Chapitre 53 : Jours de fêtes
Résumé :
Les jours carbuncles continuent, et Séphiroth comme Riku apprennent des notions qu'ils auraient dû avoir dès leur petite enfance si le monde autour d'eux étaient juste.
De l'importance de la famille, de faire la fête et d'un contrôle soigneux de la pyrotechnie.
Personnages :
Team Avalanche et les squatteurs
Tags spécifiques au chapitre :
Tradition culturelle, promis j'arrête le world building, un jour, Vincent devient un adulte mature, enfin il essaye, il fait un peu tout dans le désordre, Séphiroth a une famille, il ne sait pas trop quoi faire avec, Riku découvre les joies de se faire couver, heureusement ils ont Cid pour le référentiel normal, flash-back GORE, vous êtes prévenus.
"Hé, qu'est ce qui sent bon comme ça ? " s'étonna Zack en revenant à Seventh Heaven, Cloud et Nanaki sur les talons, tous trois couverts de copeaux de bois et de brin d'osiers.
"Okaeri," lança Vincent par réflexe.
"Ji-san fait de la soupe ! " s'exclama Riku, qui épluchait des curiels pour l'aider.
"Tu cuisines, toi ? " s'étonna Cloud en retirant la couverture nouée sur le dos de Nanaki, qui s'étira aussitôt avec délice.
"Madame Yusui m'a donné une recette," répondit Vincent.
Et, Minerva, merci, elle lui avait donné la version facile avec des ingrédients tout prêts. Rien que faire les mochis lui aurait pris des heures. Il se souvenait de sa mère et d'un de ses collègues en train de préparer les mochis dans la cour du quartier général de leur clan, en se chamaillant pour être celui qui maniait le maillet et pas celui qui devait retourner la pâte au risque de se faire écraser les doigts.
Que c'était bon d'arriver à se souvenir aussi facilement de son passé.
Du visage de sa mère.
"Tu le laisses faire ? " demanda Cloud à Elmyra qui, pour une fois, prenait du repos, assise sur le canapé avec un thé et un livre.
"Il a promis de ranger et nettoyer après lui."
"Qu'est-ce que tu prépares ? " demanda Zack en se penchant par-dessus Riku, fauchant un morceau de curiel au passage.
"Hé ! " protesta Riku.
"De l'ozoni," répondit Vincent en attrapant les doigts de Zack quand il tenta un second vol, "c'est un plat traditionnel des jours Carbuncles à Wutaï, une soupe avec des mochis grillés."
"Mochi…" répéta Riku, "je connais ce mot… Haru disait que ça lui manquait."
Vincent désigna un plat couvert à sa droite.
"C'est ça."
Zack souleva le couvercle, dévoilant des rectangles blanc et dur.
"Ça se mange ? "
"Pas tel quel. Ceux-là doivent être grillés mais il y en a d'autres, qui sont plus moelleux."
"On pourra goûter ? " demanda Cloud en arrivant à son tour, subtilisant aussi un morceau de curiel de la planche à découper de Riku.
Vincent jeta un coup d'œil à sa marmite.
Si les jumeaux arrêtaient de voler le curiel, il devrait y en avoir assez.
En fait…
Il avait peut-être vu un peu grand, mais la recette que Yusui-san lui avait donné était pour une famille complète, pas pour une ou deux personnes.
Ce n'était pas le but du plat d'ailleurs. Plus il était partagé, meilleur c'était.
Ça lui rappelait… À peine, il devait avoir sept ou huit ans la dernière fois, mais il se souvenait des Jours Carbuncles à Wutaï, avec le chef des chasseurs de prime qui préparait une marmite pour ses hommes en lui expliquant la tradition.
"Je... vais en faire plus…" décida Vincent, "est ce que vous pourriez aller acheter des mochis chez Yusui-san ? "
"On lui demande juste des mochis ? " demanda Cloud.
"Dites-lui juste que j'en ai besoin de plus pour l'ozoni, elle comprendra."
"Ok, on y va ! " s'exclama Zack.
Quand Yuffie arriva le soir à Seventh Heaven, elle escalada les marches du perron en grommelant sur ses getas et entrevit le visage de Cloud passer devant la fenêtre avant de disparaître, la porte s'ouvrant aussitôt.
"Tadaima, merci Cloud," soupira-t-elle en entrant, appréciant à nouveau la chaleur de leur caserne.
"C'est bon, Yuffie est là ! " s'exclama Cloud.
Le parfum de l'ozoni parvint aussitôt aux narines de Yuffie et elle se redressa, surprise.
"Va dire à Cid et Barret de commencer à griller les mochis," ordonna Vincent à Nanaki qui fila aussitôt dans la cour.
La table était mise, tous les bols de ramen sortis, Riku était en train de finir de les poser. Et Makoto était en cuisine. Et même pas pour préparer un thé ou un café.
"Okaeri, Yuffie."
"Tu as fait de l'ozoni ? ! " s'exclama Yuffie en retirant rapidement ses getas, les jetant près de la porte avant de se précipiter en cuisine, trottinant aussi vite que son kimono le lui permettait.
"Yusui-san m'a donné une recette. Je ne sais pas si j'ai fait comme il faut mais..."
Il y avait tout. Le bouillon, les légumes découpés un peu maladroitement, et Makoto était en train de finir de disposer les ingrédients dans un bol, aussi concentré que quand il était à son poste de sniper.
"Faut qu'ils soient grillés comment tes machins ? " demanda Cid en ouvrant la porte de derrière.
"Dorés."
"Noirs ! " rétorqua Yuffie.
"Dorés. Va te changer, on mange," ajouta Vincent.
Quand Yuffie revint après un changement de tenue express, les bols étaient servis. Même Red avait le sien et flairait longuement les arômes, penché sur sa gamelle.
"Ça sent bon, il y a du poisson ? "
"Des algues, c'est ce qui donne le goût du bouillon."
Barret jeta un coup d'œil atterré à son bol, mais Elmyra le fit taire d'une petite tape sur le bras tout en s'asseyant à côté de Marlène. Makoto, Aérith et Riku étaient en train de poser les mochis grillés dans les bols, sous le regard amusé des jumeaux.
"La vache, ca a gonflé ! " s'exclama Zack en soulevant son mochi entre ses baguettes, juste avant que l'aliment se dissolve entre les ustensiles, "AH ! Ça coule ! "
"Ne vous étouffez pas avec, mangez lentement," ajouta Yuffie en s'asseyant, attrapant les baguettes de Marlène et un élastique pour les adapter à ses petites mains.
"On peut s'étouffer avec ? " s'inquiéta Nanaki.
"Seulement si vous vous goinfrez."
C'était purement chaotique, loin de tous les repas d'ozoni guindé et cérémonieux que Yuffie avait connus avec sa famille. Cid prenait une photo de son bol pour l'envoyer à Shera, probablement pour la faire bisquer, Aérith, encore en uniforme, le nez rosit par le froid, se réchauffait les mains au-dessus de son bol, le trio échangeaient déjà les ingrédients selon les goûts de chacun, Barret lui tendait ses baguettes d'un air penaud pour qu'elle les adapte à sa main.
Elle leva els yeux, croisant le regard de Makoto qui s'asseyait en face d'elle, attrapant le mélange aux sept épices qu'il aimait tant pour en verser sur son bol.
"Aniki ? "
"Hm ? "
"Merci beaucoup."
"Je t'en prie petite sœur."
Le lendemain, une fois Elmyra et Barret rassurés sur le fait que ceux restant à Seventh Heaven seraient sages, avaient de quoi manger et sauraient survivre seuls trois jours sans détruire la caserne, ils partirent avec Marlène en direction du secteur 4, où les attendaient les parents d'Elmyra, ses frères, leurs femmes et leurs enfants.
"Tu crois qu'il survivra ? " demanda Zack.
"Tu faisais pas le malin la première fois que tu as rencontré Monsieur et Madame Falmis," rétorqua Cloud avec un regard taquin à son frère.
"J'aurais bien voulu voir ça," nota Vincent.
"Ah ! C'est l'heure, faut qu'on y aille ! " s'exclama Zack en attrapant sa veste.
"Vous allez où ? " demanda Riku.
"On fait partie de la course cette année," expliqua Cloud en prenant la sienne.
"Ça commence à quelle heure ? " demanda Cid.
"A midi, quand le soleil arrive au zénith."
"Faites attention à ne pas vous brûler," conseilla Vincent alors que les jumeaux entrainaient Nanaki dehors.
"Oui, oui ! "
La porte se referma.
"Je vais sortir le baume d'Elmyra ? " demanda Yuffie.
"Il vaut mieux," répondit Cid
"C'est quoi la course ? " demanda Riku.
En fin de matinée, ils étaient tous les quatre, plus Jessie, Wedge et Biggs, installés sur le porche avant de Seventh Heaven. Vincent, Yuffie et Riku disparaissaient sous des couches de vêtements, mais Cid restait veste ouverte, sa seule concession au froid étant une tasse de thé chaud qu'il tenait à la main.
Autour d'eux, la rue était noire de monde. Tous les habitants étaient sortis, installés sur leurs porches à siroter des boissons chaudes, plus ou moins alcoolisées, ou à entretenir les braseros de la rue. Les enfants couraient partout, faisant exploser des petits pétards liés en chapelet, leurs parents les interpellaient, des marchands ambulants proposaient des ballons, encore plus de pétards, des petits gadgets à l'effigie d'Ifrit, ou tout simplement diverses spécialités grillées. Toute la rue embaumait le feu de bois et les ventilateurs faisaient du zèle en dessous de la plaque pour évacuer le surplus de fumée.
"En fait, le jour du feu, il y a beaucoup de traditions liées au feu et à Ifrit. Des feux d'artifices, des pétards, des feux de joie," expliquait Cid.
On ne voyait de Riku que ses yeux et le bout de son nez qui dépassait de son bonnet et son écharpe, mais il était quand même tout ouïe.
"Et surtout, il y a la course et la roue. En gros, chaque ville construit une roue en osier ou en bois pour les Jours Carbuncles et le jour Ifrit, on y met le feu et on la fait rouler à travers la ville."
Riku fronça les sourcils, puis leva le nez pour dégager sa bouche du cocon de laine qui l'emmitouflait.
"Hein ? ! "
"La roue symbolise un cycle," expliqua Vincent en traçant un cercle dans l'air avec le doigt. "Le cycle de l'an, qui suit les quatre saisons, les douze mois, mais aussi le cycle de la vie, naissance, vie, mort, rivière et à nouveau la naissance."
"Mais pourquoi on la fait brûler ? "
Les adultes haussèrent les épaules d'un air ignorant.
"Les cristallites disent aussi que la roue symbolise le soleil et que les jours se rallongent à partir des jours Carbuncles," suggéra Cid.
"Moi je dis que c'est juste pour se réchauffer," déclara Wedge qui dévorait déjà une brochette.
"Habituellement la roue est censée faire le tour de la ville, mais Midgar est trop grande pour ça. Du coup, chaque secteur la fait rouler le long de leur grande rue," continua Vincent.
"De là," indiqua Cid en montrant l'atelier de l'armurier au bout de la rue, "jusque-là-bas," ajouta-t-il en montrant la fin de la rue à leur droite, où deux poteaux s'élevaient, décorés de guirlandes de papiers rouges et dorés, "si elle arrive au bout, c'est signe de prospérité pour l'année prochaine."
"Mais c'est pas dangereux ? Les maisons risquent pas de brûler ? "
"C'est pour cela qu'il y a les ifrits," expliqua Vincent.
"Les..."
Riku fit un bond quand une créature brune et rouge se hissa soudain à sa hauteur, grimpant sur la rambarde avec un cri strident et un bruit de métal tintinnabulant.
Riku avait des réflexes fulgurants quand il voulait et Vincent le retint par la ceinture pour l'attirer contre lui, l'empêchant de répondre à son agresseur d'un coup de poing. La personne cramponnée à leur porche ricanait joyeusement, inconsciente d'avoir échappé à un bourre-pif. C'était un adulte, probablement jeune vu la façon dont il avait escaladé la barrière et il portait un accoutrement étrange. Une veste en fourrures noires et brunes, grossièrement cousues, un pantalon de cuir, de larges bracelets cuivrés aux bras et aux jambes, et sur son visage, il portait un masque d'ifrit grimaçant en bois noirci, recouvert de longs crins de la même couleur que les fourrures. Il avait une grosse cloche cuivrée attachée au poignet, et tenait dans l'autre main un long bâton enveloppé de tissus qui rembourraient le bois.
Et il était couvert de suie noire, tant sur son costume que sur ses armes et ses mains.
"Zack ? " fit Cid en remarquant la lueur bleue derrière les yeux du masque.
L'ifrit hocha la tête avant de sauter au sol, se dirigeant vers l'armurerie en sonnant sa cloche.
"Qu'est-ce que …" marmonna Riku, toujours cramponné à Vincent.
"C'est ça un ifrit," déclara Biggs qui servait du thé à Wedge et Jessie, tous deux hilares de la réaction de Riku.
"La course, en gros, ce sont des jeunes gens déguisés en ifrit et qui accompagnent la roue," expliqua Cid, "ils vont courir à côté d'elle, la pousser pour qu'elle avance et s'assurer que personne ne soit blessé."
"Oh…"
"Si les jumeaux sont des ifrits cette année, ça risque d'être intéressant," nota Vincent.
"Ouais, ils l'avaient pas fait l'année dernière," expliqua Jessie, "Zack avait peur que le bruit et le feu provoquent une crise de Cloud."
Riku se rapprocha de la rambarde, s'assurant d'un rapide coup d'œil qu'aucun autre ifrit ne s'apprêtait à le faire sursauter. Maintenant qu'il savait quoi regarder, il pouvait les voir. Partout dans la rue, des ifrits aux costumes similaires à celui de Zack fendaient la foule en hurlant, faisant s'enfuir des enfants à la fois ravis et terrorisés, agitant leurs cloches et obligeant petit à petit les spectateurs à se masser sur les côtés de la rue et à s'écarter du centre.
"Voilà la roue ! " s'exclama Yuffie, juchée sur la rambarde.
"Préparez-vous ! " s'écria quelqu'un dans la foule.
"Laissez place ! " lança un jeune homme déguisé, secouant ses cloches.
Riku tendit le cou, cherchant à voir la roue et Vincent l'attrapa sous les aisselles, le hissant debout près de Yuffie. Perché là-haut, Riku pouvait voir une grande roue en osier et en bois sortir lentement de l'atelier de l'armurier, poussées par des ifrits en costume.
L'un d'eux était quadrupède et n'avait qu'un masque sur la tête et une fourrure nouée sur le dos.
"Nanaki est avec eux ! " s'exclama-t-il.
"Ah, les jumeaux ont fini par le convaincre ? " renchérit Cid.
La roue était grande, presque autant que Zack qui la tenait debout de son bâton, et formée de bois et de gerbes d'osiers nouées de cordes. L'assemblage n'avait pas l'air très solide et quelques ifrits s'affairaient à resserrer les nœuds et redresser des rayons de la roue.
Puis l'un des ifrits se tourna vers le bas de la rue, appuya son bâton sur son épaule et glissa deux doigts sous son masque pour lancer un long sifflement. Tous les costumés de la rue poussèrent un cri de ralliement en réponse et commencèrent à remonter la rue, achevant de repousser les habitants survoltés sur les côtés, accompagnés du bruit des cloches et des pétards.
Vincent vit même un petit ifrit attraper un adolescent par le col et le soulever sans effort pour le reposer plus loin.
Ah, il avait trouvé Cloud.
Quelqu'un lança un chapelet de pétards au centre de la route et Vincent se boucha les oreilles avec une petite grimace. Heureusement qu'il avait pensé aux boules quies avant de sortir. Entre le fracas des cloches, des pétards, les hurlements des ifrits et des habitants, il avait déjà les tympans à rude épreuve.
Et les jumeaux étaient dans la mêlée ? Il se demandait comme ils faisaient.
Le sol commença à trembler sous le piétinement de la foule et il vit la roue s'enflammer, allumée par un sort de Nanaki.
"Ça commence ! "s'exclama Yuffie.
Riku se tourna sur son perchoir et Vincent, par prudence, l'attrapa par la ceinture, l'empêchant de basculer. Il lui montra la roue qui s'ébranla, poussée par les bâtons des ifrits. Lentement d'abord, puis de plus en plus vite, elle commença à avancer, s'enflammant de plus en plus.
"Elle brûle trop fort, elle tiendra pas jusqu'au bout de la rue ! " cria Cid par-dessus la clameur.
Mais les ifrits accélérèrent aussi, certains écartant les inconscients du bout de leurs bâtons, d'autres poussant la roue en avant. Avec un vrombissement infernal et accompagnée par les jeunes gens déguisés, la roue passa devant Seventh Heaven. Elle vacilla devant le magasin d'accessoires, mais ses gardiens veillaient au grain et après quelques coups de bâtons vigoureux, la roue franchit les deux poteaux d'arrivée, faisant même quelques mètres supplémentaires avant de s'effondrer presque sans bruit.
La clameur remonta la rue jusqu'à eux, Riku se prenant aussi au jeu des hurlements et la foule se répandit à nouveau sur la chaussée, battant des mains et des pieds, voire tapant sur des casseroles pour certains.
"Ils y sont arrivés ! " s'exclama Riku.
"Et la partie encore plus fun commence ! " s'exclama Yuffie en s'asseyant sur la rambarde, regardant la foule remonter la rue en courant.
Les ifrits, maintenant libérés de leurs obligations envers la roue, s'étaient élancés sur le chemin de retour et agitaient leurs bâtons et mains couverts de suie.
"Ah, nan, nan ! ! " protesta Yuffie quand deux ifrits la saisirent par les pieds, la faisant descendre de la balustrade.
Vincent retint aussitôt Riku qui tentait de se ruer à son secours.
"Ne t'en fais pas, c'est un jeu, ils ne lui feront pas de mal."
Et en effet, Yuffie remontait déjà par l'escalier, morte de rire et barbouillée de la suie des mains des ifrits.
"J'y suis déjà passée l'année dernière ! "
"Et tu as cassé le nez de celui qui t'a attrapé, ils se vengent," rétorqua Cid.
"Vraiment ? " demanda Vincent, un petit sourire aux lèvres.
"Je connaissais pas la tradition de la suie ! " protesta Yuffie en s'essuyant le visage, "à Wutaï, c'est les ifrits qui se font chasser, pas le contraire ! "
"Oh d'ailleurs… tu devrais te mettre à courir Riku," conseilla Cid.
"Hein ? "
Riku se tourna vers la rue, réalisant que les ifrits se rassemblaient devant Seventh Heaven, avec leurs cloches, leurs bâtons et leurs mains pleines de suies, ricanant en chœur.
"Vincent, toi aussi…" ajouta Wedge.
"J'y ai déjà eu droit," commença Vincent en reculant d'un pas, tenant Riku par le bras.
"Ça ne compte pas, c'était y'a trop longtemps," rétorqua Yuffie.
"Qu'est-ce qui se passe ? " demanda Riku pendant qu'un ifrit montait les marches, ses yeux bleus pétillant derrière le masque.
"Tu veux te faire barbouiller de suie ? " demanda Vincent, reculant en entraînant Riku avec lui.
"Elmyra aimera pas…"
"Alors accroche-toi à moi."
Vincent avait déjà vu Riku lutter avec les jumeaux et les escalader sans aucune hésitation, aussi ne fut-t-il pas très surpris quand son petit-fils se jeta sur son dos.
Dix secondes plus tard, Vincent était lancé dans la rue, zigzagant entre les groupes d'ifrits qui s'étaient visiblement donnés le mot pour jouer à 'chopons l'augmenté'.
Et, avec le rire de Riku dans les oreilles et les cris des ifrits derrière lui, il devait avouer quelque chose :
Il s'amusait comme un petit fou.
"Yusui-san, asile," implora Vincent en toquant à la porte de derrière de la boutique, entrouverte.
"Vous tombez bien Hamasaki-san," répondit le fils aîné de la commerçante en lui tenant la porte.
"J'ai Zack et Cloud sur les talons, je reprends juste mon souffle…" commença Vincent en entrant.
Il resta sur le pas de la porte, clignant des yeux. Madame Yusui était tout simplement en train de servir le thé à Séphiroth et Vossler.
"Zéphyr… Lieutenant…"
"Hey, Valentine," salua Vossler.
"Bonjour, Makoto," finit par dire Séphiroth.
"Maman les as trouvés dehors au milieu des pétards," expliqua le jeune homme en refermant la porte derrière Vincent et Riku, toujours accroché au dos de son grand-père, "elle les a emmenés s'abriter le temps que leurs oreilles guérissent."
"Merci, Yusui-san," déclara Vincent en faisant descendre Riku avant de s'incliner devant elle, "que faites-vous ici ? "
"Nous avons accompagné Basch à l'aérodrome," expliqua Séphiroth, "et je… je voulais en profiter pour vous voir, tous les deux."
"Quelle idée pour des augmentés de se promener pendant le jour Ifrit," déclara Madame Yusui en servant Vossler.
"J'avais oublié à quel point la course pouvait être bruyante," admit Vossler, "merci Madame."
"Y'en a un qui a réussi à te toucher," déclara Riku en s'époussetant les épaules, voyant des traces de mains sur les jambes de Vincent.
Madame Yusui se tourna vers la nouvelle voix et jeta un regard surpris à Riku. Lequel redressa précipitamment son bonnet et son écharpe, délogés par la course poursuite.
"Tiens ? Un autre frère, Hamasaki-san ? " s'enquit la marchande.
Riku hésita visiblement quelques instants, jetant un regard à son grand-père avant de secouer la tête.
"Non," répondit-il.
Il jeta un coup d'œil à Séphiroth et hésita à nouveau avant de tendre la main vers lui.
"C'est mon père."
Un bref moment, Vincent regretta de ne pas avoir son PHS sous la main pour une photo. Il ne savait pas quand il verrait à nouveau Zéphyr aussi surpris et expressif.
"Ah, Madame Yusui, je vous présente Moriku. Le fils de Zéphyr."
"Oh, enchantée de te rencontrer, Moriku."
"Heu, merci, Yusui-san, je suis honoré de vous rencontrer." répondit Riku avec un petit regard à son père.
Un jour, Vincent comprendrait comme Riku pouvait être aussi grossier en commun et d'une politesse exemplaire en wutan[1]. Ça venait probablement de son père adoptif.
"Une minute… quel âge avez-vous Hamasaki-san ? " demanda Yusui-san en se tournant vers Séphiroth.
"Trente," répondit aussitôt Séphiroth sans réfléchir.
"Et un," ajouta précipitamment Vincent.
La vieille femme dévisagea Séphiroth, puis Riku avant de revenir vers Séphiroth.
"Mais… quel âge aviez-vous à la naissance de Moriku ? "
K'so. Ils auraient dû prévoir leur histoire avant de présenter Riku aux pipelettes de leur rue.
"Vous savez comment sont les SOLDATs," ricana Vossler.
Tout le monde se tourna vers lui pendant qu'il montrait Séphiroth du pouce.
"On a essayé de le surveiller de près vu que c'était un des plus jeunes d'entre nous, mais il nous a échappé une ou deux fois."
"Vossler ! " protesta Séphiroth.
"Et c'est comme ça qu'il s'est retrouvé avec un gamin moitié plus jeune que…"
"MONSIEUR ! " s'exclama Madame Yusui en posant sa théière sur la table avec assez de force pour faire trembler sa caisse enregistreuse.
Vossler referma les mâchoires avec un petit clac.
Vincent décida sagement de ne pas venir à son secours. Il y avait une raison pour laquelle Madame Yusui était considérée comme la doyenne de la rue et ce n'était pas son âge.
Et puis, il s'était déjà retrouvé une fois la cible de sa désapprobation et il préférait ne pas recommencer.
"On ne parle pas ainsi de la naissance d'un enfant ! Surtout pas en sa présence ! " ajouta-t-elle en prenant Riku contre elle d'un geste maternel.
"Ben, c'est vrai, je veux dire… Maman n'était pas beaucoup plus vieille…"
"Tututut," fit Madame Yusui, "ce n'est pas une raison ! C'est vous qui lui avez dit ça ? " reprit-elle avec un regard sévère à Séphiroth.
"Non ! Je... je ne savais pas que Ri… Moriku… était né…"
Les sourcils de Madame Yusui disparaissaient presque sous ses cheveux et Vincent décida charitablement d'intervenir.
"Zéphyr a appris très récemment qu'il était père et Moriku vit avec moi le temps que la paperasse soit en ordre."
"Ah, le côté Gongan est héréditaire ? "
"Vous n'avez pas idée, Yusui-san."
Quand le volume sonore des cloches des ifrits, des pétards et des hurlements fut redescendu à un niveau tolérable, Vincent prit congé de la marchande et sa famille et entraîna la sienne, plus Vossler, dans la rue.
Ce fut là que la question de Riku le prit de court.
"Ça veut dire quoi le côté gongan ? "
La première réponse était évidente.
"Mon père est gongan."
Et aurait pu suffire si Vossler n'avait pas commencé à ricaner. Riku jeta un regard circonspect au SOLDAT puis à Vincent, attendant la suite.
Barret allait encore dire qu'il avait une mauvaise influence sur Riku.
"Jusqu'à il y a… une cinquantaine d'années, disons, les gongans étaient polygame," expliqua-t-il.
"Poly quoi ? " rétorqua Riku.
"Ça veut dire que leurs traditions les autorisaient à se marier à plusieurs femmes en même temps."
"Oh," fit Séphiroth, qui visiblement, apprenait ça en même temps que Riku.
Vossler était presque violet à force de se retenir de rire.
"Ça a été officiellement interdit à peu près à cette époque," précisa Vincent.
"Pourquoi ? " demanda Riku.
"Plusieurs raisons. Il y a eu de nombreux cas d'abus, de mariages avec des femmes trop jeunes et il fallait réguler."
"Et les yévonites voulaient bannir une pratique païenne," ajouta Vossler.
Vincent haussa un sourcil et le grand brun haussa les épaules, un peu calmé.
"Je suis de Corel Sud, ils ont fait pareil avec les nomades."
"Et j'imagine que ça a eu le même franc succès qu'à Gongaga ? " s'enquit Vincent avec un petit sourire narquois.
Vossler hocha la tête en roulant des yeux.
"Mais si c'est interdit, pourquoi on continue à dire ça ? " demanda Riku.
"Jure-moi de ne pas dire à Barret que je t'en ai parlé ? "
Riku jura et cracha au sol à la stupéfaction de Séphiroth.
"Les gongans ont dit oui et au lieu de se marier à plusieurs femmes, prennent des amantes et participent à l'éducation de leurs enfants."
Riku cligna des yeux. Séphiroth aussi.
"C'est comme ça qu'une grande partie de mes frères et sœurs, moi compris, sommes nés. Père voyage beaucoup et se trouve facilement des petites amies."
"Attends, ton père est encore en vie ? " s'étonna Vossler.
"Et j'ai une sœur de dix ans."
"Ah, je comprends mieux," murmura Riku.
"Moi aussi, merci de me faire passer pour un coureur de jupons, Vossler," grommela Séphiroth.
Le SOLDAT brun se fendit d'un grand sourire.
"Tu voulais expliquer à la dame les circonstances de la naissance de Riku ? "
"Non," admit Séphiroth en soupirant.
"Cela étant dit, Valentine, est-ce que le côté gongan est héréditaire et qu'il faut que je te cache ma sœur ? "
Vincent haussa un sourcil et tourna la tête vers son fils et son petit-fils. Riku n'avait rien contre sa relation avec Cid. Séphiroth était homosexuel. Aucun des deux ne lui reprocherait de se payer un peu la tête du SOLDAT en guise de vengeance.
"Tu te souviens que tu dois aussi me cacher tes frères, Azelas ? " rétorqua Vincent.
Cela coupa très efficacement le sifflet au SOLDAT qui resta bouche bée, à la grande hilarité de Riku.
"J'avais oublié… Ça explique…" commença Azelas avant de jeter un rapide regard à Séphiroth.
"Beaucoup," acheva son fils avant de désigner sa famille d'un petit signe de tête, "ils savent."
"Ah…" commença Azelas.
"Attends, c'est POSSIBLE ? ! " s'exclama Riku, offensé, faisant sursauter les adultes.
"De quoi, Riku ? " demanda prudemment son grand-père.
"D'aimer autant les hommes que les femmes ? "
"Oui," répondit Vincent, "ça s'appelle être bisexuel…"
"Je vais BUTER Hayner ! " coupa Riku, rouge de colère, "il disait que je devais choisir ! "
"Tu es sûr de ne pas être juste un tout petit peu intéressé par les femmes ? " demanda Vossler à Séphiroth.
"Définitivement."
"Après tout, tu aimais bien Dame Kisaragi…"
"Vossler," grinça Séphiroth.
"Dame Kisaragi ? " nota Vincent.
Séphiroth jeta un regard maussade à Vossler qui ne releva pas.
"C'est la seule femme dont il a jamais parlé… Et avec qui il n'a jamais parlé."
"Je l'admirais," coupa Séphiroth.
"La mère de Yuffie ? " demanda Vincent avec un petit regard taquin à son fils.
Vossler hocha la tête, au grand embarrassement de Séphiroth.
"Si son mari l'avait laissé faire, elle aurait probablement kidnappé Séphiroth pour l'adopter," ajouta Vossler sur le ton de la confidence. "Elle était furieuse qu'on laisse un enfant se battre sur le champ de bataille."
"J'avais quinze ans," maugréa Séphiroth, " je n'étais pas un enfant.".
"Et légalement, tu n'avais pas le droit de boire," rétorqua Vossler.
"J'avais quand même le droit de faire la guerre, visiblement," ajouta Séphiroth d'un ton acerbe pendant que Vossler se tournait à nouveau vers Vincent.
"Si Zéphyr n'avait pas été aussi déterminé à revenir à Midgar, je crois que Basch le lui aurait envoyé en colis express et…"
"Merci."
Vossler s'interrompit, un peu surpris que Vincent le remercie à brûle-pourpoint.
"Hein ? "
Vincent s'inclina respectueusement devant Vossler, le dos droit avant de se redresser pour répéter.
"Merci d'avoir pris soin de Zéphyr. Merci d'avoir été là pour lui."
Et ce fut la seconde fois en quelques minutes que Vossler resta silencieux, visiblement embarrassé. Il finit par incliner la tête en direction de Vincent avant de pouvoir répondre.
"J'ai… Je... j'ai pas fait grand-chose, c'est Basch qui l'a pris sous son aile. C'est lui qu'il faut remercier."
"Je n'y manquerais pas."
Séphiroth le regardait avec étonnement et Riku semblait ne pas avoir compris ce qui s'était passé. Il n'avait pas la moindre idée de comment son père avait grandi, ni de ce qui s'était passé de son côté pendant la guerre de Wutaï. Et c'était peut-être quelque chose dont ils devraient parler.
Ils avaient le temps aujourd'hui.
"Est-ce que vous voulez rester pour le repas ? " proposa Vincent.
"Merci, mais je suis de garde, il faut que je rentre," répondit Vossler après un regard à sa montre.
Zéphyr s'apprêta à accepter quand il vit, debout sur le porche de Seventh Heaven, Cloud qui retirait son masque et s'essuyait la sueur dégoulinant sur son visage, étalant encore plus de suie dessus. Leurs regards se croisèrent et…
"Vous ne l'aurez pas…"
Il ne comprend pas ce qui se passe.
La plaque est en train de tomber, les piliers secondaires lâchent les uns après les autres, il y a des monstres autour d'eux, certains en morceaux, d'autres vivants mais blessés, des cadavres d'humains.
Et il y a cet homme, aux cheveux blonds, aux yeux bleus d'un SOLDAT, vêtu d'un uniforme qui ressemble aux leurs.
Avec cette femme dans ses bras, morte.
Ils ont tous deux une blessure béante au milieu du torse, mais il est toujours debout, appuyé contre le mur derrière lui, luttant pour empêcher les monstres à la gueule béante de lui prendre le corps de sa compagne, leurs crocs démesurés plantés dans sa chair.
"Vous... ne l'aurez… pas ! " répète-t-il en levant son épée.
La lame est si grande, si épaisse, même un SOLDAT aurait du mal à l'utiliser.
Et il la manie d'une main.
Elle tranche dans le corps de la femme, et les monstres reculent brusquement, emportant la partie inférieure de son corps.
Comme ils ont emporté ses jambes à lui, un petit peu plus tôt.
Séphiroth essaye de se hisser sur ses coudes, mais la douleur le refait tomber au sol.
Il est déjà en train de guérir. Est-ce qu'il devra vivre comme ça, sans jambes, le reste de sa vie ?
Il croise le regard du SOLDAT blond et réalise qu'il ne vivra pas.
L'épée est levée dans sa direction, elle va tomber sur lui.
Et au-dessus d'eux, la plaque se détache.
Il est enveloppé dans un nuage de poussière noire et sent des mains le saisir, quelque chose se déployer dans sa tête, comme une araignée…
Et puis, plus rien.
"Non, Riku, ne le touche pas."
"Mais…"
"Laisse-le revenir de lui-même."
"Valentine a raison, il ne faut jamais faire sursauter un SOLDAT plongé dans ses…"
Il cligna des yeux et leva le nez vers la plaque.
Solide. Intacte. Toujours aussi laide.
"Ça va, Zéphyr ? " demanda son père.
"Je… oui… Oui, ça va, désolé."
Il tourna à nouveau la tête vers Cloud qui le fixait de son habituel regard hostile, s'essuyant le menton.
"Je… Je ne peux pas," finit-il par répondre.
Son père fronça les sourcils et suivit son regard, apercevant Cloud avant de revenir vers son fils.
"Je vois."
"Nous… nous nous verrons demain."
"Oui, bien sûr. Ifalna et Gast nous attendent à 19h, rejoins-nous ici un peu avant, nous irons ensemble."
"Oui. Merci."
Vossler et Zéphyr prirent rapidement congé avant de s'éloigner, contournant les rassemblements d'habitants et d'ifrits qui entamaient la dernière partie de la tradition, à savoir s'empiffrer de grillades et de bières fraîches.
"Ça va mieux avec ton gamin ? " finit par demander Vossler.
"Oui," répondit Séphiroth, les mains dans la poche de son sweat, "on… a percé l'abcès."
"C'est bien," déclara Vossler. "T'as de la chance."
"De la chance ? "
"De pouvoir être père."
Séphiroth jeta un petit regard intrigué à Vossler qui haussa les épaules.
"Ces dix dernières années, on a découvert un effet secondaire de la mako," expliqua Vossler.
Séphiroth sentit son cœur battre à tout rompre.
"Malformation fœtale ? "
"Ah, tu sais déjà ? " reprit Vossler.
"Riku… aurait dû avoir quatre frères et sœurs. Il est le seul à avoir… à être né."
"Ah merde," souffla Vossler. "Ouais, y'a de ça. Et plus tu as de mako dans les veines, plus c'est difficile d'avoir un gamin."
Séphiroth hocha lentement la tête, glacé.
"Les troisièmes classes peuvent… enfin certains ont réussi à avoir des mômes, mais la plupart des fœtus sont non viables et y'a pas mal de fausses couches. Et à partir des secondes classes, sans fécondation artificielle, c'est pratiquement impossible de concevoir."
"Tu voulais un enfant ? "
Vossler eut un haussement d'épaules désinvolte.
"Éventuellement. J'aurais pas été contre en tout cas. J'ai eu une copine à Köhlingen, on a essayé mais…"
Il secoua la tête et accepta une brochette que lui tendit une habitante des taudis avec un petit sourire.
"Pour finir, ça n'a jamais marché."
"Qu'est-elle devenue ? "
"Mariée. Elle vient d'avoir son deuxième gamin. Elle voulait être mère, j'aurais jamais pu lui donner ça."
"Je suis désolé."
"T'en fais pas, j'ai fait la paix avec ça. Ma sœur est enceinte et mon frère se marie l'année prochaine, ils s'occuperont de transmettre le souvenir des ancêtres et je me chargerais d'apprendre ce que je sais à leurs gamins."
Séphiroth hocha lentement la tête.
"Basch a dû donner son droit d'aînesse à son frère, en revanche, Noah est absolument ravi de devoir se marier et faire des gosses."
"Doucement avec ce sarcasme," objecta Séphiroth, "tu vas blesser quelqu'un."
Ils stoppèrent tous deux d'un bloc.
Une jeune fille déguisée en ifrit se tenait au milieu de la route, leur barrant le chemin.
"Les femmes peuvent faire les ifrits, maintenant ? " s'étonna Séphiroth alors qu'elle ne faisait aucun geste pour s'éloigner, les observant tous les deux en faisant tourner son bâton dans sa main d'un geste assuré.
"Ouais. Rapport au fait que si elles ont le droit de s'engager dans l'armée, elles peuvent aussi couvrir les beaux garçons de cendre," répondit Vossler en faisant un pas en arrière.
Il sursauta en sentant l'extrémité rembourrée d'un bâton lui toucher le dos et il jeta un petit coup d'œil par-dessus son épaule.
Une autre jeune fille se tenait derrière lui, un rire joyeux s'élevant de derrière le masque.
Et d'autres arrivaient petit à petit, se glissant entre les groupes de fêtards, joignant leurs rires à ceux des deux autres. Séphiroth sortit ses mains de ses poches, s'attachant rapidement les cheveux pour se dégager le champ de vision et une des filles glissa la main sous son masque pour le siffler.
Celle qui leur barrait la route avait des yeux verts et des fleurs rouges nattées dans la crinière du masque. Séphiroth lui jeta un regard dépité.
"Aérith…"
"Tu devrais courir, cousin…"
"C'est la tradition, tu sais," déclara philosophiquement Vossler, alors que les filles lui assénaient des petites tapes de cendres sur les épaules, le dos et le bas du dos.
"La tradition veut aussi qu'elles m'attrapent d'abord," rétorqua Séphiroth.
Rude haussa un sourcil quand Séphiroth et Vossler arrivèrent à l'entrée des Turks, couverts de suie et, dans le cas de Vossler, de traces de baisers noire.
"Vous vous êtes fait choper par des ifrits ? "
"Des ifritas plutôt," répondit Vossler, un sourire ravi aux lèvres.
"Veinards."
"On a eu Zéph ! " s'exclama Aérith en entrant dans Seventh Heaven, brandissant son masque.
"Comment vous avez fait ? " s'étonna Riku.
"Je crois qu'il n'osait pas se débattre de peur de nous faire mal, on en a profité."
"Et j'ai touché Vincent ! " déclara Zack, fier de lui.
"Du bout des doigts," clarifia Vincent qui enveloppait des racines krakka dans du papier aluminium.
"Je pourrais être un ifrit l'année prochaine ? " demanda Riku qui aidait Cloud à frotter Nanaki d'une serviette humide pour retirer la suie.
"Heureusement, non," rétorqua Cid avec une sueur froide.
Un mage né avec, entre autres, le feu, lâché en pleine rue avec une roue enflammée ? Non, merci. Pas sans un extincteur en tout cas.
"Bah, pourquoi ? "
"Désolé Riku," renchérit Cloud, "mais pour être un ifrit, il faut avoir au moins dix-huit ans et ne pas être marié."
Riku fronça les sourcils et fixa Nanaki avant de le montrer du doigt.
"Il a quinze ans."
"Quarante-huit ! " protesta Nanaki.
"Sur un malentendu, ça a marché," rétorqua Zack pendant qu'Aérith le couvrait de baisers, laissant des traces noires sur sa peau.
"Tu t'es maquillée à la suie ? " s'étonna Cloud.
"Rouge à lèvres noir," répondit Aérith en sortant le tube de sa poche, "spécial longue tenue. Kyrie nous as toutes fournies."
"Allez prendre une douche tous les quatre," ordonna Biggs, "le repas est bientôt prêt ! "
"Vous attendez pas à un festin," grommela Cid qui montait les brochettes avec Jessie.
"Merci, Cid ! " s'exclama Aérith, venant déposer un gros baiser sur sa joue.
"Ouais, ouais," marmonna Cid avant de réaliser, au four rire de Jessie, qu'elle lui avait laissé une marque. "AERITH ! "
Une fois les jumeaux et Aérith sous les douches à l'étage et Wedge et Riku ayant traîné un Nanaki fort ronchon sous celles du rez-de chaussée, Vincent et Cid restèrent seuls en cuisine à finir de préparer le repas, tandis que Biggs et Jessie faisaient les aller-retour entre le feu de camp et le plan de préparation.
"Wedge m'a dit que Zéph a refusé de rester manger ? "
Vincent soupira en posant le plat de krakka près de l'assiette de brochettes.
"Il… a vu Cloud," murmura Vincent, "et il a refusé."
"Je vois," renchérit Cid.
"Je ne peux pas lui en vouloir."
"Auquel ? "
"Aux deux."
"Les krakka sont prêts ? " demanda Biggs en passant la tête par la porte de derrière entrouverte.
Vincent lui tendit le plat.
"Mettez le minuteur ! " lança le jeune homme avant de disparaître à nouveau.
"Je crois que Zéphyr se sent coupable de tout ce que Hojo lui a fait faire," déclara Vincent sous le regard inquisitif de Cid.
"Tiens donc ? " rétorqua Cid d'un ton narquois," je me demande bien de qui il tient ça."
Vincent ne put s'empêcher de sourire à ces mots et leva la main pour essuyer la marque de noir sur la joue de Cid, l'étalant du pouce.
"Riku est pareil," ajouta Vincent.
"Ils étaient tous les deux manipulés…"
"Je sais. Ils savent. Mais…" commença Vincent avant de soupirer, "être manipulé n'est… pas une excuse contre la culpabilité."
"Et t'en sais quelque chose."
Vincent hocha la tête, sortant un morceau de filet de chocobo de sa marinade et empoignant un couteau pour le dépiauter en cubes réguliers.
"Cloud… a aussi de bonnes raisons de ne pas… de…"
"Il a de bonnes raisons d'être en colère, mais pas contre Zéph, ça ne servira à rien," marmonna Cid en attrapant d'autres pics à brochettes.
"Tu penses que je devrais m'en mêler ? " demanda Vincent.
"Je sais pas," admit Cid, "Cloud t'aime bien, il te parle plus qu'à moi."
Il agita une brochette dans la direction de Vincent.
"Mais maintenant que Zéph et Riku s'entendent mieux, je pense que Cloud va se calmer aussi."
"Il est très protecteur envers Riku…"
"Ouais, truc de maduin ? "
"Les maduins ont tous un tempérament de pondeuse zuu," confirma Vincent.
"Toi compris ? "
Vincent jeta un regard las à Cid qui commença à énumérer sur ses doigts.
"Edéa, Elena, Yuffie, Cloud, Riku, Zéph… Cait compte ? " ajouta Cid d'un ton taquin.
"D'accord, d'accord, j'ai compris…"
Cid ricana et posa une dernière brochette sur l'assiette avant de pousser doucement Vincent de l'épaule, l'obligeant à se tourner et s'adosser au plan de travail sans le toucher de ses mains couvertes de jus de viande.
"Laisse Cloud et Zéph gérer les choses entre eux," murmura-t-il à voix basse en s'installant contre lui.
"Tu penses ? "
"Tu pourras toujours intervenir si ça s'envenime, mais Cloud est raisonnable. Il finira par réaliser que Zéph n'est pas… Séphiroth."
"Zéph devrait pouvoir être lui-même," soupira Vincent.
"Il l'est. Peut-être pour la première fois de sa vie."
Vincent hocha la tête puis eut un petit sourire et déposa un baiser sur les lèvres de Cid.
"Merci d'avoir la tête sur les épaules."
"Sans problème," répondit Cid avant de répondre au baiser par un second.
"Est-ce que les brochettes sont…" commença Biggs avant de se figer, une main sur la poignée de porte.
Vincent lui tendit le plat sans un mot, ni interrompre leur baiser.
"Heu, merci. C'est prêt dans… disons… dix minutes ? "
Cid leva le pouce.
"Comment on écrit avec ça ? " protesta Riku, un pinceau à la main.
"Déjà, ça ne se tient pas comme un marteau," déclara Yuffie en corrigeant la prise de Riku sur l'outil.
Le dessert était en train de griller sur le feu de joie au milieu de la cour et Yuffie et Vincent tentaient d'initier leurs camarades aux vœux du feu, chacun ayant une feuille et de quoi écrire sur les genoux, sauf le lion, qui avait décidé que c'était une lubie d'hume et était joyeusement en train de s'étirer de tout son long devant le feu, Cait roulé en boule sous son menton.
"Si on fait des fautes, c'est grave ? " demanda Wedge, appuyé sur le dos de Jessie.
"Toujours," rétorqua Biggs qui avait déjà bu quelques bières et se sentait d'humeur taquine.
"J'ai fini ! " s'exclama Zack en brandissant sa feuille, "ah oups, ça a coulé ! "
"Tiens la feuille horizontale le temps que ça sèche ! " intervint Yuffie.
Cid jeta un coup d'œil par-dessus l'épaule de Vincent avant de réaliser qu'il écrivait en wutan.
"T'écris quoi ? "
"Secret," répondit Vincent.
"Une fois que c'est écrit, et sec," ajouta Yuffie avec un regard à Zack qui s'essuyait les doigts, penaud, "il faut les plier."
La démonstration prit deux minutes. L'exécution un peu plus. Jessie finit même par jeter son vœu dans le feu froissé en boule.
"J'y arrive pas ! "
"Au moins, il crame bien," déclara philosophiquement Yuffie avant de jeter le sien, élégamment plié en une petite enveloppe aux bords bien net.
Vincent n'avait pas fait ça depuis des années, aussi son enveloppe fut un peu moins nette.
"Comme ça ? " demanda Riku en brandissant la sienne.
"Pince un peu plus les plis et c'est parfait ! " déclara Yuffie.
"Et je le jette ? "
"Droit dans le feu ! "
Vincent parvint finalement à jeter son vœu plié dans le feu, suivit par Cid qui se contenta de le plier en quatre. Le blond sursauta en voyant la feuille revenir vers lui , repoussée par la chaleur du feu, et la saisit au vol avant de l'éteindre sous sa semelle.
"Woa ! "
"Non non, l'éteint pas, relance-la ! " s'exclama Yuffie.
"Si ça ne brûle pas au troisième essai, ton vœu ne se réalisera pas," ajouta Vincent.
Cid jura à mi-voix en burmécien et attrapa un caillou au sol, l'enveloppa avec son vœu à moitié carbonisé et le jeta à nouveau dans le feu où la feuille s'enflamma rapidement.
"Tricheur ! " s'exclama Wedge.
"Le dessert brûle ! " s'écria Biggs en jetant sa feuille sur le côté, attrapant les brioches à la broche mise à cuire devant le feu de camp.
Cid laissa les jeunes se précipiter au secours du dessert, se rasseyant près de Vincent sur le porche arrière. Il sentit Vincent se rapprocher, s'appuyant très légèrement contre lui et tourna la tête vers son amant. Vincent lui jeta un petit coup d'œil, avant de regarder leurs épaules l'une contre l'autre et hausser un sourcil.
"Je peux ? "
"Bien sûr."
Et Vincent s'appuya plus franchement sur lui, sa main glissant jusqu'au poignet de Cid, ses longs doigts s'enroulant autour.
"T'as écrit quoi comme vœu ? " murmura Cid, "ou faut pas les révéler ? "
"Je veux être moins indécis," répondit Vincent. "Et toi ? "
"Ralentir la clope," répondit Cid avant de jeter un petit regard coupable au mégot entre ses doigts.
"Je parle de nous à Zéphyr demain."
"Alors je commence demain," rétorqua Cid.
Il fut récompensé par le petit rire bas de Vincent et sentit qu'il lui lâchait le bras, mais avant qu'il ait pu le retenir, Vincent avait posé sa main à l'arrière de son crâne et lui tourna la tête pour l'embrasser.
Il y eut un clic dans le silence qui régnait soudain autour du feu de camp.
Puis un hourra assourdissant de la part de leurs benjamins.
"La photo est parfaite ! " s'exclama Wedge en la montrant à Jessie et Biggs.
"Ouaip," confirma Jessie, "elle va direct dans l'album photo."
"Roh, Vincent, Cid, pas devant Riku ! " s'exclama Zack.
"Bah pourquoi ? " demanda Riku qui dévorait sa part de dessert.
"On doit protéger ton innocence," renchérit Yuffie.
"J'en ai ? " rétorqua Riku.
"Je crois que nous aussi on est une mauvaise influence sur lui," réalisa Cloud.
La sonnerie de son PHS retentit et il soupira, jonglant avec sa brioche pour le sortir de la poche de son pantalon. Il l'éteignit du pouce et se leva.
"Désolé Makoto, mais c'est l'heure de la ronde, Cid."
Cid soupira mais se leva, ébouriffant les cheveux de Riku en passant.
"Garde ma place au chaud, Riku."
"Oui, Capitaine ! " s'exclama l'adolescent en se levant.
Cid allait suivre Cloud dans Seventh Heaven mais se tourna vers Wedge au dernier moment.
"Ah, Wedge ? "
Le jeune homme, surpris en pleine photo de Jessie barbouillée de brioche au chocolat, se figea.
"Oui, Capitaine ? " couina Wedge.
"Je veux une copie de la photo."
"Mais, tu es sûr ? " redemanda Riku pour la troisième fois.
"Oui," répondit Vincent pour la troisième fois.
Après la fête du feu, la grasse matinée s'était imposée, à peine interrompue par Yuffie qui avait traîné Riku pour les cantiques aux aurores, avant qu'ils retournent dormir tous les deux sur le canapé, partageant leurs bonbons du jour avec Nanaki. Heureusement, Cloud et Zack accompagnaient Nanaki et son grand-père pour visiter Midgar quand Séphiroth était arrivé à Seventh Heaven pour le dîner chez les Falmis, lesté d'un pot de fleurs pour Ifalna[2].
Riku marchait entre Séphiroth et lui, tenant la grosse boîte à biscuits contre lui. Elmyra l'avait aidé à en faire la veille, pour offrir aux Falmis, et en matière de cadeaux, Vincent avait opté pour une bouteille de vin.
"Sûr sûr ? "
"Riku, ne t'en fais pas. Apporter un cadeau n'est pas une obligation. Ni Ifalna ni Gast ne s'attendent à ce que vous leur offriez quelque chose."
"Pourquoi nous ont-ils invités ? " demanda Séphiroth.
"Vous êtes le fils et le petit-fils de la cousine d'Ifalna, qu'elle considérait comme sa sœur. Vous faites partie de sa famille."
Séphiroth hocha la tête d'un air peu convaincu, comme chaque fois que Vincent mentionnait sa mère.
Les choses allaient beaucoup mieux entre eux trois depuis les révélations des mensonges d'Hojo, mais le lien entre Séphiroth et sa mère semblait irrémédiablement endommagé. Et à ce sujet, Vincent était incapable de l'aider. Peut-être qu'Ifalna saurait quoi faire.
"On arrive," indiqua Vincent, " c'est après l'Église."
"C'est quoi une église ? " demanda Riku.
Vincent désigna le bâtiment désaffecté sur le côté de la route.
"C'est ça. C'est un temple dédié à une Ancienne et…"
Il réalisa vite que Riku avait stoppé net, le regard tourné vers le bâtiment.
"Riku ? " appela Séphiroth qui s'était aussi tourné en voyant l'adolescent s'arrêter.
Il ne réagit pas.
"Riku ? " reprit Vincent en revenant sur ses pas.
Il effleura l'épaule de Riku qui sursauta et manqua de laisser tomber son fardeau.
"Riku ? " répéta Séphiroth.
"C'est Elle, hein ? " murmura Riku en se détournant du bâtiment.
K'so.
"Oui. C'est son temple," admit Vincent.
Et il commençait à se poser des questions concernant la Déesse. Lui n'avait jamais rien ressenti en approchant des autels dédiés à son père, Cid n'avait pas eu l'air particulièrement perturbé dans le temple de Bahamut, pourquoi est-ce que Riku était aussi sensible à tout ce qui concernait la Déesse ?
Était-ce parce qu'elle était quelque part dans sa tête ?
"Continuons, nous y sommes presque," reprit Vincent en les entraînant vers les petites maisons agglutinées pas loin.
Ils arrivèrent vite chez Gast et Ifalna.
Pour un bâtiment des Taudis, leur maison était confortable et spacieuse, assez grande pour qu'Aérith ait sa propre chambre, et, comble du luxe, possédait un jardin, en réalité, un ancien terrain vague qu'Ifalna et Aérith avait remplis de fleurs et de potagers avec lesquels elles nourrissaient leur pâté de maisons.
Ifalna ouvrit la porte avant qu'ils arrivent à sa hauteur.
"Bienvenue ! " lança-t-elle.
"Bonjour, Ifalna," salua Vincent.
"Bonjour, Vincent," répondit-t-elle en posant sa main sur la sienne, "oh tu es gelé, entrez vite ! "
"C'est le sang wutan," répondit Vincent en s'essuyant les pieds.
Riku l'imita consciencieusement avant de se retrouver face à Ifalna, tout intimidé. Vincent ne pouvait pas vraiment le blâmer, même sans son propre passif avec Lucrécia, Ifalna restait une force de la nature d'un mètre cinquante-six.
"Bonjour, Riku," commença Ifalna avec un grand sourire, "enchantée de..."
"Merci de m'avoir invité et pour votre invitation ! " lâcha l'adolescent d'un trait.
Ifalna resta quelque seconde interloquée.
"Non ! Je veux dire," reprit Riku en grimaçant, "merci de votre accueil et pour l'invitation ! "
"Je t'en prie..."
"Et les vêtements ! " ajouta Riku, "et… heu... c'est pour vous."
Il tendit la boîte de gâteaux à Ifalna qui la prit avec amusement.
"Je t'en prie, Riku. Merci beaucoup, entre."
"Merci," marmonna Riku, écarlate, collant aux talons de Vincent.
"Madame Falmis," salua Séphiroth.
"Ifalna," corrigea-t-elle, "bonjour, Zéphyr."
Il lui tendit le pot, mais elle secoua doucement la tête et posant sa main au creux de son bras, l'entraîna dans la pièce principale.
"Viens le poser avec les autres."
Vincent y était déjà, rejoignant Gast qui achevait de mettre la table. Celui-ci se redressa en voyant son ami entrer, Riku sur les talons.
"Bonjour, Vincent ! "
"Bonjour, Gast. Tiens."
Gast prit la bouteille et l'observa quelques instants avant de jeter un regard suspicieux à Vincent.
"Je l'ai payée."
"Vraiment ? "
"J'ai le reçu, si tu veux vérifier."
"Est-ce que je veux savoir ? " demanda Séphiroth en approchant après avoir posé son pot de fleur et la boîte à biscuits sur un tas de cadeaux.
Gast et Vincent échangèrent un regard qui en disait long entre eux. Le genre de regard que Séphiroth avait vu entre Basch et Vossler.
Séphiroth regarda alternativement son père et le professeur Falmis. Ils étaient tous les deux si différents, tant physiquement que mentalement ou même par leurs intérêts et occupations professionnelles qu'il avait du mal à les imaginer devenir amis.
"Disons que Gast a des opinions sur la façon dont je me fournissais en alcool à Nibelheim," finit par répondre Vincent, un léger sourire aux lèvres.
"C'étaient les bouteilles du propriétaire du Manoir ! " grommela Gast.
"Donc du Président Shinra. Pas une perte pour lui."
"Vous voliez l'alcool du Président Shinra ? " demanda Séphiroth.
"Il ne s'en est jamais aperçu."
"Turk," bougonna Gast.
"Merci."
"Comment… êtes-vous devenus amis ? " s'étonna Séphiroth.
Le professeur eut un petit rire et posa la bouteille sur la table, allant chercher un tire-bouchon dans la cuisine attenante à la pièce principale.
"Oh, ça date d'avant Nibelheim. C'était… en 39 ? 40 ? "
"Été 40," confirma Vincent, "j'ai été désigné volontaire pour escorter Gast et ses assistants à Canyon Cosmo pour leurs recherches. Nous avons sympathisé pendant le voyage."
"Désigné volontaire ? " répéta Séphiroth.
"Apparemment, il devait se faire oublier quelques semaines de son supérieur," intervint Gast en revenant avec l'ustensile recherché.
"Qu'est-ce que tu avais fait ? " demanda Ifalna en passant derrière son époux pour sortir des verres du placard.
"Trois fois rien."
"Oh, d'accord. La vérité maintenant ? " rétorqua Ifalna en haussant un sourcil.
"Il se pourrait que j'aie été boire un verre au HoneyBee Inn et que j'ai malencontreusement terrorisé Cornéo Senior[3]," répondit Vincent.
"Oh, en effet, trois fois rien, je ne vois pas ce qu'on te reprochait," déclara Gast en servant le vin. "Séphiroth, tu bois du vin ? "
"Je ne sais pas," admit Séphiroth.
Il leva le nez en entendant une cavalcade à l'étage, puis le long de l'escalier, avant qu'Aérith arrive à son tour, tendant les bras à Séphiroth.
"Zéph ! "
"Bonjour, Aérith."
Aérith, sur la pointe des pieds, arrivait à peu près sous le menton de Séphiroth s'il baissait la tête.
Elle dû donc se contenter d'enserrer son ventre entre ses bras.
"Qu'est-ce que tu peux être GRAND ! " râla-t-elle.
"Tu n'as pas l'habitude avec Str… Izack ? "
"Alors d'abord, il préfère être appelé Zack," rétorqua Aérith en s'écartant juste assez pour lui jeter un regard amusé, "et ensuite, j'escalade Zack. Tu serais d'accord avec ça ? "
"Je ne voulais pas savoir ça," marmonna Gast en lui tendant un verre.
"Papa ! Pas comme ça ! " protesta Aérith, "enfin si mais…"
"Si Riku pose des questions c'est vous qui expliquez," intervint Vincent pendant qu'Aérith venait embrasser Riku.
"J'ai pas compris," admit l'adolescent.
"Tant mieux," rétorqua Ifalna.
Gast tendit un verre à Vincent et Riku y jeta un coup d'œil intrigué.
"Je peux goûter ? "
Vincent lui tendit sa boisson, malgré les gros yeux que lui firent les Falmis.
Riku goûta avec bonheur.
Et grimaça.
"Beurk ! C'est pire que le café ! " s'exclama-t-il en rendant son verre à Vincent.
"Vincent ! " protesta Aérith.
"Au moins il n'essaiera pas d'en boire en cachette," rétorqua Vincent.
"Il ne faut pas qu'il attende dix-huit ans pour boire de l'alcool ? " s'étonna Séphiroth.
"Au cas où ça t'aurait échappé, ton père est un Turk, Séphiroth," rétorqua Gast, posant son verre pour chercher du jus de fruit.
"C'est pas bon de toute façon," grommela Riku.
Séphiroth opina après avoir prudemment goûté le contenu de son verre.
"Oh," fit Gast en jetant un coup d'œil au jus de sylkis dans sa main, " tu ne bois pas d'alcool ? "
"Je… n'aime pas ça…" admit le SOLDAT.
"Ah, je suis désolé, j'ignorais… tu veux boire autre chose ? " proposa Gast.
"S'il vous plaît, Professeur..."
Une fois Séphiroth et Riku servis, Ifalna leva son verre.
"Je propose de trinquer."
"Trinquer ? " répéta Riku.
Vincent lui montra comment faire, touchant très doucement son verre du sien.
"Encore une tradition bizarre ? " grommela Riku.
"Tu t'y feras," promit Vincent.
"A la nouvelle année et à la famille," déclara Ifalna.
"A la famille," renchérit Aérith en tendant son verre à Séphiroth.
Il n'y eut que deux verres cassés dans la série de toasts qui suivit.
Le repas fut délicieux. Ifalna avait visiblement décidé, à moins que ce soit déjà une tradition de famille, de faire découvrir la gastronomie glaciane à son neveu et petit-neveu. Vincent put donc en profiter à loisir.
Et visiblement, les glacians aimaient leurs plats en petites bouchées mais en grande quantité. Entre les boulettes de viandes, les petits pains fourrés de diverses façons, les pâtés, les ravioles elles aussi fourrées à divers parfums (ce fut Aérith qui tomba sur la raviole piégée au poivre cette année), Riku déclara forfait avant même l'arrivée du koulibiac traditionnel.
"Comment vous faites ? " geignit Riku en s'affalant sur un des fauteuils du salon une fois le repas fini.
"Estomac d'augmenté," répondit Séphiroth qui finissait un pirojki tout en aidant Aérith et Vincent à débarrasser les reliefs du repas.
"Entrainement," renchérit Gast, "bientôt vingt-cinq ans de mariage."
"J'espère qu'il te reste de la place pour les desserts, renchérit Ifalna en revenant de la cuisine, un grand plateau dans les mains, couvert de petites pâtisseries et des biscuits de Riku.
Vincent aida Gast à tourner les fauteuils autour de la petite table du salon pendant qu'Aérith amenait le café et le thé, suivie par Zéphyr avec les tasses.
"N'essaye pas de tout manger," déclara Vincent en servant une tasse de thé à Riku, "tu vas te rendre malade."
"Je sais, je sais… mais…"
Il prit un petit gâteau mou et blanc et l'observa tout en le pressant entre deux doigts, s'amusant de le voir se déformer.
"C'est tellement bon…"
Et il goba la sucrerie.
"Pense à mâcher quand même," conseilla Vincent.
"Hm-hm ! "
"Je vous emballerai les restes," promis Ifalna en allant s'asseoir sur les genoux de Gast qui l'enlaça, posant un regard amoureux sur elle.
"Tu en as encore fait trop, pas vrai ? " la taquina son époux.
"On a invité deux augmentés et un adolescent en pleine croissance ! " protesta Ifalna en désignant leurs invités...
"Je ne suis pas très sucrerie," admit Séphiroth en regardant le plateau.
"Essaye celle-ci au moins," suggéra Aérith en montrant les guimauves.
Séphiroth s'exécuta et Vincent, qui commençait à prendre goût à la cuisine glaciane, fit de même.
Il s'attendait à une friandise très sucrée comme celles que Yuffie engloutissait avec ses amies quand elles venaient faire leurs devoirs à Seventh Heaven, mais les petites douceurs avaient un surprenant goût de fruits et restaient souple et légère.
Il se resservit.
Séphiroth aussi.
Et Riku fit de même, mâchant plus longtemps cette fois, appréciant le goût à sa juste valeur.
"C'est une friandise glaciane," expliqua Ifalna, "ça faisait des années que je n'en avais pas faites."
"C'est bon," confirma Séphiroth, "qu'est-ce que c'est ? "
"Oh, ça s'appelle des Zéphyrs[4]," répondit Aérith, hilare
Le père, le fils et le petit-fils cessèrent tous les trois de mâcher leur part. Séphiroth reprit rapidement, cependant, histoire de pouvoir avaler et poser la question qui lui brûlait les lèvres.
"Ma... mère… voulait me surnommer… Comme une friandise ? "
"Sa favorite," confirma Ifalna en le resservant.
"Je te jure que je l'ignorais," déclara rapidement Vincent.
"C'est trop tard pour changer de toute façon," soupira le SOLDAT en espérant que Rufus ne l'apprendrait jamais.
Au bout de deux autres douceurs, Riku s'endormit soudain et il fallut toute la vitesse de son père et son grand-père pour l'empêcher de piquer du nez sur le plateau et de lâcher le petit gâteau qu'il tenait encore.
Ifalna sursauta de voir soudain les deux augmentés penchés sur l'adolescent, sa tête posée dans la grande main de son père.
"Qu'est ce que…"
"C'est bon, on l'a," déclara Vincent avant de glisser le reste de la friandise dans sa propre bouche.
"Il continue à s'endormir comme ça ? " s'inquiéta Séphiroth, asseyant Riku dans le fauteuil et essayant de le caler avec les coussins.
"Moins. Il tient plus longtemps dans la journée avant de s'effondrer. Et aujourd'hui, il n'a pas dormi," expliqua Vincent en se rasseyant, "mais je crois que ta cuisine l'a achevé, Ifalna."
"Sa cuisine," rétorqua Ifalna en désignant Gast, "je n'ai fait que le pain, les pirojkis et les desserts."
Vincent jeta un regard amusé à Gast.
"J'ignorais que tu avais acquis ce talent."
"On ne reste pas quarante ans célibataire sans apprendre quelques petites choses," rétorqua Gast.
Séphiroth ne participait pas à la conversation, assis sur l'accoudoir du fauteuil et regardant Riku dormir. Aérith se pencha vers lui, lui touchant légèrement la main et il tourna la tête vers elle.
"Tu… ne peux rien faire ? " demanda-t-il à voix basse.
"J'ai essayé. C'est juste de l'épuisement. Il risque de mettre encore quelques semaines à se remettre entièrement, surtout s'il continue de chahuter avec Yuffie, Nanaki et les jumeaux."
"Vous avez pensé à une perfusion d'élixir ? " proposa Gast.
Il vit Vincent pâlir, retrouvant le teint de cadavre qu'il avait eue à sa sortie de la clinique et la tasse du brun tanga légèrement dans sa main.
"Vincent ? "
"Je…" commença Vincent avant de poser la tasse sur le plateau, aussi délicatement que possible.
"Pas de piqûre," acheva Séphiroth.
Son père hocha rapidement la tête.
"Ce serait la solution la plus efficace…" commença Gast.
"Gast," coupa sèchement Vincent.
Le vieil homme se tut aussitôt.
"Je… je sais. Je sais que toi et Shera ne pensez qu'au bien de Riku mais…"
"C'est les aiguilles," murmura Séphiroth, le regard baissé sur Riku. "Quand elles cassaient, il fallait couper ma peau pour les retirer."
Vincent hocha la tête. Hojo n'avait pas fait dans la dentelle à ces occasions. Il espérait un peu qu'il ait été plus soigneux avec Séphiroth, mais de ce que disait son fils…
"Pas d'aiguilles pour Riku, je note," murmura Gast, très pâle.
"Ce ne sera pas aussi efficace," reprit Ifalna en se levant, tapotant le genou de son époux, "mais je connais une recette d'infusion qui pourra l'aider. Je sors quelques minutes, tu commences la vaisselle, Aérith ? "
"Oui, Mama ! "
Ifalna prit un manteau suspendu près de la porte et sortit, un petit panier à la main. Après un regard avec Aérith, Vincent la suivit. Elle se dirigeait vers une petite serre près du mur de la maison, surmontée de petits panneaux solaires artisanaux et aux vitres couvertes de condensation. Quand Vincent la rejoignit à l'intérieur, elle était déjà à genoux près d'une plante.
"Ferme la porte, Vincent, que la chaleur ne sorte pas," demanda-t-elle, sans se tourner vers lui.
Vincent obtempéra avant d'inspirer profondément.
Ça sentait… Exactement comme à Nibelheim, dans le jardin d'hiver de Lucrécia. Visiblement, contrairement à ce qu'il avait pensé, Lucrécia n'avait pas cultivé que des fleurs.
"Tu veux me dire quelque chose, n'est-ce pas ? " demanda Ifalna, qui cueillait délicatement des feuilles argentées.
"Je pense que tu sais déjà de quoi je veux parler."
La guérisseuse posa précautionneusement les feuilles dans son panier pour ne pas les froisser et tourna son regard vert, si vert, presqu'aussi vert que quand la Déesse le regardait et le reconnaissait de toutes ses vies antérieures et…
"Et tu connais ma réponse."
Vincent sursauta légèrement et détourna le regard, frissonnant.
"Vincent ? " reprit Ifalna, intriguée.
Le sniper se racla doucement la gorge, cherchant ses mots.
"Hojo tente toujours de trouver le temple et de prendre la matéria, nous essayons de le devancer mais…"
"Non, Vincent."
"Ifalna…"
"Hojo ne trouvera pas ce temple. Je suis la seule à connaître son emplacement et comment déjouer ses pièges."
Elle se leva et se dirigea vers un autre pot, farfouillant doucement dans les longues feuilles.
"Quand Hojo a essayé de tuer Gast, j'ai juré que les secrets des Cetras mourraient avec moi. Pour que personne n'essaye plus jamais de se les approprier et d'en abuser. Je n'ai pas raconté à Aérith le quart de ce qu'elle devrait savoir, je ne lui ai même pas apprit la langue."
Vincent releva les yeux, stupéfait. Ifalna… comprenait la langue des cetras ? Ils auraient pu lui faire traduire les fresques ? ! Elle sembla comprendre son choc et baissa les yeux.
"Je suis désolée Vincent, mais c'est mieux ainsi. Moins le monde se souviendra de nous, mieux ce sera."
Vincent soupira. Il ne savait pas comment faire changer Ifalna d'avis.
"Il est en train de fouiller tous les sites archéologiques d'Estérie, il finira bien par tomber sur un indice…"
"Ce n'est pas comme le Temple de la Clef," rétorqua Ifalna, passant à une jardinière qu'elle en profita pour désherber, "le Temple d… de la matéria noire est protégé. Même s'il arrivait à le trouver, il ne pourrait ni entrer, ni emporter la matéria."
Elle avait hésité brièvement mais s'était rattrapée. Si Vincent continuait à insister, jusqu'à ce qu'elle fasse une erreur, jusqu'à ce qu'elle se contredise, il pourra déduire…
Il pourrait…
Ifalna le regardait à nouveau, de ses yeux trop verts et il baissa le regard en premier.
Elle se leva et s'essuya les mains l'une contre l'autre avant d'approcher de Vincent, posant sa main sur celle gantée de son ami.
"Vincent, qu'y a-t-il ? "
Cacher son état d'esprit à une guérisseuse née était impossible. Il le savait pourtant.
"Riku."
"Il va se remettre, ne t'en fais pas, il lui faudra…"
"Non. Non ce n'est pas ça. Aérith t'a dit ce qui s'est passé ? À Seventh Heaven ? pendant… la bataille ? "
Ifalna hocha doucement la tête, affichant une expression dubitative.
"Elle pense que Minerva est revenue."
"Je ne sais pas," souffla Vincent, "Riku… le dit aussi."
"La réincarnation n'est pas possible, Vincent," objecta Ifalna, "même si, par un formidable hasard, quelqu'un naissait avec exactement le savoir et la personnalité de quelqu'un mort depuis des siècles, ce ne serait qu'une remise à zéro. Pas une continuation."
"Ils sont séparés. Et il... visiblement il n'est pas né avec Elle," corrigea Vincent avant de soupirer. "pour lui, Elle est… c'est la même chose qu'avec la Calamité."
"Vincent ! " protesta Ifalna, choquée.
Il laissa échapper un petit rire dérisoire.
"je l'ai vu faire à plusieurs reprises. Elle… elle apparaît sans prévenir, quand il veut soigner quelqu'un. Elle est…"
Majestueuse.
Puissante.
Terrible.
"Vincent…"
"Elle me terrifie," admit Vincent du bout des lèvres, "chaque fois qu'elle est là, c'est comme nager au milieu de l'océan et être sur le point de se noyer en elle…"
Vincent soupira rageusement, tournant la tête de gauche à droite, se sentant soudain étouffé dans la petite serre.
Il allait mieux depuis la bataille de Midgar, Gast avait raison à ce sujet, mais sa claustrophobie revenait parfois, quand il était dans un lieu inconnu et étroit, sans en connaître les sorties…
Et malgré la chaleur de la serre, malgré l'odeur de plantes, malgré la présence d'Ifalna c'était…
Comme si Elle était là et l'écoutait.
"Je dois sortir," s'excusa rapidement Vincent en joignant le geste à la parole.
Le jardin était mort en cette période de l'année. Vide. La terre avait été préparée pour le printemps, les plantes annuelles étaient en sommeil.
C'était mieux. Pas parfait, mais mieux.
Il respira profondément, essayant de se calmer.
Il sentit aussitôt le parfum d'Ifalna, des feuilles coupées dans son panier et ne sursauta pas quand elle l'approcha, posant doucement sa main au creux de son bras. Il se laissa faire, la laissant déplier la main de Vincent pour la prendre entre les siennes.
Elle sembla longuement peser le pour et le contre avant de se décider.
"Il y a… des histoires. Des légendes ou… des souvenirs… notre culture est devenue quasiment orale après la Calamité… c'est difficile de faire la différence, parfois. "
Vincent hocha la tête, encourageant la femme devant lui d'une légère pression sur les doigts.
"On dit que Notre Mère parlait parfois par la bouche de ses enfants…"
"Ce serait… normal ? "
Ifalna lui lâcha les mains et fit un geste d'ignorance, baissant les paumes vers le sol.
"Je l'ignore…"
Son père n'avait jamais pu faire ça. Partager ses souvenirs, lire ceux des autres, oui. Mais imposer sa volonté ? Prendre le contrôle de quelqu'un ? Aucun ancien ne pouvait.
Rufus Shinra et Umbra étaient les créatures les plus proches de cette capacité et vu l'état dans lequel le jeune homme était après son combat contre Scarlet, il n'était certainement pas capable de prendre le contrôle d'une autre personne.
Mais Minerva n'était pas qu'une Ancienne. Elle était la Volonté de la Planète, son Âme.
Et elle avait disparu il y a deux mille ans, pour réapparaître tout d'un coup dans le corps d'un enfant hume qui ignorait tout de son héritage.
Pourquoi ?
Pourquoi maintenant ?
Pourquoi Riku ?
Pourquoi pas Aérith ?
Pourquoi pas Zéphyr ?
Pourquoi pas Ifalna qui était la dernière cetra, un peuple né de Minerva elle-même ?
Il frissonna violemment et Ifalna soupira avant de passer sa main au creux de son coude, le tirant en direction de la maison
"Rentrons. Un rhume ne durera que cinq minutes chez toi, mais ce ne seront pas cinq minutes agréables."
"Je m'inquiète pour eux," murmura Vincent en se laissant faire.
"Riku et Zéphyr ? "
Il hocha la tête et elle eut un petit sourire de commisération.
"Oh Vincent… Ce n'est que le début. Bienvenue dans la parentalité."
"Ça va tout le temps être comme ça ? "
"Quand Riku commencera à sortir le soir, ce sera pire."
Vincent soupira mais laissa échapper un petit sourire avant d'ouvrir la porte à Ifalna, la laissant passer en premier.
Riku dormait toujours, mais avait été emmitouflé dans une couverture. Le plateau avait été poussé de côté, les cafés et thés resservis et le tas de cadeaux transférés sur la petite table entre les fauteuils.
"Vous arrivez à point," s'exclama Gast, "on allait ouvrir les cadeaux."
"Sans Riku ? " protesta Ifalna en posant son panier dans la cuisine.
"je préfère ne pas le réveiller…"
Aérith, qui faisait chauffer leur samovar, jeta un petit regard plein d'espoir à Vincent mais le sniper secoua la tête et elle soupira.
"On lui donnera son cadeau le jour des enfants si tu veux," intervint Vincent.
"Merci. Mais vous n'allez pas échapper aux vôtres."
"Laisse-moi deviner : Un tee-shirt des Adamantaimai," soupira le sniper en s'asseyant, acceptant le paquet souple que lui tendait Gast.
"Ta collection sera complète un jour," rétorqua Ifalna en retournant s'asseoir.
C'était effectivement un sweater à capuche aux armes de l'équipe de blitzball de Wutai Sud.
Bah, avec de la chance, Riku aimerait la couleur et le lui volerait, comme une grande partie des vêtements qui disparaissaient mystérieusement de la buanderie à peine secs.
"Vous aimez le blitzball ? " s'étonna Séphiroth.
"Il déteste ça," répondit Gast d'un ton absolument jovial.
Séphiroth fronça les sourcils, se souvenant de toutes les fois où il avait vu son père s'entraîner à Seventh Heaven en portant un tee-shirt de cette équipe, toujours différent.
"C'est une blague qui dure depuis mon arrivée à Seventh Heaven," soupira Vincent. Je retrouve au moins un nouveau vêtement de cette équipe par mois dans mon armoire."
Il y avait même eu une paire de chaussettes, qu'il ne portait que parce qu'elles étaient bien chaudes.
"D'ailleurs, quelqu'un peut m'expliquer le but de ces cadeaux ? " ajouta Vincent en haussant un sourcil à l'intention des Falmis.
"Ils ont gagné la Coupe en 59," déclara Gast.
Vincent cligna des yeux. Quel rapport ?
"Papa voulait être sûr d'avoir le dernier mot." ajouta Aérith.
"Il a perdu son pari, il porte leurs couleurs, point," trancha Gast d'un ton joyeux.
Ah. Un de leurs paris stupides du temps de Nibelheim, comprit Vincent. Ça avait beau ne faire que deux ans du point de vue de Vincent, il avait l'impression d'avoir été bien jeune et con à l'époque.
"C'était il y a trente et un ans" déclara Vincent.
"Pour une fois que je gagne un pari contre toi," rétorqua Gast en sortant un paquet plat du tas, le tendant à Séphiroth. "tiens mon garçon."
"Merci Professeur."
Le paquet était plat, légèrement irrégulier et Séphiroth l'ouvrit avec précaution, se demandant ce que le professeur lui avait offert.
Il s'agissait de trois livres cartonnés, usagés, aux couleurs passées. Ils avaient été réparés avec du scotch coloré, soigneusement restaurés après un accident quelconque.
Le premier livre était carré, plus petit que les deux autres, et doté d'une illustration naïve de la bougie cosmos sur la couverture, entourée de lions. Contes Cosmo, clamait le titre.
Il connaissait cette image.
"Oh," fit son père en se penchant par-dessus son épaule, "je connais celui-là."
Il prit le second livre, qui avait lui aussi été réparé, avec un scotch bleu pour aller avec l'illustration de Shiva dansant sur la couverture.
"L'histoire de la Reine des Neiges, adaptée des légendes glacianes," déclara Vincent.
"Tu connais ? " s'étonna Gast.
"Vincent est un spécialiste des contes et légendes," précisa Aérith.
"Et j'ai appris à lire le commun avec ce livre, entre autres."
"Oh," murmura Gast, "c'est de famille…"
Séphiroth fronçait les sourcils, tournant et retournant le premier livre entre ses grandes mains. Gast le regardait faire avec une expression anxieuse.
"Tu… reconnais ? " finit-il par demander.
Séphiroth hésita.
L'image lui disait quelque chose. Celle sur la couverture de la Reine des Neiges aussi. Et le troisième livre était familier, avec son gros chocobo jaune entouré de ses poussins.
Il connaissait ces livres.
Mais... c'étaient des livres pour enfants. 'Première lecture' était-il écrit au dos des contes cosmos.
Il ouvrit le livre à la page de garde.
S. E. P. le H ajouté après coup, I, R, et le OTH en tout petit.
Et le souvenir lui revint.
Il venait d'apprendre à écrire son nom et le faisait partout. Sur les murs, sur sa table, sur les notes du professeur Falmis.
Sur ses livres.
Il vit du coin de l'œil que son père l'avait imité et découvert la même inscription sur le livre de la reine des Neiges.
"C'étaient mes livres," murmura Séphiroth, sans savoir pourquoi il proclamait l'évidence.
Il les avait lus, relus et relus encore, tant de fois que les pages avaient fini par tomber.
Son p... Hojo.
Hojo les avait jetés en lui disant qu'il était trop grand pour ça maintenant, mais Séphiroth…
Séphiroth les avait récupérés dans la poubelle dans le dos d'Hojo. Il les avait amenés au professeur Falmis et le professeur avait promis de les lui réparer.
Il leva les yeux vers le vieil homme qui lui sourit d'un air triste.
"Je craignais qu'ils n'aient été jetés après ma fuite de Midgar, mais quand je suis revenu, je les ai retrouvés dans un carton avec le reste de mes affaires."
Et il avait tenu sa promesse, réalisa Séphiroth en laissant son pouce courir le long du scotch rouge qui ornait la couverture des Contes Cosmo.
"Je m'excuse d'avoir mis aussi longtemps à te les rendre," déclara Gast.
Ce n'étaient que des livres pour enfants. Du mauvais carton et papier aux couleurs criardes, faits pour être abîmés par les mains malhabiles des petits et ne pas coûter cher à remplacer.
Mais tout d'un coup, ils devenaient pour Séphiroth un trésor sans prix.
"Merci," finit-il par répondre.
[1] Vincent a mauvaise mémoire, à cet âge, il était incroyablement vulgaire en wutan et d'une politesse exemplaire en commun. Son père a veillé au second et n'a rien réussi à faire pour le premier.
[2] Suggestion de Tseng
[3] Ça et il revenait juste de son escapade pour confier Edéa à Maduin. Il a aussi été de piquet presque un an après ça.
[4] Et les zéphyrs sont des friandises russes réelles ! J'ai découvert ça en cherchant comme se prononçait Zéphyr en russe XD
