Chapitre 56 : Le choc des générations

Résumé :
La rencontre entre les Anciens et leurs descendants arrive enfin et, à son grand dam, Vincent est pressenti pour s'exprimer devant l'assemblée.
Ça n'a jamais été son fort.
Et il doit convaincre des Anciens réfractaires au changement à reprendre le combat contre celle qu'ils craignent le plus.
Ça s'annonce mal, il aurait peut-être dû plus écouter Gigas quand il avait tenté de lui apprendre la diplomatie.

Personnages :
Team Ancien, Famille Nosferatu, Famille Cetra, Vincent et ses enfants

Tags spécifiques au chapitre :
La politique c'est fantastique (non), Vincent et l'art de se mettre les gens à dos, oui c'est de famille, Diablos est un chef de clan, Diablos est un adulte responsable (c'est discutable), Diablos est aussi un des bébés des Anciens et il aimerait bien que ça change, les Cetra sont des têtes de mule, et leur ancêtre n'est pas mieux, relation père-fils, ça s'en va et ça revient, de l'art de survivre aux rencontres de famille, pauvre Séphiroth découvre les joies des familles étendues.


"Où sommes-nous au juste ?" demanda Vincent pendant qu'il suivait ses frères à travers les immenses couloirs du bâtiment, Zéphyr et Riku sur les talons.
Tout le monde se dirigeait vers ce qui devait être le centre du palais, probablement une salle du trône ou de bal. Vincent n'était pas vraiment familier avec cette architecture et n'arrivait pas à définir de quelle civilisation il s'agissait.
Bon il devait aussi admettre qu'il ne s'était pas intéressé à l'histoire de l'architecture depuis son départ de Daguerreo et de toute façon, ça n'avait pas vraiment été ses leçons favorites.
"Un palais Cetra de Grand Glacier," répondit Gigastein, "Dame Shiva ne peut quitter son domaine facilement, ses filles ont proposé ce lieu. Tout se passe bien ?"
Vincent tourna la tête vers son frère, réalisant qu'il parlait à un jeune homme d'à peu près l'âge des jumeaux, aux cheveux blonds et aux yeux rouges, posté près de la porte ouverte.
"Oui, Père, presque tout le monde est là."
Effectivement, vu la taille du jeune homme et la blondeur de ses cheveux, ce ne pouvait être que le fils de Gigas et Sophia. Il avait d'ailleurs plus le visage de sa mère que celui de Gigas. Et son sourire aussi.
"Le Seigneur Diablos ?"
"Il n'est pas encore revenu," reprit le jeune homme.
"Préviens-moi dès qu'il arrive."
"Ton fils ?" s'enquit Vincent.
"Le petit, Mateus" répondit Gigas.
"Vingt ans que vous sortez cette blague, Père, vous vous lassez quand ?" maugréa un autre blond un peu plus âgé que Mateus, debout de l'autre côté de la porte.
"Et voici le grand, Bélias."
Belias salua Vincent, Zéphyr et Riku avec un air las, qui s'expliquait probablement par le fait que même en étant le 'grand', il ne faisait pas la taille de Vincent.
"Son sens de l'humour n'a pas changé," constata Vincent.
"C'était déjà comme ça ?" marmonna Bélias dans sa barbe.
"Ce n'est pas la peine de raconter mes erreurs de jeunesse à mes fils, Makoto, leur mère s'en charge déjà," rétorqua Gigas avec un petit regard amusé à son frère.
La pièce dans laquelle ils étaient arrivés était grande et ronde, avec un plafond vertigineux, qui s'enroulait en une étrange spirale. Le sol était pavé de grandes dalles usées mais où se devinaient encore des motifs gravés de plantes ou de coraux. Des sièges ornementés avaient été placés à intervalles réguliers en un cercle permettant aux Anciens de se placer côte à côte, à égalité.
La première chose que vit Vincent à leur entrée fut le siège antique placé directement en face de la porte, voilé de noir. Il n'y avait personne autour, aucun clan ne s'en approchait, laissant une distance respectueuse entre eux et le siège vide.
"Qui…" commença-t-il à voix basse en montrant le trône.
"Pour les Cetras." répondit Gigas.
Bélias guida rapidement sa famille vers un autre siège, pour l'instant vide, autour duquel patientait quelques daguerriens qui entourèrent presque aussitôt Gigas et Hel, faisant des rapports rapides sur tel ou tel Ancien.
"Doucement, doucement, un à la fois," soupira Gigas avant de se tourner vers une jeune femme, "avez-vous trouvé le seigneur Ciel ?"
"Non, Sire," admit la jeune femme, "aucun de ses nids n'a été occupé les cinquante dernières années, mon frère continue de chercher, mais nous avons peu d'espoir de retrouver l'ancien des Chocobos."
"Y'a un Ancien des…" murmura Riku.
Vincent lui fit signe de se taire d'un doigt sur la bouche, et quelques daguerriens le dévisagèrent brièvement avant de reprendre leurs divers rapports.
"Dame Garuda ?"
"Vénérable Maduin est arrivé avec elle," répondit un autre jeune daguerrien, "il se charge de l'installer, mais le déclin des harpies est inquiétant…"
"Nous verrons ça à un autre moment, assurez-vous qu'elle soit bien nourrie et que personne ne vienne l'agacer."
"Oui, Sire," répondit le daguerrien avant de déguerpir, remplacé par une femme de haute taille, aux cheveux bruns et aux yeux presque rouges.
"Seigneur," salua-t-elle.
"Ah, Hilda, ta mission ?"
"Le Seigneur Carbuncle a refusé l'invitation du Seigneur Diablos," répondit la daguerrienne d'un ton prudent, "il préfère se consacrer à sa mission."
"On se doutait qu'il ne viendrait pas," soupira Helgrimr.
"Carbuncle aussi ?" souffla Riku.
"Chut," répéta Vincent.
"Il fait savoir qu'il se rangera à la décision du Seigneur Ramuh, il a aussi envoyé une de ses suivantes, Dame Jote, pour le remplacer pendant le sommet," ajouta-t-elle en désignant un siège de bois vivant qui achevait de pousser, ses branches entrelacées se couvrant de fleurs et de bourgeons.
Une magnifique viéra[1] se tenait à la droite du trône, ses longues mains calmement croisées devant elle. Elle avait la peau sombre, mais ses cheveux et la fourrure de ses oreilles étaient d'un blanc immaculé et sa ressemblance avec Fran était stupéfiante. Et visiblement Riku le remarqua aussi, car le nom de leur amie lui échappa.
"Fran ?"
Une des oreilles de la viéra frémit et elle se tourna vers eux, son expression se durcissant.
Oui, elle ressemblait à Fran, mais Vincent ne savait pas si c'était dû à un ancêtre commun ou si elles étaient de la même famille.
Et c'était peut-être difficile à croire, mais leur Fran était plus chaleureuse que cette viéra.
Sous le regard suspicieux de la viéra, Vincent tenta de se cacher derrière le trône de son père, entraînant Zéphyr et Riku avec lui, mais Gigas veillait au grain et le retint par le bras sans même se tourner vers lui[2].
"Ne t'avise pas de te défiler," grommela Gigastein avant de retourner aux rapports de ses subordonnés.
"Tout le monde nous fixe," murmura Séphiroth.
"Ne croise pas leurs regards," souffla Vincent.
Et effectivement, il sentait des regards sur lui, plus ou moins discrets. Ça n'était pas si étonnant, il commençait déjà à être connu parmi les Anciens s'il pouvait en croire Paine.
Mais Vincent était habitué à rester dans l'ombre. Depuis son enfance, il préférait être caché, observer discrètement ce qui se passait de loin, incognito. Se retrouver soudain au centre de l'attention, sous le regard de tous ces Anciens dont le plus faible pouvait probablement le tuer d'un mot, n'était pas vraiment sa tasse de thé.
Il reconnut le Seigneur Ramuh, guidé vers son fauteuil par ses enfants, tremblant sur ses jambes affaiblies par l'âge.
Dame Shiva s'agenouilla sous un dais, sans cesser d'incanter, son chant et celui de ses filles faisant un bruit de fond en contrepoint des discussions ambiantes.
La Reine Alexandrios était là avec sa fille, toutes deux debout de chaque côté d'une petite estrade sur laquelle était posé un gros cristal, de la taille d'une tête humaine, qui brillait d'une étrange lueur, similaire à celle de la mako. L'adolescente tentait de rester aussi digne et polie qu'à son habitude, mais ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'œil stupéfaits autour d'elle, surtout quand elle reconnaissait quelqu'un.
Les Burméciens, entouraient eux aussi un trône vide, et Vincent reconnut leur Roi qui discutait avec ses conseillers. Il se détourna rapidement pour continuer son énumération des Anciens présents, espérant que les Burméciens n'allaient pas le reconnaître et faire un scandale.
Une Ancienne gigantesque plus grande que Barret et à la peau de lait, couverte de coquillages incrustés sur son épiderme, s'assit à son trône, un bébé aussi charpenté qu'elle dans les bras, qu'elle posa immédiatement sur son sein pour ne pas qu'il ou elle pleure.
Ifrit, assis à la gongane sur une estrade couverte de tapis, s'étira longuement comme un chat avant d'attirer une de ses femmes sur ses genoux, sous le regard courroucé d'une wutane à la queue de serpent en guise de jambes, debout au milieu de son propre clan[3].
Yuffie et son père se tenaient debout de chaque côté d'elle et la ninja esquissa un petit sourire en croisant le regard de Vincent, mais reprit vite son impassibilité.
L'Ancienne devait être Dame Da Chao, alias Léviathan. Étonnement, Yuffie ne lui ressemblait pas tant que ça, à part les yeux, mais Vincent avait vu des photos de famille et déjà remarqué qu'elle était le portrait de sa mère.
Avant qu'il ait pu en compter autres (Ixion, Garuda, Valigarmanda, tant d'autres qu'il ne connaissait que de nom), un immense loup se détacha soudain d'une meute d'humes et de fauves mêlés, traversant la salle en diagonale avant de s'arrêter près des daguerriens. Il lui adressa un petit regard amusé avant de se secouer dans un grand bruit de métal, reprenant l'apparence d'un grand guerrier d'une soixantaine d'années, aux cheveux grisonnants ébouriffés, lesté de lourdes chaînes qui s'ajustèrent aussitôt à sa nouvelle apparence.
"J'aurais parié que tu étais le fils de Diablos," commenta-t-il de sa voix de glace et de vent, quoiqu'avec moins de coffre que sous sa forme de loup.
"Hróðvitnir," salua Vincent en s'inclinant poliment.
"Gigastein, Helgrimr " salua Fenrir, "votre père arrive ?"
"Il ne devrait pas tarder, Seigneur," répondit Gigastein.
"En retard à sa propre convocation, il ne change pas," soupira l'Ancien avant de se tourner à nouveau vers Vincent, l'observant longuement avant de laisser voir un bout de croc dans un sourire, "ton dragoon est dans le coin ?"
"Non, Hróðvitnir," répondit Vincent en maudissant les pipelettes qu'étaient les Anciens et leurs clans.
"Les loups lui sont reconnaissants d'avoir mis leurs cousins à l'abri, transmet lui mes remerciements les plus sincères," déclara l'Ancien.
"Ce sera fait."
Il frémit en voyant l'Ancien se tourner ensuite vers Zéphyr et Riku, réalisant un détail qu'il avait négligé.
Fenrir aurait pu voir Séphiroth lors de l'attaque du réacteur de Nibelheim.
Et même s'il ne l'avait pas vu clairement, les loups avaient tué Loz, un clone de son fils.
Il allait le reconnaître.
"Chaos a eu un fils ?" s'étonna l'Ancien à voix haute en fixant Séphiroth de ses yeux glacier.
Oh, il avait aussi oublié que les Anciens avaient connu Chaos. Et ce n'était pas forcément une bonne chose non plus.
"Mes enfants, Hróðvitnir, Zéphyr et Riku," intervint Vincent aussi rapidement qu'il put.
"Hmmm," fit Fenrir en se penchant la tête sur Riku qui leva les yeux vers lui, par réflexe.
"Riku," claqua la voix de Gigas, d'un ton désapprobateur.
"Merde ! Euh, pardon, je veux dire…"
L'Ancien laissa échapper un rire tonitruant qui noya quelques secondes les discussions autour d'eux.
Vincent grimaça légèrement. Oui, il était définitivement un des ancêtres des jumeaux. Zack avait le même volume sonore.
Séphiroth se tendit, prêt à reculer avec son fils, quand la grande main de l'Ancien atterrit sur la tête de Riku et lui frotta le crâne, délogeant son bonnet. Vincent lui fit discrètement signe de ne pas réagir, mais resta prêt à intervenir au cas où.
"C'est la première fois que je vois des Nosferatu aux yeux verts, Diablos doit être furieux."
Un peu stupéfait de la réaction, Riku se laissa faire, mais sursauta quand l'Ancien le prit par le menton pour le regarder de plus près.
"Mais tu ressembles tant à Chaos, il a dû le pardonner…"
Il y eut une commotion autour d'eux et l'Ancien se détourna, jetant un regard dans la direction du bruit. Maduin venait d'arriver à son trône avec quelques-uns de ses enfants et s'installait à l'emplacement qui leur avait été réservé et, visiblement, certains descendants d'Anciens contestaient leur présence.
Surtout celle d'une femme aussi voilée que Maduin, qui ne laissait voir que ses yeux mauves.
"Oh, Minerva, il a amené sa sorcière," soupira-t-il, "je dois vous laisser."
"Au plaisir de vous revoir, Seigneur," salua Gigastein, imité par ses frères.
"Tu arrives à prononcer Hróðvitnir et pas Helgrimr ?" ronchonna Hel à peine l'Ancien hors de portée d'oreille.
Vincent ne daigna même pas honorer cette réflexion d'une réponse[4]. Il était de toute façon trop occupé à observer Maduin, bras croisés et tête haute, s'interposant entre Edéa et ses détracteurs.
"Helgrimr, essaye de calmer les esprits," ordonna Gigastein, le regard tourné dans la même direction.
"J'y vais," répondit son cadet en se dirigeant vers l'altercation, plaquant un grand sourire amical sur son visage.
"Je peux…"
Gigastein posa sa grande main sur l'épaule de Vincent qui s'immobilisa immédiatement. Gigas avait été moins brutal que Chaos durant leur adolescence, ce qui n'était pas difficile, mais après s'être retrouvé dans cette situation une bonne centaine de fois, c'était pratiquement devenu une seconde nature de se tenir sage sous sa paluche.
"Makoto, ce n'est peut-être pas le moment de rappeler au reste de Gaïa que tu as quitté le clan Nosferatu pour celui de Maduin."
Gigastein le tourna vers lui avec une douceur que personne n'aurait soupçonné chez quelqu'un d'aussi massif et prit quelques secondes pour ajuster les habits de son frère convenablement.
"Aujourd'hui, tu es la Voix de Père. Tu vas parler au nom de notre clan, au nom de Daguerreo, pour convaincre les Anciens que la Calamité est revenue et qu'ils doivent reprendre le combat."
"Tu saurais le faire mieux que moi," objecta Vincent.
Gigastein secoua la tête, levant les mains pour tenter de recoiffer son frère, mais Vincent l'esquiva, reculant d'un geste vif. Gigastein hésita brièvement, son expression aussi impassible que d'habitude, avant de baisser les mains, les serrant à nouveau devant lui
"Je n'ai fait que lire les rapports de votre scientifique et écouter ce que Père m'a raconté de tes souvenirs. Toi, tu as vécu tout ça. Tu trouveras les mots."
"Père, tout le monde est installé," intervint doucement Bélias.
Gigastein se redressant, parcourant la salle du regard avant de soupirer. Il manquait encore tant d'Anciens, dont leur père. Trop de chaises étaient encore vides, ou occupées d'un envoyé.
"Très bien, j'annonce le début de la réunion, veille à ce que personne n'écoute aux portes."
Bélias s'inclina et repartit, mais au moment où Gigastein allait se diriger vers le centre de la pièce, Mateus arriva en courant, suivi d'Helgrimr quand il vit son neveu se rapprocher de ses frères.
"Mateus, combien de fois..." commença son père d'un air las.
"Je m'excuse Père, mais le Seigneur Diablos et le Seigneur Bahamut viennent d'arriver," coupa Mateus avant de se pencher en avant, s'appuyant sur ses genoux pour reprendre son souffle.
"Enfin," soupira Gigastein.
"En bonne santé ?" renchérit Helgrimr.
La bouche du grand blond se tordit légèrement et il hésita à répondre avant que Zéphyr ne dresse l'oreille et se tourne vers la porte derrière lui. Vincent l'imita, ainsi que certains des Anciens à l'ouïe fine.
"Helvítis risastór kylfa ! ! ![5]" éclata une voix connue.
"Ils sont en pleine forme," finit par déclarer Mateus, empruntant à son père son expression de lassitude intense.
Vincent vit un homme en armure stopper sur le pas de la porte et donner un coup au sol du talon de sa lance, avant de se tourner vers son compagnon aux cheveux noirs, plus petit que lui et vêtu d'un long manteau de voyage sombre qui lui tombait jusqu'aux genoux.
"Að koma frá þér, það er ósvífið !"[6]
"De quelle langue s'agit-il ?" s'étonna Séphiroth qui avait passé des années au milieu de SOLDATs cosmopolite et pouvait jurer dans une dizaine de langages mais ne connaissait pas celui-ci.
"Du Burmécien", répondit son père.
"Cid t'a donné des cours de langues ?" le taquina Helgrimr avant de prendre un petit coup de coude désapprobateur dans les côtes de la part de leur aîné.
Vincent ignorait que son père connaissait le Burmécien. C'était même surprenant vu l'inimitié entre les burméciens et les daguerriens. Ou l'inimitié entre Diablos et Bahamut, de ce qu'il en voyait.
"Helgrimr, fait passer le mot, seuls les Anciens et leurs conseillers proches peuvent rester," ordonna Gigastein, "Mateus, va accueillir Père et rend le présentable."
"Oui, Père," répondit le grand blond en ramassant des vêtements posés sur le trône.
Gigastein se dirigea vers le centre de la pièce, souhaitant la bienvenue aux Anciens avec les formules rituelles pendant que le reste de la famille partait accomplir leurs tâches, laissant Vincent et ses enfants au trône.
Les deux Anciens continuaient de se chamailler sur le pas de la porte, à grand renforts de gestes de bras, d'index plantés dans le plastron ou la veste de l'un ou l'autre. Les descendants tentaient d'évacuer la pièce sans les déranger, mais avec leurs carrures respectives, les deux belligérants leur bloquaient le chemin.
"Déjà en train de vous disputer ?" lança Ifrit d'un ton amusé.
Les deux autres Anciens se tournèrent vers lui, s'apprêtant visiblement à le rabrouer, mais réaliser que tous les regards étaient sur eux les coupa dans leur vindicte.
Mateus en profita pour approcher respectueusement et présenter des habits propres à son grand-père qui reprit sa majesté habituelle après une longue inspiration.
Vincent n'entendit pas ce qu'il dit au dragon et avec le casque de celui-ci, il ne pouvait lire sa réponse sur ses lèvres mais Bahamut finit par hocher la tête et se retourna, rejoignant le trône vide à gauche de celui des Cetras, où l'attendaient le Roi de Burmécia et un de ses öldungar. Diablos approcha à son tour de son trône, retirant son manteau poussiéreux et le tendant à Mateus. Vincent recula d'un pas à l'expression agacée qu'il affichait, s'interposant entre lui et ses enfants.
Il était de mauvaise humeur.
"C'est qui ?" murmura Riku en tirant sur la manche de Vincent.
"Mon père. Le Seigneur Diablos, l'Ancien de la Mémoire."
"Il n'a pas l'air commode," ajouta Zéphyr en wutan.
"Et il parle wutan," rétorqua Diablos en s'arrêtant près d'eux, faisant passer son pull et sa chemise par-dessus sa tête d'un seul geste.
Il émergea du tissu, prêt à rajouter une autre pique quand son regard tomba sur Zéphyr et il se figea, les vêtements encore froissés entre ses mains.
Séphiroth en oublia de détourner le regard.
L'homme devant lui semblait avoir son âge, et à part ses yeux rouge, ils auraient pu passer pour des frères. Ils avaient la même stature, la même taille, la même expression de général agacé par l'incompétence ambiante que Séphiroth avait tant de fois affichée en tant que directeur des SOLDATs.
Quand son père lui avait parlé de son grand-père il…
Il ne savait pas trop quoi imaginer. Entre ce qu'il connaissait des nosfératus et la réputation d'érudit qu'avait dépeint son père, il semblait y avoir tout un monde, et même ses deux images ne correspondaient pas à l'homme devant lui, tatoué de motifs dorés et dont la puissance magique l'empêchait presque de respirer.
Séphiroth sursauta et retint une réaction violente quand un de ses oncles lui toucha le bras.
"Baisse les yeux," conseilla Helgrimr.
"Je m'excuse," répondit Séphiroth en baissa la tête, fixant son regard sur le crâne de son fils devant lui.
Riku était silencieux, mais sa main était crispée sur la manche de son grand-père, le regard obstinément fixé vers le sol, et Séphiroth se permit de poser sa main sur son épaule, l'attirant près de lui.
Le geste sembla attirer l'attention de l'Ancien -son grand-père- qui baissa les yeux vers l'adolescent et sembla à nouveau désarçonné avant d'arriver à se détourner, donnant ses vêtements à Mateus et prenant une tunique similaire à celle que portaient ses fils, l'enfilant rapidement.
"Les Cetras sont là ?"
"Non, Père, Aérith et sa mère ont décliné l'invitation," expliqua Helgrimr.
"A ce sujet, Père…" commença Vincent.
"Pourquoi tu ne les a pas convaincues de venir ? !" tempêta Diablos.
"Ifalna n'a guère apprécié d'avoir été pratiquement enlevée de force par des inconnus," déclara Vincent d'un ton froid, faisant visiblement des efforts pour rester courtois.
Oh, il était furieux.
Ils l'étaient tous les deux, réalisa Séphiroth avant de passer un bras autour de Riku et l'entraîner de l'autre côté de son oncle manchot qui les regarda faire avec une expression à la fois lasse et amusée.
"Sage décision," murmura celui-ci.
"Ils se détestent ?"
"Oh, non, c'est pire, ils se ressemblent," rétorqua Helgrimr.
"Père, Makoto, ce n'est pas le moment," intervint Gigas.
"Envoie tes fils convaincre les cetras de venir," ordonna Diablos à son aîné en nouant sa ceinture.
"Bonne chance avec ça," rétorqua Vincent, "Mère était accommodante à côté d'elles."
Tous ceux qui avaient connu Minako Hamasaki, même une brève période, ne pensaient pas ça possible.
"Avoir des cetras de notre côté aurait aidé à convaincre les autres," grommela Diablos en enfilant sa veste avant de couler un regard calculateur à Séphiroth et Riku, "allez au trône de Minerva."
Séphiroth sentit simultanément Riku se figer sous sa main, comme s'il avait été électrifié, et vit son père se…
Il n'avait pas d'autre mot qui lui venait en tête que 'hérisser'. Physiquement il ne changea pas, si ce n'est qu'il se redressa, levant le menton et carrant les épaules mais magiquement…
Magiquement c'était comme l'Ancien. Sa magie devint soudain étouffante.
Séphiroth crut sentir de la magie de gravité autour de lui, une pression légère et constante, comme une bulle, mais qui promettait des dégâts en éclatant.
"Il n'en est pas question."
"Makoto," rétorqua son père avec un regard noir, " nous n'avons pas le temps…"
"Ils ne savent rien des Cetras, ni des Anciens et n'ont pas de connaissances en diplomatie, je vous interdis de les manipuler comme des pièces d'échecs !"
"Père, les Anciens attendent," intervint très habilement Gigastein pour désamorcer la situation.
Le père et le fils se foudroyèrent mutuellement du regard, mais après avoir ajusté son manteau, l'Ancien se dirigea vers le centre de la pièce, levant les mains, paumes vers le haut. Gigastein soupira avant d'assener un petit coup sur l'épaule de son plus jeune frère.
"Arrête de le provoquer."
"Il est toujours comme ça ?" marmonna Séphiroth.
"Oui," répondit Vincent d'un ton maussade.
"Seulement quand Makoto est là," corrigea Helgrimr avec un soupir.


"Nobles Dames, Nobles Seigneurs," commença Diablos en avançant, tourné vers le trône voilé en face du sien.
Il entendit les discussions cesser au fur et à mesure de son approche, le bruissement des voix baisser, ne laissant que la complainte du clan shiva s'élever entre les murs froids. Le silence régnait presque quand il stoppa au centre de la pièce, sur la dalle ronde qui le marquait. Il s'inclina poliment devant ses aînés avant de se redresser et baisser les mains.
"Je vous remercie d'avoir répondu à mon appel et d'être venu aussi vite."
"J'espère que les rumeurs sont fausses, Diablos," intervint un des Anciens, une licorne à la crinière hérissée et au front orné d'une élégante corne incurvée.
Un murmure s'éleva du reste de l'assemblée et l'Ancien de la Mémoire leva les mains pour appeler au calme.
"J'ai peur que non, Sire Ixion. La Calamité est de retour."
Le silence retomba et il fallut quelques secondes à Vincent pour réaliser que le chant des shivas avait aussi cessé. Puis le murmure revint, chaque Ancien discutant frénétiquement avec leurs conseillers respectifs. Même Maduin faisait les cent pas devant Edéa, surveillant la réaction des autres Anciens.
"Seigneur Diablos," intervint une femme au fort accent gongan, "notre Père souhaite…"
"Je peux encore parler Vajra," coupa la voix chevrotante de Ramuh. "Diablos, j'attends des explications."
"Les humes, comme toujours," reprit Diablos, "la cité état de Midgar a connu une forte évolution scientifique récemment et…"
"Fait simple !" tonna Ifrit.
Diablos soupira d'un air exaspéré avant de reprendre.
"Le corps de la Calamité a été découvert lors d'un de leur forage à Grand Glacier. Il a par la suite été amené à Nibelheim et…"
Vincent frissonna quand le fracas de matérias brisés se fit entendre.
Une vague de froid s'étendit alors que la Reine Shiva se levait, abandonnant les restes de son chapelet de matérias derrière elle...
"Que veux-tu dire, Diablos ?" claqua la voix glaciale de l'Ancienne.
Elle ignora les efforts de ses filles pour la retenir et avança vers le centre de la pièce, chacun de ses pas déployant au sol des plaques de givre aussi travaillées que des fractales.
"Es-tu en train de me dire que mes efforts n'ont servi à rien ?"
"Dame Shiva…" commença Diablos en se tournant vers elle.
"J'ai sacrifié des vies entières pour contenir la Calamité à Grand Glacier, j'ai dû provoquer la mort de milliers d'humes, d'animaux, de plantes… de Cetras… Pour RIEN ?"
"Non, non Dame Shiva, votre sort nous a permis…"
Il se figea quand la main de l'Ancienne s'abattit sur son épaule et Vincent vit très nettement ses mâchoires se serrer pour retenir un cri de douleur. Les trois fils de Diablos firent un geste pour les séparer mais leur père leva une main, leur interdisant d'avancer.
"Shiva, s'il te plait," murmura-t-il, si bas que même avec son ouïe augmentée, Vincent avait du mal à l'entendre.
"J'ai dû devenir froide envers tous, avoir un coeur de glace même pour mes propres enfants, Diablos, pour ça ?"
L'Ancienne pleurait, réalisa Vincent, regardant les larmes couler, ralentissant jusqu'à geler comme des perles de verre sur ses joues. Son père leva la main, décollant les larmes gelées d'un geste du pouce.
"Je suis désolé, Shiva, mais ton sacrifice n'a pas été inutile. Tu nous as donné le temps de nous préparer pour ce combat, de rassembler nos forces…"
"Ce n'est pas assez," souffla l'Ancienne alors que ses filles approchaient, s'affairant autour d'elle.
"Il faudra que ça le soit," répondit Diablos.
Il grimaça brièvement quand la main de Shiva le lâcha, arrachant le tissu gelé à sa peau, mais il reprit rapidement son impassibilité, laissant les filles de l'Ancienne la ramener à son siège. Autour d'eux, la rumeur enflait, et de ce que Vincent entendait, la colère aussi. Il entrevit la Reine Alexandrios donner un ordre à sa fille qui obéit avec une révérence avant de se glisser au fond de la pièce, contournant les autres sièges aussi discrètement qu'elle le pouvait avec une robe de cour alexandriote.
"Tu as plus d'explications à donner !" gronda un Titan en se levant, s'appuyant sur l'épaule d'un de ses enfants, "ton rôle est justement d'éviter que ce genre de chose…"
"Mon RÔLE ?" tonna soudain Diablos en se tournant vers lui d'un geste brusque.
Le Titan se rassit brusquement et ses enfants s'interposèrent aussitôt entre les deux Anciens, levant des poings qui se couvraient d'une peau de pierre, mais les fils de Diablos furent tout aussi vifs à réagir.
Plus, même, dans le cas de Vincent, qui se retrouva si vite sur le chemin de son père que l'Ancien manqua de lui rentrer dedans. Il s'arc-bouta sur le sol, passa ses bras autour de son père et eut la surprise d'arriver à le retenir presque sans effort.
"Père, s'il vous. ..."
"Tout d'un coup, c'est mon rôle ? !" continua l'Ancien sans l'écouter, "après des siècles à dénigrer mes décisions, à me reprocher mon investissement dans les civilisations humes, à ignorer l'importance de mes recherches, vous estimez maintenant que c'est mon devoir ? !"
Vincent tourna la tête vers ses frères, essayant de les appeler à l'aide et réalisa que la princesse Alexandrios avait rejoint le reste de leur clan et tentait de persuader Gigas et Helgrimr de la laisser approcher. Il vit Helgrimr secouer la tête et la retenir de la main, puis Gigas tourner la tête vers son père et lui. Son aîné articula silencieusement quelque chose.
'Calme le.'
Facile à dire. Ce n'était pas la spécialité de Vincent de calmer son père. Il avait plutôt le don de provoquer la réaction inverse, même sans essayer.
"Combien d'autres crises j'ai dû arrêter ou limiter ces derniers siècles ? ! Qui se souvient de la guerre des machinas et des Al Bhed ?"
"Que trop," admit Bismarck, serrant son enfant contre elle.
"Et qu'est-ce qu'Alexander dit des mages noirs ? !" reprit Diablos en se tournant vers la Reine Alexandrios.
"Ils sont désormais les miens autant que le peuple qui foule mon échine," répondit une voix sépulcrale venant du cristal sur le piédestal. "Leur création n'a pas d'incidence sur le fait qu'ils retourneront à la Rivière, comme tout ce qui existe."
Évidemment, l'Arme ne pouvait venir, enterré comme il l'était sous la ville des humes.
"Diablos, calme-toi," reprit l'Ancien d'un ton aussi apaisant que sa voix d'outre-tombe le permettait. "Laisse ma suivante te soigner…"
"Vous n'avez tous aucune idée des sacrifices que le clan Nosfératu a fait pendant toutes ces années ! Lilith et Mateus sont morts en tentant de protéger Gaïa !"
"Parce que Hashmal n'était pas un danger pour Gaïa ?" rétorqua une Ancienne ressemblant à un serpent ailé, couverte d'écailles rouges et de plumes vertes.
Le masque de son père se referma sur son visage.
"Makoto, retiens-le !" ordonna Gigastein.
Vincent dû bander ses muscles pour empêcher son père de se ruer vers l'Ancienne, passant les bras autour de lui pour qu'il ne puisse sortir ses ailes. Il vit Gigastein s'élancer, ouvrant les bras à son tour.
"Père, non !"
"VALIGARMANDA !" tonna une voix de stentor qui roula comme le tonnerre, accompagné d'un grand bruit de pierre brisée.
Le silence retomba sous le volume de la voix et Vincent sentit son père reculer précipitamment à son tour, son masque se fendant en deux avant de disparaître, dévoilant l'expression surprise de Diablos.
"Père ?" murmura Vincent, gardant les mains levées au cas où il devrait le retenir à nouveau.
"J'avais oublié à quel point il faisait peur quand il voulait," marmonna son père, les yeux écarquillés.
Vincent tourna la tête dans la direction de la voix et vit Bahamut debout devant son trône, sa lance à la main. Une des dalles était brisée sous son pied et craqua encore dangereusement quand il fit un pas en avant. L'Ancienne semblait elle aussi effrayée par l'éclat de voix du dragon et se recroquevilla sur elle-même, repliant ses ailes au-dessus de deux hommes et d'une jeune fille, probablement ses enfants. Le dragon sembla hésiter, puis remonta sa visière et retira son casque avant de le poser dans les mains du Roi de Burmécia.
Vincent fronça légèrement les sourcils. Le dragon avait l'air… plus vieux que lors de leur dernière rencontre qui ne remontait pourtant qu'à deux mois. Il se tenait toujours droit, et avec son énergie habituelle, mais les cernes sous ses yeux et ses joues creuses le vieillissaient.
Est-ce qu'il était malade ?
"Il suffit, Valigarmanda," reprit le dragon d'un ton plus calme. "Aucun de nous ne peut se targuer de ne jamais avoir eu de brebis galeuse dans son clan."
Il avança vers Diablos et ses fils, prenant à partie le reste de leurs semblables.
"Si la Calamité est de retour, alors il n'est plus temps de discuter de qui est-ce la faute. Nous devons nous battre."
"Est-ce que nous avons seulement des preuves ?" intervint une femme à la peau mate, vêtue d'une riche cape de plumes aux reflets incandescents, entourées d'humes vêtus de la même manière.
"Pourquoi doutez-vous tous de la parole de Diablos ?" intervint à nouveau Bahamut.
"Je l'ai élevé autant que toi," rétorqua Ifrit, "je sais à quel point il est créatif en matière de contre vérité."
Et ça, c'était quelque chose que Vincent avait ignoré au sujet de son père.
Le fait qu'il ait été élevé par Ifrit et Bahamut. Pas les mensonges.
Et aux regards qu'il échangea avec ses frères, il n'était pas le seul.
"J'ai deux-mille-cinq-cent-quatre-vingt-trois ans cette année, j'aimerais qu'un jour dans ce millénaire, ils arrêtent tous de me considérer comme un gamin," maugréa Diablos dans sa barbe.
"Je suis le premier à reprocher à Diablos son mode de vie, et j'admets qu'il a des méthodes parfois… discutables," déclara Bahamut en jetant un regard presque taquin à Diablos qui croisa les bras en serrant les mâchoires, se retenant visiblement d'envoyer valser le chevalier à coups de sorts.
Le dragon se tourna lentement pour embrasser l'assemblée d'un regard sévère.
"Mais il a toujours été en première ligne chaque fois qu'un de vos clans subissait une tragédie. Il était là pour empêcher les humains de vous découvrir, ou de vous enfermer dans leurs foutus laboratoires, il a provoqué des fins d'empire pour sauvegarder Gaïa, et protégé les artefacts de Minerva du mieux qu'il pouvait. Et tout ça, la plupart du temps sans votre aide."
Le dragon jeta un nouveau regard à la ronde, observant les visages de ses égaux en silence, satisfait d'en voir certains baisser les yeux sous ses remontrances.
"Je le crois. Si Diablos dit que la Calamité est de retour, alors je serai à ses côtés pour me battre. Comme j'étais aux côtés de Bélias et ses mages pour protéger Minerva."
La porte se rouvrit dans le dos des démons et Vincent se tourna immédiatement, évaluant le danger par habitude, imité par Gigastein qui semblait à deux doigts de faire des réprimandes et rappels à l'ordre.
Bélias se tenait déjà sur le pas de la porte, accompagné d'une jeune femme que Vincent reconnut vite.
Lulu.
Le jeune homme lui fit signe d'attendre et alla rapidement vers son père, lui parlant à l'oreille pour ne pas déranger plus la réunion importante. Gigas jura et hocha la tête avant d'approcher de Vincent et leur père.
"Que se passe-t-il ?" murmura Vincent.
"Les Cetras sont là," répondit Gigas sur le même ton.
Vincent et Séphiroth échangèrent un regard inquiet par-delà l'espace qui les séparait.
"Elles attendent à la porte," continua Gigas.
"Fais les entrer !"
Gigas se tourna vers l'entrée, faisant signe à son fils qui hocha la tête et disparut par la porte ouverte. Lulu se redressa tout en gardant soigneusement le regard baissé et prit la parole d'une voix forte.
"Dame Ifalna et Dame Aérith de la lignée Crescent des Cetras."
Le silence des Anciens fut presque aussi assourdissant que la clameur qui suivit.
Ifalna entra.
Elle se tenait devant les Anciens, vêtue de sa vieille robe fleurie un peu fanée, ses godillots aux pieds, un sceptre majestueux qui étincelait de sacre à la main. Aérith était derrière elle, son propre sceptre à la main, et elles étaient encadrées des jumeaux qui se tenaient légèrement en retrait.
"Makoto, c'est… C'est la Cetra… ?" demanda son père en la regardant avancer vers eux.
"Ifalna Falmis, née Crescent…"
"La lignée Crescent," murmura Bahamut, "le bras droit de la Déesse."
Ifalna stoppa devant Diablos et le fixa d'un regard calme, mais inaltérable. Elle l'observa longtemps, jetant un petit coup d'œil à Vincent debout près de lui, avant de revenir vers l'Ancien.
"Vous devez être le père de Vincent."
Vincent hocha la tête discrètement.
"Dame Cetra, au nom de tous les Anciens, je vous souhaite la bienvenue et…" commença Diablos.
"J'aurais à vous faire part de quelques récriminations," coupa sèchement Ifalna, "mais d'abord…"
Elle leva la main vers l'épaule de Diablos, ses doigts stoppant à quelques centimètres de sa blessure.
"Allez-vous faire soigner."
L'Ancien se redressa, baissant son terrible regard sur la petite femme devant lui.
Puis il s'inclina, plus bas que Vincent n'ait imaginé qu'il puisse le faire devant une vivante, presque à toucher de son front les doigts d'Ifalna.
"Oui, Dame Cetra," répondit-il d'une voix douce avant de se redresser et se tourner vers Lulu, "escorte Dame Cetra à son siège."
La jeune femme obéit, à son tour et chercha du regard le siège en question, mais fort heureusement, sa sœur arriva rapidement, l'aidant à s'orienter et escorter Aérith et Ifalna jusqu'au trône vide.
"Vous deux," reprit l'Ancien, arrêtant les jumeaux d'une simple phrase, "rejoignez votre clan."
"Lequel ?" marmonna Zack, écopant d'un coup de coude de son frère.
"Oui, Seigneur," répondit Cloud.
Vincent tourna la tête, cherchant Maduin du regard. L'Ancien était déjà en train d'envoyer un de ses enfants vers les jumeaux, mais quand le petit terran voilé les rejoignit, ce fut pour les guider jusqu'au clan de Fenrir où ils furent bruyamment accueillis par les loups, les humes et un Ancien qui leur posèrent frénétiquement une multitude de questions où revenait surtout les mots 'comment', 'pourquoi' et 'vous êtes bien des Strife !'.
Vincent hocha la tête en direction de Maduin avant de retourner son attention à son propre clan, le rejoignant à son tour.
Son père avait très dignement franchi la distance jusqu'à son trône et avait immédiatement été pris en charge par Gigastein, qui l'aidait à s'asseoir et défaire sa tunique, dévoilant sa plaie. Helgrimr grimaça tout en poussant doucement Garnet vers lui d'une main dans le dos.
"Vas-y, maintenant," murmura-t-il en guise d'encouragement.
"Saint Alexander m'envoie vous proposer mes services," déclara Garnet avec une révérence élégante, gardant le regard sagement baissé.
"C'est fort aimable de sa part," répondit Diablos en inspectant la peau noircie et crevassée par le froid intense.
"Je peux aider ?" demanda Riku.
L'Ancien et la princesse se tournèrent vers lui, l'un sévère, l'autre abasourdie de reconnaître un mort.
"Euh, je veux dire… je suis guérisseur…" balbutia Riku.
"Non," reprit Diablos avant de tourner les yeux vers Séphiroth, puis les baisser à nouveau vers sa blessure, "votre place à tous les deux est avec les Cetras."
Vincent ne s'était pas attendu à un accueil aussi glacial envers Zéphyr de la part de son père. Des cris peut-être, du choc, du déni, éventuellement. Mais pas une telle impassibilité…
Tiens, c'était peut-être de là qu'il tenait ça… En tout cas, pas de sa mère et de ses sautes d'humeurs.
"Zéphyr, Riku, rejoignez Aérith et Ifalna," demanda Vincent, "protégez-les, soyez prudent."
"Oui, 'Ji-san," murmura Riku.
"Oui, Père," ajouta Séphiroth.
Cette fois, Vincent vit son père réagir. Un simple sursaut, vite maîtrisé, qui pouvait aisément être mis sur le compte de la douleur.
"Faites le tour," conseilla Gigas.
"Oui... hm… Amca," continua Séphiroth avant de pousser Riku en direction d'Ifalna et Aérith.
Gigastein parvint à s'arracher à la stupéfaction d'avoir été appelé Tonton et se tourna vers son père qui se laissait soigner par la princesse.
"C'était plutôt froid de votre part, Père," le morigéna-t-il d'une voix calme.
"Ils…" commença l'Ancien avant de changer de langue, passant en gongan, "ils sont le portrait de Chaos adulte et adolescent."
"C'est une des raisons pour laquelle je vous avais demandé d'attendre avant de venir nous voir," murmura Vincent sur un ton de reproche.
"On reparlera de ta façon d'annoncer des nouvelles," rétorqua son père sur le même ton.
"Je vous écouterai autant que vous m'écoutez," promis son fils.
"Et ils sont repartis," marmonna Helgrimr.
"Père, Makoto, s'il vous plaît, ce n'est pas le moment," soupira l'aîné des fils de Diablos.


Séphiroth s'obligea à ne pas courir, ni se précipiter vers Ifalna et Aérith, marchant d'un pas calme et retenant Riku par l'arrière de son manteau. La rumeur enflait autour d'eux, les murmures s'élevant sur le passage et avec son audition, il pouvait entendre le moindre mot qu'échangeaient les gens autour d'eux.
"Des Cetras ? Eux aussi ?"
"Pourquoi étaient-ils avec les Nosfératu ?"
"Ce sont les fils d'un des enfants de Diablos, il est arrivé avec eux."
"Comment est-ce possible ? !"
"Ils ont les yeux de Minerva…"
"... fils de Chaos, tu crois ?"
"Je n'espère pas, un comme lui, ça a suffi."
"... abâtardir le sang des Cetras avec celui des Nosferatu ! C'est une honte ! On aura de la chance si…"
"Comment la lignée Crescent a-t-elle pu survivre ?"
"Ils étaient les plus proches de Minerva, leurs pouvoirs ont dû aider…"
C'était comme à la Tour. Les rumeurs, les ragots qui tournaient plus vite qu'il ne pouvait les comprendre, qui touchaient parfois en plein cœur.
Et il n'avait pas Basch et Vossler avec lui, qui faisaient taire les commères d'un regard.
Il n'avait pas Vaan pour détourner son attention avec son blabla ou Reks à ses côtés, qui le rassurait d'un geste ou d'un sourire discret.
Il resserra la main sur l'épaule de Riku en entendant une rumeur plus vicieuse que les autres. Mana, heureusement que son fils n'avait pas l'audition augmentée. Riku tourna la tête vers lui, les sourcils froncés.
"Ça va ?" murmura-t-il.
Séphiroth hocha la tête, lui adressant un petit sourire qu'il espérait rassurant quand un mouvement dans la foule attira son attention. Un homme richement vêtu approchait d'eux, levant une main en salut respectueux.
"Seigneur Cetra, permettez-moi de vous adresser les salutations du clan…"
Riku poussa un petit cri de surprise quand son père le cacha derrière lui d'un geste vif.
L'expression de l'homme se flétrit sous le regard menaçant de Séphiroth et il reculant piteusement au sein de son clan, lui laissant la voie libre.
"Ce n'était pas le moment de lécher des bottes," grommela une autre voix.
"Il a reçu le sang de la planète !" protesta l'homme d'un ton horrifié.
Il y avait peut-être une autre raison pour laquelle il devrait garder les yeux baissés. Moitié traînant, moitié portant Riku, il pressa le pas pour rejoindre Aérith et Ifalna. Paine vint à leur rencontre, s'interposant entre eux et le reste de la foule pendant qu'elle les escortait.
"Merci, Paine," murmura Séphiroth quand ils arrivèrent dans l'espace vide autour du trône.
"De rien," répondit-t-elle sur le même ton, "je monte la garde, personne n'approchera."
"M'ci," ajouta Riku d'une voix pâteuse.
Séphiroth baissa les yeux sur son fils. Ses mouvements commençaient à se faire plus lourds et il se frottait les yeux. Ah, Mana, ce n'était pas le moment pour une crise de narcolepsie. Séphiroth l'entraîna près d'Ifalna et Aérith qui, aidées de Lulu, déballaient le trône de son voile funèbre.
"C'est d'un goût," marmonnait Ifalna en le pliant.
"Aérith, Ifalna, tout va bien ?" demanda Séphiroth.
"Oui, oui, ça va…"
Il jeta un regard à sa cousine côté paternel qui baissa précipitamment les yeux, achevant de plier le voile.
"Elle t'a forcé à…"
"Non, j'ai choisi de venir," répondit Ifalna avant de lui adresser un petit sourire tremblant, "je ne suis pas sûre que c'était une bonne idée, mais… Nous y sommes."
"Voilà, Dame Crescent, vous pouvez prendre place," déclara Lulu en désignant le trône.
Ifalna jeta un regard désabusé au siège.
"Il faut vraiment ?"
"Vous êtes la tête du clan Cetra," répondit Lulu avant de tourner la tête dans la direction de Séphiroth, "à moins que… que le Seigneur…"
"Oh, Mana," grommela Séphiroth, "Je ne suis le seigneur de personne et j'ai donné en tant que chef, non merci."
"Bien, Seigneur…"
"Zéphyr," corrigea Séphiroth.
Lulu se redressa, haussa un sourcil sarcastique et se forçant visiblement à ne pas sourire.
"Je peux voir le lien de famille," déclara-t-elle avant de les saluer une dernière fois et d'aller monter la garde à son tour.
Ifalna soupira et s'installa sur le siège de pierre, aussi confortablement qu'elle put. Ce qui, vue sa taille et la petitesse de ses jambes, ne fut pas une mince affaire. Le trône avait visiblement été taillé pour quelqu'un de bien plus grand. Le dossier arrivait à peu près à l'épaule de Séphiroth et était orné de magnifiques plantes gravées, à peine abîmées par le passage des ans. Il baissa les yeux et remarqua que, contrairement aux autres trônes, celui-ci n'avait pas été amené par les daguerriens.
Il était sculpté dans la pierre sur laquelle il se tenait, fait d'un bloc monolithique.
Son oncle avait mentionné que c'était un palais Cetra. Ce trône était celui du maître du palais.
Et une petite voix lui soufflait que c'était plus probablement une Cetra.
Aérith rendit son sceptre à sa mère puis approcha de Séphiroth, glissant sa petite main dans la sienne avec un sourire peu assuré.
Il sentit la fraîcheur de ses doigts sur les siens, l'étrange sensation qu'il associait maintenant à la magie de sacre, l'angoisse d'Aérith qui s'insinuait petit à petit dans sa tête, sa terreur de se retrouver dans un endroit étrange, entourées d'inconnus aux émotions vives…
Il lâcha vivement la jeune femme qui lui jeta un regard surpris.
"Aérith," intervint Ifalna, "il ne sait pas faire, arrête, tu vas lui faire peur."
"Faire quoi ?" s'étonna Riku.
Ifalna ne répondit pas, tendant les mains à sa fille qui hésita, jetant un petit regard à Séphiroth avant de se rapprocher de sa mère, lui prenant les mains.
"Ça va aller, ma chérie," murmura-t-elle.
Aérith hocha la tête, ses joues pâles reprenant leurs couleurs pendant qu'elle se détendait visiblement.
Riku leur jeta un regard intrigué et, fidèle à son tempérament impulsif, posa la main sur l'épaule d'Ifalna. Séphiroth voulu le tirer en arrière par la capuche de son manteau mais l'adolescent se contenta de soupirer de soulagement, puis s'assit sur l'accoudoir du siège, s'appuyant contre Ifalna.
Oh. C'était ça qu'elle voulait faire… qu'elle voulait qu'il fasse.
"Reprenons, je vous prie."
Séphiroth se détourna vers l'Ancien de la Mémoire, de nouveau au centre de la pièce. Il portait le manteau de son oncle Helgrimr, qui couvrait les dégâts sur ses vêtements et traînait son père par le bras, l'obligeant à rester avec lui. Son père affichait une expression soigneusement neutre, comme un Turk de piquet, mais Séphiroth commençait à le connaître.
Il devait enrager intérieurement.
"Comme je le disais, la Calamité est de retour. Elle contrôle un hume qui mène actuellement une guerre contre le reste du monde. Yakumo Hojo."
"Le Maître de Sin", intervint Maduin.
Quelques voix s'élevèrent parmi les enfants des Anciens, certains reconnaissant visiblement ces noms. L'anxiété était surtout visible au sein des clans aquatique. Après un ordre de son ancêtre, l'Empereur de Wutai prit la parole.
"Cela fait des années que Dame Da Chao tente de vous avertir du danger que présentent Sin et son maître."
"Vous accusiez le clan des baleines," protesta Bismarck.
"Comme l'a mentionné le Seigneur Bahamut, nous avons tous un mouton noir parmi nos clans et…"
"Dame Da Chao, Dame Bismarck," tenta d'intervenir Diablos et se faisant glorieusement ignorer.
"Contrairement aux dragons d'eau, les baleines n'ont jamais attaqué un clan allié," reprit Bismarck sous le regard venimeux de l'Ancienne écailleuse.
"IL SUFFIT !" tonna Bahamut.
Les deux Anciennes sursautèrent et si Da Chao se contenta de fermer la bouche d'un air pincé, Bismarck dû calmer son bébé, réveillé par l'éclat de voix du dragon.
"Le Seigneur Diablos est celui qui nous a convoqué aujourd'hui, laissez-le parler !" ordonna Bahamut.
"Cet hume a déjà commis de nombreux crimes envers les Anciens. Il a dévasté Canyon Cosmo, Wutaï, Besaid, Winhill… Mais il est aussi à deux doigts de découvrir notre existence."
"Mais si elle le contrôle, il devrait le savoir ?" objecta Ixion en piaffant nerveusement.
"Makoto ?" fit l'Ancien de la mémoire en tendant la main vers son fils.
Vincent hocha la tête et s'approcha, prenant la parole à son tour.
"Pour l'instant, nous n'avons aucune idée de qui contrôle réellement qui," admit Vincent. "Mais cela fait trente ans qu'Hojo étudie la Calamité et… certaines de ses créations les appellent Père et Mère."
"Oh, Minerva," s'exclama quelqu'un avec horreur, le nom repris par des dizaines d'autres voix.
Riku frissonna quand la litanie du nom parvint à ses oreilles. Ses yeux recommençaient à fourmiller, lui arrachant des larmes de douleur. Il sentait la Déesse se réveiller, sa conscience revenir à la surface, le poussant de côté, comme chaque fois qu'il faisait appel au sacre. Il serra les dents, ferma les yeux et s'efforça de lutter de toutes ses forces contre sa présence, faisant l'équivalent mental de planter ses pieds au sol et refuser de bouger. Il sentit la Déesse stopper, puis s'effacer, petit à petit. Surpris, il rouvrit les yeux.
"Où est-ce qu'elle va ?" murmura-t-il.
La main de son père se referma sur son poignet, le faisant sursauter et il leva les yeux.
Séphiroth baissa les siens sur Riku.
Mais ce fut la Déesse qui le regarda, le voile de mako couvrant ses yeux étincelants.
L'adolescent se figea comme un daim devant les phares d'une voiture, le cœur battant comme un gong à ses oreilles.
"Non…" murmura-t-il en essayant de se dégager.
Impossible, la main de son père était comme un carcan d'acier, inflexible, même tirer sur ses doigts ne le faisait pas bouger d'un millimètre.
Il tourna la tête vers Aérith, et la jeune fille l'imita.
Ses yeux à elle aussi se couvraient de mako.
Devant eux, Ifalna se levait lentement, appuyée sur son sceptre qui se transformait peu à peu en une lance acérée.
Riku laissa échapper un cri de terreur quand trois paires d'ailes dorées sortirent de son corps frêle.
"Non ! Laisse-le ! Lâche-moi !" s'exclama-t-il en bourrant son père de coups de pieds et de poings.
Celui-ci ne bougea pas, les bleus guérissant aussi vite qu'ils apparaissent sur sa peau.
"Arrête ! PAPA ARRÊTE !"
La prise sur son poignet se fit moins douloureuse et il leva les yeux.
La lueur mako avait diminué, son père le fixait d'un air abasourdi.
"Riku ?"
"Elle essaye de vous prendre !" s'exclama Riku en montrant Aérith, au moment où ses ailes sortaient de son dos.
Son père dévisagea Aérith, puis Ifalna qui se dirigeait vers le centre de la salle et il resserra sa main sur le poignet de son fils avant de le pousser sur le côté, l'éloignant d'eux.
"Retourne avec Père ! Reste avec lui !"
Riku reprit son équilibre et s'apprêtait à protester quand le voile vert revint dans le regard de son père.
Sept ailes s'ouvrirent dans son dos, pendant qu'un bouclier de lumière se déployait derrière lui.
Pendant la durée d'un battement de cœur, aucun des deux ne bougea, puis son père refit un pas en avant, tendant la main vers lui.
Riku esquiva de justesse et fit demi-tour, se ruant dans une direction au hasard. Il manqua de rentrer dans une créature au corps de sanglier, puis un homme l'attrapa par le bras, tentant de le calmer mais Riku se dégagea d'un coup d'épaule.
"Riku !"
La voix de son grand-père.
"'Ji-san !" appela-t-il.
Il apparut devant lui, si rapide que les autres créatures poussèrent des cris de surprise, et l'attrapa à bras le corps.
Riku avait l'habitude d'être le plus petit au milieu de géants plus ou moins augmentés qui avaient souvent besoin de s'enfuir en courant. Il savait quand s'accrocher et se laisser faire.
Il se cramponna fermement au cou de son grand-père, ferma les yeux et fourra son visage contre le tissu soyeux de sa tunique.
Mais quand il sentit son grand-père s'arrêter de courir et le poser, qu'il rouvrit les yeux, il eut la surprise de constater qu'il n'était pas avec sa famille.
Ils étaient au milieu d'une troupe de personnes vêtues de tissus colorés, masquées et voilées au point qu'on ne voyait que leurs yeux, et parfois leurs cheveux, et qui formèrent aussitôt une garde protectrice autour d'eux. Riku se rencogna aussitôt contre son grand-père et leva les yeux vers lui, essayant de déterminer s'ils étaient à l'abri ou de nouveau en danger.
Un…homme ? Une femme ? Il n'était pas sûr, mais quelqu'un de cornu était près d'eux, en train de passer sa main sur les épaules de son grand-père, murmurant d'une voix calme. Il… Elle jeta un rapide regard à Riku et ses yeux se plissèrent comme si elle ou il souriait avant qu'il ou elle continue de réconforter son grand-père.
"Makoto, respire, calme-toi…"
"Maduin… Elle…" balbutia son grand-père, ses yeux écarquillés.
"'Ji-san ?" murmura Riku.
"Ta limite approche, il faut te calmer, tu risques de blesser ton enfant."
Son grand-père baissa les yeux sur Riku qui réalisa que les mains qui le tenaient étaient toutes deux écailleuses.
"Je... je n'y arrive…"
"Madi," murmura une femme en tirant Maduin par la manche, désignant une direction, "le Seigneur Diablos…"
Riku vit Maduin lever le nez dans cette direction et soudain, ce n'était plus une petite silhouette aux yeux noirs bridés mais un grand homme musclé aux yeux rouge, ses cheveux gris argenté coulant sous ses voiles. Il se redressa, poussant délicatement Riku et Vincent de côté avant de se planter devant eux, juste au moment où l'Ancien de la Mémoire tendait la main pour saisir son fils.
"Maduin, laisse-moi passer !"
"Non."
"Makoto, laisse l'enfant retourner avec les…"
De grandes ailes s'ouvrirent dans le dos de Vincent en claquant avant de se replier autour de lui et de son petit-fils.
"Personne ne le touchera !" gronda Vincent.
"Père, il vient de retrouver ses enfants," murmura Gigas en essayant de faire reculer leur père, "je ne recommande pas d'essayer de le lui prendre."
"Il a manqué de m'en mettre une quand j'ai essayé de toucher Riku sans sa permission," ajouta Helgrimr.
"Makoto n'est pas en état d'être cohérent, pas tant que son enfant est en danger," renchérit Maduin d'un ton raisonnable, sans bouger de son poste devant eux.
Vincent sursauta et tourna la tête vers Séphiroth, le cherchant du regard. Il laissa échapper un feulement de frustration en le voyant debout près d'Aérith, derrière Ifalna, le regard voilé de vert et horriblement vide.
"Qu'est-ce… qu'il a ?"
"Elle les a pris," murmura Riku, attirant l'attention des Anciens.
"Qui ça ?" demanda Maduin en se tournant vers lui, ses cheveux prenant lentement une teinte plus sombre.
"Mi... La Morte. Celle dans ma tête. Elle est sortie et les a pris !"
"C'est normal," soupira Diablos d'un ton exaspéré, "Elle…"
"Vous SAVIEZ ?" gronda soudain Vincent.
Riku se sentit soulevé, tenu par le bras de son grand-père, lorsque celui-ci devint plus grand, ses os craquants et un masque commençant à s'assembler sur son visage.
"Makoto ! Makoto, du calme," reprit la femme voilée, aidée par Maduin.
"Vous SAVIEZ qu'Elle allait faire ÇA ?" siffla Makoto en décrochant une main griffue pour désigner les Cetras.
"Bien sûr !" s'exclama Diablos, "j'espérais qu'elle serait encore assez présente pour…"
Il recula d'un pas, saisissant la main de son fils au vol avant qu'il ait pu tenter de lui déchiqueter le visage. Maduin s'interposa à nouveau, cette fois pour les faire lâcher.
"Makoto, Diablos ! Suffit ! Tous les deux !"
"Nous avons besoin de Minerva pour cette guerre !" acheva l'Ancien de la Mémoire.
Riku laissa échapper un petit cri de terreur quand son grand-père n'eut qu'un feulement en réponse, ses griffes perçant la faible protection de son manteau. Il vit Maduin baisser les yeux vers lui et froncer légèrement les sourcils avant de se tourner vers l'Ancien, sans lâcher Makoto.
"Diablos, nous avons un autre problème."
Le démon se tourna dans la direction où il regardait. Les trois Cetra possédés se tenaient maintenant au centre de la pièce, leurs ailes étendues au-dessus d'eux, accueillant les Anciens qui se rassemblaient, se bousculant mutuellement pour être les premiers à les toucher.
"Ça va être l'émeute," reprit Maduin en posant sa main sur le torse de Diablos, au niveau du cœur, "dépêche-toi. Je viens t'aider dès que Makoto est calmé."
Diablos hésita encore quelques secondes avant de se dégager rapidement.
"Très bien. Vous deux, empêchez votre frère de faire une sottise !" ordonna l'Ancien à ses deux aînés avant de faire demi-tour et de retourner au centre de la pièce.
"L'histoire de ma vie," soupira Helgrimr.
Maduin se tourna vers Vincent qui serait toujours Riku contre lui, reculant vers le mur au fond de la pièce. Son masque continuait de s'assembler, les morceaux flottant autour de sa tête. Riku risqua un œil par-dessus son épaule, voyant Maduin approcher, suivi par son clan. Il se renfrogna immédiatement et Maduin se sentit soudain transporté quarante ans dans le passé, face à un autre adolescent qui refusait de faire confiance au reste du monde.
L'Ancien de la Famille fit signe à ses enfants de reculer et s'accroupit lentement, repliant sa haute silhouette jusqu'à pouvoir s'accouder sur ses propres genoux. Riku vit ses traits trembler, avant que ses yeux redeviennent noirs et bridés, sa peau dorée et ses cheveux sombres.
"Makoto, il faut te calmer."
Vincent hocha la tête, essayant d'inspirer et de souffler comme Cid lui avait appris mais l'air froid ne semblait pas éteindre sa limite, attisant la flamme intérieure au lieu de l'éteindre. Maduin, maintenant doté de courts cheveux blonds et d'yeux bleu ciel, fronça les sourcils avant de se tourner à nouveau vers Riku.
"Toi aussi," continua Maduin.
"Moi ?" répéta Riku.
"Makoto sent ta peur. Il sent que tu n'es pas à l'abri et il essaye de te protéger…"
"Mais comment…"
"Tu es guérisseur natif," expliqua Maduin, "et Makoto m'a dit que tu étais très puissant pour ton âge, mais que personne ne t'a appris ce que c'était d'être guérisseur."
L'Ancien se leva lentement, ajustant ses habits avant de joindre les mains et se pencher légèrement en direction de Riku et Vincent. Riku cligna des yeux, la créature semblait plus grande tout à l'heure ? Maintenant, il était à peine de la taille de Cid et avait des cheveux noirs en bataille, trop longs et mal coupés.
Et des yeux gris, bridés… tellement gentils que Riku ne pouvait s'empêcher de lui faire confiance.
"Tu peux sentir quand quelqu'un n'est pas bien, physiquement ou mentalement, tu sais quand quelqu'un est triste si tu le touches, n'est-ce pas ?"
Riku hésita, avant de lentement hocher la tête.
"C'est quelque chose que tous les guérisseurs natifs ont. Et parfois, les puissants, comme Aérith, comme toi, peuvent aussi projeter leurs émotions."
"Comme Ifalna tout à l'heure ?"
"Tu dois te calmer, ou il ne se calmera pas."
"C'est moi qui lui fais ça ?" demanda Riku avant de réaliser. "C'est moi qui lui fais ça ? !"
"J'en ai peur."
"Je le fais pas exprès !"
"Je sais," rétorqua Maduin d'un ton calme, "tu apprends seul à utiliser tes dons et c'est difficile. Tu n'es pas responsable. Mais il faut que tu apprennes."
"Comment ?" gémit Riku, serrant son grand-père contre lui.
"Est-ce que je peux te toucher ?" demanda Maduin.
Riku leva les yeux, reconnaissant sa voix sans arriver à mettre le doigt dessus. Elle avait maintenant des cheveux noirs aux pointes bleues et des yeux gris bleus. Riku hocha la tête et elle leva la main, la posant sur son crâne d'un geste tendre.
"Ferme les yeux. Pense à l'endroit où tu te sens le plus à l'abri et imagine que tu t'y trouves…"
Le plus à l'abri ? Qu'est-ce que ça pourrait être ?
La MGU ?
Non. Non, à un moment peut-être, mais plus après l'attaque d'Ultimécia.
Sa chambre dans les Taudis ?
Non plus. Le vieil immeuble se serait effondré au moindre sort, même ceux de Loz.
La Tour ? Non. Il avait vu les dégâts qu'elle subissait, il avait entendu les commentaires de Monsieur Tuesti à propos de sa solidité.
Le Haut Vent qui vole loin au-dessus du sol, si haut que personne ne pourrait les toucher ?
Seventh Heaven ?
La salle de séjour où il n'était jamais seul ?
La cuisine qui sentait toujours bon ?
Les sièges de la Chocomobile, usés et abîmés, avec Cid qui râlait tout en la réparant ?
Non. Non, il savait où…
Le lit de son grand-père. Quand il était sous les couvertures épaisses, avec le ronronnement du chat dans les oreilles et sa fourrure soyeuse sous son nez. Quand il avait la tête sur l'oreiller qui sentait le savon qu'il volait à son grand-père chaque matin, avec le livre et les couteaux toujours glissés dessous qui faisaient des bosses sous sa joue.
C'était là qu'il se sentait le plus à l'abri.
Riku posa le front sur le torse de son grand-père, sentant, plus qu'il entendait, son cœur battre la chamade contre lui.
"Pardon, 'Ji-san," murmura-t-il.
Il sentit le torse de son grand-père se soulever, puis se rabaisser.
Puis une seconde fois, plus lentement.
A la troisième respiration, Riku se prit à l'imiter, sentant le battement contre son front ralentir. Les griffes qui pointaient sur son épaule se rétractèrent, remplacées par une main chaude.
Il releva les yeux.
Le masque avait disparu. Les ailes étaient en train de retomber, redevenant le manteau des daguerriens. Maduin avait posé son front contre celui de Vincent, murmurant dans une langue que Riku ne connaissait pas et qui faisait comme une chanson. La même langue que les jumeaux parlaient des fois, entre eux ou avec son grand-père.
"Tu vas me rendre mog, Makoto," murmura l'Ancien.
"Je jamais entendu ça," rétorqua Vincent.
L'Ancien posa un baiser sur le front de Vincent à travers son voile et se redressa, lâchant Riku après une dernière caresse sur ses cheveux.
"Il faut que j'aille aider ton père, reste ici avec ta sœur."
"Oui, Maduin."
"Déa, prends soin de ton frère."
"Oui, Madi," répondit Edéa en approchant à son tour pendant que leur parent s'éloignait en direction de l'attroupement, retirant ses voiles un à un.
"C'est qui ?" demanda Riku, toujours cramponné à son grand-père.
"C'est Maduin… C'est… C'est mon Harumi," répondit Vincent.
"Oh. Je l'aime bien, je crois."
Vincent hocha la tête, serrant Riku contre lui.
"Plus que mon arrière-grand-père en tout cas," ajouta Riku à voix basse.
La tête contre son torse, il entendit son grand-père tenter d'étouffer un rire.


Maduin franchit l'attroupement d'Anciens avec aplomb, profitant qu'ils s'écartaient tous de son chemin avec empressement pour rejoindre Diablos.
Au fur et à mesure des voiles qui tombaient, l'Ancien redevint grand, sa peau peu à peu dévoilée se teintant d'un brun chaud alors que ses cheveux mauves se déroulaient dans son dos. Ses cornes changèrent de forme, devenant plus acérées, plus menaçantes, et quand Maduin passa près de ses grands-parents, renouant plus confortablement son dernier sarong, son apparence était celle d'un homme de haute taille, aux yeux bridés et entièrement dorés.
"Tu te décides enfin à…" marmonna Fenrir en approchant de son petit-fils.
"Grand-Père, devoir porter ma vraie apparence me rend légèrement irritable et j'ai besoin d'être diplomate, ne commencez pas."
"Son comportement est ta faute," maugréa Da Chao à l'attention du berserker.
"Grande-mère, pareil. Et si je vous entends tous les deux," ajouta-t-il à l'intention d'Ifrit et d'un grand oiseau aux multiples ailes vertes, perché sur son épaule, "je fais demi-tour et je retourne à Gongaga avec mes enfants."
La menace sembla faire son effet et les quatre Anciens décidèrent de reporter leur dispute de famille à plus tard, une fois que la situation serait plus appropriée[7].
"Te voilà," maugréa Diablos quand il le rejoignit devant les Cetras.
"Makoto et l'enfant sont calmés."
Diablos lança un rapide regard en direction de Makoto, hésitant visiblement à retourner le chercher et Maduin détourna son attention d'une main posée au creux de son coude.
"Il faudra qu'on discute," ajouta Maduin à voix basse.
"Qui êtes-vous ?" déclara trois voix calmes et parfaitement synchrones.
L'Ancien juvénile frissonna, pas de froid, mais du poids de la voix sur ses épaules. Les trois cetras les regardaient, leurs yeux faits de la Rivière de la Vie la plus pure.
Maduin n'avait jamais rencontré Minerva. Sa naissance avait eu lieu plus d'un millénaire après Sa mort. La seule chose qu'on ne lui avait jamais apprise à Son sujet était Sa mort tragique due à la Calamité Venue des Cieux et qu'Elle était l'incarnation de la Rivière sur Gaïa.
Maduin n'avait jamais vraiment compris ce que ça signifiait. Jusqu'au moment de se retrouver sous trois regards qui portaient des milliers de mémoires et de vies.
"Mon petit-fils, Dame Minerva," intervint Da Chao, "Maduin, l'Ancien de la Guerre."
Diablos dû sentir monter sa brusque envie de meurtre car sa main se referma soudain sur son sarong, le gardant sur place avant qu'il ait pu retourner sa manière de penser à sa grand-mère.
"Je suis l'Ancien de la Famille," corrigea Maduin, se forçant à desserrer la mâchoire.
"TON petit-fils ?" protesta Fenrir.
"Il suffit," coupa Bahamut, "ce n'est ni le lieu, ni le moment."
La femme à la robe rouge, probablement la mère d'Aérith vu leur ressemblance, leva une petite main vers le dragon.
"Oh, Bahamut…"
Le chevalier resta silencieux, dévisageant la petite cetra avant de s'incliner, puis, chose que Maduin ne l'avait jamais vu faire, il plia le genou, jusqu'à pouvoir poser sa main au sol, inclinant la tête devant Elle.
"Dame Minerva," commença-t-il d'une voix chargée d'émotions. "Je…"
Elle posa sa main sur ses cheveux grisonnants et le chevalier des Anciens laissa échapper un hoquet qui, venant de lui, ressemblait fort à un sanglot.
"Je suis... désolé…" finit-il par déclarer après plusieurs tentatives de retrouver sa voix.
"Tu as fait ton devoir," déclarèrent les cetras d'une même voix.
La femme glissa sa main sous le menton du chevalier, l'obligeant doucement à lever le visage vers Elle. Ce qu'il fit après quelques secondes de lutte, se laissant finalement faire. Elle l'observa en silence, son expression calme se faisant très légèrement perplexe. Elle releva les yeux, dévisageant l'assemblée d'Anciens avant de s'arrêter de nouveau sur les deux plus jeunes.
"Bélias ?"
Diablos secoua doucement la tête avant de s'incliner.
"Je suis Diablos, Dame Minerva. Le fils aîné du Seigneur Bélias."
Les trois Cetras affichèrent la même expression confuse et levèrent une main à leur bouche.
"Où est ton père ?"
"Je suis navré, Dame Minerva," reprit le démon sans oser lever les yeux, "la Calamité l'a pris."
Cette fois, les cetras n'eurent pas le même mouvement. Ils regardèrent tous les trois dans des directions différentes, détaillant les visages des Anciens qui les entouraient, les mains jointes en prières, agenouillés pour ceux qui pouvaient, et qui écoutaient religieusement la discussion.
"Les dragons…"
"Vos chevaliers n'existent plus Dame Minerva," reprit Bahamut, toujours agenouillé devant Elle.
"Les démons…"
"Décimés," déclara Diablos, "je suis le dernier de Vos mages."
"Eden ?"
"Détruite."
"Asura ?"
"Seuls ses descendants subsistent."
"Odin ?"
Diablos garda le silence quelques secondes avant de finir par répondre, d'un seul mot.
"Magicite."
La lueur vacilla brièvement dans le regard des cetras, et Maduin eut l'impression de voir le fils de Makoto grimacer, mais son expression redevint rapidement celle de la Déesse Morte.
Il était toujours là. Luttant contre la Déesse.
Maduin espérait que la volonté du jeune homme puisse supporter celle de la Déesse.
Ou qu'il aurait la sagesse d'attendre que l'orage passe avant d'essayer de revenir, mais s'il avait seulement la moitié de l'entêtement de son père, c'était loin d'être gagné.
"Vous êtes… tout ce qui reste ?" reprit Minerva.
Les Anciens baissèrent les yeux, comme pris en faute et Maduin ne put s'empêcher de se sentir offensé pour eux. Oui, ils étaient les derniers et cela faisait des siècles qu'ils survivaient comme ils pouvaient, peut-être pas de la meilleure des manières, figés comme ils l'étaient dans leurs traumatismes, dans un monde qui continuait d'avancer sans eux, mais comment osait-Elle le leur reprocher ?
"Maduin," souffla Diablos en tirant sur son coude, "calme-toi."
"Nous ne sommes... plus assez," balbutia Ramuh, appuyé aux bras de deux de ses enfants, "certains clans ont disparus pendant la guerre, d'autres… N'ont pas survécu au fil des ans…"
La petite Cetra leva la main, la posant sur la joue de Diablos qui tressaillit.
"Tu étais un enfant. Et lui n'était pas né" ajouta-t-elle en tournant son regard de Rivière vers Maduin qui frissonna, sa peau passant par plusieurs couleurs différentes avant de redevenir brune.
"Dame Minerva…" hésita le démon.
"Combien de temps ?"
Le silence régna, aucun Ancien n'osant annoncer la nouvelle, jusqu'à ce que Maduin soupire et se dévoue.
"Deux mille ans."
"Maduin," gronda Fenrir.
La Déesse leva la main d'un geste calme et Fenrir se tut soudainement, baissant la tête.
"Deux mille ans… Deux mille ans de prison dans son esprit…"
À nouveau, la lueur vacilla dans les yeux du fils de Makoto, mais l'Ancienne continua par la bouche de Ses enfants.
"Et elle est de retour."
"Que pouvons-nous faire ?" demanda Ramuh, "l'armée des Anciens n'existe plus."
"Il nous reste nos enfants," reprit Bahamut en se levant.
"Des demi-sang, Bahamut !" Protesta Bismarck en remontant son bébé sur son épaule, posant une main protectrice sur son dos. "Ils n'ont pas la moitié de nos pouvoirs."
"Vos enfants ?" s'étonna la Déesse.
"De sang hume," précisa Diablos. "Mais ce n'est pas notre seul atout. Makoto ! Viens !"
"Diablos," commença Maduin d'un ton dangereux.
"Il suffit, Maduin, apprends à te taire," ordonna Ifrit.
Un jour, Maduin allait de nouveau défier son grand-père pour lui mettre une seconde raclée et ce jour se rapprochait à chacune de leurs rencontres. Ifrit dû le sentir car il décrocha les serres du grand oiseau vert à quatre ailes de son épaule et le déposa dans les bras de Maduin qui dû se résoudre à rester calme, au risque de perturber sa grand-mère. Garuda trilla légèrement puis glissa sa tête dans le cou de son descendant et s'endormit à nouveau. Makoto échangea quelques mots avec Edéa avant de pousser doucement Riku dans ses bras et se tourner vers les Anciens, mais Diablos reprit.
"Avec l'enfant."
"Non."
Si ses mains n'avaient pas été pleines d'une Ancienne sénile et ensommeillée, Maduin aurait applaudit son fils à tout rompre. Makoto approcha, se glissant silencieusement entre les Anciens, gardant les yeux baissés jusqu'à arriver entre son père et Maduin. Il resta immobile quelques secondes, puis leva les mains, paumes vers le haut, et s'inclina devant la Déesse.
"Je te connais," déclara celle-ci de trois voix différentes.
Ifalna était si petite que Makoto devait garder le regard vers le sol pour ne pas croiser les yeux de la Déesse par accident.
"Vous avez dû me voir quand vous avez pris possession de mon petit-fils," déclara-t-il d'une voix polie, mais aussi froide que les murs du palais.
"Makoto !" vociféra son père.
"Tu es…"
La Déesse leva la main, la posant sur le torse de Vincent et…
Il était une esper pendant la première guerre des Magi, luttant pour que son enfant et elle ne soient pas découverts par les humains qui voulaient s'approprier leurs pouvoirs.
Il était un soldat gesthalien, agonisant, coincé dans son armure magitek, quand la Résistance détruisit le laboratoire.
Il était un enfant, un autre, puis une petite fille, qui naissent et meurent trop vite dans un monde qui essaye de renaître, mais où tout manque, nourriture, soleil, chaleur… Magie.
Il était un arbre dans la forêt d'Eruyt, du temps où elle était encore neuve, et que cette vie fut longue, peut-être la plus longue de toutes.
Il était un cœurl, au fin fond du lac de sel d'Esthar, prêt à se battre pour sa meute, tué par un chocobo mâle quand il tenta de dévorer ses poussins.
Il était une adamantaimai, aussi jeune et fougueuse que la chasseuse de prime qui la combat pendant de longues heures, aucune des deux ne voulant abandonner, jusqu'à ce que l'hume parvienne à percer sa carapace et lui porter un coup au cœur.
Il était Makoto Hamasaki, le dernier maillon d'une longue chaîne, presque mort à deux reprises, presque à toucher la Rivière de la Vie avant de revenir dans le froid du laboratoire, à remplir ses poumons d'un air vicié et…
Makoto sursauta quand quelqu'un lui sauta soudain sur le bras, le séparant de la Déesse et il recula, emportant Riku après lui.
"TU LE TOUCHES PAS !"
Vincent prit Riku contre lui, drapant son autre bras autour de ses épaules pour le cacher autant que possible à la vue des Anciens.
C'était un peu raté, tous les regards étaient sur l'adolescent, qui, oubliant les instructions ou probablement trop furieux pour s'en souvenir, soutint les regards.
"Quoi ? !"
"Riku, chut," murmura Vincent.
"Ça va ? Tu n'es pas blessé ? Tu es resté les yeux dans le vague longtemps, j'ai cru qu'elle t'avait pris aussi !" rétorqua Riku, parlant à toute vitesse.
"Je vais bien, elle a juste…"
Il fronça les sourcils. Il n'arrivait plus à se souvenir de ce qu'il avait vu… Il ne lui restait qu'une brève mémoire de sa mère en train de tuer une adamantaimai et même ce souvenir s'effaça à son tour.
"Makoto, contrôle l'enfant," gronda Diablos entre ses dents en approchant d'eux.
"Essaye pour voir," rétorqua Riku.
Ah, oui, Riku était définitivement son petit-fils.
"Je vous prie d'excuser l'attitude de mon fils, Dame Minerva," reprit l'Ancien de la Mémoire, "il… vit parmi les humes depuis trop longtemps."
Diablos jeta un dernier regard noir à son fils avant de reprendre d'une voix plus calme.
"L'enfant est le remède contre la Calamité."
Tous les regards se tournèrent à nouveau vers Riku qui ne baissa pas le sien mais resserra ses mains sur le bras de Vincent.
"Il sait guérir la possession ?" reprit Ixion en baissant le nez vers Riku, approchant dangereusement sa corne d'eux
"Son sang le peux," déclara Minerva avant qu'Aérith approche, tendant la main vers Riku, "grâce à ça, J'ai put détruire une des créatures d'Hojo, gavée de magie de sorcière, du sang de la planète et de fragments de la Calamité."
Riku fit un pas en arrière, le regard fixé sur Aérith, et son grand-père s'interposa, se glissant rapidement entre lui et la guérisseuse possédée.
Il ne voyait rien d'autre que ses yeux de mako. Est-ce qu'elle était toujours là ? Est-ce qu'elle se rendait compte de ce qui se passait ?
"Nous pourrions… guérir si elle nous touche," réalisa Fenrir.
Les regards sur Riku commencèrent à se faire plus calculateurs, plus froids et l'adolescent s'aperçut, peut-être un peu tard, qu'il s'était mis dans une situation inconfortable.
"Il y a plus urgent," reprit Diablos.
"Quoi donc ?"
"L'hume a obtenu la clef du temple de la matéria noire. Il cherche Météore."
"Oh, Miner…" commença Bahamut avant de s'interrompre, refermant vivement sa grande bouche.
"Il a attaqué le Cap de l'Espoir il y a quelques mois et a réussi à voler la clef de pierre qui y était cachée," expliqua rapidement Diablos devant les expressions de plus en plus courroucées de ses congénères.
"De tous les temples que tu aurais pu visiter, pourquoi n'as-tu pas pillé celui-là ? !" s'exclama Da Chao, ses écailles se hérissant.
"J'ai votre bénédiction maintenant, Dame Da Chao ?" rétorqua sarcastiquement Diablos.
"A-t-il invoqué Météore ?" demanda Minerva, fronçant les sourcils.
"Pas encore."
"Il ne sait pas où se trouve le temple de la matéria noire," murmura Vincent à son père.
"Répète," tonna une voix autoritaire, au même accent étrange que celle de Fran.
La viéra le fixait du regard, avançant au milieu des descendants d'Anciens avec la même élégance prédatrice que Fran. Vincent hocha la tête avant de répéter, d'une voix plus forte.
"Il est en train de fouiller la côte est de l'Estérie à la recherche d'un indice. Nous faisons de même pour le prendre de vitesse et protéger le temple."
La viéra pinça les lèvres et rétrécit les yeux avant de tourner le regard vers le trône de plantes vives qui sembla frémir sous le vent.
"Mais pourquoi vouloir invoquer Météore ?" reprit Ramuh, "cela détruira Gaïa, mais aussi l'hume et la Calamité…"
La Déesse sembla réfléchir avant de se redresser, dépliant la haute taille de Séphiroth pour chercher quelqu'un du regard.
"Où est Alexander ?"
"Je suis là, Mère."
La Reine Alexandrios et sa fille approchaient lentement, tenant à elles deux un solide plateau de métal sur laquelle reposait le cristal par lequel communiquait Alexander.
"Ah. Alexander. Mon Enfant."
Elle tendit la main et le cristal s'éleva dans les airs, flottant jusqu'aux Cetras pour rester au niveau des yeux d'Ifalna.
"Bienvenue parmi nous, Mère," susurra Alexander de sa voix caverneuse, "je suis honoré de vous rencontrer enfin."
"As-tu réussi la tâche que je t'avais confiée ?"
"Oui, Mère. J'ai scellé les sources de la Terre Fertile afin que la Calamité ne puisse y accéder."
"Et les autres ?"
"J'ai voyagé pendant des siècles, jusqu'à ce que mon corps devienne trop lourd à mouvoir," continua l'arme, "j'ai fermé ou enterré toutes les Sources que j'ai pu trouver…"
"Elle ne peut donc y accéder facilement," murmura la Déesse, "c'est pour cela qu'elle veut utiliser Météore."
"Comment ça ?" s'étonna Bahamut.
"Souvenez-vous. Quand la Calamité est arrivée sur Gaïa, quand elle s'est écrasée sur la Terre Fertile… Elle a vu le sang de la planète couler pour guérir les dégâts…"
"Elle veut le refaire," comprit Diablos, "mais à grande échelle."
"Elle absorbera tout le sang de Gaïa et pourra repartir, trouver un autre monde à vider de sa substance… Il faut l'en em…" commencèrent trois voix.
"...pêcher," achevèrent deux.
"Arrêtez," gronda Séphiroth d'une voix rauque, une pluie de plumes retombant autour de lui quand ses ailes se dissipèrent.
Riku fit un pas vers lui mais Vincent le retint fermement. Les yeux de son fils continuaient à briller d'un éclat encore plus intense que d'habitude, et il luttait visiblement pour reprendre le contrôle, tentant de lever les mains vers Aérith ou Ifalna sans y parvenir.
"Je n'ai plus beaucoup de temps," reprit la Déesse par la voix des deux cetras, " mes enfants sont trop affaiblis pour supporter longtemps d'être ma Voix."
Elle se tourna vers Vincent, pesant longuement le pour et le contre en le dévisageant avant de reprendre, tendant la main vers lui d'un geste élégant.
"Cet homme, son Vol, sa Meute, luttent déjà contre nos ennemis. Aidez-les. Donnez-leur les connaissances et le soutien nécessaire…"
Aérith s'effondra soudain dans un nuage de plumes et Séphiroth voulut la saisir au vol, mais tituba et s'écroula à son tour, se retenant de justesse pour ne pas tomber sur elle. Certains Anciens se penchèrent sur eux pour les aider à se remettre sur leurs pieds, dont Bismarck et Fenrir, mais Séphiroth attrapa sa cousine, la calant contre son torse avec un regard noir aux Anciens.
"Trouvez la Calamité. Détruisez jusqu'à la moindre trace de son existence."
La Déesse baissa les yeux vers Riku et tendit le bras, presque à le toucher, mais Riku la repoussa d'une claque sur la main qui résonna comme une détonation dans le grand hall.
"Laisse-les."
La veille, pendant le jour Carbuncle, Shera et Cid avaient offert à Vincent un manuel parental, à moitié pour rire et Vincent l'avait rapidement feuilleté, mais il était à peu près sûr de n'avoir vu mentionné nulle part qu'avoir des enfants provoquait des arrêts cardiaques à répétition.
Ni qu'il y avait un chapitre sur la méthode à appliquer quand votre enfant décide de défier une Déesse morte depuis deux mille ans, actuellement en train de posséder le reste de sa famille.
Ifalna n'était qu'à peine plus grande que Riku, juste assez pour que la Déesse le regarde d'en haut, mais l'adolescent La foudroyait du regard, habitué à être entouré d'adultes beaucoup plus grands que lui et à ne pas se laisser faire.
Les Anciens semblaient proprement offensés du manque de respect de Riku et Vincent approcha d'un pas, levant lentement les mains pour les poser sur les épaules de l'adolescent, prêt à l'emporter loin au moindre mouvement suspect des Anciens.
La Déesse releva le menton, le vert de Ses yeux étincelant dangereusement.
"Sais-tu qui Je suis, Enfant ?"
"Je m'en cogne. C'est ma famille et vous les utilisez comme des choses, vous ne leur demandez pas leur avis. Vous êtes comme elle. Comme Jénova. Comme la Calamité."
"Makoto, contrôle l'enfant !" siffla Diablos entre ses dents.
La Déesse ne sembla pas réagir, se contenant de plisser les yeux.
Et puis, plus rapidement que Vincent n'aurait pu le prévoir, plus rapidement qu'Ifalna semblait être capable de bouger, Elle plaqua sa main sur le front de Riku. Les yeux de l'adolescent se voilèrent de vert et Ifalna s'effondra à son tour, ses ailes se dissipant, les Anciens saisissant les plumes voletant autour d'eux.
Diablos et Bahamut furent les premiers à la retenir, tandis que Vincent attrapait Riku par le col.
"Riku ? !"
L'adolescent cligna des yeux en grimaçant, secouant la tête, mais le voile de mako s'estompa rapidement et le laissa visiblement agacé.
"Riku, est-ce que ça va ?" répéta son grand-père en le tournant vers lui, les mains sur ses épaules.
"Elle dort. Facile tiens, elle se barre au moment de se faire engueuler."
Vincent soupira de soulagement et le serra contre lui avant de jeter un œil vers les cetras. Séphiroth se levait, faisant preuve d'autant d'obstination que de résilience, mais Aérith n'y arrivait pas, malgré son aide, hoquetant et tremblant, les bras autour de lui. Ifalna semblait encore confuse, regardant Bahamut et Diablos avec stupéfaction comme ils essayaient tous les deux de la relever.
Vincent ne voulait rien de plus que les cacher sous ses ailes et retourner à Seventh Heaven, les mettre à l'abri, tous, autant que possible. Il fit un pas vers eux, mais Gigastein s'interposa, une main levée.
"Makoto…" commença-t-il d'un ton hésitant avant de se décider, "fais-moi confiance."
"Pourquoi ?" rétorqua aussitôt Vincent.
"Parce que j'ai deux fils. Je sais ce que tu ressens" répondit son frère d'une voix basse, "je me charge de les mettre à l'abri."
De toute sa famille, Gigas était le seul qui n'ait jamais tenté de le manipuler pour son avantage, à part pour lui faire faire ses corvées ou apprendre ses leçons.
Vincent hocha la tête et Gigas lui adressa un soupir éphémère avant de reprendre son impassibilité, approchant de leur père qui relevait Ifalna.
"Père," intervint Gigas.
Diablos tourna la tête vers son aîné, surpris de son intervention.
"Je pense qu'une pause dans les débats est nécessaire. Dame Crescent et sa famille ont besoin de se remettre de leurs émotions. Nous pouvons leur aménager une pièce à cet usage, si vous le permettez."
"S'il... vous plaît," ajouta Ifalna.
Diablos jeta un petit regard à Bahamut qui haussa les épaules, puis aux autres Anciens qui se pressaient autour de Séphiroth et Aérith.
"Sage idée. Charge t'en vite."
"Oui, Père.


[1] Oui, j'ai osé faire des viéras le peuple de Carbuncle. Même pas honte.
[2] Admirez l'instinct toujours présent, 40 ans plus tard.
[3] Dois-je rappeler qu'ils sont deux des quatre grands-parents de Maduin ? Ouais, les réunions de famille sont funs avec eux, ce qui est une des raisons pour laquelle Maduin vagabonde, faire l'arbitre n'est pas sa tasse de thé.
[4] Au cas où ça vous aurait échappé, ils sont bien frères.
[5] Maudite chauve-souris géante ! !
[6] Venant de toi, c'est culotté !
[7] Et avec de la chance, Maduin aurait déjà réussi à déguerpir avec ses enfants.


Note:

Bon, on va s'y perdre un peu au niveau de la famille Nosferatu, surtout avec le recyclage des noms par génération alors un petit arbre généalogique va s'imposer

Bélias, dit l'Ancêtre : Père de Diablos et Lilith. Il était le chef des Mages de Minerva, et a été possédé par la Calamité à la fin de la guerre.
Marilith : Mère de Diablos et Lilith, épouse de Bélias, morte en protégeant les enfants du clan lors de l'attaque de la Calamité.
Diablos: Fils aîné de Bélias et Marilith. Désormais dernier nosfératu en vie et chef de Daguerreo.
Lilith : Fille cadette de Bélias et Marilith. Aussi surnommé Bébé-Lith, et plus jeune des survivants du clan, c'était un génie de la mécanique. Elle a disparu pendant la guerre des machines et est présumée morte.
Mateus, dit l'Aîné : Cousin de Diablos, frère aîné d'Hashmal. Aîné des enfants survivants. Dès qu'il a été considéré comme adulte, il est parti de Canyon Cosmo avec ses cousins et cousines pour fonder Daguerreo. Il a été le chef des nosferatu jusqu'à sa disparition, il y a un peu plus de 800 ans. Diablos l'a retrouvé presque soixante ans plus tôt, transformé en fayth pour protéger un temple wutan et a décidé de détruire sa magicite pour qu'il puisse rejoindre la Rivière de la Vie.
Hashmal : Petit frère de Mateus, second plus jeune des 5 cousins. Après la disparition de Mateus, il s'est opposé à Lamia et Diablos et a tenté de prendre le pouvoir à Gaïa. Diablos a dû le tuer pour l'empêcher d'assassiner Ramuh.
Lamia : cousine de Diablos du côté maternel et mère de Chaos. Les Anciens pensent qu'elle a été touchée par la Calamité et aurait dû être tuée, mais Mateus s'y est opposé. En réalité, c'est le traumatisme qui l'a rendue instable et agressive. Quand Daguerreo a été attaquée, elle a cru que la bibliothèque avait été détruite, son fils et Diablos tués, et elle s'est suicidée.
Chaos : Fils de Diablos et Lamia, né après la mort d'Hashmal. Il a été surcouvé par ses parents, surtout par son père après la mort de sa mère et terrorisait tout Daguerreo. Il a disparu lors d'un sauvetage à Esthar et est présumé mort.
Gigastein : Fils de Diablos et Améthyste Aarden, une scientifique Corellienne. Aîné des enfants de Diablos encore en vie, de facto co-gérant de Daguerreo, responsable de la section linguistique et voix de la raison de la famille. Époux de Sophia, père de Bélias, le grand et Mateus, le petit.
Helgrimr : Cadet de Diablos et de la völva Nàl de Nibelheim, frère jumeau de Tiphareth, grand-oncle de Tifa Lockhart. Responsable de la section magie antique de Daguerreo.
Tiphareth : sœur jumelle de Helgrimr et grand-mère de Tifa Lockhart.
Vincent, aka Makoto Hamasaki : Benjamin des fils de Diablos. Fils de Minako Hamasaki. Père de Séphiroth.
Séphiroth, dit Zéphyr : Fils de Vincent et Lucrécia Crescent. Ex-SOLDAT.
Riku : fils de Séphiroth et Suzume Makani.
Galian : Dernière-née et seule fille vivante de Diablos.