Chapitre 1 :

L'enfant

Souffrance. Souffrance. Souffrance. Pour lui la vie se résumait à ce mot. C'était tout ce qu'il voyait, tout ce qu'il connaissait, tout ce qu'il avait expérimenté. Il savait que d'autres choses existaient, mais pas pour lui. Il avait vu la joie, l'amour, l'innocence, la confiance, l'amitié,... chez les autres. Lui, il n'avait pas droit à tout cela. Il ne savait pas pourquoi, il ne savait pas qui avait décidé cela. Il savait juste qu'il n'y avait que cela pour lui. Douleur. Souffrance. Douleur et souffrance. Pourtant, il aurait aimé apprendre ce qu'était la chaleur d'une étreinte, il aurait aimé avoir une personne contre qui pleurer mais, personne ne voulait de lui. Personne ne faisait attention à lui et personne ne faisait attention à sa vie ou à sa survie. Alors à quoi bon ? Pourquoi ? Dans quel but ? Pourquoi vivait-il ?

C'était une question que Harry Potter, huit ans depuis quelques jours, se posait régulièrement. Et aujourd'hui, il se la posait de nouveau en même temps qu'il se demandait s'il survivrait aujourd'hui encore. Parce qu'aujourd'hui, sa vie s'échappait dangereusement. Il venait encore une fois de passer entre les mains de son oncle avant d'être jeté au fond de son placard. Son oncle qui le haïssait parce qu'il était différent. Oh, il savait pourquoi. Parce que des phénomènes étranges se produisaient tout autour de lui. Parce qu'il y avait autour de lui, cette agréable énergie qui s'évertuait à l'accompagner et qui semblait essayer de le soutenir dans les moments difficiles. Dans les moments comme aujourd'hui où cette présence crépitait autour de lui. Incroyablement triste mais forte pour le soutenir. Ce qu'il ne savait pas était : pourquoi il était le seul à l'avoir et pourquoi cela suscitait tant de haine ?

Il l'aimait bien lui, cette chose étrange et invisible qu'il sentait autour de lui et en lui. Cette chose qui était là seule existence qui lui avait appris qu'il y avait quelques chose d'autre que la souffrance dans ce monde. Elle ne parlait pas, n'avait pas d'odeur, pas de présence tangible, pas d'image, pas de corps et rien ne prouvait sa présence mais lui, il savait qu'elle était là. Puissante et indéfectible, triste à son égard. Et elle lui inspirait toujours l'espoir d'une vie meilleure. Elle était la seule présence qui le réchauffait et lui permettait de survivre en attendant... en attendant quelque chose ou quelqu'un pour l'aider. C'était elle qui lui avait fait comprendre à sa façon que ça changerait, un jour ou l'autre. Mais le plus vite possible serait le mieux, parce qu'il n'était pas sûr de survivre encore longtemps.

Il avait chaud et froid en même temps. Il ne voyait plus très clair et il avait du mal à respirer. Et il avait mal partout. L'odeur du sang régnait autour de lui, entêtante. Elle le rendait malade mais il en avait l'habitude. Combien de fois l'avait-il senti, l'odeur de son propre sang ? Elle emplissait le placard. Récente ou ancienne. Il n'y avait pas une semaine où se liquide de vie ne s'échappait pas de ses veines.

Mais aujourd'hui, c'était pire que toutes les autres fois. Habituellement, l'oncle Vernon évitait de faire trop de dégâts. Pour ne pas attirer l'attention. Plaies superficielles, coup, brûlures et... d'autres choses, étaient son lot quotidien. Mais ce soir, ça avait dérapé complètement. Il ne savait pas pourquoi mais, ça avait été pire que par le passé. Il supposait que l'oncle Vernon avait bu, il puait le whisky. Et puis la tante Pétunia et Dudley étant en vacances chez des amis. Il était donc seul avec Vernon et cela semblait totalement débrider celui-ci.

Il n'y avait qu'à voir le résultat. Il ne savait pas trop dans quel état il avait fini mais il se souvenait des blessures qu'il avait pris avant d'être submergé par la douleur. Des coup, beaucoup. Il était sûr d'avoir un bras et plusieurs côtes cassées. Il n'avait plus les idées clairs. Il se souvenait de verre cassé mais aussi d'un couteau et d'un briquet. Il ne pouvait en dire plus sauf qu'il mourrait si cela recommençait, s'il survivait cette nuit. Rien n'était moins sûr et ça, son jeune esprit le savait. Son instinct lui disait qu'il était en train de mourir. Mais malgré tout ce qu'il avait vécu et malgré le fait que le sommeil éternel soit bien tentant pour échapper à toute cette douleur, il ne voulait pas mourir, il voulait vivre.

Et il y avait cette énergie autour de lui. Il pouvait presque l'entendre murmurer de tenir bon, comme d'habitude. Mais il y avait autre chose cette fois-ci. Elle s'insinuait en lui, lui instiguant la volonté de fuir, de partir. Ce n'était pas une mauvaise idée. Il n'avait rien à gagner à rester là. Mais où aller ? Peu importait, il aurait toujours plus de chances qu'en restant là. La présence autour de lui sembla approuver son raisonnement, en tout cas c'est ce qu'il croyait comprendre. Elle se renforça et il eut l'impression qu'elle devenait solide autour de lui. Il eut la sensation d'être délicatement soulevé de terre et remis sur ses pieds. Il n'aurait pas tenu debout si cette énergie ne l'avait pas maintenu avec chaleur et douceur, il n'arrivait même pas à bouger un doigt. Il était comme un pantin dont les fils étaient tenus par cette force mystique qui l'avait toujours accompagnée. Il ne voyait rien et il n'avait pas la force de bouger. Pourtant, inexplicablement, il le fit, porté par cette énergie.

Au milieu de la douleur, il distingua vaguement que la porte du placard s'ouvrait d'elle même malgré les cadenas qui la fermaient. Il ne se posa pas la question de savoir comment, il savait que c'était cette présence autour de lui. Il faisait noir, on était en pleine nuit et la maison était silencieuse. L'oncle Vernon devait dormir et vu son taux d'alcoolémie, il ne risquait pas de se réveiller de si tôt. Il se laissa porter par sa seule amie. Celle qui l'avait toujours accompagné et qu'il n'aurait su nommer. Il l'avait bien appelé « magie » à une certaine époque mais il avait vite appris pour sa survie à bannir ce mot de son vocabulaire.

Il ne savait comment, mais il se retrouva à avancer lentement dans le couloir, porté par une force invisible. Sa respiration était saccadée, sa vision trouble, il avait perdu toute notion d'orientation ou de temps. Il focalisait juste toute son attention sur l'énergie autour de lui. Elle essayait de le rassurer, de calmer une peur dont il n'avait pas conscience, perdu dans le brouillard de ses pensées. Mais oui, en cherchant bien, il avait peur. Peur de mourir, peur que ça recommence, que ça ne change jamais. Peur de la douleur. Et cette présence le rassurait, le réchauffait. C'était elle qui lui avait enseigné, sans une parole, qu'il y avait quelque chose d'autre que la souffrance et il lui faisait confiance. Il n'avait qu'elle après tout. Elle était sa seule amie, sa seule distraction, sa seule source de bien être et elle était la seule à l'avoir étreint avec chaleur. Une étreinte invisible et immatérielle mais une étreinte chaude et bien réelle.

Il avançait, pas après pas, rejoignant la porte d'entrée. Une fois de plus, celle-ci s'ouvrit pour le laisser passer sans troubler le silence. Porté par sa compagne invisible, il sortit à l'extérieur dans la fraîcheur des nuits d'été. Il ne voyait rien, sa vue complètement annihilée. Il sentait juste la douleur et cette présence puissante. Et il décida de se focaliser sur cette dernière. Il ne sut combien de temps il déambula, ni où il se dirigeait. Il se laissait simplement guider par l'énergie protectrice qui obligeait son corps à se mouvoir sans toutefois causer plus de souffrance que celle qui existait déjà. Finalement, il sentit que la présence le faisait s'allonger et il crut sentir de l'herbe humide et fraîche effleurer sa peau. Il peinait à respirer et il se demandait ce qui allait lui arriver maintenant. Il crut entendre de nouveau un murmure semblable à un souffle de vent, émit par sa compagne extraordinaire. Il n'y avait pas de mot et pas de voix mais il comprit pourtant qu'elle voulait qu'il se laisse aller et qu'il se repose. Il émanait d'elle un sentiment rassurant et heureux donnant l'impression à l'enfant que tout allait s'arranger. Confiant, il laissa son esprit lâcher prise, glissant dans l'inconscience qui l'appelait.

Akifumi Uizado était, pour ne pas changer, perdu. Si du haut de ses vingt cinq ans il pouvait se vanter d'une grande réussite dans de nombreux domaines, il y avait une chose qu'il n'avait pas et qu'il n'aurait semble-t-il jamais : le sens de l'orientation. Il mesurait un bon mètre quatre vingt cinq et avait de courts cheveux noirs avec toutefois une longue et épaisse mèche partant de sa nuque et traversant son dos jusqu'en bas et attachée d'un lacet de cuir. Japonais, il avait les caractéristiques asiatiques de son pays. Ses yeux étaient noirs et sa silhouette était fine, harmonieuse, équilibrée et savamment musclée.

Il était le fils de Rengu Uizado. Grand homme d'affaire à travers le monde entier, milliardaire et propriétaire d'une multinationale. Et il en était de digne héritier, il était un homme d'affaire redoutable et sans pitié, intelligent et rusé. Sauf pour retrouver son chemin. Lui et son père étaient venu à Londres pour affaire et ce soir, il avait eu envie de se promener. Il avait marché en ville au hasard, prit plusieurs bus, se fichant du fait qu'il avait un chauffeur à disposition, il préférait planter son garde du corps et le reste pour se balader tranquillement et seul. Et au final, comme à chaque fois, il s'était perdu. Et assez loin de son point de départ visiblement. Oh bien sûr, dés qu'il en aurait assez de marcher, il appellerait son chauffeur qui viendrait le chercher et ferait une remarque moqueuse sur son sens de l'orientation puis il rentrerait à l'hôtel.

Mais pour le moment, il profitait de la nuit fraîche d'été et du silence de la nuit déjà bien avancée. Le calme lui faisait toujours du bien à lui qui travaillait en ville, dans des environnements bruyants. Il était d'ailleurs pressé de rentrer au Japon, leur demeure là bas étant bien plus sereine. Il n'aimait pas l'Angleterre et il n'aimait pas les anglais. Il préférait nettement son pays, mais les affaires étaient les affaires. Il ne savait pas vraiment où il était mais il devait être en banlieue. Il se trouvait dans un quartier résidentiel endormit. Il marcha au hasard, respirant l'air plus agréable que celui du centre ville. Et ce faisant, il se détendait progressivement après sa longue journée de travail et de négociation de contrats divers et variés et particulièrement ennuyeux. Il marchait lentement, sans vraiment faire attention où il allait, laissant ses pieds le porter.

Il s'arrêta soudain, surprit par une étrange chaleur contre sa poitrine. Fronçant les sourcils, il plongea sa main sous sa chemise blanche dont les premiers boutons étaient ouvert. Il en tira un médaillon pendu à une chaîne en argent. Le bijou, mesurant six ou sept centimètres, représentait un dragon. Un dragon japonais blanc à la crinière bleue azur, aux bois de cerf nacrés et dont les serres étaient garnies de trois griffes de diamant dont étaient aussi fait ses yeux. Le médaillon d'une grande précision dans ses détails luisait doucement.

Akifumi, l'observa d'un œil sérieux et un peu surpris. Chaque membre de sa famille possédait un bijou semblable. Il représentait l'ancien dragon qui, selon la légende, protégeait leur lignée depuis des temps immémoriaux. Bien sûr, cela faisait bien longtemps qu'ils n'avaient pas eu de preuves de l'existence de cette créature de légende. Plus personne ne croyait à ces choses là en ces temps modernes, à ces choses extraordinaires. Pourtant, sa famille n'avait jamais cessé de croire en leur protecteur. De nombreuses légendes existaient autour de la créature et l'une d'entre elle, la plus importante, lui avait donné son nom. Rui. Un nom qui signifiait « Larme ». La légende voulait que le dragon ai un jour versé une larme qui avait changé la vie de toute leur famille mais plus personne ne se souvenait en quoi consistait ce changement. En fin bref, le nom venait de là.

Dans tout les cas, le dragon était une icône importante pour sa famille et pour lui aussi. Il avait toujours aimé imaginer Rui. C'était une image profondément apaisante pour lui et peu importait le fait qu'il était sensé être un homme d'affaire terre à terre, il y croyait. Comme toute sa famille. Et c'était pour cela que chacun d'entre eux portait l'un de ces médaillons. Ils le recevaient dés leur naissance et ne l'enlevaient jamais. C'était une façon de toujours avoir leur protecteur avec eux.

C'est donc très sérieusement mais réellement surpris que Akifumi regardait son propre bijou briller et chauffer doucement. C'était possible ça ? Un simple médaillon en argent ciselé pouvait-il vraiment faire ça ? C'est en se posant ces questions qu'il regardait le dragon blanc, se demandant ce qu'il se passait. Après quelques secondes, il écarquilla les yeux lorsque le médaillon qu'il avait élevé au niveau de ses yeux, se redressa doucement à l'horizontal et tourna légèrement. L'homme fronça les sourcils ayant étrangement l'impression qu'il lui montrait une direction. Il lâcha la chaîne qu'il tenait entre deux doigts mais le pendentif continua mystérieusement à planer dans les airs.

Définitivement intrigué, il se tourna dans la direction indiquée. Le médaillon pivota en même temps que lui, pointant désormais droit devant. Il fit un pas en avant et le pendentif bougea avec lui. Vraiment curieux maintenant, il avança de nouveau sans crainte, ayant une pleine confiance en l'image du dragon, et pendant les minutes qui suivirent, il marcha en suivant son bijou sans jamais le lâcher des yeux. Soudain, le petit dragon blanc cessa de briller et de chauffer avant de retomber inerte contre sa poitrine. Akifumi, s'immobilisa une fois de plus surpris par ce fait inattendu.

Cependant, il n'eut pas le loisir de se poser davantage de questions : alors qu'il baissait les yeux pour regarder son bijou, son regard tomba sur un enfant allongé dans l'herbe. Il se figea de nouveau, d'horreur cette fois-ci. C'était un petit garçon brun et extrêmement maigre. Mais là n'était pas le réel problème : l'enfant était couvert de blessures. Sans même réfléchir, il s'agenouilla prés du jeune garçon visiblement inconscient mais en vie au vu du lent mouvement de sa poitrine. Il sortit aussitôt alors son téléphone portable et fit immédiatement le numéro de son meilleur ami. Il le porta à son oreille tout en observant l'enfant à ses côtés. Son bras droit était visiblement cassé en plusieurs endroits. Ses vêtements étaient en lambeaux et laissaient voir de nombreuses plaies plus ou moins profondes. D'expérience, il vit qu'elles avaient été faites par une lame affûtée. Il discerna aussi des brûlures et des traces de coups. L'enfant semblait avoir perdu pas mal de sang déjà et une forte fièvre faisait perler la sueur sur son front.

Au plus il l'observait, au plus il se disait que le jeune garçon ne survivrait pas longtemps. Aussi, c'est avec inquiétude et angoisse qu'il attendait que son ami réponde. Ce qu'il fit rapidement alors que les tonalités cessaient et qu'une voix énervée ce faisait entendre :

- Akifumi, dit-elle en grognant presque dans leur langue natale qu'était le japonais, où est-ce que tu...

- Pas maintenant Haiko, l'interrompit-il immédiatement d'une voix sérieuse en utilisant la même langue.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Demanda-t-il alors en sentant que ce n'était pas le moment pour un énième sermon sur ses fuites impromptues.

- J'ai besoin de toi toute suite. Prends Hideaki-sensei (« Sensei » est un mot japonais qui peut s'utiliser seul ou en suffixe d'un autre mot. Ici, je m'en sers pour désigner le fait que Hideaki est un médecin. On s'en sert aussi pour d'autres fonctions tels que les écrivains ou les professeurs.) avec toi et viens me chercher le plus vite possible.

- Tu es blessé ? Demanda soudain son interlocuteur la voix inquiète alors que l'on entendait derrière lui le bruit confirmant qu'il s'était mit en mouvement.

- Moi non, mais j'ai trouvé un enfant qui lui est mal en point, répondit-il. Dépêche toi.

- Où es tu ?

L'homme regarda autour de lui, se maudissant pour son sens de l'orientation minable. Ses yeux tombèrent sur un panneau où était inscrit le nom d'un parc. Parc où il se trouvait vraisemblablement. Il en communiqua immédiatement le nom à son ami.

- J'arrive tout de suite, confirma alors Haiko à l'autre bout du fil.

Akifumi rangea son téléphone et s'agenouilla plus près de l'enfant. La pleine lune, le ciel clair et les lampadaires lui permettaient de le voir plutôt bien et il continua à examiner des yeux le frêle corps qu'il avait devant lui. Comment un enfant avait-il pu se retrouver dans un tel état ? Que lui était-il arrivé ? Qui avait osé faire ça ? Il était évident qu'il avait été attaqué. Mais par qui ? Pourquoi ? Et que faisait-il là ? D'un geste de la main, il écarta ses cheveux bruns et ternes de son visage et il découvrit une cicatrice en forme d'éclair sur son front. Il délaissa bien vite la marque et se remit à faire un inventaire des blessures qu'il voyait. Il avait presque l'impression que l'enfant avait eu droit à une séance de torture en règle.

Une colère profonde et puissante monta en lui. Il ne tolérait pas que l'on touche à un enfant. S'attaquer à un enfant était pour lui le pire des crimes. Les adultes étaient responsables de leur vie et s'ils n'avaient jamais appris à se défendre ou s'ils étaient imprudents c'était leur problème. Mais un enfant ne pouvait se défendre et s'en prendre à eux était pour Akifumi de la pire des lâcheté. Les enfants devaient être protégés et choyés pour lui. Ça marchait comme ça chez lui. Il avait pas mal de petits frères et petites sœurs et il s'était toujours efforcé de les protéger et de leur apprendre ce qu'ils devaient savoir pour réussir leur vie. Qu'on puisse faire ça à un garçon aussi jeune le révoltait et il sentit l'envie de protéger le petit être luttant pour sa vie. Il retira la veste de costume qu'il portait et la déposa sur la frêle silhouette.

Pour la énième fois en deux minutes, il regarda sa montre, pressé de voir arriver son meilleur ami et leur médecin. Son père, Rengu Uizado, souffrait de certains problèmes de santé. Il avait son médecin personnel qui le suivait partout et qui s'occupait aussi de toute la famille. Il ne partait jamais en voyage sans lui et aujourd'hui, Akifumi était particulièrement heureux de ce fait. Hideaki était un homme d'expérience très compétent. Il avait eu une carrière brillante de chirurgien avant d'entrer au service de la famille Uizado il y avait vingt six ans de cela. Il saurait s'occuper de cet enfant. Oh bien sûr, il aurait pu simplement appeler une ambulance mais voilà, dans sa famille on avait toujours tendance à tout garder dans leur cercle d'intimité. Même pour ce genre de chose. De toute façon, son intuition lui disait que c'était mieux ainsi. Et puis Haiko savait être plus rapide qu'une ambulance lorsqu'il lui demandait de se dépêcher et Hideaki était le médecin le plus compétent que l'on puisse trouver alors c'était sûrement mieux pour l'enfant.

Alternant ses regards entre le jeune garçon et son environnement, Akifumi se rendit alors compte qu'il se trouvait dans un parc juste en dehors d'un petit quartier résidentiel. Tout était calme et silencieux, ce qui n'avait rien d'étonnant vu l'heure plus que tardive. Le jeune garçon serait sûrement mort bien avant que quelqu'un ne le trouve s'il n'était pas passé ici. Il observa pensivement le jeune garçon qui peinait à respirer, le visage crispé par la douleur. Il se mit à doucement caresser ses cheveux, se demandant s'il pouvait sentir sa présence.

Attendant avec inquiétude, sa curiosité revint sur ce qu'il s'était produit avec son médaillon. Il ne comprenait pas comment une telle chose était possible mais les faits étaient là : son bijou l'avait conduit jusqu'à l'enfant comme par... magie. Ça l'intriguait. Il était ouvert d'esprit, il croyait bien à l'existence d'un ancien dragon protecteur, mais l'expérimenter était autre chose et si les conditions n'étaient pas celles qu'elles étaient, il aurait sûrement été très excité et intrigué par une telle chose mais là, il ne pouvait pas. Tout ce qu'il voyait était que l'icône protectrice de leur famille l'avait conduit à un garçon agonisant. Et il prenait cela très au sérieux : cette rencontre n'était pas fortuite, il en était sûr.

L'enfant était très faible et ses plaies continuaient à saigner doucement aussi, il fut heureux lorsqu'il entendit un bruit de moteur se rapprocher de lui. Il se remit debout pour qu'on le repère facilement et vit bientôt une grosse berline de luxe noire débouler. Roulant à tout allure, elle arriva rapidement en face de lui, s'arrêtant sur la route au bord de l'étendue d'herbe à une vingtaine de mètres de lui. Il ne fallut pas une seconde pour que deux personnes en sortent. Il y avait d'abord un jeune homme qui devait avoir le même âge que Akifumi. Comme lui, il avait les cheveux noirs mais les siens étaient un peu plus longs et couvraient ses oreilles. Japonais lui aussi, il était plus massif que son ami. Sa mâchoire était carrée et ses épaules fortes. Il était plutôt grand et musclé sans démesure. Il portait un jean sombre, un tee-shirt noir et une veste de cuir. Le deuxième homme était lui bien plus âgé et semblait tourner autour des soixante cinq ans. Ses cheveux poivre et sel coupés courts lui donnaient des airs militaires. Il se tenait droit et fier. Contrairement à l'autre, il était vêtu à la manière traditionnel de leur pays. Il portait un simple kimono d'un vert sombre et un haori kaki était posé sur ses épaules carrées. Il portait une grande sacoche de cuir.

Akifumi leur fit signe, bien heureux de les voir enfin arriver. Il s'accroupit de nouveau auprès de l'enfant toujours inconscient. Il ne fallut que quelques secondes pour que les deux nouveaux venus ne le rejoignent. Le plus vieux s'agenouilla de l'autre côté du frêle corps meurtri tandis que le plus jeune se postait derrière son ami, se penchant pour regarder l'enfant.

- Je suis heureux de vous voir Hideaki-sensei, soupira Akifumi dans sa langue maternelle. Je l'ai trouvé en me baladant, dit-il sommairement, il est gravement blessé, expliqua-t-il en retirant la veste qui couvrait l'enfant.

Il entendit nettement leurs légères exclamations choquées lorsqu'ils découvrirent l'état du jeune garçon. Immédiatement et avec calme, le vieil homme se mit à l'examiner, sortant un peu de matériel de sa sacoche.

- Bon sang, qu'est-ce qui est arrivé à ce gosse ? Souffla le plus jeune des deux nouveaux arrivants.

- Je ne sais pas Haiko, répondit Akifumi. De toute évidence, quelqu'un l'a attaqué. Mais qui et pourquoi ? C'est un mystère. Il n'y avait trace de personne aux alentours quand je l'ai trouvé. Et si je n'étais pas tombé sur lui, il serait sûrement mort avant le levé du soleil.

- Et vous avez raison Akifumi-sama (Le « sama » est un suffixe japonais que l'on utilise pour marquer son respect. On s'en sert aussi lorsque l'on parle à quelqu'un qui nous est supérieur, son patron par exemple. Ici c'est autant parce qu'il parle à son « patron » que parce qu'il respecte Akifumi que Hideaki utilise ce suffixe). Cet enfant est très mal en point, dit-il. Il faut l'emmenez dans un hôpital. Il va falloir certains moyens pour le soigner.

- Bien, répondit-il, mais connais-tu un endroit...

- Discret ? Termina l'homme. Oui. J'ai un très bon ami et confrère à Londres qui tient une petite clinique privée pour des clients disons aisés. Je l'avais contacté au cas où nous en aurions besoin pour votre père, il nous accueillera en toute discrétion. Mais il faut faire vite.

- Allons-y dans ce cas, lança Akifumi.

Aidé du médecin, il prit très délicatement l'enfant dans ses bras, suivant ses indications. Ils firent en sorte de bien soutenir sa tête et de ne pas malmener ses blessures. Lentement, ils regagnèrent ensuite la voiture. Akifumi s'y installa avec précaution à l'arrière avec le vieil homme. Haiko referma la portière derrière eux puis il se mit prestement au volant. Hideaki lui donna l'adresse où il devait les conduire et il se mit en route en essayant d'éviter les chocs et conduisant souplement. Pendant tout le trajet, Akifumi surveilla le visage pâle et couvert de sueur de sa jeune charge. Il était inquiet pour lui alors que déjà, il se sentait responsable de ce jeune garçon. Il leur fallut un moment pour gagner la petite clinique privée. Hideaki guida Haiko vers l'arrière du bâtiment avant de sortir rapidement de la voiture. Il entra, leur demandant de patienter un instant. Pendant ce temps, Akifumi sortit du véhicule avec lenteur, aidé de son ami qui lui avait ouvert la portière. Dans ses bras, l'enfant s'était mis à gémir faiblement dans son inconscience. Terriblement inquiet, il fut ravi de voir revenir son médecin. Celui-ci était accompagné d'une infirmière qui poussait un brancard et un homme brun portant des lunettes.

- Vous pouvez le déposez Akifumi-sama, annonça Hideaki en anglais cette fois-ci. Le docteur Smith, ici présent à qui appartient cette clinique et moi même allons nous occuper de lui.

- Très bien, faites tout ce qu'il faut, répondit celui-ci. Je veux qu'il ait les meilleurs soins, je paierais, dit-il à l'attention du médecin brun.

Il s'avança vers le brancard et y posa très délicatement l'enfant, l'infirmière soutenant la tête du jeune garçon avec douceur.

- Ne vous en faîtes pas monsieur Uizado, nous nous en occupons, assura le brun.

Les soignants entrèrent de nouveau dans le bâtiment, Hideaki assurant d'un simple signe de tête à Akifumi qu'il prenait les choses en main. Celui-ci le remercia de la même manière et le médecin suivi les autres d'un pas pressé. Les deux jeunes hommes restant entèrent à leur tour et un infirmier les guida vers une salle d'attente privée. Comme l'avait dit Hideaki, l'endroit semblait habitué à une certaine clientèle. Cela ressemblait plus à un hôtel qu'à un hôpital. Au moins, ici, il était sûr de la discrétion et du secret. Étant l'héritier d'un homme d'affaire parmi les plus influent du monde, il était habitué de ce genre d'endroit, que se soit les hôpitaux ou autre, et il savait que tant qu'il avait les moyens de se payer leurs services, le secret était assuré autant pour le jeune garçon que pour son implication personnelle dans cette histoire dont-il ignorait encore tout. Il avait ces moyens et quelque chose en lui lui disait qu'il devait mettre l'enfant en sécurité.

Il s'installa confortablement dans un fauteuil de cuir et resta silencieux un moment. Il savait que son nouveau petit protégé serait bien soigné entre les mains d'Hideaki. Maintenant, il voulait savoir ce qu'il lui était arrivé. Aussi, il tourna le regard vers Haiko debout près de lui :

- Haiko, il faut qu'on sache ce qui lui est arrivé et qui il est. Peux-tu essayer de voir, en appelant nos contacts ici, s'il y a eu une déclaration de disparition pour un jeune garçon brun portant une cicatrice en forme d'éclair sur le front ? Demanda-t-il dans leur langue maternelle. En toute discrétion bien sûr.

- Je vais voir ça tout de suite, répondit son ami mais aussi garde du corps et homme de confiance.

- Quand à ce qui lui est arrivé, je crois que l'on va devoir attendre qu'il se réveil pour avoir le fin mot de cette histoire. Ou peut-être que Hideaki pourra nous éclairer un peu plus après l'avoir soigné.

Haiko approuva d'un signe de tête, sortit son téléphone et passa un rapide appel.

- Seigi s'en occupe, annonça-t-il en raccrochant, il me rappellera dés qu'il aura la réponse.

- Merci, répondit-il.

- Maintenant, vas-tu me dire ce qu'il s'est passé ? Demanda le garde sans brusquerie. Tu es troublé, remarqua-t-il bien que le visage d'Akifumi soit d'une impassibilité parfaite. C'est une chose rare.

Son ami sourit légèrement, il n'y avait que Haiko pour discerner ses troubles. Les japonais n'étaient pas vraiment connu pour être très expressif dans leurs apparences. Il soupira légèrement, regarda autour de lui de façon à être sûr que personne n'écoutait, puis il raconta comment il avait trouvé l'enfant, parlant une fois de plus en japonais.

- Ce serait Rui qui t'aurait guidé jusqu'à lui, souffla Haiko sans remettre une seule fois en doute ce qu'il venait d'entendre.

Comme tous ceux qui étaient très proches des Uizado, il connaissait leurs légendes et le fameux dragon protecteur. Il y croyait et il savait que Akifumi ne se moquait pas de lui dans une situation pareille.

- C'est ce que je crois en effet, répondit d'ailleurs celui-ci avec sérieux, même si c'est complètement fou. Comme toute la famille, je n'ai jamais douté de l'existence de Rui même si cela fait des siècles qu'il ne s'est pas montré à nous. Ce qu'il s'est passé ce soir était vraiment étrange, mais si Rui m'a vraiment conduit à lui pour que je l'aide. Je le ferais sans fautes.

- On découvrira ce qu'il lui est arrivé et qui il est, affirma Haiko à son tour très intrigué.

Plusieurs heures passèrent lentement alors que les deux amis attendaient des nouvelles. Entre temps, ils reçurent un appel leur disant qu'il n'y avait pas eu de déclaration de disparition correspondant au jeune garçon. Et finalement, le matin pointa le bout de son nez sans que Akifumi n'ait eu de nouvelles de son petit protégé et il commençait à être sérieusement inquiet. Il but un café noir avec son ami. Ce n'était pas sa première nuit blanche mais ça n'en était pas moins pénible pour autant. Il aimait son sommeil. Mais enfin, Hideaki refit son apparition :

- Comment va-t-il ? Demanda Akifumi en se levant et en se dirigeant vers lui suivi de son ami.

- Il est sauf, apprit le médecin d'une voix fatiguée. On l'a mis dans un coma artificiel pour l'aider à guérir. On ne l'en sortira que dans un jour ou deux. Il va mettre du temps à s'en remettre mais il va s'en sortir. On l'a installé dans une chambre privée. Voulez vous le voir ?

- Allons-y, répondit-il avec un sourire soulagé.

L'homme les mena alors vers une chambre rectangulaire plutôt agréable et spacieuse. Il y avait deux grandes fenêtres encadrées de longs rideaux verts clairs sur l'un des murs les plus long faisant face à l'entrée. Et entre elles était placé une armoire de bois laqué clair. La partie supérieure des murs étaient blanche tandis que le bas était du même vert que les tentures. Un salon composé de deux canapés de cuir beige clair et d'une table basse se trouvaient à droite de la porte. À gauche, il y avait d'abord une porte donnant sur une salle de bain équipée d'une douche, d'une baignoire et d'un lavabo dans une décoration fine. Mais il y avait surtout le lit. Un lit médical qui dénotait un peu dans la décoration agréable. Au dessus de celui-ci, il y avait des néons éclairant vers le plafond et qui projetaient une lumière tamisée dans la pièce. Il y avait aussi diverses prises. Une petite armoire noire était placée juste à côté, renfermant un petit réfrigérateur. Une petite télécommande muni d'un bouton rouge y était posée accompagnée d'une autre destinée à contrôler l'écran plat pendant au plafond dans l'axe du lit. Un confortable siège de cuir beige clair était également placé juste à côté du matelas.

Ce fut vers celui-ci que Akifumi se dirigea. Il s'y assit en silence, les yeux rivés sur la frêle silhouette allongée là. Les traits de l'enfant étaient désormais paisibles mais il restait désespérément pâle. Quelques petits pansements couvraient son visage. On lui avait passé un tee-shirt hospitalier blanc. Un drap immaculé et une couette verte recouvraient son corps menu mais ses deux bras étaient tout deux au dessus des couvertures. Son bras doit était enfermé dans un plâtre de l'épaule jusqu'à la main et était replié sur son ventre en évitant soigneusement ses côtes. L'autre bras était presque entièrement bandé et une perfusion y était installée, reliée à plusieurs poches de produits divers. Une machine surveillait également sa tension et son pouls, émettant un petit bruit caractéristique régulier.

Akifumi s'assit près du lit, sentant sa colère remontée à l'égard de celui ou ceux qui avaient osés s'en prendre à un enfant de manière si barbare. Hideaki se posta à côté de lui, observant aussi son jeune patient. Le portable d'Haiko sonna soudain et il sortit pour répondre, refermant la porte derrière lui. Un léger silence s'étira dans la pièce mais finalement, le jeune homme prit la parole :

- Hideaki-sensei, commença-t-il en japonais, pouvez vous m'en dire plus sur son état ? Et pouvez vous m'en dire plus sur lui ?

- Oui, répondit le veille homme, mais ça ne va pas vous plaire, prévint-il.

Akifumi le regarda gravement avec un pré-sentiment des plus désagréable. Il y eut quelques secondes de silence avant qu'il ne reporte son regard sur le jeune garçon en priant le médecin de lui dire ce qu'il avait découvert.

- Pour commencer par son état actuel, commença alors Hideaki d'une voix calme et posée, il avait trois fractures en tout au bras droit. Il va devoir garder un plâtre pendant trois mois au moins. Il a aussi trois côtes brisées mais heureusement, aucune n'a fait de dégât interne. Il a une légère commotion cérébrale sans gravité. Ensuite, il a des brûlures du second degrés sur les jambes. Et il y a les multiples plaies. On a mis pas mal de temps à toute les soigner et beaucoup nécessitaient des points de sutures. On a pris grand soin à les recoudre en favorisant autant que possible l'absence de cicatrices mais il y en aura quand même. Il a aussi pris pas mal de coups et donc il y les hématomes et quelques contusions diverses un peu partout. Il va mettre un moment à s'en remettre mais sa vie n'est plus en danger. Il avait perdu pas mal de sang donc on a mis une transfusion en place. Et on va veiller à ce que ses blessures et brûlures ne s'infectent pas. Certaines étaient déjà bien parties mais nous les avons soigneusement nettoyé et nous lui administrons des antibiotiques pour éviter que ça n'arrive.

Le médecin s'arrêta un instant, observant toujours calmement l'enfant endormi. Akifumi attendit patiemment qu'il continu. Finalement, l'homme soupira et reprit :

- En le soignant, nous n'avons pas pu passer à coté d'autres constatations, commença-t-il. Sa maigreur d'abord, vous l'avez sûrement remarqué.

- Bien sûr, comment ne pas le voir ? Il ne pèse presque rien. Il a quoi ? Six ans et...

- Huit, interrompit Hideaki.

- Quoi ?

- Je pense qu'il doit plutôt avoir dans les huit ans, reprit le veille homme. D'après ce que nous avons pu constater, il souffre de malnutrition et de sous nutrition. Et visiblement, ça ne date pas d'aujourd'hui. Il a un retard de croissance, pas mal de carences et son corps en général n'est pas en excellente état. Je crois que cela fait plusieurs années qu'il n'est pas nourri correctement et très peu. Il souffre de déshydratation aussi. C'est pour cela qu'il fait plus jeune que son âge, il n'a pas eu ce qu'il lui fallait pour grandir correctement. Et ses défenses immunitaires ne sont pas au beau fixe.

- Je vois, souffla Akifumi qui tentait de maîtriser la colère qui montait en lui.

- Et malheureusement, ce n'est pas fini, reprit le médecin avec le même calme qu'auparavant. Son corps porte les marques de nombreux traumatismes plus ou moins anciens et il a pas mal de cicatrices. Alors je pense que...

- C'est un enfant battu ? Demanda Akifumi d'une voix froide.

- C'est certain, affirma Hideaki. Et je crois que ce n'était pas qu'un peu. J'ai pris une photo pour vous montrer, dit-il en sortant une image de sa manche.

Il la tendit au jeune homme qui s'en saisit. Ses yeux s'écarquillèrent de fureur et d'horreur en la découvrant. Il s'agissait d'une photo du dos de l'enfant. Il y avait plusieurs longues plaies qui avaient été recousues et soignées semblant provenir de coups de fouets ou de ceintures, il y avait pas mal de bleus, mais le pire était la présence de cicatrices plus anciennes. Celles-ci n'avaient rien d'ordinaires, elles gravaient des mots dans la peau de l'enfant. Des mots tels que « monstre », « anormal », « démon ». Akifumi sentait une colère débordante s'embrasser en lui. Qui avait osé faire une telle chose ? Il fallait être d'une réelle cruauté pour faire ça.

- Je crois qu'il avait droit à de vrais séances de tortures, reprit le veille homme. Ses plaies proviennent, soit de coup de ceintures, soit d'éclats de verres ou encore d'une lame aiguisée type couteau de chasse. Ses brûlures aux jambes ont été faites en enflammant un liquide sur sa peau, sûrement de l'alcool, ou avec de l'eau bouillante. Les traces sur son corps prouvent que ce n'était pas la première fois qu'il subissait ce genre de chose. Ses os portent quelques marques de fractures plus anciennes. D'ailleurs, elles n'ont pas toujours été soignées comme il aurait fallu. Certains os, au niveau de ses doigts par exemple, se sont mal ressoudés et gênent ses mouvements. Je pense aussi qu'il devait vivre enfermé et qu'il ne voyait pas souvent la lumière du jour.

Il garda de nouveau le silence alors que Akifumi avait écrasé la photo qu'il tenait dans son poing visiblement très en colère. Mais il se maîtrisait parfaitement, comme toujours. Hideaki avait été dans le même état en découvrant l'état du jeune garçon au fur et à mesure de ses soins. L'enfant avait du vivre un véritable enfer et il était heureux que le jeune homme l'ai trouvé.

- Y-a-t-il autre chose ? Demanda Akifumi d'une voix neutre et contrôlée.

- Il y a encore une chose, répondit le médecin. Et ce n'est pas la plus joyeuse.

- Dîtes moi.

- Il a été violé, lâcha Hideaki avec un mélange de rage et de tristesse transparaissant dans sa voix.

Akifumi tourna le visage vers lui dans un mouvement brusque et la fureur se peignit définitivement sur son visage. Il serra les poings. Il prit finalement une grande inspiration pour se calmer :

- Savez vous si c'est arrivé souvent ? Demanda-t-il.

- Peut-être deux ou trois fois. Mais je ne peux en être certain, répondit-il. Ce qui l'est en revanche c'est que cela a été brutal.

Akifumi grogna de rage :

- Celui qui a fait ça va le regretter, dit-il d'une voix dangereuse. Je vais demander à Seigi de trouver qui il est. Avec une photo et si vous pouvez lui donner des informations comme une blessure qui aurait été soigné dans un hôpital, une marque caractéristique... il devrait pourvoir trouver facilement. Une fois que se sera fait, il mènera une enquête pour que nous sachions précisément ce qu'il en est. C'est sûrement sa famille, si on peut appeler ça comme ça, qui lui a fait subir ça. Mais on ne peut pas en être totalement sûr. Je vais m'occuper de cette affaire moi même. Les autorités sont d'une incompétence rare dans ce domaine. Ils seraient capables de le renvoyer d'où il vient et je ne donne pas cher de sa vie si cela arrive. Alors je m'en occuperais personnellement.

- C'est mieux en effet, remarqua Hideaki habitué à ce genre de chose.

Quand on était aussi puissant que la famille Uizado, on ne s'embêtait pas avec les procédures officielles.

- En attendant, reprit Akifumi, pouvez vous vous occuper de lui pour qu'il guérisse le mieux possible ? J'ai confiance en vous.

- Votre père n'a pas vraiment besoin de moi en ce moment alors j'ai tout mon temps. Je vais rester ici et m'occuper de ses soins moi même. Je me suis déjà arrangé avec Smith. Il faut juste que je le prévienne.

- Je dois le rejoindre pour des réunions tout à l'heure. J'expliquerais à mon père ce qu'il se passe. Pour ce qui est de lui, dit-il en observant le jeune garçon, il vaut mieux ne pas ébruiter cette affaire.

- Je me suis arrangé avec Smith pour ça aussi, répondit Hideaki. Je me doutais que vous voudriez régler ça vous même alors je lui ai parlé. Il n'a pas prévenu les autorités et il gardera le secret sur lui et sur votre implication, moyennant paiement bien sûr. Officiellement, c'est moi qui ai pris en charge cet enfant et non cette clinique.

- Très bien. Merci Hideaki-sensei. Je compte sur vous pour veiller sur lui. Je reviendrais le voir dés que je pourrais et je vais mettre Seigi sur cette affaire dés aujourd'hui. Faites tout ce qu'il faut et prévenez moi s'il arrive quelque chose.

- Hai (« oui » en japonais), Akifumi-sama, répondit le médecin.

- Il faut que je rentre à l'hôtel, j'ai du travail, annonça le jeune homme.

Il se leva de son siège mais il ne s'en alla pas tout de suite. Il s'approcha un peu plus de l'enfant, s'assaillant au bord du lit. Il écarta les cheveux de son visage du bout des doigts dans un geste doux, se promettant intérieurement qu'il veillerait sur cet enfant vers qui Rui l'avait conduit. Repensant au dragon, il détacha son collier portant le pendentif et l'attacha autour du cou de son petit protégé, se disant qu'il avait bien plus besoin de la protection et de l'aide de la créature que lui même. Il crut voir le pendentif briller un instant alors qu'il reposait sur la frêle poitrine mais cette vision fut si furtive qu'il douta de l'avoir réellement vu.

Il s'éloigna ensuite et laissa le médecin avec l'enfant. Dans le couloir, il retrouva Haiko qui venait visiblement de terminer sa conversation téléphonique. Ensemble, ils regagnèrent la voiture. Akifumi s'installa à l'arrière et son ami prit le volant. Sur le trajet, il lui expliqua ce que lui avait dit Hideaki, sentant sa colère remonter et voyant celle de son ami en faire autant. Lorsqu'il eut terminé, il sortit son téléphone et appela Seigi. Seigi était, comment dire ? Un homme de main très doué, rapide et efficace qui l'accompagnait dans tout ses déplacements. Il était le mieux placé pour se charger de ça en toute discrétion. Il discuta un moment avec l'homme, lui expliquant la situation sans entrer dans les détails. Il lui demanda tout d'abord de découvrir l'identité de l'enfant, lui disant de contacter Hideaki pour avoir des informations, puis de se renseigner sur lui et sa famille.

Le soir venu et après avoir fait une sieste et prit une douche. Akifumi se dirigea de nouveau vers la clinique où se trouvait son petit protégé avec Haiko qui ne le lâchait pas d'une semelle, comme à son habitude. Il avait parlé de lui à son père et celui-ci était de son avis quant à s'occuper eux même de cette affaire. Lorsqu'il entra dans la chambre avec son garde du corps, il trouva Hideaki en train de vérifier les perfusions de l'enfant qui n'avait pas bougé d'un pouce. Il s'avança vers lui et lui laissa le temps de terminer, observant son petit protégé toujours aussi pâle. Haiko se posta au bout du lit. Ils se saluèrent ensuite et Akifumi demanda :

- Comment va-t-il ?

- Ça va, répondit le médecin. Il a de nouveau tout le sang qu'il lui faut et il ne montre pas de signe d'infection. On le sortira du coma artificiel demain et il devrait se réveiller rapidement ensuite.

- Je veux être là quand ça arrivera, prévint Akifumi.

- Je vous préviendrais, assura le veille homme. Mais il faudra être très patient et calme avec lui. Je ne pense pas que son état mental soit meilleur que celui de son corps.

- Je m'en doute, soupira tristement le jeune homme.

- Mais tu es sûrement le mieux placé pour gérer ça, remarqua Haiko. Je ne connais personne qui sache mieux s'adapter à l'état d'esprit des autres que toi. Et puis tu es doué avec les enfants.

- Je suis d'accord, renchérit le plus vieux.

- J'ai eu six petits frères et petites sœurs pour m'entraîner, sourit Akifumi en réponse. Je m'en occuperais Hideaki-sensei, assura-t-il plus sérieusement.

- Très bien, je vous attendrais donc pour le réveiller.

Alors qu'ils discutaient, on entendit toquer à la porte. Haiko alla ouvrir et lorsqu'il découvrit qui était là, il s'écarta du passage en tenant la porte. Il s'inclina légèrement :

- Konbawa Uizado-sama, salua-t-il respectueusement. (« Bonsoir monsieur Uizado », ici le « sama » est aussi une marque de respect.)

- Bonsoir Haiko, répondit aimablement l'homme en entrant. Hideaki, salua-t-il ensuite avec un signe de tête.

Le médecin le salua comme un ami et le nouveau venu se tourna ensuite vers Akifumi :

- Je suis venu voir ton petit protégé, lui dit-il avec un léger sourire.

Le plus jeune sourit à son père. Rengu Uizado était un homme plutôt grand d'environ cinquante cinq ans. Ses cheveux noirs coupés courts commençaient à grisonner légèrement. Il avait des épaules fortes et carrées et une silhouette assez impressionnante. Akifumi, s'il n'avait pas sa carrure imposante, lui ressemblait tout de même beaucoup dans ses traits, élégants et forts. Il se tenait droit et fier et si son visage sans expression pouvait paraître incroyablement froid, lorsqu'un sourire étirait ses lèvres il devenait chaleureux et avenant. Il avait un regard noir vif et perçant. Il était vêtu d'un costume chic. Haiko et Hideaki sortirent en refermant la porte derrière eux alors que le père avançait vers son fils. Tout deux se retrouvèrent à droite du lit et Rengu prit place avec élégance sur le fauteuil de cuir qui se trouvait toujours là. Il observa l'enfant endormi les mains croisées sous le menton.

- Comment va-t-il ? Demanda-t-il au bout de quelques instants.

- Hideaki a dit que son état s'améliorait doucement. Il va le sortir du coma demain.

- Tu lui as prêté ton médaillon, constata-t-il en observant le bijou autour du cou de l'enfant.

- Oui, il en a plus besoin que moi pour le moment. Et ça a beau paraître étrange, j'ai vraiment l'impression que Rui m'a conduis à lui.

- Même si on ne l'a plus vu depuis longtemps, commença Rengu d'une voix douce, Rui veille toujours sur nous. C'est une certitude pour nous tous. Ce n'est pas la première fois que l'on reçoit ce genre de signe. Plusieurs de nos ancêtres ont relaté des faits semblables. Et visiblement, cet enfant à vraiment besoin de notre aide. Quel monstre a osé s'en prendre à lui d'une telle manière ?

- Je ne sais pas. Mais j'ai bien l'intention de le découvrir et de lui faire payer. Ensuite je veillerais à ce que cet enfant ai la vie qu'il aurait toujours dû avoir.

- Nous sommes en Angleterre pour deux semaines encore mais nous pourrons rester un peu plus longtemps si tu en as besoin.

- Arigatou oto-san. (« Merci papa »)

- De rien. Moi non plus je ne supporte pas de voir ce genre de chose. Seigi n'a pas encore d'informations ?

- Non. Mais il m'a dit qu'il aurait ces informations demain matin au plus tard.

- Il est toujours aussi efficace à ce que je vois, sourit le plus vieux.

- C'est toi qui m'a appris à m'entourer de gens efficaces et de confiances, remarqua Akifumi.

- C'est vrai, ricana son père. J'aimerais moi aussi connaître le fin mot de cette histoire. Nous n'avons pas de rendez vous prévu demain alors si Seigi trouve quelque chose, j'aimerais l'entendre aussi. Avec le récit que tu m'as fait ce matin, je voudrais être au courant et aider si besoin.

- Merci. Je lui ai donné rendez vous ici demain matin. Nous n'aurons qu'à venir ensemble écouter ce qu'il aura à dire.

- C'est d'accord.

- Pourrais tu te passer de moi de moi demain après midi ? Hideaki a dit qu'il se réveillerait sûrement dans ces eaux là et vu ce qu'il a subi, il sera sûrement dans un état de fragilité mentale. J'aimerais m'en occuper. Je me sens responsable de lui.

- Nous n'avons que des rendez vous mineurs alors je peux m'en occuper seul. Ce ne sera que de la discussions sans grand intérêt. Je leur dirais qu'une affaire d'importance te retient ailleurs. Il n'y a pas de problème. Occupes toi plutôt de cet enfant, il va avoir besoin de quelqu'un pour le rassurer et tu es la meilleure personne pour cela.

- Merci papa.

- On ne peut décemment pas laisser cet enfant comme ça, remarqua Rengu. Il fait vraiment peine à voir, soupira-t-il en observant le jeune garçon.

- C'est vrai, murmura Akifumi. Les monstres capables de telles horreurs me dégouttent. Rien ne justifie un tel comportement.

Son père approuva et un silence s'installa mais il fut vite brisé par le patriarche :

- Au moins pour une fois tu as dû pouvoir échappé au sermon de Haiko pour lui avoir faussé compagnie, ricana-t-il.

- Et pourtant, soupira dramatiquement Akifumi, il a quand même trouvé le moyen de me faire la morale.

- Et il a raison, répondit Rengu d'une voix légère. Les gens comme nous ont des ennemis partout, dit-il plus sérieusement.

- Ce n'est pas comme si je ne savais pas me défendre et je suis toujours prudent, remarqua Akifumi.

- C'est vrai, sourit son père.

Ils restèrent encore un peu, observant l'enfant qui dormait. Avant de s'en aller, Akifumi insista pour rencontrer l'infirmière qui surveillerait sur son petit protégé pendant la nuit. Il lui fit bien comprendre qu'elle avait intérêt à bien veiller sur lui et fut satisfait d'avoir eu à faire à une femme d'expérience visiblement très sérieuse et sûre d'après Hideaki. Tous regagnèrent ensuite leur hôtel pour la nuit, Akifumi ayant des projet plein l'esprit pour faire payé leurs actes à ceux qui avaient osé torturer un enfant.