I'm Black, Sirius Black

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Le soleil brillait dans le ciel sans nuage. Le reflux des vagues les berçait avec douceur alors que la lumière les réchauffait. De temps en temps une mouette criait, suivi par les beuglements de rage du touriste à qui elle venait de piquer son sandwich.

Remus, allongé de tout son long sur sa paillasse, la tête posée sur ses bras croisés, ricana. À ses côtés Sirius se redressa sur un coude et releva la casquette qui lui cachait les yeux.

« Y a un gros Allemand ou un Suédois qui court après une mouette. »

« On en est à combien ? »

« Trois aujourd'hui. »

Sirius se rallongea, replaça son chapeau sur son visage, cachant ses yeux.

« On est bien là », commenta l'animagus chien.

« Très bien », confirma le loup-garou.

Et c'était le cas.

Remus avait invité Sirius à passer une semaine aux Baléares avec lui. Il avait également songé à inviter Dora, mais elle n'avait pas assez de jours de congés.

Résultat, les deux derniers Maraudeurs étaient partis tous les deux, en souvenirs du bon vieux temps. Vu que le planning de Remus était vide jusqu'à début août et que Sirius ne travaillait pas, les deux compères avaient choisi de prolonger leur virée espagnole.

Ils profitaient du soleil et de la mer, passant de longues heures à se dorer la pilule sur la plage, ou navigant le long des cotes dans un petit bateau qu'ils avaient loué. Ils s'amarraient dans des criques éloignées et regardaient la faune marine avec masques et tubas. D'autres jours ils partaient en voiture autour de l'Île, visitant des sites talayotiques ou des bâtiments historiques. (L'Histoire des îles Baléares était fascinante, aussi bien d'un point de vue moldu que magique !) Les meilleurs jours, ils se préparaient des sandwichs et partaient crapahuter dans la Serra de Tramuntana, la chaîne de montagne au cœur de Majorque. Ils traversaient alors des paysages magnifiques encore sauvages. Et lorsqu'ils étaient fatigués, ils pouvaient revenir à l'hôtel d'un simple transplanage.

Le soleil et la mer, les randonnées dans les parcs nationaux et les virées en voiture autour de Majorque faisaient un bien fou à Sirius. Ce rythme plus tôt tranquille de vie au grand air lui avait fait perdre ces couleurs cadavériques qu'il traînait depuis… fort longtemps. Il continuait de s'affaiblir rapidement et restait trop maigre de l'avis de Remus, mais ses progrès étaient indéniables.

Outre les avantages sur la santé physique de Sirius (et de Remus, il avait besoin de se détendre un bon coup après ces mois à Poudlard !), ces congés avaient permis aux deux hommes de renouer leur amitié maltraitée.

Ils s'étaient vu et parlé pour la dernière fois lorsqu'ils avaient 21 ans. Sirius avait trahis Remus et celui-ci avait disparu de façon brutale. Ils avaient tous deux fait des erreurs. Puis Sirius avait été torturé et avait passé plus d'une décennie dans sa propre tête. Remus se sentait coupable de ne pas avoir été là pour lui durant cette période. Il était trop occupé à construire la Meute du Nord puis le FUCM. Quant à Sirius entre sa culpabilité d'avoir douté de Remus et les effets de la torture…

Bref. Ils avaient parlé. Très longuement. Avec la psy de Sirius, une Cracmoll qui n'avait pas bronché en apprenant la condition de Remus. Une femme bien qui avait grandement aidé à sortir Sirius de sa dépression. Et qui les avait aidé à renouer leur amitié.

Les hurlements d'un autre individu sorti Remus de sa rêverie.

« Quatre. »

« Ces mouettes sont des catastrophes volantes », commenta le Lycan.

« Oui. Mais c'est absolument hilarant. »

« Vrai. »

Remus se retourna sur sa paillasse, attrapant ses lunettes de soleil et les glissant sur son nez. Il était à peine douze heures. Ils avaient encore deux bonnes devant eux avant d'aller manger. Puis après cela, il leur faudrait faire leurs bagages. Leur avion (Sirius avait accepté de voyager de façon moldue, souhaitant profiter au maximum de cette première expérience) décollait dans la soirée.

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Malgré les origines françaises de sa famille, Sirius ne parlait pas un mot de français. Enfin… il pouvait commander une bière et demander l'addition dans un bar, mais c'était tout.

Lorsque Remus lui avait proposé de passer quelques jours en France Sirius avait accepté, curieux de découvrir la vie que le loup-garou s'était construite de l'autre côté de la Manche.

La petite maison à la façade couverte de lierre était magnifique et tellement accueillante. Miniature à l'extérieur, elle était magiquement plus grande à l'intérieur avec une bibliothèque exceptionnelle pouvant faire baver n'importe quel bibliothécaire.

C'était tellement Remus comme maison ! Sirius le lui avait dit et le lycanthrope avait rougi comme une collégienne. Cela avait fait rire l'animagus.

Les deux amis avaient posé leurs valises chez Remus depuis quelques heures à peine et prévoyaient de sortir visiter le village lorsqu'une femme blonde était entrée. Grande, mince, avec des lèvres rouge sang et des yeux ombragés avec style. Elle était absolument magnifique.

« Remus ! Enfin de retour ! Et accompagné à ce que je vois ! »

Le regard de l'inconnue se fixa sur Sirius qui frissonna avec violence. Elle sondait son âme, dénichant ses plus sombres secrets.

« Bonjour Marlène. Oui, je suis de retour. Voici Sirius, un ami d'enfance. Sirius, Marlène, mon Alpha. »

« Lady Alpha », salua Sirius en faisant un baise-main parfait à la grande blonde.

Celle-ci sourit, un sourire plein de dents légèrement trop pointues. (C'était un sourire perturbant et Sirius mit quelque temps avant de comprendre pourquoi. Un sourire de super-prédateur, voilà quel était le sourire de Marlène.)

« Ton ami est bien poli, Remus. »

« Il sait charmer son entourage », soupira le sorcier.

Marlène sourit d'un air angélique qui ne dupa pas son second avant de leur demander comment s'étaient déroulées leurs vacances au soleil.

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Sirius adorait Arentième. La petite ville avait un charme fou. La vie y était tranquille, paisible, sans prise de tête. Les maisons à colombage avec leurs volets colorés possédaient un charme certain, tout comme les routes pavées et les bancs de pierre au bord de la rivière.

Un autre endroit que Sirius adorait était les bois. Grands et clairs avec des arbres centenaires et un sous-bois remplis de buissons et de fougères et d'odeurs formidables.

Sirius les parcourait sous sa forme canine tandis que Remus récoltait des herbes pour des potions ou juste pour manger. C'était chouette. Le sorcier ne s'attendait pas à recevoir une invitation pour revenir parcourir ces mêmes bois avec d'autres canidés. Du type grand, dangereux, magique les canidés.

Sirius avait manqué de tomber de sa chaise lorsque l'Alpha de la Meute du Nord lui avait proposé de venir avec eux lors de la Pleine Lune. Il avait immédiatement accepté. Les aventures de Maraudeurs dans la Foret Interdite étaient encore fraîches dans sa mémoire et il avait désespérément envie de retrouver cette adrénaline.

Le sourire de Remus lorsque Sirius avait accepté était si beau, si lumineux et également plein de malice. Le sourire d'un homme foncièrement heureux mélangé au sourire d'un Maraudeur sur le point de jouer un mauvais tour.

Sirius n'avait compris la raison du sourire de Remus que quelques jours plus tard, lorsque son ami l'avait tiré chez Marlène. Dans la vieille grande située au fond du jardin de la blonde. Là le sorcier brun avait rencontré des dizaines et des dizaines d'individus, moldus et sorciers mélangés. Des adultes, des enfants et même un ou deux bébés dans les bras de leurs parents. Ils discutaient en mangeant dans une bonne ambiance assez perturbante.

« Putain, je ne m'attendais pas à ça. Surtout de la part de Lycanthropes à moins d'une heure du lever de la lune », murmura Sirius en acceptant un verre de jus de fruit, fraise ou framboise d'après la couleur.

Remus éclata de rire, attirant quelques regards. Sirius prit une gorgée et grimaça.

« Bordel, c'est quoi ça ? »

« Du jus de tomate. »

« Tomates ? Mais qui est suffisamment sadique pour créer ce truc ? »

Cela provoqua un autre ricanement de Remus. Celui-ci lui tapa dans le dos avant d'échanger son verre de jus de pomme contre celui de tomate de Sirius.

« Comment vous faites pour être si… apaisés ? » demanda l'animagus qui se souvenait de la fatigue et du stress qui bouffait Remus les jours avant et après une pleine Lune.

« C'est la Meute. Elle nous stabilise. Une Meute saine avec un Alpha stable est ce qui nous rend plus forts. Marlène pourra t'en dire beaucoup plus, beaucoup mieux que moi. »

Sirius resta songeur. Des enfants passèrent en criant, manquant de le bousculer. Cela attira un sourire sur son visage. Ils étaient heureux et libres. Le trio sauvage fut arrêté par une quadragénaire en robe bleue. Deux des enfants suivirent la matrone hors de la grange tandis que le troisième revenait s'accrocher à sa propre mère.

« Il y a moins de gens, non ?

« Les non-loups sont partis. La meute est stable et évite les humains, mais on est pas non plus stupides. Les humains ne restent pas à proximité lorsque nous nous transformons. »

« Les non-loups ? Y a des humains dans la meute ? »

« Évidemment. C'est vraiment surprenant ? »

Oui, c'était surprenant, carrément très surprenant ! Mais avant que Sirius ne puisse dévoiler le fond de sa pensée il vit une des femmes retirer sa robe. Il écarquilla les yeux. Sa mâchoire tomba lorsqu'en tournant les yeux il vit Remus torse nu en train de déboutonner son pantalon.

Il glapit.

« Qu'est-ce que… »

Les yeux plein de malice de Remus pétillèrent.

« On est pas des animagus, tu croyais quoi ? Qu'on bousillait une tenue par mois ? »

Le sourire de Remus grandit alors qu'il retirait son caleçon.

« Enfoiré. »

Sirius se détourna, tomba sur les corps nus de plusieurs femmes extrêmement séduisantes. Il ferma les yeux en gémissant. Un hoquet attira son attention.

« Sirius », grogna Remus, « change, la Lune est sortie. »

Sirius rouvrit un œil. Il vit le visage partiellement transformé de Remus et déclenchant sa magie. Il sentit ses os se modifier, sa peau se couvrir de poil et ses organes internes se déplacer.

Lorsque sa vision se stabilisa, la transformation de la Meute du Nord n'était pas terminée. Mi-humain mi-loup ils étaient terrifiants. Pourtant ils ne semblaient pas souffrir. Cela ne semblait pas plus douloureux qu'une transformation animagus. Juste un peu plus long.

Patmol n'était pas un petit chien. Il était même plutôt grand et assez massif. Ce n'était que des poils, il restait maigre comme un clou, même sous sa forme canine. Pourtant, mis face à des loup-garous, il se sentait minuscule.

Un gigantesque loup gris à la fourrure dense qui semblait terriblement douce vint lécher la face de Patmol. Un aboiement surprit lui échappa tandis que le loup le regardait avec des yeux bien connus.

C'était Remus, ce chien galeux !

Lunard poussa joyeusement Patmol du museau avant de rejoindre une louve à la fourrure très claire qui était aussi grande et massive que lui. Patmol se glissa dans le sillage de Lunard, incertain de ce qu'il pouvait ou devait faire. Ils ne pouvaient communiquer sous cette forme et c'était assez gênant.

La Louve, l'Alpha, lécha Sirius à son tour avant de se diriger vers l'entrée de la grange qui était restée ouverte.

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Cela faisait des années que Marlène était l'Alpha de sa meute. Elle l'était devenue à la mort de son grand-père après avoir battu les autres prétendants. Elle était une femme pas encore adulte et personne n'avait cru en elle. Mais elle leur avait prouvé sa valeur, quitte à leur arracher la gorge.

(Cela n'était arrivé qu'une seule fois, avant qu'elle s'assagisse et entre dans la peau de la secrétaire idiote.)

Marlène avait toujours été une louve, depuis sa naissance elle se transformait lors des pleines lunes. Lycanthrope héréditaire, elle avait eu la chance que Remus et bien d'autres n'avaient pas eut : une meute pour la guider et lui apprendre à vivre avec sa nature particulière. Elle n'avait jamais eu peur de la louve. Marlène était la Louve tout comme la Louve était Marlène. Elles étaient une.

Alors, depuis qu'elle était devenue l'alpha de sa meute, Marlène faisait tout pour aider ses loups et notamment les nouveaux à apprendre à vivre et bien vivre leurs conditions. Remus était certainement son plus beau succès. De loup blessé, meurtri, déformé par sa souffrance et sa haine de soi, il était devenu le plus puissant guerrier de Marlène, le Bêta de la Meute du Nord.

C'était grâce (ou à cause) de lui que la Meute de Marlène avait doublé, triplé, quadruplé de taille, devenant la fameuse Meute du Nord, plus grande et puissante meute lycane d'Europe. Et c'était clairement à cause (ou grâce) à lui que Marlène s'était retrouvée assise à la table de sorciers pour fonder le FUCM puis pour discuter de la politique de la France Magique.

C'était assez amusant, surtout lorsque Marlène pouvait s'engueuler avec Léonard de Vinci lors des réunions.

Enfin bref, Marlène trempait dans la politique lycane depuis qu'elle était mioche. Elle connaissait tous de la culture, des traditions et de la biologie de son espèce.

Aussi lorsque Sirius, l'ami sorcier de Remus avait entamé la conversation avec des questions plein la tête, Marlène s'était préparée pour une longue discussion.

Elle n'avait pas été déçue du voyage.

Sirius était tellement curieux. Il voulait tout savoir de ce que c'était que de vivre en tant que loup-garou. Il voulait savoir comment fonctionnait une meute, quel était le rôle exact d'un Alpha et d'un Bêta ou comment fonctionnaient les pouvoirs des lycans.

Ils y avaient passé des heures, assis autour d'un verre, descendant plusieurs bouteilles d'un excellent rouge.

Lorsque Sirius lui avait parlé des Maraudeurs, de cette abomination de meute malsaine formée d'un lycan se haïssant et de trois animagus dont deux proies et un seul prédateur, Marlène avait manqué de s'étouffer avec son verre. Certes les Maraudeurs avaient évité que Remus ne s'autodétruise, mais ils l'avaient aussi arraché à Lunard, détruisant le loup (et empoisonnant inconsciemment l'humain).

(Marlène et sa meute avaient eu un boulot monstre pour raccorder Lunard et Remus !)

Sirius avait été horrifié lorsqu'elle lui avait dit à quel point les Maraudeurs avaient été toxiques pour Lunard. Marlène et lui descendirent une autre bouteille suite à ces révélations.

Ils étaient salement intoxiqués lorsqu'ils avaient abordé des détails beaucoup plus personnels. Sirius avait parlé de ses années d'absences. Ce n'étaient pas des sujets qu'il abordait avec qui que ce soit. Mais là il était trop ivre pour s'en soucier.

« Parfois quand je me réveille, je pense que je suis en 1981. J'ai 21 ans, je suis Aurore et je suis au cœur d'une guerre qui ravage mon monde. Puis je vois quelque chose de bizarre, quelque chose qui ne vient pas de 1981. La date d'un magazine, une personne plus âgée que dans mes souvenirs. Même cette foutue technologie moldue ! Et là ! Et là, tout s'écroule. J'ai 34 ans et on m'a volé un tiers de ma vie. Un foutu TIERS de ma foutue vie… Et j'ai envie de pleurer et de tout détruire. Comment je peux rattraper tout ce temps perdu ? Comment je peux avoir 34 ans quand mon esprit me hurle que j'en ai 21 ans… J'ai mal et je ne peux pas y penser parce que sinon mon esprit va s'auto – dévorer. »

Marlène tapota la main de Sirius et lui resservi un verre. Ils avaient fini le rouge depuis longtemps et avaient vidé suffisamment de bouteilles de prunes pour que même la Louve, qui éliminait les enzymes beaucoup plus rapidement qu'un être humain, soit complètement saoule.

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Le lendemain matin, lorsque Remus descendit dans la cuisine après avoir été réveillé par un hibou postal, il retrouva son Alpha et son meilleur ami endormis, à moitié couchés sur la table, entourés par une forêt de bouteilles vides.

Bien sur, Remus, en ami aimable et compatissant, attrapa une casserole et une cuillère en bois.

Leurs têtes et réactions initiales valaient largement l'engueulade magistrale que Marlène lui passa.

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Le 12 Square Grimmaurd avait toujours appartenu à la famille Black. Sirius savait que la maison avait été construite par un de ses arrière-arrière-grand-père à la demande de son arrière-arrière-grand-mère. Toute son enfance Sirius avait vu apparaître et disparaître cette maison dès qu'il s'en approchait ou s'éloignait.

Mais aujourd'hui, nulle demeure n'apparaissait entre les numéros 11 et 13. Le Square avait un nouveau maître et celui-ci n'avait pas rajouté Sirius dans les protections.

Sirius avait surpris de la lettre de son filleul. Très franchement l'animagus ne s'était pas posé la question du devenir des biens Black suite à la mort de sa mère. Il s'en foutait complètement. Découvrir que Walburga Black avait donné le 12 Square Grimmaurd à Léo… Oui, cela avait été un choc. Mais bon, qui voulait de cette poubelle ?

Sirius patientait, lisant tranquillement le dernier roman de son auteure favorite, lorsqu'un bruit de vieilles casseroles lui fit relever la tête. Une deux-chevaux rouge pétard tourna à l'angle de la rue. C'était un des modèles récents, une 2CV Charleston.

Le véhicule s'arrêta devant Sirius. Une femme blonde était assise dans le siège passager, serrant contre elle son sac à main. Elle avait l'air particulièrement nerveuse. Le conducteur, un jeune entre l'adolescence et l'age adulte, qui ne pouvait qu'être son fils affichait une mine très satisfaite tandis que quichés sur la banquette arrière deux ados se bidonnaient, hilares.

« Pétunia », salua Sirius alors que l'aînée de Lily sortait de la boite de conserve, le soulagement évident sur son visage.

« Black. »

Sans s'étonner de la sécheresse de la moldue, Sirius se tourna vers les garçons. Les jumeaux le serrèrent dans leurs bras l'un après l'autre. (L'animagus su que Léo avait été le premier et Harry le second que grâce à la cicatrice sur le front du cadet. Ils se ressemblaient tellement, c'était presque effrayant) Le sorcier accepta suite à cela la main tendue du grand blond à la carrure de batteur.

« Dudley Evans-Granger », se présenta le fils de Pétunia.

Sa main était chaude et calleuse, ses gestes francs et assurés. Les yeux gris de Sirius croisèrent ceux d'un bleu céruléen de Dudley. Celui-ci sourit et le Maraudeur eut l'impression fugace de voir Lily.

« Sirius Black », parvint-il à répondre après avoir chassé le fantôme de sa meilleure amie en secouant la tête. « Jolie voiture au passage. »

« Merci. C'est un cadeau des parents pour célébrer ma maîtrise. »

Sirius hocha la tête puis croisant le visage désespéré de Pétunia, songea que celle-ci devait regretter cet achat.

« Aller, assez parlé, on y va ! » s'exclama l'un des jumeaux.

L'autre, Léo vu le manque de cicatrice, tendit une carte postale représentant le London Bridge à Sirius. Au dos une adresse bien connue était écrite.

L'animagus ne pût réprimer un rapide sourire lorsqu'il sentit la magie familière des barrières du Square l'envelopper. Quelque fut ses sentiments par rapports aux lieux et par rapport à sa famille, cette maison restait le lieu où il avait grandi et il la détestait autant qu'il l'aimait. Il ferma les yeux pour en profiter.

Sirius hoqueta de stupeur en rouvrant les yeux.

Disparue la vieille maison aux murs décrépis et aux fenêtres crasseuses. Face à lui se dressait une façade neuve d'une belle teinte crème. Les fenêtres étaient propres et les cadres peints en blanc cassé.

« J'ai fait retiré les boiseries vermoulues et les aient remplacées par de l'aluminium. Elles étaient attaquées par les insectes. Et tant qu'à faire des travaux, on a mis du double vitrage. »

Sirius hocha la tête aux dires de son filleul. Léo s'approcha de la porte d'entrée, toujours aussi noire et posa sa main sur la poignée. Le sceau des Black scintilla un instant puis la porte s'ouvrit sous l'impulsion du fils aîné de James et Lily.

« C'est kitch, pas vrai ? »

« Kitch ? », demanda l'animagus en se tournant vers Harry.

« Clinquant, surfait, kitch quoi », expliqua le Survivant.

Sans un mot Sirius hocha la tête. L'apparition du blason des Black en fils d'argent et saphir était « kitch », mais ça collait quand même bien avec l'image que sa famille avait toujours voulue renvoyer (puissance, richesse et orgueil).

« C'est toujours moins kitch que chez les Malfoy », marmonna Sirius, s'attirant un ricanement de la part de Dudley et un sourcil interrogateur de Harry.

Sérieusement, la truffe servant d'époux à sa deuxième cousine favorite avait des paons albinos dans son jardin. Difficile de faire plus « m'as-tu vu » que cela. Emboîtant le pas de son filleul qui avait disparu à l'intérieur, Sirius nota le perron refait à neuf et la poignée modifiée.

« Ce n'est pas de l'argent », dit-il en pointant la poignée en forme de serpent.

Léo suivit le tracé de sa plume à papote avant de répondre avec sérieux.

« C'est de l'acier. Tout le monde est le bienvenu ici, y compris des loups-garous. Mais j'ai gardé la forme. Elle me fait rire. »

Sirius acquiesça du chef. Remus lui avait parlé de l'indifférence totale des Potter envers sa race, mais c'était agréable de ce le faire confirmer directement par les concernés.

L'Animagus franchit finalement la porte d'entrée et pénétra dans sa maison d'enfance. Et s'il avait été surpris par l'extérieur, l'intérieur fut une véritable claque. Disparues les lampes à gaz noircies par les combustions incomplètes, disparus le lustre flippant, le porte-parapluie en jambe de troll, les têtes d'elfes empaillées particulièrement dégueulasses et les portraits des vieux cons.

L'espace était vide de toutes « décorations », le papier peint vieillot avait été retiré et les murs sobrement peints en blancs. Une nouvelle fenêtre inondait la pièce de lumière, parant le parquet nouvellement ciré de chaudes teintes ambrées.

« Merlin, Morgane, Mordred », souffla Sirius, incapable de mettre plus de mots sur ce qu'il voyait.

« Ça fait du changement », commenta Pétunia.

« Oui »

« Monte donc avec Léo, il te montrera tout ce qui a changé. Moi je vais faire du thé. »

La moldue n'attendit pas la réponse de Sirius pour emprunter l'escalier descendant à la cuisine, suivie par Dudley et Harry. Resté seul avec ce filleul qu'il ne connaissait finalement pas, l'animagus se mordilla la lèvre. Léo, pas stressé par un sou de rester seul avec un inconnu, attrapa la main de Sirius et le tira vers le reste de la demeure en commençant par la salle à manger.

Largement plus lumineuse que dans les souvenirs du Gryffondor, la pièce était vide à l'exception d'une large et longue table de bois finement ouvragée et de chaises assorties.

« On a jeté beaucoup de choses », annonça Léo. « Ça nous a pris plusieurs semaines pour s'en sortir. Heureusement que Théodore et Sally-Ann étaient là. Et qu'on a trouvé des produits radicaux contre les déoxis. »

Sirius ne chercha même pas à savoir qui étaient précisément Théodore et Sally-Ann, trop hypnotisé par les modifications radicales subites par sa maison d'enfance.

« Il y avait un buffet ici, n'est-ce pas ? »

« Oui ! Un meuble gigantesque remplit d'araignées grosses comme des soucoupes de thé », commenta Léo.

« Il a été jeté ? »

« Non. Il est actuellement chez un ébéniste qui le met en état. On a jeté la vaisselle par contre. »

« La porcelaine avec le blason familial ? »

Léo hocha la tête. Un éclat furtif traversa son regard et Sirius se nota de demander plus de précision sur ce choix de se séparer d'une vaisselle multi centenaire coûtant une couille. Sirius aurait fait la même chose, mais plus pour faire enrager Bellatrix qu'autre chose.

« On a rassemblé des photos dans des cartons avec quelques cadres en bon état », poursuivi Léo. « Tu pourras prendre ce que tu veux, on jettera le reste. »

« Ça marche. On continue la visite ? »

Le sourire de Léo fut éclatant.

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Remuant sa cuillère d'une main, Pétunia prenait des notes sur les commandes qu'elle allait devoir passer rapidement afin de répondre aux demandes de ses clients venant pour la finale de Coupe du Monde de Quidditch. Qui aurait cru que le côté auberge du Black Bee serait à ce point prit d'assaut quelques jours à peine après sa réouverture ?

Mordred. Évidemment Mordred savait. Le sourire satisfait du vampire était insupportable !

Mais Pétunia n'allait pas se plaindre. Les affaires reprenaient avec vigueur, que ce soit avec sa nouvelle clientèle magique ou avec ses habitués moldus qui revenaient avec plaisir

Dieu merci, Sloan avait accepté le CDI que Pétunia lui avait proposé. La carrure du gamin et son « odeur magique » (d'après Mordred) avait un effet décourageant très efficace sur les fouteurs de merde. Et avoir une paire de main au service était un vrai plus !

« Une goule tueuse, sérieusement ? »

« Oui »

« Dans les toilettes ? »

Pétunia releva la tête et vit son fils hausser les épaules à la question de son parrain. Sirius secoua la tête, prit d'incompréhension devant la situation. La moldue se souvenait bien de la goule. La créature (d'une espèce complètement différente de celle de Mr Nishio bien qu'ils aient un nom identique) tenait plus du troll que de l'humain. Les Grangers-Potter avaient eu du mal à s'en débarrasser et finalement ils avaient fait appel aux Chasseurs de Gringotts qui avaient simplement abattu la créature.

« Alors, cette visite ? » demanda Pétunia en servant deux nouvelles tasses. Léo prit immédiatement la sienne avant de rejoindre Harry et Dudley qui préparaient des cookies.

Sirius souffla la fumée s'élevant du liquide avant de répondre.

« Stupéfiante. La maison fait si neuve et moderne… C'est choquant. »

« Si tu devais faire un classement ? »

« De ce qui a le plus évolué ou ce que je préfère ? »

« Les deux. »

Sirius huma en se tapotant les lèvres avant de répondre.

« J'adore le fait que toutes les saloperies de magie noire aient disparu, plus de produits douteux ou d'objets maudits. Ensuite, le fait d'avoir changé les vieilles baignoires moches par des douches à l'italienne tient du génie. »

« C'est l'idée de Marc. »

« Par contre j'aurais brûlé tous les portraits plutôt que de les mettre au grenier. »

Pétunia sourit. Elle aussi avait souhaité se débarrasser des portraits des anciens Black, mais Léo avait tenu à les conserver, les exposant dans le grenier réaménagé. Un seul portrait avait évité ce sort et uniquement car Walburga l'avait scellé avec un sort de Glu Perpétuelle sur un mur porteur.

« Pour ce qui a le plus changé… je dirais le salon. C'est étrange de ne plus voir la tapisserie familiale. »

« Léo a laissé son frère s'amuser avec. »

« Comment Harry s'en est débarrassé ? »

Pétunia secoua la tête avec un sourire.

« Dudley a arraché le plâtre sur laquelle elle était. Elle a fini dans la cheminée après avoir été arrosée d'essence. »

Sirius sourit comme un gosse à Noël. Il aurait adoré voir cela !

« Je me souviens encore de la discussion avec l'architecte d'intérieur sur la couleur des pièces. », poursuivit Pétunia. « J'avais de gros doutes, mais finalement le fait de garder un thème vert dans le salon ne fait pas trop hôpital. »

Sur les quatre murs du salon, un seul avait été gardé vert, les autres avaient été peints en blancs. Quant au mur de couleur, au lieu du vert olive moche d'avant, il était plus vert émeraude. Allié à du mobilier blanc, un plancher clair, un canapé gris avec quelques coussins émeraude en rappel, cela ne faisait pas du tout hôpital.

(Du moins cela ne faisant pas Saint Mangouste. Sirius n'avait pas testé d'autres hôpitaux.)

« L'architecte a fait de très bons choix.J'aime beaucoup ce qui a été fait dans les chambres. Ailleurs aussi, mais surtout dans les chambres. Je ne pensais pas que cette maison pouvait être aussi fraîche, aussi lumineuse. »

« Cela a été de longues heures de réflexions. Notamment par rapport à ta chambre et celle de Régulus. »

Sirius grimaça. Penser à son petit frère était encore douloureux. Savoir qu'il était devenu un Mangemort… Savoir qu'il était mort avant d'avoir dix-neuf ans… Le cas de Régulus était entouré de tant de regrets et remords… Sirius devait vraiment en parler lors de sa prochaine séance avec Samantha.

« Les affaires ? »

« Ont été mises dans des malles. Il n'y a que les livres qui ont été mis dans la bibliothèque. Le reste attend d'être trié au grenier. »

Sirius hocha la tête. La dernière fois qu'il avait vu sa chambre, il avait quinze ans. Les murs originellement tapissés de soie gris-argent étaient presque entièrement couverts de photos de motos moldues et une des Maraudeurs jeunes, d'affiches de jeunes Moldues en bikini et de grandes bannières aux couleurs de Gryffondor. Aujourd'hui une peinture ocre avait remplacée la soie grise et les murs étaient vierges. Quant au vieux lustre poussiéreux, il avait cédé la place à une boule de verre gravée de petites runes.

La chambre de Régulus avait subi un traitement similaire.

« Ce n'est plus chez moi », commenta Sirius. « Vous vous êtes complètement approprié les lieux. C'est bien. Je trouve juste étonnant que Mère vous ait cédé la maison connaissant son amour pour les moldus. »

« Je l'ai senti », commenta sèchement Pétunia avant de soupirer. « C'est justement pour cette histoire de maison que Léo voulait te parler. Les enfants ! »

Les trois garçons se tournèrent vers Pétunia.

« Enfournez vos cookies, il est temps de discuter. »

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Lisant sur les mains de sa mère qui signait en parlant, Léo dégluti. Il avait beau être qui il était (la réincarnation d'un sorcier plus que centenaire, d'un ancien mangemort réformé, un politicien plus qu'efficace, le jumeau du Survivant, la figure parentale d'un putain de dragon), il avait quand même les chocottes.

** Ça va bien se passer ** signa Dudley avant de le pousser gentiment vers la table où étaient assis les adultes.

Harry glissa sa main dans celle de Léo et la serra. Le Serpentard expira longuement. Son frère aîné lui avait dit que tout allait bien se passer et son petit frère était là, avec lui, prêt à couvrir ses arrières.

Un tiraillement sec sur sa magie fit sourire Léo. Même Kreattur était prêt à intervenir. Le vieil Elfe de Maison dévoué corps et âme à Léo depuis que les jumeaux lui avait donné le médaillon de Serpentard se cachait dans le réduit, mécontent de la présence de Sirius.

Léo s'assit face à son parrain. Harry était à ses côtés sur le même banc tandis que sa mère se tenait en bout de table. Le Serpentard posa ses mains à plat sur le bois marqué par les ages de la table. Sa plume à Papote se tenait droite sur une page vierge de son cahier, oscillant de temps en temps au gré de courants inexistants.

« Walburga Black ne m'a pas donné le 12 Square Grimmaurd par bonté d'âme ou pour mes beaux yeux. En fait, elle ne m'a pas donné le Square. »

Sirius fronça les sourcils.

« Pardon ? »

Léo inspira. C'était comme un pansement. Il fallait y aller d'un coup.

« Elle m'a offert le futur de la Maison Black et la position de Lord de cette Famille sous deux conditions. Que je poursuive la vendetta qu'elle avait déclenchée contre Voldemort et que je continue de veiller sur son fils survivant. »

Les yeux de Sirius s'écarquillèrent lui donnant un air de chouette surprise alors que la couleur disparaissait de son visage. Léo craignit qu'il ne fasse un malaise.

« Sirius ? » demanda-t-il d'une petite voix à l'homme pétrifié.

Celui-ci cligna des yeux une fois, deux fois puis se leva et d'un pas mécanique se dirigea vers le buffet. Ouvrant l'une des portes basses, il tira une bouteille ronde dont le verre était couvert de poussière. Il l'ouvrit, faisant résonner un « pop » sec dans la pièce et s'enfila une longue rasade.

Sous les regards effarés des jumeaux et de leur mère, Sirius toussa, l'alcool lui ayant brûlé la gorge. Papillonnant des paupières qui s'étaient remplies de larmes à cause de l'agressivité du tort boyaux, Sirius retourna s'asseoir.

« Ça va ? » demanda pétunia.

« J'en avais besoin. » Sirius vida d'un coup de grand verre d'eau que Dudley lui tendit. « C'est une nouvelle… surprenante… Bordel, je ne sais pas ce qui me choque le plus. Que la vieille ait laissé la famille à un sang-mêlé ou qu'elle ait déclenché une vendetta contre un Mage Noir prônant la supériorité des Sangs-Purs. »

Léo observait son parrain. Outre la surprise, nulle émotion ne se peignait sur son visage. Du moins Léo n'en détectait aucune. Il ne connaissait pas encore suffisamment l'ancien Gryffondor pour savoir correctement lire son langage corporel.

« Tu n'es pas en colère ? »

« En colère ? Non. Pourquoi le serais-je ? » demanda Sirius les sourcils froncés.

« C'était ton héritage. »

L'animagus s'esclaffa avant de répondre.

« Non. J'ai été renié par Mère lorsque j'ai quitté la maison et me suis réfugié chez vos grand-parents. Cela fait des années que le siège des Blacks n'est plus mien. Il aurait du revenir à Régulus, mais… »

La voix de Sirius s'éteignit et son regard se fit distant. Les jumeaux échangèrent un regard incertain. Dudley poussa de la table sa petite cuillère qui tinta désagréablement sur les dalles en pierre.

« Désolé », murmura Sirius. Il secoua la tête puis reprit à voix haute. « Je n'ai jamais voulu devenir Lord Black. Je ne voulais pas de cette pression monstrueuse que me mettait Mère ni de ce faux honneur de pouvoir parader au Magenmagot. »

Léo grimaça. Il ne paradait pas au Magenmagot ! Il y faisait avancer leur société moribonde. Ou du moins l'Ancien Lui avait tenté de le faire en tant que Lord Malfoy. (Son approche a l'époque n'avait pas été la meilleure, mais il avait joué avec les cartes qu'il avait…)

« Je souhaite garder mon nouveau statut d'Héritier Black le plus longtemps possible », déclara le Serpentard.

« Qui est au courant ? »

« Notre tuteur magique et sa femme, Amélia Bones et le Langue de plombs ayant pratiqué le rituel ainsi que les témoins. Sinon, le Tribunal D'Apprentissage belge sait que Papa est le Régent des Black. Et c'est à peu près tout. »

Sirius hocha la tête. Il sortit sa baguette de sa poche arrière (Léo cru entendre son frère siffler un « Vigilance constante » entre ses dents) et la prit fermement en main.

« Moi Sirius Orion Black jure sur ma magie de garder les secrets de son chef de Famille jusqu'à sa révélation après du Magenmagot. »

Léo accepta le serment et l'air vibra de leurs magies combinées.

« Merci Parrain. »

Le titre mis un petit sourire sur le visage de Sirius. Ils avaient encore du chemin à faire, mais désormais que ce problème de statut était réglé, Léo se sentait prêt à avancer vers cet homme brisé qui aurait pu être son parent à la mort de James et Lily si des mangemorts ne l'avaient pas torturé.

oOo

Sirius avait complètement perdu la notion de temps. Il savait que cela faisait longtemps qu'il parlait avec les enfants de James et Lily, Dudley et Pétunia. Celle-ci était d'ailleurs très différente de l'individu aigri décrit par Lily. Le groupe avait migré dans le salon après que Kreattur les eu chassés de sa cuisine.

L'Elfe était toujours aussi grincheux avec Sirius, mais semblait adorer son nouveau maître. Tant mieux pour Léo. Et franchement du moment que Kreattur faisait son boulot sans emmerder Sirius, le Gryffondor serait très satisfait de l'ignorer.

L'Animagus fut ramené à la réalité lorsque les jumeaux proposèrent d'aller chercher les pizzas. Dudley s'était levé du fauteuil où il lisait et les avaient accompagnés, laissant les deux adultes entre eux.

« Ils sont incroyables », commenta Sirius, ses doigts jouant nerveusement sur sa tasse.

« Oui. »

« Avoir réussi leurs BUSES en avance avec de telles notes… »

Sirius était véritablement impressionné. D'accord, les jumeaux n'avaient pas passé toutes leurs BUSES, mais celles présentées avaient été validées avec brio.

« Tu transmettras aussi mes félicitations à ta fille pour ses ASPICs. »

Pétunia acquiesça du chef.

« Elle sait ce qu'elle va faire maintenant ?

La sœur de Lily grimaça.

« Oui et non. »

« Comment cela. »

« Aucun Maître d'Apprentissage ne l'a acceptée. Les raisons étaient toujours très… imaginatives. »

« Puriste du sang ? » demanda Sirius.

« Oui. Du coup elle va faire un tour du monde avec une de ses amies. Cela lui permettra de voir un peu d'autre chose coté magique. Et avec de la chance, elle trouvera une voie où son statut ne sera pas pris en considération. »

Sirius souhaita bien du courage à la jeune Hermione. Il se souvenait de la galère de Lily pour trouver un emploi ou une formation après Poudlard. De trop nombreuses portes s'étaient fermées à cause de son sang « impur ». Elle avait finalement utilisé ses relations du club du professeur Sluggorn pour avoir un apprentissage en Arithmancie.

(James avait poussé pour qu'elle postule à la Tour, en France, mais Lily ne voulait pas quitter l'Angleterre et son fiancé.)

« Et toi ? »

La question de Pétunia sortit Sirius de ses pensées.

« Pardon ? »

« Et toi, que vas-tu faire ? Vivre la vie d'un oisif rentier ? Je connais les comptes Black, je sais que tu pourrais le faire. »

Sirius secoua négativement la tête.

« Jusqu'à présent j'ai vécu sur mes fonds, mais cela commence à être pesant. Samantha pense qu'il serait bon que je reprenne une activité, mais j'ignore laquelle. »

Autrefois, lorsqu'il n'était qu'un adolescent, Sirius s'était imaginé dresseur de dragon ou bretteur professionnel. Mais cela n'était que des rêves de gosses. La réalité des conflits avait poussé Sirius à s'engager comme Auror avec James et Peter. Ils avaient formé une bonne équipe. (Jusqu'à ce qu'ils explosent en plein vol)

Mais Sirius ne voulait plus de cette vie-là.

« Peut-être quelque chose en rapport avec les motos ? Il y avait pas mal de photos de joli modèles dans la chambre »

La proposition de Pétunia fit sourire Sirius. James aussi avait eut cette réflexion, un soir de décembre alors qu'ils s'empiffraient de chocolats dans leur salle commune.

« Peut-être. C'est une piste. »

L'animagus attrapa un des biscuits et croqua dedans. Il mâchait avec entrain lorsque Pétunia reprit la parole manquant de le faire s'étouffer.

« Pardon ?! »

Pétunia haussa un sourcil avant de répéter.

« Est-ce que tu vas te chercher quelqu'un ? »

« En quoi ça te regarde ? »

« Curiosité. »

« Merlin, tu es comme Lily. »

« Non. Lily était comme moi. Je suis l'aînée après tout. »

Qu'il était étonnant de voir toutes les similitudes entre Pétunia et Lily alors que cette dernière n'avait parlé que des différences entre elles. Sirius regarda les volutes de fumées dansant au dessus de sa tasse. Samantha lui avait dit plusieurs fois qu'il devait parler avec d'autres gens. Elle était sa psy, mais elle ne pouvait pas être la seule interlocutrice de Sirius. L'animagus se souvenait de ses échanges avec Marlène. Ils avaient été libérateurs sur bien des aspects. Peut-être que cela serait identique avec Pétunia.

Il n'y avait qu'une seule façon de le savoir.

« Je ne pense pas que je puisse trouver quelqu'un. »

« Pourquoi cela ? » demanda Pétunia derrière sa tasse.

« J'ai physiquement dix ans de plus que ce que j'en ai mentalement. Je travaille dessus, mais je suis complètement déréglé. Je peux pas imposer ça à quelqu'un. »

La moldue posa la tasse dans sa coupelle puis croisa les bras en s'enfonçant dans son fauteuil.

« T'es un sorcier, tu vivras vieux. Laisse-toi le temps de te remettre d'aplomb. Et puis au bout d'un moment, que tu aies 25 ou 35 ans, c'est du pareil au même. »

« Mouais. »

« Tu verras. »

« Disons que je te crois. Il reste le problème que je ne peux pas fonder de famille. »

Pétunia haussa un sourcil. Elle ne demanda rien mais Sirius avait envie de lui expliquer. Il avait même BESOIN de lui expliquer.

« Je suis stérile. » Le dire à voix haute était à la fois douloureux et libérateur. « Merlin… tu es la première à qui je le dis. »

Remus l'a appris par accident avec ses foutus sens surdeveloppés de lycanthrope. Mais personne d'autre ne l'avait su. Ni James, ni Peter, ni sa famille… Sirius l'avait lui-même découvert par accident après avoir été examiné par Marlène McKinnon, alors apprentie médicomage. C'était l'époque où Dorcas et lui avaient imaginé avoir un bébé. C'était avant la mort de Marlène et les disparitions conjointes de Peter et…

« Ta confiance me touche », déclara Pétunia, ramenant Sirius dans le présent. « Mais cela ne doit pas être un frein à ta recherche. Certaines personnes ne veulent pas d'enfants et si c'est vraiment quelque chose qui vous tient à cœur, il y a toujours la possibilité d'adopter. »

Sirius hocha la tête. L'adoption était effectivement envisageable. Surtout qu'il voyait pas Léo s'opposer à cela. Peut-être qu'il serait même d'accord pour laisser Sirius pratiquer une Adoption de Sang… Mais avant de se prendre la tête avec cela, Sirius devait déjà accepter ses années de comas et trouver une femme qui pourrait supporter son esprit brisé…

« Les jumeaux t'ont montré l'arbre ? » demanda soudainement Pétunia.

Cette femme avait l'art et la manière d'intervenir au bon moment, juste avant que Sirius ne parte à la dérive dans ses souvenirs ou ailleurs dans sa cervelle embrouillée.

« L'arbre ? Y a un jardin maintenant dans cette maison. »

Pétunia laissa tomber sa tête sur la table.

« Je savais qu'ils allaient oublier ! » Elle se redressa et se leva. « Viens avec moi ! »

Obéissant au ton autoritaire de la moldue, Sirius s'extirpa de son fauteuil après avoir déposé sa tasse dans sa coupelle. Il prit un dernier biscuit à la noix de coco avant de sortir du salon sur les talons de Pétunia.

Ils entrèrent dans la bibliothèque que Léo avait déjà rapidement montré à Sirius. Ils dépassèrent les premiers rayonnages avec les livres tous public puis s'engouffrèrent entre les bibliothèques remplies d'ouvrages plus spécifiques, plus dangereux.

Pétunia poussa une petite porte rouge dont Sirius avait oublié l'existence. Le battant s'ouvrit sur une salle octogonale illuminée par de grandes fenêtres à ogive. Sirius nota rapidement la verdure visible à travers les carreaux, il y avait donc bien un jardin au 12 Square Grimmaurd, avant que son regard ne soit attiré par d'étranges éclats métalliques.

Sirius sentit ses yeux s'agrandir de surprise. Il savait évidemment ce qu'il avait sous les yeux. Et il savait exactement comment le lire.

Il éclata de rire.