Chapitre 39 - Prise de conscience

Résumé :
Le retour à Midgar et à la civilisation devrait être plus tranquille que le demi-fiasco de Daguerreo mais Vincent découvre que malgré la destruction de sa tablette funéraire, sa scoumoune ne va pas en s'arrangeant.
Bien au contraire.
Mais si ça peut le rassurer, Séphiroth n'a pas une meilleure journée pour autant.

Personnages :
Team Shinra, Team Turk, Team Avalanche.

Tags spécifiques au chapitre :
Discussion de couple, Séphiroth se réveille, bonne nouvelle, mauvaise nouvelle ? , les Turks tentent de rendre leur chef barjo, longue tradition chez les Turks, émotionnellement Vincent a 26 ans, parfois ça se sent.


"Bonjour, Professeur."
Gast se tourna vers la voix. Celà faisait dix ans que les Turks protégeaient sa famille et il avait vécu quelques mois avec Vincent dont le jeu favori était de faire sursauter ses protégés à Nibelheim, aussi ne cillait-il presque plus quand une voix inattendue se faisait entendre.
Ça vexait énormément Reno.
"Bonjour Monsieur le Directeur," répondit Gast en voyant le jeune Shinra arriver, Umbra et Rude sur les talons.
"Comment… Va-t-il ?"
"Les dernières analyses sont bonnes," expliqua le professeur en désignant la fenêtre les séparant de la chambre du général. " La présence des cellules de Jénova est pratiquement indécelable désormais, mais je préfère continuer le planning des injections anti-virale jusqu'à être sûr qu'il n'en reste plus une seule capable de se multiplier."
"Vous êtes sûr que... c'est bon ? Ça ne reviendra pas ? "
"Selon l'évolution du sujet test, c'est même certain. Maintenant… Ni l'un, ni l'autre n'ont repris conscience."
"Que craignez-vous ?"
"L'influence des cellules de la Cetra sur… Comment dire ? "
Il soupira, cherchant à expliquer de façon simple, tapotant du stylo sur sa planche de notes.
"Séphiroth a rejeté des masses de cellules qui étaient logées dans son corps, autant dans ses muscles que dans ses organes, le cerveau compris."
"Vous craignez que… ça ait un effet sur lui ? "
"Sur sa personnalité. Sur ses capacités mentales. Nous n'avons aucun recul à ce stade. Est-ce que vous pensez pouvoir…" commença le vieil homme en désignant sa tête.
"Je ne peux pas lire l'esprit de Séphiroth," coupa Rufus d'un ton ferme.
"Vous… ne pouvez pas ? "
"Non, je n'ai jamais réussi. Je ne pouvais pas lire celui d... de son père non plus. Ça doit être un trait familial."
"Monsieur, si je peux me permettre."
"Dites-moi, Rude ? "
"Vous l'avez senti venir pourtant." s'étonna Rude.
Rufus jeta un petit regard à Umbra qui pencha la tête.
"Comment dire… C'est comme… nager et sentir qu'il y a des poissons autour de vous, qui vous touchent parfois, mais ne pas arriver à les attraper ? Je sais que quelqu'un est là, mais je n'arrive pas forcément à le lire."
"C'est courant ? "
"Ça arrive. Je n'ai pas d'explication. Umbra et moi avons appris à utiliser nos pouvoirs seuls, peut être qu'une darkstar pure souche le saurait. Mais le... le vieux professeur a fait détruire toutes celles qui avaient été capturées..."
Il approcha de la vitre, contemplant l'homme endormi sur le lit d'hôpital. Madame Falmis était assise près de lui, l'observant dormir avec un froncement de sourcil soucieux.
"Quels sont les risques ? "
"Si son cerveau a été endommagé par les rejets… Peut-être qu'il ne se réveillera pas. Peut-être qu'il se réveillera mais restera très diminué, tant physiquement que mentalement. Ou peut-être que tout ira bien..."
Le vieil homme soupira en secouant la tête.
"Je suis désolé, je n'ai aucune réponse claire. Ce genre de thérapie est très expérimentale."
"Quand pourrons-nous nous faire une idée de… son réveil ? "
"Physiquement, il sera en pleine santé et débarrassé des cellules parasites d'ici quelques jours."
Rufus hocha la tête. Il vit la femme du Professeur tourner la tête vers lui et le regarder.
"Très bien. Tenez moi au courant quand ce moment arrivera. nous aviserons."
"Oui, Monsieur."
Gast regarda le jeune homme repartir, suivi par son garde du corps. Une fois le président et son entourage sortit, Ifalna le rejoignit, retirant son masque. Elle vint à ses côtés, passant son bras autour de celui de son mari.
"Comment va-t-il ? " demanda le professeur.
"Il rêve."
"Il rêve ? " répéta Gast, stupéfait.
"Je ne pourrais pas te dire de quoi. Mais il rêve. Il est en paix."
Ifalna hocha la tête, puis posa la joue sur l'épaule de Gast, fermant les yeux.
"Je suis fatiguée."
"Moi aussi," admit Gast avec un petit baiser sur son crâne, "mais c'est bientôt fini."
"Aérith revient," murmura Ifalna.
"Ça y est ? "
"Elle est… perturbée."
"À quel sujet ? "
"Je ne lis pas les pensées, moi," rétorqua sa femme avec un petit sourire, "mais je vais faire mieux."
"C'est-à-dire ?"
"Lui parler."


Évidemment, Vincent eut droit à des remontrances dès qu'il eut remis le pied dans le Haut Vent.
De la part de Barret, de Shera et même Reeve, par PHS interposé.
Et comme promis à Aérith, il alla parler à Maître Cid.
Il passa certains détails sous silence (l'existence de la bibliothèque, le fait que son Père et un de ses frères étaient des Anciens, l'identité de la Calamité…) mais parvint à faire un résumé presque correct à Cid.
"Tu sais, ça explique beaucoup de choses à ton sujet," commenta le vieil homme quand Vincent cessa de parler.
Assis sur la couchette du vieil homme, Vincent fronça les sourcils avant de se souvenir de parler.
"Pardon ? "
"De l'âge de dix à dix-sept ans, tu as vécu avec un frère abusif qui a tenté de te mutiler, rien que ça peut laisser des séquelles."
Dis comme ça, Vincent ne pouvait pas le contredire.
"Et ensuite, tu es arrivé dans une ville douteuse sur un continent inconnu où tu as dû te débrouiller seul avant d'être recruté par les Turks qui ne sont pas forcément les personnes les plus aptes à inspirer la confiance. Sans offense."
Vincent ne pouvait se sentir offensé vu que c'était dans la description du poste.
"Je passerais sur ce qui s'est passé à Nibelheim."
"Merci."
"Tu m'étonnes que tu aies du mal à accorder ta confiance."
"C'est juste…" commença Vincent avant de réaliser qu'il ne savait pas comment finir sa phrase.
"Je te donnerais le même conseil qu'à Zack. Réfléchis cinq secondes par mot."
"Oui," murmura Vincent avant d'appliquer le conseil.
La cabine de Maître Cid était parfaitement rangée, ce qui était probablement plus pratique pour le vieil homme. Il y avait bien quelques livres en braille sur la tablette qui lui servait de bureau, et une tablette avec un clavier adapté connecté dessus, mais à part ça, rien ne traînait.
Même les tasses et la bouilloire avaient été soigneusement rangées avant que Maître Cid ne lui prépare une boisson chaude.
"Je… veux faire confiance… mais…"
"Ce n'est pas facile de changer les habitudes de toute une vie."
"Non," admit Vincent.
"Tu as déjà la volonté de vouloir les changer. C'est une grosse partie du travail. Ça viendra, ne t'en fait pas. Tu en es où dans le livre ? "
'Psychologie et réinsertion des prisonniers de guerre' était une lecture intéressante et très stimulante d'un point de vue intellectuel.
Et Vincent avait décidé de ne le lire que quand ses insomnies étaient de toutes façons déjà invaincues. Au moins, il avait une raison pour rester éveiller et ne surtout pas se rendormir sous peine de cauchemar.
"La lecture est… difficile."
"Je continue de chercher s'il existe des ouvrages plus adaptés mais pour l'instant… Je peux essayer dans d'autres langues, à part le wutan et le commun, quelles langues comprends-tu ? "
"Gongan, Costan, j'ai des notions d'Alexandriote mais rien de littéraire, mon maduin est très rouillé, je peux négocier en Al Bhed et commander une bière… ah et je sais jurer en Burmécien," ajouta-t-il avec une pointe d'humour.
"Me demande ou tu as appris ça," ricana Maître Cid, "je vais regarder, alors."
Quelqu'un frappa à la porte de la cabine et Vincent se leva aussitôt.
"Maître Cid ? " retentit la voix de Luca, de l'autre côté de la porte, "c'est l'heure de votre quart."
"Ah, j'y vais Luca, merci, va dormir. Bon, Vincent, désolé, mais le devoir m'appelle."
"Merci d'avoir accepté de m'écouter," répondit Vincent en ramassant sa tasse.
"Merci d'avoir eu le courage de me parler."
"Je me charge des tasses."
"Ah c'est bien aimable."
Quand Vincent arriva à la cambuse, elle était vide et il n'y avait plus de café, aussi en refit-il, par habitude.
D'ailleurs à peine la cafetière pleine du breuvage frais qu'il fut rejoint par un couple encore à moitié endormi.
"Ça sent le café," marmonna Balthier.
Le jeune homme n'était pas rasé et ses cheveux étaient encore en bataille, il venait visiblement de se réveiller pour prendre son quart.
"J'ai peur de faire un café assez fort," prévint Vincent.
"Pas grave. Nigra kiel nokto kaj peko[1], c'est le meilleur."
Il ne portait pas son orthèse, Fran étant en train de démêler ses composants, et la main gauche du jeune homme était repliée sur elle-même, ses doigts crispés par sa peau cicatrisée et tendue.
"Est-ce que ça fait mal ? " demanda Vincent en lui tendant une tasse.
"Seulement les jours en i," répondit Balthier, s'attirant un regard de sa compagne, " et vous ? " demanda Balthier en désignant le gant de Vincent d'un signe du menton.
"Mutation. C'est de naissance."
"Je serais curieux de voir ça," déclara Balthier, son sourire redevenant charmeur au fur et à mesure que le café entrait dans son estomac.
"Ta main," demanda Fran.
Balthier la lui tendit et elle enfila l'orthèse avec aisance, rendant sa mobilité à Balthier.
"Merci ma belle," fit-il avec un baiser sur ses doigts.
"Félicitations pour l'accréditation au fait."
"Merci, mais c'était pas difficile," rétorqua pompeusement Balthier.
Fran roula des yeux avant d'accepter une tasse de café de Vincent.
"Je croyais que vous étiez en formation…"
"Nan, je pilote depuis des années, j'ai juste moins l'habitude de gérer les grandes dames. A part Fran."
"Je suis une dame, maintenant ? " rétorqua sa compagne.
"Tu seras toujours Ma Première Dame," roucoula Balthier de son accent alexandriote.
Visiblement, le charme de Balthier était inefficace sur Fran. Ou elle avait développé une résistance au fil du temps. Elle se contenta de rassembler son épaisse chevelure et commença à la natter en prévision de son propre quart.
"Et de votre côté, les dames ? " reprit Balthier à l'intention de Vincent.
"J'ai peur que la dernière dame qu'il y ait eu reste la dernière," répondit Vincent.
"Mauvaise expérience ? "
"On peut dire ça," admit Vincent.
"J'ai donc toujours mes chances ? " s'enquit innocemment Balthier en finissant son café.
Cette fois, Fran lui donna un petit coup sur le torse du dos de la main avec un regard mi-las, mi-affectueux
"Quoi ? Ils ne sont pas ensemble pour l'instant…" protesta Balthier.
La viéra fixa pensivement Vincent de ses yeux brun chaud avant de tendre sa tasse à son compagnon, approchant de Vincent de son pas chaloupé.
Le Turk était à peu près sûr qu'elle n'allait pas lui faire de mal, mais il devait avouer que, toute élégante et lapinesque qu'elle soit, Fran donnait parfois l'impression d'être un prédateur. Il se redressa imperceptiblement, tâchant de reprendre quelques centimètres face à elle et la viéra en profita pour fourrer son nez dans son cou.
Hm.
Vincent avait déjà eu des partenaires entreprenants, mais jamais aussi… directs.
Il posa sa main démoniaque, celle qui ne tenait pas sa tasse, sur le bras de Fran, s'apprêtant à la repousser aussi délicatement que possible quand il l'entendit flairer son odeur.
Il ferma les yeux en soupirant avant de les rouvrir, regardant Balthier qui assistait à la scène avec un grand sourire ravi.
"À quel point le nez des viéras est-il fin ? "
"Très," répondit l'alexandriote, hilare.
"Ils dorment ensemble," finit par déclarer Fran en se redressant.
"J'aurais répondu à une question directe," rétorqua Vincent.
"Mais ils ne baisent pas," acheva la viéra en s'écartant.
"Vous ne pouvez pas garder vos mains pour vous une fois dans votre vie ? " intervint la voix fatiguée d'Edgar.
Balthier sursauta, mais Fran et Vincent se contentèrent de tourner la tête vers le chef-mécanicien.
Celui-ci se tenait sur le pas de la porte, pour une fois appuyé sur une béquille. Si Vincent se souvenait bien du planning des quarts, il était de surveillance de la salle des machines et finissait en même temps que Cid.
"Balth, on t'attend au poste de pilotage, dépêche-toi que le Capitaine puisse aller pioncer."
"Oui, Ed ! " lança Balthier en posant sa tasse dans l'évier.
"Fran, aux machines, Mus t'y attends déjà, surveillez la section 3-E, y'a un bruit j'ai l'impression alors ouvre grand tes oreilles."
La viéra hocha la tête, se détourna de Vincent, et le couple infernal disparut, laissant Vincent et Edgar dans la cambuse.
"Qu'est-ce qu'ils ont fait ? " s'enquit Edgar en boitant vers la table, cherchant la boîte à son nom contenant son repas.
"Ils vérifiaient mon célibat. Tout va bien ? "
Edgar se laissa tomber sur une chaise et posa sa béquille contre la table avant d'attraper son dîner.
"Les fins de journée sont plus difficiles," déclara-t-il en guise d'explication, "je suis censé l'utiliser plus souvent mais…"
Le blond chercha ses mots brièvement.
"Pas devant Cid ? " acheva Vincent à sa place.
Edgar interrompit son geste, restant quelques secondes le couvercle dans la main, dévisageant Vincent.
"Qu'est-ce qu'il vous a dit ? "
"Il m'a parlé de Baralaï et Nooj," déclara Vincent avec un regard vers la béquille. "Et de... l'accident."
"Putain, si vous pouvez arriver à le persuader que c'était un accident, je vous embrasse."
"Ce n'est pas le cas ? "
"Bien sûr que si. Mais autant j'apprécie Cid…"
Vincent haussa un sourcil amusé. De ce qu'il avait compris, ça avait été plus que de l'appréciation professionnelle et amicale entre les deux blonds.
"Autant il m'agace à croire que tout ce qui nous arrive est sa faute. On est assez grand pour merder seuls."
Il prit un des sandwichs qui l'attendait et commença à manger d'un air agacé.
"Donc… vous et Cid ? " reprit Edgar d'un ton neutre.
"C'est… en négociation."
"Shera en pense quoi ? "
"Elle… n'approuve pas."
"Le prenez pas personnellement, elle est un poil hyper protectrice."
"J'ai cru comprendre en effet. Et vous ? Qu'est-ce que vous en pensez ? "
"Qu'est-ce que vous en avez à faire de mon opinion ? "
"Vous êtes un ami et un ancien amant de Cid."
"Ah ça aussi, il vous a dit…"
"Non. Je l'ai deviné. C'est rare d'avoir des vêtements de son Capitaine dans son armoire."
Edgar grogna et se redressa, attrapant une boîte au nom de Cid et la jetant à Vincent.
"Je vais vous dire ce que j'en pense. J'en pense que vous allez lui apporter son repas, parce que le connaissant, il est allé direct au pieu, vous allez le faire manger, le mettre au lit et vous par-dessus."
Vincent attrapa la boite avec un petit sourire. Apparemment, il avait la bénédiction d'Edgar. Et peut-être de Fran, il n'était pas sûr.
"Merci."
"Ouais, ouais, filez."


Cid était en train de se déshabiller quand on toqua à sa porte.
"Edgar, va chier et va dormir, je mangerais plus tard," grommela Cid en ouvrant la porte.
Le Turk sur le pas de sa porte eut un petit sourire amusé.
"Il fait souvent ça ? "
"La mère poule ? Ouais, il a élevé son frère, ça lui prend parfois de me materner."
Vincent lui tendit son repas et entra, fermant la porte derrière lui.
Il y avait visiblement des avantages à être Capitaine. La cabine de Cid était presque trois fois plus grande que celles des membres d'équipage, il avait une petite salle de bain privée, une table, un écran qui lui permettait de suivre en direct la progression du Haut Vent et les conditions météo, et un lit vissé au sol, comme dans la cabine de Darril et Setzer.
Vincent s'y sentit tout de suite mieux, grâce à l'espace.
Le pilote s'assit sur sa chaise, jetant un regard amusé à Vincent avant d'entamer son repas, avec visiblement plus d'appétit qu'il le prétendait.
Il observa Cid dévorer son repas, toujours torse nu. Il fallait avouer que la vue était intéressante, surtout depuis que la libido de Vincent commençait à se réveiller. Il y avait des jours où il se sentait de nouveau normal, à regarder Cid et avoir soudain envie de poser ses mains sur lui, ses lèvres sur les siennes, à vouloir l'entraîner dans son lit ou se glisser dans le sien…
Mais dès que Cid essayait de le toucher, les souvenirs revenaient et la panique remplaçait le désir aussi rapidement qu'on soufflerait une flamme de bougie.
Cid était d'une patience extraordinaire. Vincent n'était pas sûr qu'il aurait pu en faire preuve. D'ailleurs, il perdait un peu patience envers lui-même. Mais pas Cid. Dès qu'il sentait que Vincent se crispait, il reculait, lui laissant de l'espace, l'aidant à reprendre son calme.
"Hé. Ça va ? "
Vincent releva les yeux, croisant le regard bleu de Cid.
"Tu voulais qu'on parle."
"Ouais."
Il leva les yeux vers Vincent.
Il lui avait fallu un moment pour arriver à discerner les différentes émotions chez Vincent, mais ça commençait à venir. Le brun gardait toujours une expression soigneusement neutre, un reste de son entraînement Turk peut être, ou bien une habitude prise à Daguerreo. Gigastein avait été pareil.
Il se tenait debout, appuyé de la hanche sur la table, les bras croisés.
Mais sous son gant, sa main de démon tressaillait par à coup. Cid avait envie de le prendre par la taille et l'asseoir sur ses genoux, de le calmer, le rassurer…
Mais ils devaient résoudre certains points d'abord.
"Je vais être honnête, Vince… on s'est peut-être un peu précipité tous les deux."
Ça commençait mal. Mais Cid avait raison. Ils étaient passés d'amis à d'éventuels amants en… deux jours ? Ça n'était pas le record absolu de Vincent, mais ses relations dans cette catégorie avaient plus été des coups du soir que… Que quoi que ce soit qu'il y ait entre lui et Cid.
"J'étais partant pour juste baiser," admit Cid, "tu sais, amis avec affinité ? "
"Les plans cul existaient déjà il y a trente ans," lui rappela Vincent, amusé malgré lui.
"L'histoire c'est pas mon truc," rétorqua Cid.
"Et tu ne veux plus ? " reprit Vincent d'un ton hésitant.
Cid plongea la main dans ses cheveux, hésitant visiblement avant de répondre.
"C'est ce que je voulais. Maintenant…"
Il soupira longuement.
"Je… Shera a raison, je m'implique trop. Je m'attache trop. À toi."
Il faudrait peut-être qu'il se rende à l'évidence, Shera avait souvent raison concernant sa vie amoureuse. Pas toujours, mais souvent.
Elle avait eu raison sur Nooj en tout cas.
"Je l'ai déjà fait, trop m'attacher."
"Nooj," devina Vincent.
Cid hocha la tête, regardant son repas entamé comme si c'était la chose la plus fascinante de la pièce.
"Ça lui arrivait de disparaître des jours et de ne revenir que pour les missions, couvert de bleus et de gnons. Il cherchait la bagarre en permanence, ne prenait pas soin de lui, prenait des risques inconsidérés, et, et..."
"Comme moi," murmura Vincent.
Cid hocha la tête. Les trois-quarts, si pas toutes les disputes entre Nooj et lui avaient été à cause de l'attitude du brun. Et à force de se disputer, de se quitter, de se rabibocher, et recommencer aussi sec, Cid avait fini par réaliser que leur relation était tout sauf saine.
Quitter Nooj, définitivement en tout cas, avait été difficile.
Et le crash avait eu lieu quelques mois plus tard.
Étonnement, ça n'avait pas aidé à tirer un trait sur lui plus facilement.
"Je veux pas refaire ça. Je veux pas revivre ça."
Vincent hocha la tête.
Ce n'était pas exactement la façon dont Vincent pensait finir la journée. Il avait espéré… Attendre que Shera soit de quart pour rejoindre Cid, en profiter pour passer un moment avec lui, peut-être dormir ensemble…
Il ne pouvait pas tenir rigueur à Cid de ne pas vouloir s'engager dans une relation… Compliqué n'était probablement même pas un mot assez fort pour décrire quoique ce soit impliquant Vincent.
Cependant, il manqua de sursauter quand Cid lui prit le poignet, serrant son bras démon dans sa main.
"Alors avant qu'on aille plus loin, je veux que me dises ce que toi tu veux."
"Tu veux… moi ? "
Pourvu que Hel n'apprenne jamais un tel étalage d'éloquence. Cid se contenta de sourire.
"Panique pas, je te mets pas au pied du mur. Réfléchis-y et dis-moi dès que tu sauras."
Il allait effectivement falloir que Vincent y réfléchisse longuement parce qu'il n'avait pas la moindre idée de quoi répondre.
Il n'avait pas non plus la moindre idée de comment le trouver.
"D'accord," finit-il par répondre.
Cid lâcha sa main.
Et... ça voulait probablement dire que ce n'était pas une bonne idée de passer la nuit dans la cabine de Cid.
Bon.
Et bien sa vie tournait au soap opéra en plus du film d'horreur, du thriller et de la série fantastique du samedi soir.
Le scénariste devait fonctionner à l'hyper et écrivait comme un pied de son point de vue[2].
"Dors bien."
"Toi aussi."
Vincent en doutait. La journée avait été... riche en évènements. Et en émotions.
Il allait juste reprendre son livre dans la cabine de Luca et essayer de trouver un coin où lire.
Quand ils arrivèrent à Midgar le lendemain, il n'avait pas réussi à dormir de la nuit.


"Je ne sais pas si j'aime beaucoup l'idée de laisser des preuves à quelqu'un qui n'existe officiellement pas," déclara Reeve dès qu'ils furent dans son bureau, après qu'Elmyra les ai tous nourris et abreuvés dignement.
Barret et Vincent lui faisaient un rapide débrief sur les événements des trois derniers jours et arrivaient au moment de la rencontre avec Diablos.
"Je suis à peu près sûr que Père a une existence officielle," rétorqua Vincent.
"Vraiment ?" s'étonna Reeve.
"Officielle. Je n'ai pas dit légale," précisa Vincent.
"Titans, c'est de famille ? " marmonna Barret, assis dans son fauteuil devant le bureau de Reeve.
Vincent hocha la tête. Son père était un intellectuel, il n'allait pas le nier. Mais il avait aussi peu de remords à voler, piller ou tuer si le secret des Anciens était en danger d'être découvert. Et comme il l'avait mentionné aux jumeaux, explorer et entretenir des temples oubliés était un de ses passe-temps, que ce soit pour réparer des pièges, mettre les trésors à l'abri (dans Daguerreo, évidemment) ou s'arranger pour que des expéditions archéologiques humaines échouent avant de découvrir des secrets trop délicats.
Vincent, Hel et une grande quantité de leurs frères et sœurs avaient été conçus lors de voyages de ce type, après tout. Et certains érudits avaient été ramenés à Daguerreo de la même manière. La mère de Gigas, par exemple.
Ce n'était pas vraiment étonnant que Vincent et Hel aient souvent les doigts qui démangeaient ou que Gigas ait été capable de faire des faux papiers dès l'âge de quinze ans. Il se demandait un peu dans quel domaine Galian allait se distinguer.
"Tu penses qu'on peut lui faire confiance ? "
"Avec l'apparition de la Calamité, oui. Il ne veut qu'en débarrasser Gaïa."
"Et ça, je ne sais pas comment l'expliquer à Shinra," reprit Reeve avec un soupir.
"C'est quoi au juste cette Calamité ? " reprit Barret.
"C'est… En fait... même les Anciens ne savaient pas exactement. Une minute."
Vincent ouvrit la porte du bureau et jeta un coup d'œil dans la pièce principale avant de trouver Aérith, assise sur le canapé entre les jumeaux, la tête de Zack sur les genoux.
"Aérith ? Peux-tu venir ? "
"J'arrive."
Après quelques minutes de lutte avec Zack qui, endormi, pesait une demi-tonne, cheveux compris, Aérith parvint à se dégager et rejoindre les trois hommes dans le bureau. Vincent remit le sort de silence et lui fit signe de s'asseoir.
"Est-ce que tu sais quelque chose de particulier sur la Calamité ? "
La guérisseuse tirailla une de ses mèches en se mordillant les lèvres.
"C'est… une chose venue du ciel."
"Une chose ? "
"Il n'y a pas de mots pour la Calamité. Pas de nom. Même la Calamité ou le Fléau, c'est un nom que nous lui donnons."
"Chaque clan a un nom différent," expliqua Vincent, "Sora kara kita yakusai en wutan. Hörmung himinsins pour les Burméciens. Calamitas de Caelo pour les Maduins."
"Bedstviye s nebes," murmura Aérith, "il n'a pas de nom."
"Il ? " répéta Barret, "je croyais que c'était une elle ? "
"Il va falloir tout dire ? " demanda Aérith.
"Si on doit lutter contre, il vaudrait mieux," rétorqua Vincent.
La guérisseuse soupira mais hocha la tête.
"La Calamité est arrivée sur Gaïa quand une météorite s'est écrasée sur la Terre Fertile."
"Grand Glacier," précisa Vincent.
"Et au début, personne ne le soupçonnait d'être mauvais," continua Aérith. "Il est arrivé blessé, les Cetras l'ont accueilli et soigné…"
"Elle prétendait venir de la lune."
"Et les morts ont commencé. Petit à petit au début, des cetras qui s'endormaient et ne se réveillaient pas, d'autres qui commençaient à agir de manière étrange. Violente."
"Père dit… que c'était comme une contamination. Un parasitage ou… quelque chose comme ça. Qu'il suffisait d'être touché pour être…"
"Corrompu," acheva Aérith, "pour devenir sa marionnette. Minerva… a cru l'avoir tué une première fois. Elle a détruit son corps avec Sacre."
"Donc elle… il peut être détruit ? " résuma Reeve.
"Oui… et non. S'il reste une seule personne contaminée… elle devient la Calamité."
"Et Minerva a été contaminée," acheva Aérith.
"Oh… Titans," murmura Barret. "la Déesse Morte… C'est comme ça qu'elle…"
Aérith hocha la tête.
"En étant dans le corps de Minerva, la Calamité pouvait accéder à la Rivière de la Vie, et elle a commencé à vider la planète de sa substance, de son âme. Dans un dernier sursaut, Minerva a créé Alexander, une Arme capable de fermer les accès au sang de la planète et il a verrouillé toutes les sources de la Rivière de la Terre Fertile, coupant la Calamité du reste de Gaïa."
"Après ça, ce fut la guerre," ajouta Vincent, "tous les Anciens contre la Calamité, essayant de l'empêcher de sortir de la Terre Fertile par tous les moyens. Il y a eu plusieurs vagues d'attaques, la Calamité a envoyé ses esclaves sur les autres continents pour capturer d'autres Anciens, plus puissants, pour infiltrer leurs rangs… Mon clan a été décimé ainsi. Les dragons aussi…"
"Il y a eu une dernière bataille. Pour essayer de l'arrêter. Les Anciens des Eaux ont retiré l'eau des océans pour la jeter sur la Terre Fertile et Shiva a créé le Grand Glacier avec. C'est tout ce que je sais. Après, les histoires de ma famille parlent de la lutte pour survivre dans le froid"
"Bahamut a démembré la Calamité," reprit Vincent, " puis elle a été enterrée sous des tonnes de débris, de roches et de glace. Mon père l'a vu. Il… m'a montré ses souvenirs."
"Et c'est… c'est le cetra… c'est Jénova ? " corrigea Aérith.
"Oui. Je l'ai reconnu. C'est le spécimen qu'ils ont étudié à Nibelheim."
Barret et Reeve échangèrent un regard effaré.
"Je vais avoir du mal à expliquer ça à Shinra," murmura Reeve.
"Surtout sans mentionner le moindre Ancien," ajouta Barret.
"Peut-être… qu'on peut mentir ? " suggéra Aérith.
Tous les regards se tournèrent vers Vincent. Il aurait pu se sentir vexé s'il n'avait pas déjà réfléchi à ce qui pourrait être dit.
"Parlez d'une vieille légende Cetra comme quoi un des leurs a été corrompu et enterré vivant à Grand Glacier pour protéger la planète. Que par hasard, c'est lui qui a été déterré et utilisé pour l'expérience et qu'Hojo tente de récupérer pour faire ses mutants."
"Le pire, c'est que ça n'est presque pas un mensonge," marmonna Barret, stupéfait.
"Les meilleurs mensonges se basent sur la vérité."
"Bon, faites-moi un rapport écrit sur ce que vous avez trouvé au Cap de l'Espoir, dès qu'on a les traductions, on avisera de ce qu'on dira à Shinra. J'espère qu'elles arriveront vite."
"Père était motivé. Je pense qu'il ne devrait pas tarder à finir."
"Et… Prévenez le Professeur Falmis. Qu'on voit s'il ne sait rien d'autre au sujet du spécimen Jénova qui pourrait aider. Discrètement ? "
"Promis, chef ! " répondit Aérith en se levant, "pour l'instant, ils sont toujours à la Tour, mais Maman m'a dit qu'ils rentraient bientôt."
"Qu'est-ce qu'ils faisaient à la Tour au juste ? "
"Un des projets de Papa est en cours d'achèvement et le Président voulait le garder sur place, du coup elle s'est incrustée."
Vincent garda le silence, fronçant les sourcils.
"Séphiroth ? "
"Elle a refusé de m'en dire plus. Mais je vais la cuisiner là-dessus."
"Tu vas t'y casser les dents," murmura Vincent.


Tseng observait le déroulé des opérations de l'autre côté du miroir sans tain.
Les assistants du Professeur Gast étaient en train de débrancher les dernières machines, achevant de les sortir de la chambre tandis que des infirmiers changeaient la blouse du patient pour un pyjama.
L'homme était toujours inerte, mais Tseng devait avouer que par rapport à son état lors de sa capture, il semblait en bien meilleure forme.
"Il a toujours le teint d'une taupe des taudis," marmonna Reno en arrivant près de Tseng.
Si Tseng devait en croire les rapports d'Avalanche, le Général avait passé douze ans sous l'eau, dans les poumons d'une bête techno-biologique, à ne voir la lumière du jour que pour aller exterminer des villages à la surface.
Et la moitié du temps, de nuit.
Pas étonnant donc que la définition de Reno soit aussi juste.
"Je ne me rappelle pas que ton teint était plus soutenu, Reno."
Le rouquin eut un de ses sourires carnassiers.
"La viande rouge et crue, y'a que ça de vrai pour avoir bonne mine."
"Où en sont-ils ? "
"La chambre est prête. J'ai fait un passage pour vérifier les micros et caméras, Rude monte la garde en l'attendant. Ils vont le transférer dès qu'ils ont fini de le resaper."
"Parfait."
"Boss ? Tu crois que Super Boss est sûr de lui ? " demanda Reno, baissant la voix jusqu'à ne pouvoir être entendu que de Tseng.
Et ça, c'était une question que Tseng se posait régulièrement depuis que Rufus avait pris le pouvoir.
Que le Président avait pris le pouvoir, corrigea-t-il intérieurement.
Autant il gérait la société et les relations diplomatiques avec la même efficacité que son père officiel, voire plus d'efficacité, vu qu'il ne passait pas un quart de son temps à courir les secrétaires, ses décisions secrètes avaient moins de sens.
Feu Shinra avait été un bâtard, mais strictement du point de vue de la survie de la société et Midgar, il avait eu des décisions logiques.
Et Rufus… le Jeune Shinra…
Tseng avait du mal à appliquer ce mot au jeune homme, mais Rufus faisait preuve d'un sentimentalisme déplacé dès que le Général était concerné. Si la rumeur de l'existence de Séphiroth au sein de la Tour Shinra venait à se répandre, les relations diplomatiques avec les autres Pays et Cité États allaient s'envenimer.
Et avec Galbadia, Bevelle et Gongaga qui commençaient à relever la tête, ce n'était pas le bon moment.
La survie du Général devait rester secrète. Et le secret, c'était le travail des Turks.
"Elena sera assignée à sa protection," déclara Tseng sans quitter les infirmiers du regard.
"Permission de protester ?" demanda Reno.
"Non."
Tseng aimait ça aussi peu que Reno et Rude, mais Elena était le meilleur choix pour ce rôle. Elle avait l'air sans défense, fragile et Tseng soupçonnait que son côté gaffeur était en partie simulé, mais elle avait aussi l'habitude des augmentés, par son amitié avec Valentine et… ses dernières conquêtes amoureuses.
Elena avait pris l'ordre de collaborer plus étroitement avec les SOLDATs au pied de la lettre.
Et les SOLDATs adoraient la petite blonde en costume qui venait échanger des ragots avec eux sans les craindre.
Surtout un certain troisième classe blond amateur de moto et de record de vitesse.
"C'est pas parce que son mec est un SOLDAT que ça la met plus à l'abri…" grommela Reno.
"Reno, Elena est une adulte, laisse-la gérer ses affaires avec Roche."
"Elle est plus avec Roche," rétorqua le rouquin, "elle fait des yeux doux à Grim maintenant."
Rude devait être ravi, soupira Tseng en se frottant le front de l'index. Il allait falloir qu'il ait une discussion avec Fon Ronsenburg et Elena.
"Au moins, elle a laissé tomber l'idée de courir après Valentine," continua Reno en contemplant les infirmiers tenter d'enfiler un pantalon au Général. "Soulagé Boss ? "
"Très."


"Je suis rentrée ! "
"Je suis dans le salon ! " répondit la voix de son père.
Oh, Minerva.
Aérith jeta son sac sur le banc de l'entrée, accrocha son manteau aux armes d'Avalanche et se débarrassa rapidement de ses chaussures, avant de se ruer dans le salon, retrouvant son père.
Il allait bien.
Il avait bonne mine, le teint frais malgré les cernes sous ses yeux, toujours présentes mais moins marquées que dans les quelques derniers mois. Il était rasé de frais aussi, sa moustache enfin sous contrôle et avait une tasse de thé à la main, lisant une publication scientifique quelconque.
Il posa sa lecture sur l'accoudoir de son fauteuil et se leva en la voyant entrer, un sourire aux lèvres sous sa moustache.
"Bonjour ma poupette, comment s'est passé…"
Il n'eut pas le temps de finir qu'il avait sa fille dans les bras.
Il n'était pas grand, mais Ifalna était petite et Aérith était juste entre eux deux.
Et pour être entièrement honnête, la différence se jouait à quelques centimètres seulement.
Hojo a été plus grand que lui. Lucrécia avait été plus grande que lui avec ses talons vertigineux. Et ne parlons pas de Vincent qui avait culminé loin au-dessus d'eux dès le premier jour.
Aérith plaisantait souvent qu'elle n'aurait rien dit contre à l'idée d'avoir un peu moins de centimètres à escalader pour embrasser Zack.
"Poussinette..."
"Est-ce que tu vas bien ?" murmura Aérith à son oreille.
Il resserra ses bras autour d'elle, posant sa main sur son crâne, comme quand elle était petite.
"Oui, ma poupette, ta mère y a veillé…"
Elle laissa échapper un petit rire au surnom enfantin avant de s'écarter, posant ses mains sur ses joues pour vérifier son état de santé.
C'était presque une blague parmi les conjoints de guérisseurs-nés. Ils t'auscultent avant de dire bonjour.
Et il faut les laisser faire à chaque fois.
"Je vais bien, je t'assure."
"Papa," commença Aérith avant de secouer la tête, "où est Maman ? Il faut que je vous parle à tous les deux !"
"Elle est allée prier votre Mère," répondit Gast.
"Très bien, allons-y alors," déclara Aérith avant d'entraîner son père vers l'entrée.
"Aérith, tu devrais peut-être ranger tes affaires et te changer d'abord, non ? "
La guérisseuse baissa les yeux sur sa tenue. Pantalon renforcé, bottes de combat, un tee-shirt à manche longue marqué du logo d'avalanche…
"Tu vas encore faire paniquer les voisins si tu t'agites en uniforme," lui rappela son père avec un petit sourire.
"Au moins, il n'y a pas de sang dessus, cette fois," marmonna Aérith en attrapant son sac.
"Tout le monde va bien ? " s'inquiéta aussitôt Gast.
"Malgré les efforts de Vincent pour avoir des ennuis, oui," répondit Aérith en montant les escaliers vers sa chambre.
"Qu'est-ce qu'il a fait cette fois ? " soupira Gast.


"Il n'a aucun sens de l'auto-préservation," déclara Gast quand ils arrivèrent à l'Église, bras dessus, bras dessous et Aérith vêtue d'une robe fleurie, un long gilet de laine sur les épaules.
"J'espère que Cid aura deux mots à ce sujet avec lui," grommela Aérith.
"Le Capitaine Highwind ? Décidément, ils sont très amis."
"Heu, oui, inséparable," marmonna Aérith en se mordant la lèvre.
Apparemment, la capacité de Zack à gaffer était contagieuse et tant que Vincent et Cid n'auraient pas décidé d'annoncer leur couple à la face du monde, elle préférait faire attention.
Avec de la chance, ce serait officiel avant les Jours Carbuncle, elle avait encore de la marge pour gagner son pari.
Aérith poussa la porte de l'Église, fit entrer son père et referma derrière eux.
Elle inspira longuement, respirant le parfum des fleurs avant de rouvrir les yeux.
"Bonjour, ma chérie," l'accueillit sa mère en se levant, son arrosoir à la main.
Elle avait vingt-deux, bientôt vingt-trois ans. Peut-être qu'un jour elle arrêterait de courir dans les bras de sa mère, mais pas aujourd'hui.
Cela faisait plusieurs jours qu'elles ne s'étaient pas vues et Aérith n'avait pas réalisé à quel point ça lui manquerait.
Un jour, elle quitterait la maison familiale pour de bon, pour vivre avec Zack, avoir leur propre foyer, mais…
Pour où ? Midgar ? Grand Glacier ? Nibelheim ? C'était quelque chose dont il faudrait qu'ils parlent Zack et elle.
Mais pas maintenant, pas tant qu'Avalanche devait combattre, pas tant que Cloud avait besoin d'eux.
Pas tant qu'Hojo serait encore à terroriser Gaïa.
Pas tant que la Calamité...
"Mama…"
"Je suis là, ma chérie," murmura Ifalna, caressant les cheveux de sa fille de sa main libre.
"Mama, il se passe quelque chose d'affreux…"


Hojo a fait quelque chose.
C'est la seule explication.
Maintenant que la guerre est finie, il n'y a pas d'autres raisons pour lesquelles il devrait se réveiller aussi meurtri.
Et que ça sente aussi fort les antiseptiques.
Il leva les mains, se frottant le visage, puis les écarta pour les observer.
Et quoi que ce soit, Hojo avait dû faire fort. Il avait mal jusque dans les doigts.
Qu'est-ce qui s'est passé cette fois ? C'était trop douloureux pour être de simples prélèvements, mais pas assez pour être de la mako…
Et il n'était pas dans sa cellule.
Ça fait maintenant un an... un an et demi qu'il n'y vit plus, maintenant que le Président lui a gracieusement donné son appartement à l'étage des SOLDATs mais Hojo essaye, à chaque fois, de le remettre là quand il doit passer pour un "checkup".
Et... ce n'est PAS sa cellule.
C'était presque aussi vide, mais ça n'était pas sa cellule. Il n'y a que le lit, une table de chevet et…
C'était tout.
Le lit est simple, un lit de laboratoire classique, mais à sa taille… Il peut s'y allonger de tout son long et ne toucher ni la tête, ni le pied, ce qui est un confort rare depuis sa dernière crise de croissance.
Basch avait à moitié plaisanté, avec ce sens de l'humour sarcastique qu'il partageait avec Vossler, que leur Petit Général ferait partie du club des grandes perches s'il continuait comme ça.
Il a des couvertures et des draps. Hojo ne s'encombre pas souvent de couvertures dans les cellules, soi-disant qu'il fait assez chaud comme ça. Il a fallu l'arrivée de Rufus, puis d'Umbra pour que Séphiroth découvre ce que c'était de dormir au chaud. Un enfant et une darkstar sont deux fournaises une fois endormis.
Et il avait un oreiller. Un vrai.
Il s'assit et manqua de briser son propre cou quand il fut brutalement retenu en arrière.
Un moment il se demanda si Hojo lui avait mis un collier et l'avait attaché au lit et il jura intérieurement que si c'est le cas, il le tuerait mais après quelques secondes de lutte, il réalisa que ce n'est pas un collier.
Il était juste allongé sur ses propres cheveux.
Qu'est-ce qui s'est passé ?
Il était habillé aussi.
Enfin, il était en pyjama. Un vrai. Une chemise à col croisé et un pantalon, simple, basique, mais pas la blouse qu'il doit porter quand il est au labo.
Quand Hojo daigne seulement lui en donner une.
Il parvint enfin à basculer hors du lit et libérer ses cheveux avant de se rasseoir, comme la pièce commençait à tourner autour de lui.
Bon.
Doucement.
Il était plus atteint qu'il le pensait.
Et c'était un peu inquiétant. D'habitude, il ne lui faut que quelques heures pour se remettre et… À l'odeur de son oreiller, il était dans ce lit depuis quelques jours.
Il reposa l'oreiller d'un geste rageur avant de rassembler ses cheveux par-dessus son épaule, évaluant leur longueur du regard.
Assis sur le lit, ils tombent sur ses genoux. Debout, ils devraient lui aller à peu près aux cuisses.
Dans ses derniers souvenirs, il les avait en dessous des épaules et regrettait de ne pas avoir demandé à Rufus de les lui couper avant son départ, pour un dernier doigt d'honneur à Hojo avant qu'il soit emmené en prison.
Il entendit la clinche de la porte se déverrouiller et se leva rapidement. Le vertige le reprit, mais plus brièvement cette fois et quand le nouvel arrivé entra, il avait de nouveau repris son équilibre.
"Bonjour, Général."
Il tourna la tête vers la jeune femme qui venait d'entrer, un plateau dans les mains.
Jeune. Blonde. Un sourire inoffensif aux lèvres. Costume noir. Une arme dans son holster sous le bras.
Une Turk.
Une Turk qu'il ne connaissait pas, et c'était pratiquement un hobby chez lui de démasquer les nouveaux Turks dès leur arrivée à la Tour.
"Je vous apporte un repas," déclara-t-elle en posant le plateau sur la table, restant hors de sa portée.
Elle devait avoir l'habitude des augmentés, elle bougeait juste à la lisière de sa mesure, juste assez loin pour qu'elle puisse s'écarter si un SOLDAT tentait de l'approcher.
Mais il n'était pas n'importe quel SOLDAT. À l'autre bout de la pièce, elle aurait déjà été trop proche.
Elle retira le couvercle du plateau et grimaça.
"Je suis désolée de la qualité, mais les médecins insistent pour que vous ne mangiez que des aliments faciles à digérer," ajouta-t-elle.
Soupe, purée, yaourt et compote donc.
Il avait connu pire.
"Je vous laisse déjeuner, Général, bon appétit ! " lança-t-elle avant de tourner les talons et retourner vers la porte.
Il fut sur elle au moment où la porte fut déverrouillée, une main en travers de sa bouche, retenant le battant de l'autre. La fermeture automatique fut aussitôt enclenchée, mais avec sa force, ce ne fut que l'affaire d'une secousse pour bloquer le mécanisme et le fausser suffisamment pour que la porte ne ferme plus. Il sentit les mains de la jeune femme sur son poignet et baissa les yeux sur elle.
Elle ne semblait pas effrayée. Elle s'était probablement attendue à ce qu'il en profite. Elle tira doucement sur un de ses doigts, l'incitant à lui lâcher la bouche.
"Général," commença-t-elle d'une voix calme.
"Où suis-je ? "
Elle sembla hésiter à répondre, jetant un petit regard vers la caméra.
Ils auraient bientôt de la compagnie.
Les Turks venaient toujours par deux.
"Général, nous ne vous voulons aucun mal…"
"Où suis-je ?"
"Tour Shinra. Étage 62."
Le laboratoire. Il aurait dû le savoir.
Il était dans le couloir la seconde suivante. Il n'y avait personne, juste les couloirs immacul…
Il fronça les sourcils.
Depuis quand les couloirs du département scientifique étaient peints en blanc ?
Non, ça n'avait pas d'importance.
Il fallait qu'il sorte.
Il fallait qu'il se mette à l'abri.
Avant que le Professeur revienne.


Rufus leva le nez de ses dossiers, le regard dans le vide. Dìs, sa secrétaire s'inquiéta aussitôt.
"Monsieur ? "
"Reportez mes prochains rendez-vous. J'ai un imprévu," déclara-t-il en se levant, sifflant Umbra qui se tenait près de la fenêtre, aux aguets.
Il ramassa son téléphone qui se chargeait sur un coin de son bureau au moment où celui-ci sonnait.
"Oui, Tseng ? "
... Président, le Général s'est enfui de sa cellule.
"Je m'en doutais. Il va probablement au niveau 50. Faites évacuer l'étage des civils avant qu'il arrive."
Bien, Monsieur.
"Que personne ne tente de l'arrêter."
... Bien, Monsieur.
Il raccrocha et se tourna vers Umbra qui l'observait.
"Moment de vérité, Umbra…"


Il n'avait rencontré personne.
Il avait juste vu une secrétaire près du bureau du Directeur du Département de la Recherche, mais il ne l'avait pas reconnue non plus.
Il avait réussi à se glisser dans la cage d'escalier sans attirer son attention.
Personne ne le suivait.
L'alarme n'avait pas été enclenchée.
Ce n'était pas normal.
Il se pencha dans la cage d'escalier, vérifiant que personne n'y montait la garde et manqua de manger ses propres cheveux.
Combien de temps était-il resté inconscient pour que ses cheveux poussent autant ?
Il secoua la tête et commença à descendre l'escalier, les sens aux aguets.
Rien.
Personne.
Personne pour l'empêcher d'ouvrir la porte d'accès du niveau 50.
Et personne là non plus.
Pas de gardien à l'entrée des logements privés des SOLDATs, même si une tablette traînait sur le bureau du concierge.
Il approcha, ramassant la tablette.
Son propriétaire ne pouvait pas être loin, non seulement sa coque était encore chaude de sa main, mais la tablette ne s'était même pas mise en pause.
On l'avait fait partir.
Il la reposa, se dirigeant vers la porte de l'aile des Premières Classes.
Une carte d'accès était posée en équilibre sur la serrure sécurisée.
Quelqu'un essayait de lui faciliter les choses.
Il prit la carte avec délicatesse. Il en avait trop cassé avec sa force, même les plus solides lui restaient en deux morceaux ou plus entre les doigts s'il ne faisait pas attention.
C'était une carte d'invité. Pas de photo, pas de nom. Juste un numéro et un code barre, qu'il scanna pour passer la porte.
Rien de l'autre côté de la porte.
Il entendit le tintement d'arrêt de l'ascenseur et avança d'un pas, fermant la porte derrière lui.
Personne dans le couloir.
Mais il entendait des battements de cœurs tout autour de lui.
Les SOLDATs étaient dans leurs appartements. Et quand il passa près des portes, il réalisa qu'ils étaient tous aux aguets, juste de l'autre côté des panneaux de bois.
Est-ce qu'ils attendaient le bon moment pour le frapper ? Pour le capturer ?
Il passa devant une porte, notant le nom sur la sonnette.
Fon Ronsenburg.
Basch ?
C'était impossible, il avait disparu dès que le laboratoire d'Hojo avait été rouvert, quand Morrow avait…
Séphiroth hésita, tendant la main vers la poignée.
Basch était là…
Il y avait un cœur battant de l'autre côté de la porte.
Il entendit la porte d'entrée de l'aile s'ouvrir et recula.
Sa chambre n'était pas loin. Il tourna au coin, arriva au fond du couloir…
Et posa la main sur sa porte.
Le numéro n'y était plus. La sonnette et son nom avaient été retirés. Quelqu'un l'avait repeinte et remplacé la serrure.
Les pas se rapprochaient.
Il passa la carte devant la nouvelle serrure et elle s'ouvrit.
C'était un piège. Ça ne pouvait être qu'un piège. C'était trop facile.
Il entra.
Son appartement était toujours là.
Avec tout ce qui avait changé, il s'était à moitié attendu à trouver quelqu'un d'autre dedans.
Il posa la carte par réflexe dans l'étagère vide poche à l'entrée. Son portefeuille y était.
Il allait même retirer ses chaussures quand il réalisa qu'il était toujours pieds nus.
Rien n'avait changé. Ou… à peine. Tout était à sa place.
Tout était normal dans le salon. Les photos étaient au mur. Le tapis à sa place. Il ouvrit le tiroir où il rangeait son armement.
Rien.
Ni Masamune, ni matéria.
Il le referma.
Le canapé était couvert de poils d'animaux.
C'était normal aussi.
Umbra y venait souvent faire la sieste, quand le ciel était trop couvert pour daigner libérer un rayon de soleil devant sa fenêtre favorite.
Il alla vers sa chambre.
Son sac était là, comme s'il venait juste de quitter la pièce. Il y avait toujours son PHS et son billet d'aérostat posés dessus.
Le billet était à moitié effacé par le temps.
La batterie du PHS était morte.
C'était comme s'il venait de quitter la pièce mais que des années s'étaient écoulées entre temps.
Il tira sur une de ses mèches.
Combien de temps pour que ses cheveux poussent autant ?
Il avisa la porte de la salle de bain et y entra.
Il n'avait jamais compris à quoi servait le grand miroir sur la porte de l'armoire.
Mais cette fois, ça lui serait utile.


Rufus entra dans l'appartement, Umbra sur les talons.
L'appartement était silencieux, mais ça ne voulait rien dire.
Et il savait que son propriétaire était dans la salle de bain.
Il retira sa veste et son manteau, enleva ses chaussures et se dirigea vers la bonne pièce, mais resta devant la porte entrouverte.
Il était là.
Des années qu'il attendait ça, mais il était enfin de retour à la maison.
Ou ce qui se rapprochait le plus d'une maison pour eux deux.
Il leva la main pour toquer.
"Entre," répondit une voix grave.
Elle était plus grave qu'il y a dix ans. Plus rocailleuse aussi, comme si son propriétaire n'avait plus l'habitude de parler.
Rufus poussa la porte.
Il se tenait devant le miroir de plain-pied, une main sur le verre.
Bon sang, qu'il était devenu grand. La salle de bain n'était pas celle des secondes classes, elle était plus grande, plus luxueuse, mais il prenait toute la place.
"Hey," fit Rufus en allant s'asseoir sur les toilettes.
"Hey," répondit l'homme, le regard fixé sur son reflet.
"Content de te revoir."
L'autre ne réagit pas, détaillant son image dans le miroir.
"Combien de temps ? " finit-t-il par dire de sa voix rocailleuse.
Rufus hésita à répondre, caressant le crâne d'Umbra qui patientait à ses côtés, n'attendant qu'un signe pour se jeter sur l'homme devant eux.
"Plus de douze ans. Bientôt treize."
Le miroir se fendit sur toute sa longueur et Rufus se redressa légèrement, prêt à bondir par la porte au cas où.
"Où est-t-il ? " gronda l'homme.
"Plus ici. Plus jamais."
L'homme aux longs cheveux argentés se tourna vers Rufus, rabattant le voile de sa chevelure en arrière d'un geste agacé. Les yeux verts tombèrent sur lui, l'observant attentivement.
La dernière fois que Séphiroth Hojo avait vu Rufus Shinra, ils avaient respectivement dix-huit et treize ans.
Séphiroth ne devait se souvenir que d'un adolescent blond aux cheveux trop longs qui lui tombaient sur les yeux, accompagné d'un chien qui lui allait à peine au-dessus des genoux.
Il avait devant lui un homme adulte, un énorme monstre bardé de chaînes à ses côtés.
"Rufus… Umbra."
Rufus retira sa main, laissant Umbra sauter sur Séphiroth, lui inondant les mains et le visage de grands coups de langues affectueux.
"Oh, Umbra. Ton haleine…"
"Lui brosser les crocs est toujours une gageure," déclara Rufus avec un petit sourire, se détendant.
"Douze ans," répéta Séphiroth en se regardant à nouveau dans le miroir brisé.
"Il y a du thé dans les placards. Tu en veux un ? " proposa Rufus.
Le SOLDAT lui jeta un petit regard dubitatif et Rufus sourit.
"Le thé ne date pas d'il y a douze ans. J'ai fait remplir les placards il y a quelques jours."
Il se leva et tira sur son pantalon avant de sortir de la salle de bain, faisant signe à Séphiroth de le suivre.
"Il y a aussi des vêtements dans le placard. À ta taille. Tu as encore grandi."
Séphiroth hocha la tête, se dirigeant vers le placard pour jeter un regard aux vêtements. Simple, mais solide et facile à enfiler. Sans se soucier de la présence de Rufus, il retira le pyjama qu'il portait avant de s'habiller.
Sous-vêtement. Jean noir. Pull noir.
"Toujours en noir," nota Rufus quand il le rejoignit dans la cuisine.
"Toujours en blanc," rétorqua Séphiroth après un regard à la chemise et au pantalon de Rufus.
Il s'assit au bar de sa cuisine, observant Rufus achever de préparer le thé et lui offrir une tasse.
"Qu'est-ce qui s'est passé ? "
"Les docteurs suggèrent que je devrais t'éviter des chocs consécutifs et qu'il faudrait que tu prennes le temps d'assimi…"
Séphiroth lui jeta un long regard par-dessus le bord de sa tasse. Rufus soupira.
"Mais tu n'as jamais aimé qu'on te ménage…" soupira Rufus avant de sortir son PHS. "Je vais demander à Elena qu'elle apporte ton plateau-repas ici."
"Je n'ai pas faim."
"Alors je n'ai pas envie de te raconter," rétorqua Rufus en s'asseyant à son tour pour boire son thé.
Séphiroth soupira et baissa les yeux vers Umbra, qui, pour une fois, n'avait pas la tête posée sur le genou de son maître, mais sur le sien. Il leva la main, la posant derrière une des longues oreilles de la darkstar qui se laissa faire, fermant les yeux avec bonheur.
Un petit sourire en coin fleurit sur les lèvres du SOLDAT.
Il disparut néanmoins rapidement.
"Douze ans tu as dit ? Que s'est-il passé ? "
"Le jour où… le jour où tu devais nous rejoindre à Costa Del Sol… Ton père s'est évanoui dans la nature. Le Tambour était dévasté, une grande partie de ses recherches ont été détruites. Les Pupilles de Shinra ont pratiquement tous disparu du jour au lendemain de la clinique où ils étaient rassemblés."
Rufus jeta un regard au fond de sa tasse et décida de se resservir bien que la tasse soit encore à demi-pleine.
"Tu as disparu."
Quelqu'un toqua à la porte et Rufus se redressa, reprenant rapidement une expression froide et autoritaire. Séphiroth l'imita aussitôt, relâchant Umbra qui se coucha au sol.
"Entrez."
La jeune Turk blonde obtempéra, le plateau à la main.
"Messieurs."
Elle approcha du bar et posa le plateau sur l'extrémité du comptoir avant se reculer d'un pas, les mains dans le dos.
"Avez-vous besoin d'autre chose, Monsieur le Président ? "
"Merci Elena, pourriez-vous monter la garde dans le couloir, je vous prie ? "
"Bien sûr, Monsieur. Général," salua la jeune femme avant de faire demi-tour et sortir de l'appartement.
"Les Turks sont de plus en plus jeunes," commenta Séphiroth une fois la porte fermée.
"Elena est plus compétente qu'elle n'essaye d'en donner l'impression, méfie-toi d'elle," conseilla Rufus en attrapant un des plats pour le poser devant Séphiroth.
"Et donc, j'ai disparu."
"Mange et je te raconte."
Avec un petit soupir, Séphiroth obtempéra, jetant un regard las à l'assiette devant lui.
"Deux ans après, Wutaï est attaqué par un monstre géant. Le réacteur est détruit, et la méga matéria qui se développait dedans est volée."
"Hojo ? "
"Oui. Il a utilisé Sin."
Il en fallait beaucoup pour couper l'appétit de Séphiroth, surtout après la guerre de Wutaï, mais parler de Sin semblait fonctionner.
"Oh, Mana," marmonna le général en reposant sa fourchette, "je croyais qu'il l'avait détruit…"
"Le Président aussi. Il y a beaucoup de choses qu'il était censé faire et qui ne l'ont pas été. Sin est maintenant son arme et son laboratoire sous-marin."
"Il est dedans ? "
"Je te ferai lire les rapports d'Avalanche, ils ont découvert des éléments… perturbants."
La purée resterait visiblement intouchée. Rufus se leva pour resservir une tasse de thé au Général. Umbra se redressa, venant reposer sa tête sur la cuisse de Séphiroth avec un soupir.
"Wutaï… Est détruite ? " reprit Séphiroth.
"Une partie de la ville a été détruite en effet. La zone du réacteur est désormais contaminée. Mais ce ne fut pas la seule. Winhill et Besaid ont été attaquées par Sin, leurs réacteurs pillés. Heureusement à Besaid, les habitants ont pu être évacués… Winhill a été… rasée. Il n'y a eu qu'un seul survivant. Corel Nord, Canyon Cosmo ont été pillés par des squa... par des monstres du Professeur qu'on nomme Squames. Ils lui permettent d'attaquer plus dans les terres qu'avec Sin."
La soupe passait aussi mal, réalisa Rufus quand Séphiroth reposa sa cuillère.
"Alexandria a été attaquée il y a bientôt deux ans, mais les Alexandriotes ont réussi à repousser les squames. Tu sais comment ils sont."
"Aussi coriace que leurs murailles."
"Et menteurs, ne les croient surtout pas quand ils disent que l'invocation est un art disparu à Alexandria. Costa del Sol, Junon, Gongaga, les deux moitiés de Wutai, Mideel, sont souvent attaquées par des invasions de squames. Ils détruisent tout, pillent les réserves de nourriture, emportent… des vivants et des morts pour servir de sujet d'expériences à Hojo. Fort Condor et Bevelle ont signé une alliance pour protéger leurs côtes en commun."
"Oh, les Yévonites doivent adorer devoir faire alliance avec des païens," marmonna Séphiroth.
"Comme tu t'en doutes. Galbadia et Esthar renforcent leurs liens diplomatiques en ce moment et ça m'inquiète, mais ils protègent la côte est d'Estérie. Et à Midgar et Kalm… Heureusement, nous avons Avalanche."
"Avalanche," répéta Séphiroth en jetant un coup d'œil au yaourt sur le plateau.
Rufus le glissa vers lui avec un regard ferme.
"Mange."
Le général obtempéra avec tout l'enthousiasme que la dégustation d'un yaourt nature pouvait susciter.
"Avalanche est une unité spéciale formée pour lutter contre les invasions de squames. Nous avons un mur qui protège la ville, mais… disons que l'ancien responsable de la sécurité était… incompétent."
"Heidegger ? "
"Mot-clef : était. Il est mort en octobre."
"Enfin une bonne nouvelle. Et nous sommes en ? "
"Début décembre."
"Donc, une unité spéciale… des SOLDATS ? "
"Mieux. Ou pire selon les directeurs. Tu te souviens de Tuesti ? "
Séphiroth fronça les sourcils essayant de se remémorer qui ce nom lui évoquait.
"Hm… L'architecte prodige ? Celui qui a amélioré le rendement des réacteurs Mako ? "
"Lui-même. Il est maintenant Directeur du Département d'aménagement urbain et a fondé, financé et géré Avalanche. C'est grâce à eux que tu as été maîtrisé."
"Ils doivent être puissants."
"Tu n'as pas idée. La moitié d'entre eux sont des rescapés des labos d'... des labos de ton père, ou des attaques de ses monstres, le reste n'est pas moins remonté. Mais comme ils ont tendance à fourrer leur nez dans les affaires de Shinra pour essayer de débusquer le Professeur, le vieux les tenaient avec une laisse très courte. Il a même tenté de les refiler à Heidegger.
"Aïe."
"Ça n'as pas marché, tu noteras."
"D'où son décès prématuré ? "
"Et tragique."
Rufus but tranquillement sa tasse sans quitter Séphiroth du regard.
"Qu'est-ce que tu as fait ? " s'enquit le Général d'un ton soupçonneux.
"J'ai saisi une opportunité pour rééquilibrer le conseil."
"Tu as tué Heidegger."
"Je te jure que non. Les Turks s'en sont chargé sur ordre du vieux."
Umbra laissa échapper un petit gémissement déçu quand Séphiroth cessa de la gratouiller derrière l'oreille.
"Le Président ? Et il ne t'a rien dit ?"
Le jeune blond posa sa tasse délicatement. Il allait peut-être éviter d'informer Séphiroth sur les conséquences immédiates de la mort de Heidegger. Le SOLDAT avait tendance à lui reprocher son manque de prudence à l'époque.
"Tu as tenu ta promesse."
"Je l'ai tué ? "
"Il y a quelques semaines."
"J'aimerais m'en souvenir," déclara froidement le général avant de jeter un petit regard à Rufus, "des séquelles ? "
"J'attendais sa mort depuis vingt ans, tu crois que je n'ai pas pris de précautions ? " rétorqua Rufus.
"Et tu es…"
"Le nouveau président Shinra," répondit Rufus avec un sourire satisfait.
"J'espère qu'il le sait du fond de la Rivière de la Vie."
"De même," déclara Rufus avant de poser la compote devant Séphiroth, " allez, un petit effort."
"Je n'ai pas faim…"
"Tu dois… tu dois te réhabituer à manger."
Séphiroth reprit la cuillère et jeta un regard désabusé à la substance gluante au fond de la coupelle. Selon lui, ça méritait à peine le nom de nourriture. Depuis Wutaï et sa découverte de la vraie nourriture, celle qu'on mangeait hors du laboratoire, il supportait de moins en moins les rations qu'Hojo lui faisait avaler, sans goût, sans texture, sans… rien. Juste de la nutrition.
Il avait presque pleuré le jour où Basch et Vossler lui avaient fait goûter un curry pour la première fois.
Bon, il avait pleuré, mais ça avait été les épices et il avait fini son assiette.
"Me réhabituer ?" nota-t-il soudain.
"Tu as été examiné par… des médecins et guérisseurs. Ton corps était dans un état optimum mais… visiblement, tu as été nourri par injection pendant des années."
"Je vais le tuer," déclara calmement Séphiroth.
"Prend un numéro, vous êtes plusieurs dizaines à vouloir le faire directement."
"Qu'est-ce qu'il m'a fait ? "
"Le Docteur Highwind-Mist… la biologiste d'Avalanche a une théorie au sujet d'un des spécimens de… de ton père… Le spécimen Jénova."
"Jénova," répéta doucement Séphiroth d'un ton pensif.
"Ça te dit quelque chose ? "
"Oui. C'était le nom de ma mère."
"Hm," fit Rufus en prenant une gorgée de thé.
"Rufus."
Le blond tourna la tête vers Séphiroth, le dévisageant calmement.
"Oui ? "
"Qu'est-ce que tu me caches ? "
Parfois, Rufus s'était demandé si Séphiroth n'avait pas lui aussi des pouvoirs mentaux, mais il lui avait expliqué, il y a longtemps, que le battement de cœur de Rufus avait tendance à s'emballer quand il mentait.
Ça n'avait pas changé.
"Des informations potentiellement… perturbantes pour toi."
"Plus ou moins que grandir dans un laboratoire et servir de rat de labo à son propre père ? "
"Est-ce que c'est lui qui t'a dit le nom de ta mère ? " coupa Rufus.
Le Général opina. Rufus échangea un regard avec Umbra qui hocha la tête avant de la reposer sur le genou de Séphiroth.
"Il a menti."
Cette fois le Général soupira en secouant la tête.
"Je n'en suis même pas surpris. Qui… est ma mère ? "
Rufus soupira. Il allait devoir fournir les dossiers Nibelheim à Séphiroth et appréhendait un peu sa réaction.
"Le Docteur Lucrécia Crescent. Elle travaillait avec le professeur Falmis et le Professeur Hojo."
"Il ne ment pas sans raison. Pourquoi mentir sur le nom de ma mère ? Pourquoi me faire croire que ma mère s'appelait Jénova ? "
"Je n'ai jamais pu entrer dans sa tête, même si je le voulais," rétorqua Rufus.
"Qui est Jénova ? "
"Et ça, c'est un peu ce que tout le monde voudrait savoir. Officiellement, c'est un Cetra qui a été découvert lors d'un forage à Grand Glacier."
"Un Cetra ? Vivant ?"
L'expression de Rufus se ferma.
"Rufus."
"Le terme vivant est ici... ouvert à interprétation. Moitié congelé, moitié fossilisé. Certaines de ses cellules ont survécu et… ont été injectées à des sujets."
"Moi…"
"Oui et non. Ta mère. Quand elle était enceinte de toi."
La tasse s'effrita dans les doigts de Séphiroth.
Ça commençait à devenir inquiétant, jugea Rufus en se levant pour aller chercher de quoi éponger. Quand la magie native de Séph avait commencé à se manifester, il avait dû apprendre à la maîtriser, à la contenir.
À contrôler ses émotions.
Soit sa magie était devenue encore plus sensible… soit c'était la maîtrise de ses émotions qui commençait à lui échapper.
"Ça suffit pour aujourd'hui," décida Rufus en nettoyant le comptoir.
"Je veux…"
"Séph. Je sais. Mais… tu te remets tout juste, j'ai… nous avons cru que tu allais…"
"Nous ? "
"Le professeur Falmis. Il est revenu aussi…"
Séphiroth se leva vivement, se retenant aux épaules de Rufus quand il sentit soudain la pièce tanguer.
"Il est vivant ? ! "
"Séph, doucement," objecta Rufus en le faisant rasseoir. "Oui, il est vivant, il a échappé à plusieurs tentatives de meurtre du Président et d'... du Professeur en se cachant à Grand Glacier."
"Je veux le voir."
"Séph, il te veille depuis des semaines, il est épuisé et… sa femme est terrifiante."
"Il est marié ? " s'étonna Séphiroth.
C'était peut-être ça la plus grande surprise des dernières minutes. Professeur Gast J'ai-Pas-Le-Temps-Pour-La-Gaudriole Falmis était marié ? !
"Écoute…" reprit Rufus d'un ton calme, "je vais lui transmettre le message que tu veux le voir et il te dira tout ça lui-même. Mais pas maintenant."
Rufus jeta un regard au plateau repas et nota que la moitié à peine avait disparu. Mais Séphiroth ne semblait pas en état de manger le reste. Il était pâle, les épaules basses. Le peu d'énergie qu'il avait eu à son réveil semblait épuisé par le simple fait de descendre une dizaine d'étages et discuter une petite heure.
"Tu as besoin de repos. Et je dois retourner travailler."
Séphiroth secoua violemment la tête.
"Ne m'oblige pas à retourner au laboratoire."
"Non. C'est promis. Tu peux rester ici. Personne ne te dérangera," déclara Rufus avant de tirer sur le bras de Séphiroth.
Il ne se faisait pas d'illusion, même adulte, il n'y avait aucun moyen pour lui de soulever Séphiroth. Surtout pas un Séphiroth qui avait enfin décidé de finir sa croissance à deux mètres, pile poil, et 90 kilos de muscles et de cheveux.
Avec l'aide du SOLDAT, il parvint à le maintenir debout suffisamment de temps pour retourner dans la chambre et l'aider à se mettre au lit.
"En revanche, tu ne dois pas sortir."
Séphiroth le fixa du regard quelques instants avant de reprendre.
"Pourquoi ? "
Rufus hésita à nouveau avant de répondre.
"J'ignores comment, mais H…Le Professeur t'envoyait avec les squames pour l'attaque des villes."
"Qu'est-ce que j'ai fait ? "
"Ce n'était pas toi. Je sais que ce n'était pas toi mais il te manipulait."
"Comme une marionnette…" soupira Séphiroth en sentant ses yeux se fermer.
"Je vais tout faire pour t'innocenter, mais pour l'instant… Reste dans ton appartement. Les Turks te protègeront et Umbra va rester avec toi."
Et Umbra confirma en grimpant sur le lit et se laissant tomber comme une masse sur Séphiroth, sa tête sur le ventre du SOLDAT.
"Ouf, Umbra ! "
"Tu pourrais me laisser le temps de te retirer ton collier ? " grommela Rufus en tendant les mains vers les boucles qui retenaient les chaînes.
Le temps qu'il ait fini, Séphiroth dormait, une main sur la nuque d'Umbra.
"Reste avec lui, d'accord ? "
Umbra soupira et il lui ouvrit son esprit, la laissant communiquer avec lui.
Bien-être. Satisfaction. Meute.
"Oui, il est rentré," murmura Rufus.
Il y eut comme un flash à l'arrière de son crâne.
Il vit l'escalier de la Tour, des mèches argentées flottant devant ses yeux.
Pas étonnant que Séph déteste avoir les cheveux longs, il n'y voyait rien avec ça devant le nez.
Il vit un homme à la peau sombre, aux cheveux gris argenté, qui le traînait par le bras, un couteau wutan planté dans l'autre, vers un autre homme, plus petit, blond, outrageusement grimé et douloureusement recroquevillé sur lui-même.
"Dès que… je remets la main… sur ce... cette SAUTERELLE humaine, je lui arrache les jambes ! "
"Ta gueule, Palazzo ! " gronda l'homme aux cheveux argentés avant de le lâcher.
"Ansem, sorcier de mon cœur, soigne-moi," gémit le blond en s'accrochant à son manteau, "je crois qu'il m'a brisé toutes les côtes."
"Pas question ! "
"Je retire le couteau dans ton épaule, en échange ? " proposa le blond en agitant les doigts vers l'arme plantée dans l'épaule d'Ansem.
"On verra ça à Sin ! Tu as les dossiers ? "
Rufus se redressa vivement, le mouvement brisant la connexion.
Il venait de voir un souvenir de Séph.
Il croisa le regard d'umbra qui s'était redressée et le fixait, les yeux écarquillés.
"Veille sur lui," ordonna Rufus, "je contacte le Professeur Falmis. Appelle-moi si jamais il y a du changement."
Umbra lui lécha les doigts d'un coup de langue avant de reposer la tête sur le ventre de Séphiroth.
Rufus jeta un regard à la chevelure du général avant de soupirer, la rassemblant pour faire une natte grossière.
"Et fait moi penser à trouver un sécateur pour lui couper ça."


[1] Noir comme la nuit et le péché en Alexandriote/Espéranto
[2] Hé ! ! !