Stiles ouvrit les yeux dans un sursaut particulièrement violent. Ses doigts serrèrent de manière extrêmement crispée les draps qui finirent bien froissés. Draps également trempés par sa sueur, tout comme son pyjama. Encore ces cauchemars. Le récurrent avait eu lieu plus tôt dans la nuit, ce n'était pas celui-ci qui l'avait réveillé, plutôt un autre.

Les souvenirs du Nogitsune avaient la vie dure.

Fébrilement, il avança dans le noir sa main droite qui tâtonna un moment avant de trouver et d'enclencher l'interrupteur. Aussitôt, une douce lumière jaune éclaira la pièce et Stiles put respirer à grandes goulées, se rendant compte qu'il avait retenu son souffle jusque-là. Son corps fut secoué par de légers spasmes alors qu'il se repliait sur lui-même. Ses yeux entraperçurent à peine l'heure indiquée sur son réveil digital : 4h49.

Encore une nuit de merde.

Le jeune homme reprit péniblement son souffle en essayant de se raisonner, de se dire que c'était bel et bien fini depuis un moment, cette histoire de démon renard. Il y arriva, bien sûr mais pour cela, il dut se répéter des tas de mantras dans sa tête. Parce que le plus important était de se calmer. Ne penser à rien. Tout allait bien, il était chez lui, dans sa chambre, son père dormait tranquillement dans la sienne au rez-de-chaussée. Tout ne pouvait qu'aller bien. Et pourtant, ses tremblements continuèrent. L'adolescent serra les dents et se mentalisa comme il le put. Il s'efforça à se dire que rien ne clochait dans sa vie et que d'ici quelques heures, il retournerait en cours. La routine, ça l'aidait à tenir. Les cours se déroulaient généralement toujours de la même manière, à quelques exceptions près. En outre, ça lui procurait un sentiment de stabilité.

Pour autant, ce n'est pas ça qui le calma.

Ce qui l'aida, ce fut les souvenirs de ses derniers ébats avec Derek. Des moments chauds, intimes, rassurants où l'humain se retrouvait encerclé par les bras musclés du loup. Des bras capables de le protéger. Il revit alors ces yeux vert-bleu posés sur lui, sentit à nouveau cette bouche parsemer son corps de baisers plus sensuels les uns que les autres. Ce désir qui animait le loup lorsqu'ils se voyaient, cette manière qu'il avait de l'étreinte, d'à peine le griffer avec ses ongles plutôt qu'avec ses griffes de loup pour éviter de le blesser et ne lui laisser que de légères marques.

Cette façon qu'il avait non pas de le baiser, mais de lui faire l'amour.

Et sans trop comprendre comment, le rythme du cœur de Stiles ralentit et devint inexplicablement régulier. Ses tremblements ne cessèrent pas, mais furent moins violents. Les images de son cauchemar s'évanouirent bien vite. Quand il disait que Derek se vider la tête, ce n'était pas qu'une métaphore.

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- T'as franchement une sale tête aujourd'hui, Stiles, lâcha Scott en le voyant.

- J'ai mal dormi, j'ai trop chaud avec cette couette de mort, râla l'hyperactif en essayant de ne pas relever le semblant de critique.

- T'es vachement compliqué comme mec, t'es jamais bien ! Rit le loup.

Stiles se renfrogna. Ce que disait Scott paraissait n'être rien d'autre qu'une série de blagues un peu nulles et bon enfant, sauf que c'était récurrent. Assez pour que l'hyperactif commence à le prendre personnellement. Néanmoins, il se força à se décrisper et ignora la remarque en esquissant même un sourire.

Les deux jeunes hommes venaient d'avoir mathématiques et même fatigué, le fils du shérif avait plutôt bien suivi, au contraire de Scott qui détestait tant cette matière qu'en forme ou pas, c'était toujours un langage qui lui était inconnu. Là, ils se dirigeaient vers le cours d'histoire qui devait commencer d'ici quelques minutes. Stiles aimait bien l'histoire. Il y avait peu de choses qu'il n'aimait pas : c'était son côté curieux qui le rendait plutôt enclin à la découverte. Scott de son côté, était plutôt centré sur la SVT. Lui et Malia révisaient très régulièrement ensemble et n'hésitaient surtout pas à aller l'un chez l'autre lorsqu'une notion… Leur échappait. Stiles leva les yeux au ciel à cette pensée. Il n'était pas du tout dérangé par l'idée que son meilleur ami se tape son ex, il appréciait énormément la coyote et ne voulait que son bonheur. Le souci, c'était le comportement de Scott et surtout, ses régulières… Confidences. Les détails croustillants, Stiles n'en voulait surtout pas. Entendre la vie sexuelle de son ex avec son meilleur ami de toujours c'était comme… Malsain. Scott était presque son frère, ça rendait limite la chose incestueuse ! De son côté, Stiles ne lui disait rien. L'alpha s'était bien enquis de sa situation amoureuse et l'hyperactif avait dû broder. Puisque mentir le cramerait trop facilement, il avait jugé bon de détourner la vérité. A peine.

- J'ai personne actuellement, tu me connais, je suis l'éternel célibataire de la bande, avait tranquillement répondu l'hyperactif.

Scott n'avait aucun soupçon concernant ses entrevues intimes avec Derek pour la simple et bonne raison que Stiles faisait attention. Il se douchait et l'odeur du loup ne restait pas accrochée à lui. Pour cela, il faudrait qu'ils se voient littéralement tout le temps ou bien qu'ils se revendiquent. Stiles s'était assez renseigné pour connaître les usages des loups-garous par simple souci de… De quoi en fait ? Bon, d'accord, il avait eu un peu peur. Il y avait des fois où il préférait récolter un maximum d'informations avant de se lancer. C'était exactement pour cela qu'il s'était senti prêt à proposer cette espèce de marché au loup.

Le cours d'histoire se déroula tout à fait normalement et si tranquillement que Stiles manqua de s'endormir, si bien que Scott fut obligé de lui donner de légers coups de coude de temps à autre pour le garder éveillé.

C'est le midi que les choses commencèrent à se gâter pour Stiles, lorsque l'alpha lui rappela qu'ils avaient rendez-vous avez le reste de la meute pour un petit pique-nique chez Derek. L'appréhension noua légèrement le ventre de Stiles mais il se força à ne pas trop y réfléchir pour que son odeur n'alerte pas son ami. Il avait complètement oublié. Voir Derek ne le dérangeait pas, au contraire, simplement… C'était la première fois qu'il le voyait dans un contexte « familial », c'est-à-dire en présence de la meute, depuis qu'ils avaient passé cet étrange pacte. Peu sûr de lui mais tentant de se dire que tout allait bien se passer, il rejoignit Scott qui était, pour une fois, venu avec la voiture de sa mère. Tant mieux, parce qu'il ne serait jamais monté sur sa moto de son plein gré.

Assis sur le siège passager alors que Scott avait déjà démarré depuis deux minutes, Stiles souffla discrètement. Tout se passerait bien. Derek agirait normalement avec lui, sans doute le brutaliserait-il un peu comme il en avait l'habitude mais pour cela, il allait falloir que Stiles l'emmerde un minimum pour ne pas éveiller les soupçons. Alors que Scott commençait à froncer les sourcils à cause de l'étrange silence de Stiles, celui-ci réagit rapidement en se mettant à parler de tout et de rien. L'alpha sourit alors, content de constater que tout allait bien même si son ami hyperactif semblait un peu… Sur les nerfs. Pas étonnant, il était fatigué et il ferait bien de dormir s'il voulait que ses cernes disparaissent.

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Tout le monde était déjà là. Lydia et Isaac aidaient à mettre la table – énorme soit dit en passant – tandis que la plupart des loups étaient affalés sur les deux canapés confortables récemment achetés par Derek. Stiles jeta un coup d'œil circulaire dans la grande pièce à vivre et ne le vit pas. Peut-être avait-il du retard ? Bien sûr que non, c'était chez lui ci. Sans doute était-il reclus en haut, attendant que les adolescents installent tout. Il déglutit discrètement et partit aider ses deux amis. La meute n'était plus aussi petite qu'avant, il fallait davantage de bras à disposition auquel cas, ils ne mangeraient pas avant un bon moment.

Une fois la table installée correctement et les couverts mis en place, l'on vit Peter sortir de la cuisine accompagné de Liam et Malia, tous trois portant une multitude de plats. Stiles eut les yeux brillants de gourmandise : l'avantage d'être dans une meute de bêtes poilues, c'était qu'il fallait toujours prévoir beaucoup de nourriture et variée de manière à satisfaire tout le monde. Pour l'hyperactif qui adorait manger, c'était le jardin d'Eden. Tout le monde s'installa alors sans attendre et se souhaita bon appétit. Stiles se retrouva alors entre Scott et Jackson et lorsqu'il releva la tête, croisa le regard si perturbant de Derek. Il réprima un sursaut de surprise de le voir d'un seul coup à la place en face de lui et détourna les yeux vers les plats pour se redonner une contenance. Il devait vite oublier son trouble, sinon ses amis remarqueraient le changement d'émotions dans son odeur. Il était hors de question que l'on soupçonne quoi que ce soit, ni qu'on le harcèle de questions.

Stiles n'avait aucune envie que l'on sache pour lui et Derek. Ils avaient beau partager une relation de corps uniquement, l'hyperactif voyait les remarques et moqueries arriver. Derek et lui ne jouaient pas dans la même cour, n'étaient pas du tout au même niveau. C'était à se demander s'ils étaient du même monde. D'un côté, Stiles Stilinski, humain faible de son état, corps de lâche, laid comme un pou, inutile et pitoyable à souhait. De l'autre, Derek Hale, loup-garou, sexy au possible, quasiment omnipotent, beau à se damner et toujours là quand il le fallait. C'était à se demander comment le Hale avait pu accepter ce foutu marché. Ah oui, c'est vrai : ses hormones en ébullition en cette période le poussaient à se soulager régulièrement. Malgré la discussion qu'ils avaient eue et même s'il savait qu'il ne le forcerait pas, Stiles savait qu'une fois cette saison de chaleur terminée, leur relation redeviendrait comme avant. Inexistante. Entre eux, rien, à part un froid qui glaçait déjà Stiles de l'intérieur. Pour lui qui avait quelques sentiments envers le loup-garou, c'était un peu dur, mais il gèrerait. Il connaissait les risques, les avait mûrement étudiés, avait pris le temps de peser le pour et le contre avant de lui proposer ce pacte.

- … Ine ? Stiles, tu m'écoutes ?

Le jeune homme sortit brutalement de ses réflexions et s'excusa auprès d'Isaac, qui lui parlait, à côté de Derek.

- T'avais l'air parti loin, rit le bouclé. Et silencieux, qui plus est.

- Ouais, quand je parle pas, à l'intérieur, ça bouillonne, répondit mécaniquement Stiles. Du coup, qu'est-ce que tu disais ?

- Je demandais si tu avais bien pris ton maillot pour la piscine.

- La piscine ? Comment ça, la piscine ?

Un frisson désagréable parcourut l'échine de Stiles qui, de l'extérieur, semblait simplement étonné. Autour d'eux, les conversations continuaient d'aller bon train et personne n'avait l'air de faire attention à son odeur qui avait brusquement changé. Personne, sauf Derek qui venait de relever les yeux de son repas et mâchait tranquillement tout en posant son regard sur Stiles. Pourquoi s'était-il figé ainsi ?

- On a piscine cet après-midi, tu sais. La semaine dernière, c'était badminton, là, c'est piscine, lui rappela Isaac.

Piscine. Maillot. Nu. Chutes.

Le cœur de Stiles rata un battement et il devint livide. Il avait oublié, complètement oublié. Le professeur en avait parlé la semaine précédente et Stiles s'était dit qu'il prendrait de l'avance en magouillant un petit truc pour rater le cours. Mais il y avait eu Derek et Stiles avait complètement zappé ce fait. Non.

- Stiles, ça va ? S'enquit le bouclé, surpris par la soudaine pâleur de l'hyperactif.

- Il aime pas trop, intervint Scott, ayant entendu la conversation. Enfin il m'a plutôt dit qu'il détestait la piscine. Je ne suis pas fan non plus mais bon, on ne peut pas toujours faire ce qu'on veut dans la vie. Si tu as oublié ton maillot chez toi, je te ramènerai pour que tu ailles le chercher si tu veux.

Non. Je veux pas y aller. Stiles resserra ses doigts autour des couverts à tel point que ses phalanges blanchirent à vue d'œil. Son rythme cardiaque s'était accéléré et son regard, empli d'un quelque chose que Derek ne lui avait jamais vu. De la terreur. Quelque chose d'indicible qui le prenait aux tripes. Isaac, de son côté, haussa les sourcils.

- Stiles, tu vas bien ? Demanda-t-il, attirant les regards de Jackson et Lydia, les plus proches d'eux au niveau de leur disposition autour de la table.

- Laisse-le, il réfléchit trop, lui dit Scott comme si tout était normal. Parfois, il a des réactions un peu exagérées, tu le connais.

Le pire était que Scott pensait ce qu'il disait, parce qu'il ne voyait pas ce que cela pourrait être d'autre. Il ne savait pas ce que Stiles avait vécu et en pouvait pas comprendre son aversion envers la piscine et toute autre activité nécessitant de se déshabiller et de se montrer aux autres. Puis, Scott était beau, n'avait eu aucun gros problème dans sa vie mis à part la séparation de ses parents. Il n'était au courant de rien, était incapable d'imaginer que Stiles réagisse aussi fortement à cela pour une raison légitime.

Or, Stiles n'exagérait pas et il n'allait soudainement plus très bien. Il ne pouvait pas aller en cours de sport, n'arriverait pas à assumer la piscine. Il ne voulait pas. Le problème était que son père serait sans doute averti de son absence. Il devait trouver quelque chose, bidouiller un certificat, un truc. Il fit alors de son mieux pour tenter de renfiler un semblant de masque et de diminuer les sentiments négatifs de son odeur. C'était loin d'être facile : contrôler ses émotions n'était pas quelque chose de donné à tout le monde. Stiles n'avait d'ailleurs jamais été trop doué à ce sujet jusque-là. Son truc c'était de se lâcher et de faire des crises de panique quand il rentrait chez lui. Il était généralement très fort pour se concentrer sur ce qu'il devait impérativement oublier pour préserver sa santé mentale. L'hyperactif était si préoccupé par ses soucis et le contrôle de lui-même qu'il ne remarqua à aucun moment le regard de Derek, l'ancien alpha qui avait d'ailleurs chuchoté à Isaac de ne pas continuer sur ce sujet. Il avait bien vu que quelque chose n'allait pas et le changement drastique d'émotion de Stiles ne lui avait pas échappé. Même actuellement, il était toujours pâle, n'avait pas retrouvé beaucoup de couleurs. Son odeur avait été le plus marquant, si bien qu'il était surpris que les loups autour d'eux n'y avaient pas fait attention.

De toute manière, cela faisait déjà quelques jours qu'il avait notifié le fait qu'en réalité, il ne connaissait pas bien Stiles. Mais plus le temps passait, plus il devenait un mystère à ses yeux. Ses réactions étaient parfois étranges, il avait ce toc avec la lumière, ne se déshabillait que lorsqu'elle était éteinte. En y repensant, en dehors de leurs moments intimes, Derek n'avait jamais vu Stiles en tenue légère, contrairement à Scott ou Isaac. Il y avait aussi sa réponse concernant ce qu'il désirait dans ce marché qui était un peu trop vague et cette pâleur, cette tension soudaine… L'odeur de Stiles était empreinte d'une angoisse folle. De quelque chose de l'ordre du viscéral.

A la fin du repas, l'hyperactif fut le premier à se lever et monta à l'étage avec son sac. Personne ne l'avait vu, le jeune homme ayant profité de l'agitation pour faire semblant d'aider à ranger pour s'éclipser. Derek, lui, l'avait vu. En fait, il gardait un œil sur lui depuis la discussion qui l'avait tendu. A son tour, il monta à l'étage et se fia à son nez pour retrouver le jeune homme. Il fronça les sourcils, curieux, en sentant sa présence dans la salle de bain, dont il ouvrit rapidement la porte.

Assis en tailleur sur le sol son ordi sur les genoux, Stiles releva la tête de son ordinateur sur lequel ses doigts tapaient frénétiquement la seconde d'avant. Son odeur était toujours la même, teintée d'une anxiété sans pareil. Le pire, c'était sans doute son visage. L'hyperactif ne cachait rien de ses émotions. Jamais Derek n'avait vu l'hyperactif aussi stressé, les traits crispés au point qu'il avait du mal à reconnaître le stratège de la meute.

- Que… Qu'est-ce que tu veux ? T'as besoin de la salle de bain ? Je peux dégager si tu veux, je suis désolé si…

- Qu'est-ce que tu fais ? Le coupa un peu sèchement Derek.

Son ton un peu trop dur fit frissonner Stiles qui n'eut pas le cœur à chercher quelque excuse que ce soit. Il détourna le regard et répondit :

- J'essaie de trouver le moyen de ne pas aller en sport.

Derek hocha la tête et ferma la porte derrière lui. Il sentit alors l'anxiété du jeune homme croître.

- C'est le fait que le sport du jour soit la natation qui te dérange ? S'enquit le loup en s'adossant contre le placard à côté du meuble dans lequel le lavabo était incrusté.

Au fond, il connaissait déjà la réponse, il voulait juste que Stiles la lui confirme.

- Ouais, répondit l'hyperactif en se remettant à taper sur son clavier.

- Qu'est-ce qui te dérange là-dedans ?

Stiles se figea, ses doigts restèrent comme en suspension au-dessus du clavier. Son rythme cardiaque varia un peu, s'accélérant assez pour que l'ouïe de Derek capte le changement. Il fronça légèrement un sourcil tandis que passées quelques secondes d'un blanc plutôt gênant, Stiles se remit en mouvement, comme si rien ne s'était passé.

- J'peux pas y aller, c'est tout, lâcha-t-il.

- Tu peux pas ou tu veux pas ?

Stiles releva un peu brusquement la tête vers le loup et n'arriva même pas à le fusiller du regard. Il y avait de la colère dans son odeur et pourtant, il ne la laissa pas éclater. Non, à cet instant, le jeune homme sembla simplement perdu.

- En quoi ça t'intéresse ?

Le ton n'était pas sec, loin de là. Derek décelait quelque chose d'étrange dans sa voix, une sorte de léger trémolo, comme si l'émotion prenait soudainement possession de l'hyperactif assis par terre.

- J'ai mes raisons, répondit simplement le loup.

Pour être honnête, il ne saurait pas les définir. Cependant, il savait qu'il avait besoin de le savoir. Le Stiles auquel il avait affaire était trop différent de celui qu'il avait l'habitude de côtoyer. Sans doute leur rapprochement y était lié. Dans un sens, ils devaient se soucier de l'autre pour le moment. S'ils devaient coucher ensemble de nouveau – ce qui arriverait incessamment sous peu et il le savait, il fallait que Stiles aille bien. Or, c'était loin d'être le cas. L'hyperactif parlait trop peu pour être dans une bonne condition mentale. Un Stiles qui parlait peu était un Stiles mal en point. Son attitude présente ainsi que celle durant le repas étaient également très parlantes.

- Je peux juste pas, je… Je suis incapable d'y aller. Si j'y vais, je… Non, ça va être un cauchemar, je veux pas…

N'en déplaise à Scott, la détresse de Stiles paraissait plus réelle qu'exagérée. Les mains fines de l'adolescent tremblaient légèrement et sa voix était beaucoup plus chevrotantes que d'ordinaire. Le pire c'était sans doute son souffle : il se faisait irrégulier, comme si Stiles se rapprochait doucement de la crise de panique. C'était le cas. L'ayant deviné, Derek s'accroupit face à l'adolescent et posa une main sur son genou.

- Hé, calme-toi. Si tu ne veux pas y aller, tu n'iras pas, lui dit-il lentement, toutefois sur un ton ferme.

Stiles continua de taper sur son clavier et pesta, l'air désespéré avant de donner un coup de poing à côté du pavé tactile de son ordinateur. Par chance, il était trop angoissé pour y mettre de la force alors il n'y eut aucune marque.

- Stiles, stop, fit Derek sur un ton un peu plus dur. Arrête et ferme-moi ça.

Hors de question que l'adolescent se blesse ou abîme son ordinateur. De plus, le loup commençait réellement à se sentir préoccupé par l'état de l'hyperactif : sa respiration devenait légèrement sifflante. La crise de panique était très proche.

- Non, je… J'arrive pas à m'infiltrer dans la base de données du lycée… Je peux pas arrêter tant que j'aurai pas réussi… J-je dois modifier le numéro de mon père pour éviter qu'ils le préviennent de mon absence, ou alors… Ou alors je pourrais faire un faux certificat en… En piratant le tampon d'un médecin, je…

D'un coup d'un seul, l'ordinateur se retrouva fermé sous les yeux de Stiles qui releva enfin ses prunelles perdues au possible vers Derek. L'angoisse de l'adolescent augmenta. Il tenta de rouvrir l'ordinateur mais le loup lui prit et le posa un peu plus loin. Stiles, ne pouvant affronter le loup dans son état, resta lamentablement assis par terre. Si Derek l'empêchait de magouiller pour son absence, comment allait-il faire ? Il devait trouver quelque chose, vite, vite, tout de suite…

- Arrête de réfléchir ou ton cerveau va exploser.

Stiles ricana nerveusement.

- Facile à dire, c'est pas toi qui es dans la merde.

Derek leva les yeux au ciel. Adossé contre le meuble du lavabo, il allait répliquer lorsque la porte de la salle de bain s'ouvrit sur Scott. L'alpha jeta un regard perplexe à Derek mais le posa rapidement sur Stiles qui n'avait toujours pas changé de position.

- Ah, enfin je te trouve ! Il faut qu'on y aille maintenant si on veut avoir le temps de récupérer ton maillot chez toi.

Stiles, qui avait à peine commencé à reprendre des couleurs, redevint livide, ce qui n'échappa pas à Derek, ni à Scott.

- Ecoute, Scott, je…

Un soupir agacé de son ami le coupa dans sa tentative d'explication. Scott McCall semblait irrité par le comportement de Stiles.

- Stiles, reprit-il, je sais que t'aimes pas ça et pourtant, il va falloir que tu fasses un effort. Dans la vie, on fait tous des trucs qui nous déplaisent, mais on se doit de les faire. T'aimes pas la natation ? C'est juste trois pauvres heures, tu ne vas pas en mourir, d'accord ? Alors maintenant t'arrêtes de faire le gamin et tu viens.

Sur ces paroles, il se pencha, attrapa le poignet de Stiles et le tira pour l'obliger à se lever, tout ça sous le regard sidéré de Derek. Scott ne voyait-il pas à quel point Stiles était en train de paniquer ? Son nez de loup-garou ne captait-il pas la fragrance glaciale de son angoisse ? Le problème ne résidait pas dans le fait que Stiles n'aimait probablement pas la natation. Le souci se trouvait autre part, c'était bien plus que la non appréciation de ce sport. Il le sentait, la raison était profondément enfouie derrière les yeux de miel de Stiles.

- Non Scott, s'il te plaît, je… Je peux pas…

La perception de Derek concernant le jeune homme changea d'un coup : la panique était en train de prendre la place de l'anxiété. Il se crispa.

- Allez fais un effort et arrête d'exagérer ! Commença à s'impatienter Scott en le tirant d'autant plus fort.

- S-Scott, j't'en supplie… M'oblige pas… Pas à…

- Ca suffit ! Trancha soudainement Derek.

Scott tourna la tête vers l'ancien alpha, perplexe. Mais le regard du Hale était posé sur Stiles. Plus blanc que jamais, Stiles était à deux doigts de tourner de l'œil. Il avait fallu qu'il intervienne, l'hyperactif en avait besoin. Il n'avait pas demandé à Scott de le lâcher, il l'avait supplié.

En temps normal, jamais l'adolescent ne suppliait qui que ce soit, même lorsqu'il était à deux doigts de se faire tuer.

Alors le voir agir de cette manière avec son meilleur ami pour une chose aussi anodine qu'un cours de sport… Il ne pouvait pas laisser passer ça. Pas alors que Stiles était à la limite de s'évanouir. Sa respiration était hachée et son rythme cardiaque, trop rapide et irrégulier pour être normal.

- S'il ne veut pas, tu ne le forces pas.

Sur ces paroles claquées assez sèchement, Derek libéra le poignet de Stiles de l'étreinte de la main de Scott qui le laissa faire, hébété. L'ancien alpha passa un bras autour de l'hyperactif et le fit sortir de la salle de bain. Stiles peinait à aligner deux pas et c'était limite si Derek ne devait pas le porter. Très vite, il revint dans la salle de bain, seul et une aura glaciale l'entourant. Scott n'avait pas bougé et le fixait, extrêmement perplexe quant au tournant qu'avait pris la situation.

- Qu'est-ce qui t'est passé par la tête ? Tu n'as pas vu qu'il n'avait pas envie ? Commença Derek en croisant les bras sur son torse.

- Il exagère, se défendit l'actuel alpha.

- Tu penses qu'il exagère au point de frôler la crise de panique ? Ouvre tes oreilles et tes narines, fais attention à ce que tu n'as pas remarqué.

Sans même lui laisser le temps d'ajouter quoi que ce soit, Derek ajouta :

- Tu retournes en cours avec les autres, je ramènerai Stiles plus tard.

Puis il sortit de la pièce, non sans avoir lancé un ultime regard glacial à Scott.