son menton sur ses paumes, se faisant aussi inoffensive qu'elle pouvait.
"Je venais voir si le bureau avait changé."
"Et il a changé ? "
A nouveau, il jeta un long regard aux locaux. Le bureau de Tseng avec l'écran derrière. La longue table et les écrans de contrôle qui servaient de bureau au reste des Turks. Le canapé sur lequel Reno faisait la sieste et où elle n'avait pas encore le droit de poser ses fesses. Les murs de pierre, froids, mais faciles à nettoyer en cas de... heu... d'heures supplémentaires.
La cafetière, planquée derrière une des plantes vertes, mais qui était la possession la plus précieuse de toute l'équipe. Rude lui avait raconté qu'avant son arrivée, il fallait monter jusqu'à la cafétéria de l'entrée pour avoir du café. Personnellement, elle se voyait assez mal monter cinq étages et franchir deux sas de sécurité avant d'avoir droit à son café.
Elle se demanda comment l'approvisionnement s'était fait, il y a trente ans[5].
"Minerva, merci," finit-t-il par répondre. "Le bois au mur, ce n'était pas terrible."
"Ils ont tout refait il y a quelques années," précisa Elena, "mais à un moment, ils avaient mis de la moquette."
"Aux murs ? "
"Oui."
Étonnement, ça avait l'air d'être ce qui le perturbait le plus dans leur conversation.
Pas le fait qu'il soit entré par effraction dans un des bureaux les plus sécurisés de toute la tour, à part les niveaux de recherches et ceux du Président.
"Vous réalisez que je vais dire à Tseng que vous êtes passé ? "
"Il le sait probablement déjà."
Vu comment son téléphone vibrait dans sa poche, c'était même sûr.
"Je venais aussi prendre des nouvelles."
"Des nouvelles ? "
"De mes anciens collègues. Morrow ? "
'Sentimental. Trop. A surveiller.'
"Le Directeur Morrow a..." commença Elena en se redressant.
"Directeur ? "
Apparemment, la nouvelle eut l'air d'enchanter l'ancien Turk. Enfin, cela le fit juste sourire un peu plus.
Ce qui lui allait bien, admit-t-elle.
Il se redressa, décroisant les jambes - qu'il avait fort longues, wow - et s'accouda à la table, se penchant vers elle.
"On parle de Morrow ? Un mètre soixante-huit, cheveux blonds, spécialiste en corps à corps et magie de feu et un tempérament aussi calme et posé qu'un volcan en éruption ? "
"Je ne l'ai pas connu personnellement, mais il paraît qu'il s'était beaucoup assagi au fil des ans. Ça a commencé il y a trente ans."
Cette fois, le sourire disparut un peu. Oooh, touché !
"Le Directeur Morrow est officiellement considéré comme un traître à Shinra et a disparu quelques temps après avoir révélé les activités d'Hojo."
"Mise au placard définitive ? "
"Mise au placard définitive," confirma Elena.
Morrow était cité en contre-exemple de la loyauté à donner à la compagnie, mais il avait sa petite célébrité de donneur d'alerte auprès des Midgariens et elle ne pouvait renier le fait qu'il avait consacré vingt ans de sa vie à tenter de faire tomber Hojo.
Si Valentine et lui avaient été amis et qu'il avait eu le moindre soupçon de la culpabilité d'Hojo dans sa disparition…
Elle commençait un peu à comprendre l'origine de cette vendetta envers lui.
"Je vois. Ash ? Rousse, m'arrivait à l'épaule, spécialiste de l'infiltration et de la torture…"
Elena écarquilla légèrement les yeux.
"Vous avez bossé avec l'agent Ash."
"Que lui est-il arrivé ? "
"Mission qui a mal tourné il y a une vingtaine d'années. Je n'ai pas les détails, ça fait moins d'un an que je suis là ! "
Mais Ash avait été une légende parmi les Turks, première femme à intégrer leur cellule et loin d'être la dernière. Aucun des Turks actuels ne l'avait connue, mais ils étudiaient tous avec application les missions auxquelles elle avait participé pour tenter de mieux effectuer leur travail.
"Yoshiro ? "
"Il a quitté la Shinra lors de la guerre de Wutai pour rejoindre le camp wutan. Son sort est inconnu, il y a au moins une demi-dizaine de corps qui seraient le sien et aucune certitude. Cela dit, il n'a jamais refait surface depuis la découverte du dernier."
"Je me demandais ce qu'il aurait pensé de cette guerre."
"Et vous ? Vous en auriez pensé quoi ? "
Il haussa les épaules. Bon, ça l'avançait.
"Vous êtes Wutan, pourtant."
"Maduin. Ha. Métis je veux dire. Et je n'ai pas été élevé comme Yoshiro. C'était un samouraï."
"Oui, d'après ce que j'ai lu de votre dossier, le sens de l'honneur n'est pas votre spécialité."
'Ne pas mettre en équipe avec Yoshiro pour d'autres raisons que pour l'interrogation.
Incompatibilité de caractère sévère.
Finiront par s'entretuer si on les laisse seuls sans ordre du contraire."
"Et quelle est la vôtre ? " demanda-t-il avec un petit sourire.
"Oh, vous aimeriez bien savoir, hein ? "
"A part les arts martiaux, le tir au pistolet et les gaffes ? "
Oh, le petit con. Grand con.
'Compétence de combat : Fusil de précision, arme de poing, corps à corps.
Spécialité : Infiltration, assassinat, intel.
Affinité avec la magie de gravité
Note de l'agent Trigger : Faire tester pour magie native.
RDV pour le test de magie native : 02 février 2945
RDV annulé : Cause décès de Vincent Valentine le 17 juillet 2944'
Quand Tseng finit par arriver une dizaine de minutes plus tard, Rude et Reno sur les talons, il trouva Elena et l'ex-Turk à discuter tranquillement, un café à la main, face à face.
"Non ? "
"Si."
"J'aurais aimé voir ça," soupira Elena d'un ton presque chagrin.
"Valentine."
L'ex-Turk leva les yeux vers lui et lui adressa un sourire poli avant de se lever.
"Tseng."
Tseng avait du mal à croire que le jeune homme en blouson de moto qui buvait paisiblement un café avec leur dernière recrue était le même que celui qu'il avait vu la veille, blessé, ensanglanté, les yeux étincelants, à deux doigts de lui arracher la gorge à mains nues.
Il avait souvent vu les limites de ses hommes. L'activité des Turks était stressante, dangereuse et donc propice à provoquer cet état. Rude jetait régulièrement des ennemis à travers un mur ou Reno disparaissait en un clin d'œil, ne laissant que des gorges tranchées derrière lui.
Il avait même déjà vu celle d'Elena, lors de leur dernière mission en commun. Refroidir une cible n'était pas une simple expression pour elle. Quand elle serait complètement opérationnelle et si les décisions insensées de Heidegger ne la tuait pas avant, elle serait une Turk redoutable.
Mais de Valentine, rien sur sa limite.
En neuf ans chez les Turks, il ne l'avait jamais atteint.
Et en quelques mois chez Avalanche, il était déjà sur le point de basculer.
"Comment es-tu entré ? " demanda Tseng.
"La porte était restée ouverte."
"Oups," murmura Elena dans sa tasse.
Tseng lui jeta un regard désapprobateur, prenant note qu'elle serait de poteau à la prochaine réunion du conseil. Il allait devoir renforcer la sécurité du bureau. Et faire une fouille complète à la recherche de micros ou autres mouchards. Ce n'était pas exactement comme ça qu'il avait envisagé de passer son après-midi avec tout le travail qu'il avait à faire.
Et si Valentine avait réussi à entrer ici une fois… Il le referait.
Tseng savait pertinemment pourquoi il leur avait rendu cette petite visite de manière aussi évidente.
Il soupira. Il avait espéré pouvoir garder cette faveur pour une autre occasion.
"Valentine, tu m'en dois une."
"En effet."
"Ne remet pas les pieds ici sans une invitation expresse de ma part."
"Ce sera le cas."
Tseng commençait à comprendre le surnom que Rude et Reno avaient attribué à l'ancien Turk.
Le Salaud Magnifique.
Capable en quelques mots de susciter le chaos et l'admiration. De résoudre ou détruire une situation d'une façon si glorieuse et efficace qu'on hésitait entre l'étrangler ou l'applaudir.
Et Tseng était partagé entre l'envie de le réquisitionner pour les Turks auprès du Directeur Tuesti ou de le laisser se débrouiller avec Valentine et qu'ils se pourrissent mutuellement la vie.
"Je te remercie pour le café, Elena, ainsi que pour la conversation," déclara l'ex-Turk en s'inclinant légèrement vers leur dernière recrue.
"Une autre fois, Vincent ? "
"Ce sera avec plaisir," assura-t-il avec un petit sourire, la faisant rougir.
Il salua Tseng d'un signe de tête et sortit calmement du bureau, refermant la porte derrière lui.
Tseng se tourna vers Elena qui ramassait les tasses.
"Alors ? " fit-t-il.
"Il est bon. Et aussi un petit con. Un petit con charmeur, mais un petit con."
Elle se redressa, fronçant légèrement les sourcils.
"Je ne sais pas comment il fait, mais il suffit qu'il te regarde, t'écoute et tu te retrouves à tout lui dire. Et aussi, il a un sacré petit cul," acheva Elena.
"Elie," protesta Reno, offensé de ne pas avoir pu le dire en premier.
Tseng ferma les yeux, fatigué d'avance.
Pas elle aussi.
Pas déjà.
Il espérait que ça prendrait encore quelques mois avant qu'elle commence à se lâcher.
"Tu vas me dire que tu n'as pas regardé ? " protesta-t-elle.
"Il a un sacré petit cul," confirma Rude.
"Je veux le bureau fouillé, les micros trouvés et savoir ce qu'il a fait pendant le temps où il était seul ici. Exécution ! " ordonna Tseng du ton le plus autoritaire qu'il put.
"Oui, chef ! "
Et pendant ce temps, il allait vérifier les archives. Vu toutes les fois où l'espionne de Tuesti avait tenté d'hacker leurs serveurs, ça ne l'étonnerait pas que Valentine y ait fait un tour.
Ce fut donc fort satisfait de lui que Vincent arriva de nouveau au département scientifique, pour venir chercher sa collègue.
Mais alors qu'il approchait du laboratoire où elle se trouvait, il aperçut quelqu'un, debout devant la porte, immobile.
Un jeune homme blond, d'une teinte presque ivoire dans la lumière crue des néons, vêtu de blanc et un monstre apprivoisé assis près de lui.
Il se tenait devant la porte, le regard dans le vague. Quand Vincent s'arrêta à quelques mètres de lui, son fauve se leva, poussant doucement son maître de l'épaule.
Lequel redressa la tête, son regard se faisant soudain plus concentrer, avant qu'il ne tourne les yeux vers Vincent.
Le Vice-président.
Vincent et lui se regardèrent un instant en silence avant que le blond lui adresse un petit signe de tête en guise de salut et fasse signe à sa créature de le suivre. Il passa près de Vincent, se dirigeant vers les ascenseurs sans un mot, le laissant seul dans le couloir.
Une fois le jeune homme hors de vue, Vincent toqua à la porte du laboratoire avant de l'ouvrir. Shera était en train de finir de ranger, pendant que Gast consultait des résultats sur un écran.
Au premier coup d'œil, Vincent ne voyait rien d'étrange dans la pièce qui aurait pu attirer l'attention du Vice-Président.
"Shera, tout va bien ? "
"Hm ? " fit la biologiste en se tournant vers lui, "oui, pourquoi ? "
"Le Vice-Président était juste dehors à vous écouter, je crois."
"Il vient et il va, comme son monstre apprivoisé," répondit Gast, occupé à comparer ses résultats, "c'est un peu le chat de la Shinra."
Vincent resta dubitatif. Si le Vice-Président était bien le fils du Président Shinra, il avait sûrement une raison officielle de traîner dans le département scientifique. Et probablement deux ou trois autres raisons non officielles.
"Qu'avez-vous trouvé ? "
"Et bien, nous n'avons pas encore réussi à identifier ce que c'est," avoua Shera.
"Ça me dit quelque chose, mais… je n'arrive pas à mettre le doigt dessus," déclara le professeur Gast avant de se redresser et retirer ses lunettes, se massant le front.
Il tourna le regard vers son ami et eut un petit sourire triste.
"Je vais être honnête, Vincent, c'est moche de vieillir."
Vincent fronça légèrement les sourcils.
Il se souvenait de l'anniversaire de Gast, à Nibelheim. C'était… au début… quand tout était encore… disons, normal. Les trois scientifiques travaillaient durs, mais les soirées avaient été remplies des rires de Gast et Lucrecia. Des paris stupides sur les compétences de Vincent avec la fronde ou le lancer de couteau. Du décompte des fois où leur Turk faisait sursauter ses trois protégés en approchant à pas de loup. Des fous rires chaque fois que Vincent surprenait les enfants du village à piller le verger du Manoir. Des débats sans fin sur la suprématie d'une équipe de Blitzball sur l'autre.
Ce soir-là, Lucrecia avait trouvé un gâteau (acheté, probablement, elle admettait elle-même n'avoir jamais sut cuisiner), Vincent une bouteille de vin (achetée ! Juré ! ) et...
... Il ne se souvenait pas si Hojo avait été présent, absent, ou s'il ne voulait plus s'en souvenir...
Gast avait eut trente-trois ans.
Ils n'avaient pas trouvé assez de bougies, Lucrecia avait juste écrit les chiffres sur deux bougies de lanternes et les avaient plantées sur le gâteau. L'encre du feutre avait failli provoquer un incendie quand ils les avaient allumées et le salon du Manoir avait senti le caramel et le brûlé pendant une semaine.
"Vincent ? "
Il sursauta.
Shera recula la main qu'elle s'apprêtait à poser sur son épaule.
"Est-ce que ça va ? Tu avais l'air absent..."
"Je… je me souvenais… de ton anniversaire, Gast."
"Au Manoir ? "
"Oui. Avec les bougies."
Le vieux professeur eut un petit rire.
"J'ai retenu la leçon, désormais, c'est moi qui les fournit. Ça commence à coûter cher d'ailleurs."
Gast avait maintenant soixante-quatre ans.
"Ce qui me fait penser, Docteur Highwind ? "
"Oui Professeur ? "
"13 octobre."
La confusion put se lire sur le visage des deux membres d'Avalanche.
"C'est son anniversaire," expliqua le professeur en désignant Vincent.
Le sniper réalisa qu'en effet, c'était bien sa date d'anniversaire. Gast la lui avait arrachée ce soir-là, une fois qu'ils avaient fini la bouteille et le gâteau, en même temps que celle de Lucrecia (22 juillet), avec la promesse de leur rendre la pareille.
Ils n'avaient jamais pu.
Vincent était mort avant.
"Gast..." protesta Vincent.
"Oh ! Tu croyais pouvoir échapper aux fêtes d'anniversaire d'Avalanche, Vincent ? " demanda Shera avec un petit sourire taquin.
"Je serais invité ? "
"Bien sûr, Professeur ! "
"Il a un faible pour les chocobonbons, du coup, je pense qu'un gâteau au chocolat..."
"Gast."
Shera allait se mettre à rire quand elle réalisa ce que ça signifiait.
"C'est pour ça qu'ils disparaissent aussi vite de la cuisine ? "
"Merci Gast," soupira Vincent à la grande hilarité de son ami.
"Elmyra est à deux doigts d'enguirlander les jumeaux à chaque fois qu'elle doit en racheter ! " s'exclama Shera en tentant de rester sérieuse malgré le fou rire qui lui venait.
"Il est temps de rejoindre Reeve, merci pour tout Gast."
"Vincent, reviens ! "
"Je savais déjà", déclara Reeve quand Shera l'informa de la date d'anniversaire de Vincent, "c'est dans son dossier."
"Il faudra prévoir un gâteau au chocolat," ajouta Shera.
"Ah, ça, c'est noté," ajouta Reeve en prenant effectivement une note dans son PHS.
"Il faut vraiment ? "
"C'est la tradition, Vincent," répondit très sérieusement Reeve.
"Squall arrive dans vingt minutes," annonça Yuffie en descendant dans la salle de vie de Seventh Heaven, rangeant son PHS dans la poche arrière de son short.
"Qu'est-ce qui se passe ? " demanda Barret.
"Il a des nouvelles de leur propre savant fou, il m'a dit qu'il en parlerait tout à l'heure," déclara Yuffie en haussant les épaules avant d'aller s'appuyer contre le mur près de Vincent.
"Tout le monde est là ? " fit Reeve pendant que Shera revenait du laboratoire, ses dossiers dans les mains.
"Je vous ai fait du thé," indiqua Elmyra en posant la théière sur la table, "je sors avec Marlène, vous pourrez discuter tranquillement."
"Qui est de baby-sitting aujourd'hui ? " demanda Zack.
"Elena, elle ne devrait pas tarder."
Leur gouvernante retira son tablier et enfila sa veste, habillant rapidement Marlène avant de sortir, saluant Elena en fermant la porte. Vincent jeta un petit regard par la fenêtre, vérifiant que la Turk accompagnait bien Elmyra et Marlène, papotant avec elles plutôt que de rester à distance.
Elle avait, pour l'occasion, enfilé une robe légère et une petite veste suffisamment épaisse pour cacher son arme.
Apparemment, la jeune Turk choisissait l'option cachée au grand jour plutôt que celle de guettant dans l'ombre de ses collègues.
Subtil.
Elle lui rappelait Ashe par moment, quelques grammes de finesse dans une unité qui en manquait parfois singulièrement. Et pas uniquement par sa faute à lui.
"C'est bon," déclara-t-il en prenant place.
"Bon, ça va être une réunion difficile," admit Shera immédiatement, " stoppez-moi si ça devient insupportable."
"Vas-y," déclara Zack, l'air sérieux.
"Je n'ai pas grand-chose sur les autres clones, mais celui que... qui a été ramené hier est effectivement très similaire à T… à l'original. Elle avait même l'air un peu plus âgée. Elle a été augmentée à la mako et a subi une injection quelques heures, voire même une heure avant."
"Ça ne ressemblait pas à une injection de mako," intervint Vincent.
"En effet," fit Shera avant de poser une photo, face cachée sur la table. "c'est une photo de la plaie pour ceux qui veulent voir."
Vincent se porta volontaire.
La plaie était effectivement horrible, mais n'avait pas ce côté purulent et phosphorescent des injections mako. Les veines noires s'étaient légèrement estompées après la mort du clone, mais restaient bien visibles.
"Qu'est-ce que c'est ces veines ? "
"Et bien… je ne suis pas vraiment sûre, mais il semblerait que son corps se modifiait au fur et à mesure que ce qui lui a été injectait se déplaçait dans son corps."
"C'est possible ça ? " demanda Cid après un regard dégoûté à la photo quand Vincent la lui passa.
"Non ! Mais c'est Hojo ! " s'exclama Shera avec un petit rire acerbe, "il fait des choses aux lois de la nature qui devraient être impossibles et interdites ! "
"Certaines des clones avaient des griffes," intervint Vincent, confirmé d'un signe de tête de Cid et de Red qui grommela, assis près de Cloud, " ce serait lié ? "
"Oui ! En effet et c'est… c'est…" recommença Shera en cherchant ses mots.
Cid fronça les sourcils et se tourna sur sa chaise, observant sa sœur debout derrière lui.
"Shiera ? "
"Je crois que c'est lié aux makonoïdes," acheva Shera.
"Mais tu viens de dire que ce n'est pas de la mako qui provoque ça ? " intervint Aérith.
"Et bien, jusqu'à présent, le consensus était que les makonoïdes étaient le résultat d'une surexposition à la mako. Sauf que… Les SOLDATs ne deviennent pas tous des makonoïdes. Zack et Cloud n'ont aucun symptôme et Vincent…"
"C'est autre chose," rappela Vincent en refermant le poing gauche.
"Donc je pense que ça ne compte pas," acheva Shera, "en revanche… J'ai vérifié avec le Professeur Falmis. Il y avait souvent des makonoïdes lors des débuts du projet SOLDATs, quand Hojo le dirigeait encore. Et pas un seul dans les dix dernières années depuis sa disparition."
"Donc Hojo faisait quelque chose en plus… quelque chose qui n'est plus fait aux SOLDATs actuels, mais qu'il continue de faire aux squames."
"Ça ? " suggéra Vincent montrant la photo des veines.
"Le corps de Setzer présentait un début de mutation. Il a dû y avoir droit aussi."
"Et mon oncle ? " demanda Yuffie.
Shera secoua la tête.
"Sans analyse poussée, je ne peux pas dire, Yuffie."
"Oh… "
"Ultimécia oui, par contre," précisa Shera en sortant un dossier, "et je demanderais à Squall ce qu'ils ont sur Adel."
"Et on peut savoir ce que Hojo fait au juste pour que ça donne un makonoïde ? " demanda Zack.
"Et bien, c'est peut-être lié à ça," déclara Shera en posant une photo de la capsule sur la table.
"C'est ce que tu as récupéré dans l'estomac de… du clone ? " demanda Aérith.
"Les analyses sont en cours. Et comme d'habitude avec Hojo : Ça ne fait AUCUN sens. C'est vaguement organique, il y a une masse énorme de conservateur dedans et même le matériel du Professeur Falmis ne nous en disent pas grand-chose. Mais, et c'est ça le plus effrayant : C'est vivant."
"Vivant ? "
"Les cellules se multiplient. Lentement, mais sûrement. J'ai tout remis au frigo et ça a eu l'air d'arrêter temporairement le processus. Le Professeur me tiendra au courant de ses découvertes."
"Mais je ne comprends pas," reprit Yuffie, "pourquoi elle l'avait dans l'estomac ? "
Le silence retomba sur Seventh Heaven, chacun réfléchissant à la question. Puis Reeve leva les yeux sur Vincent, toujours appuyé sur le mur, Yuffie pendue au bras. Le Turk avait plissé les yeux, contemplant les photos sur la table puis le tableau blanc que Zack avait été chercher.
"Vincent ? Tu as le regard qui réfléchit," nota-t-il.
"On reçoit de l'aide de l'intérieur de Sin," déclara Vincent, les yeux fixés sur le tableau.
"Qu'est-ce que tu veux dire ? " demanda Shera.
Vincent se redressa et avança, tendant la main vers les différents noms sur le tableau.
"Gabbiani nous donne des informations avant de mourir. L'Al Bhed nous a aidé à reprendre le contrôle de Sin. Les… les clones ont tout fait pour ne pas vous tuer immédiatement et ont fait en sorte qu'on récupère cette capsule… Il y a… je n'irais pas jusqu'à dire une organisation, mais une volonté de la part des squames de contrecarrer Hojo."
"Il a un contrôle sur eux, mais pas absolu," comprit Reeve.
"Setzer était relativement libre d'agir," nota Cid, " je veux dire, il était… pas très… Il aurait jamais cru les racontars pseudo-scientifico-yévonite de Hojo avant, mais il… Il n'a jamais su faire le deuil de Darill. Hojo a pu jouer dessus."
"Et la mutation supplémentaire joue peut-être aussi sur le mental. Les clones les plus atteintes et les makonoïdes étaient..."
"Sauvages," murmura Zack.
"Est-ce que ça te parle, une organisation dans Sin, Zack ? " demanda Vincent, ignorant le regard alarmé d'Aérith.
"Je serais incapable de vous dire ce qu'il y avait comme organisation dans Sin. Cloud et moi, on était presque tout le temps enfermé dans une… une pièce ? Un stockage ? Je peux… Je peux rien dire. Je me rappelle surtout à la fin, il restait plus que Cloud et moi. Y'avait d'autres cages, mais…"
Cris cris cris cris cris cris. Silence.
"... Mais les autres sont morts. Vite."
Des mains sur les barreaux qui les secouent en hurlant, à s'en briser les doigts, à briser la cage à…
"Non, y'en a un qui s'est enfui, une fois. Il a réussi à ouvrir sa cage et… Je l'ai jamais revu. J'ai demandé ce qui lui était arrivé, mais on est les deux seuls à être sorti de Sin. Il doit être mort."
Cours cours cours vas-t'en vite prend le petit cours.
"Y'avais des enfants. Petits. Pleins. Trois ou quatre ans, le plus vieux sept ou huit… Des fois ils nous amenaient à manger…"
Tiens, c'est tout ce qu'on a, faut que tu manges, je sais c'est pas bon, mais faut que tu manges.
"Les seules fois où on sortait des cages, c'était quand le lunatique voulait faire une expérience. C'était les assistants qui nous sortaient de là. Je les appelais les Igor. Comme dans le film d'horreur avec le monstre, là."
Mais tu vas te laisser faire oui ? Arrête de te débattre ou c'est la foudre !
"Je me rappelle de rien d'autre à part les cages, le couloir et le… le labo. Je me rappelle jamais du retour d'ailleurs. Et puis, Sin respirait tout le temps, ça faisait un vacarme avec l'audition augmentée, même le Haut Vent est pas aussi bruyant et…"
Zack se tut en sentant la main de son frère le tirer par la manche. Il baissa les yeux vers lui.
"Viens. On sort," déclara Cloud avant de l'entraîner après lui sans attendre sa réponse.
Les deux Strife sortirent par la porte arrière, dans le silence de la pièce.
"Vincent…"
"Je m'excuse. Je… ne lui poserais plus la question," déclara le Turk en baissant les yeux.
"T'iras t'excuser plus tard," ajouta Cid à mi-voix.
"...Oui."
Zack avait nerveusement tapoté le mur près de lui en parlant.
Il y avait maintenant un trou dedans.
"Je vais chercher le plâtre," soupira Wedge.
"Et moi la spatule," ajouta Cid.
Quand Squall sonna à la porte de Seventh Heaven quelques minutes plus tard, ce fut Yuffie qui ouvrit, lui adressant un grand sourire avant de froncer les sourcils.
"Oh, bah tu en fais une tête, qu'est-ce qui se passe ? "
Squall foudroya Yuffie du regard, mais comme d'habitude, cela lui glissa dessus comme l'eau sur un léviathan. Il commençait à réaliser qu'avec la vie qu'elle menait et les horreurs qu'elle voyait, ce n'était certainement pas un ado ronchon qui allait l'impressionner.
Elle le laissait essayer, cela dit. C'était gentil de sa part.
"Je te dirais à l'intérieur, je n'ai pas réussi à semer mes baby-sitter et je crois qu'on a un photographe sur le toit d'en face…"
"Viens là, on va lui faire gagner une prime" déclara Yuffie en se hissant sur la pointe des pieds pour passer ses bras autour de son cou et fourrer son visage dans le col à fourrure de son blouson.
Hm.
C'était nouveau. En tout cas en public.
Il sortit les mains de ses poches, les posa autour de sa taille et la souleva[6], faisant un pas pour entrer avant de la poser puis fermer la porte.
Une fois à l'intérieur, il put la détacher de son cou et la détailler du regard, s'assurant qu'elle allait bien.
L'alerte les avait réveillés cette nuit, à la MGU. Suivant la nouvelle procédure d'aide à Midgar en cas d'attaque, la MGU avait été immédiatement détachée de la plaque et dirigée vers le secteur en danger, afin de pouvoir aider à l'évacuation.
Tous les pensionnaires et orphelins étaient restés éveillés jusqu'à la fin. Tous ceux de leur classe s'étaient rassemblés dans la chambre de Squall, à écouter la radio, à attendre les annonces.
Il avait été soulagé quand Yuffie leur avait envoyé son message habituel de fin de mission, un système mis en place par Linoa après la première fois où Yuffie était partie avec Avalanche et qu'ils avaient attendu son retour le lendemain en se rongeant les sangs.
Yuffie: Suis à 7 heaven. Suis ok. tt le monde debout. Allez dormir.
Elle avait l'air épuisée, encore plus que d'habitude, mais elle souriait. Et elle n'était pas blessée.
"C'était tellement romantique," soupira Aérith en le regardant faire, assise à la table à regarder Cid et Wedge apprendre à Vincent comment boucher un trou dans un mur.
"On verra les photos demain dans tous les magazines," renchérit Cid.
Squall ne répondit pas, maintenant habitué aux taquineries permanentes que se lançaient les membres d'Avalanche.
"Mais, sérieusement," reprit Yuffie, " qu'est-ce qui se passe ? Tu tires une tronche pire que d'habitude ? "
Outre le fait qu'il s'était inquiété pour elle ?
"Odine a été retrouvé."
Le silence retomba.
Puis Aérith siffla entre ses doigts, rappelant le reste de l'équipe.
Ça avait surpris Squall la première fois qu'il avait vu la si jolie "Princesse des Taudis", comme l'appelait les journaux, se comporter comme...
Et bien, une fille des Taudis.
En fait, il ne savait pas vraiment pourquoi il était surpris, Aérith avait beau être une jolie fille et une brillante guérisseuse, elle avait grandi dans les taudis du secteur 5 et tutoyait les Turks.
Ça ne pouvait que laisser des traces, et la voir siffler entre ses doigts était la plus bénigne de ses mauvaises habitudes.
Et puis, il pouvait parler avec sa manie d'interpeller Yuffie en sifflant.
En quelques dizaines de secondes, tout le monde était rassemblé dans la pièce.
Y compris le chat.
Squall lui gratouilla le crâne quand l'animal vint se frotter sur ses genoux. Red ne le laissait toujours pas le toucher.
"Que se passe-t-il ? " demanda le lieutenant.
"Le Professeur Odine a été retrouvé."
"Je croyais que ta sœur allait le trouver rapidement ? "
"En fait il a été trouvé rapidement, mais il n'a été identifié que la semaine dernière et je n'ai eu l'info qu'aujourd'hui," expliqua Squall.
"Comment ça ? "
"Plus de tête. Donc plus de dents. Et quelqu'un a soigneusement découpé ses doigts."
"Je préférais VRAIMENT quand les squames étaient à peu près aussi civilisés et réfléchis qu'une meute de fauves," signala Zack.
"Hm," fit Vincent, "ça, c'est une tactique classique pour retarder l'identification d'un corps."
"Pourquoi ne pas l'avoir détruit ? Une bonne fournaise et c'était bon…"
"En général, si on veut retarder l'identification d'un corps, mais le laisser à la vue de tous, c'est pour envoyer un message."
"Et le message là étant ? "
"J'ai besoin d'en savoir plus," répondit Vincent en tournant la tête vers Squall.
Squall dézippa son blouson.
Et en sortit plusieurs dossiers qu'il posa sur la table.
"Squall," commença Reeve en se demandant s'il pouvait discrètement verser du whisky dans son thé, "est-ce que tu as volé des dossiers à ton père ? "
"Non," répondit Squall en toute honnêteté.
"Ouf," fit Reeve.
"Ma sœur me les a envoyés en disant que vous en aurez besoin."
Cette fois, Reeve dévisagea l'adolescent et ne cacha pas son choc.
"Je te demande PARDON ? "
"Elle sait que j'espionne pour vous. En fait je crois qu'elle le savait avant même que j'espionne pour vous."
"J'ai raté un épisode ? " demanda Zack, confus.
Barret secoua la tête, tout aussi confus.
"Ma sœur… est une mage temporelle. Elle a des visions du futur et peut envoyer son esprit dans le passé… C'est comme ça qu'elle a pu identifier Odine et les autres."
Il tourna la tête vers Yuffie en fronçant les sourcils.
"Tu leur avais pas dit ? "
"Bah non," répondit-t-elle en haussant les épaules, "tu m'avais pas dit si je pouvais."
Il resta à la dévisager avec surprise.
"Qu'est-ce qu'il y a dans ces dossiers ? " l'interrompit Jessie en posant sa tablette pour les ouvrir.
"Euh… ce sont les dossiers d'Odine et de ceux qui ont disparu avec lui. Ils ont tous été retrouvés, sauf un. L'assistant du Professeur Odine, le Docteur Xehanort" ajouta Squall en cherchant le dossier du concerné.
"Stoooooop," fit Jessie. "Xehanort ? Ansem Xehanort ? "
L'adolescent hésita et trouva le bon dossier qu'il ouvrit et parcourut avant de confirmer.
"C'est ça. Vous le connaissez ? "
Jessie reprit sa tablette en jurant et chercha quelque chose dessus avant d'augmenter le son.
"Enregistrement du coup de téléphone anonyme d'hier pour le pilier."
Allo, je… je suis au secteur 8, dans le Taudis, sous… sous le pilier principal… Il y a des squames et je crois... je crois qu'ils ont une bombe…
Pouvez-vous décliner votre identité ?
Ansem Xehanort, assistant du Professeur Od…
Il y eut un grand bruit de statique et Jessie arrêta l'enregistrement.
"C'est pas la bonne voix," nota Squall. "Ansem Xehanort a une bonne trentaine d'années, si pas plus."
"Ouais, la voix est trop jeune," ajouta Yuffie.
"Encore une fois, quelqu'un a essayé de nous prévenir et de laisser des indices," nota Vincent.
"On avait aussi eu un appel anonyme pour les docks, non ? " demanda Barret.
Jessie hocha la tête et manipula sa tablette quelques secondes, repassant l'enregistrement.
"Même voix," déclara Vincent.
"Je l'ajoute dans quelle catégorie ? " demanda Biggs en approchant du tableau.
"On va avoir besoin d'un tableau plus grand," soupira Reeve.
"Il est peut-être mort," nota Vincent, "il a été interrompu et il y avait des débris de PHS avec des traces de magie de foudre plutôt puissante."
"Et oubliez pas le bras," ajouta Zack.
"Oh ! Oui ! " s'exclama Shera.
"Le bras ? " répéta Squall.
"Zack a trouvé un bras coupé hier," expliqua Yuffie.
"Allez-y doucement avec Squall," intervint Barret, "il n'a pas l'habitude."
L'équipe d'Avalanche échangea un regard confus avant de réaliser qu'en effet, leur espion était peut-être dans une école militaire, mais que parler de bras coupé et d'informateur mort ne faisait pas partie de son quotidien.
"Shera ? Vas-y mais doucement," ordonna Reeve.
"J'ai pas grand chose à dire sur le bras. Coupé du vivant de son propriétaire..."
"On a dit 'doucement', Shera," soupira Cid.
"Désolée. Un tatouage, numéro 92, des traces d'injections, mako, peut-être la substance mystère. Jeune mais adulte, très musclé, peau claire. Et c'est tout. J'ai pris ses empreintes digitales, on pourra essayer de les comparer aux bases de données."
"Je m'en charge," déclara Jessie en prenant les empreintes que tenait Shera.
"Oublions l'informateur pour l'instant. Revenons à Xehanort," déclara Reeve. "Qu'est-ce qu'on a sur lui ? "
Barret prit le dossier et commença à tourner les pages.
"Brillant para-mage, travaillait avec le professeur Odine depuis une dizaine d'années. Travaillait sur l'émulation des pouvoirs de sorcières et mages natifs et sur leur transfert."
"Ils sont encore là-dessus ? " marmonna Vincent, serrant le poing gauche.
"Ça te dit quelque chose, Vincent ? " demanda Barret.
"Ils faisaient déjà ça il y a trente-cinq ans. Ils capturaient des fillettes mage-nées ou issues de lignées de sorcières pour transférer leurs pouvoirs à Adel et les gardait pour qu'elles lui servent de corps de rechange."
"C'est pour ça qu'elle avait capturé ma sœur," ajouta Squall.
"Sauf que Xehanort tentait de transmettre les pouvoirs à des humains," marmonna Shera, lisant par-dessus le coude de Barret.
"Oh, oui," fit Squall, se souvenant de cette situation, "Papa et Oncle Ward ont dit non et lui ont coupé le financement de… ses… recherches."
"Il y a combien de temps ? " soupira Reeve.
"... quelques mois avant qu'Adel soit libérée…" acheva Squall.
Reeve se leva en soupirant pour aller se resservir en café. Sur ce coup, Esthar aurait mieux fait d'apprendre des erreurs de Midgar et apprendre à emprisonner un scientifique fou avant de lui laisser une chance de disparaître dans la nature. Il entendit la voix de Vincent résumer la situation et revint dans la pièce avec la cafetière. Ils allaient en avoir besoin. Plusieurs tasses se tendirent vers lui et il vit Yuffie aller en chercher une pour Squall, fouillant dans leur réserve de tasses de rechange[7].
"Donc Xehanort doit être impliqué dans la disparition d'Adel, d'Odine et des autres scientifiques, et a maintenant rejoint Hojo avec les recherches d'Esthar en para-magie."
"Pourquoi avoir tué les autres ? " demanda Barret.
"Pour envoyer un message au Président Loire. Ne sous estimez pas la mesquinerie d'un scientifique quand on gâche ses recherches."
"Comment vous savez ça ? " demanda Squall.
"Lui demande pas," marmonna Yuffie en lui tendant une tasse, "il pourrait te répondre."
"On a vraiment besoin d'un tableau plus grand ! " déclara Biggs, occupé à essayer de tout noter.
"J'aimerais qu'on arrive à prendre de l'avance sur Hojo avant de tout apprendre avec du retard," soupira Reeve.
"Il faut qu'on retrouve l'informateur," déclara Vincent. "En espérant qu'il ne soit pas déjà mort."
"Numéro 92 tu penses ? " demanda Barret.
Vincent haussa les épaules.
"Jessie, trouve-moi ce que tu peux sur les empreintes digitales," commença Reeve.
"Il faudrait les débris du PHS du pilier," nota Vincent, "on pourrait les comparer."
"Aérith ? " fit Reeve.
"Tseng est très légèrement fâché contre Vincent actuellement, mais je verrais ce que je peux faire," déclara la guérisseuse avec un regard entendu au Turk.
"Qu'est-ce que t'as fait ? " demanda Cid, amusé.
"Prit un café avec Elena," répondit Vincent, "j'aurais su, j'en aurais profité pour prendre les preuves."
Reeve soupira et prit note de rappeler à Vincent que taquiner les Turks n'entrait pas dans la définition d'être sage. Il continua.
"En attendant, essayez de recouper tout ce que vous avez sur lui. Ou elle. Toutes les fois où on a reçu des infos ou un coup de pouce de l'intérieur. Squall ? "
"Oui, Monsieur ? "
"Pas un mot de tout ça à ta famille."
"Je dirais rien, mais j'ai aucun contrôle sur ma sœur."
Son PHS sonna. Il le sortit de sa poche, soupira en voyant le nom qui s'affichait et prit l'appel.
"Je déteste quand tu fais ça, Ellone. Oui, je te le passe."
Elle tendit le téléphone à Reeve.
"Elle veut vous parler. Ne vous étonnez pas si elle répond à vos questions avant que vous les ayez posées. Et c'est une peste."
Les augmentés de l'équipe entendirent très nettement la sœur de Squall insulter son frère à travers le téléphone.
[1] Aérith et sa mère sont des ninjas dès que la garde-robe de Vincent est concernée. Il a fini par arrêter de s'en soucier, ça lui évite d'avoir à faire les boutiques, quoi qu'il se demande combien de modèles différents de tee-shirt de l'équipe des Adamantaimai existent.
[2] Les Midgariens ont une vision de la vie assez positive, quoiqu'on en dise.
[3] Et au moins deux garçons, même si Wedge avait été plus discret que Zack qui s'était contenté de le siffler.
[4] Oui, il avait souvent été de poteau. Une histoire au sujet d'écouter les ordres et de ne pas les interpréter.
[5] Bizutage : Le dernier arrivé des Turks était de corvée café jusqu'à ce qu'il y ait une autre embauche. C'est là que Vincent avait développé son goût pour le café très noir.
[6] Au cas où j'aurais été trop subtile, il y a un running gag où Yuffie se fait porter assez fréquemment.
[7] Elmyra les achète par lot de dix en promo. Entre les jumeaux, Yuffie, Vincent, étonnement, et Barret qui manquait encore de dextérité, les tasses cassaient vite à Seventh heaven. Chacun se contente de marquer sa tasse au feutre indélébile.
