Chapitre 55 : Les inconvénients de la famille
Résumé :
La parenthèse des Jours Carbuncle se ferme sur une invasion de la part du clan Nosfératu. Et si Vincent savait qu'il faudrait un jour leur présenter Riku et Zéphyr, il espérait vraiment que ce soit le plus tard possible.
Et Séphiroth découvre qu'avoir une grande famille n'est pas toujours une bénédiction. Il perd un peu le compte au niveau cousins.
Personnages :
Les Anciens et tout ce qui va avec, Team avalanche, Team Shinra, Team Nosferatu,
Tags spécifiques au chapitre :
Histoire de famille, cette fic est une histoire de famille, Vincent est un papa, Helgrimr est sans gêne, amour fraternel, Vincent est sur les nerfs, politique interne, Ifalna est une tête de chocobo des glaciers
Annoncement
Malheureusement, la vraie vie continue de me botter le cul avec une pointure 46 et je dois à nouveau mettre la fic en hiatus. J'espère qu'un mois sera suffisant pour reprendre mon avance et au moins finir cette partie avec le clan Nosferatu et leur lavage de linge sale en public. Désolée, et à bientôt !
"Hel, qu'est-ce que tu fiches ici ?"
"Du tourisme ?"
"Paine, qu'est-ce qu'il fiche ici ?"
"J'ai peur que ce soit des affaires de famille, Seigneur," répondit Paine, frissonnante dans sa robe de drapé léger, une valise à la main.
Elle lui donnait froid rien qu'à la regarder et Vincent s'effaça, leur laissant le passage.
Il jeta un regard par la porte avant de la fermer. Une limousine noire était garée devant Seventh Heaven, rutilante, attirant déjà une petite foule d'admirateurs. Un des fils de Yusui-san sortait de la boutique de sa mère et jeta un regard interrogatif à Vincent qui lui fit signe de surveiller le véhicule avant de fermer la porte.
Helgrimr s'était planté au centre de la pièce, dévisageant les autres occupants avec l'aplomb d'un fils d'Ancien habitué à l'obéissance et la déférence. Barret était figé en face de lui, le dévisageant avec surprise, pendant qu'Elmyra préparait rapidement le thé pour les invités, jetant des regards intrigués par-dessus son épaule. Vincent se tourna vers Paine, qui grimaça en baissant les mains vers le sol.
"Désolée, ça s'est décidé très vite."
"Vite comment ?"
Paine jeta un petit regard autour d'elle avant de passer en gongan antique, butant un mot sur deux.
"Être dans Gongaga, moins une heure."
Ça voulait dire que de la magie avait été impliquée. Et de la magie antique en plus. C'était donc une urgence.
Vincent soupira et se tourna vers son frère, désignant ses collègues.
"Lieutenant Barret Wallace, un des chefs du Vol," présenta-t-il rapidement avant de désigner Elmyra qui arrivait, un plateau entre les mains, "Elmyra Gainsborough, la maîtresse de maison."
"Oh, charmé, Madame, je vous remercie de votre hospitalité," déclara Helgrimr en lui tendant la main.
"Je… de même Monsieur…"
"Très honoré, Lieutenant," ajouta Helgrimr en inclinant la tête vers Barret.
"Monsieur…" commença Barret.
"Mon frère, Hel."
"Helgrimr," corrigea son frère avec un petit regard las à Vincent, "tu n'es toujours pas capable de le prononcer ?"
"Je ne fais pas d'effort," admit Vincent.
"Oh, Monsieur Helgrimr ! Bonjour," s'exclama Zack en se levant, imité par son frère.
"Bonjour Zack, Cloud, comment allez-vous les garçons ?" répondit Helgrimr en s'approchant d'eux, jetant un petit regard vers les adolescents. "Cid est là ?"
"Il démolit un canapé dehors," répondit Cloud.
Zack sursauta et se précipita vers la porte de derrière, partant chercher le dragoon.
Yuffie jura à voix basse avant de se lever aussi, s'inclinant poliment puis cherchant son frère du regard. Vincent tourna rapidement les yeux vers Riku, qui dévisageait Helgrimr avec surprise, puis à nouveau vers Yuffie qui sembla comprendre le message.
"Je crois que les adultes vont se dire des trucs d'adultes ! " s'exclama-t-elle en soulevant Marlène, la juchant sur sa hanche, "tu viens, Nanaki ?"
"J'arrive," murmura le fauve en se dégageant de son plaid, poussant Riku du museau.
"Va avec eux," ordonna Vincent, "je t'expliquerai plus tard."
"Oui, 'Ji-san."
Helgrimr fit un geste pour approcher de Riku, tendant la main pour la poser sur lui.
Vincent ne sut jamais à quel moment il s'était approché suffisamment prêt pour retenir son frère d'une main sur le ventre, mais aux expressions surprises des gens dans la pièce, personne à part Cloud n'avait dû le voir bouger. Helgrimr le fixa du coin de l'œil, puis baissa très lentement la main et fit un pas en arrière, laissant les adolescents disparaître rapidement dans le couloir.
Vincent l'imita, inspirant longuement. Il avait réagi instinctivement, mais il ne comprenait pas… Helgrimr n'était pas du genre à faire du mal à un enfant, pourquoi avait-il…
"Il te ressemble," nota son frère, le coupant dans ses pensées.
"Il a le sourire de sa mère," rétorqua Vincent pendant que Cloud se détendait petit à petit.
"C'est Riku, je présume ?"
Vincent désigna la porte du bureau d'un geste autoritaire.
"Entrez là-dedans. Tous les deux."
Au regard de Paine, et à la vitesse à laquelle la jeune femme obéit, il avait probablement été un peu trop autoritaire. Helgrimr prit son temps pour obtempérer toutefois.
"Tu sais que tu ressembles à Père quand tu…"
"Entre," répéta Vincent avant de se tourner vers Barret. "Barret, je m'excuse…"
"On va vous laisser tranquille. Ça ira ?"
"Je promets de ne pas le tuer."
"Je vais devoir m'en contenter," marmonna le colosse.
Reeve se levait de sa chaise quand Vincent entra après sa famille.
"Jessie, est-ce que tu pourrais nous laisser, s'il te plait ?" demanda Vincent, "j'ai peur que cette réunion soit classifiée."
Jessie jeta un petit regard nerveux à Helgrimr, mais finit par hocher la tête, ramassant rapidement des dossiers avant de sortir, refermant derrière elle.
"Vincent, que se passe-t-il ?" s'inquiéta Reeve.
Leur sniper activa la matéria de sceau avant de répondre.
"Visite familiale intempestive."
"Oh," fit Reeve avant de se tourner vers Helgrimr, lui tendant la main, "vous devez être le Docteur Bélial ?"
Lequel eut un grand sourire avant de tendre l'autre main en réponse.
Il fallait reconnaître que Reeve retombait rapidement sur ses pattes et il n'eut pas plus d'une seconde de flottement avant de changer de main comme si de rien n'était.
"Presque, Helgrimr Bélial, à qui ais-je l'honneur, Monsieur ?"
"Reeve Tuesti."
"Il est l'autre chef du Vol," expliqua Vincent. "Il sait pour notre famille."
L'expression affable du vieil homme devant Reeve se durcit et la ressemblance avec Vincent s'accentua encore.
"Makoto," commença Helgrimr d'un ton soudain dangereux.
L'automate sur le bureau de Reeve commença à s'agiter, obligeant Vincent à se pencher pour l'arrêter d'une main.
"C'est le dernier des inspires."
Le daguerrien jeta un regard soupçonneux à Reeve qui se contenta de désigner la peluche sur son bureau. Celle-ci se redressa, puis se mit sur ses pieds avant de saluer Helgrimr d'une élégante révérence.
Cette fois, ce fut Helgrimr qui resta silencieux avant de s'incliner poliment devant Reeve au grand étonnement de celui-ci.
"C'est un honneur de vous rencontrer et un plaisir d'apprendre que votre clan existe toujours, Messire."
"Mess… Vincent ?" fit Reeve en plaquant un sourire diplomatique sur ses lèvres.
"Il ne sait pratiquement rien des Anciens," intervint Vincent, "A vivre caché, son clan a oublié."
Helgrimr hocha la tête d'un air entendu, non sans jeter un regard las à son frère. Lequel le lui rendit. Reeve se sentit presque soulagé que leur attention se détourne de lui.
"Pourquoi es-tu là ?" finit par demander Vincent.
"Plusieurs choses, entre autres, rencontrer mon neveu et petit-neveu…"
Vincent soupira, il l'avait senti venir.
"Mais aussi tenter de te rendre présentable pour la réunion de famille."
Reeve était soudain bien content d'avoir un meuble entre les deux frères et lui. L'ambiance commençait à être électrique dans la carte postale qui lui servait de bureau. Il espérait que ça ne reste qu'une expression et qu'aucun des deux n'allait soudain lâcher des éclairs.
"Quoi ?" rétorqua Vincent.
"Tu n'es pas au courant ? Je croyais que tu avais rencontré Sadali…"
"Qui ?"
"Notre petit neveu à la cour d'Alexandria."
"Il ne s'est pas présenté. Il m'a effectivement parlé de ça mais sans me donner de date."
"Vincent ? Il faudra qu'on discute…" nota Reeve en se frottant le visage.
"Père s'est un peu démené pour persuader les Anciens de se rassembler et..."
"Hel," coupa Vincent d'un ton froid, "quand a lieu cette réunion ?"
Helgrimr prit le poignet de Paine, jetant un coup d'œil à sa montre avant de répondre.
"Tu as une heure pour prendre un bain et te changer."
Reeve dû faire appel à l'expérience de décennies de réunions à la Tour Shinra pour garder une expression impassible.
Vincent allait exploser.
Ou pas. Il resta étonnement très calme et se redressa en inspirant longuement.
"Je vais te tuer."
"J'aimerais bien voir ça," rétorqua son frère, un sourire moqueur aux lèvres, "mais après la réunion. Paine ? La valise."
La jeune femme cessa de gratouiller la peluche de chat derrière les oreilles et ramassa la valise à ses pieds pour la tendre à Vincent. Vincent la toisa d'un air froid.
"Non."
"Makoto, ne fais pas l'enfant."
"Je me doute de ce qu'il y a dedans. Non."
"Tu vas enfiler ça ou je mets le feu à tes vêtements."
Les deux frères se regardèrent longuement en chien de faïence avant qu'une flammèche ne commence à courir sur la main d'Helgrimr. Avec un grognement las, Vincent attrapa la valise et sortit du bureau à grand pas, brisant le sort de silence.
"Dites-moi que vous ne l'auriez pas fait ?" Demanda Reeve d'une petite voix.
"Pourquoi pas ? Ça n'aurait pas été la première fois."
Devant le regard effaré de Reeve, Paine se permit de lui tapoter l'épaule d'un air de commisération.
"Fils unique, hein ?"
"Je suis soudain tellement heureux de l'être."
"Aniki ! " appela Yuffie quand il passa devant la porte ouverte de sa chambre.
Vincent s'arrêta, réalisant que les adolescents s'étaient réfugiés là avec la petite fille. Marlène était à califourchon sur le dos de Red, couché au sol et lui brossait la crinière avec application. Riku et Yuffie étaient assis de part et d'autre du fauve, tenant élastique et peignes.
"Tout va bien ?" demanda Yuffie, inquiète.
"Réunion de famille, tu devrais appeler ton père."
"Ah merde, je le fais tout de suite ! Marlène, je suis désolée, je reviens dans quelques minutes, finis de brosser Nanaki en attendant ! "
Vincent se dirigea à nouveau vers sa chambre, entendant le pas de Riku derrière lui. Un jour, il faudrait qu'il lui apprenne la marche silencieuse à lui aussi.
"Ferme la porte," ordonna-t-il en posant la valise sur le bureau.
Riku sursauta et obéit avant d'approcher de son grand-père.
"C'est qui ?"
"Mon frère aîné. Hel... Helgurimur. Helgrimr."
Il laissa échapper un soupir rageur avant de tourner la tête vers Riku, qui semblait inquiet. Évidemment, voir Vincent réagir aussi vivement à la présence d'Hel ne pouvait que l'inquiéter. Vincent se força à se calmer, inspirant et soufflant longuement avant de reprendre.
"Il ne te fera aucun mal, ne t'en fais pas."
Riku hocha la tête d'un air peu convaincu.
"Pourquoi tu l'as empêché de me toucher alors ?"
"Honnêtement : je ne sais pas," répondit Vincent avant d'ouvrir la valise, regardant son contenu.
C'était bien ce qu'il avait craint.
Le même costume traditionnel gongan que Hel. En plusieurs tailles. Il ne l'avait pas porté depuis… quarante ans maintenant ? Et il aurait été bien parti pour ne pas le porter quarante ans de plus.
"Je hais les salwar," marmonna Vincent dans sa barbe.
"Je devrais être en train de travailler," grommela Rufus, assis sur son canapé, Umbra allongée en travers de ses jambes et refusant de se lever.
"Non," déclara Séphiroth en lui tendant une tasse, "c'est la première fois en une semaine que tu n'as pas de gala, de dîner ou autre joyeuseté du même genre. Tu te reposes."
"Et les filles sont en congés," ajouta Reno, affalé sur un fauteuil en train de regarder le bêtisier de l'année à la TV, "vous pouvez pas bosser sans elles."
Rufus grommela encore pour la forme, mais entre Séphiroth, Umbra, et les Turks au grand complet qui squattaient ses appartements, il n'avait aucune chance de se lever pour autre chose qu'aller aux toilettes.
Et il grommela derechef en réalisant que ce n'était pas un café dans sa tasse, mais une infusion fournie par Madame Falmis.
"Si tu n'es pas raisonnable, j'appelle Ifalna," le menaça Séphiroth.
Il eut la surprise de voir les Turks se redresser soudain, comme si Ifalna allait arriver et leur reprocher de ne pas se tenir droit.
"Vous la connaissez ?" s'enquit-il.
"Depuis une dizaine d'années," admit Tseng, "la famille du professeur Falmis a été mise sous protection Turk dès leur arrivée à Midgar."
"Oh, vous avez connu Aérith enfant alors ?"
"Il en fait encore des cauchemars," ricana Reno.
Séphiroth haussa un sourcil, interrogeant silencieusement Tseng qui soupira avant de prendre place sur le fauteuil libre.
"Je ne pensais pas que surveiller la fille du professeur Falmis serait aussi éreintant."
Reno prit une expression renfrognée tout en se rencognant dans le fauteuil, croisant les bras comme un gamin boudeur.
"La faute à Strife."
"Lequel ?"
"Zack," grommela Rude qui jouait à Triple triade avec Elena, tout en dégustant une poignée de chocolats rond enveloppés dans un emballage rouge et doré à l'effigie de Phénix.
"Non, elle était déjà comme ça avant," corrigea Tseng.
"Indépendante, têtue, casse-cou ?" suggéra Séphiroth.
"C'est de famille ?" s'enquit Reno.
"Oui," coupa Rufus.
"Moi, je l'aime bien," rétorqua Elena avant d'abattre victorieusement une carte.
Rude jeta un coup d'œil à leur jeu avant d'en poser une à son tour, faisant retomber l'expression de son adversaire.
"On l'aime tous," déclara succinctement Rude, "et on ne devrait pas."
"Fort heureusement, Père ne l'a jamais su," marmonna Rufus.
"Feu le Président prenait Aérith pour une jolie fille sans beaucoup de cervelle," déclara Tseng d'un air guindé. "Si le Professeur Falmis n'avait pas menacé d'abandonner Midgar si sa famille était en danger, il aurait probablement…"
"Il aurait fallu nous passer sur le corps," rétorqua Reno.
"Ah, c'est pour ça que vous êtes comme ça avec ma vie amoureuse ?" soupira Elena sans lever le nez de son éventail de cartes.
"Comme quoi ?" rétorqua Reno.
Elena lui jeta un Regard qui aurait figé un homme moins courageux et sans talisman contre le froid.
Le PHS de Séphiroth sonna et il le sortit de sa poche. Rufus le vit froncer les sourcils.
"Que se passe-t-il ?"
"Tuesti," répondit Séphiroth en se levant pour décrocher, "allo ?"
Le silence se fit dans la pièce, Umbra étant la seule à ne pas tenter d'espionner la conversation.
"Pardon ? Ah. Très bien. Oui, j'arrive."
Séphiroth raccrocha et soupira légèrement avant de revenir vers Rufus.
"Un de mes oncles vient d'arriver à Seventh Heaven. Tuesti me demande de venir empêcher mon père de le tuer."
"Ah, les joies de la famille," commenta Rude.
"Je viens," déclara Rufus en tentant de repousser Umbra qui se contenta de peser de tout son poids sur lui.
"Tu restes ici et tu te reposes," ordonna Séphiroth en se dirigeant vers la porte. "Ça ne devrait pas prendre trop longtemps."
"Sauf s'il faut ramasser les morceaux," marmonna Rude.
"Elena, allez avec lui" ordonna Rufus.
"Oui, Monsieur," répondit la jeune femme en ramassant ses cartes, les fourrant dans sa poche avant d'emboiter le pas à Séphiroth.
Les quatre hommes les regardèrent sortir de la pièce puis Reno se tourna vers Rude qui rassemblait son jeu.
"Elle perdait, hein ?"
"Même en trichant," rétorqua Rude avant de mettre un nouveau chocolat dans sa bouche. "Une partie, Monsieur Shinra ?"
"Je ne connais pas les règles," objecta Rufus malgré son regard curieux vers le tas de cartes.
"Vous allez aimer."
"Pas de pari, pas de tricherie, pas de télépathie," soupira Tseng de son fauteuil.
"Tu t'attendais à quoi, honnêtement ?" grommela Cid, "tu débarques sans prévenir alors qu'il commence tout juste à être à l'aise avec Riku et Zéphyr."
"Si j'avais pu le prévenir avant, je l'aurais fait," protesta Helgrimr avant de se tourner vers Elmyra qui lui tendait une part de gâteau, "merci Madame."
"Faut qu'on vous équipe en PHS," grommela Cid.
"C'est prévu," répondit Helgrimr en s'asseyant à la table, posant son assiette, "je dois aussi trouver tout ce que je peux pour installer une antenne."
"Matos et plans de construction ?"
"Tu saurais où trouver ça ?" s'enquit Helgrimr.
"Shera, tu crois que Gip peut aider ?" demanda Cid.
"C'est le jour Phénix, ça risque d'être difficile à trouver," soupira Shera.
"Je vais appeler Edgar, il doit avoir des bons plans…"
"Ce gâteau est délicieux, Madame Gainsborough ! " s'exclama Helgrimr après avoir goûté sa part.
"T'arrêtes de faire du charme à Elmyra, oui ?" ricana Cid malgré lui, devant l'expression de plus en plus sombre de Barret.
"Oh, le lieutenant Wallace n'a rien à craindre de moi. J'aime juste être dans les bonnes grâces des maîtresses de maison, surtout quand elles sont d'excellentes cuisinières."
"Et il y arrive bien,'" admit Elmyra avec un petit sourire amusé.
"J'en déduis que mon petit frère ne sait toujours pas jouer de son charme ?"
"Il est plus subtil," rétorqua Elmyra en servant un deuxième thé à Paine, emmitouflée dans un des plaids du canapé.
Vincent descendit dans la salle commune à ce moment-là, vêtu d'un pantalon bouffant et d'une longue chemise autour de laquelle il tentait de nouer une large ceinture brodée. Riku le suivant, tenant un long manteau noir sur son épaule.
"Tu as vu comment tu es attifé ?" soupira Helgrimr.
"Helgrimr, va mourir."
"Ah, tu vois quand tu veux, tu peux le dire. Paine, rhabille-le comme il faut."
Paine, née et élevée à Midgar sur deux générations, n'avait visiblement pas la moindre idée de comment fonctionnaient les vêtements traditionnels gongan non plus et Helgrimr dû se lever aussi pour aider comme il pouvait. Après de longues minutes et des explications brouillons, Vincent finit par nouer la ceinture à la wutane et reprit son manteau à Riku, cachant le nœud sous la longue veste.
"Au moins, les habits te vont, tu as repris du poids, non ?" commenta son frère.
Vincent lui jeta un regard las, laissant Shera et Cid admirer le résultat.
"Tout lui va, c'est pas juste," marmonna Shera en levant son PHS pour une photo souvenir.
Vincent posa sa main sur l'objectif, secouant la tête.
"Pas maintenant, Shera."
"Pourquoi ?" rétorqua Cid, "j'aimerais bien un souvenir…"
"Aniki ! J'ai besoin d'un coup de main ! " s'exclama Yuffie en déboulant dans la salle commune comme un double-corne sur un matador.
Elle portait un kimono encore grand ouvert sur son juban, sa ceinture sur l'épaule et tenait Marlène dans ses bras. Elle déposa l'enfant dans les bras de son père et tendit la ceinture à Vincent qui s'attela aussitôt à la lui nouer.
"Je dois aller voir mon papa, Marlène, mais je reviens le plus rapidement possible et on finira de faire des tresses à Nanaki."
Vincent jeta un petit regard à la fillette par-dessus l'épaule de Yuffie. Marlène se cramponnait à son père, essayant de faire le tour de son cou de ses petits bras. Elle était inhabituellement silencieuse, jetant des regards inquiets à Paine et Helgrimr, malgré les efforts de celui-ci pour être souriant et aimable.
"Tu as pu avoir ton père ?" finit par demander Vincent en resserrant le nœud comme il pouvait.
"Oui, il envoie une voiture me chercher. Je dois le retrouver là-bas."
"Il est à Midgar ?"
Yuffie secoua la tête, mais avant que Vincent ait pu clarifier la question, la sonnerie des amis de Seventh Heaven retentit.
"J'y vais," déclara Elmyra en allant ouvrir.
Séphiroth était sur le pas de la porte, vite rejoint par Elena, à bout de souffle d'avoir tenté de suivre un augmenté pressé. Elmyra lui adressa un gentil sourire et les fit rapidement entrer, faisant signe à Elena de s'asseoir, ce qu'elle refusa d'un signe de tête, se retenant à la veste de Séphiroth d'une main.
"Que se passe-t-il ?" demanda-t-il, parcourant rapidement la salle du regard.
Il eut la surprise de voir que son père avait saisi un vieil homme par les épaules et l'obligeait à lui tourner le dos.
"Mais, enfin ! Makoto ! " protesta sa victime.
"Je te demande une minute, Hel," gronda son père en l'empêchant de tourner la tête, le retenant d'une main sur la nuque.
"Mais…"
"C'est pour ton bien."
Le vieil homme, Hel, avait dit son père, cessa de se débattre en soupirant, posant un poing sur sa hanche, mais laissant son autre bras retomber le long de son corps.
Il n'avait pas de main droite. Sa manche était repliée au niveau du coude.
"Je vais te laisser rencontrer Zéphyr," déclara calmement son père, "mais s'il te plait : reste calme. Regarde le dans les yeux. Et souviens-toi : Ce n'est pas Chaos."
Le vieil homme se tendit à la mention de ce nom. Séphiroth échangea un rapide regard avec son père et éloigna lentement Elena de lui d'une main malgré les protestations de sa garde du corps. Son père libéra le vieillard, le laissant se tourner vers lui.
Oh, mana.
Il était plus grand, plus âgé que son père et la forme de ses yeux n'était pas la même, mais à part ça…
Ce devait être son oncle.
Et il le terrorisait, Séphiroth pouvait entendre son cœur battre la chamade, voir ses yeux s'écarquiller et il esquissa un geste pour s'éloigner, mais son père le retint d'une main sur le dos, parlant doucement.
"Chaos est mort, Hel, c'est Zéphyr. Regarde ses yeux."
Chaos. Le même nom que son père avait dit la première fois qu'il l'avait vu avec les cheveux noirs.
Séphiroth se força à se détendre aussi, baissant les épaules et levant le nez pour dégager son visage. Il vit les yeux rouges du vieillard croiser son regard et la peur commença à disparaître.
Pendant quelques instants, il avait cru qu'il avait été reconnu, que c'étaient ses crimes qui terrorisaient le vieillard...
Qu'est-ce que le fameux Chaos avait pu lui faire pour provoquer une telle réaction ?
Séphiroth baissa rapidement les yeux vers le bras de son oncle.
Il avait peut-être déjà la réponse.
Son père attendit encore un peu que son frère se calme et se tourna vers Séphiroth, l'incitant à approcher d'un geste.
"Zéphyr, je te présente un de tes oncles, Hel."
"Helgrimr," rétorqua le vieil homme en semblant se reprendre, tendant la main vers Séphiroth, "je ne pensais pas un jour avoir un neveu par ce frère."
Et, juste comme ça, la sollicitude de son père envers son frère s'effaça, remplacée par ce qui ressemblait fort à de l'agacement.
Séphiroth approcha et serra très doucement la main offerte, tachant de ne pas blesser le vieil homme.
"Monsieur."
"Et cette jeune dame ?" reprit Helgrimr en se tournant vers Elena qui observait la scène, "ta compagne ?"
"Non," répondirent d'une voix Elena et Séphiroth.
"Garde du corps," répondit Vincent, "non, pas comme ça," ajouta-t-il avec un regard las à son frère.
"J'ai passé l'âge des sous-entendus graveleux," rétorqua le vieil homme.
"Vraiment ?" rétorqua son père d'un ton mordant.
Bon, Séphiroth commençait à en déduire que la relation entre son père et son oncle n'était pas la même qu'entre Reks et Vaan, seul référentiel fraternel qu'il connaissait. Il jeta un petit coup d'œil autour de lui, cherchant les autres occupants de Seventh Heaven. Riku se tenait près de la princesse, se cramponnant l'un à l'autre, visiblement inquiet du déroulement des événements. Cid et sa sœur tentaient de calmer son père et l'écarter de son oncle. Elmyra emmenait Marlène hors de la pièce, probablement pour qu'elle n'assiste pas à une autre scène et le lieutenant parlait à voix basse au Directeur Tuesti. Il ne voyait pas les jumeaux mais il entendait la voix de Zack, venant de la cour. Après une légère hésitation, Séphiroth se dirigea vers les deux adolescents.
"Que se passe-t-il ?" souffla-t-il.
"Histoire de famille," répondit Yuffie.
"'Ji-san est pas content," ajouta Riku.
Il y avait une jeune femme inconnue, debout dans un coin de la pièce, vêtue d'une robe beaucoup trop légère pour la saison et emmitouflée dans un des plaids de Seventh Heaven. Elle grimaçait au fur et à mesure que la dispute entre les deux frères s'envenimait et quand elle tourna la tête vers lui, il croisa un autre regard rouge. Séphiroth sentit Riku le tirer doucement par le poignet pour attirer son attention et il baissa les yeux sur lui.
"C'est Paine. Ji-san dit que c'est ma cousine," expliqua l'adolescent.
Une cousine. La fille de… Helgrimr ?
Si ça continuait à ce rythme, il allait avoir besoin de prendre des notes sur son arbre généalogique.
"Comment je suis censé appeler mon oncle ?" marmonna Séphiroth, sans réaliser qu'il parlait à voix haute.
"Oh, tu peux m'appeler Amca si tu le souhaites," intervint le vieil homme, se désengageant de la dispute avec son frère.
"Tonton ?" traduisit aussitôt son père d'un air incrédule.
"C'est comme ça que Bélias et Mateus m'appellent," répondit fièrement son oncle.
"Qui sont…" commença Séphiroth avant d'être coupé par la porte de derrière qui s'ouvrit brutalement, manquant de peu de percuter le lieutenant.
"Vince ! " appela Zack en entrant, son PHS sur l'oreille. "C'est Aérith ! "
Il lui tendit son téléphone et Vincent s'éloigna de quelques pas de son frère, pendant que Riku et Séphiroth échangeaient un regard inquiet dans son dos.
"Aérith ?"
/Vincent vient vite s'il te plait !/
"Qu'est-ce qui se passe ?"
/Une de... de tes cousines ou nièces est à l'Église, elle veut emmener Mama !/
"Quoi ?" fit Séphiroth en approchant.
Vincent le retint d'une main sur l'épaule avant de se tourner vers Helgrimr, le foudroyant du regard.
"On continuera ça plus tard," promit-il d'un ton venimeux avant de retourner à Aérith, "passe-moi ma cousine."
/Oui ! C'est pour vous !/
/Allo ?/
"Ici Makoto de Daguerreo."
Il entendit un léger souffle à l'autre bout du fil.
/Lulu Gullwing./
"Restez où vous êtes, ne touchez pas à Madame Falmis et sa famille, nous arrivons."
/Très bien./
"Repassez moi Aérith."
/Oui./
/Vincent ? !/
"Nous arrivons, elle ne vous touchera pas."
/D'accord, je… merci…/
Vincent raccrocha et leva les yeux.
Tout le monde le regardait, attendant la suite, les ordres ou toute autre indication de ce qu'il fallait faire maintenant.
Il détestait être celui qui devait prendre les décisions importantes pour tout le monde. Il y avait une raison pour laquelle il préférait rester caché dans l'ombre.
"Reeve, je dois régler quelque chose à l'Église, il vaudrait mieux que les jumeaux viennent," déclara-t-il en rendant son PHS à Zack.
"Oui, vas-y… tenez moi au courant de… ce que vous pouvez…."
"Merci. Zack, Cloud, on se retrouve à l'Église, quoi qu'il arrive, ne blessez personne."
Les jumeaux étaient déjà à mi-chemin vers le garage mais Cloud cria leur accord par-dessus son épaule. Paine était blême et se précipita vers la porte, l'ouvrant en grand sans attendre Vincent, ni Helgrimr.
"Makoto, on n'a pas le temps," soupira Helgrimr en lui emboîtant le pas à l'extérieur, "tes enfants ne se sont même pas encore changés."
"Changé ?" marmonna Séphiroth à son fils qui désigna les vêtements de Vincent.
"On prend votre voiture," déclara Vincent, "Yuffie ?"
"La voiture de l'ambassade passe me chercher," répondit la jeune fille, "on se retrouve là-bas, soyez prudent."
"Bien. Riku, tu restes avec ton père."
Séphiroth se contenta de le suivre en haussant un sourcil, posant sa main sur l'épaule de Riku pour l'inciter à mettre ses chaussures.
"Vous venez ?"
Riku hocha vigoureusement la tête.
"Zéphyr, je ne prendrais pas pour toi, cette fois," grommela Elena.
"Je préviens Rufus, promis," soupira Séphiroth, "reste ici, je reviens."
"Mais, enfin, dans cette tenue…" protesta Helgrimr en montrant Riku qui enfilait son manteau avant d'enfoncer son bonnet sur son crâne.
"Si vous aviez prévenu d'avance, nous ne serions pas dans cette situation," rétorqua froidement Vincent, descendant dans la rue avant d'ouvrir la portière à Riku. "Monte."
"Oui, 'Ji-san."
"Je conduis," déclara Zéphyr avant de se faire damer la place par Paine.
"Monsieur Hamasaki, tout va bien ?"
Vincent tourna la tête en direction de Yusui-san qui se tenait près de Zéphyr, son balai à la main et qui observait Helgrimr d'un air méfiant. La connaissant, elle n'hésiterait pas à user de son arme sur son frère si elle le soupçonnait de quoi que ce soit de louche.
"Oui, oui, tout va bien Madame Yusui, c'est… une simple réunion de famille impromptue."
La vieille marchande hocha la tête lentement, son regard allant de Vincent et Zéphyr à Helgrimr.
"Ah. Madame Yusui, je vous présente mon père."
Apparemment, à son expression outragée, Helgrimr avait appris le wutan pendant ces quarante dernières années.
Parfait.
"Tu es vraiment un sale gosse," grommela Helgrimr une fois tous dans la voiture.
"Si tu as une autre idée pour expliquer notre différence d'âge, je t'écoute."
"Je n'ai que deux ans de plus que toi," protesta Helgrimr.
"Je peux conduire," objecta Zéphyr, reculant le siège autant qu'il pouvait pour caser ses jambes.
"J'irais plus vite," rétorqua Paine en retirant ses chaussures à talons pour les tendre à Zéphyr.
Le SOLDAT les prit avec une expression confuse.
"Mettez tous votre ceinture," ajouta Paine avant de démarrer.
Si les jumeaux arrivèrent avant eux, ce n'était que parce que la voiture était moins maniable que leurs motos, car la conduite de Paine était indubitablement celle d'une native de Midgar.
"J'ai raté beaucoup de choses sur la technologie moderne," admit Helgrimr en sortant de la voiture, jetant un regard nouvellement appréciateur à leur véhicule.
Riku avait bondit hors de la voiture pour ouvrir la portière de Paine, la regardant reprendre ses chaussures des mains de son père.
"Tu conduis TROP bien ! " s'exclama-t-il avec enthousiasme.
"Je t'apprendrais," promit Paine en se levant.
"Pas avant ses seize ans," objecta Séphiroth de l'autre côté de la voiture.
Vincent sortit de la voiture, jetant un regard alentour par habitude. La présence de la limousine attirait les regards, mais ils n'avaient pas le choix de la discrétion sur ce coup-là, il fallait régler la situation le plus vite possible. Aérith était devant l'Église serrant Zack contre elle et Cloud se tenait devant les portes, empêchant une jeune femme aux longs cheveux noirs nattés d'entrer. Paine ne prit pas la peine de remettre ses chaussures, se précipitant aussi vite qu'elle le pouvait vers eux.
Vincent approcha d'Aérith et Zack, Riku et Zéphyr sur les talons. La jeune guérisseuse tremblait, chose que Vincent ne l'avait jamais vu faire, même quand elle faisait face aux squames les plus terrifiantes.
"Aérith ?"
"Ça va. Nous allons bien," murmura-t-elle, "c'est juste… Mama est bouleversée…"
Vincent tourna le regard vers Paine et la jeune femme, probablement la dénommée Lulu. Elles parlaient toutes les deux rapidement à voix basse et Cloud leur refusait toujours l'entrée, planté bras croisés devant la porte, son air buté sur le visage.
"Je m'en charge," déclara Vincent avant d'approcher d'eux.
Si Vincent avait été aussi intéressé par les femmes qu'avant, qu'il n'était pas en couple et son grand-oncle, il aurait discrètement jeté un coup d'œil au décolleté de la dénommée Lulu.
Mais il était tout ça et en plus légèrement agacé de la journée qui s'annonçait et ne nota que sa ressemblance avec Paine en s'arrêtant devant elle.
"Seigneur, je vous présente ma sœur…" commença Paine en la prenant par le bras.
"Quels étaient vos ordres ?"
Lulu avait du cran, dû en convenir Vincent. Elle se tenait bien droite, gardant les yeux fixés sur son menton avant de répondre d'une voix claire.
"Je devais escorter Dame Falmis à la réunion, puis l'emmener à Daguerreo avec sa famille pour sa protection."
"C'est ton idée ou celle de Père ?" demanda Vincent à Helgrimr qui approchait.
"Makoto, écoute," commença son frère en levant la main d'un geste apaisant.
"Non. C'est pour ça," reprit Vincent en désignant les deux sœurs, ses enfants et Aérith, "que j'ai demandé à Père de me prévenir au lieu de débarquer ! "
"Makoto, elle est la dernière Cetra, elle doit être mise en…"
"Et comment tu as su ça ?"
Les deux sœurs firent un geste pour s'éloigner et il les figea sur place d'un regard.
"Le Seigneur Helgrimr nous a demandé d'enquêter sur Aérith Falmis," déclara rapidement Lulu.
"Vous avez enquêté sur Aérith pour retrouver son parent cetra, c'est ça ?"
"Makoto..."
Vincent se tourna vers Cloud et eut la surprise de voir le jeune homme bondir hors de son chemin et lui tenir la porte ouverte.
Hu. Entre ça et la réaction des deux sœurs, il devait peut-être faire un peu peur. Il entra et se força à faire une pause de quelques secondes, le temps d'essayer de se calmer. S'il approchait d'Ifalna dans cet état, il allait la terroriser encore plus.
Une fois calmé, ou du moins, plus calme, il rouvrit les yeux et chercha ses amis du regard.
Ifalna et Gast se tenaient au bout de l'église, juste devant l'autel usé par les ans et les rituels, au milieu d'une étendue de terre envahie par les ronces. Gast tenait sa femme dans ses bras, la berçant lentement contre lui en murmurant et tourna la tête vers Vincent quand il approcha. Il lui fallut quelques secondes pour le reconnaître dans ses vêtements gongan et son expression se teinta de soulagement.
"Vincent," murmura-t-il.
Ifalna leva les yeux et lâcha Gast, tendant les mains vers lui.
Il hésita quelques secondes, mais finit par franchir les quelques mètres qui les séparaient et posa sa main humaine entre les siennes avec un petit soupir.
"Je suis désolé, Ifalna. Je ne savais pas ce que Père préparait."
"Je sais," répondit Ifalna, serrant ses doigts de toutes ses forces.
"Vincent, qui sont-ils ?" demanda Gast avec un petit regard vers la porte.
Vincent tourna la tête, voyant Helgrimr entrer, suivi par leurs nièces. Il les tint à distance d'un regard noir avant de revenir vers Ifalna et Gast.
"Ma famille. J'aurais préféré que la rencontre se passe autrement, mais ils n'en font qu'à leur tête."
Gast et Ifalna eurent le même sourire sarcastique à son encontre.
"Je sais. C'est héréditaire."
"Qu'est-ce qui se passe, Vincent ?" reprit Ifalna d'un ton à nouveau tendu, jetant un regard méfiant à Helgrimr.
"Père organise une... réunion de famille. Tout le monde est convié."
"Au sujet de la Calamité ?"
"Et du temple, probablement… Il veut les prévenir."
"Lulu a dit que je devais la suivre," murmura Ifalna "et qu'ensuite, elle nous amènerait à Daguerreo…"
"Est-ce qu'elle vous a menacés ?"
"Non, non. Vincent, je la connais depuis des années, je l'ai vue à douze ans avec des jupes courtes et les genoux cagneux ! "
"Ifalna, j'ignorais qu'elle était de ma…"
"Depuis combien de temps est-ce qu'elle nous espionne ? ! "
"Pas longtemps… fin novembre, probablement…"
"Tout le monde est Turk dans ta famille ?" bougonna Gast.
"Tseng aimerait que ses hommes soient aussi efficaces," rétorqua Vincent sur le même ton. "Ifalna… Les méthodes de Père sont discutables et je te promets de lui en parler. Mais il n'a pas tort."
"On ne me forcera pas à quitter Midgar ! " déclara Ifalna en lâchant la main de Vincent.
"Ils ne t'emmèneront pas à Daguerreo si tu ne le souhaite pas," déclara Vincent. "Mais… Tu es la dernière Cetra. Nous avons besoin de toi…"
Ifalna secoua la tête, reculant d'un pas en tendant les mains devant elle, paumes vers le bas.
"Je te l'ai dit : Quand je mourrais, les secrets des Cetra disparaîtront et c'est le mieux qui puisse arriver."
"Hojo cherche le temple de la matéria noire. Il a la clef pour l'ouvrir."
"Les Gardiens l'en empêcheront."
"Quels Gardiens ?"
Et soudain la présence même d'Ifalna disparut. Vincent eut la fugace impression qu'un mur de glace venait de s'élever entre elle et lui.
"Chérie ?" fit Gast, tâtonnant pour trouver sa femme, comme s'il n'arrivait plus à la voir.
"Je n'irais pas à cette réunion," déclara calmement Ifalna. "Aérith non plus."
"Ifalna…"
"C'est mon dernier mot."
Vincent soupira. Ifalna était la digne mère d'Aérith et cousine de Lucrécia. Elle ne bougerait pas de ses positions. Il entendit un pas derrière lui et se tourna, reconnaissant Helgrimr qui approchait lentement.
"Dame Cetra…" commença Helgrimr en s'inclinant respectueusement.
Vincent se tourna, l'attrapa par le bras et le fit reculer de quelques pas, aussi doucement qu'il put se forcer de l'être.
"Si ce n'est pas pour présenter des excuses sur la façon dont vous l'avez traitée, ce n'est pas la peine," souffla-t-il à son oreille.
"Mais…"
"Elle restera là. Lulu."
La jeune femme sursauta et approcha, suivie de près par sa sœur.
"Puis-je te faire confiance ?" demanda Vincent.
Lulu resta silencieuse quelques instants, jetant un petit regard en direction de sa sœur, puis d'Helgrimr avant de sembler se décider.
"Vous êtes la Voix du Seigneur de Daguerreo à Midgar. Excepté sur un ordre contraire de sa part, je vous obéirais."
Ça devrait malheureusement suffire. Il ne restait qu'à espérer que son père n'allait pas débarquer à Midgar.
"J'aimerais que tu restes avec les Falmis et que tu les protège jusqu'à mon retour."
Lulu inclina la tête.
"Ce sera fait, Seigneur."
Helgrimr fit un signe à Paine qui tendit son poignet, lui présentant sa montre.
"Nous n'avons plus le temps, il faut y aller."
Vincent laissa échapper un soupir rageur et, après un dernier salut à ses amis, sortit de l'église. Cloud lui emboîta le pas à peine sortit.
"Makoto ?"
"Cloud, tu peux rester ici avec Zack ?"
"Tu pourras pas nous éloigner," répondit Cloud avec un regard par-dessus son épaule, jetant un regard méfiant à Paine qui les suivait.
"Parfait, Gast et Ifalna veulent rester à Midgar, Lulu va les protéger, mais si jamais d'autres fouineurs aux yeux rouges arrivent, mettez-les dehors."
"Avec plaisir ou avec diplomatie ?" demanda Zack qui arrivait aussi, la petite main d'Aérith dans la sienne.
"Makoto," soupira Helgrimr.
"Sans casser d'os, de préférence."
"Diplomatie alors," décida Cloud en croisant les bras.
"Riku, Zéphyr, on y va."
Riku ouvrit la porte de la voiture, laissant entrer Helgrimr pendant que son père se tournait vers Paine.
"Je conduis."
"Tu sais où on va, cousin ?" rétorqua-t-elle en lui tendant ses chaussures.
Zéphyr soupira mais admit le point et prit la paire de talons par la bride avant de lui ouvrir la porte.
Ce ne fut que dans la voiture que Vincent réalisa quelque chose qu'avait mentionné Lulu. Il se tourna vers son frère, assis de l'autre côté de Riku, probablement pour se mettre à l'abri de la colère de Vincent.
"La Voix de Père à Midgar ?"
"C'est ce qu'il t'a dit, tu te souviens ?"
"Qu'est-ce que ça signifie ?" demanda Zéphyr en se tournant sur le siège avant.
"Qu'il l'a fait responsable des membres de notre famille à Midgar," répondit Paine d'un ton sec.
"T'es le chef ?" traduisit Riku.
"À mon corps défendant," grommela Vincent.
"Père pensait…"
"Père," coupa Vincent, "pense beaucoup de choses sans jamais nous demander notre avis."
"Il est le Seigneur Diablos, Roi de Daguerreo, Père de la Mémoire, Gardien des Connaissances Interdites," reprit Helgrimr. "Notre Père."
Vincent tenta de soutenir le regard de son frère, mâchoires serrées. Ils restèrent ainsi quelques secondes avant que l'expression d'Helgrimr s'adoucisse et qu'un petit sourire las lui vienne.
"Et tu lui ressemble beaucoup plus que tu ne le penses."
A une autre époque, Vincent se serait senti insulté par cette réplique. Maintenant qu'il était responsable de Riku et peut-être aussi de Zéphyr…
"Zéphyr ?"
"Oui ?"
"Si je commence à décider pour toi sans demander ton avis, mets en moi une. Je l'aurais mérité."
"Je saurais m'en souvenir," rétorqua son fils avec un petit sourire.
Le lieu de rendez-vous était en plein milieu des falaises arides autour de Midgar, au bout d'un chemin escarpé dans lequel Paine eut du mal à faire rouler la limousine sans l'abîmer. Quand elle stoppa enfin le véhicule, ils se trouvaient au milieu d'un chantier archéologique, ou du moins, d'un campement qui en donnait l'apparence.
Les gongans armés qui montaient la garde brisaient un peu l'illusion.
Vincent descendit, parcourant rapidement le camp du regard. Il voyait quelques tentes, de fausses tranchées de fouilles... Il n'y avait rien qui permettrait d'accueillir une réunion d'Anciens alentours. Cependant Yuffie était là, accompagnée par Cid et se dirigea immédiatement vers eux, trébuchant sur le sol irrégulier.
"Aérith va bien ?" demanda-t-elle, frissonnant malgré son étole et la veste de Cid sur ses épaules.
"C'est résolu," répondit Vincent avant de jeter un petit regard à Cid, "tu... viens ?"
"J'accompagne juste Yuffie," rétorqua Cid, une cigarette aux lèvres, "Barret a insisté pour qu'elle parte pas seule."
"Madame Kramer était là," annonça Yuffie, "elle passait le portail quand on est arrivés."
"C'est quoi un portail ?" demanda Riku.
"Viens, je vais te montrer," répondit Yuffie en lui tendant la main.
Les adultes suivirent les adolescents jusqu'à une tente dans laquelle se trouvait le même assemblage de magie antique qu'à Burmécia, un portail ouvert et étincelant.
C'était bien ce que Vincent craignait. Il y avait de la magie antique impliquée.
Mais ce portail ci semblait neuf, la pierre dans laquelle les symboles étaient gravés n'était pas érodée et le tout était juste posé sur un sol de planches grossièrement assemblées.
"Comment avez-vous pu créer un portail ? Je croyais que cette magie était oubliée ?" demanda Vincent à son frère quand celui-ci entra à son tour.
"Ça fait plus de quarante ans que j'étudie la magie antique, tu sais," rétorqua fièrement Helgrimr.
Son frère avait donc fini par trouver une échappatoire à son intelligence débridée. Enfin, un qui ne le mettrait pas dans des ennuis plus gros que lui avec leur père en tout cas.
Yuffie était en train d'expliquer à Riku le principe et Séphiroth écoutait sans en donner l'air, affichant une expression presque blasée, sans perdre un mot de l'adolescente.
Cid regardait lui aussi pensivement le portail, tournant son mégot entre ses doigts.
"Ça mène où ?" finit-il par murmurer.
"Je l'ignore," admit Vincent.
"C'est quoi la portée de ces trucs ? Avec celui de Burmécia, on a fait… dix kilomètres ?"
"Dans les temps anciens, ils pouvaient mener à l'autre bout du monde."
"J'aime pas ça," marmonna Cid, "qu'est-ce que vous ferez si vous êtes bloqués là-bas ?"
"Viens avec nous," suggéra Helgrimr avec un petit sourire, "tu pourras voir ton père…"
Cid lui jeta un regard agacé, soufflant un nuage de fumée par les narines qui n'avait probablement rien à voir avec le tabac.
"Hel, j'ai envoyé chier mon vieux la seule et unique fois que nous nous sommes parlé, il n'a même pas pris la peine d'apprendre mon nom et si je n'étais pas son fils, je serais probablement mis à mort à vue par les Burméciens pour être homo."
La révélation sembla choquer Helgrimr.
"Tous les clans ne sont pas aussi tolérants que celui de Daguerreo," déclara Vincent.
"Père est là-bas," murmura Helgrimr.
"Quoi ?" s'exclama Cid.
"Le Seigneur Bahamut n'a répondu à aucun des courriers de Père, il a décidé d'aller le convaincre en personne."
"Oh, drekaskìtur, ils vont s'entretuer," marmonna Cid.
"Si ce n'est pas déjà le cas," soupira Vincent.
"Alors c'est encore pire que ce que je craignais, tu vas devoir parler aux Anciens à sa place," déclara Helgrimr.
C'était si improbable comme demande que Vincent resta bouche bée, dévisageant son frère.
"Pardon ? ! " finit-t-il par balbutier.
"Allons-y vite," déclara Helgrimr en posant la main sur le dos de son frère, le poussant vers le portail, "il faut prévenir Gigastein, qu'il te résume la situation avant qu'on commence la réunion…"
"Mais de quoi… Yuffie pourrait parler à ma place ! "
"Ne me jette pas aux fauves," rétorqua Yuffie.
"Non, tu vas devoir les convaincre que la Calamité est de retour et les persuader de reprendre le combat."
Oh, Minerva, s'ils s'en sortaient en vie, Vincent allait tuer son frère. Et son père tant qu'il y était. Il se tourna vers Zéphyr qui s'était approché en entendant le ton monter à nouveau entre les deux frères.
"Zéphyr, toi et Riku restez ici avec Cid, je reviens le plus vite possible."
"Non," reprit Helgrimr. "L'enfant vient aussi."
"Hey ! " protesta Riku, "j'ai quinze ans ! "
"Pas question," rétorqua Séphiroth.
"S'il possède les souvenirs de Minerva…"
Riku frémit au nom de la Déesse et Séphiroth l'attrapa aussi délicatement qu'il put, s'interposant entre Helgrimr et lui. Il commençait à comprendre pourquoi son père était aussi agacé par son oncle. Le vieil homme avait un don pour dire la mauvaise chose au mauvais moment et surtout à la mauvaise personne.
"Précisément," grinça-t-il. "Vous avez tenté d'enlever Ifalna de force, qu'est-ce qui vous fait croire que je vous laisserai emmener mon fils ?"
"Ils ont quoi ? ! " s'exclama Cid.
"C'était pas mon idée, Capitaine," se défendit Paine.
"Nous avons besoin de lui ! Outre les pouvoirs de la Déesse, le simple fait d'être en partie Cetra est un symbole fort qui pourrait rallier les Anciens dans le combat ! "
"Alors, je viens," déclara Séphiroth d'un ton définitif en croisant les bras.
Helgrimr cligna plusieurs fois des yeux, interloqué. Il jeta un regard abasourdi à Vincent, puis à Séphiroth.
"Je viens," répéta le SOLDAT, "au cas où ça vous aurait échappé, ce n'est pas de mon père que Riku tient le côté Cetra."
"Ouais, il a le sarcasme familial," nota Paine.
Cid laissa échapper un petit rire qu'il camoufla rapidement sous une toux opportune. A ses côtés, Yuffie faisait tout son possible pour conserver l'expression poliment intéressée d'une diplomate en mission délicate.
"Mais," reprit Séphiroth et tout le monde frissonna au ton froid et menaçant du SOLDAT qui décroisait lentement les bras. "s'il arrive quoi que ce soit pendant cette… réunion. Si mon fils ou mon père sont en danger…"
Il approcha d'un pas supplémentaire vers Helgrimr, surplombant le vieillard d'une bonne dizaine de centimètres.
"Nous partirons. Immédiatement. Et vous ne nous trouverez plus jamais."
Vincent s'était souvent demandé, en lisant les rapports au sujet de Séphiroth, bien avant qu'il découvre qu'il était son fils, comment un adolescent de quinze ans avait pu devenir général en plein conflit, et ensuite directeur des armées Shinra, menant des adultes aguerris au combat et leur inspirant courage et loyauté.
S'il avait fait preuve de moitié autant d'autorité à l'époque, tout s'expliquait.
"Très bien," finit par répondre Helgrimr.
"Bien," fit Séphiroth avant de reculer et se tourner vers Riku, "tu restes près de moi, d'accord ?"
"Ouais," répondit l'adolescent.
Helgrimr soupira et se tourna vers son frère, lui jetant un regard las.
"Tu ne peux pas les renier, ils ont ta tête de chocobo des montagnes," soupira Helgrimr.
"Estime toi heureux de ne jamais avoir rencontré la mère de Zéphyr."
"Oh, Da Chao Sama, c'était horrible," gémit Yuffie, penchée en avant.
Vincent était d'accord avec elle, et Riku aussi visiblement, mais Zéphyr, Helgrimr et Paine avaient franchi le portail frais comme des gardons.
Vincent n'avait pas la moindre idée où ils se trouvaient sur Gaïa.
Ils étaient à l'intérieur d'une ancienne bâtisse un peu délabrée, mais dont les dimensions grandioses n'avaient rien à envier à la Tour Shinra. Le sol avait été hâtivement nettoyé, mais les murs étaient toujours nus et abimés, et les grandes ouvertures qui les parsemaient étaient dépourvues de vitres, dévoilant un paysage blanc sous une tempête de neige à l'extérieur.
Malgré la météo, il n'y avait pas de vent qui s'engouffrait, ni de neige à l'intérieur et des globes lumineux brillaient à intervalles réguliers, illuminant une foule hétéroclite.
Vincent pouvait voir des humes, portant des costumes traditionnels de toutes les régions de Gaïa, mais aussi des Anciens sous leurs formes animales ou monstrueuses, des guerriers et des mages en tenues de combats, des serviteurs gongans qui couraient de gauche à droite, offrant des rafraîchissements, des boissons chaudes ou guidant les différents groupes à travers le bâtiment.
Ça ressemblait un peu au sommet diplomatique, en plus chaotique.
Et Vincent eut une autre raison d'avoir un déjà-vu quand l'Empereur de Wutai approcha, suivit de quelques wutan, tous en tenue de cérémonie. Yuffie se remit aussitôt droite, nouant ses mains devant elle avant de s'incliner respectueusement.
"Père."
"Yuffie," répondit l'Empereur avant de se tourner vers Vincent, le saluant à son tour, "Seigneur Makoto."
"Majesté."
Vincent s'inclina en interceptant discrètement la main de Helgrimr qui tentait de lui enfoncer son index dans le dos.
"Merci d'avoir accompagné ma fille, Seigneur," reprit le wutan.
"Je vous en prie, Majesté."
"Yuffie, nous y allons, Dame Da Chao nous attend."
"Oui, Père," répondit Yuffie avant de se redresser, "à tout à l'heure, Makoto."
Le père et la fille s'éloignèrent avec leur suite et Vincent vit l'Empereur tendre la main à Yuffie, qui soupira et déposa son fuma shuriken plié dans sa paume. Désarmer Yuffie semblait décidément être une constante chez les adultes qui l'entouraient. Vincent jeta un petit coup d'œil à son frère qui tentait de dégager sa main de sa prise.
"Makoto, tu n'as pas à t'incliner devant lui, tu es un fils d'Ancien," protesta Helgrimr à mi-voix
"Et il est l'Empereur de Wutaï," rétorqua Vincent en lâchant son frère.
Il réalisa que Zéphyr leur tournait le dos, cachant Riku à la vue du père de Yuffie malgré les efforts de l'adolescent pour jeter un coup d'œil.
"C'était le père de Yuffie ? Il a pas l'air commode," marmonna Riku.
"Pourquoi ne devez-vous pas vous incliner ?" reprit Zéphyr en lâchant son fils.
"Dans ce genre de rassemblement, le rang social est défini par la proportion de sang d'Ancien dans vos veines."
"Makoto, dis-moi que tu leur a appris les usages pour s'adresser à un Ancien ?" demanda Helgrimr, soudain inquiet.
"Vous réalisez que je ne connaissais pas mon père il y a un mois et que nous ne nous parlons que depuis… trois semaines ?" rétorqua Séphiroth d'un ton presque mielleux.
"Pareil," ajouta Riku d'une voix enjouée.
"Si tu nous avais…"
"Je sais, je sais," coupa Helgrimr en se dirigeant dans une direction, Paine sur les talons, "donne-leur les bases rapidement."
Vincent tourna la tête vers son fils et son petit-fils qui avaient tous les deux l'air ravis d'avoir rabattu le caquet à son frère.
"Je n'ai pas le temps de vous expliquer tout en détail. Mais quoi qu'il arrive, quand quelqu'un vous parle, gardez les yeux baissés, ne les regardez pas en face. Essayez de parler poliment," ajouta Vincent avec un petit regard à Riku qui grimaça, se sentant visé, "et ne vous éloignez pas de moi ou d'Helgrimr."
"Je ne lui fais pas confiance," murmura Séphiroth avec un regard méfiant dans le dos de son oncle.
"Tu fais bien, il est à l'origine de mes plus mauvaises habitudes," rétorqua Vincent avant de soupirer, "mais… mais il ne vous fera pas de mal."
Il ne devrait vraiment pas les encourager à se mettre Helgrimr à dos et montrer le bon exemple, mais… Il ne comprenait pas pourquoi il se sentait aussi agressif envers son frère. Leur dernière rencontre ne s'était peut-être déroulée sous les meilleurs auspices, mais s'était achevée… presque cordialement.
"S'il essaye d'emmener Riku…" gronda son fils.
Vincent leva la main, la posant sur l'épaule de son fils qui se laissa presque faire cette fois.
"Il devra d'abord me passer sur le corps, Zéphyr."
Zéphyr resta silencieux mais hocha sèchement la tête avant de baisser le regard vers Riku. L'adolescent se tenait derrière son coude, faisant de son mieux pour passer inaperçu, tout en affichant…
Oh, Mana.
Il les imitait, son père et lui.
"Est-ce que ça va Riku ?" demanda doucement Vincent.
L'adolescent hocha la tête, exactement comme son père quelques instants plus tôt, mais glissa un petit regard autour d'eux avant de montrer une direction.
"C'est ton père ?"
Vincent se tourna et s'aperçut qu'Helgrimr s'était approché d'une haute silhouette aux cheveux blonds, vêtue du même costume qu'eux et discutait de façon animée avec. De ce que Vincent pouvait lire sur leurs lèvres, il avait des récriminations à son sujet. Beaucoup.
"Non. C'est notre frère aîné. Gigas.
"Combien de frères avez-vous ?" soupira Zéphyr.
"En ne comptant que ceux de sang, deux," répondit Vincent, "ne bougez pas d'ici, je... dois le prévenir d'abord."
"Prévenir de quoi ?" s'étonna Riku.
Séphiroth regarda son père s'éloigner vers ses frères avant de répondre.
"Je ne connais pas les détails mais… un de leurs frères… leur as fait du mal, je pense. Et je lui ressemble beaucoup."
"Oh," murmura l'adolescent en regardant les trois frères commencer à se disputer.
Il pencha la tête sur le côté, les observant longuement avant de lever les yeux vers son père. Séphiroth sentit son cœur se serrer en reconnaissant l'expression qu'avait eu Kadaj pendant leur combat. C'était donc de là qu'il le tenait.
"On a vraiment une famille bizarre, hein ?"
"C'est toujours mieux qu'être le fils d'Hojo."
"Ou son petit-fils," maugréa Riku.
"Ou mon fils," ajouta doucement Séphiroth en glissant un regard à Riku.
L'adolescent baissa vivement les yeux, et resta quelques secondes à se mordiller pensivement les lèvres.
"Chui désolé," finit-il par murmurer...
Séphiroth haussa un sourcil en guise de question et Riku lui jeta aussi un petit regard avant de reprendre, agitant les bras sur les côtés, comme s'il n'arrivait plus à tenir en place.
"De tout ce que je t'ai dit. Au sujet de Maman."
"Riku…"
"Et d'avoir... d'avoir cru aux mensonges d'Hojo."
"Hojo est un excellent menteur," murmura Séphiroth. " je l'ai cru aussi."
Riku leva à nouveau les yeux vers lui, hésitant brièvement avant de reprendre.
"Il t'a dit quoi ?"
Séphiroth contempla le palais décrépit autour d'eux en soupirant.
"Qu'il était mon père. Que ma mère était morte en me mettant au monde. Qu'elle s'appelait Jénova."
Le regard de Riku se fit plus incisif et il ouvrit la bouche à nouveau, mais la referma, laissant Séphiroth finir.
"Que j'étais… que j'étais destiné à devenir le maître du monde."
"Et tu veux pas ?"
"Je veux juste que le monde me fou… me laisse tranquille," rétorqua Séphiroth.
Il baissa les yeux vers Riku, un petit sourire aux lèvres.
"Quand tout sera fini… Rufus, Umbra et moi disparaîtront. Enfin, je veux dire," corrigea-t-il au regard alarmé de son fils, "on se trouvera un coin tranquille où vivre, sans personne autour de nous. Il n'aura plus jamais à utiliser ses pouvoirs… Je n'aurais plus jamais à me battre… Umbra pourra apprendre à être une vraie darkstar."
"Ce serait bien."
"Tu pourras venir," proposa Séphiroth.
Riku lui jeta un regard abasourdi.
"Enfin. Si tu veux. Je comprendrais si tu préfères rester avec ton grand-père."
Séphiroth jeta un petit regard à son père qui discutait avec son deuxième frère, ou qui l'écoutait plutôt lui faire la morale, au vu de leurs expressions respectives.
"Il s'occupe bien de toi. Mieux que je ne saurais le faire."
"Il est cool," renchérit Riku avec un petit sourire. "mais…"
Il roula des yeux et acheva le geste d'un coup d'œil vers son père.
"Mais je crois que des fois, il sera content de rester seul avec Cid."
Séphiroth tenta de réprimer un petit sourire entendu et regarda Riku s'étirer avant de croiser les mains derrière sa tête.
"Et puis, moi, je veux retourner à la MGU quand Hojo broutera les coraux."
Ah, Sephiroth n'avait jamais entendu cette expression mais c'était très évocateur. Et ça sera réutilisé.
"Mais… je pourrais... venir vous voir, Rufus, Umbra et toi ? Pour les vacances ?"
"Tu seras le bienvenu."
"K'so, Gigas ! Depuis quand je suis connu pour ma diplomatie ?" s'exclama soudain Vincent.
Riku grimaça en se rapprochant de Séphiroth.
"Je suis content de pas être à sa place," marmonna l'adolescent.
"Pareil," ajouta Séphiroth pour qui diplomatie était le deuxième nom de Masamune[1].
"T'entends ?" demanda soudain Riku.
Séphiroth dressa l'oreille, aux aguets d'un danger.
"Quelqu'un chante," murmura l'adolescent.
Ah, en effet, il entendait un chœur de voix féminines non loin d'eux. Et il connaissait ce chant.
Il l'avait souvent entendu lors des oraisons funèbres de ses SOLDATs tombés au combat.
"C'est l'hymne des Fayths," murmura Séphiroth, un peu étonné de l'entendre ici.
"Ça vient de là ! " s'exclama Riku en se dirigeant vers une rangée de piliers.
Séphiroth soupira et le suivit à grand pas, tâchant de le rattraper.
"Riku, ton grand-père a dit…"
Le chant enfla et Séphiroth leva les yeux dans sa direction, puis attrapa son fils par le col, le ramenant vers lui avant de se cacher contre une colonne.
Une procession de femmes se dirigeaient vers le fond du palais et Séphiroth frissonna, tant du froid que de la magie qu'il pouvait sentir qui régnait autour d'elles. Et malgré la température qui descendait sur leur passage, elles étaient toutes vêtues, si tant est qu'il pouvait utiliser ce mot, de voiles légers et d'habits qui auraient été à leur place dans des vitrines de sous-vêtements de luxe. Elles avaient toute une peau allant du blanc neige au bleu pâle, leurs longs cheveux nattés et ornés de bijoux semblables à des glaçons taillés ou polis et elles avançaient au pas, les autres créatures du palais s'effaçant devant elles avec déférence et respect.
La plus vêtue d'entre elles était aussi la plus grande, qui dépassait toutes les autres de deux bonnes têtes, surplombant même Séphiroth. Si ça ne suffisait pas à la démarquer des autres, elle était aussi celle à la peau la plus bleue, couverte de givre qui étincelait comme des bijoux. Elle était enveloppée dans un grand voile fin, presque translucide, un pan ramené sur sa tête qui cachait son visage, ne laissant voir que ses longues nattes bleu foncé et sa bouche mauve marquant le chant des autres femmes.
Elle tourna la tête en passant près de Séphiroth et Riku et s'arrêta, le chant sur ses lèvres ralentissant jusqu'à stopper.
Séphiroth resta figé sur place quand elle changea de direction faisant un pas vers eux, perturbant la procession.
"Mère ?" appela une des femmes les plus âgées, tendant une main vers elle.
La shiva leva une main pour relever gracieusement son voile, baissant les yeux sur eux.
Elle devait avoir une quarantaine d'années -non, elle était plus vieille que les glaces de Grand Glacier - et semblait épuisée, mais même les cernes sombres sous ses yeux ne pouvaient pas gâter sa beauté.
Elle était belle. Terriblement belle, plus froide encore que la G-force qui l'avait servi dans l'arène.
Belle, froide… et triste.
"Minerva ?" souffla-t-elle d'une voix qui semblait accentuer encore le froid.
Cela sembla provoquer une commotion dans la procession, les suivantes tentant de retenir leur… chef ? Mère ? quand elle approcha de Séphiroth et Riku. Elle lâcha l'espèce de chapelet de matérias qu'elle tenait, le laissant retomber à sa ceinture et leva la main, touchant la joue de Séphiroth qui n'osa pas bouger.
"Mère," reprit la suivante, "Mère, le sort ! "
La shiva sursauta et elle recula, au moment où Zéphyr sentit une main se poser très doucement sur sa nuque, lui faisant pencher la tête.
"Baissez les yeux," ordonna son père en s'arrêtant près de lui, s'inclinant devant la shiva. "Toutes mes excuses, Dame Shiva, je prends la responsabilité du manque de politesse de mes fils."
Soudain, Zéphyr commença à sentir le froid glacial qui régnait et se mit à frissonner, resserrant ses bras autour de son fils.
"Excuses… acceptées," souffla la voix claire.
Les yeux baissés, Zéphyr ne vit de la shiva, Dame Shiva, que sa main quand elle reprit son chapelet de matérias et se tourna dans un murmure de voile, avant de s'éloigner, reprenant son chant.
Son père garda sa main sur sa nuque pendant un petit moment avant de le libérer, se tournant vers eux avec un regard légèrement désapprobateur.
"Il ne faut pas les regarder dans les yeux. C'est un signe d'irrespect. Est-ce que ça va ?"
Zéphyr hocha la tête sentant le froid s'estomper un peu au fur et à mesure que les femmes des glaces s'éloignaient, les dernières le foudroyant du regard comme s'il avait insulté leur reine.
Leur mère.
"C'est… Shiva ?" murmura Séphiroth.
"Dame Shiva, la Reine des femmes des glaces," répondit son père avant de tendre la main vers sa joue, là ou elle l'avait touché.
Séphiroth grimaça et frémit, portant les doigts à sa joue. Ça le brûlait, comme la morsure d'un sort de glace et quand il toucha sa joue, elle était presque gelée.
"Ca aurait put être pire," nota Helgrimr en approchant à son tour, jetant un regard dans la direction de la procession, "le simple fait de la toucher peut vous tuer en quelques minutes. Ça servira de leçon ?"
"Je… je ne comprends pas," murmura Séphiroth en plaquant sa paume sur l'engelure, "le chant, c'est yévonite ?"
Son père et ses oncles eurent le même reniflement méprisant à cette théorie.
"Non, non, quand Père a encouragé Yévon à créer sa secte après la guerre des machines, il s'est arrangé pour glisser ce chant dans leur liturgie, afin que les prières yévonites viennent en support au clan Shiva," expliqua Helgrimr.
"Dommage que ça se soit retourné contre les Anciens," marmonna Gigastein.
"Ce n'est pas exactement une prière," ajouta Vincent en poussant les doigts de son fils pour inspecter la blessure.
"Qu'est-ce que c'est alors ?" demanda Séphiroth.
"Un sort. Le sort qui maintient Grand Glacier sous la glace."
La joue guérissait déjà et le givre se dissipait petit à petit, ne laissant que deux petits traits blancs, à peine plus pâle que sa peau.
"Ça fait deux mille ans qu'elle le maintien."
"Voilà Madame Falmis."
"Merci, Cloud," répondit la fleuriste en acceptant la tasse que lui tendait le jeune homme.
Cloud hocha la tête et tendit une deuxième tasse de son plateau au Professeur Falmis, assis près de sa femme.
Après le départ de Makoto et des autres, Ifalna avait demandé à rentrer chez elle et ils avaient joyeusement accepté, escortant la petite famille à leur maison. La jeune fille aux yeux rouges les avait suivis sans un mot, se faisant aussi discrète que possible, mais sans les quitter du regard. Zack lui avait presque claqué la porte au nez, et elle n'avait pas protesté, se contentant de s'asseoir sur les marches et d'attendre.
"Pour vous professeur."
"Merci, Cloud."
"Tu… as l'air d'aller mieux, toi aussi," nota le Professeur.
"Oui," confirma Cloud, "désolé, Shera dit qu'il faut que j'aille vous voir mais…"
Il leva sa main libre, cherchant ses mots.
"J'aime… je n'aime toujours pas…"
"Les blouses blanches," acheva le professeur avec un petit sourire compréhensif.
"Désolé."
Cloud alla servir Aérith et Zack, s'assurant d'un coup d'œil qu'ils allaient bien. Aérith était assise dans son fauteuil, Zack accroupi devant elle, tenant ses petites mains dans les siennes d'un air inquiet.
"Tenez," déclara Cloud en leur tendant le plateau.
"Merci Cloud," murmura Aérith.
"M'ci," souffla Zack, ne lâchant qu'une main d'Aérith pour se servir.
Bon, Aérith avait l'air calme, c'était déjà ça. La trouver en larmes devant l'Église n'avait pas franchement incité Zack à la patience et la compréhension envers Lulu et Paine.
Et Monsieur Helgrimr.
Cloud aimait bien le vieil homme, mais il était visiblement habitué à faire comme il voulait et être obéit sans discuter. Fatalement, contre la tête de chocobo des habitants de Midgar, ça allait faire des étincelles. Cloud ouvrit la porte d'entrée et approcha de Lulu, assise sur les marches de la maison avec grâce et élégance. Elle tourna la tête en entendant la porte s'ouvrir et son parfum gifla presque Cloud quand il approcha.
Il n'avait pas vraiment fait attention tout à l'heure, avec l'agitation et l'énervement ambiant, et puis, Zack avait le meilleur nez d'eux deux, mais maintenant qu'il y pensait…
Il connaissait cette odeur. Mais ce n'était pas celle de Makoto, ni de Paine…
Il descendit les marches et tendit le plateau à Lulu.
"Café ?"
La jeune fille se releva, époussetant sa jupe avant d'accepter la tasse poliment.
Décidément, ils étaient tous incroyablement beaux dans la famille. Que ce soit Makoto, Paine, Lulu, le Seigneur Diablos… Même Séphiroth, avec tous ses autres défauts, était à tomber par terre.
Tifa avait été superbe aussi.
Lulu lui ressemblait d'ailleurs. Outre la couleur de cheveux, d'yeux et…
Euh… Disons la silhouette[2].
Ses cheveux étaient plus souples, son nez plus droit et plus long, son visage un peu plus rond peut-être…
"Oui ?" finit elle par demander, faisant sursauter Cloud.
Et elle était plus froide que Tifa.
"Euh, rien. Juste… Tu… ressembles à Makoto."
Elle ne répondit pas, se contentant d'hocher la tête.
"Tu es… sa nièce ?"
"Petite nièce."
"Comme Tifa."
"Tifa Lockhart," murmura-t-elle.
"Tu savais qu'elle…"
"Les yeux rouges. C'est de famille," expliqua-t-elle, "c'est rare quand ce n'est pas lié à notre sang."
Elle porta la tasse à ses lèvres, humant prudemment le parfum du café.
Et devint tout blanche.
Puis verte.
"Euh, ça va ?" demanda Cloud avant de rattraper précipitamment la tasse qu'elle lui tendait, rouvrant la porte.
"Madame Falmis, je peux emp..." balbutia-t-elle avant de plaquer sa main sur sa bouche.
"Tu sais où sont les toilettes, Lulu," répondit Ifalna, un brin surprise.
Cloud entra dans la maison au moment où Lulu disparaissait dans la salle de bain, l'ourlet de sa longue robe flottant derrière elle.
"Qu'est-ce que tu lui as fait ?" s'étonna Zack.
"Rien, je lui ai juste donné du café," répondit Cloud en reniflant prudemment la tasse.
"J'y vais ! " s'exclama Aérith, s'extrayant de son fauteuil.
"Est-ce qu'elle..." demanda Ifalna.
"Je crois bien ! "
"Je vais faire un thé au gingembre," déclara sa mère en se levant, tapotant la main de Gast.
Aérith arriva à temps pour retenir les nattes de Lulu et les rassembler en chignon pendant que la jeune fille rendait corps, âme et tripes dans le dieu porcelaine.
"Merci,"' marmonna Lulu en essayant de reprendre son souffle.
"De rien, tu as fini ?"
"Non," répondit Lulu avant de pencher à nouveau la tête au-dessus des toilettes.
"Elle va bien ?" demanda Zack en arrivant à son tour, Cloud sur les talons.
Ils devinrent tous les deux blancs à leur tour et Aérith les chassa d'un signe de la main.
"Allez prendre l'air ! Les toilettes sont occupées ! "
"Je ne savais pas que les augmentés ne supportent pas l'odeur du vomi," nota Lulu.
"Ils ont aussi l'odorat augmenté," rétorqua Aérith.
"Oh," fit Lulu.
Et elle retourna à la cuvette.
Quand elle eut enfin fini de vomir, Aérith referma le couvercle des toilettes, l'assit dessus et humidifia un gant de toilette propre à l'évier de la salle de bain avant de le lui tendre.
Lulu le prit avec reconnaissance, tamponnant délicatement son front et ses joues pour ne pas gâcher ce qu'il restait de son maquillage.
"Bon… euh…" commença Aérith, "d'abord… tu sais ce que tu as ?"
La brune hocha la tête.
"Je n'ai pas eu ma période. J'ai fait un test. Tu confirmes ?"
"Oui. Quatre semaines, à peu près," répondit Aérith, "félicitations ?"
Lulu eut un pauvre petit sourire et plaqua le gant en travers de sa bouche. Aérith tendit immédiatement la main vers le bouchon de l'évier pour le retirer, mais la brune secoua la tête.
"Wakka doit être ravi, je suis un peu étonnée qu'on ne l'a pas entendu le clamer sur tous les toits du secteur…"
"Il ne sait pas. Maman et Paipai non plus."
"Ah," souffla Aérith en baissa la voix, essayant de se souvenir des leçons de tact et délicatesse de sa professeure de guérison. "Est-ce que tu as besoin d'en parler ?"
"Aérith," soupira Lulu en baissant le gant, "je…"
Aérith n'était pas particulièrement proche de Lulu. Certes, elles avaient grandi pratiquement voisines, et Lulu avait toujours assisté aux cérémonies en l'honneur de Minerva avec sa mère et sa sœur, mais Aérith avait fait la grande majorité de ses études en cours par correspondance avant d'intégrer la MGU. Elle n'était jamais allée à l'école primaire de son secteur que Lulu et Paine avaient fréquentée.
Mais elles se connaissaient.
Elles se voyaient souvent, que ce soit dans les boutiques du quartier, pendant les rondes de milice de Lulu, ou quand elle venait acheter des herbes pour le magasin de sa mère. Elles se voyaient plus souvent depuis quelques semaines, et Aérith réalisa que c'était probablement pour garder un œil sur sa mère et elle.
"Je ne peux pas lui faire ça," finit par murmurer Lulu, "la mort de Chappu… Ça nous… ça l'a secoué, il commence juste à aller mieux…"
"Mais justement…" commença Aérith.
"Aérith, la Calamité est de retour ! " protesta Lulu, "comment je peux lui annoncer… qu'on va avoir un enfant… alors qu'on sera peut-être bientôt tous morts ?"
Elle baissa les mains, les posant sur ses cuisses, hésitant à toucher son ventre encore plat.
"Je ne peux pas faire ça… je ne peux pas lui faire ça."
Aérith s'agenouilla devant Lulu, levant les mains pour prendre son visage entre ses paumes.
"Fais confiance à Vincent. Il va trouver une solution. Il va réussir à convaincre les Anciens."
"Tu lui fais confiance ?" demanda la brune, son regard rouge s'assombrissant légèrement.
"Il a des méthodes discutables," admit Aérith, "mais ça, je crois que c'est de famille."
Lulu laissa échapper un rire assez peu distingué.
"Désolée."
"Mon œil que tu l'es," taquina Aérith.
"Je préfère que ce soit moi qui vous surveille qu'un de mes cousins jamais sortit de Daguerreo et sans un gil de jugeote."
"Touché," admit Aérith.
Quelqu'un toqua à la porte et Aérith se tourna, lâchant Lulu. Ifalna ne put entrer, par rapport à l'étroitesse de la salle de bain, mais elle se pencha pour tendre une tasse à Lulu.
"Thé au gingembre avec du jus de citron et une cuillère de miel. Ça fera passer ta nausée."
"Je vous remercie, Dame… Madame Falmis."
"Ensuite, tu iras t'allonger sur le canapé."
"Madame Falmis, le Seigneur Makoto..."
"Oh, ça je ne m'en remets pas," ricana Aérith.
"...m'a chargé de veiller sur vous et…"
"Et tu pourras nous surveiller du salon," trancha Ifalna, "il nous reste des brosses à dent d'invité, Aérith ?"
"Je regarde ça, tu veux du dentifrice, Lulu ?"
"Oh, Minerva, non merci, je ne supporte plus le goût."
"Je vous laisse," déclara Ifalna après avoir tapoté l'épaule de Lulu avec compassion.
Elle referma la porte, laissant les deux jeunes filles finir leur discussion et se dirigea vers le salon. Gast était en train de rassembler les tasses abandonnées en bougonnant sur les jeunes incapables de ranger. Elle s'approcha de lui et s'appuya contre son dos, l'enlaçant par derrière.
"Comment va-t-elle ?" demanda Gast à voix basse.
Ifalna soupira, posa la joue sur l'épaule de son époux.
"Physiquement, ça ira. Juste du repos et pas de surmenage."
"Elle est…"
"Ne dis rien à sa mère et sa sœur," le prévint Ifalna.
"Promis," répondit Gast en posant sa main sur celles de sa femme, solidement cramponnée à lui. "Qu'y a-t-il ?"
"Est-ce que…" commença Ifalna avant de soupirer. "tu crois que je ne suis pas… raisonnable ?"
"En général ou tu as un cas spécifique en tête ?"
Ifalna fourra son visage contre l'épaule de Gast avec un soupir.
"Concernant… les Anciens."
"Tu as tes raisons, Ifalna. Et je ne vais pas prétendre qu'elles sont mauvaises."
Il sentit une des mains d'Ifalna remonter sa chemise et tracer la cicatrice sur sa hanche, et il la laissa faire. Leur fuite en catastrophe d'Icicle avait été terrifiante, chacun craignant pour la vie de l'autre et celle de leur fille encore dans le ventre de sa mère. Sans l'arrivée inopinée des guados qui les avaient trouvés cachés dans une cave de Grand Glacier, ils seraient morts tous les trois. Aérith avait survécu de justesse à une naissance prématurée dans la ville abandonnée de Modeoheim et ce n'était qu'en arrivant chez le vieil Aryol, des mois plus tard, qu'ils avaient enfin commencé à se sentir à l'abri.
Et Ifalna n'avait plus jamais partagé quoique ce soit de sa culture après ça.
"Les secrets des Cetras sont dangereux," murmura-t-elle, d'un ton moins convaincu qu'habituellement.
"Je sais. Mais ne sous-estime pas Hojo," conseilla Gast en caressant la main d'Ifalna. "Il est intelligent et retors."
Il se tourna dans le cercle des bras d'Ifalna, lui faisant face pour lui effleurer son joli petit menton tout rond du pouce.
"Et il est acculé. Il est en train de lancer toutes ses forces pour trouver le temple."
"Les Gardiens…" commença Ifalna.
"Combien de villes et de peuples puissants Hojo a-t-il déjà décimé ?"
Ifalna posa une main sur sa bouche.
"Est-ce qu'ils pourraient contenir une attaque d'Hojo ?"
"Je l'ignore," souffla Ifalna.
"Ifalna, je n'ai pas entièrement confiance envers le Président Shinra, ni aucun autre des gouvernements autour de nous. Mais j'ai confiance en Vincent. Et il a besoin de ton aide."
Ifalna plissa les lèvres d'un air contrarié, mais avant qu'elle ait pu reprendre la parole, sa fille et Lulu revinrent dans la pièce. Aérith installa la brune presque de force sur le canapé avant de reprendre sa tasse vide, malgré ses protestations.
"Mais…"
"Comment te sens-tu, Lulu ?" demanda Gast.
"Beaucoup mieux, Professeur, merci."
"On peut revenir ?" demanda Zack en passant la tête par la porte de la cuisine.
"Oui et rangez moi les tasses," demanda le professeur en se tournant vers les jumeaux.
"Oui, Professeur," répondit immédiatement Cloud.
Gast déposa un baiser sur la tempe d'Ifalna avant d'aller remettre un peu plus de chauffage, laissant sa femme au milieu de la pièce.
Il y avait de nouveau du bruit et de la vie dans leur maison. Il y avait les jumeaux qui étaient physiquement incapable de ne pas faire de boucan, la discussion d'Aérith et Lulu, le bruit du chauffage à bois et de la ventilation qui se remettait en route…
Ifalna avait grandi à Grand glacier, dans une ville oubliée du monde, dans la dernière maison occupée de la ville, avec ses parents, ceux de Lucrécia, Lucrécia elle-même.
Une maison qui s'était peu à peu vidée à son tour, devenant aussi froide et silencieuse que le reste de la ville. Lucrécia était partie, refusant de se conformer aux traditions des cetras, refusant de se laisser mourir au milieu de la glace et du silence. Leurs parents étaient morts un à un, de maladie, de froid, parce que cela faisait des siècles que les cetras ne vivaient plus assez pour avoir des cheveux blancs, trop vite usés par la vie sous le sort de Dame Shiva.
Et le jour ou Ifalna, à seize ans, après avoir perdu sa cousine - sa sœur -, ses parents, après avoir passé des heures à creuser la glace avec une pelle cassée pour y déposer le corps de sa - tante, cousine, grand-tante ? - , le jour où elle s'était retrouvée seule au monde, dernière Cetra existante, dans un silence assourdissant…
Les traditions ne lui avaient plus semblé si importantes.
Elle était partie. Vers Centra, vers Canyon Cosmo, vers un soleil éclatant qui lui brûlait la peau même avec sa guérison native.
Ifalna posa la main sur son cœur et ferma les yeux, restant ainsi quelques instants en silence avant de soupirer et se tourner vers sa fille.
"Aérith ?"
"Oui, Mama ?"
"Va chercher mon sceptre au grenier."
Aérith se leva vivement, surprise et échangea un regard avec son père avant d'hocher la tête et se précipiter vers l'étage, ne revenant sur ses pas que le temps d'entraîner Zack avec elle.
"Lulu ?"
La brune se leva, mais Ifalna approcha rapidement, la faisant se rasseoir, tenant ses mains entre les siennes.
"Sais-tu comment rejoindre Vincent ?"
"Ma mère connaît le trajet, Dame... Madame Falmis," corrigea Lulu.
"Alors appelle-là, nous y allons."
[1] En général, quand on se promène avec un sabre wutan aussi long qu'on est grand, tout le monde est d'accord avec vous.
[2] Cloud, les yeux de Lulu sont plus haut
