Chapitre 50 : Les pages du renouveau
Note : le chapitre 50 est désormais disponible. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. Bonne lecture.
Hôtel, Cleveland, Ohio
Mlle Parker se tenait devant le miroir de la salle de bain. Les rayons du soleil, épuisés de leur course folle quotidienne, traversèrent les rideaux ouverts, formant des stries dorées dans la chambre. Sa silhouette s'esquissa en contraste sur les murs blancs de la pièce tandis qu'elle enfilait sa longue robe lavande, le tissu agréable au toucher, filait en un mouvement fluide, s'écoulant sur son corps pour en épouser gracieusement chacun de ses contours dévoilant la finesse de sa taille et de son décolleté ainsi que de ses épaules. Les tons pastel du vêtement, semblables à un crépuscule printanier accentuaient la profondeur de ses grands yeux azur, rehaussant l'éclat de sa peau d'un teint hâlé illuminée par la lumière filtrée. Elle se saisit vivement de son tube de rouge à lèvres, glissant la couleur d'un rouge carmin sur sa bouche en une courbe parfaite invitant le regard à s'y attarder. Le regard de son caméléon. Et d'une précision, elle transforma son joli visage en une magnifique œuvre d'art vivante. Le mascara noir, appliqué avec dextérité, étira ses cils pour leur donner une longueur qui lui évoqua le battement d'ailes des oiseaux en haut vol. Les nuances subtiles des fards à paupières mariées habilement, enrichissaient la clarté de ses iris, capturant l'essence même d'un océan d'émotions, de mensonges, de secrets à peine entrevues. Ses mèches, lisses et soyeuses, étaient ajustées afin d'encadrait sa beauté naturelle. Son image dans la glace raviva en elle une tempête de ses sentiments. Son cœur battait si vite qu'elle avait l'impression qu'il sortait de sa poitrine. Doucement, elle respira pour retrouver une certaine accalmie. Mlle Parker, dans une de ses phases d'excitation, ne pouvait plus rien contrôler alors qu'un frôlement d'un coup de pinceau sur sa joue, un blush rose boisé, l'embellissait davantage. Ses mains se faufilèrent dans sa chevelure, machinalement, sensuellement. Une gestuelle qu'elle répéta à mainte reprise. Ses doigts, une fois à l'intérieur, s'affolaient plus que de raison. Son ventre, depuis des semaines subissait des contractions musculaires. Des papillons survolaient son estomac déjà noué, s'agitant dans ses entrailles. Son sourire timide, mais charmeur ourla délicieusement ses lèvres crémeuses voire gourmandes. La moindre de ses actions portées à son encontre trahissait sa volonté de perfection, et par maladresse, elle manqua de renverser le parfum qu'elle prévoyait de se mettre pour Jarod. « Oh ! Quelle idiote ! Ce n'est pas vrai ! Quelle idiote ! Quelle idiote, je suis ! » Elle se détestait presque d'avoir failli le faire tomber au sol, si elle n'avait pas réussi à le rattraper à temps. Ce jour-là où Jarod le lui avait offert, était un de ses nombreux cadeaux pour elle, un cadeau pour célébrer, selon ses dires, leur second week-end ensemble. Mlle Parker se vaporisa le poignet, l'amena jusqu'à son nez, cette odeur fruité lui rappelait son amant, elle avait cette sensation d'être avec lui. Sortie de sa rêverie, elle crut entendre, derrière elle, la voix de Sydney qui la poussait à prendre son envol et se retourna. Il n'y avait personne.
Flashback
« Vous ne devriez pas être ici, Parker. Allez le retrouver !
- Et s'il ne voulait plus de moi ?
- Cela m'étonnerait beaucoup de Jarod.
- Sydney, et si cette histoire était déjà vouée à l'échec ? La malédiction des Parker… Elle pourrait provoquer notre perte à tous.
- Non, vous êtes la seule qui peut encore changer votre destin. Le vôtre, celui de Jarod et celui du petit. Oubliez cette malédiction, un instant, regardez autour de vous, Parker. Il n'y a rien. Il n'y a plus personne au Centre, à part une poignée de Nettoyeurs. Lyle et Raines ne sont plus sur votre dos. Et Jarod peut bénéficier d'un peu de répit. Profitez-en !
- Ça, c'est parce que Raines et mon jumeau maléfique sont sur un grand coup ! Le coup du siècle. J'en mettrais ma main au feu. Qu'arrivera-t-il quand ils sauront pour Jarod et moi ?
- Partez Parker. Ne restez pas là. Ne perdez plus une seconde de votre existence à vouloir faire de votre vie un enfer.
- Ce n'est pas aussi facile. Comment être sûre que ce chemin soit le bon, Sydney, que je ne causerai pas plus de souffrance autour de moi ?
- Parker, écoutez-moi ! Non, personne ne peut prédire l'avenir. Vous avez le pouvoir de faire des choix qui reflètent vos aspirations, vos valeurs et vos désirs les plus profonds. Ne laissez pas la peur dicter vos décisions. J'ai vu l'évolution de sa relation avec vous depuis longtemps. Et je peux vous assurer que Jarod est prêt à faire face à toutes les difficultés si vous, vous êtes avec lui. Et en ce qui concerne la malédiction, les croyances familiales peuvent exercer une forte influence, et en aucun cas elles ne vous définissent entièrement.
- Et si je ne suis pas à la hauteur des espérances de Jarod ?
- Vous le serez, Parker. Et si vous acceptez ce changement dans votre vie et à ouvrir votre cœur à Jarod et à cet enfant, vous pourrez tous les trois former une belle famille. Ne passez pas à côté. Donnez-vous une chance d'être enfin heureuse. La vie est un drôle de voyage, et peu importe le chemin que vous prendrez, l'essentiel réside dans les choix que vous ferez et les instants que vous déciderez de vivre. Pensez-y, Parker ! »
Quelqu'un toqua. C'était Ethan, béant, qui passa sa tête dans l'encadrement de la porte. joyeux, il chantonna.
« Entre, Ethan, elle sortit de la salle de bain. Je suis là… Salut.
- Salut, il l'embrassa sur le front. J'espère que je ne te dérange pas ?
- Non, bien sûr que non, voyons, ne sois pas ridicule. Je finissais juste de me préparer.
- Je vois ça. Hum, c'est le bazar ici. Tu as l'air d'être nerveuse, je me trompe ?
- Non, elle secoua la tête. Je suis affreusement nerveuse. Je ne devrais pas me sentir stressée ni angoissée surtout pas avec lui. Comment tu me trouves ? lentement, elle fit deux tours sur elle-même.
- Tu es magnifique. Absolument magnifique.
- Je ne veux pas être magnifique, je veux être parfaite !
- Tu l'es, détends-toi, il la maintenait par les épaules. Respire un bon coup.
- Oh, arrête de te moquer. Je voudrais que tout se passe pour le mieux avec Jarod. Tu comprends, Ethan, n'est-ce pas ?
- Tout va bien se passer, j'en suis sûr, il relâcha sa sœur.
- Margaret, comment va-t-elle ? Tu as des nouvelles ?
- Je reviens de l'hôpital. Elle va mieux. À propos de Margaret... J'ai l'intime conviction qu'elle sait où se trouve notre mère, c'est ce que je ressens quand je suis auprès d'elle. Je ne saurais trop te...
- J'en ai l'intuition, moi aussi. Elle sait des choses sur maman. Le problème, c'est que je ne peux rien faire de mon côté. Et Jarod ne me le pardonnerait pas, si toutefois, j'interrogeais sa mère sans son accord.
- Je vais essayer de voir si je peux lui soutirer des informations, on verra bien où ça nous mène.
- Et Jarod, tu l'as vu ? Il a l'air fatigué, non ?
- Jarod, oui, je l'ai vu après ton départ. Il n'a pas beaucoup dormi ces jours-ci. Au fait, sans le vouloir, j'ai surpris.la fin de votre conversation.
- Ah oui ? Alors donne-moi ton avis.
- Je n'ai pas vraiment d'avis sur le sujet, en revanche, je peux te donner un conseil avisé.
- Lequel ? demanda-t-elle.
- Reste toi-même et surtout ne perds pas de vue ton objectif. Qui est de… ?
- Récupérer Jarod ! Et lui ? A-t-il parlé de moi ?
- Non. Si tu veux savoir, Parker, il se pose des questions, Ethan se servit un verre d'eau.
- Oui, c'est évident. Il doute de moi et de mes sentiments pour lui.
- Hey, ça va aller, d'accord ?
- Jarod était très bizarre tout à l'heure. Il ne m'a même pas embrassé. Ça ne lui ressemble pas… C'est peut-être pour ça qu'il refuse de venir au parc cet après-midi. Il ne viendra pas et peut-être que…
- Que quoi, Parker ?
- Il n'est plus amoureux de moi, Ethan, avec son index, lui effaça gentiment des larmes qui commençait à couler. Qu'est-ce que je vais faire ? Qu'est-ce que je vais devenir sans lui, Ethan ?
- Tu vas aller au parc et tu vas le récupérer, tu vas te battre, tu m'entends, Parker ? Tu vas te battre pour celui que tu aimes et crois-moi, Jarod te reviendra. »
Mlle Parker, assise sur le rebord du lit, faisait tourner entre ses doigts la lettre qu'elle voulait confier à son amant des heures auparavant. Elle était ennuyée par la situation, ce qui inquiéta Ethan. Cette dernière ne cessait d'imaginer le pire des scénarios. Pourtant, devant son petit frère, elle affichait un sourire, un sourire qui sonnait faux, lui faisant croire que tout allait bien. Il n'était pas dupe. À ses côtés, il observait la jeune femme tendue, ses sourcils froncés rajustant frénétiquement le pli de sa robe ou encore traçant des ronds sur la couette du lit. Le regard fuyant, Mlle Parker évita de fixer la pendule murale, où les deux aiguilles faisaient le tour de l'horloge, préférant la confrontation à l'incertitude. La perte, la peur de l'abandon et de revivre de nouveau une autre rupture lui était tout aussi insupportable que l'attente de le revoir, redoutant, de ce fait, l'éventualité que le caméléon ne se présenterait pas à elle. Mlle Parker était voûtée tel un arc prête à libérer ses sanglots. Comment faisait-elle pour passer du bonheur à la souffrance, du rire aux larmes, de la joie à la tristesse et de l'amour à la haine ? Compatissant, le cadet tenta de rassurer sa sœur, son expression peu joviale le rendait chagrineux. Et les craintes de celle-ci, quoique plutôt justifiées, étaient cristallisées autour de l'absence possible de Jarod à leur rencontre.
« Tu es vraiment très belle, Parker, et lui, c'est un imbécile s'il ne vient pas ! s'exclama-t-il.
- Merci, tu es gentil. Tu sais, je ne suis pas rassurée pour autant.
- Je suis intrigué, Parker. Pourquoi est-ce que vous, les femmes, faites ce genre de chose ? Les hommes, agissent-ils comme vous ?
- Faire quoi, Ethan ? Qu'est-ce que tu racontes ?
- Ce rituel de beauté. Vous faire belle pour celui dont vous êtes amoureuse.
- On ne t'a vraiment rien appris à toi ! elle lui lança un sourire amusé. Eh bien... C'est une drôle de question ! Comment te l'expliquer ? elle prit une minute pour choisir des mots simples puis poursuivit. C'est souvent une manière pour les femmes de montrer notre attachement, de mettre en valeur notre intérêt pour l'autre. Un geste d'attention, de respect, d'amour comme lorsque les hommes, eux, font des choses pour nous impressionner ou pour nous séduire. Tu vois, c'est une façon de dire à l'autre que tu te soucies de lui au point de prendre le temps de te présenter sous ton meilleur jour. C'est une part de notre identité, de notre féminité. Nous espérons être vues, reconnues et appréciées par la personne qui fait chavirer notre cœur, elle ébouriffa les cheveux d'Ethan.
- Pourquoi ? Est-ce là une tradition culturelle ou une sorte de célébration de la beauté ?
- Je pense que c'est plus une question d'investissement dans la relation et de la place importante qu'occupe l'autre.
- Mais les hommes ne font pas autant d'efforts en général.
- C'est vrai, tu n'as pas tort ! Disons qu'ils font ça différemment. C'est universel. Chez les hommes, c'est moins visible, cela dit, c'est là, quelque part en eux, c'est dans leurs gestes, leurs attentions, leurs paroles et leurs comportements. C'est un moyen d'exprimer et de recevoir leur amour, elle s'arrêta, reprenant son souffle. Par exemple, pendant que moi, je passe de longues heures dans la salle de bain, à me rendre belle et désirable à ses yeux, Jarod, lui, il entretient sa forme, il fait énormément de sport. Et c'est très appréciable. Et en ce qui me concerne, j'adore lui faire plaisir, lui plaire. C'est agréable d'être désirée et d'être aimée pour soi-même. Je sais que Jarod, lui, ressent la même chose que moi. C'est pour ça que tous les deux, nous sommes si en phase, elle rapatria ses affaires.
- Alors, tu penses que les hommes devraient faire des efforts pour se rendre attrayants pour leur partenaire ? il était perplexe à cette idée.
- Pas forcément de la même manière que les femmes, mais oui, un effort pour entretenir l'attraction, la relation, et surtout la flamme du couple, c'est primordial des deux côtés.
- Il y a tout de même une sacrée pression pour les deux parties, non ? il haussa un sourcil.
- Quand c'est fait naturellement, cela renforce parfois le lien entre les deux personnes. C'est aussi une forme de vulnérabilité, admit-elle à voix basse. On se livre, on s'expose. On prend alors le risque de ne pas être acceptées pour ce qu'on offre et on le fait quand même, parce que l'amour, c'est ce qui nous lie, ce qui nous rapproche et c'est ce qui nous donne un sens. On veut être aimées, Ethan. C'est aussi simple que ça… elle se saisit de son sac. Je dois y aller, je ne veux pas être en retard. On se voit plus tard, elle s'en alla sans regarder derrière elle, claquant ainsi la porte.
- Bonne chance, Parker ! »
À quelques rue de là, Cleveland, Ohio
Non, loin de là. Le vent frais venait se déposer sur les bâtiments, balayant les trottoirs. Le porte-documents sous le bras, il était rongé, non seulement par ses réflexions, mais également par ses remords. Il déambulait, traînant ses pieds, solitairement, au gré de ses pensées. Son esprit vagabonda au cœur d'une introspection de lui-même, se focalisant sur sa relation avec Mlle Parker. Les mots, tantôt prononcés par son petit frère, sonnaient comme un mantra en lui : « Jarod, tu devrais sérieusement réfléchir à ton avenir avec elle, parce que elle c'est ce qu'elle fait ! » Qu'est-ce qu'il voulait dire par "c'est ce qu'elle fait ?" Là, le caméléon regarda sa montre, tic-tac, l'heure du rendez-vous, avec la jeune femme, au parc, avançait à grand pas. Devait-il s'y rendre et continuer sa liaison avec elle ou mettre fin à ce chapitre une bonne fois pour toute. Et il y avait les paroles censées de cette rouquine « Parfois, c'est juste pour prendre du recul, réfléchir sur ce que l'on veut vraiment ou tout simplement pour s'octroyer un peu d'espace… C'est aussi le signe que des problèmes présents sont non résolus ou des divergences d'opinions où d'intérêt sont en train de miner la relation. » Il était perdu ne sachant pas ce qu'il devait faire, il en était malade. Jarod, errant dans la rue, médita en silence. Et si seulement elle n'était pas aussi butée et têtue. Est-ce qu'un jour, elle envisagerait de fonder une famille avec lui ? Non, Mlle Parker était bien trop campée sur ses positions. « À quoi bon, elle n'écoute jamais ce qu'on lui dit ! Devrais-je faire le premier pas moi-même ? » Et si elle lui avait donné un rendez-vous dans l'unique but de le quitter définitivement ? Pourquoi ? Ça n'a pas de sens. Le caméléon secoua vigoureusement la tête, non cette fois, c'était lui qui la mettrait au pied du mur. Il allait lui poser un ultimatum : soit elle le suivra, soit il rompra avec elle. Sa décision était irrévocable ! Il ne devait pas douter de lui ni de ses sentiments pour elle, mais jamais il ne se soumettait aux caprices de Mlle Parker. Il se dressa fièrement. « Oui, je vais reprendre le contrôle et elle va devoir choisir. » Jarod s'arrêta sur un banc en fer, en face d'un marchand de fleurs, jetant un coup œil sur le dossier qu'elle lui avait remis plus tôt.
Dans un parc, Cleveland, Ohio
17 heures, en fin de journée. Elle entra dans le parc espérant que son amant soit déjà sur les lieux. L'espace était serein, accueillant, verdoyant. Les rayons déclinants du soleil ambraient l'horizon, teintant le ciel d'une couleur chaude. Les arbres, parés de feuilles tombèrent sur le sol. Les pelouses et les fleurs épanouies diffusaient un parfum enivrant, mêlant la douceur sucrée des glycines et les effluves naturelles des roses et des lilas. Les allées et sentiers du parc regorgeaient de nombreux promeneurs ainsi que des chiens, jouissant des dernières heures du jour. Certains se livraient à leurs activités sportives, pendant que d'autres, appréciaient un moment de pure détente. Une brise légèrement froide se déplaçait sur les joues de Mlle Parker. Il n'était pas encore là. Le caméléon n'allait sûrement pas tarder à arriver. Elle se dirigea lentement vers l'étang, admirant l'eau miroitante. Devant le bord, elle s'immobilisa, prenant le temps de contempler son reflet puis se pencha vers l'avant s'agenouilla, frôlant la surface de sa main en une caresse créant ainsi des cercles concentriques, déclenchant une série de vagues liquidienne. Mlle Parker scrutait longuement le fond de la mare, un sentiment de répulsion s'empara d'elle, son passé et son futur. Un sourire rempli d'espoir prenait naissance à l'évocation du caméléon. L'attente se prolongea. Il savait se faire désirer. Elle repéra non loin d'elle, une balançoire. Elle s'approcha hésitante, effleurant les courbes arrondies du siège, puis s'y installa, se saisissant fermement les cordes usées, sentant le balancement régulier commencer à répondre à ses mouvements. Le va-et-vient répétitif semblait l'apaiser et l'harmoniser. Ses jambes interminables basculaient dans un rythme cadencé, hypnotique. Chaque impulsion de l'avant vers l'arrière lui procurait une sensation d'évasion, une échappatoire. Le craquement du métal. Le vent la frappait de plein fouet. Mlle Parker jeta des regards en direction de l'entrée, cherchant Jarod, guettant son arrivé. Désespèrée, Mlle Parker retenait, tant qu'elle le pouvait, les larmes qui débordaient. Peu à peu l'espoir céda la place à la déception. Ses épaules s'affaissaient en signe de résignation. « Non, Jarod ne viendra plus, maintenant. Il ne viendra plus. » Déclara-t-elle les joues rougies par la tristesse, chaque goutte salée, telle une perle fragile, tomba le long de ses cils. Quand soudain, derrière elle, le caméléon surgit. Devant ses yeux, elle vit passer une rose. « Pour toi. » Toute souriante et heureuse de le revoir, elle le dévisagea. Sa main, tendue vers lui, exprimait son désir d'être embrassée. Cependant, les prunelles du beau brun disaient tout autre. Lorsqu'il s'approcha d'elle, au lieu de lui donner un baiser, Jarod embarrassé, recula. Mlle Parker, elle, dans l'expectative, s'inquièta.
« Tu es là ? Tu es venu ? Tu es venu, Jarod ? étonnée, sa voix tremblait.
- Oui. Je crois qu'on doit parler sérieusement. J'ai des choses à te dire, mais avant tout, je voulais m'excuser. Tout à l'heure, je me suis montré méchant, odieux, distant… Pour ma défense, c'est que je n'… le caméléon baissa les yeux.
- Non, tu n'as rien fait de mal, Jarod. Tu n'as pas à me demander pardon pour quoi que ce soit et si quelqu'un doit s'excuser ici, c'est moi... Merci pour la rose.
- Pourquoi es-tu allée jusqu'à l'hôpital tout à l'heure ? Un coup de téléphone suffisait.
- Pour la même raison qui te pousse à être présent à chaque fois que j'ai besoin de toi. Jarod, j'ai lutté avec mes démons si souvent, que je croyais que rien de... J'ai eu tort. Ce que je t'ai fait subir, je m'en veux... Je ne veux plus fuir. Quoique je fasse, je n'arriverai jamais à m'éloigner de toi.
- Qu'est-ce que ça signifie ? Tu as dit que tu avais retrouvé la mémoire, que tu te souvenais de nous, c'est de ça qu'il s'agit ?
- Oui. Je t'en prie, c'est très difficile, alors ne m'interromps pas, il hocha la tête. Jarod, si tu savais comme je regrette, le soir où l'on s'est disputé.
– C'est à propos de Thomas ? C'est toujours lui… Si tu veux me quitter, ne te gêne pas… Je vais m'en aller, c'est le mieux, il s'écarta d'elle. Quel crétin !
- S'il te plaît, Jarod, attends… elle se leva de la balançoire. Qu'est-ce que tu fais ? elle lui attrapa furtivement les doigts. Ce que tu peux être bête quand tu t'y mets.
- Je suis un caméléon, tu l'as oublié ? J'en ai assez que tu prononces le nom de Thomas ! Je ne vois pas l'intérêt d'en reparler encore et toujours. Et de toute façon, je n'ai pas le temps pour ça, s'écria-t-il.
- Et il est justement là le problème, Jarod. Toi et moi, on n'a jamais réellement parlé de lui. Et c'est pour ça qu'on n'arrive pas à avancer, il est là parce qu'on le laisse s'immiscer entre nous. Lorsque j'ai découvert ton amitié avec lui... elle soupira. Thomas, il était mon amant, mais il était aussi ton ami. Sa mort a été brutale et très douloureuse, et pas une seule fois, je me suis soucié de toi, de ce que toi, tu ressentais. Pourtant, et ce, malgré nous, c'est lui qui nous a rapprochés.
- Et aujourd'hui, c'est lui qui nous sépare.
- Non, non, personne ne va nous séparer, je te le promets. Je voudrais terminer cette histoire une fois pour toutes et de cette façon, je pourrais tourner la page définitivement. J'ai… Je voudrais faire quelque chose de différent, je voudrais que cette année, tu viennes avec moi au cimetière. Je veux qu'on lui fasse nos adieux ensemble. Je t'en demande beaucoup, mais je sens au fond de moi que c'est ce que l'on doit faire. S'il te plaît. »
Jarod, surpris de la requête de Mlle Parker à se rendre au cimetière avec elle, le laissa sans voix. Pendant quelques secondes, il se tut, aucun son ne sortait, c'était comme si on lui avait arraché les cordes vocales. Le caméléon accepta. La dernière fois qu'il y avait été avec elle, ça avait été déchirant de la voir aussi fragile. Jarod s'apprêtait à lui poser une question, mais la Miss baissa la tête fouillant dans son petit sac noir et en ressortit une boîte carrée, rouge, ainsi qu'une enveloppe qu'elle remit à Jarod. Cette dernière paraissait lourde au génie, elle lui expliqua que c'était une lettre qu'elle avait écrite pour lui, cette lettre où la jeune femme avait mis son cœur à nu. Elle lui suggéra de la lire, une fois seul. Cela la mettrait assez mal à l'aise s'il décidait de l'ouvrir en sa présence. Quant à l'écrin, elle le plaça dans le creux de sa main, Jarod s'empressa de lui demander ce qu'était l'objet.
« Ouvre ! Ouvre vite, Jarod ! les mains jointes devant elle, Mlle Parker s'emballa.
- D'accord, puisque tu insistes. Hum, hum… Voyons ce que nous avons à l'intérieur, il releva le dessus de l'écrin en velours. Une clé ? Il sourcilla. Pourquoi m'offres-tu une clé, Parker ? il la tourna dans tous les sens. Que veux-tu que j'en fasse ?
- C'est la clé de chez moi. Celle que tu m'as réclamée avant mon accident. Tu ne seras plus obligé de crocheter la serrure, sauf si c'est ce que tu veux.
- La clé de la maison de ta mère ? Je ne comprends plus, Parker, je pensais que tu voulais rompre avec moi, je ne m'attendais pas à ce que tu veuilles que nous emménagions ensemble.
- Rompre avec toi ? Tu ne m'as pas écouté alors ? Jarod, depuis le tout premier jour, il n'y a eu que toi, il n'y a que toi, il n'y aura plus que toi, elle avança sa main pour caresser sa joue.
- Je… Je croyais que tu avais des doutes sur nous.
- Des doutes ? Non, c'est tout le contraire. J'ai compris que je ne veux plus passer une minute de plus sans toi, mon amour. Te souviens-tu, Jarod, de ce que tu m'avais dit dans cette limousine, là-bas, sur cette île en Écosse ? Je veux prendre ce tournant avec toi, enfin, s'il n'est pas trop tard pour nous deux, amoureusement, elle entrelaçait ses doigts avec ceux de Jarod. Ces temps-ci, j'ai réalisé que la seule incertitude qui me tourmentait était de ne pas savoir si toi, l'homme de ma vie, tu éprouvais toujours les mêmes sentiments à mon égard. J'ai envie de construire quelque chose de solide et de durable, mais je ne peux pas le faire si tu n'es pas là avec moi.
- Tu n'as plus peur ? Et le Centre dans tout ça Parker ? Tu vas te décider à partir de cette maison des horreurs ? la questionna-t-il, méfiant.
- Quand je pense à toi, à nous et a ce petit garçon qui nous attend quelque part, je ressens en moi un mélange d'excitation et de peur. L'excitation de vivre une belle aventure avec toi et la peur de tout gâcher entre nous. Jarod, on a une seconde chance, la vie nous offre l'opportunité de tout recommencer. Cette chance, nous ne devrions pas la laisser passer. Et toi, tu es la mienne, elle attrapa son visage. Tu m'as rendue amoureuse de toi, il n'y a pas une seconde où je ne pense pas à toi. Ton sourire, ton rire, tes yeux, tes mains, ton odeur, toi, tout me manque. Ton absence me pèse, c'est insupportable. Il y a des nuits où je me réveille et la première pensée qui traverse mon esprit, c'est toi. Et si la journée est difficile, il me suffit de m'imaginer dans tes bras pour que le soleil brille à nouveau, ses lèvres comme ses yeux souriaient.
- Tu es amoureuse de moi ? C'est bien ce que tu viens de me dire ?
- Je suis amoureuse de toi. Je le suis tellement que ça me dévore de l'intérieur.
- Alors tu es prête à sauter le pas ?
- Je veux que tu viennes vivre avec moi, à la maison, chez nous. Il est vrai qu'il y aura des ajustements à faire, mais on s'en occupera le moment venu. Enfin, ce sera temporaire, bien sûr… elle se plaqua contre un arbre.
- Temporaire ? Je ne te suis plus là.
- Oui, tu vois, j'ai eu le temps de bien réfléchir, ce serait beaucoup mieux si on avait une maison, rien qu'à nous, qui ne soit pas celle de mes parents. Qu'en penses-tu, Jarod ? L'idéal serait d'avoir aussi un immense jardin pour Junior, elle lui faisait part de ses plans.
- Junior ? Qui c'est, ton nouvel ami ? Tu as adopté un chien, Parker ?
- Euh, Jarod… Non, Junior, c'est ton fils, elle éclata de rire. Cela dit, on pourrait également adopter un chien.
- Tu lui as trouvé un prénom… Je croyais que tu voulais appeler le petit, Jarod ?
- Jarod Junior ? J.J ? Junior, ça ne te plaît pas ?
- Non... Oui... Junior… Junior, c'est parfait et j'aime beaucoup. Pour la maison, je suis d'accord. Un vrai foyer, c'est ce dont j'ai toujours rêvé.
- C'est ce dont, moi, je rêve depuis l'âge de mes douze ans, c'est très très long. Je suis sûre que tous les trois, on sera très heureux.
- Tu veux vraiment t'impliquer avec lui ? Avec moi ?
- Oui, évidemment, sinon je ne serai pas là, ses phalanges faisaient le tour du visage du caméléon. Jarod, je ne peux pas envisager un avenir sans toi près de moi ou sans Junior... Je ne veux pas passer à côté du bonheur. Tu es la première personne que je veux voir le matin, la dernière personne que je veux embrasser le soir… Tu es mon âme sœur, celui avec qui je veux passer le reste de ma vie. Peut-être même l'éternité si tu te montre gentil avec moi. Quant à ces trois mots, pour l'instant, je n'arrive pas à te les dires. Je ne me sens pas encore prête pour ça. Donne-moi du temps, et le jour viendra, je te le promets, tu les entendras.
- Non… il baisa le dos des mains de la jeune femme. Ça n'a plus la moindre importance. Je voulais juste être rassuré sur tes sentiments pour moi. Et aujourd'hui, tu viens de le faire. Je veux être sûr que tu ne vas pas changer d'avis.
- Je ne changerais pas d'avis. C'est toi que je veux.
- Alors nous deux, c'est officiel ? On est un vrai couple. Tu ne feras pas machine arrière si le Centre où le Triumvirat apprenait notre relation ?
- Si on considère le fait que je t'ai proposé d'emménager avec moi…. Et que je suis folle de toi… Oui, on peut dire que c'est officiel. Je te l'ai dit, je ne reviendrai pas en arrière. Et si Lyle ou Raines s'approchent de toi, je les descendrai. Mais il vaut mieux que…
- Que le Centre n'en sache rien. Tu as raison. On ne va pas leur donner des munitions pour qu'ils nous tirent dessus, Mlle Parker emit un petit son. Qu'est-ce qu'il se passe ? J'ai dit une bêtise ?
- Jarod, mon amour, embrasse-moi. »
Jarod entoura tendrement Mlle Parker de ses bras, l'unique endroit où elle était épanouie. Un cocon d'intimité, là où le monde extérieur s'évaporait, les laissant vivre, enfin, leur rêve. Elle se noya dans son regard, le seul véritable miroir de leur amour. Et sans aucune maîtrise ou retenue, le caméléon fit peu à peu prisonnières les lèvres de sa bien-aimée, et dans un élan, il l'embrassa. Ce qui fut un baiser doux devint rapidement plus passionné et plus sauvage. L'intensité bouillonnante monta d'un cran. Leurs bouches mouillées par leurs échanges salivaires s'entremêlaient, telle une fusion de leurs âmes se libérant dans un moment de communion charnelle. Les yeux clos, les mains viriles et chaudes de Jarod se logèrent dans la chute vertigineuse de la jeune femme. La proximité physique du caméléon se manifesta éveillant le désir de faire l'amour à sa compagne. Mlle Parker, elle, emportée par cette déferlante de sensations, lui répondit avec ferveur. Ses ongles, eux, s'accrochèrent aux épaules de Jarod.
« Jarod, comme tu m'as terriblement manqué.
- Toi aussi, tu m'as manqué. Je me suis ennuyé de toi.
- Je vois ça… J'avais peur que tu ne sois plus amoureux de moi, elle se pressa contre lui. Je ne suis pas sûr de pouvoir supporter une autre rupture.
- J'ai pensé la même chose de toi, Parker, je croyais que tu n'éprouvait plus rien pour moi et que tu voulais me quitter.
- Non, cette fois, c'est toi que je choisis. Tu liras la lettre, n'est-ce pas ?
- Oui, bien sûr, il embrassa son cou, elle lui maintenait l'arrière de la tête, glissant sa main dans la crinière brune du caméléon. Tu es si...
- Magnifique ? Belle ? Époustouflante ?
- Parfaite.
- Hum Jarod, tu n'avais rien à me dire, toi ?
- Eh bien, oui. Mais tu m'as devancé.
- Le Centre, hein ? Pourquoi est-ce qu'on ne peut tout simplement pas l'ignorer ? Il lui mordilla la lèvre.
- Il va bien falloir qu'on règle le problème, il lui releva le menton, elle le regarda. Ce n'est qu'un détail. On va récupérer Junior et ensuite on mettra un terme à leurs agissements... On en reparlera plus tard, hein ? il la dévora de baisers tout en lui avouant son amour. Je t'aime Parker ! Je t'aime tellement et j'ai hâte d'écrire une toute nouvelle page de notre histoire avec toi.
- Oui… Une page où le bonheur et l'amour se prévalent de la malédiction et de notre passé.
- On devrait commencer tout de suite !
- Oh, oui ! J'ai une petite idée.
- Une idée ? Je me demande ce que c'est ?
- Tu sais, malgré le fait que toute ma mémoire me soit revenu, il y a une chose dont j'ai du mal à me souvenir, elle lui fit un clin d'œil.
- Laquelle, Parker ? Je ferai en sorte que cela te revienne, tu peux compter sur moi.
- Oh, mais j'y compte bien.
- Alors qu'est-ce que c'est ?
- Comment te dire… C'est à propos de nous. Je fais allusion au sexe. Comment c'était entre nous quand on faisait l'amour ?
- Ah ! C'est donc ça. Eh bien, Chère Mlle Parker, laisse-moi te donner un petit aperçu de ce qu'il y avait entre nous... Hum, dis-moi, dans quel hôtel es-tu descendu ?
- Celui qui se trouve être juste en face de toi. Allez, viens ! elle le tira par le col de sa chemise. J'ai très envie de toi, Jarod, lui murmura-t-elle dans son oreille.
- Il va donc falloir, Parker, que je te rafraîchisse la mémoire.
- Oh oui, et ça risque de durer toute la nuit.
- Alors, viens ma belle, il n'y a pas de temps à perdre ! »
Jarod, avec force souleva la jeune femme. Ses bras s'enroulèrent tout autour d'elle, là où elle s'agrippa. Leur complicité animaient leurs sourires. Tandis qu'il la tenait aisément elle riait. Le poids de Mlle Parker lui semblait tout à coup insignifiant comparé à ce qu'il éprouvait pour elle. Les muscles du caméléon se contractaient sous l'effort, et sans fléchir, il profita pour prendre possession de la bouche de Mlle Parker qui suspendue dans les airs, déversa une cascade de baisers sur le cou de son amant. Sa joie et son désir presque exubérant excitait Jarod, celui-ci portant toujours Mlle Parker, entama le chemin vers la sortie du parc. Le court trajet jusqu'à son hôtel fut trop long. Jarod accéléra le pas, pendant que Mlle Parker, elle, ne se privait pas pour s'adonner à ses envies. Elle touchait enfin le bonheur du bout de ses doigts.
