Chapitre 31 : Le tombeau des dragons
Résumé :
Les secrets de famille de Cid se révèlent enfin et Cid comme Vincent n'étaient pas prêt à les affronter.
Surtout pas Cid, en fait.
Personnages :
Les habitants de Burmécia (OCs), Freya, Fratley, le Roi de Burmécia (FFIX) Kain Highwind (FFV), Estrela Haifin-Mist (OC), Bahamut (Ancien OC)
Tags spécifiques au chapitre :
Worldbuilding, freestyle sur la civilisation de Burmécia, histoire de famille, lien père-fils, ou plutôt absence de, c'est un miracle que Cid soit un adulte presque équilibré, merci Estrela, prise de décision hâtive et irréfléchie à gros volume sonore, Vincent est très protecteur de ses amis, ils sont juste ami, (mon cul, oui), (personne ne le croira après ce coup-là), boys love, enfin, men love vu leurs âges, yaoi, non je suis sérieuse. On y arrive.
Vincent resta très, très immobile.
Pour commencer, il avait une demi-dizaine de pointes de lance appuyées sur le dos, pas suffisamment pour qu'elles le blessent, mais juste assez pour qu'il comprenne qu'il ne faudrait d'un rien pour ça.
Ensuite, il avait promis à Cid de ne tuer personne et il avait besoin de réprimer les deux ou trois envies de meurtre qui lui venaient à l'idée que Cid était déjà loin alors qu'il voulait le protéger.
Qu'il devait le protéger.
Il lâcha la lance qu'il tenait toujours, laissant son propriétaire retomber au sol avec un petit cri de surprise, et il leva les deux mains lentement en signe de paix.
"Je m'excuse."
Le Roi baissa doucement la main et les dragoons s'écartèrent de quelques pas, relâchant Vincent et ramassant leurs deux congénères, encore sonnés de s'être fait percuter de plein fouet par un augmenté. Vincent, gardant des gestes calmes et mesurés, finit par se tourner vers le Roi et s'inclina respectueusement, tâchant d'imiter les gestes de Cid quelques minutes plus tôt.
"Qui êtes-vous ? " s'enquit le Roi dans un commun presque aussi fluide que celui de Cid.
"Vincent de Daguerreo," répondit Vincent.
Cette fois, le Roi fronça les sourcils et se tourna vers un de ses conseillers, qui approcha. Bohort, le reconnu Vincent. Le prêtre expliqua quelque chose à voix basse au Roi qui hocha la tête.
"J'ignorais qu'un des vôtres devait venir à Burmécia."
"Je suis ici par amitié pour Cid," répondit Vincent, "nous faisons partie du même… Nous sommes frères de guerre à Midgar."
"Je vois," finit par répondre le Roi avant d'être interrompu par Estrela qui tentait de bousculer les dragoons avec presque autant de férocité que Vincent.
"Votre Majesté," commença-t-elle en approchant, "où est mon fils ? "
"Dame Haifin, Siddhe sera de retour bientôt, ne vous inquiétez pas."
"Sans offense, Majesté, mais la dernière fois que Siddhe était ici, son propre vol a tenté de le tuer."
Quoi qu'ait dit Estrela, cela eut un impact visible sur la plupart des dragoons autour d'eux. Certains baissèrent les yeux, honteux, d'autres eurent l'air stupéfaits. Le Roi, lui, tâcha de rester impassible, mais coula un regard sévère aux chevaliers autour de lui.
"Dame Haifin…"
"Vous comprendrez que je n'ai pas confiance."
"En effet," admit-il.
"Puis-je prendre congé ? " demanda-t-elle d'un ton aussi poli que froid.
"Oui, Dame Haifin, nous vous ferons chercher quand Siddhe sera revenu."
La mère de Cid s'inclina respectueusement et tendit la main à Vincent.
"Venez, nous rentrons."
Vincent obtempéra, saluant le Roi d'une inclinaison du torse avant de rejoindre Estrela, la laissant s'accrocher à son bras d'une main tremblante. Ils n'échangèrent pas un mot, franchissant la foule jusqu'à sortir du temple, puis du palais.
"Je croyais avoir retourné toute la technologie antique de la ville dans tous les sens, mais je n'avais jamais vu ce portail," déclara Estrela quand ils arrivèrent en vue du Hall Haifin.
"C'est la première fois que j'en vois un en état de marche," avoua Vincent.
"Où en avez-vous vu ? " s'étonna Estrela.
"Mon clan a un intérêt particulier dans les connaissances antiques. Et vous ? "
"Je suis Professeure en technologie antique de l'université d'Alexandria," expliqua Estrela en insérant la clef dans la serrure. "Je suis venue ici pour étudier l'hydraulique burmécienne il y a vingt-cinq ans et je n'en suis pas repartie."
Elle entra, rangea rageusement ses affaires, suivie par Vincent qui se dépêcha de retirer ses bottes.
"Dame Haifin, je dois le rejoindre… Auriez-vous une idée d'où ce portail pourrait mener ? "
"Peut-être…"
La mère de Siddhe traversa la pièce vers son bureau et commença à fouiller ses affaires en vrac, jusqu'à extraire une carte photographique.
"Qu'est-ce que c'est ? "
"Cid et Shera m'ont offert un drone pour mon anniversaire il y a deux ans," expliqua-t-elle en étalant la carte sur le bureau. "J'ai pu faire un repérage à peu près correct des monts, sauf celui-là."
Vincent pouvait voir Deist, plus bas dans la vallée, Burmécia et ses fermes et, plus loin, une zone non photographiée.
"On m'a interdit de faire voler le drone vers ce Pic. Ça aurait été impossible de toute façon, c'est de là que viennent les nuages de pluie."
Vincent tourna la tête vers elle à cette révélation.
"La pluie de Burmécia n'est pas naturelle ?
"Officiellement, je ne suis pas au courant. Officieusement ? Non. Il y a de la magie impliquée, les nuages ne bougent pas."
"Pour protéger ce Pic."
"Les Burméciens l'appellent Gröf Drekanna. Le Tombeau des Dragons."
Et ce n'était pas de très bon augure du point de vue de Vincent. Il observa attentivement la carte, l'enregistrant autant que possible avant de se redresser.
"J'y vais."
"Le pic est inaccessible par des moyens normaux. Rien que pour arriver à son pied, vous aurez besoin d'un chocobo et deux heures de voyage…"
"Je ne suis pas normal," rétorqua Vincent.
"Avez-vous besoin de quelque chose ? "
"Juste… Un endroit en hauteur à l'abri des regards."
"Oh, on a ça ici."
Pour Vincent, avoir une fenêtre à l'arrière de la maison donnant directement sur l'extérieur était une brèche de sécurité importante.
Mais avec une falaise à pic impossible à escalader en dessous, la sécurité devait être le dernier souci des Burméciens.
"J'espère que vous n'avez pas le vertige ! " déclara Estrela, penchée par la fenêtre, à regarder Vincent s'accroupir sur la corniche en dessous qui courait tout le long de la falaise.
"Pas vraiment. La hauteur ne me dérange pas."
"C'est le sol le problème ? "
Ah, Vincent commençait à comprendre d'où venait le sens de l'humour de Shera et Cid.
"Je dois vous laisser ? " ajouta Estrella.
"S'il vous plaît."
"Soyez prudent et ramenez Cid," demanda une dernière fois Estrela avant de fermer la fenêtre et tirer le rideau.
Estrela était… visiblement habituée aux secrets de famille, disons, mais en tant qu'épouse d'un burmécien et ayant élevé deux enfants de ce clan, ça n'était pas étonnant. Les conjoints étaient la seule exception que tolérait les règles des Anciens, même si tous les clans ne l'autorisaient pas.
Il leva les yeux en direction du pic de Gröf Drekanna. Le pic était perdu sous les plus gros nuages d'orage qui couvraient Burmécia, gris, épais et lardés d'éclairs bleutés par à coup. Même d'ici, il sentait le vent et la pluie se déchaîner.
Ça n'allait pas être un vol de tout repos.
Il sauta.
Quand Cid arriva de l'autre côté du portail, malgré la désorientation et l'éblouissement du portail, il comprit immédiatement qu'il n'était pas à Burmécia.
Ses oreilles claquèrent comme un coup de fouet à la différence de pression et il sut d'instinct qu'il était plus haut en montagne.
Cid Pollendina avait toujours été stupéfait de sa capacité à deviner l'altitude au mètre près, mais c'était une aptitude fichtrement pratique quand on passe sa vie à se battre en faisant des bonds de plusieurs mètres de haut.
Quand on pilote des aéronefs aussi, d'ailleurs.
Une fois ses pieds à nouveau sur un sol dur et la lueur du portail éteinte, Cid put essayer de se repérer à nouveau.
Ce fut là qu'il se souvint qu'il avait été emporté par quelqu'un.
Quelque chose.
Il leva les yeux.
La seule chose qui le dissuada d'attaquer immédiatement le dragon, outre le fait qu'il était désarmé, fut que ce n'était pas un des dragons qui pullulaient sur les montagnes de Burmécia.
Ce n'était pas un wyrm. Il se tenait sur ses pattes arrière.
Ce n'était pas une wyverne. Il avait des pattes avant. Ou plutôt des bras.
Ce n'était pas une hydre non plus. Il n'avait qu'une tête et ces saletés ne se trouvaient qu'au Grand Marais.
C'était un dragon humanoïde, couverts d'écailles grises, trois paires d'ailes se déployant dans le dos et couronné de plusieurs cornes majestueuses.
L'art des sculpteurs Burméciens n'était peut-être pas le plus naturaliste, mais Cid reconnut la créature devant lui.
Bahamut[1].
L'Ancien des Dragons.
Le protecteur de Burmécia.
Bon. Il ne restait qu'à espérer que les règles pour s'adresser à lui étaient les mêmes que pour Fenrir.
Cid inclina la tête, détournant le regard des yeux bleus du dragon.
Il le releva brièvement quand le dragon émit un son rauque et retomba sur ses pattes avant, faisant trembler le sol devant lui.
Puis, il drapa ses ailes autour de lui, les laissant retomber comme du tissu.
Ce fut aussi rapide que le retour de Vincent à sa forme humaine, et presque plus élégant. Les écailles devinrent une armure, les ailes se transformèrent en une cape richement brodée et quand il acheva de se redresser, une des écailles sur le dos de sa main devint une des lances les plus ornementées que Cid n'ait jamais vu.
Il ne portait pas son casque, ou plutôt, quand il redevint humain, il le tenait sous le bras.
C'était un homme d'une cinquantaine d'années, peut-être un peu plus. C'était difficile à dire, ses traits étaient marqués, mais plus par son expression sévère que par l'âge.
Il était plus grand que Cid. Ce n'était pas exactement surprenant, Cloud mis à part, Cid était le plus petit des hommes d'Avalanche. Mais le chevalier était aussi grand que Barret, quoique plus élancé.
Ses cheveux étaient toujours blonds, bien que d'une nuance plus claire que ceux de Cid et tombaient sur ses épaules en mèches presque aussi désordonnées que celle de Zack.
Et il avait toujours les yeux bleus[2].
"Bonjour, mon fils."
Celle-là, il ne l'avait pas vue venir.
Mais en rétrospective, il aurait dû.
"Je vous demande votre putain de pardon ? "
"Tu l'ignorais ? " fit le chevalier d'un ton incrédule.
Cid hocha lentement la tête, dévisageant l'Ancien sans penser à détourner le regard.
"Ta mère ne t'as donc rien dit ? "
"Elle aurait du mal," répondit Cid, " Siv Arnadottir Haifin est morte en couche."
Et il commençait à avoir d'horribles doutes à ce sujet. Il espérait que les sage-femmes d'il y a trente ans soient encore en vie parce qu'il avait quelques questions précises à leur poser sur sa naissance.
"C'est regrettable," déclara le chevalier, "mais ton père nourricier…"
"N'a jugé bon de m'informer qu'il n'était pas mon père qu'hier," coupa Cid.
Cette fois, l'Ancien sembla proprement scandalisé.
Es-tu en train de me dire que tu n'as pas été élevé dans la destinée qui était la tienne ? "
"Oh, putain," marmonna Cid en se fourrant le visage dans les mains, "si vous me sortez une prophétie, je me jette de la montagne."
Il releva les yeux vers le chevalier devant lui.
Son père.
Bahamut.
Au risque de se répéter : Oh, putain.
"Je pense que nous avons besoin de discuter," finit par déclarer le chevalier avant de se tourner, faisant signe à Cid de le suivre.
Le palais était immense, plus grand encore que celui du Roi. Les pièces étaient prévues pour des habitants de très haute taille, les portes suffisamment larges pour laisser passer deux ou trois chocobos en même temps
Mais il était vide. Encore plus vide que le Hall Haifin.
Il n'y avait pas d'affaires qui traînaient. Pas de pièces d'armures en attente d'être réparées, par de livres abandonnés avec un marque page. Pas de tasse de thé en passe d'être de nouveau remplie.
Tout ce que Cid entendait, c'était le vent par les fenêtres laissées grandes ouvertes. Le froid régnait, aucun feu n'était allumé pour réchauffer les murs.
Ils finirent par arriver dans une grande pièce, encore plus grande que les autres. Cid frissonna en remarquant que les murs étaient tapissés de pierres de runes funéraires, certaines tellement vieilles qu'elles en devenaient illisibles. Les deux côtés de la salle étaient légèrement surélevés, entourant un long foyer, pour le moment éteint et une banquette suffisamment grande pour accueillir le chevalier.
Cid avait déjà vu ce genre de pièce au palais burmécien. C'était la salle du trône, qui se doublait de salle du conseil des Öldungar et de salle de banquet pour les fêtes.
Mais les sièges étaient vides.
Il n'y avait même pas un serviteur en vue.
Le chevalier indiqua à Cid de prendre place, montrant un siège plus petit près de la banquette.
"Que sais-tu de ton héritage ? " commença le chevalier en prenant place, posant son casque sur l'accoudoir de son fauteuil.
"Beaucoup moins que je le pensais," admit Cid. "On m'a appris que j'étais le fils de Kaïn et Siv Haifin."
"Et ? "
"C'est tout."
Cette fois, l'Ancien plissa les yeux d'un air agacé.
"Quel âge as-tu ? "
"Trente-trois ans en février," répondit Cid, un brin surpris que son père ne le sache pas.
"Tu es mature pourtant. Que s'est-il passé…" murmura pensivement le chevalier.
Il secoua la tête et se tourna à nouveau vers Cid, l'observant attentivement.
"As-tu au moins entendu parler de la Calamité Venue des Cieux ? "
"Oui," admit Cid.
C'était une légende des Burméciens. Une vieille histoire sur la fondation de leur ville et de leur clan.
Un ennemi venu du ciel qui aurait décimé les rangs des dragons et à la suite de quoi, Bahamut aurait fondé leur ville, créant un ordre de chevaliers pour lutter contre la Calamité le jour où elle reviendrait.
Si la légende avait du vrai, c'était il y a…
Mille ans après la guerre des Magii, donc il y a presque deux mille ans.
Son père avait au moins deux mille ans.
Son… père.
Son père était Bahamut Roi des Dragons.
Bon sang, Bahamut lui-même.
Il jurait sur différentes parties de son anatomie depuis l'âge de douze ans et c'était son père.
Comment est-ce que c'était seulement physiquement possible ? Il avait vu l'armure de sa mère, elle n'avait pas été beaucoup plus petite que lui…
Hm, non finalement il ne voulait pas en savoir plus.
"Qu'y-as-t-il ? " s'enquit Bahamut.
"Je... je ne vois pas le rapport avec… moi ? "
"Lors de la guerre contre la Calamité, le clan Bahamut était en première ligne pour défendre Minerva et les siens et nous avons payé un lourd tribut. Ceux qui ne sont pas morts du combat ou de leurs blessures ont été… détruits. Déformés par la Calamité. Leurs esprits tordus par son venin et leurs âmes dévorées. Leurs descendants ne sont plus que… des animaux. "
Il baissa les yeux sur ses mains, posées sur ses accoudoirs.
"Je suis le dernier de notre clan," souffla-t-il, "quand je mourrais, ce sera la fin des chevaliers dragons."
Cid n'avait jamais pensé que la légende de la Calamité Venue des Cieux était vraie. C'était il y a deux mille ans, Cid avait connu la propagande de Shinra et vu comment des événements aussi récents qu'il y a dix ans avaient été déformés ou cachés.
Il avait pensé qu'en deux mille ans, la vraie histoire était oubliée et remplacée par des légendes.
Il n'avait pas réalisé qu'il y avait une raison pour laquelle les Anciens étaient nommés ainsi.
Ils avaient connu la mort de Minerva. La mort des leurs.
"Je suis désolé," souffla Cid.
"La Calamité reviendra," continua le chevalier après un moment de silence, "elle n'est pas morte, elle n'est qu'en sommeil. La guerre reprendra. Et sans Minerva, sans ses filles et fils… sans nos frères et sœurs… Gaïa est perdue."
Si c'était vrai… Cid espérait vraiment que la Calamité attendrait qu'ils en aient fini avec Hojo avant de s'y mettre. Une apocalypse à la fois, merci[3].
Oh, par les… cornes de Bahamut, il avait besoin d'une clope.
"C'est pour cela que les Anciens ont décidé de créer une nouvelle armée."
"Les dragoons ? "
L'Ancien hocha la tête.
"Entre autres. Chaque Ancien a créé son propre clan, rassemblant des humains pour en faire leurs soldats. Les dragoons sont humains. Ce sont des chevaliers puissants, de redoutables guerriers, mais ils n'étaient qu'humains."
Cid hocha la tête. Ouais, ça recoupait ce qu'on lui avait appris quand il était enfant et qu'il avait ressorti à Vincent tout à l'heure. Les dragoons sont l'armée du Seigneur Bahamut, ceux qui combattent en son nom.
"Une fois par siècle, je m'unis à une famille de Burmécia, afin que mon sang renforce cette famille et offre de puissants pouvoirs pour quelques générations."
Cid sentit presque son cerveau faire un arrêt en dérapage à la révélation, mais le dragon continua, ignorant sa surprise.
"Ta mère m'a été envoyée. Elle était une dragoon valeureuse, j'attendais beaucoup de ta naissance."
S'il analysait toutes ces révélations d'un point de vue strictement objectif, tout faisait sens. C'était cohérent et logique de vouloir assurer une descendance puissante pour prendre la place du clan décimé et mener leurs combats.
Ça restait glauque. Très glauque.
"Tu as beaucoup tardé, il est temps pour toi d'obéir à la tradition et de renouveler le clan Haifin."
"Renou… quoi ? "
"Tu dois prendre une épouse."
Cid s'était attendu à cette demande depuis le moment où il avait décidé de revenir à Burmécia. Et il avait la réponse prête à décoller.
"Non."
"Je te demande pardon ? "
"Non. Je n'ai pas la moindre intention de me marier."
"Des concubines dans ce cas..."
"Non plus."
Le dragon se redressa, dardant son regard intense sur son fils.
"Puis-je savoir pourquoi tu fais autant de difficultés ? "
"Je pense que les Aînés ne vous ont pas tout dit à mon sujet."
Son orientation sexuelle pour commencer. D'ailleurs… Comment avaient-t-ils justifié une absence de seize ans, au juste ?
"Qu'est-ce qu'ils vous ont dit, au fait ? "
"Que tu étais actuellement impliqué dans une guerre à l'extérieur. Que tu luttais au nom de Burmécia contre des créatures monstrueuses pour protéger une ville alliée."
Ouais, ils avaient surtout essayé de se couvrir le cul pour ne pas lui dire la vérité.
"Et, c'est tout ? "
"Qu'y a-t-il d'autre ? "
Par quoi commencer ? Ah oui, peut-être le plus important.
"Je suis à l'envers."
Le dragon resta silencieux.
"Vous savez ce que ça veut dire ? "
"Oui, oui, je sais… c'est…" commença le dragon.
Cid s'attendait au pire sur la réaction de son père. Mais d'un autre côté, il n'avait pas été incinéré vivant ou jeté du haut de la montagne, ce n'était peut-être pas si mauvais signe.
"Ce n'est pas naturel. Ton devoir est d'avoir des enfants..."
Ooooooh ok.
Bon.
Chaque fois qu'il oubliait à quel point Burmécia pouvait être arriéré, Burmécia le lui rappelait avec amabilité.
"Ne comptez pas sur moi," finit par déclarer Cid en se relevant.
La main de l'Ancien s'abattit sur son épaule et Cid grimaça sous la force du coup, retombant assis sur le siège qui grinça. Il avait l'impression d'avoir pris un coup de la part des jumeaux quand ils ne retenaient pas leur force.
"C'est ton devoir envers ton peuple."
"Ils ont essayé de me tuer pendant une chasse aux wyrms, ont détruit ma pierre de runes et m'ont obligé à quitter les montagnes la moitié de ma vie," rétorqua Cid d'une voix tremblante de colère. "Pourquoi devrais-je m'acquitter d'un devoir envers eux ? "
Le chevalier ne répondit pas, relâchant doucement l'épaule de Cid en le fixant d'un regard circonspect.
"Et votre devoir à vous ? " reprit le pilote.
"Mon… devoir ? "
"Je suis votre fils. Selon les lois de Burmécia, un père élève son enfant, lui apprend le maniement de la lance, lui offre sa première armure. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? "
Bahamut se redressa et s'appuya sur son dossier avec un profond soupir.
"J'aimerais te montrer quelque chose."
L'extérieur du hall était aussi vide et désolé que l'intérieur, une simple bande rocailleuse couvertes de rochers blancs disparates, s'étalant autour du Hall sur une vingtaine de mètres.
Mais il était aussi frappé par les vents et la pluie.
Cid n'était pas grand, mais il était lourd. Entre les muscles et les os, il pesait presque autant que Zack et n'avait pas été bousculé par le vent depuis l'âge de huit ans, mais avec la tempête qui régnait hors du hall de Bahamut, il dû se cramponner au montant de la porte pour ne pas être jeté au sol.
"Accroche-toi," lui conseilla son père avant de lever sa lance.
Une lueur bleutée s'éleva de la lame, formant une longue ligne bleue vers le ciel qui fendit les nuages d'orage autour d'eux.
Une fois fendus, ceux-ci se dissipèrent rapidement, la pluie et le vent stoppant et ne laissant qu'un immense ciel bleu et vide autour de Cid et du dragon.
Cid se redressa, approchant du bord du précipice, à quelques mètres devant lui.
De là où il était, il pouvait voir toutes les montagnes de Burmécia. Il voyait la ville, loin en dessous de ses pieds, Deist, encore plus bas, puis d'un côté, les plaines de Galbadia et de l'autre la mer du Nord.
Ils se trouvaient sur Gröf Drekanna, comprit Cid.
Le Tombeau des Dragons.
Cid se tourna vers son père, réalisant ce qu'étaient les rochers blancs disséminés autour d'eux.
Il voyait des crânes, des pattes aux os trop différents de ceux d'un wyrm pour être quadrupèdes, des écailles qui ressemblaient à des morceaux d'armures.
Ce n'étaient pas des dragons.
C'étaient des bahamuts.
Et son père vivait dans un mausolée avec les corps des siens depuis deux mille ans.
Dire que Shera trouvait qu'il avait du mal à faire le deuil de Setzer et Darill.
Ce devait être héréditaire
"Tu comprends, maintenant ? " demanda Bahamut en approchant de son fils. "Ma place est ici, auprès des miens."
Est-ce que c'était pour ça que les Burméciens brûlaient leurs morts et les jetaient au vent le plus loin possible ? Est-ce que c'était un enfant de Bahamut qui avait décidé de cette tradition, pour ne pas avoir à vivre au milieu de leurs morts ?
"Et les dragoons ne sont pas les vôtres ?» murmura Cid.
"Ils sont mes soldats, mes chevaliers."
"Vos enfants. Petit-enfants. Arrière petit-enfants. Et c'est pas assez ? "
Le dragon secoua tristement la tête.
"Les demi-sang meurent trop vite pour que je supporte de m'attacher à eux."
Oh.
Wow.
Ok, ça c'était…
Non, y'aurait aucun bouquin de psychologie qui l'aiderait à appréhender et justifier ça.
Cid ne savait pas trop ce qu'il avait espéré quand il avait appris que Kæn Haifin n'était pas son père.
Un... vrai père, peut-être, pas un qui le considérait uniquement comme un soldat juste bon à se battre. Qui ne s'intéressait à lui que quand il avait une lance entre les mains au lieu d'un livre ou d'un outil.
Il ne pensait vraiment pas tomber sur un père encore pire que le premier.
Cid baissa les mains vers la Rivière, loin en dessous de ses pieds, lui demandant de lui accorder sagesse et patience et, réalisant qu'il n'obtenait ni l'un ni l'autre, il se tourna, se dirigeant vers la porte du hall.
"Où vas-tu ? "
"Je me barre ! "
"Je n'ai pas fini avec toi ! " rétorqua Bahamut, suivant son fils.
"Et je n'ai pas envie de commencer quoi que ce soit avec quelqu'un qui engrosse une femme, laisse son époux légitime élever le gamin en s'y prenant comme un manche et justifie le tout en prétendant qu'il ne veut pas s'attacher ! "
"Tu ne sais pas ce que c'est de perdre tout ceux à qui tu tiens ! "
"Et qu'est-ce que tu en sais foutu lézard ? ! " rétorqua Cid en se retournant vers lui, si brutalement qu'il manqua de lui rentrer dans le plastron. "J'ai perdu mes meilleurs amis, un amant, des compagnons de combat, il te faut quoi de plus pour que je comprenne ? ! "
Alors que le dragon s'apprêtait à répondre, un mouvement attira leur attention et ils se tournèrent tous les deux dans sa direction.
Quelque chose atterrit brutalement sur le sol entourant le hall, manquant de s'écraser sur la roche dure.
Cid n'eut que le temps de reconnaitre quelque chose de grand, rouge, noir et en pétard avant d'attraper la lance de son père à deux mains, l'empêchant de la jeter sur l'intrus.
"Non ! "
"Que…"
"Il fait partie de mon vol ! " s'exclama Cid avant de lâcher l'arme, se précipitant vers Vincent qui reprenait forme humaine.
Le démon était trempé et frigorifié, tremblant de tous ses membres, même quand il eut fini de reprendre son apparence humaine.
"C'était une mauvaise idée," finit-il par marmonner en essayant de se hisser sur ses jambes.
"Ah ça, ouais, mais alors, quelle entrée ! " s'exclama Cid en s'agenouillant près de lui.
Vincent se tourna immédiatement vers lui, claquant des dents.
"Cid ? Tout va bien ? "
"Ça dépend de ta définition," répondit Cid en l'aidant à se lever, s'assurant qu'il n'avait rien de cassé.
"Qu'est-ce qui se passe ? "
Cid se contenta de désigner l'Ancien qui les fixait avec surprise, toujours debout devant la porte du hall.
"Tu ne vas pas me croire…"
"C'est… Le Seigneur Bahamut ? " murmura Vincent, tremblant toujours de froid.
"En personne," répondit Cid, retirant le manteau de Vincent pour l'essorer.
Le dragon sembla se reprendre et approcha de Vincent, le dos droit et la tête haute, jetant un regard méprisant au brun.
"Tu es bien loin de Daguerreo…" finit-t-il par déclarer dans un commun un peu suranné.
Le ton du dragon était glacial et Cid était sûr que la température venait de chuter.
Il ne comprenait pas le soudain changement d'attitude de l'Ancien.
Bon, à part que Vincent venait d'arriver sur un pic réputé inaccessible comme un pet sur une toile cirée.
Il retira sa veste pour la poser sur les épaules de son ami, se tournant à demi vers son père.
"Seigneur… Bahamut," salua Vincent.
Et il s'inclina, baissant respectueusement les yeux.
"Je ne t'ai pas invité à Gröf Drekanna."
"Je ne suis pas ici au nom de mon clan, Seigneur," répondit Vincent, gardant les yeux baissés.
"Alors que fais-tu ici ? "
"Je vous prie d'excuser cette intrusion, Seigneur," commença Vincent avant de désigner Cid, "je lui ai promis de rester à ses côtés."
Le dragon cligna des yeux et recula vivement la tête, de surprise. Il regarda Vincent, puis Cid, puis de nouveau Vincent.
Le sol trembla quand il frappa le sol de son pied et les deux hommes devant lui reculèrent d'un pas.
"Tu oses toucher à mon fils[4] ? ! "
"Non," commença Vincent d'un ton précipité avant d'écarquiller les yeux et dévisager Cid.
"Mais est-ce que tout le monde sur cette foutue montagne pourrait arrêter de se mêler de mes affaires de CUL ? ! ! " Explosa Cid.
"Fils ? " répéta Vincent.
"Apparemment ! "
"Oh," fit le sniper.
Et à son expression, il venait de comprendre une quantité de choses sur lesquelles Cid allait joyeusement l'interroger dès qu'ils seraient sorti du Pic, de Burmécia et même des montagnes tant qu'à faire. C'était quand même dingue qu'un assassin/démon de cinquante-huit ans moins trente de stase en sache plus sur lui que son entière ville de naissance n'avait été foutu de lui dire de toute sa vie.
"Je ne tolèrerais pas qu'un démon de Daguerreo vienne dévoyer mes enfants ! " rugit Bahamut.
"Oh, ta gueule ! " rétorqua Cid, "on n'est tes enfants que quand ça t'arrange, hein ? "
Cid sentit la main humaine de Vincent le retenir par le bras et il jeta un regard furieux à son ami.
"Calme-toi, s'il te plait," murmura Vincent, "c'est un Ancien, il pourrait te tuer d'un geste si…"
"Tu savais qu'il élevait les dragoons comme des chocobos de concours ?»
Vincent referma la bouche, gardant le silence et détourna brièvement le regard.
"Tu savais ? ! "
Vincent secoua la tête.
"Je sais que… que certains clans ont ce genre de pratique... mais j'ignorais que les Burméciens…"
"Le sien… fornique avec tout ce qui bouge," cracha le dragon, faisant grimacer Vincent d'embarras.
"Au moins ils baisent plus d'une fois tous les cent ans ! " rétorqua Cid.
Vincent tenta à nouveau de le faire reculer de quelques pas, mais Cid lui résista et il n'osa pas le forcer, de peur de le blesser.
"Je perpétue le sang de ma famille ! Pas comme toi !» reprit Bahamut en Burmécien alors que les nuages de pluie commençaient à se rassembler à nouveau au-dessus d'eux.
"Alors prends tes responsabilités et occupes toi d'eux au lieu de rester avec tes morts ! "
"Tu es mon fils et je t'ordonne de rester…"
Cid se tut soudainement et se redressa de toute sa hauteur, jetant un regard furieux à son père.
"Quel est mon nom ? "
"Je… Pardon ? "
"Mon nom. Dites-le."
Le dragon sembla cette fois décontenancé, tournant la tête de gauche à droite en cherchant la réponse. Cid s'en était douté. Le dragon ne l'avait pas appelé par son nom une seule fois depuis qu'ils s'étaient rencontrés.
"Vous n'avez pas le droit de m'appeler votre fils," déclara Cid. "Vous n'avez rien fait pour le mériter."
Il attrapa Vincent par son bras démoniaque et l'entraîna à sa suite dans le hall. Vincent tenta bien de prendre congé de l'Ancien de façon aussi rituelle que possible, mais Cid ne le laissant pas faire, le tirant par le bras.
"Cid...c'est…"
"Je veux pas en parler maintenant," rétorqua Cid entre ses dents.
"Il risque de te bannir de Burmécia…"
Le blond eut un rire froid et sarcastique.
"Trop tard, je le suis déjà."
Ils traversèrent plusieurs salles, Cid cherchant à retrouver le portail, mais le Hall était un labyrinthe. Certaines pièces s'étaient effondrées, d'autres étaient remplies de débris quelconque, amassés par deux milles ans de vie.
Certaines étaient pleines d'ossements de bahamuts.
"Je vais être malade," murmura Cid quand ils traversèrent une pièce avec des petits cadavres de dragons recroquevillés sur eux-mêmes.
"Il… les a tués ?»
"Non. C'est Hörmung Himinsins… Euh… Le... La Calamité…"
"Venue des Cieux," acheva Vincent. "Ah, vous aussi…"
Cid lui jeta un regard intrigué par-dessus son épaule mais ils arrivèrent dans une salle qu'il reconnut.
Un bouclier de métal géant était fixé au mur.
Ils s'arrêtèrent tous les deux devant, contemplant les runes sur son pourtour.
"Vince ? "
"Oui ? "
"Tu sais comment on ouvre ces trucs ? "
Le sniper observa les runes gravées sur le bouclier, essayant de se souvenir de ce que le Roi avait fait. Il leva la main vers l'une d'elle, mais elle resta inerte.
"Possiblement."
"Accouche ? "
"L'écriture autour, du burmécien ? "
"Des runes, ouais."
"Elles permettent d'écrire des noms de lieux ? "
"Euh, oui, tout l'alphabet y est en tout cas."
"Essaye le nom du temple."
"Comment je fais, comme avec une matéria ou…" commença Cid en touchant une des lettres gravées.
La rune s'illumina.
"Ça doit être lié au sang Burmécien," marmonna Vincent.
"Ok. Je tiens à dire que tous ces trucs magico-prise de tête, ça me lourde."
"Prends ça comme une très ancienne technologie."
Étonnement, ça aidait. et à peine la dernière rune activée, le sas se rouvrit, donnant sur l'intérieur du temple.
"Jamais été aussi content de revoir ce trou," murmura Cid en avançant.
Passer le portail fut aussi déconcertant que la première fois, mais une fois de l'autre côté, la différence de pression et d'éclairage assimilée et les pieds sur le sol pavé du temple, Cid se sentit à nouveau à l'aise.
Vincent, en revanche, était vert pâle en plus de bleu de froid.
"Ça va ? "
"Non," répondit très honnêtement le Turk en inspirant profondément.
Bien, ils étaient deux dans ce cas. Il y eu un murmure autour d'eux et Cid se tourna vers la foule présente. Il n'avait pas pensé qu'il y aurait du monde au temple qui l'attendrait, mais évidemment.
Il était le fils de Bahamut.
Il avait de nouveau envie de hurler.
Et quand il remarqua toutes les jeunes filles autour d'eux, en tenue d'apparat, accompagnées de leurs pères ou frères, il eut une autre raison pour ça.
La plus âgée devait avoir dix ou douze ans de moins que lui et il ne voulait même pas penser à l'âge de la plus jeune.
Moins que Yuffie, réalisa-t-il quand son père, un prêtre, la poussa vers lui.
"Seigneur," commença Bohort, "nous vous souhaitons la bienvenue."
Cid tourna la tête vers Vincent, paniqué et l'ex-Turk posa la main sur son épaule.
"Cid, reste calme…"
"Ils m'appellent 'Seigneur' ! " protesta Cid d'un ton horrifié.
"Reste calme," répéta Vincent.
Cid jeta un regard effaré sur la foule. Chaque fois que son regard croisait celui d'un Burmécien, celui-ci baissait les yeux ou se détournait. Il vit une armure rouge vers la porte, et les cheveux blanc de sa sœur quand elle fit un petit bond pour tenter de voir par-dessus les têtes de leurs compatriotes.
Du peu qu'elle vit, elle semblait inquiète. Il fit un pas vers elle, mais le prêtre se méprit, pensant qu'il approchait d'une des jeunes filles.
"Nous allons préparer vos noces avec la jeune fille de votre choix et..."
Cid tourna les yeux vers lui lentement et eut la satisfaction de voir Bohort reculer précipitamment avant d'avoir le réflexe de baisser le regard.
"Et vous allez tous aller vous faire foutre," acheva Cid avec un sourire, "je me casse."
Il parvint à rester suffisamment calme pour ne pas jeter la gamine hors de son chemin, l'écartant d'un geste lent.
"Va te trouver un copain, Petite, je suis trop vieux pour toi." marmonna-t-il du bout des lèvres.
Il la vit soupirer de soulagement avant qu'elle ne s'écarte, évitant Vincent qui le suivait.
"Cid…"
"Ils veulent que j'épouse ces gamines !» gronda Cid sans se tourner vers lui, fendant la foule, "du vent ! Tous ! "
Freya le vit approcher de lui et vint à sa rencontre, bousculant ses congénères avec moins de délicatesse que son frère. Elle manqua de lui casser le nez en se jetant à son cou, mais il parvint à éviter l'épaulière de l'armure, tournant la tête juste à temps.
"Putain, Frey, pas en armure ! "
"Je m'inquiétais ! " protesta la jeune femme.
"Mais c'est sa sœur !» murmura une voix scandalisée dans la foule.
"Techniquement, ils ne sont pas du même sang," objecta une autre, "elle est de la lignée de Kæn, pas de Siv…"
"Ça permettrait de renouveler le clan Haifin…"
"Bande de BRANQUES ! " hurla Cid, blême de rage avant d'attrapper Freya par le bras, "on s'arrache VITE ! "
"Ça ne va pas de parler comme ça aux Öldungar ?» siffla la jeune fille entre ses dents.
"Ils n'auront pas les couilles de dire quoi que ce soit," rétorqua Cid en entraînant Vincent et sa sœur hors du temple.
"Siddhe, qu'est-ce qui se passe ? "
"Herra Haifin t'a rien dit ? "
"Non, il voulait attendre de te retrouver…"
"Il est là ? "
"Au Hall, il s'est fait enguirlander par les Öldungar en arrivant et quand je suis partie te chercher, Mamma s'y mettait aussi."
"Parfait," gronda Cid, "parce qu'il a des explications à donner et ça a intérêt à être rapide, clair et concis ou je le balance du haut du pic."
Le Hall Haifin était presque pris d'assaut par des parents et leurs filles endimanchées et il fallut une longue litanie de la part de Cid pour qu'on les laisse arriver jusqu'à la porte.
"Vos gosses ont l'âge d'être mes filles, vous n'avez pas HONTE ? " crachait encore Cid quand la porte du hall s'ouvrit sur Estrela, Kaïn arrivant derrière elle, regardant leurs enfants avec ce qui ressemblait à du soulagement.
"Siddhe ! " s'exclama leur mère.
"Mamma," soupira Cid en serrant Stelara contre lui.
"Oh, je suis tellement soulagée de te voir ! Ton ami est parti à ta recherche et…"
Vincent inclina la tête, toujours derrière Cid, son blouson sur le dos et le manteau trempé au bout des bras.
"Dame Haifin."
"Et il t'a trouvé, visiblement. Ainsi que le mauvais temps. Venez vite vous mettre au chaud."
Les chaussures furent enlevées, les manteaux mis à sécher, Freya envoyée se changer et Vincent installé d'office devant le feu, une tasse de thé burmécien dans les mains et une couverture sur le dos.
Quoiqu'il en soit, Vincent ne pouvait que louer le sens de l'hospitalité burmécien car ce ne fut qu'une fois qu'il eut été mis à l'aise que les cris commencèrent, parfois en burmécien, parfois en commun.
Vincent tourna la tête en entendant un pas dévaler l'escalier. Freya revenait, un jeune homme aux cheveux blonds cendrés sur les talons.
"Je peux savoir ce que Fratley foutait dans ta chambre pendant que tu te changeais ? ! " s'exclama Kaïn.
"J'attendais dans le couloir, Sire Haifin," protesta le jeune homme en se figeant sur une marche.
"Il a déjà tout vu ! " rétorqua Freya en rejoignant sa famille.
"J'avais pas besoin de savoir ça," maugréa Cid pendant que Kaïn s'étouffait à moitié d'indignation.
"Tu savais ? " s'exclama le chevalier en se tournant vers sa femme.
"Vu ce que NOUS faisions avant notre mariage, nous n'avons rien à dire," rétorqua Estrela d'un ton las, haussant un sourcil.
"Ça non plus," grogna Cid.
"Papa, maintenant qu'on est tous rassemblés, tu vas peut-être enfin pouvoir m'expliquer ce qui se passe ? ! " s'exclama Freya, revenant au sujet principal que tout le monde attendait.
"Il se passe qu'il n'est effectivement PAS mon père," expliqua Cid.
"Nous ne devons pas parler de ça devant lui," s'exclama Kaïn en montrant Vincent.
"Il ne parle pas burmécien," lui rappela Cid.
"QUI est le père de Siddhe ? " reprit Freya.
"Je ne suis pas sûr que tu ais besoin…" commença Kaïn d'un ton autoritaire.
"Bahamut," le coupa Cid.
"Bahamut quoi ? " rétorqua sa sœur.
"Bahamut est mon père."
"Pourquoi n'ai-je aucune autorité sur mes enfants ? " soupira Kaïn pendant que l'expression de Freya s'effondrait de stupeur.
"Siddhe, que… Je… Bordel de couilles, Siddhe ! Papa ! Maman ? ! Qu'est-ce que…"
"Je viens de l'apprendre," déclara calmement Estrela avec un regard désapprobateur à Kaïn, "mais je commençais à me douter de quelque chose de ce genre."
"Ça… ne te choque pas ? " s'étonna Kaïn.
"J'étudie les textes antiques en même temps que la technologie qui va avec," ronchonna Estrela d'une voix où roulait son accent alexandriote, "il y a souvent des références à des fils de Bahamut. Et excuse-moi, Kæn, mais les Burméciens sont tout SAUF subtils."
"Il n'ont pas l'habitude de parler à quelqu'un avec plus d'une moitié de cerveau," rétorqua Kaïn avec un petit sourire tendre à sa femme.
Laquelle lui jeta un regard glacial, faisant retomber son expression affectueuse.
"Tu essayeras de m'amadouer plus tard. Tu as des explications à donner à Siddhe."
"Oui, et pour commencer : Est-ce que tu peux me dire comment tu as pu accepter de laisser ta femme se faire engrosser par l'Ancien local ? ! " s'exclama Cid.
"Siddhe ! Je t'interdis de parler comme ça de ta mère ! "
"Ma mère est Estrela ! " protesta Cid en désignant la femme brune qui tentait d'écarter les deux dragoons l'un de l'autre. "Si tu voulais que je considère Siv comme ma mère, fallait me parler d'elle ! "
"Elle avait donné son accord ! "
"Quoi ? ! "
"C'est un grand honneur ! cela faisait des siècles que le clan Haifin n'avait pas été honoré ainsi ! "
"Attend, c'est arrivé avant ? " reprit Cid, horrifié.
"Plusieurs fois ! Tous les clans de Burmécia ont…"
Cid fourra son visage entre ses mains en gémissant d'horreur.
"Comment… Comment fait-on pour ne pas avoir de gosses à deux têtes ici ? "
"Je… ne comprends pas ? " répondit Kaïn, confus.
"Il parle de consanguinité et des problèmes de santé que ça apporte, Kaïn," expliqua Estrela.
"Comment elle a pu accepter ? "
"Le clan Haifin était moribond ! Avoir la bénédiction du Seigneur Bahamut…"
"Ah, parce que c'est comme ça que ça s'appelle ? "
"...Avoir sa bénédiction nous permettait de retrouver notre prestige d'antan," continua Kaïn avec un regard noir.
"Et elle en est morte ! Pour du prestige ? ! "
"Siv n'était pas censé mourir ! " hurla Kaïn.
Cid recula d'un pas, surpris de la soudaine colère de son… de Kaïn.
"Elle avait dix-huit ans, elle était en bonne santé, sa grossesse s'était bien passée, il n'y avait aucune raison que… qu'elle…"
Le dragoon cessa de parler, baissant les mains vers le sol.
"Est-ce que c'est pour ça que tu as demandé à Fratley d'attendre pour m'épouser ? " demanda Freya d'une petite voix.
Son père hocha la tête et Cid soupira, se frottant le visage d'une main.
"Pourquoi tu ne m'as rien dit ? "
"J'étais censé le faire le jour de tes seize ans…"
"Et tu l'as pas fait."
"Non."
"Pourquoi ? "
"Pour commencer, je te rappelle qu'on ne se parlait plus à l'époque."
"Excuse minable," jugea Cid.
Kaïn admit le point d'un soupir.
"Il n'y a pas de rituel ou de cérémonie pour ça. Je... Je ne savais pas comment faire. Comment te dire que… je n'étais pas ton père."
"Parce que tu crois que tu l'as été ? "
"Non."
Les enfants Haifin échangèrent un regard abasourdi avec leur mère avant de revenir vers leur père.
"Je… n'ai pas été le meilleur des pères," admit Kaïn "pas avec toi."
"Il t'a fallu combien de temps pour l'admettre ? "
"Des années," soupira Kaïn. "J'ai compris quand… quand Freya est née. Quand j'ai vu ses parents s'occuper d'elle. J'ai compris que j'avais tout fait de travers."
Le chevalier soupira et passa la main dans ses cheveux d'un geste que Vincent reconnu comme étant celui de Cid quand il réfléchissait.
"Et quand ils sont morts, que j'ai dû prendre soin d'elle… J'ai compris que j'allais juste recommencer les mêmes erreurs."
"C'est pour ça qu'il m'a demandée en mariage," intervint Estrela, "pour m'occuper de vous."
"Il a pas fait ça ? ! " s'offusqua son fils d'un ton outragé.
"Siddhe," soupira Estrela en lui tapotant le bras, "j'étais au courant. Je sais très bien pourquoi il a voulu m'épouser…"
"Hein ? Mais je croyais que vous étiez amants ? " s'étonna Freya.
"Oui, ça aussi, tu n'as pas vu ton père à vingt-huit ans, il était…"
"Stjarna[5]," marmonna Kaïn, embarrassé.
"Il m'a demandé en mariage pour que Siddhe et toi ayez une mère. En échange, il m'aidait à obtenir les autorisations des Aînés pour mes recherches et était un père pour Shera. Et, bien sûr, on continuait à..."
"STJARNA."
"Je n'avais pas besoin d'autant de précisions," admit Cid.
"Je n'avais pas besoin que vous en ayez autant," rétorqua Kaïn sur le même ton.
Cid regarda Kaïn, les sourcils froncés et les dents serrées.
"Alors c'est juste ça ? Tu m'as rien dit parce que tu ne savais pas comment ? "
Le dragon eut un petit geste hésitant, levant la main pour toucher l'épaule de Cid, mais celui-ci se dégagea.
"Je retourne à Midgar."
"Oui...Il vaut mieux," répondit Kaïn.
"Tu vas être débarrassé de moi, ne t'en fais pas."
"Siddhe, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire…" commença Kaïn mais Cid l'ignora se tournant vers Vincent...
"Vincent, t'es sec ? ! "
"Presque," répondit le sniper en se levant, retirant la couverture de ses épaules.
"On rentre. Faut que je file avant que les Öldungar trouvent un moyen de m'empêcher de partir."
"Je vais chercher nos affaires," répondit Vincent.
Kaïn tenta de protester à nouveau, mais Estrela l'arrêta d'une main sur le bras en secouant la tête.
Ils furent prêts rapidement. Le manteau de Vincent n'était pas encore tout à fait sec, mais faute de mieux, il l'enfila néanmoins. Et quand Estrela leur tendit leurs sacs, ils étaient curieusement plus remplis qu'à l'arrivée.
"Des sandwichs pour le voyage, du thé pour Shera et toi, un pull sec pour Vincent," expliqua Estrela.
"Merci Dame Haifin," répondit Vincent avec ferveur.
"Merci Mamma."
"Laisse-moi un message dès que tu es arrivé à Midgar. Écris-moi."
"Promis."
"Comment va-t-on sortir ? " demanda Vincent après un regard à la fenêtre de la façade, "la foule est toujours dehors…"
"Il a le vertige ? " demanda Freya en désignant Vincent du pouce.
"Lui ? Non. Mais il me donne le vertige parfois," répondit Cid.
"Parfait. J'ai une solution."
La solution fut de sortir par le toit et de sauter de faîtes en faîtes.
Apparemment, c'était un sport local, vu tous les jeunes burméciens qu'ils trouvèrent sur les tuiles, à les regarder passer avec amusement ou en criant des encouragements.
La passion de Cid pour grimper sur le toit de Seventh Heaven prenait de plus en plus de sens.
Ils furent rapidement à nouveau à l'écurie et descendirent au niveau du sol, Cid d'un saut, Vincent en utilisant les gouttières, et manquèrent tous deux de se prendre un coup de lance quand ils atterrirent aux pieds d'Ormar.
"Bahamut, SIDDHE ! " s'exclama l'éleveur en ramenant sa lance, réalisant son erreur.
"Je viens récupérer Plága," répondit Siddhe en se relevant.
"Toute la ville te cherche !»
"Ouais, je sais. Le chocobo."
"Ils disent que tu es le fils de Bahamut ! "
"Ormar ! Chocobo. Maintenant."
Le burmécien sembla hésiter avant de rentrer dans l'écurie, posant sa lance à l'entrée pour attraper la selle double. Cid et Vincent le suivirent, se mettant à l'abri des regards. Il y avait une dizaine de stalles, dont la moitié étaient occupées et Plága se trouvait dans la plus grande. Quand Cid entra, la première chose qu'il vu furent trois enfants, âgés de douze à sept ans et qui aidaient leur père à nettoyer l'écurie.
"Bonjour, Sire," salua poliment l'aînée.
"Bonjour," répondit Cid, alors qu'Ormar luttait avec le chocobo pour lui mettre sa bride et son mors. "Tes enfants ? "
L'éleveur jura en enfilant le mors dans le bec de Plága avant de répondre.
"Ouais. Le plus vieux est avec son vol. Le plus petit avec sa mère."
"Qui est-ce ? "
Ormar jeta un rapide regard coupable à Cid et s'attarda à resserrer les sangles parfaitement ajustées de l'harnachement avant d'arriver à répondre.
"Isdis."
Cid tourna la tête vers l'aînée des enfants qui le regardait de ses grands yeux d'un bleu légèrement vert.
"Ta grande lui ressemble," finit-t-il par admettre.
"Heureusement pour elle. Manquerait plus qu'elle ait ma gueule."
Si Cid était resté à Burmécia, s'il n'avait pas été découvert, c'est lui qui aurait épousé Isdis.
Et les enfants devant lui seraient peut-être les siens.
Et pendant quelques secondes, il le regretta.
"Je te dois combien ? " demanda Cid quand Ormar revint avec le chocobo qui piaffait, heureux de sortir à nouveau.
"Rien."
Cid prit les rênes en silence, et Ormar secoua la tête.
"Rien," répéta-t-il.
"Très bien," soupira Cid en emmenant le chocobo dehors.
Vincent entendit Ormar marmonner quelque chose, mais quand il se tourna vers lui, le Burmécien se détourna, empoignant une fourche pour aller nettoyer la stalle libérée. Vincent rejoignit Cid dehors, qui se dirigeait vers la porte de la ville.
"Cid ? "
"Hm ? "
"Que veut dire 'virirgefthu' ? "
Cid tourna la tête vers lui, les sourcils froncés.
" 'Désolé', pourquoi ? Qui te l'as dit ? "
"Ormar. A toi."
Cid hocha pensivement la tête tout en traînant Plága vers la porte de la ville. Il négocia rapidement que Dan rende ses armes à Vincent, puis aida celui-ci à s'installer sur le chocobo avant de le rejoindre sur la selle.
"J'aurais préféré qu'il me le dise en face," finit-t-il par marmonner.
Il talonna Plága qui partit au galop, heureux de se dégourdir les pattes.
Il se passa une bonne heure avant que Cid sorte du mutisme dans lequel il s'était plongé depuis leur départ de Burmécia.
"Ouais, bah ça a été un fiasco d'un bout à l'autre."
"Tu n'as pas eu les réponses que tu voulais ? "
"Putain, c'est peu de le dire," ronchonna Cid, "j'ai eu des réponses en tout cas."
"Je suis étonné que le Seigneur Bahamut t'ai laissé partir," avoua Vincent en levant les yeux vers le Gröf Drekanna.
Le pic était encore plus couvert de nuages qu'avant, certains descendant presque aussi bas que Burmécia. Si la météo dépendait des émotions de l'Ancien, comme il le soupçonnait, le dragon devait être d'une humeur exécrable. Il se demandait si Cid en avait hérité ou si c'était un pouvoir qui se manifestait par sa limite, comme la magie de gravité chez Vincent.
"Ça lui fera du bien que quelqu'un lui dise non," grommela Cid, "il doit pas avoir l'habitude."
"Tu lui en veux ? "
Cid garda le silence quelques instants. Il avait fini sa dernière cigarette le matin même et depuis, cherchait régulièrement son paquet d'un geste nerveux. Ce moment-là ne fit pas exception.
"J'ai presque pitié de lui, en fait," admit le blond.
"Comment ça ? "
Cid désigna Gröf Drekanna du pouce sans se tourner vers le pic.
"Il reste tout seul là-haut, à se couper de ses enfants, à ne pas réussir à laisser partir ses morts… Deux mille ans de deuil, ce n'est pas une vie. Tu m'étonnes qu'il soit un peu…"
Cid tira soudain sur les rênes de Plága, stoppant le chocobo au milieu du chemin. L'oiseau renacla et se secoua en guise de protestation, mais finit par accepter de s'arrêter.
Kaïn attendait au bord de la route, assis sur une des bornes en forme de dragon.
"Sire Haifin," marmonna Cid.
Le dragoon grimaça légèrement avant de descendre de son perchoir. Il avait remis son armure, plus sûre pour se promener seul dans la montagne et tenait sa lance à la main, un sac jeté par-dessus son épaule.
"Je… t'attendais."
"Pourquoi ? "
"Pour… m'excuser. Si je peux."
"T'excu…" balbutia Cid, "non mais, tu RÊVES ?»
"Laisse-moi essayer, au moins."
Cid le fixa longuement d'un regard agacé avant de descendre du chocobo, vite imité par Vincent qui n'avait pas la moindre idée de comment empêcher Plága de crapahuter en restant sur son dos. Pendant que le sniper tenait fermement le chocobo par la bride, Cid approcha de Kaïn, s'arrêtant devant lui.
"Bien, je t'écoute."
Le chevalier soupira avant de planter sa lance dans le sol et retirer son casque, faisant face à Cid à visage découvert.
"Je… J'ai eu tort. Sur beaucoup de sujets. Je n'aurais pas dû t'élever comme je l'ai fait. J'aurais dû te parler de Siv. J'aurais…"
Il soupira longuement, cherchant ses mots.
"Peut-être que j'aurais dû accepter quand la famille Royale m'a proposé de te prendre en leur sein."
"Ils ont fait ça ? "
"Oui. Ça fait un moment qu'ils n'ont pas… que le Seigneur Bahamut ne les as pas bénis. Ils voulaient t'élever en tant que bâtard de leur lignée et te marier à une des filles du Roi."
"Politique de clan de merde," marmonna Cid.
"Non, tu penses ? " renchérit Kaïn sur le même ton.
"Pourquoi tu as refusé ? "
"Tu étais tout ce qui me restait de Siv," répondit Kaïn d'un air triste.
"Tu l'aimais vraiment," réalisa Cid.
"Je l'aime toujours."
"C'était il y a plus de trente ans ! "
Kaïn haussa les épaules.
"Je n'y peux rien. Elle me manque toujours."
Et ça n'augurait vraiment rien de bon pour Cid au sujet de Nooj, réalisa le blond. Entre son père biologique et son père nourricier, il n'avait pas vraiment de bon exemple de deuil sain et de comment laisser partir ses morts.
"Mais et... Et Estrela ? "
"Tu poses toujours les questions difficiles, toi," soupira Kaïn en se remémorant un petit Siddhe de cinq ans en train de demander de quoi étaient fait les nuages...
"Elle sait ? "
"Siddhe… Tu sais, au début, je l'ai épousé parce que ça nous arrangeait tous les deux. J'avais besoin d'une mère pour Freya et toi, elle avait besoin d'aide pour ses recherches et Shiera. Elle a accepté de vous élever et j'ai accepté de la soutenir."
"Et c'est tout ? "
"Ça n'aurait pas duré," admit Kaïn avec un petit sourire. "Mais avec le dernier coup que je lui ai fait, je doute que ça dure encore longtemps…"
Cid donna un petit coup de pied sur la jambière du dragoon, le faisant sursauter.
"T'avises pas de l'obliger à te quitter."
"Freya est adulte, elle n'a pas à rester si..."
"Elle aurait pu se barrer avec nous y'a des années," rétorqua Cid, "elle reste aussi pour toi. Tu tiendrais pas trois mois tout seul."
Le dragoon baissa les yeux, embarrassé, et préféra changer de sujet.
"Je pensais que tu serais en colère contre moi…"
"Je le SUIS, bordel ! " rétorqua Cid d'un ton rageur, "tu m'as toujours traité comme si je n'étais pas assez bon pour toi ! Quoique je fasse, c'était jamais assez ! "
"Je voulais juste que…" commença Kaïn avant de se reprendre, tentant de se calmer, "j'avais tort. Encore une fois. Je voulais que… je voulais que tu sois le meilleur dragoon de Burmécia. C'était mon rôle et… Ce n'était pas ce que j'aurais dû faire."
Kain glissa sa main dans ses cheveux, levant les yeux vers le ciel, vers les nuages au-dessus de Burmécia.
"Tu es intelligent, tu aimes construire des choses. Estrela m'a montré les photos de ton aéronef, c'est… incroyable. Personne à Burmécia ne peut faire ça. Et j'aurais dû réaliser ça. J'aurais dû te laisser partir à Midgar ou Alexandria faire des études."
Kaïn retira son sac de son épaule et le tendit à Cid.
"Tiens. Ta sœur m'a dit que tu avais besoin d'une nouvelle lance."
"Je ne veux pas d'une de tes lances."
"Pas la mienne, Siddhe. Celle de ta mère."
Cid le fixa d'un regard abasourdi avant de prendre le sac, l'ouvrant et sortant une pointe de lance. La lame principale était relativement simple, une pointe à deux faces acérées, mais elle comportait deux autres lames en perpendiculaire, typique d'une lance de chasse, pour pouvoir percer le cuir d'un Wyrm et l'empêcher ensuite de se précipiter vers le chasseur en laissant l'arme le traverser.
"... elle était chasseuse ? " demanda Cid.
"La meilleure de tout Burmécia. Elle ne m'a jamais laissé lui voler une proie," déclara Kaïn avant de désigner la tête de lance. "La hampe était en bois. Après trente ans sans entretien, avec ta force, elle n'aurait pas tenu. Il faudra que tu en fasses une autre."
"Je... je m'en chargerais."
"Oui, tu as toujours été doué pour forger des armes."
Cid contempla longuement Kaïn puis détourna le regard pour ranger la pointe de lance.
"J'aurais aimé entendre ça avant."
Ils restèrent encore quelques secondes à se regarder en silence, puis Kaïn se redressa, prenant son casque à deux mains.
"On se reverra, peut-être ? La prochaine fois que… que ta mère et Freya iront vous voir à Midgar je... j'essayerais de venir. Si tu veux bien."
"On verra," répondit Cid.
Kaïn hocha la tête et remit son casque avant de reprendre son arme, la passant en travers de ses épaules, comme Cid le faisait parfois en fin de mission avec Avalanche.
"A une prochaine fois," lança-t-il avant de remonter à nouveau le chemin vers Burmécia.
Cid hésita quelques secondes avant de lui lancer une dernière pique.
"Fait gaffe aux wyrms en rentrant ! T'es vieux maintenant ! "
Kaïn se contenta d'adresser un doigt d'honneur à Cid, sans se tourner pour répondre.
Ils avaient beau dire tous les deux, remarqua Vincent, ils se ressemblaient plus qu'ils n'auraient voulu l'admettre.
"Ça va mieux ? " demanda Vincent quand Cid revint vers lui, prenant les rênes de Plága.
"Ouais," admit Cid. "Retournons à Porte Nord avant que la pluie redouble."
"Oh, je ne sais pas, ça serait peut-être plus rapide de descendre à la nage," plaisanta Vincent en se hissant sur le dos du chocobo.
Ce fut une fois rendu à Porte Nord, après avoir appelé Cid à l'aide pour un transport et tous les deux dans une des chambres d'hôtel un peu miteux qui entouraient l'aéroport que Cid put contacter Shera.
"Ecoute, je suis désolé de t'avoir inquiétée comme ça…"
/J'espère bien !/
Il entendait des bruits d'objets bougés à l'autre bout du fil. Connaissant sa sœur, elle devait être en train de faire un grand rangement dans le laboratoire ou dans sa chambre pour se changer les idées.
"Mamma nous as donné du thé pour toi…"
/Je m'en fiche ! Je préférerais t'avoir à Seventh Heaven./
"Cid nous a trouvé un transport demain matin, on reste à l'hôtel ce soir."
/Ça va aller ?/ demanda Shera.
Cid soupira en passant une main dans ses cheveux.
"Ouais…. ouais c'est compliqué mais ça va aller. Je t'explique tout demain, promis."
/Et Vincent ?/
"Frigorifié, il est sous la douche."
/Tu m'étonnes, quelle idée de trainer un sudiste à Burmécia en novembre, c'est déjà un miracle qu'il ne gèle pas sur place rien qu'en respirant./
"Ouais, faut qu'il m'aime pour m'avoir suivi, hein ? "
Ce n'était peut-être pas ce qu'il fallait dire pour rassurer une frangine hyper protectrice réalisa Cid quand le silence s'établit à l'autre bout du fil.
"C'était une blague, Shiera."
/Cid…/
"Ceci dit, je crois que tout Burmécia pense qu'on couche ensemble. Y compris Mamma."
/Il en pense quoi ?/
"Il sait que je suis homo."
/Ah. Et ?/
"Il s'en bat les couilles."
/Hm./
"Ça c'est un 'hm' pas convaincu."
/Edgar. Nooj. Et je suis sûre que tu as tenté le coup avec Bar…/
"Je n'ai pas touché à Bar ! On était bourrés tous les deux et je lui ai juste roulé une pelle pour rigoler ! "
"Tu as un sacré tableau de chasse[6]."
Cid sursauta et se tourna vers Vincent qui sortait de la salle de bain, s'attachant les cheveux. Le sniper haussa un sourcil sarcastique en attendant la réponse. Cid le foudroya du regard.
"Il se permet aussi de se foutre de ma gueule au sujet de ma vie sexuelle."
/Ou absence de./
"C'est à ce point-là ? " renchérit Vincent.
"Dites, vous deux, je peux vous passer le téléphone si vous voulez vous payer ma tronche en privé ! " protesta Cid en brandissant son PHS.
/Je viens vous chercher à l'aéroport demain ?/ proposa Shera.
"Ma moto est là-bas, ça ira," répondit Vincent en rangeant peigne et brosse à dent dans son sac.
"Vincent, tu as peut-être l'audition augmentée mais Shera ne t'entends pas ! C'est bon Shera, on rentrera à moto."
/Soyez prudent, emprunte un casque à l'équipage./
"Oui, promis, je serais prudent et je mettrais mon cache-col."
/Et va te faire foutre./
"De même."
Cid raccrocha en râlant qu'il était impossible d'avoir une conversation privée avec un augmenté dans le coin.
Ledit augmenté se contenta d'en sourire, s'asseyant sur son lit en face de celui de Cid. La chambre était petite, les deux lits très rapprochés, à peine séparés par la lampe, les obligeants à se tenir genoux contre genoux.
"Comment tu te sens ? "
Cid haussa les épaules.
"Ça… va mieux, disons. Le seul truc que je regrette, c'est de ne pas avoir pu poser plus de questions sur la mort de ma mère…"
"Comment ça ? "
"Si elle était en bonne santé, pourquoi elle est morte ? Est-ce que… c'est à cause de moi ? Parce que je suis le fils de Bahamut ? "
Vincent posa la main droite sur l'épaule de Cid. Surpris, Cid se laissa faire, levant les yeux vers Vincent.
"Ma mère a survécu. Elle mesurait un mètre cinquante-deux, était jeune, j'étais un grand bébé et elle en a bavé, mais elle a survécu. Avoir un père Ancien ne provoque pas la mort de la mère."
Cid hocha la tête lentement.
"Ce n'était pas ta faute. Parfois, même les matérias ou la médecine moderne ne peuvent rien faire."
"Merci," murmura Cid.
Il allait se redresser quand il assimila enfin les paroles de Vincent et réalisa ce que ça signifiait.
"Vince ? "
"Hm ? "
"Ton père est un Ancien ? "
Vincent eut un petit sourire en coin et Cid sentit brièvement son cœur s'emballer à cette vue.
Est-ce qu'il lui avait toujours souri comme ça ou est-ce qu'il était plus détendu autour de Cid depuis qu'ils avaient appris leurs orientations sexuelles respective ?
Ou est-ce que Cid se faisait -encore, dirait Shera- des idées sur le premier beau gosse qui lui montrait un peu de sympathie ?
"Je suis le fils de Diablos[7]."
La magie n'était pas le fort de Cid et il se désintéressait de tout ce qui pouvait s'y rapprocher de près ou de loin. Aussi lui fallut-t-il quelques moments pour se souvenir qui était l'Ancien en question.
Le Roi Démon.
Le Messager Sombre.
Le Gardien de la Mémoire.
"Pourquoi je suis surpris ? " finit par maugréer Cid après un long silence abasourdi.
"Je pensais vraiment que quelqu'un se douterait de quelque chose plus tôt," admit Vincent, "ce n'est pas comme s'il n'était pas grand, rouge, noir et en pétard lui aussi."
"T'es le fils du Roi Démon," marmonna Cid, comme s'il avait du mal à le croire.
"Ça le ferait bien rire d'entendre ça," rétorqua Vincent.
"C'est pas ça ? "
"C'est la réputation qu'il a mise en place pour dissuader les humains d'approcher de Daguerreo."
"Il n'est pas…"
"Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il est tendre et avenant," répondit Vincent, "mais il a le sens de la famille…"
"Pas comme…" fit Cid en désignant vaguement la direction de Burmécia.
"Non. Il élève ses enfants, il prend soin d'eux, il vit parmi eux…"
"Ah ouais, tout son contraire…"
"Et quand il n'a pas le nez dans ses livres, il culbute tout ce qui passe à sa portée et qui est à peu près attractif, " soupira Vincent.
"Sérieux ? "
"Gongaga. Quand je suis parti, il avait trois épouses et au moins un amant. Peut-être deux."
"Je commence à comprendre la réaction de Bahamut," ricana Cid.
"Ajoute à ça qu'il adore provoquer les gens…"
Cid laissa échapper un petit rire.
"C'est de lui que ça te vient ?»
"Je ne suis pas comme ça," protesta Vincent en fronçant les sourcils.
Cette fois le rire de Cid fut plus franc et Vincent roula des yeux, laissant le blond s'appuyer sur son épaule pour rire tout son soûl.
Quand Cid parvint à se calmer, il réalisa que le bras de Vincent était toujours autour de ses épaules. Vincent n'avait pas arrêté de le toucher ces deux derniers jours et à chaque fois…
A chaque fois, Cid n'avait pu s'empêcher d'y voir une marque d'intérêt avant d'arriver à ignorer résolument cette possibilité pour se concentrer sur ses problèmes du moment.
Problèmes maintenant résolus.
Il leva une main, la posant sur le bras de Vincent, hésitant à le lui retirer.
"Tu ne devrais pas faire ça, Vince."
"Pourquoi ? "
"Je suis attiré par les mecs, je te rappelle."
"Tu as toujours été un gentleman à mon encontre," rétorqua Vincent d'un ton amusé.
"Et si j'ai plus envie d'être un gentleman ? " demanda Cid en tournant la tête, son souffle caressant le cou de Vincent.
Le bras de Vincent se desserra, juste assez pour qu'il puisse se redresser et croiser le regard de Cid.
"Qu'est-ce que ça impliquerait ? "
Un baiser pour commencer, apparemment[8].
Vincent découvrit que Cid restait cependant un gentleman.
Enfin, disons plutôt qu'il lui laissa amplement le temps de se dégager et refuser le baiser qui arrivait.
Le premier fut presque chaste.
Le second ne le fut pas.
Du tout.
Vincent sentit une des mains de Cid remonter le long de son dos pour le tenir par la nuque, approfondissant le baiser et Vincent resserra ses bras autour du cou de Cid en réponse.
Il y avait bien une petite voix qui essayait de sous-entendre que ce n'était pas une bonne idée, que Cid était désemparé, et que ce n'était peut-être pas le meilleur état d'esprit pour les culbutes sans regret, mais Vincent n'avait jamais écouté cette petite voix de sa vie et n'était pas prêt à commencer maintenant, alors qu'il avait des mains qui l'attirait contre un corps musclé et qu'il avait été abstinent pendant plus de trente ans[9].
Et puis, Cid était loin d'être récalcitrant.
Vincent serait même allé jusqu'à dire qu'il était joyeusement consentant.
Cid le prouva d'ailleurs en l'attrapant par les hanches pour le soulever et l'installer sur ses genoux.
La petite voix se tut définitivement quand Cid profita de leur nouvelle proximité pour déposer une série de baisers mordants le long du cou de Vincent.
Lequel ferma les yeux et inclina la tête pour lui faciliter les choses.
Tout le corps de Cid était chaud, ce que Vincent vérifia en glissant ses mains jusqu'à sa taille, puis sous le tee-shirt, s'attirant un petit sifflement surpris quand ses doigts froids touchèrent la peau du dragoon. Cid s'écarta pour protester mais Vincent ne le laissa pas faire, passant le vêtement du blond par-dessus sa tête avant de repartir à l'assaut de ses lèvres.
Les mains de Cid retournèrent sur ses hanches pour lui rendre la pareille, retirant le pull et la chemise de Vincent d'un seul geste. Le brun frissonna quand les lèvres de Cid se posèrent sur son épaule, là où la peau humaine commençait à laisser place aux écailles démoniaques.
Il avait les mains chaudes quand elles touchèrent son ventre.
Il est à genoux dans le tube à mako, uniquement retenu par le masque sur son visage, qui tord sa nuque douloureusement.
Le tube est vide.
Il a froid.
Sauf là ou deux mains l'attrapent sans ménagement, le traînant hors du tube.
"Tout est de ta faute."
Il est presque jeté sur la table d'opération et il essaye de s'enfuir, mais il est affaibli par la faim, le froid, toutes les fois où il a été découpé et remis dans le tube sans même un soin.
Il est tellement affaibli que même Hojo arrive à le maîtriser, le retenant d'une main.
"Tout aurait dû se passer comme prévu, et par TA faute…"
Il ne l'a pas attaché sur la table d'opération, ne lui a pas jeté les sorts habituels, pas de magie temporelle pour l'empêcher de bouger, pas de bâillon magique, pas d'esuna pour tout désinfecter.
Il sent une main chaude sur son ventre.
Il voit un scalpel dans l'autre.
"Ok, ok, Vincent, reste calme. Respire…"
Cid avait l'air inquiet.
Ou plutôt paniqué, mais tentant de ne pas le montrer.
"Vincent ? Tu es avec moi ? Regarde-moi, Vin… Makoto regarde-moi..."
Il essaya. Il essaya de le regarder.
Il était toujours assis sur le lit, mais Vincent était maintenant loin, à l'autre bout de la pièce, le dos contre la porte de la chambre d'hôtel, glissant peu à peu au sol[10].
Les couvertures étaient déchirées, des lambeaux traînant sur le sol, arrachés quand Vincent s'était écarté de lui.
Pendant quelques secondes, le peu de pensées cohérentes qu'il restait à Vincent se félicita de ne pas avoir eu les mains sur Cid au moment où il avait commencé à paniquer.
"C… Cid ? "
Le blond se leva doucement, les deux mains tendues devant lui d'un geste apaisant.
"Je te toucherais plus, promis, mais il faut que tu te calmes, ok ? "
Vincent leva les mains devant ses yeux.
Elles étaient toutes les deux noires, griffues. Il restait même des fibres textiles accrochées à ses griffes.
"On va essayer un truc, ok ? Inspire. Autant que tu peux."
Il essaya d'obéir. Son cœur battait la chamade et il avait…
Il avait de nouveau froid.
"Expire lentement. Le plus lentement possible."
Il laissa échapper un souffle saccadé.
"Ok, recommence maintenant. Inspire… Voilà… expire… Imagine que ta limite est une boule de feu… Expire les flammes, inspire le froid. Eteins-la."
Vincent écouta la voix de Cid, fermant les yeux et se concentrant sur sa respiration.
"Très bien, essaye de respirer plus longtemps à chaque fois. Compte les secondes," continua Cid d'une voix aussi calme que possible, approchant lentement.
Inspiration.
Expiration.
Éteindre la boule de feu.
Oh, Minerva, ça marchait.
"Regarde-moi," demanda Cid.
Vincent leva les yeux vers Cid, maintenant agenouillé devant lui.
"Continue de respirer comme ça quelques minutes, ok ? Compte jusqu'à cinq en inspirant. Pareil en expirant."
Vincent hocha la tête, s'appliquant à obéir à Cid.
La main du blond se posa sur son bras, chaude, et il sursauta.
"Ok, ok ! " s'exclama Cid en le lâchant, "je ne te toucherais plus ! "
"C... cinq secondes. Laisse-moi… Cinq secondes..."
"Cinq minutes s'il le faut, t'en fais pas," répondit Cid en le regardant se lever et tituber vers la salle de bain.
Il entendit l'eau du lavabo couler et se prit le visage entre les mains avec un grognement de dépit.
Bon.
Il avait merdé en beauté sur ce coup.
Parfois il se demandait si sa vie ne serait pas plus simple s'il se coupait les couilles ou au moins, arrêtait de réfléchir avec. Maintenant, il fallait qu'il essaye de sauver ce qu'il pouvait de son amitié avec Vincent.
Mais QUAND est-ce qu'il apprendrait à garder ses mains pour lui, bordel ?
Il attendit cinq minutes avant d'oser entrer dans la salle de bain.
Vincent n'avait pas pris la peine d'allumer en entrant et Cid le voyait à peine grâce à la lumière venant de la chambre. Il se tenait appuyé sur le lavabo, une main sur la porcelaine, l'autre plaquée en travers de son ventre, continuant de respirer aussi profondément que possible.
"Est-ce que ça va ? " demanda Cid en s'approchant de lui.
"Je vais buter Hojo en commençant par les couilles," déclara Vincent d'une voix plus stable et posée qu'il ne l'en aurait cru capable.
Ok.
Ok, d'abord… qu'est-ce que Hojo avait à faire avec la réaction violente de Vi...
… Oh.
Oh, il espérait VRAIMENT avoir mal compris sur ce coup.
"Putain, Vince, je suis… je suis désolé...
Vincent se redressa, le regardant sans comprendre.
"Désolé ? "
"Je... écoute je… je ne te toucherais plus, promis…"
"Cid..."
"On trouvera une solution pour la chambre à Seventh Heaven et..."
"CID."
Le pilote se tut. Il ne voyait pas grand-chose de Vincent dans la pénombre, si ce n'est les contours de son corps et ses yeux qui flamboyaient dans l'ombre.
"Tu penses que… ma réaction est due… à notre baiser ? "
"Oui ? "
"Est-ce que je t'ai donné l'impression de ne pas être consentant ? "
"Tu as déchiqueté une couverture et les draps dessous en t'écartant violemment de moi ? "
"Avant ça."
Cid ouvrit la bouche.
Avant ça…
Avant ça, Vincent lui avait pratiquement arraché son tee-shirt. Et faisait des choses très intéressantes avec sa langue.
"Hm… non."
"Cid… je te jure que si… si je pouvais… nous serions toujours sur le lit… et j'aurais encore ma langue dans ta bouche... si pas ailleurs."
"Ah," finit par dire le pilote avant de se racler la gorge.
L'image mentale aurait été bienvenue en d'autres circonstances. Foutue imagination visuelle.
"C'est pas toi," finit par expliquer Vincent en se redressant, "c'est pas ta faute."
"Alors… pourquoi tu as…"
Vincent commença par montrer son ventre d'un geste avant de réaliser.
Cid ne l'avait jamais vu dénudé.
Enfin. Si. Une fois[11].
Mais il avait très rapidement décidé de regarder au-dessus des épaules de Vincent. Une habitude qu'il conservait d'ailleurs. Même dans le vestiaire, il regardait ostensiblement ailleurs chaque fois que Vincent devait enfiler ou retirer son uniforme d'Avalanche ou se détournait quand Vincent s'habillait dans leur chambre.
Vincent alluma l'ampoule au-dessus du lavabo et se tourna vers Cid, retirant la main qui cachait son ventre.
Il vit Cid pâlir quand il réalisa ce qu'étaient les formes plus claires sur le torse de Vincent.
"Hojo," se contenta de dire Vincent, "je n'avais pas… réalisé que ce serait un problème."
Donc, c'était ça que Shera avait lu dans le dossier de Vincent.
Régénération intensive d'organes.
Pour ça il fallait les retirer d'abord.
Et, étonnamment, ça rassurait Cid.
Enfin, il n'était pas sûr que ça le rassure. Comme disait Edgar : C'est vraiment un combat de merde qu'on mène quand on en vient à être soulagé qu'une horreur arrive à la place d'une autre.
Cid faisait encore des cauchemars du huitième pilier et de l'éventration qu'il avait subi, pas étonnant que Vincent ait réagi comme ça quand il l'avait touché.
Pas étonnant que Vincent ait réagi comme ça quand il avait vu ses blessures.
"Merde," finit par déclarer Cid.
"C'est mon opinion, en effet."
"Pas de culbute ce soir, hein ? " murmura Cid.
"J'en suis le premier déçu," répondit Vincent.
Et Cid était le second. Il vit Vincent se diriger vers la porte de la petite salle de bain et il recula dans la chambre pour ne pas envahir son espace vital.
Du coup de ce fut son espace vital à lui qui fut envahi quand Vincent posa ses mains sur ses bras et pencha la tête, l'immobilisant le temps de lui donner un long baiser.
"Laisse-moi… un peu de temps," fini-t-il par souffler après le baiser, "et je te promets qu'on réessayera."
Cid resta à regarder le dos de Vincent qui retournait près des lits, ramassant ses vêtements.
Un peu de temps ?
Ok. Sans problème. Il pouvait faire ça.
Il pouvait...
Il pouvait voir Vincent achever de se déshabiller pour se mettre au lit.
Ça allait être un peu de temps très long de son point de vue.
"J'entends la daytona," annonça Zack du canapé qu'il partageait avec Vossler et Cloud, tous les trois devant un match de blitzball.
Yuffie et Shera furent immédiatement hors de leurs chaises et dans le garage, l'adolescente ouvrant la porte pour laisser passer la moto et ses occupants.
"Okaeri ! "
"Tadaima," répondit Vincent en retirant son casque.
Shera lui jeta un regard noir, debout devant eux et les poings sur les hanches.
"Je t'ai ramené Cid en un morceau," déclara précipitamment Vincent.
"Et du thé burmécien," ajouta Cid en retirant son propre casque.
"Siddhe Haifin, je vais te tuer."
Vincent profita que Shera et Cid commençaient à se chamailler dans leur langue maternelle pour s'esquiver discrètement, laissant Yuffie l'approcher en ricanant.
"Tu m'as ramené un souvenir de Burmécia ? " réclama l'adolescente.
"On a dû quitter la ville un peu précipitamment, je n'ai pas pu faire les boutiques," déclara Vincent avant de sortir un petit aéronef en peluche de son sac, le tendant à l'adolescente.
"Souvenir de Porte Nord," lut Yuffie sur l'étiquette en ricanant. "Je plaisantais, mais merci ! "
Elle serra le bras de Vincent contre elle et il se laissa faire calmement, s'enhardissant à poser un petit baiser au sommet de son crâne.
"Comment ça s'est passé ? " murmura Yuffie.
"Aussi agréablement qu'un calcul rénal," répondit Vincent sur le même ton.
Yuffie grimaça et suivit Vincent dans la pièce principale où le reste d'Avalanche les accueillit. Presque tout le monde était là, sauf le trio, probablement en train de passer le weekend chez Biggs ou Wedge, comme ils le faisaient souvent pour avoir un peu d'intimité. Les jumeaux étaient sur le canapé avec Vossler, Aérith dans la cuisine avec Elmyra à goûter les plats pour le repas de midi. Red était sur son canapé avec Cait qui, entendant la voix de son maître, passa sur les genoux de Vossler, Zack, puis Cloud, distribuant généreusement ses poils sur eux avant de sauter d'un bond sur l'épaule de Vincent.
"Salut Vince ! " lança Zack par-dessus le dossier du canapé.
"Pas trop de morts côté Burmécien ? " s'enquit Barret, moitié plaisantant, moitié sérieux, Marlène sur les genoux en train de déchiffrer ses pages de lecture.
Le samedi, c'était la journée corvée avant le repos total du dimanche et visiblement, Yuffie et Marlène étaient en train de réviser ou faire leurs devoirs. Il espérait que Yuffie ne lui demande pas d'aide. Même en wutan il n'avait pas son niveau et au vu des mystérieux sigles sur son cahier, c'était soit une matière magique obscure, soit des maths.
"Pas que je sache," finit par déclarer Vincent alors que Yuffie allait montrer sa peluche à Marlène.
"Et tu vas présenter des excuses à Reeve immédiatement pour t'être barré sans prévenir ! " retentit la voix de Shera comme Cid et elle arrivaient à leur tour.
"Oui Shera, j'y vais tout de suite," ronchonna son frère en refermant la porte derrière eux. "Bonjour, tout le monde."
"Hé, Cid ! "
"Highwind," salua Vossler.
"Ça va mieux ? " demanda Cloud.
"Histoire de famille," soupira Cid.
"Condoléance," offrit Vossler avec une grimace.
"On n'a pas réussi à retenir ton père, désolé," s'excusa Zack, "mais ça a été ? "
Cid jeta un petit regard inquiet à sa sœur, hésitant visiblement à répondre devant Vossler et Vincent décida de voler à son secours.
"Ah, au fait, j'ai quelque chose à dire…" commença-t-il, attendant que tout le monde se tourne vers lui.
Il vit Cid attraper rapidement son PHS, sous le regard dubitatif de sa sœur et lui laissa quelques secondes avant d'achever.
"Je suis bisexuel et vous devrez faire de gros efforts pour me choquer avec votre vie sexuelle, il faudra probablement impliquer des chocobos."
Il y eut un silence. Puis le bruit de l'appareil photo venant du PHS de Cid.
"Ça aurait été possible de me prévenir avant ? ! " s'exclama Barret, qui avait soupiré à 'bisexuel', glapit à 'vie sexuelle' et bouché les oreilles de sa fille juste avant la mention des chocobos.
"CID ! " s'écria Shera.
"Je n'ai RIEN fait ! " protesta le pilote en levant les mains, "faut que je parle à Reeve ! ".
"Ok, heu, moi je savais déjà," commença Zack, "mais pourquoi t'a décidé de le dire tout haut ? "
"Mais comment tu savais, Zack ? " s'exclama Yuffie.
"J'ai essayé de le choquer quand il est arrivé à Avalanche."
"Ça a marché ? " demanda Vossler.
"Non," répondit Vincent.
"Mais il m'a donné plein d'idées ! Tu te souviens Aérith ? C'était en avril, la fois où je suis arrivé chez toi et tes parents n'étaient pas là ? [12]"
"Zack ! " s'exclama Barret.
Aérith fixa Zack du regard quelques secondes avant d'approcher de Vincent lentement et venir passer ses bras autour de lui, posant sa joue sur son torse.
"Merci," déclara-t-elle avec ferveur.
"OK. Qu'est-ce que vous mettez dans leur nourriture ? " demanda très sérieusement Vossler à Elmyra.
"Je ne pensais pas que les galettes d'ochu avaient un tel potentiel aphrodisiaque," rétorqua la cuisinière avec un regard vers la poêle.
"Est-ce que je veux savoir de quoi vous parlez pour en arriver à cette suite de mots ? " s'inquiéta Reeve en entendant Elmyra au moment où Cid ouvrait la porte.
"Probablement pas," admit Cid en refermant derrière lui. "Vincent vient juste d'annoncer son orientation sexuelle."
"Zack a raison," soupira Reeve en faisant signe à Cid de s'asseoir, "la vie à Seventh Heaven n'est qu'un soap opéra en continu."
"Tu ne veux pas savoir ? "
Le directeur d'Avalanche eut un petit rire narquois et rangea un dossier, puis alluma son téléphone pour lancer une playlist avant de répondre.
"Cid, voici MON orientation sexuelle : Pas intéressé, quoi qu'on me propose. Asexuel," précisa Reeve devant le regard intrigué de Cid.
"Oh."
"Tu voulais me parler ? " reprit Reeve en changeant de sujet.
Cid hocha la tête, se frottant la nuque.
"Je… suis désolé d'être parti sans prévenir et d'avoir fait une scène comme ça avec… les Burméciens. J'espère que tu n'as pas eu d'ennuis avec eux."
Reeve l'observa longuement avant de répondre.
"Ils sont repassés plusieurs fois, mais n'ont pas réussi à convaincre Elmyra de les laisser entrer pour fouiller Seventh Heaven a ta recherche. Il a fallu que je leur fasse comprendre que le bâtiment est une caserne militaire de Shinra pour qu'ils abandonnent."
"Bravo pour avoir fait changer d'avis des Burméciens."
"J'ai utilisé des gros mots comme 'incident diplomatique' et 'escalade des conflits'," déclara Reeve d'un ton sarcastique.
"Putain, à ce point-là ? "
"Tu es un citoyen de Midgar et un employé de Shinra, Cid, malgré tout le bien que tu en penses. Si une puissance étrangère en vient à la tentative d'enlèvement, ça peut vite dégénérer."
"Je n'avais pas pensé à ça," admit Cid.
"Et je n'aurais pas hésité à le faire jouer pour assurer ta sécurité. Cid… je sais que tu me considères comme ton boss et que tu n'aimes pas que j'aie réquisitionné Shera pour son travail, mais…"
Il hésita brièvement avant d'avoir un petit sourire.
"J'aime à penser que tu es mon ami."
"Merci, Reeve."
"Je t'en prie. Tu penses qu'ils reviendront ? "
"En tout cas, je crois qu'ils ne reviendront pas me demander faire des petits dragoons à toutes les filles pubères de Burmécia."
"Oh," marmonna Reeve, "c'est pour ça qu'ils…"
"En résumant, oui."
"Et tu…"
"As refusé. Fermement. Reeve, la plus vieille devait avoir l'âge d'Aérith."
Reeve afficha la même expression horrifiée que Cid dans le temple.
"C'est…"
"Les histoires de clans, ce n'est pas toujours… fraternité guerrière et combat glorieux," soupira Cid, "parfois c'est mesquinerie et politique pourrie. "
Il n'avait pas vraiment réussi à dormir la nuit précédente, merci à cet allumeur de Vincent, et avait donc passé plusieurs heures à réfléchir à beaucoup de choses.
Y compris et surtout sur le fait de continuer à cacher qui il était à Avalanche.
Ascendance dragonne non comprise.
"Et de toute façon, j'aurais probablement trouvé leurs pères plus intéressants et de ma tranche d'âge."
La réaction de Reeve ne fut pas celle qu'il attendait.
"Ah. Tu as décidé de l'afficher ? "
Cid cligna des yeux.
"Attends… tu le savais ?»
Reeve lui jeta un regard las et ouvrit un tiroir avant de sortir un dossier épais au nom de Cid.
"Quand tu as décidé de t'incruster à Avalanche, Jessie et moi avons mené une enquête sur toi, comme je le fais à chaque recrutement."
Il le posa devant Cid.
"Ton dossier militaire a été… instructif."
Ce qui signifiait que Reeve avait eu accès à tous les blâmes, à tous les rappels à l'ordre qui avaient été faits à Cid et son équipage, à toutes les conneries qu'on leur avait reprochées, y compris et surtout leur insubordination et leurs vies sexuelles aventureuses.
Et il avait quand même choisi de les engager.
"Mais… pourquoi tu n'as rien dit ? "
"Parce que c'est ta vie privée, Cid. Je n'ai pas à t'obliger à te cacher ou à t'afficher, c'est ton choix."
Reeve reprit le dossier de Cid et le rangea à sa place.
"Tant que ton travail est fait, que tu continues de te battre au mieux et que ce n'est pas 'amour, gloire et matéria' dans le salon, tu peux avoir autant d'amants que tu veux : Ce ne sont pas mes affaires."
"J'ai pas…" commença Cid, "putain Reeve, j'ai plus de vie sexuelle depuis des mois ! "
"Et je ne veux pas savoir non plus ! " rétorqua Reeve d'un ton guilleret.
[1] L'apparence de ce Bahamut est inspirée par celle de Bahamut ZÉRO de FF7 qui est un de mes favoris de tous les FF, à part celui de FFX qui est classieux, mais impossible à dessiner.
[2] L'apparence humaine, c'est YOLO en revanche. Imaginez Cid en plus grand, avec les cheveux plus longs et un nez pas cassé. Et rasé aussi.
[3] HA HA HA HA HA.
[4] Décompte du nombre de fois où tout le monde croit que Cid et Vincent sont amants : 5
[5] Etoile. Petit surnom affectueux que Kaïn donne à Estrela. Et aussi une traduction littérale du nom d'Estrela.
[6] Vincent. Paille, poutre, tout ça.
[7] Oui, je sais, le nom réel est Diabolos, mais comment voulez-vous prendre un Ancien au sérieux s'il a le nom d'un cocktail même pas alcoolisé ?
[8] PUTAIN ENFIN !
[9] Ou un an et quelques, selon la chronologie.
[10] Déso, pas déso ^^ oui, tout ça pour leur casser leur coup, c'est ma spécialité.
[11] Et de l'avis de tous les concernés : ça ne comptait pas
[12] Voir Boules de Neige chapitre 4 : Mako mode d'emploi
