Chapitre 30 : Le Pays des Pluies Éternelles

Résumé :
Vincent retrouve enfin Cid et s'apprête à le ramener manu militari à Seventh Heaven, mais c'est sans compter la tête de cochon de son ami et son entêtement à vouloir se débrouiller seul.
Il n'y a qu'une solution pour s'assurer que Cid ne fonce pas droit dans les ennuis : Le suivre à Burmécia.
Shera en aura des sueurs froides dès qu'elle saura.
Le plus tard possible de préférence.

Personnages :
Team Haut Vent, vincent valentine, Cid Higwhind, Shera (FF7), les habitants de Burmécia (OCs), Freya, Fratley, le Roi de Burmécia (FFIX) Kain Highwind (FFV), Estrela Haifin-Mist, Siv Haifin (OC)

Tags spécifiques au chapitre :
L'équipage du Haut Vent est horny on main, comme d'habitude, coming out, worldbuilding, freestyle sur la civilisation de Burmécia, histoire de famille, boys love, punaise, ils s'y mettent quand ? !


Vincent stoppa sa moto devant le hangar du Haut-Vent et retira son casque. Contrairement à l'habitude de quand un membre d'Avalanche arrivait, il n'y eut pas d'attroupement de l'équipage, pas de propositions graveleuses venant de Fran et Balthier, pas de plaisanteries ou de taquineries d'Edgar ou Gippal. Seul l'apprenti d'Edgar était là, le fixant avec l'expression d'un cerf figé devant des phares de camion.
"Où est-il ?"
"Je ne sais pas de qu…" commença l'adolescent avant de déglutir et montrer la partie habitable du hangar.
Vincent commençait à prendre le coup du mauvais œil mako et Zack avait raison : C'est très efficace.
Il se leva de sa moto, ouvrit le coffre et sortit les affaires de Cid avant d'entrer dans le hangar, passant à côté du gamin tétanisé. Cid n'était pas dans l'atelier du rez-de-chaussée, mais Gippal s'y trouvait, penché sur un circuit qui laissa échapper des étincelles quand Vincent balaya la pièce du regard, effrayant l'Al Bhed.
Il n'était pas non plus aux étages suivants, avec les pièces détachées et la réserve, mais Vincent ne s'arrêta pas.
Il commençait à entendre la voix de Cid, venant de plus haut.
Des Cids.
Ils se disputaient avec presque autant de volume que les Burméciens un peu plus tôt.
"Tu n'iras pas voler dans le doux climat Burmécien avec le Tiny Bronco et en étant furieux comme si tu avais reçu berserker ! "
"Putain, Cid, c'est pas tes affaires ! "
Vincent croisa Balthier en chemin, le jeune homme descendant l'escalier d'un air désinvolte, un sourire charmeur aux lèvres.
"Eh, Valentine, comment ça va ?" demanda-t-il en s'arrêtant sur la marche au-dessus de lui, s'accoudant au mur du pré fabriqué d'une façon séductrice qui aurait fait des merveilles sur la libido de Vincent trente ans plus tôt.
Vincent l'attrapa par les hanches, le souleva, fit un quart de tour vers la droite et le posa avant de continuer sans un mot. Fran, qui arrivait à son tour, fronçant les sourcils, eut un regard vers Vincent avant de rabattre les oreilles en arrière et remonter précipitamment quelques marches, désignant du doigt le bureau de Pollendina.
"C'est comme ça que vous empêchez les gens de déranger les Cids ?" grommela Edgar qui descendait en boitant.
"Je ne suis pas suicidaire," rétorqua Fran pendant que Vincent ouvrait la porte d'un grand geste.
Cid sursauta en le voyant sur le pas de la porte, pendant que l'aîné de l'équipage fronçait les sourcils, une main sur le bras du capitaine.
"Qu'est-ce qui se passe ?" demanda-t-il d'un ton bourru.
"Monsieur Valentine vient d'arriver," répondit son apprentie, réfugiée derrière son bureau, interposant la chaise du vieil homme entre elle et la dispute.
"Et il est comment ?"
"En pétard," répondit l'adolescente d'une petite voix.
Vincent sortit le téléphone de Cid de la poche du blouson, le déverrouilla et composa un numéro tout en approchant du blond, sans le quitter du regard[1].
"Vincent. Oui, je suis avec lui. Je te le passe."
Et il tendit le téléphone à Cid.
"Shera. Elle est inquiète. Parle-lui."
Cid ouvrit la bouche, la referma, la rouvrit et empoigna le PHS avec un juron, se dirigeant vers le fond du bureau.
"Já ? Nei ! Shiera, ég ... Hættu að gráta ! Shiera ![2]"
"On sort," déclara le vieux Cid. "Luca, va préparer du thé pour le Capitaine. Valentine ?"
Il tendit la main vers Vincent qui approcha et fut aussitôt réquisitionné comme guide.
"Direction la salle de pause. Edgar, Fran, dès qu'il a fini, vous l'empêcher de partir tout seul et vous nous l'amenez."
La poigne du navigateur était impressionnante pour quelqu'un qui n'était pas un guerrier, et Vincent eut juste le temps de déposer le reste des affaires de Cid sur le bureau avant d'être entraîné au niveau supérieur.
La salle de pause était aussi un préfabriqué et ressemblait beaucoup à la salle de vie de Seventh Heaven. Une table pour le repas avec des tabourets dépareillés, une théière et une cafetière sur l'évier, un micro-onde, deux canapés et des coussins au sol pour accueillir tout l'équipage, que ce soit pour regarder la TV, la collection de sphères soigneusement rangée sur une étagère ou participer aux tournois de jeux vidéo dont les scores étaient affichés au mur à côté. Luca et Mustadio s'y trouvaient déjà, l'un lavant la théière, pendant que l'autre fouillait la réserve de thé tout en discutant tous deux en alexandriote avec un débit impressionnant. Ils se turent en voyant Vincent et Maître Cid entrer et reprirent leur tâche plus silencieusement une fois que leur aîné se fut assis à la table.
"Qu'est-ce qui s'est passé ?" attaqua immédiatement le vieil homme.
"Je ne suis pas sûr."
"Vraiment ?"
"Je ne parle pas burmécien," rétorqua sèchement Vincent avant de pousser un petit grognement agacé.
Maître Cid n'y était pour rien, il n'avait pas à lui répondre ainsi. Son père et Maduin lui tanneraient le cuir s'ils apprenaient qu'il parlait de cette façon à un aîné. Même s'il était techniquement plus jeune que lui.
"Je m'excuse."
"Tu es tout excusé," répondit le vieil homme, "s'il est partit de Seventh Heaven aussi furieux qu'il est arrivé ici, vous avez dû vous inquiéter.
"Il n'avait pas de chaussure ni sa veste," ajouta Luca.
"Ni son laisser-passer," ajouta Vincent, "il a fait le mur. Littéralement."
Le Turk inspira profondément avant d'essayer d'expliquer le plus succinctement possible ce qui s'était passé.
"Des Burméciens sont arrivés à Seventh Heaven tout à l'heure. Dont son père."
"Oh, merde," commenta le vieil homme.
"Ils se sont disputés, Cid l'a frappé et a disparu."
"Et ?"
"C'est tout ce que je sais. Shera refuse d'expliquer ce qui s'est passé."
"Et le Capitaine aussi," reprit Maître Cid d'une voix inquiète.
"Qu'est-ce qui se passe entre eux ?"
Le navigateur secoua la tête pendant que Luca posait une tasse près de lui, lui tapotant le dos de la main pour lui indiquer où elle se trouvait.
"Même si je savais, Vincent, ce n'est pas le genre de chose que je peux révéler. Tout comme je ne dirais rien de ce que tu me confies."
Et... et c'était complètement concevable comme argument mais Vincent commençait à en avoir un peu assez des secrets et de voir Cid aussi bouleversé. Il voulait arriver à calmer le dragoon et…
Et pourquoi au juste ?
Avant que Vincent puisse s'interroger plus à ce sujet, Cid débarqua dans la salle de pause comme un double corne sur un matador, Edgar sur les talons en train d'essayer de le raisonner.
"Cid, bordel, parle-nous, on peut t'aider…"
"Je suis grand et je peux pisser seul ! " rétorqua le capitaine d'un ton acerbe.
"Pas dans la salle de pause, j'espère," objecta Maître Cid.
Cid se figea en voyant Vincent. Il avait enfilé son écharpe et son blouson, mais avait toujours ses bottes à la main. Après avoir fixé Vincent d'un regard hésitant quelques instants, il alla vers la table d'un pas lourd et s'assit sur un tabouret pour remettre ses chaussures, tournant le dos à son collègue.
"Gamin, qu'est-ce qui s'est passé avec ton père ?" commença le vieux Cid d'une voix calme.
Cid se redressa et se tourna vivement vers le sniper.
"Putain, Vincent ! "
"J'ignorais que c'était un secret," déclara le brun, tâchant de garder son calme face à l'énervement de Cid.
Cid tira sur ses lacets en ronchonnant et se leva, ignorant résolument son coéquipier.
"Préparez le Tiny Bronco, je pars le plus vite possible."
"Cid ! " appela le navigateur, "ça suffit, tu ne pars pas tant que tu n'es pas calmé ! "
"Je SUIS calme ! " rétorqua le Capitaine.
"C'est toi qui m'as dit de ne jamais piloter furieux," objecta Vincent, "qu'est-ce qui s'est passé ?"
Le blond se tourna vers lui, une main sur la poignée de porte.
"Ce ne sont pas tes affaires, ok ?" lança-t-il avant d'ouvrir la porte en grand.
Tous l'équipage du Haut-Vent était rassemblé sur l'escalier, probablement à espionner comme les commères qu'ils étaient tous et Cid se glissa derrière Fran pour monter les marches vers les niveaux supérieurs. Vincent lui emboîta le pas, passant la porte avant que l'un des hommes de Cid ait pu la lui fermer au nez.
"Tu te mêles de ma santé mentale régulièrement, tu crois que je ne vais pas te rendre la pareille ?"
"Va te faire foutre, Valentine ! " lança le pilote par-dessus son épaule.
"Offre-moi le dîner d'abord, Highwind," Rétorqua le Turk avant de le suivre.
Balthier manqua de s'étrangler de rire et dû camoufler son hilarité sous une petite toux.
"J'ai bien entendu ?" murmura Edgar.
"Putain, j'espère parce que sur le coup, j'ai eu un doute."
"Il a osé répondre au Capitaine et lui clouer le bec ?" ajouta Mustadio.
"On cherche plus, on a trouvé l'homme de sa vie."
"Autant je suis pour cette idée, les enfants," objecta Maître Cid, "vous pensez vraiment que c'est le moment ?"


Cid n'avait pas le vertige, ce qui n'était pas étonnant de la part de quelqu'un qui faisait des bonds de plusieurs mètres de haut et se baladait régulièrement sur les toits.
Heureusement, Vincent non plus, car il fallut qu'il le suive jusqu'en haut de la partie habitable. Réalisant que Vincent le suivait, Cid fit un bond de là-haut, traversant aisément les quelques mètres qui le séparaient de l'échafaudage d'entretien du Haut Vent avant d'aller s'enfermer dans la salle des machines des moteurs supérieurs. Vincent jura à voix basse en le voyant disparaître et contempla l'espace entre lui et l'échafaudage.
C'était... jouable avec de l'élan. Mais il n'avait que deux mètres de marge sur le palier et la rambarde à sauter avant même de pouvoir franchir la distance.
Le bruit d'un pas irrégulier sur le métal du palier le fit se tourner et Edgar arriva à son tour, à bout de souffle d'avoir monté l'escalier avec sa lourde prothèse.
"Avant que vous sautiez... y' a un autre accès par en bas," souffla le chef-mécanicien.
Vincent hocha la tête en guise de remerciement et commença à descendre, pendant qu'Edgar se penchait par-dessus bord, hurlant un ordre.
"Mus ! Ouvre l'accès du cargo et montre à Valentine comment aller à la salle des machines supérieure ! "
"S'il faut faire visiter la salle des machines à Valentine, je suis volontaire ! " lança la voix de Balthier.
"Balth, ta gueule ! " rétorqua Edgar.
Vincent avait la nette impression de rater un niveau de compréhension, mais il n'avait pas le temps de réfléchir. Il devait trouver Cid avant qu'il arrive à nouveau à s'esquiver.


"Ok, j'en ai marre, est-ce que je peux les jeter l'un sur l'autre avec une boîte de capotes ?" demanda Balthier en regardant Vincent suivre Mustadio jusqu'à l'entrée du Haut-Vent, au niveau du sol.
"Non, Balthier," répondit Cid.
"Vu ce que le Capitaine est frustré, il leur en faudra au moins deux" ajouta Edgar.
"La prochaine fête, on les invite, on les saoule et on les enferme dans la cabine du Capitaine."
"Non, Gippal," répéta Cid.
"Ça ne servirait à rien, Valentine est augmenté, il ne pourra jamais être assez saoul pour ça," objecta Edgar.
"Je n'arrive pas à croire que vous ayez sérieusement réfléchi à cette solution" grommela Luca.
"Le Capitaine est célibataire depuis presque six mois maintenant, ça devient une urgence vitale qu'il se trouve un nouveau mec," déclara Gippal.
"Pour nous, l'urgence", précisa Balthier.
"Je vous avais prévenu que je ne serais plus disponible, fallait vous y prendre avant," déclara Edgar.
"Fran, une opinion ?" demanda Cid.
"Faut qu'ils baisent. Les deux. Ensemble."
"Merci Fran."


Vincent trouva Cid rapidement, tout en haut du Haut Vent, quasiment sous la coque supérieure. Il s'était réfugié tout au fond d'une coursive donnant au-dessus des moteurs des hélices supérieures et était assis là, dos à la rambarde, les coudes sur les genoux et fixant les machines autour de lui d'un regard noir. Le trajet avait été compliqué, dû à l'étroitesse des couloirs et la claustrophobie de Vincent, et quand Mustadio le laissa à l'autre bout de la coursive, il était encore un peu plus irritable qu'à son arrivée à l'aéroport.
"Qu'est-ce que tu veux ?" gronda Cid en levant les yeux vers Vincent.
"Sortir d'ici serait un bon début," rétorqua Vincent d'un ton sec.
"Je te retiens pas…"
"Shera m'a fait promettre de veiller sur toi."
"Et ben tu peux aller lui dire que je vais bien ! "
"Ce serait un mensonge."
"Depuis quand ça te dérange ce genre de choses ? ! "
Vincent laissa échapper un soupir rageur.
"Cid, je… Shera est inquiète pour toi ! Votre sœur est inquiète, elle en avait oublié son fiancé dehors ! Même votre père se fait du…"
"Ce connard n'est pas... ! "
Vincent se tut et garda le silence quelques secondes.
"Il… n'est pas mon père," acheva Cid en soupirant, retournant à sa contemplation des machines.
Vincent regarda longuement le lancier assis au sol d'un air pensif, avant de s'agenouiller près de lui.
C'était un mouvement que seuls Yuffie et Vincent faisaient à Seventh Heaven et Cid les avaient souvent vus s'asseoir ainsi sur le porche de derrière pour discuter autour d'une tasse de thé et de café, genoux serrés, assis sur les talons pendant des heures, et si Yuffie arrivait à être étonnement gracieuse quand elle s'agenouillait, voir Vincent replier ses longues jambes avait aussi une certaine élégance.
"Tu veux en parler ?" demanda Vincent d'une voix plus calme.
Cid ne savait même pas par où commencer. Il y avait… seize ans à démêler avant de pouvoir répondre à cette phrase. Plus seize ans pendant lesquels il avait consciencieusement évité de penser à tout ce qui se rapportait à Burmécia.
"L'homme qui m'a élevé et on peut pas dire qu'il ait fait un boulot extraordinaire… m'a dit il y a... deux heures ? Qu'il n'était pas mon père."
Vincent hocha la tête. Ça expliquait tout ce qui s'était passé dans la cour et le coup de poing phénoménal qu'avait pris le dragoon. S'il avait parlé commun, Kaïn Haifin aurait probablement reçu une correction du reste d'Avalanche en plus, surtout de Zack, protecteur comme l'était le Strife brun.
"Et mon père, le vrai, veut me parler. Il veut que je revienne à Burmécia."
Vincent n'avait pas exactement eu le choix de rencontrer le sien. Sa mère était malade, ne faisait pas confiance aux chasseurs de primes pour l'élever et s'était tournée vers la seule solution disponible : Retrouver le père de Vincent et le mettre devant le fait accompli.
Heureusement, son père avait joyeusement accepté ses responsabilités et traité Vincent comme ses autres enfants, mais il avait l'habitude de semer des enfants illégitimes dans tout Gaïa et de revenir les chercher quelques années plus tard.
Un de plus, un de moins, avait commenté Gigas.
Se retrouver avec un père de façon inattendue, Vincent connaissait et pouvait comprendre le choc de Cid.
"Et tu veux y aller," conclut Vincent.
"Je…" commença Cid en levant les mains d'un geste impuissant, "oui… non... enfin… oui, mais… pas… pas avec mon p… pas avec Herra Haifin[3]. Pas avec les Burméciens."
Vincent leva la main et la posa sur l'épaule de Cid, prenant bien garde à ne pas trop serrer. Il avait vu Shera réconforter son frère ainsi à plusieurs reprises ou Cid faire de même avec Zack, parfois Barret, ou Yuffie.
Ou Vincent lui-même.
Le contact physique était la solution par défaut de Cid pour calmer les gens, et ça semblait fonctionner tout aussi bien avec lui.
Cid regarda un moment la main de Vincent sur son épaule avant de prendre une profonde inspiration.
"Je… suis homo," finit-il par avouer.
Vincent fronça les sourcils surpris et Cid se dégagea vivement, détournant le regard.
"Cid…"
"Oublie," ordonna Cid, "oublie ce que je viens de dire, ok ? "
"Oh, Minerva," grommela Vincent, "Cid, je suis bisexuel."
Cid en resta muet de stupeur.
"C'est toujours le bon mot ?" s'enquit Vincent.
"Uh," répondit très intelligemment Cid.
"A voile et à vapeur ? Jouer pour les deux équipes ? Marcher au charbon et à la mako ?"
"C'est bon, c'est bon, oui c'est… c'est le bon mot…"
Donc, Vincent était bisexuel. C'était la journée des révélations fracassantes pour Cid, il semblerait. Peut-être que Shera et Gippal allaient finalement lui avouer en face qu'ils étaient amants, manquerait plus que ça.
Quand il avait appris que Vincent avait été en stase pendant trente ans, il avait craint le pire concernant son opinion à ce sujet. Il n'avait quitté Burmécia qu'à seize ans, mais si Midgar avait été plus avancé question droit des minorités sexuelles à l'époque, ça ne faisait réellement qu'une douzaine d'années que l'homosexualité n'était officiellement plus illégale.
Il ne se rappelait pas exactement la journée où ça avait été officialisé, mais la gueule de bois consécutive avait duré deux jours. Et Darril avait mentionné à plusieurs reprises que Setzer avait eu plus de propositions pendant leur tournée des bars gay que Cid lui-même.
"Donc être homosexuel n'est pas bien vu à Burmécia," conclut Vincent.
"On n'a même pas de vrai mot pour ça," avoua Cid. "À côté des Burméciens, les Yévonites sont tolérants et ouverts d'esprits."
"C'est dire," marmonna Vincent.
"J'avais seize ans, je venais de réaliser que… que je préférais regarder le cul des garçons que celui des filles et… Je savais pas encore me cacher. Ça s'est vu."
"Qu'est-ce qui s'est passé ?"
"J'ai failli subir un 'accident de chasse'," expliqua Cid d'un ton acerbe.
Il soupira et jeta un regard sur sa main droite, là où une pointe de lance l'avait traversé de part en part.
Il ne restait qu'une cicatrice fine sur le dos de sa main, entre deux tendons, et sa jumelle sur sa paume.
Sa mère avait paniqué en le trouvant en sang et il avait fallu qu'il la retienne des deux mains pour l'empêcher d'aller chercher le guérisseur du coin.
Il avait paniqué à son tour en voyant le sang qu'il avait étalé sur elle.
"Quand ma mère a réalisé ce qui se passait… Elle m'a donné de l'argent et des vêtements de l'extérieur et m'a ordonné de rejoindre Shera à Midgar. Herra Haifin et les Burméciens ont souvent tentés de me retrouver et ramener, mais on a toujours réussi à les esquiver..."
Vincent fronça les sourcils.
"Et maintenant tu veux y retourner ?"
Cid hocha la tête, baissant les yeux sur ses genoux.
"Je… veux comprendre. Pourquoi personne ne m'a rien dit... qui est mon père… Pourquoi est-ce Herra Haifin qui m'a élevé ?"
Il plongea la main dans ses cheveux, cherchant par réflexe son paquet de cigarettes avant de réaliser qu'il n'était pas glissé dans la sangle de ses lunettes, comme d'habitude. Vincent le sortit de sa poche et le lui tendit sans un mot.
"Il faut que j'y aille," acheva Cid en le prenant, tirant automatiquement une cigarette de l'étui.
Vincent hocha la tête et lui posa la main sur l'épaule à nouveau avant de se relever, l'utilisant comme appui.
"Je viens avec toi."
"Tu n'as pas à le faire…" objecta le blond.
"Je viens quand même," rétorqua Vincent en lui tendant la main.
Cid laissa Vincent le relever sans difficulté, aidé par sa force irréelle.
"Cid… Si je… si je vais mieux maintenant que quand je suis arrivé, c'est en partie grâce à toi. Je te dois bien ça."
Le pilote jeta un petit regard pensif sur le côté, réfléchissant aux paroles de Vincent. Le sniper le laissa réfléchir quelques secondes avant d'asséner son dernier argument tout en croisant les bras.
"Ou je peux te répéter ce que tu m'as dit sur le toit après la mission du huitième pilier. Quelque chose au sujet d'arrêter d'aider les autres et faire volte-face quand on essaye de t'aider."
"Putain, Vincent, on t'a déjà dit que tu étais dur en négociation ?"
"Ex-turk. C'est ça ou une balle."


Les deux hommes retournaient dans la partie habitation commune du hangar quand Vincent réalisa qu'il faudrait prévenir leur directeur et planifier leur absence pour quelques jours. Il s'arrêta devant la porte de la salle de repos, sortant son PHS.
"J'appelle Reeve, je te rejoins."
Cid hocha la tête et retourna dans la pièce où il fut accueilli par des jurons et des reproches de son équipage. Une fois la porte refermée, Vincent composa le numéro de Seventh Heaven. Ce fut leur opératrice qui répondit, comme chaque fois que Reeve était déjà en communication.
/Bureau du Directeur Tuesti, Jessie Rasberry à l'appareil./
"Jessie, c'est Vincent."
/Hey, Vince, Shera a dit que tu as trouvé Cid ? Comment il va ?/
"Il est calmé. Les Burméciens ?"
/Ils reviennent à l'assaut régulièrement pour voir s'il est revenu. Shera leur interdit d'entrer. Mon vocabulaire burmécien s'enrichi de minute en minute !/
"On ne peut pas rentrer du coup," conclut Vincent.
/Vaut mieux pas, en effet./
"Peux-tu me passer Reeve, s'il te plait ?"
/Bien sûr, je te passe en communication urgente, laisse-lui une petite minute pour finir sa conversation./
"Merci."
Il fallut une trentaine de secondes pour que Reeve décroche à son tour et sa voix était légèrement anxieuse.
/Vincent ?/
"Cid est avec moi. Il va bien et il est calmé."
/Tu me rassures. Et tu devras m'expliquer comment tu as réussi cet exploit./
"Mon sens inné de la diplomatie."
Le petit rire acerbe de Reeve prouva qu'il n'était pas dupe.
"Jessie m'a dit que les Burméciens assiègent Seventh Heaven ?"
/Oui, mais Elmyra les tient à distance. Apparemment, les lois de l'hospitalité sont presque sacrées chez eux./
"Vu que tu n'es pas marié, elle est ce qui se rapproche le plus de la maîtresse de maison et ils ne peuvent pas entrer tant qu'elle ne leur en donne pas l'autorisation."
/Dommage que ça ne fonctionne pas sur les Turks./
"Nous sommes des va-nu-pieds, que veux-tu."
/Ça fait au moins vingt ans que je n'avais pas entendu cette expression. Vincent, que s'est-il passé ?/
"Demande à Shera, mais je ne crois pas que je sois autorisé à révéler ce que Cid m'a dit."
/Est-ce qu'il a besoin d'aide ?/
Vincent hésita avant de répondre.
"Oui. Je vais l'accompagner à Burmécia."
/Il doit y aller ?/
"Il veut y aller, mais pas avec les dragoons. Tu penses pouvoir les retenir à Midgar quelques jours ?"
/Je vais essayer,/ répondit Reeve d'un ton peu convaincu.
"Merci."
/En échange, dis-lui d'appeler son ami SOLDAT, qu'il envoie quelqu'un vous remplacer en votre absence./
"Je vais le faire tout de suite."
/Est-ce que je dois prévenir Shera qu'il part à Burmécia ?/
Vincent sentit qu'il allait regretter ses paroles au moment même où il y pensait.
"Est-ce que c'est possible… d'oublier de la prévenir ?"
Il entendit un petit grognement désabusé de son chef. Visiblement, il était aussi peu enthousiaste à l'idée de mentir à Shera que Vincent.
/Pour information, ce sera de ta faute./
"Je suis désolé d'avance."
/Soyez prudent, Hojo se tient calme pour le moment, mais il peut revenir à tout moment./
"On fera au plus vite. Je ne crois pas que Cid veuille s'éterniser de toute façon."
/A très bientôt alors./


Vincent retrouva Cid dans la salle commune du hangar. Le pilote l'attendait devant une nouvelle tasse de thé, son équipage autour de lui en train de le réprimander pour les avoir inquiétés, Edgar et Maître Cid en premier.
Ils levèrent tous les yeux en entendant Vincent entrer et l'équipage se tut.
C'était étrange comme c'était seulement maintenant que Vincent remarquait à quel point l'équipage se tenait soudain coi quand il arrivait dans une pièce.
"Reeve veux que tu appelles Fon Ronsenburg pour envoyer des renforts à Seventh Heaven au cas où."
Il y eut un petit ricanement de la part de Balthier mais Edgar lui donna un coup de torchon sur les fesses pour le faire taire. Cid soupira et retira sa cigarette de sa bouche avant de se frotter le visage de l'autre main.
"C'est bon, il sait que je suis homo."
Et ce fut une explosion.
Les vannes et les blagues fusèrent même de la part des apprentis pendant que Fran venait s'appuyer du coude sur l'épaule de Cid, haussant un sourcil narquois.
"Vous avez le numéro de Fon Ronsenburg, Capitaine ?" taquina Balthier, maintenant libre de parler.
"Je ne savais pas que vous en étiez là ! " Ajouta Mustadio.
"Alors l'endurance des SOLDATs ?" s'enquit Edgar.
"Je les déteste," soupira Cid en regardant Vincent, tâchant d'ignorer les moqueries de son équipage.
"La subtilité n'a pas l'air d'être leur fort," admit Vincent avec un petit sourire.
"Ils ont déjà essayé de me caser avec lui[4]."
"On s'est fait choper par Shera," admit Edgar.
"Moi j'avais rien fait et je me suis fait engueuler quand même," bouda Gippal.
"Je vais l'appeler tout de suite," reprit Cid, sortant son PHS de sa poche sans prêter attention à son équipage qui le chambrait.
"Il faut que j'aille acheter deux, trois affaires pour le voyage," commença Vincent.
"Ah, merde, j'oubliais ça, Fran, tu peux prêter ton manteau d'hiver à Vincent ?"
La viéra hocha la tête en fronçant un sourcil intrigué.
"Il est de Wutai Sud," expliqua Cid.
Fran grimaça et jeta un regard peiné à Vincent.
"Il va mourir à Burmécia," nota Edgar.


Au final, Fran prêta son manteau à Vincent, ainsi que plusieurs paires de chaussettes de Balthier.
Vincent déclina les sous-vêtements qu'elle proposait aussi, préférant en acheter à la boutique de l'aéroport, avec sac, peigne et brosse à dent pendant que Cid récupérait quelques affaires dans la chambre d'Edgar.
"Je vais finir par ne plus quitter Seventh Heaven sans un sac de voyage," soupira Vincent quand ils arrivèrent à l'aéroport Porte Nord, au pied des montagnes de Burmécia.
"J'en ai toujours un de prêt sous le lit, mais j'ai pas eu le temps de le prendre," avoua Cid.
"Heureusement que tu avais des affaires chez Edgar," nota innocemment Vincent .
"Drekaskìtur, tu ne vas pas t'y mettre, toi aussi ? ! "
Leur aéronef avait été un véhicule de fret, transportant des marchandises entre Midgar et Galbadia et son capitaine, un ami de Maître Cid, avait accepté de déposer Cid et Vincent à un aéroport proche de Burmécia.
Porte Nord était une petite ville de frontière dont l'aéroport occupait la plus grande partie. Il y avait les pistes d'atterrissage, quelques hangars pour les aéronefs et marchandises et une poignée de boutiques, d'hôtels et de petites maisons pour les employés de l'aéroport. Même si la ville avait des routes goudronnées, celle qu'ils empruntèrent en direction des montagnes se fit de plus en plus accidentée, jusqu'à devenir un chemin de terre, ou plutôt de boue, détrempée par les fréquentes averses.
"Comment fera-t-on au retour ?"
"T'en fais pas, Cid doit déjà être en train de rameuter ses potes pour nous trouver un transport."
Le téléphone de Vincent vibra et il le sortit de sa poche.
Yuffie : Nan, t'es parti à Burmécia sans me prévenir ? T_T
Vincent : Urgence. Je suis avec Cid. Ton examen ?
Yuffie : J'aurais la moyenne, mais je me suis fait avoir sur la dernière question, plus le temps.
Yuffie : Cid est ok ?
Vincent : J'espère. Shera ?
Yuffie : Elle va te tuer dès que tu seras de retour à Midgar.
Yuffie : Tu veux l'asile à l'ambassade ?
Vincent : Peut-être.
Yuffie : Je vais aller la calmer, ramenez-moi un souvenir en échange !
Vincent : On verra. Merci.
"Qu'est-ce que c'est ?"
"Yuffie. Shera est furieuse."
"Pourquoi ça ?"
"J'ai oublié de la prévenir que nous partions pour Burmécia."
"Elle va nous tuer tous les deux."
"Yuffie veut un souvenir."
"Ramasse un caillou, on dira que c'est un morceau de la montagne."
Et en parlant de la montagne, Vincent se tourna vers leur destination, admirant le paysage.
Enfin, le peu qu'il en voyait.
Les montagnes de Burmécia étaient moins escarpées que les pics de Nibelheim, plus grandes, et chapeautées d'énormes nuages gris qui cachaient leur sommet.
Et elles étaient aussi plus vertes. Même de là où il était, Vincent pouvait voir les forêts luxuriantes et les flancs couverts d'herbes des monts et, tout en haut d'une des montagnes, une ville perdue dans la brume, lui donnant un aspect irréel.
Il n'aurait pas fait encore plus froid qu'à Nibelheim, Vincent aurait pu apprécier le paysage à sa juste valeur.
"C'est là-haut que nous allons ?"
"Non, là-bas, c'est Deist, un fort qui protège Burmécia. La ville est sur la montagne derrière."
Vincent jeta un regard inquiet au ciel. A cette période de l'année, le soleil se couchait de plus en plus tôt et en montagne, ils auraient tôt fait de se retrouver dans le noir
"Tu penses qu'on arrivera avant la nuit ?"
"Ça dépend. Comment tu te débrouilles sur un chocobo ?"
Vincent jeta un regard incrédule à Cid.
"Je ne me débrouilles pas, la dernière fois que je suis monté sur un chocobo j'avais dix ans et c'est ma mère qui le dirigeait."
Cid laissa échapper un sourire à imaginer un petit Vincent juché sur un chocobo avec la même expression contrariée que son alter ego adulte.
"Et où est-ce qu'on va trouver un chocobo ? Tu veux le capturer ?"
"J'aimerais bien, mais on n'a pas le temps de le dresser et j'ai pas d'appâts," rétorqua Cid avant de montrer une direction, " mais s'il est toujours là, y'a un éleveur qui loue des chocobos juste en bordure de la ville."
Et heureusement, il y était toujours. La pâture devant laquelle passèrent Vincent et Cid était tout aussi luxuriante que les montagnes derrière et les nombreux chocobos qui y paissaient avaient de la verdure jusqu'aux jarrets. Les plus sociables les suivirent de l'autre côté de la barrière, l'un d'eux s'enhardissant même à essayer d'attraper Cid par la manche en roucoulant, s'attirant une petite tape affectueuse sur le crâne.
Et ça plut au propriétaire qui les regardait avancer vers lui, debout sous l'auvent à l'entrée de son étable, quelques poussins de chocobos de diverses tailles et couleurs picorant autour de ses jambes.
"Besoin de montures ?"
"Ça se peut, on doit aller à Burmécia," déclara Cid.
"On ne peut pas y aller à pied ?" demanda Vincent, jetant un regard agacé au poussin qui vint picorer ses bottes, s'intéressant aux attaches brillantes.
"Vincent, on monte là-bas," expliqua Cid en désignant un des pics noyés dans les nuages. "A moins que ça ait beaucoup changé en seize ans, la route est impraticable en véhicule à moteur."
"Ça n'a pas changé, c'est même pire," confirma le loueur de chocobo, "y'a bien que les dragoons à pouvoir se balader là-haut à pied."
Vincent soupira d'un air accablé.
"Vous avez un chocobo de chasse ?" demanda Cid, amusé.
"Pour vous et votre gars de la ville ? Ouais, j'en ai quelques-uns, il a pas l'air lourd, ça devrait aller," répondit le loueur avant de retourner dans son étable.
Le chocobo de chasse était grand. Suffisamment pour que Vincent se sente petit à côté de lui. Il avait un plumage jaune vif, des pattes musclées aux serres impressionnantes et un énorme bec avec lequel il mordilla la main de Cid d'une façon qui glaçait le sang de Vincent.
Le pilote, lui, semblait ravi, souriant plus que Vincent ne l'avait vu ces derniers jours[5]. Il laissait le chocobo refermer son bec sur ses doigts sans la moindre crainte d'en perdre un, ne retirant sa main que pour gratter l'oiseau sous le menton.
"Il est magnifique ! "
"Il a du sang de Zuu ou quoi ?" demanda Vincent pendant que le loueur sellait la bête.
"Probablement, sa mère foutait des raclés aux zoloms," répondit le loueur en donnant une tape amicale sur le poitrail de l'oiseau qui roucoula avec le volume qu'un moteur de voiture, "il a l'habitude du tir au fusil, vos armes ne lui feront pas peur si vous avez à les utiliser."
"Il a un nom ?" s'enquit Cid, tenant la bride de l'animal pendant que son éleveur finissait de l'harnacher.
"Höggormsplága. Plága si vous avez besoin de lui gueuler dessus."
Cid ricana.
"Je veux savoir ?" s'enquit Vincent.
"Ça veut dire Fléau des Serpents."
"Vous êtes Burmécien ?" s'étonna l'éleveur.
"Pas si on demande à un Burmécien," répondit Cid.
Le loueur fixa longuement Cid, le détaillant de la tête aux pieds avant d'hocher la tête d'un air entendu et se tourna vers la monture, vérifiant les attaches de la selle et des rênes.
"Ormar connaît bien Plága, vous pourrez le lui laisser le temps de votre séjour là-haut."
"Je le connais," répondit Cid, "combien je vous dois ?"
Une fois la location du chocobo et de son équipement réglé, il fallut passer à la seconde étape.
Cid se tourna vers Vincent, les rênes à la main.
"Dis-moi que tu sais au moins grimper sur un chocobo ?"
"Ça n'a pas dû trop changer depuis," marmonna Vincent en attrapant la poignée de la selle.
Et il était plus grand que la dernière fois, il n'aurait pas à escalader l'animal comme quand il était enfant. Il mit le pied à l'étrier et se hissa jusqu'à la selle, enfourchant aisément.
La selle était un harnachement soigneusement assemblé et entretenu, doté de deux places, dont l'une, plus haute que l'autre, permettant à un chasseur d'avoir un point de vue plus élevé que celui qui guidait l'animal.
Se glisser sur la partie arrière fut moins élégant, et le chocobo protesta quand Vincent lui mit malencontreusement un coup de pied dans l'aile, mais Cid et l'éleveur le tenaient fermement, et Vincent put s'installer aussi confortablement que possible.
Au moins, il aurait les pieds au chaud, réalisa-t-il quand l'oiseau réajusta ses ailes, les replaçant autour de ses étriers.
Cid escalada aisément l'animal et s'installa sur la selle de devant, réglant les étriers sous le regard appréciateur de l'éleveur, et après quelques dernières recommandations, Cid talonna l'animal qui partit d'un bon pas.
Il ne fallut que dix minutes de voyage avant que la pluie ne commence à tomber, alors que la route de terre disparaissait entièrement pour faire place à un vague sentier montagneux.
"Ça m'avait presque manqué," commenta Cid pendant que Vincent rassemblait ses cheveux avant de rabattre sa capuche sur sa tête.
Le sniper baissa les yeux sur le pilote qui tenait les rênes d'une main lâche, s'allumant une cigarette de l'autre. Il aurait pu passer pour détendu aux yeux de n'importe qui d'autre, mais Vincent voyait bien qu'il avait les épaules plus raides que d'habitude, la nuque droite et c'était déjà sa troisième cigarette depuis qu'ils étaient descendus de l'aéronef.
Cid eut un long frisson quand la main de Vincent se posa entre ses épaules, mais avec un soupir, il finit par se détendre.
"Désolé au fait…" finit-t-il par marmonner.
"A quel sujet ?"
"De... ne pas t'avoir dit que je suis… homo."
"Ce n'est rien."
Cid se tourna légèrement sur sa selle, adressant un regard étonné à Vincent.
"Vraiment ?"
"Au risque de te surprendre, il y avait des homosexuels il y a trente ans."
"C'était pas illégal ?"
"Si. Ça ne m'a jamais arrêté. J'étais juste plus discret avec les hommes qu'avec les femmes."
"Je te croyais vraiment hétéro…" avoua Cid.
"A cause de Lucrecia ?"
Cid hocha la tête d'un air hésitant et Vincent se redressa sur sa selle, laissant sa main retomber.
"Je l'aimais," avoua Vincent au bout d'un moment, "mais ça n'a pas duré. Je n'étais pas ce qu'elle voulait."
"Elle voulait quoi ?"
"J'aurais aimé le savoir" répondit Vincent. "Je pensais le savoir pendant un temps. Maintenant…"
C'était tellement plus facile de parler quand personne ne le regardait. Il l'avait remarqué avec Maître Cid, mais parler au dos de Cid était plus simple que lui parler face à face.
"Ça fait plus de trente ans. Pour moi, j'ai l'impression qu'un an est passé."
"Ça prend du temps de faire son deuil…"
Vincent hocha lentement la tête. Ça serait nettement plus facile pour lui s'il arrivait à se souvenir ce qui s'était passé exactement à Nibelheim, mais les souvenirs qui lui revenaient pendant ses crises de panique étaient trop fragmentés pour qu'il arrive à faire le tri.
"A part elle… il n'y a eu que des histoires de cul."
"Hommes et femmes alors ?"
"Ça te surprend ? "
"Encore une fois : ouais. Je t'ai jamais vu mater qui que ce soit."
"Encore une fois : je sais être discret, je ne suis pas Zack ou Jessie. En parlant de ça, aussi amusant que c'était de vous voir marcher sur des œufs autour de moi et de vos relations amoureuses, je me demande pourquoi vous essayez de me ménager…"
"Désolé...On ne savait pas comment tu réagirais..." avoua Cid.
Vincent eut un petit rire narquois.
"J'étais Turk. Je travaillais dans les Taudis. Les seules sexualités que je désapprouve impliquent les enfants, le manque de consentement et les chocobos."
Cid ne put se retenir. Il explosa de rire. Plága roucoula en guise de réponse, tournant la tête vers Cid.
Le rire de Cid finit par se calmer et le blond se redressa sur la selle avant de talonner un peu plus le chocobo qui accéléra.
Il resta un autre moment silencieux avant de reprendre, d'une voix hésitante.
"Personne ne sait à Avalanche. Juste Shera."
"Je n'en parlerais pas si c'est ce que tu préfères."
"Merci."
"Ceci dit, je crois que je vais finir par annoncer mon orientation aux autres."
"Donne-moi dix secondes d'avance pour que je puisse prendre leur réaction en photo."
"Promis."


La pluie tombait.
Vincent commençait à comprendre le surnom de Pays des Pluies éternelles. Il y avait des interruptions entre chaque averse, mais quelques minutes par heure ne suffisaient pas à faire sécher ses vêtements.
Malgré le manteau de Fran, il était trempé, frigorifié et aucune des combinaisons de matérias qu'il avait pu tenter ne le protégeait suffisamment à son goût. La seule partie de lui qui était au chaud et presque au sec, était ses pieds, toujours fourrés sous les ailes de Plága. Cid était tout aussi trempé, mais restait tête nue, se contentant de se secouer de temps en temps, quand ses cheveux devenaient trop mouillés.
L'isolation de Burmécia devait probablement s'expliquer par le chemin pour y parvenir. Il n'y aurait eu aucun moyen de faire passer un véhicule à moteur par ces montagnes et ils n'auraient pas fait la moitié du chemin s'ils avaient voyagé à pied. Ce qui tenait lieu de route était un sentier montagneux et rocailleux sur lequel Plága passait à peine. Parfois le chemin était coupé par un torrent, ou un effondrement que le chocobo devait franchir d'un bond. Habituellement, les chocobos pouvaient planer sur quelques mètres, mais avec deux cavaliers, Plága n'y arrivait pas et Cid devait souvent le manœuvrer pour l'obliger à prendre un autre chemin.
Vincent se demandait si c'était volontaire de la part des dragoons de ne pas entretenir de routes correctes.
Ils avaient passé Deist au bout d'une heure de route, et les gardes du Fort les avaient suivis d'un regard suspicieux, mais Cid ne s'était pas arrêté.
Il y avait parfois des stèles gravées au bord de la route, soit des textes dans une langue que Vincent soupçonnait être du burmécien, soit des gravures de dragons et des dragoons, parfois difficile à différencier les uns des autres à cause de l'érosion de la pluie.
Il y avait des ossements gigantesques aussi, qui pointaient parfois du sol, certains que Vincent pensait être des rochers avant qu'ils le dépassent et qu'il réalise que le creux étrange qu'il voyait était en fait l'orbite d'un œil gros comme sa tête.
"Dragon ?" demanda-t-il quand ils en passèrent un dont le sommet avait été fracassé par une arme longue et tranchante.
"Wyrm, une espèce quadrupède. Un peu comme ceux de Nibelheim." précisa Cid.
La route avait continué et au détour d'un énième lacet, Burmécia était apparue.
La ville était construite au sommet d'une montagne au sommet aplani, surplombant les vallées et les cols autour. Avec ses falaises abruptes surmontées de murs d'enceintes impressionnants et de tours rondes, la ville semblait encore plus imprenable qu'Alexandria.
Vincent pouvait entrevoir des toits arrondis dépasser des murailles, mais quand ils arrivèrent en vue de la ville, le soleil était en train de disparaître derrière d'autres montagnes plus hautes et tout s'assombrissait autour d'eux.
"On arrivera avant le coucher du soleil ?"
"Espérons," répondit Cid avant de talonner leur monture qui repartit au trot.
Plus ils approchaient de Burmécia, plus les routes se faisaient praticables, toujours de terre, certes, mais plus plates, plus larges et mieux délimitées. Il commença à y avoir des fermes, rondes et coiffées de toit en cloche, des champs cultivés et terrassés pour recevoir plus de cultures, de l'élevage de petits chocobos trapus, plus adapté pour la viande que ceux comme Plága. Des enfants vinrent s'accrocher aux barrières pour les regarder passer, piaillant et babillant en Burmécien, habillés de capes de pluie qui les couvraient de la tête aux pieds, ne laissant que leurs mèches claires et leurs yeux bleus ou vert apparaître.
"Les chaussures, c'est en option dans le coin ?" demanda Vincent en voyant les pieds boueux des gamins dépasser de sous leurs manteaux.
"C'est plus facile de laver des pieds que de laver et faire sécher des chaussures plusieurs fois par jour," répondit Cid avant de se dresser sur ses étriers, faisant signe aux enfants de s'éloigner de devant les pattes de leur monture. "Du vent, les vermisseaux ! Vous allez vous faire piétiner ! "
Les enfants s'éparpillèrent en riant, certains suivant les deux voyageurs jusqu'à la fin de leurs champs avant de retourner à la maison. A chaque ferme, Vincent pouvait compter en cinq et sept enfants de tous les âges, parfois accompagnés d'un adolescent en guise de chaperon.
"Famille nombreuse ?"
"C'est traditionnel. On… Les Haifins étaient considérés comme une petite famille avec juste trois enfants. Ça horrifiait ma mère quand elle a épousé Herra Haifin et que tout le monde lui demandait quand est-ce qu'elle serait enceinte."
Cid contempla la haute porte triangulaire de la ville, dont ils approchaient petit à petit, poussant un long soupir.
"Tu sais… j'attendais qu'une chose quand j'étais gamin, c'était de me marier et d'avoir autant d'enfants que ma femme pourrait le supporter avant de me jeter hors du lit."
"Jeter hors du lit ?" répéta Vincent d'un ton amusé.
"Aussi connu comme 'contraception burmécienne'," précisa Cid avec un petit rire.
Le soleil était couché quand ils arrivèrent enfin à la porte de la ville et les dragoons qui gardaient la ville allumaient des foyers pour éclairer l'entrée quand Cid stoppa Plága près d'eux.
"Ils vont nous laisser entrer ?" murmura Vincent alors qu'un des dragoons approchait, sa lance à la main.
"Reste accroché à la selle au cas où on aurait besoin de déguerpir," répondit Cid sur le même ton.
Le dragoon s'arrêta à côté du chocobo et tendit sa main libre pour le retenir sous les rênes, dévisageant Cid et Vincent.
"Que est… votre raison pour venir ?" demanda-t-il d'un commun hésitant et à l'étrange accent alexandriote.
"Visite à Dame Haifin," répondit Cid en burmécien.
Le chevalier resta muet de stupeur quelques secondes avant de lâcher Plága, retirant son casque pour mieux dévisager les voyageurs. Encore un blond aux yeux clairs.
Et un que Cid sembla reconnaître.
"Siddhe ?"
"Shh Dan," fit Cid à voix basse. "Tu veux que les prêtres t'entendent ?"
"Où est Sire Haifin ?"
"Autant que je sache, toujours à Midgar, je suis venu en avance voir Mère. On peut entrer ?"
Le chevalier hésita, jetant un regard à Vincent qui restait silencieux et tentait de se faire aussi discret que possible.
"Me dis pas que tu as amené ton mignon à…[6]"
"DREKASPÌTA[7] ! Dan ! " s'exclama Cid en baissant les mains vers le sol, "il fait partie de mon vol à Midgar, Shera me l'a mis sur le dos pour me surveiller ! "
"Oh… Euh, il doit laisser ses armes s'il en a."
Cid hocha la tête et traduisit à Vincent qui obtempéra, retirant les munitions de son pistolet avant de mettre la sécurité et tendre son holster et ses munitions au dragoon.
"Dis-lui que ça doit rester au sec."
Cid traduisit la demande et le garde leur fit signe de passer avant d'aller déposer les armes dans une cahute derrière la porte.
Cid descendit du chocobo et le tint pendant que Vincent faisait de même. Ils franchirent les portes de la ville à pied, Plága les suivant en roucoulant, secouant ses ailes de temps en temps. Cid hésita quelques secondes avant de se diriger vers une étable construite le long des murailles, juste sous le chemin de ronde. Un homme en tenue traditionnelle burmécienne en sortit, fronçant les sourcils.
Et encore une fois, blond aux yeux bleus, même si les siens étaient un peu plus sombres que ceux du garde.
"Ormar," salua Cid.
"Siddhe ?" répondit l'autre homme d'un ton incrédule.
"Je suis censé te confier Plága," déclara Cid en lui tendant les rênes du chocobo.
Lequel, repérant Ormar, se mit aussitôt à piétiner en roucoulant. Les rênes passèrent entre les deux hommes et le chocobo de chasse vint se blottir contre Ormar, tentant de lui peigner les cheveux du bec. Il vacilla à peine sous la force de l'animal, s'enracinant dans le sol comme Cid le faisait quand il ne voulait pas bouger.
"Qu'est-ce que tu fous là ?" marmonna Ormar en gratouillant l'animal sous le menton pour lui faire lâcher ses cheveux.
"Parait que mon père veut me voir."
"Sire Haifin est parti il y a deux jours avec son vol et un des prêtres," rétorqua Ormar.
Cid lui jeta un regard pensif avant de secouer la tête.
"Ouais, y'a du nouveau à ce sujet. C'est pour ça que je suis là. Mère est-elle à la maison ?"
"Dame Haifin est dans son hall," répondit Ormar.
"Je te dois combien pour t'occuper de Plága ?"
"Rien si tu repars vite."
"Je ne garantis rien, on en reparle à mon départ," maugréa Cid avant de faire demi-tour.
Vincent salua le Burmécien d'un signe de tête, ignorant le regard acerbe que celui-ci lui jeta, avant de suivre Cid dans la ville.
"Tout va bien ?"
"Il est pas au courant pour mon vrai père," répondit Cid, les sourcils froncés.
Une fois dedans, Burmécia était plus exiguë qu'il ne l'aurait cru de l'extérieur. Les rues étaient assez étroites, mais elles étaient surtout surplombées de hautes maisons arrondies sur plusieurs niveaux. Tout était conçu pour favoriser l'évacuation de l'eau, les rues étaient en pentes, les pavés au sol avaient été posés de façon à laisser des interstices en guise de caniveaux, certains formant des motifs élégants au sol, des canalisations passaient de toit en toit pour vider les gouttières dans des moulins à eaux par d'impressionnantes gargouilles en forme de tête de dragon. Et dans la demi-lueur des flambeaux, Vincent pouvait voir des motifs gravés ou incrustés de pierres de couleurs différentes sur les murs.
Quarante ans plus tôt, il aurait été enthousiaste à l'idée de visiter Burmécia et prêt à rédiger un compte rendu détaillé pour la bibliothèque de son père.
Pour l'instant, il était plutôt inquiet de voir que la rumeur de la visite de Cid se répandait dans la ville. Des dragoons qui patrouillaient dans les rues stoppèrent en l'apercevant, des habitants ouvraient les portes ou les fenêtres pour le regarder passer, des civils s'écartèrent soigneusement de son chemin.
A plusieurs reprises, Cid choisit de changer de route et Vincent le suivit, gardant un œil sur leurs arrières.
"On nous suit," déclara-t-il comme un burmécien leur emboitait le pas dans la ruelle où ils s'étaient engouffrés.
"Je m'en doutais."
"Long robe, cape, chapeau cylindrique."
Et aussi blond aux yeux clairs.
"Un prêtre," répondit Cid avant de tourner à nouveau, retournant dans une rue plus large, "seize ans sans entrer ici et je me souviens encore des rues."
"Où allons-nous ? "
"Au Hall Haifin," répondit Cid avant de stopper net.
Ils étaient arrivés dans une place un peu plus large et dégagée que le reste de la ville, au centre de laquelle s'élevait une fontaine qui recueillait l'eau de pluie. Plusieurs maisons plus grandes et ouvragées que la moyenne étaient construites tout autour, certaines adossées au mur d'enceinte.
D'autres prêtres et des dragoons attendaient là.
"Cid ?"
"Ils nous barrent la route. On vise la maison avec l'antenne."
A Midgar, Vincent aurait protesté que ça réduisait peu le champ des possibilités.
Ici, il ne voyait en effet qu'une seule bâtisse qui réponde à ces critères. Une maison de trois étages, plus son toit arrondi, au-dessus duquel était installée une antenne de métal et quelques éoliennes.
Et les Burméciens attendaient devant de pied ferme.
"Il y a une autre entrée ?"
"Par la falaise," répondit Cid au moment où la porte de la maison s'ouvrait.
Avec les Burméciens devant, tous aussi grand, voir plus que Cid et Vincent, le sniper ne vit pas tout de suite qui sortait, mais quand un Burmécien sursauta avant de s'écarter précipitamment, puis un second, qui se poussa piteusement, Vincent put apercevoir le nouveau venu.
C'était une petite femme, les épaules et la tête couverte d'une cape de pluie ornementée, une canne à la main qu'elle utilisait non pas pour marcher, mais pour pousser les hommes hors de son chemin.
Et, chose que Vincent n'avait pas vu jusque-là à Burmécia : elle portait des lunettes.
La femme houspilla les dragoons pour qu'ils la laissent passer et adressa un simple signe de tête aux prêtres, à peine polie, avant d'approcher de Cid et Vincent, un grand sourire aux lèvres.
"Siddhe ! "
"Móðir[8]," répondit Cid quand elle le prit dans ses bras, lui tapotant le dos.
"Je t'attendais plus tôt, voyons ! Tu as largué ton père en route ?"
Cid hocha la tête et la femme se tourna vers Vincent, l'observant attentivement.
"Et vous... hm, vous devez être… Zack ? Ou Vincent ?"
"Vincent, Madame."
"Enchantée de vous rencontrer, vous êtes mon invité au Hall Haifin," ajouta-t-elle en burmécien avec un regard de défi par-dessus son épaule.
Elle poussa Cid vers la maison, puis Vincent et prit leur suite, traversant de nouveau la petite foule de Burméciens. L'un d'eux tenta d'intercepter Cid, mais la lourde tête ronde de la canne se posa sur son sternum.
"M'empêcherais-tu de faire honneur aux lois de l'hospitalité ?" demanda la femme d'une voix froide.
"Non, Dame Haifin," répondit-t-il d'un ton penaud avant de reculer.
"Bien. Siddhe et son ami doivent se reposer de leur voyage, vous pourrez demander à les voir demain."
Et sur ce, elle fit entrer les deux hommes, les suivit et claqua la porte derrière elle.
Vincent se retrouva dans une entrée étroite, au sol de pierre creusé de rigoles et dans lequel trois adultes tenaient difficilement. Il voulut en sortir, oppressé par l'étroitesse de la pièce, mais Cid l'arrêta.
"Retire tes bottes et ton manteau, tu vas mettre de l'eau partout."
La femme faisait déjà de même, enlevant sa cape et posant sa canne dans un porte-parapluie, bien anachronique à Burmécia.
Canne qui s'avéra être une masse à long manche. Pas étonnant que les Burméciens se soient poussés aussi obligeamment de son trajet. Elle se tourna vers les deux hommes, essuyant ses lunettes sur le pull de laine qu'elle portait avant de les remettre, les dévisageant enfin.
Il n'y avait pas d'erreur.
C'était la mère de Shera.
Ses cheveux étaient peut-être un peu plus gris, et elle avait des rides d'expression marquées, mais elle avait exactement la même couleur de cheveux bruns roux, les mêmes yeux et une silhouette similaire à celle de Shera avec une bonne vingtaine d'années de plus.
"Vincent, je te présente ma mère, Estrela," présenta Cid en retirant sa veste.
"Enchanté Madame," répondit Vincent en retirant son manteau.
"Enchanté et trempé," répliqua Estrela en le lui prenant pour la suspendre au-dessus d'une rigole, "je vais chercher des serviettes, égouttez-vous un peu, j'arrive tout de suite."
Elle passa entre les deux hommes, serrant doucement le bras de Cid au passage avant de laver rapidement ses pieds dans une bassine d'eau et disparaître dans la maison. Elle revint quasiment aussitôt, un tas de serviettes dans les bras.
"Séchez-vous et venez vous réfugier devant le feu," ordonna-t-elle du ton que Shera adoptait à l'infirmerie.
Vincent et Cid retirèrent leurs chaussures, les laissant goutter dans les rigoles et s'essorèrent rapidement les cheveux avant d'être autorisés à entrer.
Estrela était déjà en train de s'activer devant l'âtre, accrochant une grande théière de format familial au-dessus du feu.
La maison semblait être organisée autour d'un puit de lumière sur lequel donnaient toutes les autres pièces. Un escalier tournait tout autour du puits, permettant d'accéder aux chambres à l'étage. Le rez-de-chaussée comportait une grande pièce à vivre dont la cheminée, à double entrée, donnait aussi sur la cuisine. Il y avait des tentures richement brodées aux murs pour calfeutrer du froid, et trois fauteuils confortables devant le feu, couverts de couvertures et de gros pulls similaires à ceux que portaient Shera et, s'aperçut Vincent, Estrela.
Étonnement, dans un coin de la pièce, il y avait un bureau moderne, couvert de cartes, de notes, et d'une quantité de photos et de livres assez impressionnante.
Tout était… vaste. Et donnait l'impression de vide des grandes maisons où ne vivaient plus que quelques personnes alors qu'elles étaient construites pour des clans entiers.
Estrela les fit asseoir dans deux des fauteuils, leur tendit une tasse chacun et enfin se redressa, jetant un regard agacé à Cid.
"Maintenant, Siddhe, est-ce que tu peux m'expliquer ce que tu fiches ici ?"
"T'es pas au courant ?" répondit Cid.
"Au courant de quoi ?" rétorqua sa mère en approchant pour lui essorer les cheveux, "tout ce que je sais, c'est que les Öldungar ont envoyé ton père et son vol à Midgar. Et quand j'ai voulu t'appeler pour te prévenir, mon PHS avait mystérieusement disparu, je te garantit qu'il va m'entendre dès que je remettrai la main sur lui."
Oui. C'était bien la mère de Shera.
Cid sembla soulagé de la nouvelle et la femme se pencha sur lui, caressant ses cheveux humides d'un air inquiet.
"Siddhe ?"
"Il n'est pas mon père."
"Je te demande pardon ?"
"Il n'est pas mon père. Il me l'a dit à Midgar. Mon… vrai père veut me parler."
Elle vacilla. Vincent se leva précipitamment du fauteuil, laissant la place à Estrela pour qu'elle puisse s'asseoir.
"Kaïn," reprit-t-elle d'une voix peu assurée, "vas avoir des putains d'explications à donner. Mes excuses pour le langage, jeune homme."
"J'ai entendu Shera dire pire," assura Vincent en tentant de maîtriser ses tremblements de froid.
Estrela tourna la tête vers lui avec un sourire amusé mais fronça les sourcils en l'observant de la tête aux pieds.
"Il y a une raison pour laquelle ton ami est presque bleu, au fait ?"
"Il est né à Wutai Sud."
Estrela le fixa d'un air abasourdi avant de se lever.
"Et tu l'amènes à Burmécia ? Mais tu veux le tuer ? Venez avec moi, jeune homme ! "
Vincent eut juste le temps de finir son thé d'une gorgée avant que la mère de Cid ne l'entraîne vers le fond de la maison, le poussant vers la salle de bain.
Il y avait un bassin creusé dans la pierre, un sol tapissé de rigoles d'évacuation taillées en un motif de dragon et une grande citerne d'eau de pluie surmontant un feu qui permettait d'avoir de l'eau chaude. La mère de Cid lui montra comment remplir la baignoire, lui fournit des serviettes sèches et du savon et le laissa à ses ablutions.
Le tout avec une telle efficacité que Vincent ne réalisa qu'une fois dans l'eau chaude jusqu'au menton qu'elle l'avait éloigné pour parler à Cid en tête à tête.
C'était définitivement bien la mère de Shera.


"Maintenant, explique-moi pourquoi tu es ici sans Kaïn ni tes sœurs ?" une fois qu'elle fut retournée près de son fils.
"J'ai… peut être agit de manière un peu impulsive," avoua Siddhe.
"Qui, toi ? Un modèle de réflexion et de sérénité ?" rétorqua sa mère en s'asseyant dans le fauteuil avec un petit regard narquois par-dessus ses lunettes.
"Oui, bon, ça va, Mamma," rétorqua Siddhe, embarrassé.
"Vous vous êtes battus ?"
"Non," répondit Siddhe par réflexe avant de corriger. "Oui. Je lui ai mis un pain et je suis parti. Vincent et moi sommes venus directement ici. "
Estrela coula un petit regard en coin vers la salle de bain avant de reprendre la parole.
"C'est ton amant ?"
"Hein ? Non non non ! Mamma ! C'est juste un ami ! "
"Ah, dommage[9]."
" Mamma ! "
Siddhe grommela entre ses dents pendant que sa mère le taquinait. Seize ans après, quand elle le faisait marcher, il courait toujours tête baissée.
Elle lui prit la main avec délicatesse, lui desserrant les doigts pour y glisser sa main.
"Kaïn… ne m'a jamais rien dit. Quand il m'a demandé de l'épouser, c'était pour m'occuper de ses enfants, Freya et toi. Il m'a dit que tu étais son fils."
"Et il a menti à tout le monde."
"Tu sais qui est ton père ?"
Siddhe haussa les épaules en secouant la tête et Estrela serra un peu plus la main sur les doigts de son fils.
"Ça explique aussi pourquoi P… Herra Haifin… n'était pas très…paternel."
Estrela grimaça. Autant Kaïn était un père…
Bon, elle n'allait pas dire aimant et attentionné, mais il avait traité ses filles bien différemment de son fils. Il passait d'ailleurs pour un père faible dès que Shera et Freya étaient concernées, les gâtant (du point de vue Burmécien), les laissant faire ce qu'elles voulaient (du point de vue Burmécien, encore une fois) et se faisant marcher sur les pieds (toujours du point de vue Burmécien).
Il avait refusé que Shera se conforme à la tradition du mariage burmécien à seize ans, la laissant partir à Midgar pour son éducation, et n'avait donné sa bénédiction à la future union de sa benjamine uniquement parce que Fratley avait accepté d'attendre que Freya ait été adoubée comme dragoon. Ce qui avait aussi pris un certain temps.
Rétrograde pour les Alexandriotes, trop progressiste pour les Burméciens.
Mais avec Siddhe, il avait été à la limite de la négligence. Et Estrela n'avait jamais compris pourquoi. Quand elle avait rencontré Siddhe, elle avait trouvé un enfant adorable, même si son vocabulaire était parfois regrettable, serviable, et qui avait grandi pour devenir un des meilleurs apprentis dragoon de sa génération, complètement gaga de sa cousine, que Kaïn avait adopté après la mort de son frère et sa femme.
Kaïn laissait Siddhe se débrouiller avec la tenue de la maison et les couches de Freya, ne lui accordant d'attention que lorsque son fils faisait une bêtise, négligeait son entraînement ou désobéissait.
Fatalement, la crise d'adolescence avait été… violente.
Quand elle avait trouvé Kaïn et Siddhe se battre à la lance, Estrela avait craint qu'ils s'entretuent et ça avait aussi été la première fois qu'elle avait menacé Kaïn de divorcer et de partir avec les trois enfants.
La première fois qu'elle avait abusé des traditions Burmécienne qui l'autorisaient à faire ça.
Il avait fallu convaincre Kaïn de la laisser donner des cours plus avancés à Siddhe, lui enseigner des bases de mécanique dans lesquelles le gamin avait vite excellé et Estrela avait été en train de convaincre Kaïn de laisser Siddhe aller au lycée à l'extérieur de Burmécia quand Siddhe était revenu d'une expédition de chasse la main transpercée et à hurler qu'ils allaient tous le tuer parce qu'il était hvolfi[10].
Bahamut, elle détestait ce mot.
Le seul point où Kaïn s'était distingué dans le bon sens était qu'il avait refusé de donner chasse à Siddhe pour le faire revenir à Burmécia où il aurait fini par se faire tuer.
Ça n'empêchait pas le Roi et le conseil des Öldungar de lui ordonner régulièrement d'aller le chercher à Midgar, mais entre la mauvaise volonté de Kaïn et Estrela qui prévenait Shera d'aller se planquer avec son frère, ils n'étaient jamais parvenus à leur fin.
Et maintenant, son fils était de nouveau à Burmécia, les Öldungar faisaient le siège du Hall Haifin et elle découvrait que son époux n'était pas le père du fils qu'elle avait élevé.
"Siddhe," murmura-t-elle.
Il était terrorisé, elle pouvait le voir malgré le calme qu'il tentait d'afficher et elle le comprenait aisément, vu l'état dans lequel il était à son départ de Burmécia.
"Quoi qu'il arrive, qui que soit ton père, je veux que tu sois sûr d'une chose : Tu es mon fils."
Cette fois, ce fut Siddhe qui lui serra la main.
Elle avait aidé un enfant à partir et c'était un homme adulte qui revenait.
Elle n'avait pas pu voir grandir son fils et rien que pour ça, elle en voulait aux Burméciens.
Ils auraient tous intérêt à lui donner de bonnes explications, ou ils pourraient réparer leurs moulins à eau tout seuls.
"Va appeler ta sœur, maintenant," ordonna Estrela, "j'ai ajouté de la portée à l'antenne, elle devrait capter les fréquences modernes."
"Oh ? Tu as fait comment ?"
"Et bien j'ai commencé avec… Siddhe ne me lance pas dessus ou on y est encore dans deux heures[11]. Appelle Shera ! "
"Oui, Mamma ! "


Quand Vincent sortit de la salle de bain, Cid n'était plus dans la pièce et sa mère était dans la cuisine, maltraitant un morceau de viande avec rage.
"Je vous remercie de m'avoir laissé utiliser votre salle de bain. Puis-je… vous aider ?" proposa Vincent.
"Vous êtes doué avec un couteau ?" demanda la femme.
"On peut dire ça."
Estrela lui abandonna le couteau et Vincent se pencha sur la créature sur la planche à découper. Bon, quoique c'était avant qu'Estrela commence à... euh... l'apprêter, c'était désormais définitivement mort.
"Où est Cid ?"
"Au grenier, il appelle Shera," répondit sa mère.
Vincent grimaça légèrement.
"Un problème avec ma fille ?" s'enquit Estrela.
Et comme Shera, elle avait un regard d'aigle. Ça devait être les lunettes.
"Je... lui ai peut-être un peu menti pour que Cid et moi puissions partir sans l'alarmer."
"Parce que savoir que son frère est à Burmécia va la rassurer ?" rétorqua Estrela en sortant une casserole, vidant un pot de soupe dedans.
Vincent acheva de couper l'animal en filet, réfléchissant soigneusement à ce qu'il allait dire.
Il n'avait pas vraiment prévu de quitter une Shera pour en retrouver une à Burmécia.
"Cid voulait venir à Burmécia. Et Shera m'a fait promettre de veiller sur lui."
"Elle vous fait confiance, on dirait."
"Cid… fait beaucoup pour… m'aider. C'est le moins que je puisse faire."
Avant qu'Estrela ait pu reprendre la parole, ils entendirent le bruit des pas de Cid dans l'escalier. Le pilote les rejoignit dans la cuisine, jetant un regard soucieux à l'écran de son portable.
"Mauvaise nouvelle…"
"Pour changer," rétorqua Vincent par réflexe, faisant rire Estrela.
"Les dragoons ont quitté Midgar, ils sont en train de chercher un moyen de revenir le plus vite possible."
"Ils seront là demain dans la journée s'ils arrivent à prendre un aéronef. Après-demain si c'est le train," conclut Estrela en touillant la casserole.
"Shera m'en veut ?"
Cid laissa échapper un petit ricanement en hochant la tête. Malgré tout, parler à Shera semblait l'avoir rassénéré. A moins que ce soit la présence de sa mère.
"Beaucoup. Tu vas devoir te faire pardonner."
"Je vais essayer de te ramener en un seul morceau, ça devrait suffire."
"Siddhe, je l'aime bien ce jeune homme, tu devrais essayer de le séduire."
"Mamma."
"Je comprends maintenant pourquoi Barret n'aime pas quand je parle Wutan avec Yuffie," soupira Vincent.
"C'est surtout parce que ça arrive généralement dix secondes avant une de vos conneries," rétorqua Cid.


Après le repas, Estrela se chargea d'aller préparer une chambre d'ami pour Vincent, partant à la recherche de toutes les couvertures disponibles dans le hall pour s'assurer que le sang de sudiste de Vincent ne gèle pas pendant la nuit. Mais une fois Vincent installé et Estrela dans sa propre chambre, il utilisa toutes ses ressources de discrétion Turk pour se rendre dans celle de Cid.
Il le trouva allongé sur son lit, à contempler le plafond de sa chambre.
"Cid ?"
Le pilote baissa les yeux vers Vincent et lui sourit d'un air amusé.
"Maman va dire que c'est inapproprié que tu viennes dans ma chambre.
"Vraiment ?" rétorqua Vincent en refermant la porte, s'adossant dessus, bras croisés.
"Vu comment elle est avec Shera et ses béguins, elle n'attend que de pouvoir me taquiner sur ma vie sentimentale," répondit Cid avant de lever à nouveau le nez.
Vincent l'imita. La chambre de Cid était… étonnement bien rangée pour qui connaissait Cid, mais elle avait dû être remise en état pendant les seize ans d'absence du blond. Comme celui dans la chambre de Vincent, le lit était encadré de lourds rideaux, probablement pour protéger du froid. Il y avait une table et un tabouret dans un coin, des livres en commun sur une étagère et un coffre de bois sur lequel était posée une courte lance cassée.
La chose la plus étonnante dans la chambre était son plafond était peint en bleu sombre et les étoiles blanches qui avaient été dessinées d'une main maladroite, reliées en constellations.
"Estrela," expliqua Cid en remarquant le regard de Vincent, "elle essayait de m'expliquer à quoi ressemblaient les étoiles quand j'étais petit."
"Tu ne savais pas ?"
Cid secoua la tête sans quitter les étoiles peintes du regard.
"On voit jamais le ciel ici. Il pleut tout le temps et quand il ne pleut pas, il neige ou le ciel est couvert. La première fois que j'ai vu la voie lactée… C'est la nuit où j'ai quitté Burmécia. Je suis arrivé à Porte Nord et j'ai levé les yeux."
Il n'y avait pas eu de lune ce soir-là, juste la lumière des étoiles. Il était arrivé dans la plaine, la pluie avait cessé tout d'un coup et, surpris, il avait levé les yeux.
"Je suis tombé amoureux du ciel ce jour-là…"
Vincent se demandait souvent ce que Cid regardait quand ils étaient sur le toit de Seventh Heaven, quand il était allongé sur le métal, le nez en l'air, les yeux grands ouverts. Les ventilateurs et les lampes de dessous de Plaque n'étaient pas vraiment les choses les plus fascinantes à observer.
"Les étoiles doivent te manquer à Midgar," réalisa Vincent en venant s'asseoir près de lui.
"Ouais. Même à Junon on les voyait mieux et pourtant avec toute la pollution lumineuse là-bas…"
Il se frotta le visage avec un soupir rageur.
"Je dois avoir l'air pathétique…"
"Pourquoi ?"
"Je… je flippe," avoua Cid en passant sa main sur ses yeux. "Je suis déjà surpris d'être arrivé ici sans avoir été pris à parti ou…"
"Tu n'as aucune idée de qui pourrait être ton père ?" demanda Vincent.
Cid haussa les épaules.
"J'y réfléchis depuis tout à l'heure. Je dirais le Roi, mais… Mais ce n'est pas logique…"
"Pourquoi ? "
"Les bâtards sont reconnus. Toujours. Si j'étais le fils… Si j'étais le fils du Roi, j'aurais été retiré à la garde de P… de Herra Haifin et été élevé au palais dès ma naissance."
"Quelqu'un d'autre alors ? Quelqu'un qui n'était pas censé avoir d'enfant ? Un prêtre ?"
"Nos prêtres ne sont pas soumis à la chasteté, manquerait plus que ça."
"Et du côté de… ta mère biologique ?" demanda prudemment Vincent, "il y aurait quelque chose ?"
"J'en sais rien, je ne l'ai jamais connue," répondit le blond, "tout ce que je sais, c'est qu'elle s'appelait Siv."
"Qu'est-elle devenue ?"
Cid soupira et ferma les yeux.
"Elle est morte à ma naissance."
"Je m'excuse."
"Je l'ai pas connue," répéta Cid, "Et je ne pourrais pas t'en dire plus. Père… Herra Haifin n'en parlait jamais."
"Alors il ne reste qu'à rencontrer ton père."
Vincent leva sa main humaine et la posa sur les cheveux de Cid qui sursauta, lui jetant un regard surpris.
"Si jamais il faut, Cid, je te protègerais."
"Je devrais même pas avoir besoin de protection dans ma propre ville natale, bordel ! " s'emporta Cid en s'asseyant.
Il s'appuya sur ses genoux et soupira tout en se frottant l'arête du nez.
"Promets juste de ne tuer personne."
"Tu es sur ?"
Cid secoua la tête d'un air accablé avant de se tourner vers Vincent, le regard grave.
"J'ai grandi ici. Je jouais avec Dan et Ormar quand on était mômes. Ormar… Ormar faisait partie de mon vol. De mon…" corrigea Cid en cherchant une traduction plus parlante, "on a appris à se battre ensemble. Je ne souhaite la mort de personne. Même des connards."
Vincent inclina la tête en guise d'accord.
"Tu es une meilleure personne que moi," déclara-t-il avant de se lever, "je ne tuerais personne."
"Merci…"
"Mais je ne promets rien au sujet de briser des os."
Cid y réfléchit quelques secondes.
"Tu sais quoi ? Ouais, ça me semble réglo."


Quand Estrela descendit pour le petit déjeuner, elle portait la tenue burmécienne traditionnelle complète, avec bijoux, tablier ornementé et clef de la maison attachée à la taille.
"Tu sors le grand jeu ?" s'étonna Cid en la voyant arriver ainsi.
"Les Burméciens ont des problèmes de mémoire, il est bon de leur rappeler de temps en temps que je reste Dame Haifin, épouse du chevalier dragon Kæn Ricarsson Haifin et maitresse du Hall Haifin."
"Le clan Haifin est influent ?" s'étonna Vincent.
La mère et le fils échangèrent un regard avant d'observer leur maison trop grande et trop vide.
"Il le fut," admit Estrela, "c'était un des clans ayant donné les plus braves chevaliers de l'histoire de Burmécia."
"Même si j'étais le fils de Herra Haifin, faute d'une descendance mâle, il va disparaître," ajouta Cid.
Estrela ajusta le col de son fils et passa la main dans ses cheveux avec un petit sourire.
"Prêt ?"
"S'il faut," soupira Cid.
"Je reste avec toi," déclara Vincent.
"Moi aussi," ajouta sa mère.
Elle alla vers la porte, reprit sa masse d'armes et ouvrit la porte, se redressant de toute sa hauteur.
Elle ne laissa entrer que deux Burméciens et Vincent les regarda échanger les paroles rituelles, se penchant vers Cid.
"Qui est-ce ?"
"Le dragoon, c'est Herra Ævar et le prêtre Herra Bohort," répondit Cid du bout des lèvres. "Ils font partie des Öldungar. Les… hum… Les Aînés ? Ce sont les sages qui conseillent le Roi."
Estrela ferma la porte derrière les deux invités et passa devant eux, allant s'asseoir dans son fauteuil, les mains jointes sur la tête de sa masse. Apercevant Vincent, les deux hommes échangèrent rapidement à voix basse avant de s'adresser à Estrela.
"L'extérieur n'a rien à faire ici," commença le chevalier.
"Il fait partie du vol de Siddhe," rétorqua Estrela, "et je l'ai invité à séjourner à Burmécia, sous mon toit."
"La situation de Siddhe ne l'autorise pas à faire venir son inverti[12]."
"Bahamutkùlur, c'est pas mon compagnon," coupa Cid d'un ton ronchon.
"Siddhe," fit sa mère d'un ton sévère.
"Mes excuses, Mère," marmonna Cid d'un ton très peu désolé.
La discussion passait loin au-dessus de la tête de Vincent, mais au vu des regards noirs que lui adressaient le chevalier et le prêtre, c'était sa présence qui posait problème.
"Qui est-il ?" reprit le prêtre en le dévisageant longuement.
"Monsieur Valentine, permettez-vous que je vous présente ?" reprit Estrela.
"Je vous en prie Dame Haifin. Mais utilisez le nom Vincent de Daguerreo."
Estrela fronça les sourcils, intriguée, tout comme Cid, mais obtempéra. Le prêtre écarquilla les yeux et inclina poliment la tête avant de dire quelque chose au dragoon qui fixa Vincent du regard quelques secondes avant de l'imiter.
"Vincent ?"
"Je t'expliquerais."
"Dame Haifin, nous devons emmener Siddhe…"
"Avant cela, j'aimerais qu'on me dise pourquoi personne n'a jugé nécessaire de m'informer que mon enfant n'est pas le fils de Sire Haifin ?" rétorqua Estrela d'un ton froid.
"Dame Haifin, sans offense, mais vous n'êtes pas Burmécienne et…"
Estrela se leva et se redressa de toute sa hauteur.
Ce n'était pas grand-chose à côté des quatre hommes autour d'elle, mais les deux devant elle se turent aussitôt.
"J'étais assez burmécienne pour épouser Herra Haifin," commença-t-elle, " je l'étais assez pour réparer vos moulins à eau et vous permettre d'avoir chauffage et électricité, je l'étais assez pour apprendre à vos enfants à lire et écrire, pour vous aider à négocier des accords commerciaux à votre avantage, pour organiser des campagnes de vaccinations et de soins, j'étais assez burmécienne pour élever trois enfants dans vos us et coutumes…"
"On voit le résultat," rétorqua le chevalier.
Le bruit de la canne sur le sol pavé fit sursauter les autres hommes.
"Je n'ai pas fini Ogier Geirsson Ævar, est-ce le genre d'attitude à avoir envers une maîtresse de hall ?"
Elle releva la main, appuyant la tête de sa masse sur le torse du chevalier.
"Sinon, je peux aussi cesser d'être Burmécienne et redevenir Alexandriote pour te montrer de quoi les femmes de mon pays sont capables avec cette masse quand on s'attaque à leurs enfants."
"Qu'est-ce qu'il se passe ?" murmura Vincent.
"Ma mère est une dragonne, "déclara Cid avec un sourire fier.
Le prêtre leva la main pour la poser sur le bras du chevalier, le faisant reculer d'un pas.
"Je vous prie d'excuser Sire Ævar. Toutefois, ce n'est pas à nous de vous informer de l'ascendance de Siddhe, mais à Sire Haifin."
"Je ne manquerais pas de le lui rappeler dans ce cas," rétorqua Estrela. "Que voulez-vous à mon fils ?"
Le prêtre s'avança d'un pas, joignant les mains devant lui.
"Il faut que Siddhe rencontre son père. Les risques qu'il prend à Midgar… deviennent trop importants."
"Et ça, vous le savez comment ?" s'étonna Cid d'un ton suspicieux.
L'homme tourna la tête vers Cid pour lui répondre, mais détourna rapidement le regard, baissant les yeux.
"Il y a… Un messager de Nibelheim est arrivé il y a quelques semaines, l'Ancien de la Montagne craint que la guerre qui sévit à l'extérieur finisse par se répandre dans le monde entier."
"Ça fait dix ans que cette guerre dure et c'est seulement maintenant que vous vous en inquiétez ?" rétorqua Cid.
"Les dragoons n'existent pas pour se battre à l'extérieur," rétorqua le chevalier avant d'être arrêté d'un geste par le prêtre.
"J'ai entendu Nibelhein," nota Vincent.
"Un messager de là-bas est venu ici," expliqua Cid en plissant les yeux pensivement.
"Fenrir a dit qu'il devait prévenir les autres Anciens au sujet d'Hojo."
"Et quel rapport avec moi ?"
"Cid… essaye de regarder le prêtre dans les yeux."
Cid jeta un regard surpris à Vincent, mais obtempéra.
Le prêtre baissa aussitôt le regard.
"Il ne veut même pas me regarder," marmonna Cid.
Vincent secoua la tête lentement. Ce n'était pas du dégoût.
C'était ce que les jumeaux avaient dit au sujet de Fenrir : Ne pas le regarder dans les yeux en signe de respect.
"Cid… je crois qu'il faut que tu rencontres ton père," murmura Vincent.
La mère et le fils se tournèrent vers lui, surpris de la suggestion.
"Vince ?"
"Je reste avec toi, c'est promis, mais il faut que tu le voies."
"Vincent, qu'est-ce que tu sais ?"
Le sniper eut un petit soupir.
"Plus que toi, mais pas autant que lui," répondit-t-il en désignant le prêtre d'un geste poli.
"Pourquoi personne ne veut parler CLAIREMENT sur cette montagne ? ! " s'exclama Cid en baissant les mains vers le sol. "Très bien, allons-y, présentez-moi le vieux ! "
"Siddhe ! " protesta le chevalier pendant que le prêtre soupirait.
"Il aurait vraiment dû être confié à la famille royale plutôt qu'à Kæn…"
"Pour une fois, on est d'accord," rétorqua Cid.


Il fallut traverser la ville jusqu'au temple de Bahamut, situé plus en hauteur, après le palais royal.
Et une grande partie, si ce n'est tous les habitants de Burmécia les regardèrent passer, Estrela, Cid et Vincent, escortés par des dragoons.
"Tu sais quelque chose," répéta Cid en chemin, sans regarder Vincent.
"Cid, ce sont des choses dont je ne peux pas parler…" commença Vincent avec un petit regard à Estrela, au bras de Cid.
"Devant moi, vous voulez dire ?"
"Je m'excuse, mais même la menace de votre masse ne me ferait pas changer de décision, Dame Haifin."
"Il est charmant, mais il a la langue qui broderait de l'argent sur de la merde," rétorqua Estrela.
"Tu n'as pas idée à quel point, Mamma."
"Cid..." reprit Vincent.
"Tu sais, en ce moment j'aimerais ne pas avoir tout le monde qui me mente."
Vincent grimaça avant de reprendre, essayant de contourner l'interdiction de manière subtile
"Cid, qui est Bahamut pour les Burméciens ?"
Cette fois, le dragoon tourna la tête vers lui, intrigué par la question.
"Il est notre Ancien. Le protecteur de notre ville, général de notre armée, celui qui a appris aux premiers chevaliers à bondir vers les cieux pour abattre leurs ennemis."
"Comment a-t-il fait ?"
"Qu'est-ce que vous voulez dire jeune homme ?" reprit Estrela.
"Quelle est la limite des Burméciens ?"
Cid jeta un regard effrayé autour de lui, s'assurant que personne n'avait compris la question de Vincent avant de revenir vers lui.
"Putain, Vince, on n'a pas le droit de parler de ça ! "
"Tu n'as pas à me répondre, juste à y réfléchir. Quelle est la limite des Burméciens ?" répéta Vincent.
Le dragoon jeta un regard aux autres chevaliers vêtus de leurs armures aux écailles acérées qui les entouraient. Puis aux statues de dragons qui encadraient l'escalier menant au temple à travers le palais royal.
"Merde," murmura Cid.
Mais il ne put approfondir la question. Ils arrivaient au temple.
Ils saluèrent d'abord la représentation de Minerva, placée juste derrière la porte[13], ses ailes ouvertes en protection au-dessus des passants, puis traversèrent le temple jusqu'à l'immense statue de Bahamut assise au fond de la pièce, une lance dans la patte et un grand bouclier rond haut comme un homme à ses pieds. Un homme les attendait devant la statue et Cid fit appel au peu de bonnes manières qu'il possédait pour le saluer décemment.
"Majesté."
L'homme, un burmécien, bien évidemment blond aux yeux bleus, portait des vêtements richement brodés, dont un manteau de pluie mauve et ouvragé, ainsi qu'une couronne qui se doublait d'un casque de dragon dont la visière était relevée sur son front.
"Siddhe," répondit l'homme, "ce n'est pas ainsi que je pensais te revoir."
"Êtes-vous… mon père ?"
Le Roi soupira et secoua la tête.
"Il ne t'a vraiment rien dit. Kæn va devoir répondre de ça."
"Si ce n'est pas vous… qui ?"
Le Roi posa la main sur l'épaule de Cid, et l'entraîna après lui vers le bouclier, l'éloignant de quelques pas de Vincent et Estrela.
"J'aimerais avoir le temps de tout t'expliquer, mais il… n'est pas connu pour sa patience et il a déjà trop attendu."
Le Roi tendit la main vers les symboles gravés sur le pourtour du bouclier, les faisant s'illuminer l'un après l'autre.
Cid reconnut des runes, mais avant qu'il ait put lire le mot qui se formait, le bouclier s'ouvrit comme un sas, dévoilant une surface lumineuse d'un blanc laiteux.
"Bahamutkùlur," murmura Cid, abasourdi.
"Ne dis surtout pas ce genre de chose devant lui," conseilla le Roi, "soit respectueux, écoute le et accepte tout ce qu'il te dira et surtout…[14]"
Le Roi jeta un regard à Vincent avant de revenir vers Cid.
"Ne mentionne rien au sujet de… ton inversion[15]."
Resté à deux mètres de là, Vincent contemplait le bouclier, bouche bée.
"Qu'est-ce que c'est que cette nouveauté ?" murmura Estrela à ses côtés, toute aussi stupéfaite.
"Un portail," répondit Vincent, "un portail fonctionnel. Je croyais qu'ils étaient tous détruits depuis des siècles…"
Devant le portail, Cid leva une main.
"Attendez une minute, Majesté, qui est-ce que…"
Une patte écailleuse sortit du disque lumineux, saisissant Cid par le bras.
"Que…"
Vincent s'élança aussitôt, mais deux dragoons s'interposèrent, et la patte entraîna son ami à travers le portail qui s'éteignit.
Vincent ne put ralentir et percuta de plein fouet un des dragoons, le projetant au sol, et il saisit la lance du second pour la repousser, mais quand il arriva au bouclier, celui-ci était redevenu un disque de pierre solide.


[1] Pour ceux qui se demandent comment il a fait : Vincent connaît le code des PHS de tous ses collègues, il est très observateur.
[2] Oui ? Non ! Shera, je… Arrête de pleurer ! Shera ! "
[3] Sire
[4] Voir Boules de neige 21 : Mission : Casons le(s) Capitaine(s) !
[5] Cid et les jumeaux adorent les chocobos et sont les seuls à savoir en monter un à Avalanche. Les autres, en bon citadins, n'ont jamais appris, (dans le cas de Barret, il aurait du mal à trouver un chocobo assez grand pour le porter) ou les préfèrent en nuggets panés. Comme Vincent par exemple.
[6] Décompte du nombre de fois où tout le monde croit que Cid et Vincent sont amants : 1
[7] Crachat de dragon
[8] Mère
[9] Décompte du nombre de fois où tout le monde croit que Cid et Vincent sont amants : 2
[10] A l'envers. Bon je suis sûre que la langue islandaise possède des mots appropriés pour désigner les personnes LGBTQIA mais dans ce contexte, je cherchais volontairement un mot qui aurait des connotations négatives.
[11] Ouais, elle est définitivement sa mère.
[12] Décompte du nombre de fois où tout le monde croit que Cid et Vincent sont amants : 3
[13] Croyez-le, croyez le pas, mais en faisant des recherches sur Burmécia, j'ai découvert qu'il y avait des statues de femmes ailées dans les concepts art de la ville, comme quoi tout se goupille quand on est fanficeur
[14] On est d'accord, il ne fera rien de tout ça, hein ?
[15] Décompte du nombre de fois où tout le monde croit que Cid et Vincent sont amants : 4