Note : Voici enfin la suite après plusieurs mois d'attente :) Je suis désolée pour cette longue absence et de silence, malheureusement j'ai traversé une période assez compliquée dont je commence seulement à voir le bout. Cette suite est à considérer comme un bonus, vous pouvez largement vous arrêtez à la partie 2 qui, initialement, était la fin véritable de cette histoire. Enjoy !
Long love letter
Partie 3
Sasuke écrasa sa cigarette dans le cendrier en verre, relevant son regard vers les yeux bleus qui le scrutaient avec attention. C'était un froid matin de Janvier de l'année 2034 et pour la première fois depuis des années, il se sentit confronté au lourd poids de son passé. Aux conséquences de ses choix.
- Tu vas enfin me dire ce qui me vaut ta visite ?
L'homme face à lui eut un sourire contrit, soulevant ses joues striées et creusant ses fossettes. La brise hivernale soulevait les quelques mèches blondes, laissant découvrir le visage hâlé de son interlocuteur. Il l'avait trouvé sur le pas de sa porte, dans la grisaille matinale et, légèrement méfiant, Sasuke lui avait proposé de s'installer sur le patio.
- C'est au sujet de mon père.
Sasuke resta muet, la gorge sèche.
- Oncle Sasuke...
- En quoi ça me concerne ?
Les sourcils blonds de Boruto se froncèrent dans une expression que Sasuke trouva familière. Le fils de Naruto lui ressemblait trait pour trait, jusque dans les mimiques de son faciès, le renvoyant indéniablement des années en arrière. Sasuke resta troublé par la ressemblance avec ce visage qui avait hanté ses pensées depuis ses douze ans.
La voix de Boruto demeura calme.
- Je sais tout.
Sasuke plissa imperceptiblement les yeux.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
Face à lui, l'autre retint un soupir d'impatience et Sasuke remarqua que son caractère n'avait rien à voir avec celui de son père. Ni même avec le souvenir du gamin qu'il avait connu à l'époque. Boruto Uzumaki semblait être devenu un homme déterminé et impatient. Un avocat réputé qui ne supportait pas de perdre son temps en banalités.
- Mon père m'a raconté votre histoire, répondit finalement Boruto. Toute votre histoire.
Si Sasuke s'en sentit perturbé, il n'en montra cependant rien.
- Je sais qu'il est responsable de la mort de ton père quand vous n'étiez encore que des adolescents, et que c'était un accident. Mais je sais aussi qu'il a prémédité l'assassinat de mon grand-père et que c'est toi, qui as couvert le meurtre. Je connais votre histoire, oncle Sasuke. Je sais que vous êtes liés et que... quelle que soit votre relation aujourd'hui, vous avez toujours été là l'un pour l'autre.
Il y eut un léger silence pendant lequel Sasuke resta statique.
- Et donc ? Tu as traversé l'océan pacifique juste pour me dire ça ?
- Je suis venu te dire que mon père va être jugé pour le meurtre de Hiashi Hyûga.
En grandissant sous le toit de Fugaku, Sasuke avait appris à masquer ses émotions. Alors il veilla à ne pas se montrer affecté.
- L'accident avec Hiashi s'est produit il y a plus de dix ans, pourquoi serait-il jugé aujourd'hui ?
Boruto resta impassible également, très loin de l'émotivité qui avait toujours façonné Naruto.
- Parce que je l'ai dénoncé.
Sasuke fixa ses yeux noirs dans ceux de son vis-à-vis et à cet instant, il les trouva très différents de ceux de Naruto.
- Tu as dénoncé ton propre père ?
L'autre homme hocha simplement la tête.
- Je crois en la justice. Je crois fermement que chaque crime doit être puni.
Sasuke s'enfonça dans son siège, une étrange boule de colère au fond de sa poitrine.
- Est-ce que tu as la moindre idée de ce que ton père a fait pour toi ? Et pour ta sœur ?
Si Naruto lui avait raconté toute leur histoire, il n'avait certainement pas omis de lui dire que s'il en était venu à commettre un acte irréparable, c'était par amour pour ses enfants. Toute sa vie, Naruto n'avait fait qu'agir dans l'intérêt des autres. Pour lui, pour le sauver des coups de Fugaku. Pour Hinata, qui mutilée par la perte de ses enfants, s'était supprimée d'une balle dans la tempe. Et pour ses gosses, pour lesquels Naruto avait mené le plus long combat de son existence.
- Je sais tout ça, mais je ne suis plus le gamin d'autrefois. Mon père a commis des erreurs. Vous avez tous les deux commis des erreurs et il faut laisser la justice faire son travail. Ma sœur et moi avons été les dommages collatéraux de cette histoire. J'ai fini mon adolescence persuadé que ma mère s'était suicidée à cause de mon père. Et Himawari a grandi au milieu du chaos, sans avoir le droit de connaître son vrai père.
- Naruto est le père d'Himawari, quoi que tu en penses, répondit sèchement Sasuke. Il l'a aimée comme sa fille. C'est pour récupérer sa garde qu'il a été prêt à commettre le pire et c'est ton grand-père, Boruto, qui a conduit ta mère à se suicider. Ne fais pas endosser la responsabilité à ton père, il s'est suffisamment sacrifié tout au long de sa vie.
Boruto ne fit pas étal de ses sentiments.
- Mon grand-père n'était pas un monstre. Pour Himawari et moi, il a été un mentor et un homme bon.
Sasuke défia les yeux dénués d'émotions.
- J'ai besoin que justice lui soit rendue, pour pouvoir pardonner mon père.
Sous la table d'appoint, Sasuke serra les poings à s'en faire blanchir les phalanges.
- Tu te trompes de combat, Boruto.
- Je ne te demande pas de comprendre mes choix.
- Alors qu'est-ce que tu fais ici ?
Le silence fut englouti par le vent glacial qui balaya leurs visages.
- Je suis venu t'avertir que tu seras appelé à comparaître.
Sasuke hocha la tête, laissant une lente inspiration soulever sa poitrine. Il avait toujours su que ce jour arriverait parce qu'il avait décidé de son propre chef de couvrir le meurtre de Hiashi Hyûga. S'il avait tout ce temps repoussé cette éventualité dans les fins fonds de son esprit, c'est parce qu'il avait espéré que ce jour arriverait le plus tard possible.
- Tu es accusé de complicité de meurtre avec préméditations. La partie civile demandera également ton témoignage à la barre parce que le lien sera inévitablement fait avec le meurtre de Fugaku Uchiwa.
- Je vois.
Sasuke encaissa difficilement. Naruto n'aurait finalement jamais le droit à la vie qu'il méritait d'avoir.
- Je dois t'avertir que ce procès ne sera pas sans conséquences... Il remettra en cause l'implication de ton frère dans le meurtre de ton père et il risque d'être à nouveau jugé pour avoir fait de fausses déclarations à l'époque, pour vous protéger. Te concernant, tu devrais être absolu pour ce crime-là mais les juges seront bien moins cléments avec mon père.
Le silence reprit ses droits puis l'avocat poursuivit :
- Je suis là pour préparer votre défense. Votre vie sera passée au peigne fin et il te sera demandé d'expliquer tes liens avec mon père. Votre relation sera mise au grand jour et j'ai besoin que nous préparions ton discours. Sasuke...
Sasuke pinça les lèvres, notant qu'il avait été destitué de son titre d'oncle.
- Votre seule façon d'obtenir des circonstances atténuantes sera de relater votre histoire. Toute votre histoire. Au moins pour le meurtre de Fugaku Uchiwa.
Les yeux azurs de Boruto semblaient attendre une réaction, juste un signe de sa part mais Sasuke ne laissa rien paraître de sa colère, ni de sa peur.
- Quelles sont les peines encourues ?
- Ton frère pourrait écoper de trois ans de prison, répondit machinalement Boruto. Et toi, si tu n'es jugé que pour complicité dans le meurtre de Hiashi Hyûga, je dirais...
- Naruto, coupa Sasuke. Quelle peine encourt-il ?
Depuis son arrivée, ce fut la première fois que Sasuke vit une émotion traverser le visage de l'avocat.
- Si la récidive est retenue, il risque une peine entre vingt et tente ans de prison ferme, avec une peine de sûreté d'au minimum dix ans.
Sasuke ferma douloureusement les yeux, puis il le rouvrit pour les ancrer férocement dans ceux de Boruto.
- J'espère que ton pardon en valait la peine.
Premier jour du procès.
Ce matin-là, Sasuke arriva devant le tribunal des assises, la tête haute, vêtu de son plus beau costume. Itachi le salua d'une accolade sur les marches enneigées du parvis. Ils échangèrent un regard sous le ciel blanc, affligés d'une peine commune de se retrouver dans ces circonstances. Derrière eux, Boruto les gratifia d'un signe de tête dans sa robe d'avocat. Aucune émotion ne barrait son visage à jamais figé dans l'impassibilité.
L'heure approchait déjà et Sasuke sentit ses mains devenir moites, appréhendant les événements qui se dérouleraient durant les prochains jours. Il n'avait pas eu beaucoup de temps pour préparer sa défense avec Boruto. Tout s'était enchaîné extrêmement vite et il ne pouvait s'empêcher d'en vouloir à ce gosse qu'il avait autrefois aimé comme un membre de sa famille. Boruto avait dénoncé son père et même s'il connaissait suffisamment Naruto pour savoir qu'il accepterait sa peine pour obtenir le pardon de son fils, lui ne pouvait pas accepter si simplement ce choix délibéré d'envoyer le blond derrière les barreaux.
- Sasuke ?
Cette voix rauque le glaça. Parce que c'était sa voix. Celle qu'il entendait encore parfois dans ses songes. Alors Sasuke se retourna et pour la première fois depuis plus de dix ans, ses yeux sombres retrouvèrent leur lumière.
- Naruto.
Naruto se tenait juste devant lui, ses mèches blondes aplaties par les flocons de neige, ses yeux azurs cherchant les siens. Il lui sembla éblouissant au milieu du paysage hivernal, comme des années en arrière. Naruto n'avait pas changé.
Un sourire fendit les lèvres du blond.
- T'es là.
Dans un naturel déconcertant, Sasuke s'affubla de son éternel sourire moqueur. Le même qu'il avait exclusivement accordé à Naruto durant toutes ces années. Celui-même qui provoqua l'étincelle azure qui le ramena de nombreuses années en arrière.
- Tu m'as pas vraiment laissé le choix, imbécile.
Le premier jour du procès ne fut qu'une longue énumération des faits et des chefs d'accusations portés à leur encontre. Ils comparaîtraient en hommes libres jusqu'à la fin du procès mais Sasuke savait pertinemment que l'issue ne leur serait pas favorable. Il ne pouvait pas en être autrement. Leur culpabilité n'était pas à prouver, il ne restait qu'à déterminer les circonstances atténuantes de chacun pour juger de leur peine.
- Où est-ce que tu vas ? appela Mikoto.
Sasuke suspendit son geste au-dessus de la poignée de la porte d'entrée. A la sortie du tribunal, il avait suivi son frère jusque chez leur mère. Elle habitait toujours la tour B de la cité, dans cet appartement où ils avaient tous vécus sous les coups de Fugaku. Aujourd'hui, Sasuke avait à peu près l'âge qu'avait son père le jour de sa mort, et bien plus de recul qu'il n'en avait eu autrefois.
- Je vais passer voir Naruto, maman. Je ne reviendrais pas tard.
Un sourire triste étira le visage fatigué de Mikoto.
- Ça me rappelle ton adolescence, souffla-t-elle. Vous étiez toujours ensemble.
Elle respirait difficilement malgré son appareil respiratoire et Sasuke fit machine arrière pour s'approcher du canapé où elle se reposait.
- Tu serais mieux dans ta chambre, maman. Viens, je vais t'y conduire.
Elle lui fit un geste las de la main.
- Je suis bien là, va le voir... vous avez tant de choses à rattraper.
Octogénaire, Mikoto avait eu le temps d'acquérir suffisamment de sagesse pour comprendre les étroits liens qui liaient son fils au gamin de ses voisins. En apprenant que le procès remettraient les circonstances de la mort de Fugaku en cause, elle n'avait pas eu la force d'en faire une montagne. Elle était devenue une femme fatiguée par les coups de son mari, éplorée par l'incarcération de son fils aîné bien des années plus tôt. Sa solitude avait emporté tout le reste, jusqu'à sa raison de vivre.
- Je peux rester avec toi, maman.
Un instant, Sasuke se sentit être cet enfant de l'époque, ne trouvant refuge que dans les bras rassurants de sa mère. Aujourd'hui, son état de santé était plus que préoccupant, l'empêchant même de se rendre au tribunal. Mikoto n'en avait plus pour très longtemps.
Un rire sans joie souleva la poitrine fragilisée de sa mère et de la buée vint tinter le masque qui lui permettait de respirer correctement.
- Je t'ai suffisamment vu ces dernières années, mon cœur. Naruto n'a pas eu cette chance.
Il s'agenouilla devant le canapé pour être à la hauteur de sa mère, une boule dans la gorge. Depuis que l'état de Mikoto avait commencé à se dégrader, Sasuke avait fait beaucoup d'allers-retours entre les états-unis où il résidait toujours et Konoha. Mais même si sa mère le préserverait toujours de la vérité, il savait que la peine dont il écoperait à l'issue du procès l'avait davantage fragilisée.
- Mais maman...
- Allez, le chassa-t-elle, plissant ses yeux fatigués. Tu me raconteras demain.
Il força un sourire, abattu au fond de lui par la vieillesse de sa mère. Une main chaude se posa sur son épaule et Sasuke joua du cou pour trouver son frère debout derrière lui.
- Je reste avec elle.
Le sourire calme d'Itachi l'encouragea et il abdiqua, non sans un dernier regard pour sa mère sur qui il réajusta le plaid.
Sasuke n'eut qu'à traverser le septième palier pour retrouver son ami d'enfance, le replongeant malgré lui en enfance. Pendant toute la durée du procès, Naruto avait décidé de rester chez Minato, pour profiter des dernières soirées qu'il pourrait passer en sa présence. Parce que s'il sortait de prison un jour, son père serait déjà probablement mort de vieillesse. Comme Mikoto. C'était une évidence à laquelle aucun d'eux ne pouvait couper. Il n'y aurait aucune issue favorable à ce procès.
Comme autrefois, Sasuke poussa la porte de l'appartement des Uzumaki et comme des années auparavant, il fut enveloppé tout de suite par cette chaleur qui s'en dégageait. Cet endroit avait été son refuge durant toutes les années où il avait subi les sévices de son père. Il avait été son havre de paix, bien plus lumineux, bien plus accueillant que l'appartement des Uchiwa. Sasuke avait été accueilli comme un fils dans cette famille aimante.
Son entrée attira tous les regards et Sasuke jaugea un instant toutes les personnes attablées dans la salle à manger. Minato lui sourit depuis son vieux fauteuil en tissu, une couverture pliée sur les genoux et il lui répondit d'un signe de tête. A ses côtés, Sasuke reconnut Himawari, malgré les années. Elle était devenue une belle jeune femme aux longs cheveux noirs, à l'instar de sa défunte mère qui serait certainement très fière d'elle.
La seule qui se leva, ce fut Sakura que Sasuke n'avait plus revu depuis des années. Elle vint à sa rencontre, le visage ému pour venir l'enlacer. Il avait été obligé de l'éviter pour ne plus recroiser Naruto. Alors Sasuke lui rendit son étreinte, quelques mèches blondes lui chatouillant le bas du visage.
- Tu as finalement cessé cette affreuse couleur rose ? demanda-t-il, parce que ce fut la seule chose qu'il trouva à dire pour cacher son émotion. C'était vraiment laid.
Elle renifla en se séparant de lui et Sasuke se sentit adouci par les yeux humides de son amie d'enfance. Elle semblait avoir pris soin de son visage de poupée, aucune ride disgracieuse ne venant barrer sa peau poudrée.
- J'avais fait ça pour te plaire, espèce d'idiot !
Un hoquet amusé souleva sa poitrine, et Sasuke ne put s'empêcher d'être gagné par l'émotion de Sakura. Il n'en fit pas étal, mais c'était bien là, caché quelque-part au fond de sa poitrine. Elle lui avait été très chère durant toutes ces années.
- Ton mari n'est pas là ? questionna-t-il en balayant la pièce du regard.
- Neji ? Nous avons divorcé...
Elle hésita, jetant un coup d'oeil à Minato et ses yeux émeraudes vinrent de nouveau trouver les siens.
- Après la mort de Hiashi, compléta-t-elle finalement. On ne pouvait pas avant parce que les Hyûga étaient très conservateurs, enfin, tu sais...
Sasuke acquiesça d'un simple hochement de tête. Bien-sûr qu'il savait déjà tout ça. Cette famille et leur lubie contre le divorce avaient été à l'origine des pires tourments de Naruto.
- Où est Naruto ?
Sakura allait répondre lorsque Himawari se leva pour les rejoindre.
- Au cimetière, je crois.
Sasuke fronça les sourcils en regardant sa montre.
- A cette heure-ci ?
Depuis sa chaise, Minato eut un rire léger et Sasuke tourna les yeux vers lui.
- Tu connais mon fils.
Il n'était pas loin de vingt-deux heures lorsque Sasuke aperçut la silhouette de Naruto devant la stèle de Kushina Uzumaki. Alors il s'avança prudemment dans les allées mal éclairées du cimetière, la neige craquelant sous ses pas et il resta à distance raisonnable pour lui laisser l'intimité de se recueillir. Puis il attendit, couvert de son long manteau noir, veillant sur lui comme des années auparavant lors de l'enterrement.
Naruto ne mit pas longtemps à se rendre compte de sa présence et leurs regards se captèrent dans la semi-pénombre. Même à cette distance, Sasuke fut transcendé par la pureté de ses yeux. Ça ne dura qu'un instant furtif et l'attention du blond se détourna pour retourner à la stèle. Alors Sasuke attendit encore, patient parce qu'il savait mieux que personne combien la perte de sa mère avait ébranlé Naruto.
Puis enfin, son ami posa une main respectueuse sur la pierre tombale et Sasuke le vit s'avancer vers lui. Ils se sourirent dans la pénombre, la vue brouillée par les flocons qui ne cessaient toujours pas de tomber.
- Tu sais toujours où me trouver, même après toutes ces années.
Sasuke jaugea le visage de Naruto. Il avait les joues rosies par le froid, ses mèches blondes collées contre ses tempes. Il remarqua même sa mâchoire carrée cachée sous son épaisse écharpe orange.
- Et toi tu as toujours cette fascination pour cette couleur immonde, même après toutes ces années.
Un regard complice, un sourire, comme des années auparavant.
- Ferme-la...
- Sasuke ?
- Hm ?
Sasuke coula un regard à Naruto. Ils étaient restés assis sur un banc à l'entrée du cimetière, profitant du calme pour se retrouver. Les pierres tombales étaient entièrement recouvertes d'un épais manteau blanc mais ils avaient eu besoin de s'isoler. Juste pour être ensembles, loin des tumultes du procès.
- Tu ne dois pas en vouloir à mon fils. Il fait ce qu'il croit être juste.
Naruto le fixait de ses grands yeux bleus et Sasuke soupira.
- Son choix implique beaucoup de conséquences, tu le sais très bien.
Le blond lui offrit un sourire désolé.
- J'ai choisi de tout lui raconter, alors si tu dois en vouloir à quelqu'un...
Sasuke laissa son regard sombre s'attarder sur son ami d'enfance.
- Tu changeras jamais, hein ?
- Comment ça ?
Naruto avait froncé les sourcils.
- Toujours prêt à tous les sacrifices pour protéger les autres...
Ce n'était pas un reproche et Naruto ne le prit pas ainsi. C'était un simple constat, la plus simple des vérités parce qu'il avait passé sa vie à se dévouer pour sauver les autres. Et aujourd'hui, Sasuke mourrait de ne pas pouvoir le protéger en retour.
Naruto haussa les épaules avant d'éclater d'un rire qui raisonna entre les pierres tombales.
- Bah, qu'est-ce que vous auriez fait sans moi ?
Son ami lui sourit franchement, comme lorsqu'ils étaient gosses. Et la lueur de vie qui éclata dans ses yeux clairs lui fit autant de bien qu'elle lui fit du mal.
Deuxième jour du procès.
- Monsieur Uchiwa, vous confirmez donc par la présente, avoir effectué de fausses déclarations pour protéger votre frère et monsieur Uzumaki, ici présents, dans le seul but de leur éviter une peine de prison ?
Sasuke se redressa sur le banc des accusés, glacé par le regard qu'Itachi lui lança depuis la barre où il témoignait. A côté de lui, Naruto n'esquissa pas le moindre mouvement contrairement à Boruto qui se leva, les deux mains plaquées sur le pupitre et le visage féroce.
- Objection votre honneur ! Allégations ! Il n'a été fait mention nulle part de l'implication de mes clients dans l'accident de Fugaku Uchiwa.
La juge Senju lui lança un regard ennuyé. C'était le second jour du procès et le témoignage d'Itachi avait fait réagir la salle d'audience. Leur défense consistait à dire toute la vérité pour obtenir des circonstances atténuantes, alors le frère aîné des Uchiwa avait suivi les conseils de maître Uzumaki en expliquant être sorti de l'appartement, alerté par des cris le matin du 26 Juillet 1999 pour y retrouver son père déjà mort.
- Rejetée, maître Uzumaki. Répondez, monsieur Uchiwa.
Boruto se rassit, une ride profonde entre les sourcils. Sasuke la remarqua, comprenant ce qu'elle impliquait pour eux. Le témoignage d'Itachi avait été retourné contre eux et la suite s'annonçait mauvaise. Si les choses continuaient de se dérouler ainsi, la récidive serait retenue contre Naruto et sa peine n'en serait que plus alourdie.
Itachi reprit la parole, incité par la sévérité de la juge Senju et Sasuke sentit l'animosité monter à nouveau parmi les jurés. Les yeux de ces inconnus étaient braqués sur eux, les jugeant pour des crimes qu'ils ne comprendraient jamais. Pour un crime que Naruto avait commis par amour. Pour lui. Pour le protéger. Alors il prit une lente inspiration, la poitrine tremblante. Il n'y aurait pas de fin heureuse.
Il n'en avait jamais été question.
Silencieusement, la main de Naruto vint rejoindre la sienne. Sasuke tourna lentement le regard vers lui et seul un sourire rassurant lui répondit.
Sasuke expira la fumée de ses poumons, accoudé sur la petite fenêtre de cuisine des Uzumaki. Les choses se présentaient mal et en rentrant du tribunal, il avait essuyé les excuses de son frère à demi-mots. Maintenant, il devait composer avec Naruto qui tentait depuis des heures de réconforter Minato et Himawari sur les probables événements à venir. Ce soir, Boruto s'était joint à eux et il le fixa depuis sa planque d'un air mauvais.
Naruto avait beau assumer son choix, ce foutu choix qui les enverrait tous les deux en taule à l'issue du procès, Sasuke ne pouvait décemment pas le comprendre. Il se souvenait pourtant des grands yeux bleus de Naruto qui, hier soir, le suppliaient de ne pas en vouloir à son fils. Mais c'était un sentiment incontrôlable. Parce que pour avoir été égoïste durant la plus grande partie de sa vie, Sasuke savait en reconnaître un lorsqu'il en voyait un.
Près de la table à manger, Naruto réconfortait sa fille qui pleurait silencieusement sur son épaule et le vieil homme affaibli qu'était devenu Minato semblait bien abattu au fond de sa chaise en tissu. Sasuke plissa le nez, impuissant alors qu'encore une fois, c'était Naruto qui gérait la crise. Naruto qui soutenait les autres alors que sa vie serait celle qui basculerait d'un jour à l'autre.
Le regard de Boruto capta le sien à travers la pièce et Sasuke souffla une nouvelle fois sa fumée, avachi sur la fenêtre. L'avocat s'approcha de lui de sa démarche confiante et il fut certain que l'amabilité de son regard lui parvint correctement. Le jeune blond sortit une cigarette à son tour, qu'il alluma négligemment en soutenant ses yeux noirs.
Il demeura un silence entre eux et Sasuke ne fut pas celui qui le brisa.
- Les choses se présentent mal, confirma simplement Boruto en expirant une bouffée de cigarette à son tour. Vraiment mal.
Sasuke serra les dents, laissant de nouveau son regard dériver vers Naruto qui enserrait fermement Himawari. Même d'ici, il pouvait sentir combien son ami d'enfance était accablé par le chagrin de sa fille. Boruto suivit la direction de ses yeux et le brun revint au visage du trentenaire qui pinça les lèvres, soutenant difficilement l'image de sa petite sœur dévastée par les pleurs.
- J'espère que tu es fier de toi.
Boruto détourna le regard et Sasuke l'interpella froidement.
- Ne détourne pas les yeux, lui ordonna-t-il. Et n'oublie jamais que tu seras celui à l'origine de cette famille brisée.
Les sourcils blonds se froncèrent, braquant sur lui un regard sévère.
- Ce sont vos erreurs qui ont brisé vos deux familles, pas la justice qui doit être rendue.
Sasuke tira une bouffée sur sa clope, défiant celui qui se pensait irréprochable.
- Es-tu seulement conscient que Naruto ne verra probablement jamais tes enfants grandir ? asséna-t-il sèchement, faisant naître un air mauvais sur le visage de l'autre. Que son père mourra quand il sera derrière les barreaux ? Et qu'il n'aura jamais le privilège d'emmener ta sœur jusqu'à l'autel ?
Le regard de Boruto se perdit de nouveau sur sa famille déchirée.
- Alors j'espère que tu as les épaules solides Boruto et que tu es au moins capable du quart de ce qu'a accompli Naruto dans sa vie pour soutenir votre famille. Parce que ce sera ton rôle, à présent.
Sans plus de cérémonie, Sasuke jeta son mégot par la fenêtre pour sortir de l'appartement.
- Qu'est-ce que tu as fait, ces dernières années ?
Sasuke coula un regard en biais à Naruto. Son visage semblait si heureux qu'il sentit son cœur se pincer dans sa poitrine. Son ami ne s'était jamais dépêtré de cet enthousiasme naturel qui le caractérisait. Mais Sasuke le connaissait bien au-delà des apparences et son sourire lui parut bien factice.
- Rien de plus que durant le reste de ma vie, marmonna-t-il.
Sasuke s'attarda un instant sur les fossettes qui s'estompèrent. Ils s'étaient retrouvés plus tard dans la nuit sur le septième palier, assis sur la première marche comme pour honorer une vieille habitude.
- Mais encore... ?
- Pose-moi les questions auxquelles tu veux des réponses, Naruto.
Les grands yeux de Naruto dévièrent un instant des siens et Sasuke les rattrapa au vol.
- Mais non mais...
- Ne tourne pas autour du pot, prévint-il. Qu'est-ce que tu veux savoir ?
Malgré leur cinquantaine, Naruto aborda une moue enfantine.
- Il n'y a rien de spécial Sasuke, je veux simplement savoir qui tu es aujourd'hui !
Celui-ci le jaugea sans détour, scrutant les mimiques de ce visage qu'il connaissait si bien.
- Je suis toujours le même, répondit-il finalement. Celui que tu as connu.
La joie artificielle du blond s'effrita durant une fraction de seconde et ce fut largement suffisant pour que Sasuke s'en rende compte. Ils avaient été amis durant la plus grande partie de leur vie, malgré les absences répétées. Malgré les années sans se voir, ni même se parler. Mais l'emprise du temps n'avait jamais su ébranler leur lien. Ils étaient plus solides que ça. Ou du moins, le croyait-il.
- Vraiment ?
Les azurs de Naruto lui semblèrent bien plus sérieux et Sasuke le trouva imperceptiblement différent que dans ses souvenirs.
- Tu en doutes ?
La lumière automatique du palier s'éteignit par manque de mouvements et ils se retrouvèrent plongés dans le noir. Et jamais la question de Sasuke ne trouva de réponse, laissant naître en lui un sentiment étrange.
- Naruto... commença Sasuke, et il n'eut pas besoin de le voir pour deviner son attention. Tu sais que pour moi, rien n'a changé, n'est-ce pas ?
Il y eut un silence puis la voix rauque de Naruto s'éleva dans la pénombre.
- J'aimerais le croire.
Mais le temps pouvait parfois rompre des liens, même indéfectibles.
En retournant dans l'appartement des Uchiwa, Sasuke rejoignit la chambre qu'il partageait pour l'occasion avec son frère. La nuit était déjà bien entamée et il fut surpris de le trouver sur le lit double, un livre qui retraçait l'histoire de Sasuke Uchiwa, l'étoile montante des années 2000 entre les mains. Une vieille biographie imposée par son manager, à l'époque, pour surfer sur la vague de son succès.
Sasuke s'appuya sur le chambranle de la porte.
- Qu'est-ce que tu fais ?
Sous la lumière tamisée de la lampe de chevet, Itachi releva des yeux à peine surpris vers lui.
- Je cherche à quel moment les choses ont commencé à déraper, avoua-t-il.
Un sourire tristement amusé étira les lèvres de Sasuke.
- Tu ne trouveras pas ça dans ce fichu bouquin.
Il soupira en venant s'asseoir au bout du lit qu'il partageait occasionnellement avec son frère. Itachi n'avait jamais quitté le domicile familial, ne s'était jamais marié non plus, dans l'unique but de ne pas laisser leur mère mourir de solitude.
- Tout avait déjà dérapé avant la mort de papa, tu sais.
Itachi pinça les lèvres et ses yeux de frère aîné le couvèrent comme autrefois.
- Je sais. J'espérais juste trouver une manière de me déculpabiliser, souffla Itachi. J'aurais dû agir bien avant que vous en arriviez à vous battre avec Fugaku, ce matin-là.
Le matin de sa mort... Sasuke inspira lentement. Itachi n'avait plus appelé leur père papa après ce jour-là.
- Ce n'était pas ta faute, Itachi. Ça ne l'a jamais été. Tu n'aurais jamais rien pu faire pour empêcher ce qui est arrivé.
Itachi lui accorda un sourire triste.
- Ta vie aurait été totalement différente, si j'avais fait quelque-chose avant. Et celle de Naruto...
- Personne n'aurait pu empêcher ce qui est arrivé.
- Celle de Naruto a basculé le jour où il s'est opposé à Fugaku, continua tout de même son frère. Tout le reste n'a été qu'une succession de...
- Itachi, appela-t-il durement. Tu as déjà payé pour un crime que tu n'as pas commis, et c'est bien plus que ce que tu aurais dû faire. Alors ne porte pas de fardeaux qui ne t'appartiennent pas, ok ?
Ils échangèrent un regard et Sasuke coupa volontairement l'échange en venant éteindre la lampe de chevet. Il se déshabilla pour s'allonger près de son frère, laissant le silence de la nuit étayer leur conscience, bien incapable d'expliquer à son aîné combien Naruto avait toujours été prêt à tout pour le sauver. Parce que même si tout le monde savait qu'ils avaient toujours été proches tous les deux, personne ne fut jamais en mesure de juger de la profondeur du lien qui les unissait.
Troisième jour du procès.
- Monsieur Hyûga, interpella l'avocat de la partie civile. Pouvez-vous nous raconter les faits qui se sont déroulés chez vous le 19 Octobre de l'année 2010 ?
Muet sur son banc, Sasuke serra les poings et à côté de lui, Naruto n'en mena pas large. A la barre, Neji avait été appelé à témoigner pour parler du jour où Sakura les avait appelés tous les deux, victime des coups de son mari. Le regard perçant du Hyûga le figea à travers la salle.
- Naruto et Sasuke se sont présentés sur mon palier, ce matin-là, pour me rouer de coups.
- Et quel était l'objet de la dispute ?
Boruto leur jeta un coup d'oeil colérique, et Sasuke jugea qu'il lui manquait peut-être une partie des informations.
- Il n'y en avait pas, maître. Je pensais à l'époque qu'il devait s'agir simplement d'une histoire de jalousie car j'ai épousé leur amie d'enfance, Sakura Haruno. C'est la seule explication plausible.
- C'est faux ! hurla Naruto en se levant. Cet enfoiré frappait sa femme !
La juge Senju lui lança un regard sévère et elle tapa du marteau en lui ordonnant de se rasseoir. De nouveau, Boruto leur envoya un regard glacial.
- Tu m'as dit que vous l'aviez menacé, accusa l'avocat à voix basse. Pas que vous l'aviez tabassé !
Naruto roula des yeux.
- Simple détail.
Boruto siffla entre ses dents.
- Cette accusation est-elle vraie, monsieur Hyûga ? demanda la juge. Vous battiez votre femme ?
- Nous nous disputions comme tous les couples mais je n'ai jamais levé la main sur elle.
- Alors pourquoi ne pas avoir porté plainte contre les accusés ?
Sasuke détailla la juge Senju un instant. Elle semblait être une femme implacable, avec la longue ride qui barrait son front et ses yeux autoritaires. Mais pour la première fois depuis le début du procès, il espéra d'elle un peu plus d'empathie et bien moins d'impartialité.
- Naruto était marié à ma cousine et je n'ai pas voulu incomber ma famille d'un tel fardeau.
- Vous êtes bien conscient que si vous l'aviez fait, nous ne serions peut-être pas en train de les juger pour le meurtre de votre oncle, n'est-ce pas ?
Neji aborda un air endeuillé.
- Je le regrette chaque jour, votre honneur. Ma défunte cousine serait terriblement peinée par la tournure des événements.
Sasuke n'eut pas besoin de se tourner pour savoir ce qui allait se passer et il attrapa vivement le poignet de Naruto sur le point de se lever de nouveau. Celui-ci lui lança un regard colérique et en un long échange muet, Sasuke lui intima de se calmer. L'autre se rembrunit sur le banc, le visage mauvais.
La juge qualifia ce témoignage pertinent pour la suite du procès, n'alourdissant que davantage leur dossier.
- C'est insensé ! beugla Kiba. Comment cet enfoiré a-t-il osé parler d'Hinata !?
Naruto coula un regard peiné à l'homme avec qui il avait partagé sa femme durant de nombreuses années. Sasuke s'était retrouvé au milieu de cette étrange situation et il savait combien la mort de la jeune femme avait ébranlé ces deux-là, à l'époque. Leur peine avait été commune et Sasuke était certain que son suicide avait pesé dans le balance le jour où Naruto était passé à l'acte.
- Cette histoire ne pèsera pas sur les charges retenues contre vous, ajouta Boruto, attirant tous les regards. Mais les jurés la prendront forcément en compte au moment de la délibération.
Une nouvelle fois, ce fut l'appartement des Uzumaki qui accueillit la réunion d'après tribunal et à cette heure tardive, la moitié des convives avaient déjà quitté les lieux. Himawari s'était endormie dans l'ancienne chambre de Naruto, écroulée de fatigue après cette longue journée de procès et lorsque Minato jugea qu'il devait également aller se coucher, cela marqua une nouvelle vague de départs.
Kiba se leva pour étreindre Naruto et Sasuke jugea de l'éternité qu'il s'était écoulée depuis cette époque où ils se détestaient, à l'école. Comme s'il s'était déroulé plusieurs vies depuis ces deux époques. Itachi partit à sa suite et Boruto serra la main de son père.
- J'aimerais voir les jumeaux avant la fin du procès, lui intima Naruto sans lâcher sa main. Penses à venir avec eux, la prochaine fois.
Sasuke détesta le sourire forcé de son ami d'enfance à ce moment-là. Un sourire résigné à se savoir condamné de ne jamais voir ses petits enfants grandir, comme il avait pu être privé de ses propres enfants par le passé.
Bientôt, il se retrouva seul avec lui et Naruto eut un sourire désabusé. Mais Sasuke connaissait sa peine, parce qu'il la vivait à travers lui.
- Ne fais pas semblant devant moi, dit-il.
Le sourire de Naruto se fana et Sasuke fut le seul témoin de sa détresse.
Quatrième jour de procès.
Des cernes sous les yeux, Naruto et Sasuke furent contraints d'écouter les témoignages à charge contre eux des divers témoins appelés à la barre. Des voisins de la tour B, à l'époque ou même de vieux camarades de classe qu'ils n'avaient plus vus depuis longtemps. Ce jour-là, la presse locale fut même noircie des détails macabres du procès et on ne manqua pas d'évoquer leurs liens avec la mort de Fugaku.
Sasuke se sentit inconfortable toute la journée, étouffant derrière son nœud de cravate alors que l'étau se resserrait autour d'eux. La tête des jurés semblait s'assombrir davantage à leur égard, rendant chaque jour un peu plus la sentence irrévocable.
- Donc mademoiselle Uzumaki, appela l'avocat de la partie civile. Vous attestez que monsieur Uzumaki Naruto n'est pas votre père biologique, c'est bien ça ?
Himawari hocha la tête derrière la barre, intimidée. Elle n'avait qu'une vingtaine d'années et n'était pas prête à se retrouver dans une telle situation.
- Pouvez-vous nous confirmer que vous avez bien passé le réveillon du 24 Décembre 2023, soit le soir du meurtre de Hiashi Hyûga, avec monsieur Uzumaki dans l'appartement qu'il louait à l'époque dans la tour A ?
Elle jeta un regard mouillé à son père et du banc des accusés, Sasuke vit Naruto lui sourire pour la rassurer. Toutes ces années, elle avait été la prunelle de ses yeux. Sa princesse, comme il aimait l'appeler et il ne manqua pas l'émotion qui traversa son visage de voir sa fille obligée de témoigner contre lui.
Les lèvres de Himawari se déformèrent et elle hocha une nouvelle fois la tête.
- Donc si je comprends bien, continua l'avocat. Nous avons été bernés par un faux témoignage de monsieur Inuzuka -qui je le rappelle, est votre véritable père biologique- à l'époque, qui a juré devant la cour avoir passé le réveillon avec monsieur Uzumaki. Un faux alibi n'est-il pas une preuve de culpabilité, votre honneur ?
Les épaules de Himawari s'affaissèrent et du banc des accusés, ils les virent être secouées de sanglots silencieux.
- Je demande une suspension d'audience, votre honneur ! intervint Boruto.
- Et pour quelle raison, maître ? répondit la dure voix de la juge Senju.
Boruto avait serré les poings sous sa robe d'avocat.
- Le témoin n'est plus en mesure d'être interrogé.
La juge eut un regard sévère.
- Je vous autorise à plaider pour cette affaire sans retenir vos liens biologiques avec l'un des accusés, maître Uzumaki, alors n'abusez pas de ma confiance.
L'avocat de la partie civile se tourna vers les jurés.
-Mesdames et messieurs les jurés, je vous demande donc de retenir la préméditation du meurtre de Hiashi Hyûga, faisant écho au meurtre de Fugaku Uchiwa des années plus tôt. Je me dois donc de soulever la récidive de monsieur Uzumaki pour des affaires de meurtre.
Boruto se leva d'instinct.
- Objection votre honneur !
La juge Senju ne lui accorda qu'un bref regard.
- Refusée. Continuez maître.
L'avocat de la partie civile la remercia.
-Monsieur Uzumaki est un danger pour cette société. Auriez-vous confiance de le laisser libre de ses mouvements, de prendre le risque de croiser son chemin ? Et s'il s'en prenait à vos enfants ? S'il planifiait le meurtre de votre femme parce qu'elle aurait eu le malheur de toucher à ses intérêts personnels ?
L'homme prit une pause, défiant les jurés d'un regard solennel.
- Moi, je n'aurais pas confiance. Les récidivistes doivent finir leur vie derrière les barreaux, pour la sécurité de tous. Pour des rues tranquilles et pour être certain de voir nos enfants grandir.
Parmi les jurés, il y eut quelques chuchotements et hochements de tête. Sasuke serra les dents, agacé du portrait que l'on peignait de son ami d'enfance. Alors il tourna les yeux brièvement vers Naruto, qui semblait bien plus affecté par les larmes de sa fille que par la peine capitale qui lui pendait au nez.
- Tu ne peux pas penser à toi, pour une fois ?
Les vieux lampadaires éclairaient d'une faible lueur le vieux square du quartier où Naruto se laissait lentement balancer sur la nacelle de la balançoire. Il avait enfin cessé de neiger mais la brise demeurait froide. Sasuke lui jeta un regard noir. Il était éteint depuis la fin de la journée du procès, accablé par la peine de sa fille.
- Naruto, putain !
L'autre leva des yeux peinés vers lui et Sasuke dut prendre sur lui pour supporter sa douleur sans se laisser affecter.
- Elle n'est pas prête à supporter tout ça, dit-il enfin. Hima. Si je passe le reste de ma vie derrière les barreaux, elle ne le supportera pas.
Adossé contre le poteau de la balançoire, Sasuke croisa les bras sur son torse.
- Alors enfuis-toi.
Naruto parut être dans l'incompréhension.
- Je fais ça pour le pardon de Boruto. Si je pars maintenant, tout ceci n'aurait plus aucun sens.
Sasuke fronça les sourcils, bouillant de colère par le manque de réaction de Naruto face à la gravité de la situation. Il décroisa ses bras en se redressant du poteau, le visage fermé, faisant réagir son ami.
- Et le pardon de Boruto vaut-il le chagrin éternel de ta fille ?
Les yeux azurs s'écarquillèrent et Sasuke s'avança d'un pas vers son ami.
- Tu me demandes de choisir entre mes enfants ?
Sasuke marqua une pause. Parce que c'était bien sur ce terrain qu'il s'avançait. Quoiqu'en dise la bonne morale, Naruto avait toujours eu cet amour démesuré pour Himawari, probablement pour compenser les liens du sang. Elle était la prunelle de ses yeux, depuis toujours.
- Tu en feras quoi du pardon de ton fils, si tu ne peux plus jamais profiter de sa présence ? Et de celles de ses enfants ?
Il soupira en s'accroupissant devant la nacelle où Naruto était assis. Celui-ci resta silencieux, laissant le brun appuyer ses mains blanches sur ses cuisses. Leurs yeux se retrouvèrent dans la semi-pénombre, comme une évidence.
- C'est à mon tour d'être appelé à la barre demain, annonça Sasuke et l'autre hocha la tête. Si la vision des jurés après mon témoignage ne s'améliore pas, je veux que tu réfléchisses sérieusement à ma proposition de t'enfuir. Tu peux faire ça ?
Naruto grimaça.
- Ne me demande pas ça...
- Naruto. Pour une fois, je te demande d'agir pour toi. Pas pour tes enfants, pas pour Hinata ni pour moi. Juste pour toi.
Les grands yeux de Naruto scrutèrent les siens et Sasuke sentit son cœur se renverser à la simple idée de ne plus jamais les revoir. Comment survivrait-il de savoir son ami de toujours finir sa vie derrière les barreaux ? Comment pourrait-il supporter de le voir payer une fois de plus le prix fort alors que sa vie entière n'avait été que sacrifices ?
- Si je partais... souffla finalement Naruto. Tu viendrais avec moi ?
Sasuke eut un léger rictus.
- Évidemment, tu fais que des conneries quand je ne suis pas là pour te surveiller.
Ils échangèrent un sourire complice et Naruto se pencha légèrement en avant pour coller leur front l'un contre l'autre. La brise était glaciale mais ce simple contact réchauffa le cœur de Sasuke. Alors ils restèrent un instant comme ça, profitant de leur proximité pour oublier le reste. Juste pour se retrouver après toutes ces années d'absence. Ils n'avaient pas besoin de plus.
- Naruto?
- Hm ?
Sasuke se recula et ses yeux ébènes retrouvèrent leurs compères.
- Demain pendant mon témoignage, tu risques d'entendre des choses que je ne t'ai jamais dites...
Naruto pencha la tête sur le côté mais Sasuke continua sans le laisser l'interrompre.
- Et d'autres qui pourraient te faire réagir. Mais quoi que tu entendes, je veux que tu me promettes de ne pas intervenir.
- De quoi tu parles ?
Sasuke lui fit signe de se taire.
- Promets-le moi, Naruto. C'est tout.
- Pour quelles raisons ?
Toujours accroupi devant Naruto, Sasuke pinça les lèvres en attrapant les mains abîmées de son ami entre les siennes.
- Fais-moi confiance, ok ?
L'azur chercha des réponses dans les ténèbres mais Sasuke resta définitivement muet.
- Ok, j'te le promets. Mais tu m'empêcheras pas de te botter le cul après, enfoiré.
Son pouce caressa brièvement la peau bronzée de Naruto et ils échangèrent un rire léger.
- Seulement si t'es pas en taule, idiot.
Peu importe les années de silence ou les nombreuses disputes qu'ils avaient pu avoir par le passé, Sasuke trouva dans leur lien des airs de providence.
Cinquième jour du procès.
- Monsieur Uchiwa, votre culpabilité n'est plus à prouver dans cette affaire qui vous oppose à la partie civile, rappela l'avocat adverse devant la cour. Ce que nous aimerions en revanche comprendre, ce sont vos liens avec monsieur Uzumaki Naruto et ce qui vous a conduit à vous rendre complice du meurtre de Hiashi Hyûga.
Sasuke balaya la salle d'audience du regard et depuis la barre, elle lui parut plus sombre que les autres jours. Comme si aujourd'hui, tout se jouerait. De son implication à la peine encourue par Naruto, c'était aujourd'hui ou jamais leur seule chance de renverser la balance. Alors à travers la foule, il chercha les yeux azurs comme un phare dans la nuit noire. Et comme toujours, il les trouva rivés sur lui, lumineux au milieu des ombres.
Naruto esquissa un rictus imperceptible et il le lui rendit.
- Pour comprendre notre histoire votre honneur, commença-t-il en se tournant vers la juge Senju. Il faut remonter à notre première rencontre, en Novembre 1994.
J'espère que cette transition avant la dernière partie vous a plu ! Elle avait pour but de faire le palier avec le dernier morceau de l'histoire et surtout de donner des nouvelles des personnages secondaires. Comme dit dans la note plus haut, la fin de cette histoire devait initialement s'arrêter à la partie 2. La partie 3 et 4 sont à considérer comme des bonus, pour celles et ceux qui voudraient connaitre le sort de nos 2 héros.
Merci pour toutes vos reviews sur cette histoire qui m'ont énormément touchées. Je suis incroyablement surprise de savoir que cette histoire vous a plu autant qu'elle m'a été agréable à écrire. Merci également pour tous vos messages concernant mon absence, je vais bien (ou mieux, en tout cas !) ne vous en faites pas ! Je vous dis à très vite pour celles et ceux qui voudront se replonger avec moi dans le années 90 pour la partie 4.
A très vite !
Akane
