Pour être honnête, Stiles ne savait pas combien de temps il était resté en boule dans sa voiture, ni combien de temps il avait roulé par la suite. La seule chose dont il était au courant, c'était qu'il s'était dirigé d'instinct vers la forêt, l'unique endroit où l'on ne viendrait pas le chercher. Son départ allait causer un peu de remous du côté de ses amis qui, lorsqu'ils se rendraient compte de son absence, chercheraient à le trouver puis à comprendre les raisons de son absence au lycée : sans doute Scott évoquerait-il leur discussion et cette manière qu'il avait eue de s'en aller d'un air pressé. Mais on n'irait pas plus loin, on ne chercherait pas à savoir de quoi ils avaient parlé, tout comme on ne relierait pas cela à l'histoire qu'entretenait Stiles avec Derek.
Enfin, c'était ce qu'il espérait.
Alors qu'il marchait d'un pas tremblant au milieu des arbres au feuillage mourant, Stiles essuya sa joue d'un revers de manche et la traîtresse qui avait coulé assombrit très légèrement le tissu. Arrête, se dit-il. Pleurer n'était pas utile. Il en avait besoin, oui, mais il se sentait assez pathétique comme cela. Pas besoin d'en rajouter, même s'il n'aurait sans doute que la faune et la flore comme spectateurs de son état moral catastrophique.
Au bout d'une courte session de marche et car il n'était pas capable de plus, Stiles s'effondra contre un arbre. Ses jambes ne tenaient plus. Il était dans un tel état que son corps envoya valdinguer toutes les restrictions qu'il s'imposait. Et il éclata en sanglots.
Parce que c'était tout ce qu'il pouvait faire à l'heure actuelle.
Pour l'instant, Stiles était incapable de parler, de justifier son absence à son père. Incapable de conduire à nouveau : ses larmes le rendaient aveugle. Incapable de regarder son téléphone tant la terreur de voir la potentielle réponse de Derek le terrifiait.
xxx
De mémoire, jamais la chambre de Stiles n'avait été aussi propre, ni aussi bien rangée. A vrai dire, il y avait passé du temps, profitant de l'absence de son paternel pour rentrer plus tôt et ainsi, de s'occuper. Nous étions en fin d'après-midi et le soleil avait déjà entamé sa descente, plongeant le ciel dans une perspective fort colorée que Stiles avait toujours trouvé agréable à regarder. Mais cette fois, il s'en fichait. Agir tel un automate lui permettait de faire quelque chose de sa vie et d'arrêter de rester dans son coin à pleurer comme un idiot, dans une forêt où, finalement, il pourrait lui arriver n'importe quoi.
Quelques heures plus tôt, il avait finalement envoyé un message à son père qui avait tenté de le joindre à plusieurs reprises pour le rassurer et trouver une excuse pour son absence. Il lui avait sorti un motif bateau avant de balancer son téléphone sur son bureau en faisant de son mieux pour ne pas zieuter une éventuelle réponse de la part de Derek. Il était réellement terrifié… Sa potentielle réaction lui faisait peur. Le loup n'était pas agressif en soi et Stiles savait qu'il ne lui ferait pas de mal et surtout, qu'il ne chercherait pas à lui imposer quelque chose qu'il ne voulait plus. En l'occurrence, c'était faux. Il désirait toujours cette chose, simplement… Il fallait protéger Derek, lui et sa réputation. Alors s'il n'avait pas peur d'une potentielle agressivité, qu'est-ce qui le stressait autant ? Au final, il ne savait plus. Toutefois, il se doutait bien que le loup finirait par faire son apparition.
Et il n'imaginait pas à quel point il avait raison.
Au bout d'un moment, un bruit attira son attention et c'est avec une angoisse non feinte qu'il regarda Derek entrer dans sa chambre en entrant, comme à son habitude, par la fenêtre. L'hyperactif fit un pas en arrière et garda son regard au sol. Il ne se sentait pas capable d'affronter le loup, pas maintenant. Il ne voulait pas voir son visage. Sa colère. Sa déception. Son mépris.
Mais s'il avait osé lever la tête vers son amant, il n'aurait vu que de la confusion sur ses traits toujours aussi attirants. De la confusion, et une pointe d'inquiétude. En somme, rien de ce à quoi il s'attendait.
- Pourquoi ? Entendit-il.
Stiles fit un nouveau pas en arrière. Il n'avait pas envie de discuter, encore moins de ce sujet… Alors forcément, répondre ne faisait pas partie de ses priorités. Derek se rapprocha, encore, et cela continua jusqu'à ce que le mur vienne contrecarrer les plans de fuites lentes de l'hyperactif. Le loup vint paumer la paume de sa main à plat contre le mur, à côté de sa tête.
Et sans aucune once de brutalité. Pourtant, Stiles continua de garder les yeux baissés. Il n'avait pas peur. Juste honte. Un peu. Beaucoup, en fait. Parce que les paroles de Scott l'avaient gravement atteint, confirmant ce qu'il pensait de sa propre personne. Que Derek couche avec lui… Il ne donnait absolument pas envie, alors penser l'inverse serait des plus ridicules. On n'est pas du même monde. Cette phrase résumait la quasi intégralité de sa réflexion. Il n'y avait pas à chercher plus loin.
- Stiles, qu'est-ce qu'il se passe, bon sang ?
La voix de Derek lui parvenait parfaitement bien et il arrivait à savoir qu'elle était aussi dénuée d'agressivité que son geste. Lassé de tout ça, il laissa certains mots lui échapper :
- Pas besoin d'épiloguer, t'en trouveras d'autres…
Sa voix était éraillée, il parlait peu et l'on entendait dans ce côté un peu rauque le temps qu'il avait passé à pleurer. Et ça, si Derek ne pouvait pas le savoir, il fut en mesure de le comprendre – plus ou moins. Toutefois, face à ce qu'il lui sortit, le loup fronça les sourcils.
- Stiles, là n'est pas le problème. Je te demande pourquoi tu m'as envoyé ce message.
Dans sa voix, impossible de manquer sa perplexité tout autant que cette préoccupation claire.
- Le contenu est suffisant, non ? Rétorqua Stiles en s'entêtant à ne pas le regarder.
- Non, Stiles. Est-ce que tu veux réellement arrêter ? Lui demanda Derek.
- C'est ce que dit mon message, soupira l'hyperactif.
- Non.
Derek sortit son téléphone portable de sa poche, l'alluma, farfouilla et lut à voix haute ce que l'hyperactif lui avait envoyé à sa sortie prématurée de cours :
- « Il faut qu'on arrête. » Tu entends ? Tu n'as pas dit que tu le voulais, mais qu'il le fallait. Elle est là, la différence. Alors, je répète ma question. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Derek n'avait pas pour intention de forcer Stiles à respecter leur pacte, loin de là. Il tenait seulement à comprendre. Disons que le minuscule petit message qu'il avait reçu lui avait fait l'effet d'un pavé l'écrasant de tout son poids. La demande formulée sous forme d'affirmation avait cela d'étrange qu'elle tombait d'un coup. Ce n'était pas pour se vanter, mais il savait à quel point il lui faisait tourner la tête, lorsqu'ils s'unissaient. Stiles ne feignait pas son plaisir et de toute manière il ne le pouvait pas : son partenaire restait un loup-garou à l'excellent odorat. A chaque fois qu'il le prenait, l'hyperactif fondait littéralement contre lui. Derek se retrouvait toujours un peu dans le même état. Ils se complétaient parfaitement à ce niveau-là et chacun se satisfaisait du corps de l'autre. Bien sûr, si Stiles lui disait clairement qu'il désirait arrêter de coucher avec lui, Derek s'accommoderait de sa réponse et respecterait son choix. Forcer les gens, ce n'était pas son genre.
Néanmoins, il était persuadé que ce n'était pas ce qu'il voulait. Ce n'était pas son ego masculin qui parlait, mais bien son instinct de loup, bien plus fin et objectif.
Il vit tout autant qu'il entendit Stiles soupirer.
- Rien, marmonna l'hyperactif sans aucune conviction.
Son ton, ajouté au battement raté de son cœur confirma à Derek qu'il avait raison sur toute la ligne. Il se crispa.
- Quelqu'un t'a fait quelque chose ? Si quelqu'un t'a fait du mal ou dit quelque chose, dis-le-moi.
Etrangement, il ne supporterait pas que l'on touche à son amant d'une quelconque manière, encore moins qu'on lui fasse du mal.
- Ça va, j'ai juste…
Une lueur d'intérêt s'alluma dans les yeux clairs de Derek, lueur que Stiles ne vit pas puisqu'il s'entêtait à vouloir détourner le regard et à ne pas relever la tête.
- Juste…
- Juste ? L'encouragea Derek en posant sa main libre sur son épaule, main qui descendit jusqu'à son avant-bras, qu'il caressa doucement.
L'hyperactif était sur le point de parler, il en était certain. Stiles n'était plus vraiment sur la défensive. Derek ne savait pas si l'adolescent était simplement fatigué à l'avance à l'idée de ne rien dire ou si sa présence l'encourageait à se confier, mais le résultat était tout ce qu'il attendait, même si l'idée d'y être pour quelque chose lui plaisait.
Stiles poussa un soupir tremblant et lâcha :
- Tu me déconcentres…
- Je te déconcentre ? S'étonna le loup.
- Oui, fais pas l'innocent alors que tu sais très bien comment tu es…
Bon, ce n'était pas la réponse qu'il espérait, mais ce n'était pas quelque chose de fermé, au contraire. Il décida d'ailleurs de jouer là-dessus et en même temps pas tant que ça : s'il descendit sa main, qui se trouvait à caresser son avant-bras, sur sa hanche, ce fut aussi parce qu'il en ressentait le besoin. Avoir ce genre de gestes intimes avec Stiles… C'était facile, naturel. Après tout, ils n'arrêtaient pas de coucher ensemble. Si savoir que son physique donnait actuellement envie à l'hyperactif était agréable, satisfaire un quelconque plaisir charnel ne faisait pas partie de ses priorités actuelles.
- Dis-moi, lui intima-t-il simplement.
Stiles ferma les yeux avec force, semblant déchiré entre l'envie de ne rien dire et le besoin de raconter ce qui lui avait pourri et sa confiance en lui, et sa journée. Forcément, il devait en parler. Derek était légitime dans sa demande : il était concerné, après tout. Et en même temps… Ce n'était pas sa faute si l'hyperactif n'était pas capable de se défendre seul, ou simplement de résister mentalement à quelque chose de… Qu'est-ce que c'était, au final ? Des remarques, des hypothèses, des critiques à peine dissimulées. Pas grand-chose, en somme. Mais à ce stade, un rien suffisait à le faire tomber.
- Scott a senti ton odeur sur moi, finit-il par lâcher. Il t'a identifié… Sans aucun problème.
Derek se crispa. Nous y voilà, songea Stiles avec amertume, les yeux rouverts, le regard au sol. C'était le moment où son futur ex-amant allait s'énerver, le fustiger sur son manque de discrétion, le blâmer et l'accuser de tous ses maux avant de simplement partir et de le laisser là, comme un con. De toute façon, Stiles l'aurait cherché, dans un sens. Il ne se lavait pas assez bien, ne faisait pas assez d'efforts pour faire partir l'odeur, peut-être parce que dans le fond… Il l'aimait bien, cette odeur. Malgré son odorat d'humain parfaitement classique, il la percevait légèrement de temps à autres, toujours de manière très brève. Oui, peut-être qu'il ne voulait pas tant que ça s'en débarrasser, qu'elle lui rappelait ces moments hors du temps qu'il passait avec Derek. Sa gorge se serra. Toute bonne chose avait une fin, n'est-ce pas ? Il semblerait que ce jour était arrivé. Au moins, il avait pris de l'avance avec son message. Pour son moral, il avait préféré mettre un terme à l'avance à ce pacte idiot et pourtant vital. C'était un peu comme s'il évitait de se faire larguer, tout en le faisant lui-même.
- Il t'a menacé ? Grogna Derek.
Et voilà. Forcément, il perdait patience. Stiles soupira. Evidemment.
- Non, souffla-t-il.
Est-ce que Derek aurait préféré que ça soit le cas, ou que Scott lui ait fait du mal ? Peut-être. Disons que ça pourrait expliquer le comportement et l'attitude de Stiles. Son odeur, aussi. Cet abattement était dû à quelque chose de précis, quelque chose qui l'avait, dans un sens, détruit. A moins que cet élément n'ait juste fait que déséquilibrer un ensemble déjà bancal ? C'était tout aussi probable. Stiles soupira et lâcha :
- J'vais prendre une douche. Deux, peut-être, histoire que Scott ne sente plus rien demain.
Il disait cela d'un ton on ne peut plus morne, vaincu… Et toujours sans le regarder. Derek fronça d'autant plus les sourcils. Ce qu'il voyait ne lui plaisait pas du tout. Stiles… N'était pas Stiles. Pas comme ça.
- Qu'est-ce qu'il t'a dit ? Lui demanda-t-il simplement, se maîtrisant pour ne pas lui cracher cette question à la figure.
C'était plus civilisé qu'un grognement et pourtant, Dieu seul savait à quel point Derek contenait ce qu'il ressentait. De la colère. Envers Scott. Il n'y avait qu'à cause de lui que l'hyperactif se trouvait dans cet état, puisqu'il l'avait croisé juste avant de s'en aller du lycée. Et puis il l'avait apparemment identifié au travers de l'odeur de Stiles. Il était donc forcément fautif.
Stiles ferma les yeux un instant. S'il devait être honnête, il n'avait pas la moindre envie d'en parler, de prononcer ces mots qui lui avaient fait tant de mal. Mais Derek avait réellement le droit d'être au courant, même si cela lui passerait au-dessus et qu'il oublierait rapidement ce petit incident. Des culs, il pouvait en trouver sans chercher. Stiles ne serait plus à ses yeux qu'un souvenir. Pas bon, pas mauvais. Un souvenir quelconque, comme le garçon qu'il était. Douloureux, mais inévitable. Banal, remplaçable.
- Sans le vouloir, il a deviné qu'on couchait ensemble. Enfin… Il en a émis l'hypothèse mais s'est vite rétracté. Il trouvait ça… Idiot.
Stiles avait rouvert les yeux et fixait le torse de Derek, sans vraiment le voir. Il avait craché ce dernier mot sans réelle volonté de le faire, montrant inconsciemment la douleur qu'il faisait naître en lui. Ensuite, il lâcha la bride et lui parla du reste, de ces autres paroles si rabaissantes que Scott lui avait débité sans se préoccuper de ce que cela pouvait lui faire. Mais pas une fois Stiles se plaignit à ce sujet. Ça lui faisait mal, réellement, mais il acceptait ce qui était réel à ses yeux. Derek et lui ne jouaient pas dans la même cour et il allait bien falloir rétablir ce qui n'était que justice. Le loup pouvait avoir qui il voulait. Des gens beaux, bien portants. Des loups, des louves. Il pouvait même taper dans du chasseur. Il pouvait avoir n'importe qui. Stiles devait rester seul, à sa place. L'immondice qui lui servait de corps resterait dissimulée par ses vêtements trop larges. Personne n'avait à voir cette horreur, ni à la toucher. Derek avait-il réellement pris du plaisir à le baiser ? C'était fou comme les mots d'un proche pouvaient détruire le peu de confiance d'une personne au mental fébrile. Stiles prenait pour acquises ces pensées plus que sombres. Elles lui paraissaient tout à fait normales et confirmait ce qu'il pensait déjà mais qu'il avait de temps à autre essayé de repousser. Mais à force, c'était de plus en plus difficile. Là, il n'avait plus l'énergie de le faire et elles le frappaient de plein fouet.
Lorsque Derek l'obligea à le regarder en mettant un doigt sous son menton. Stiles ne sut pas s'il avait envie de s'effondrer ou juste de s'évanouir. Il avait le sentiment d'être une honte absolue, face à quelqu'un qui méritait tout le bonheur du monde. Il fallait le reconnaître, il était gentil, réellement. Pour preuve, il n'avait pas encore élevé la voix, tout comme il ne l'avait pour l'instant pas fustigé. Peut-être irait-il doucement, oui, peut-être qu'il l'enverrait paître, mais sans aucune violence verbale. Mais sa main se décala, prit sa joue en coupe. On ne faisait pas ça lorsque l'on voulait se séparer de quelqu'un, amant ou plan cul. Complètement perdu, Stiles ne dit rien, il laissa faire. Laissa cette main exercer des caresses étonnamment douces sur sa peau, avant de descendre, frôler sa nuque, titiller le bord du col de son t-shirt, de défaire lentement sa veste, puis de se caler dans son dos. Sans même qu'il ne le voie venir, Stiles se retrouva le nez contre le torse du loup, qui l'étreignait avec… Cette espèce de tendresse étrange…
… Qui cachait une colère incommensurable. Colère qu'il ne cherchait à dissimuler d'aucune manière puisque dans le fond, il voulait être doux. Montrer à Stiles qu'il méritait d'être bien traité, pas d'être rabaissé. Parce que c'était bien de cela qu'il s'agissait : Scott s'était amusé, consciemment ou non, peu importe, à descendre son meilleur ami sans se préoccuper de ce qu'il aurait pu ressentir.
De son côté, Stiles tressaillit. Il n'avait pas peur, non, mais il sentait la douleur affleurer graduellement. Il eut l'impression d'être plus sensible à tout. Au toucher. Aux sensations. Aux gestes et attentions. Et même s'il ne savait pas comment interpréter l'étreinte de Derek, il n'eut pas la force de le repousser, ni de faire semblant d'apprécier. Parce que c'était le cas : il aimait ça.
Stiles profiterait jusqu'à la dernière seconde des contacts et attentions qui pouvaient lui être offerts. Par la suite, il se raccrocherait à ce genre de souvenirs pour avancer. Même si ce n'était pas grave, il avait besoin de quelque chose à quoi se rattacher. Alors il se lova sciemment contre lui. Lorsque Derek s'en irait, il n'aurait qu'à le pousser. Stiles le laisserait faire sans rechigner, sans rien dire. Parce que c'était comme ça. Mais la part rationnelle de son esprit lui fit remarquer qu'on n'agissait pas de cette manière lorsque l'on désirait mettre un terme à une forme de relation quelle qu'elle soit. Derek devrait se montrer froid, direct, autoritaire, même si c'était Stiles qui lui avait annoncé par message que leur pacte prenait fin. Peut-être désirait-il y aller en douceur ? Après tout, il était au courant de son mal-être et se disait qu'il pouvait le préserver – ce qui était en soi adorable de sa part. Mais Stiles n'était pas en sucre. Il avait seulement laissé sa souffrance le bousiller petit à petit.
- Tu sais ce qui est idiot ? Entendit l'hyperactif.
- Non, souffla-t-il faiblement en se crispant.
Honnêtement, il avait peur de la réponse. Voulait-il réellement savoir ? Pas vraiment.
- Le comportement de Scott.
Stiles se recula légèrement, mais resta proche de Derek et garda la tête baissée.
- Il a juste donné son avis, murmura-t-il.
- Il n'a pas à le faire, rétorqua Derek d'un ton qui n'appelait aucune contestation. Stiles, ce qu'on fait ne regarde que nous. Regarde-moi.
- Non…
- Stiles, regarde-moi.
Et il finit par s'exécuter, parce que Derek n'était pas du genre à abandonner, même pour des choses aussi futiles. Ce que l'hyperactif lut dans les yeux de son amant… C'était inédit et il eut un peu peur. Tant de colère… Et dire que c'était à cause de lui.
- Et toi, tu n'as pas à prendre l'avis de Scott en compte, continua le loup sans le lâcher.
- Ouais mais je… C'est ma faute. Il n'aurait rien dit si jamais fait attention à mon odeur. Je te dis, je vais me laver mieux que ça, je vais faire disparaître ton odeur, je…
- Ne fais rien de tout ça, le coupa Derek.
Stiles ne put cacher sa surprise face à cette demande… Lunaire. Toutefois, il fut incapable de contester. Mais ses yeux trahissaient la principale question qu'il se posait.
Pourquoi ?
Parce que cette demande sous-entendait autre chose : la continuité de ce pacte. Derek voulait faire perdurer cette relation avec lui. Avec lui.
- Tu n'as pas à effacer mon odeur.
Derek parlait… Avec une forme de douceur. Il le fixait, gardait ses bras autour de lui. Il aurait pu le lâcher, l'éloigner, mais il restait. Il le touchait. Ses doigts étaient joints dans le dos de l'hyperactif.
- Mais enfin, c'est idiot, objecta l'hyperactif. Si je ne le fais pas, les autres vont finir par la remarquer, comme Scott et tu… Ta réputation va en prendre un coup.
Derek resserra son étreinte alors que son visage se ferma, comme si les paroles de Stiles lui déplaisaient et le jeune homme se retrouva à nouveau le torse collé contre celui de son amant.
- Je n'ai aucune réputation à tenir, grogna Derek.
- Mais si, rétorqua Stiles dont la voix commença à trembler. Tu es Derek Hale, tu… Tu n'es pas n'importe qui. Tu es beau, tu transpires le charisme, tu es fort, tu… Merde, on joue pas dans la même catégorie ! Si on apprend que tu couches avec moi… Imagine ce qu'on peut te dire ? On va te juger, Derek. Je suis pas à ton niveau, putain…
Cette fois, il tremblait complètement, de tout son être. Il ne pleurait pas, mais c'était tout comme. Ses doigts se resserrèrent sur le haut de son amant, crispé au possible.
- Je suis nul, maladroit et j'en passe. Tu peux avoir n'importe qui à tes pieds, tout le monde le sait. Même moi, tu peux m'avoir sans même le demander, parce que je suis putain de faible et parce que t'as ce truc qui… Ce truc, tu sais, et… Je sais que c'est facile de me garder parce que je suis disponible et prêt à satisfaire n'importe laquelle de tes envies, mais… Tu mérites mieux qu'un hyperactif insupportable comme plan cul. On doit arrêter, avant que ça soit trop tard. On doit arrêter avant qu'ils sachent.
Il fit une petite pause, s'arrêtant pour réfléchir. Il devait trouver d'autres arguments même si ceux qu'il venait de sortir étaient déjà imparables à ses yeux. Mais Derek n'étant pas de cet avis, il prit son visage en coupe et décida tout bonnement de couper le fil de ses pensées qu'il jugeait immondes. Immondes parce qu'elles n'avaient pas lieu d'être.
Alors qu'il voulait couper toute forme de relation et de contacts avec ce loup qu'il appréciait tant, Stiles fondit contre cette bouche chaude qui attaquait sa faible résistance avec une efficacité remarquable. Il tremblait, ses jambes menaçaient de le lâcher mais Derek passa ses mains sous ses cuisses et très vite, l'hyperactif ne toucha plus le sol. Comment ses bras s'étaient-ils passés autour du cou de son amant ? Par un automatisme et une habitude qu'il ne devrait plus avoir mais c'était comme… Ancré en lui. Les assauts doux de Derek firent leur effet, puisque Stiles oublia totalement ce qu'il voulait dire et chercha naturellement à se coller d'autant plus contre le corps si chaud du loup-garou qui, lui, ne perdait pas son objectif de vue. Stiles le chamboulait complètement à tous les niveaux, et son loup en frétillait d'excitation, mais Derek lui répéta intérieurement qu'ils n'étaient pas là pour ça. Alors oui, les jambes de l'hyperactif passées autour de sa taille et leurs bassins extrêmement proches le perturbaient grandement et émoustillaient ses sens. Toutefois, jamais il ne profiterait de ce genre de moments de vulnérabilité pour obtenir la jouissance.
Après un échange aussi langoureux que spontané, Derek déposa Stiles sur le lit et si l'hyperactif s'attendait à le voir se diriger vers l'interrupteur de la chambre pour éteindre la lumière, il fut surpris lorsque le loup s'assit simplement à côté de lui. Sur le coup, il ne réussit pas à savoir s'il était déçu de ne pas avoir la possibilité de se vider la tête de toute cette merde de pensées parasitaires ou s'il était heureux de constater que Derek prenait de son temps pour simplement dialoguer avec lui. Stiles commençait doucement à intégrer que le loup ne s'approchait pas de lui dans l'unique but de le culbuter. Sa bienveillance un peu maladroite ne pouvait être feinte. La brutale sincérité dont Derek avait toujours fait preuve n'était pas près de changer et le loup n'avait pas besoin de mentir pour obtenir ce qu'il voulait.
- Tu n'as pas à changer tes habitudes pour les autres, Stiles.
L'hyperactif manqua de sursauter. Après cet échange aussi intense que silencieux, il ne s'attendait pas à entendre Derek parler. En fait, il avait commencé à imaginer que le loup resterait simplement à ses côtés, un peu, sans rien dire. C'était ce qu'il attendait de lui, parce que l'ancien alpha s'était toujours comporté de cette façon… Jusqu'à ce pacte. De là, il avait découvert des facettes de lui dont il ne soupçonnait pas réellement l'existence, dont cette patience et cette compréhension tacite qui le poussaient à ne pas le repousser.
- Si je le fais pas… Commença-t-il.
- C'est ta vie, et elle n'a pas à être entachée par les autres, le coupa le loup.
- Mais ta réputation…
- Stiles, on ne parle pas de moi, mais de toi. Tu t'inquiètes pour une chose dont je me fiche complètement.
- Ne me fais pas croire que tu aimerais qu'on sache que tu couches avec moi. Tu sais très bien ce qu'on te dirait, fit l'hyperactif d'un ton amer.
Dans un geste à la fois douloureux et nerveux, Stiles se gratta l'intérieur de son poignet pâle sans regarder Derek une seule seconde. Il avait aimé leur échange. Beaucoup aimé. Et voilà que la réalité de la situation lui explosait à nouveau à la figure. Stiles avait l'impression… Que Derek n'avait pas le sens de la réalité. Se rendait-il compte de l'absurdité de ce qu'il disait ? Si Scott lui avait sorti de telles atrocités, il pouvait en déclamer de bien pires à Derek et l'hyperactif refusait que l'on puisse rabaisser d'aucune manière le loup juste parce qu'ils couchaient ensemble. L'ancien alpha était un homme bien qui, s'il pouvait avoir n'importe qui, restait exclusif et attentionné. Il méritait de trouver quelqu'un de son acabit, pas d'être sali à cause de Stiles.
- Je n'en aurais rien à faire, martela Derek. De toute manière, ce qui se passe dans mon lit ne regarde que moi. Effectivement, la vie de loup rend un peu flou le concept d'intimité, mais même si on l'apprend, la moindre des choses est de ne pas s'en mêler.
- Mais ouais mais tu les connais, soupira Stiles, avant de se reprendre. T'façon, ça ne change rien au problème.
- Tu es le seul à en voir un, objecta Derek d'un air désinvolte.
- Oui, parce que je fais attention à toi, bordel, râla l'hyperactif en croisant les bras sur son torse.
Il continuait d'éviter sciemment de le regarder tant la honte l'animait. Honte de son corps. Honte de ses faiblesses. Honte d'avouer que, dans un sens, Derek n'était pas seulement un amant. Honte de lui faire part de cette forme d'attachement qu'il ressentait à son égard. Il n'était pas amoureux de lui – de ce qu'il en savait – mais ses mots sonnaient comme une déclaration modeste, pudique. Après tout, c'était vrai, Derek comptait pour lui. Ils faisaient partie de la même meute, s'étaient mutuellement sauvés la vie et continuaient de s'épauler lorsqu'il le fallait. Son inclination potentielle pour le loup-garou n'avait rien à voir là-dedans et Stiles était assez lucide pour savoir qu'il valait mieux mettre ses semblants de sentiments de côté. Oui, il appréciait fortement la présence de Derek et se délectait de l'attention qu'il lui accordait, mais il fallait mettre fin à tout cela avant qu'il n'en devienne complètement dépendant. Les mots de Scott, aussi innocents soient-ils, l'avaient taillé en plein cœur.
Ne possédant pas une ouïe lupine, Stiles n'entendit pas l'énorme raté que fit le cœur de Derek tout comme il ne vit pas son regard changer. Il avait trop honte pour relever les yeux. Quitte à s'enterrer, autant continuer de fixer le sol. Et s'il ne tourna effectivement pas la tête vers l'ancien alpha, Stiles entendit par contre très distinctement ses paroles, prononcée d'une voix grave pleine de bienveillance et de sensualité à la fois :
- Le pacte.
Deux mots. Deux mots simples mais qui, seuls, ne voulaient rien dire aux yeux de Stiles. Ce dernier décroisa les bras et commença à se triturer nerveusement les doigts tout grommelant un « quoi, le pacte ? » à peine articulé. Il adorait savoir que Derek était là, qu'il ne l'avait pas laissé seul mais il avait néanmoins besoin qu'il s'en aille. L'angoisse vint toutefois lui nouer le ventre à l'idée qu'il se rende enfin compte qu'il allait falloir faire une croix sur leur arrangement. C'était une bonne chose, pas vrai ? Et puis, il lui avait donné toutes les meilleures raisons pour mettre fin à cette mascarade. En fait, Derek n'avait eu qu'à accepter. Il en mettait, du temps, mais peut-être s'était-il finalement décidé à aller dans son sens. A nouveau, la voix chaude de l'ancien alpha emplit la pièce :
- On va le modifier.
