Chapitre 6 : Le trésor du pirate.
Katsuki avait du mal à réfléchir calmement ces derniers temps. Il piquait des colères pour des broutilles. Son bain était trop chaud, son thé trop froid, l'herbe des champs mal coupée, les journées trop courtes, les nuits trop longues. Le seul qui n'en prenait pas pour son grade était Izuku. Le duc se comportait plus doucement avec lui, même s'il l'invectivait quand Izuku n'arrivait pas à apprendre une position pour se battre à l'épée.
— Tu n'arriveras jamais à me rattraper si tu restes aussi mollasson, ronchonna-t-il.
Mais le sourire d'Izuku le désarma.
— Je vais y arriver, dit-il.
— Hmpf.
C'était la seule chose qu'était capable de répondre Katsuki alors que son cœur battait si fort dans sa poitrine qu'il bloquait tous ses mots.
— Ça ne va pas Kacchan ? demanda Izuku. Tu es tout rouge.
Katsuki s'enflamma et lâcha son épée :
— On laisse tomber pour aujourd'hui, gueula-t-il, tes incapacités m'énervent !
Puis il s'éloigna rapidement du garçon qui lui faisait tourner la tête. Il avait besoin de respirer un peu.
Ses pas le guidèrent jusqu'à la cuisine, sans qu'il ne sache pourquoi. C'était son cœur qu'il avait besoin de calmer, pas son estomac.
— Eh tête d'œuf, salua-t-il en voyant Ochaco.
La fille se mordit les lèvres pour ne pas lui lancer une phrase bien sentie.
— Qu'est-ce que tu lui trouves à Izuku ? demanda-t-il tout de go en piquant un bout de fromage.
— Pourquoi je te le dirais ?
— Parce que je te le demande.
— Ça ne te regarde pas.
Katsuki haussa les épaules. Et parce qu'il était de mauvaise humeur, il marmonna :
— Je me demande ce qu'Izuku te trouve.
Ochaco éclata :
— Peut-être qu'il me trouve que moi je ne l'ai jamais maltraité, que je suis une véritable amie et que je prends soin de lui au lieu de toujours l'engueuler pour rien !
Katsuki maugréa :
— Vous iriez bien ensemble, vous êtes du même rang.
— Le rang n'a rien à voir avec l'amitié ou l'amour abruti de duc ! Vous pouvez me faire virer si vous le souhaitez, mais ne venez plus dans ma cuisine, où c'est moi qui vais vous botter les fesses !
Katsuki ne s'énerva pas, il quitta la cuisine en silence.
Comme Mitsuki l'avait dit.
Le rang n'avait rien à voir avec l'amour.
Katsuki pouvait aimer Izuku. Depuis le début il pouvait l'aimer. Qu'importe ce qu'en pensait la noblesse, qu'importe ce qu'en dirait le roi lui-même. Qu'Izuku soit comte, ou rien du tout, cela n'avait aucune importance.
De toute façon, être duc c'était nul, il le savait, il l'avait été pendant des années et ça n'avait pas fait de lui une bonne personne.
Et pour Izuku, il serait prêt à sacrifier tout le reste.
Seulement, ça ne lui disait toujours pas ce que ressentait l'adolescent aux cheveux verts pour lui.
xxx
Pour le grand ménage de printemps, Izuku était archi occupé, il fallait aérer les pièces, les nettoyer, cirer les parquets, laver les vitres, faire la poussière, ranger et astiquer. Katsuki s'ennuyait comme un rat mort et décida de mettre la main à la pâte lui aussi. Il n'était pas doué pour les tâches ménagères, mais il avait tendance à apprendre vite. Ce n'était pas l'activité la plus passionnante que le ménage, se mouiller les mains, récurer, briquer, faire briller, mais il le faisait avec Izuku alors ce n'était pas si terrible non plus.
Pour s'amuser, Katsuki fouillait les placards abandonnés depuis longtemps et les bureaux dont les tiroirs n'avaient plus été ouverts durant des années. Personne ne le faisait jamais, les serviteurs n'avaient pas le droit de fouiner, mais Katsuki était le maître des lieux, il pouvait bien fouiller s'il le désirait.
Dans l'ensemble il ne trouva rien d'intéressant, surtout des vieux papiers oubliés, une pipe et du tabac qui n'avaient plus été utilisés depuis très longtemps, des vieux mouchoirs mangés par les mites. Aucun trésor.
Izuku s'amusait de son comportement :
— Qu'espères-tu trouver ? lui demanda-t-il, un trésor caché ?
— Je ne sais pas, répondit Katsuki. Peut-être la lettre d'un amant oublié, lettre qui provoquerait un drame familial. Et nous nous retrouverions dans ce genre de romans stupides où tout le monde se dispute puis se réconcilie sur des pages et des pages.
— Je préfère les aventures que les drames familiaux, fit Izuku.
— Et quel genre d'aventure pourrait-on trouver dans un tiroir ?
— Une carte aux trésors ? proposa Izuku.
— Et qui aurait enterré un trésor sur ces terres ?
— Je ne sais pas, un vieux pirate à la retraite peut-être.
— Si tu veux mon avis, les vieux pirates à la retraite dilapident leurs trésors dans l'alcool et les jeux de cartes. Il ne les enterre pas.
Tout en disant ça, Katsuki ouvrit un nouveau tiroir.
À l'intérieur de celui-ci, il y trouva des bijoux.
— Et voilà ton trésor, capitaine Izuku, se moqua-t-il.
Il y avait des boucles d'oreilles, sans doute en or, qui n'avait plus jamais été mises. Un collier de perles. Katsuki l'enfila et cligna des yeux plusieurs fois :
— Comment tu me trouves maintenant que j'ai découvert le trésor du vieux pirate à la retraite ?
Izuku ne put s'empêcher de rire. Le caractère de Katsuki était explosif, ça ne l'avait jamais empêché d'avoir de l'humour.
— Tu es très beau, je suis sûr que tu feras fureur au prochain bal.
— Je n'en doute pas. Les femmes vont se battre entre elles pour que j'accepte une danse avec elles. Ce qui serait inutile, puisqu'il n'y a qu'une seule personne à qui j'accorderais une danse.
Izuku arrêta un instant de nettoyer et demanda sérieusement :
— Qui donc ?
— C'est un secret, répondit Katsuki évasif, il remit le collier de perle dans le tiroir et faillit le refermer avant d'apercevoir autre chose.
Il n'écoutait plus Izuku qui râlait pour savoir QUI aurait le droit de danser avec Katsuki. Ses doigts attrapèrent des bracelets d'argents. Des gourmettes. Et sur chacune d'elle était écrite un nom. Le sien. Katsuki. Et celui d'Izuku. C'était quoi ces trucs ?
— Bon tu me réponds, insistait Izuku, qui pourra danser avec toi ?
Katsuki se tourna vers lui et lui montra sa trouvaille :
— Tu sais ce que c'est ? demanda-t-il.
— Ne change pas de sujet, je veux savoir qui…
— Izuku, est-ce que tu as déjà vu ces gourmettes ? le coupa Katsuki en les lui fourrant sous le nez.
Enfin l'adolescent l'écouta et regarda les bracelets où leurs noms étaient écrits. Il secoua la tête. Tout comme le duc, il n'avait aucune idée de ce que c'était.
— Peut-être un vieux cadeau que voulaient nous faire nos parents et qu'ils ont oublié avec le temps à cause de tout ce qu'il s'est passé.
Katsuki resserra ses doigts sur les gourmettes.
— Est-ce qu'on devrait les mettre maintenant que tu les as retrouvés ? interrogea Izuku. Regarde il y a mon nom et le tien.
Le blond hésita, mais finit par donner la gourmette marquée Izuku au concerné. Ils les accrochèrent à leur poignet. Puis Izuku regarda Katsuki droit dans les yeux :
— Et maintenant tu dois me dire avec qui tu accepterais de danser !
— Avec ta mère, maugréa Katsuki.
xxx
Katsuki était perdu dans ses pensées au repas ce soir-là. Sa mère lui parlait pour lui demander ce qu'il avait pensé des tâches ménagères. Le duc répondit à peine. Mitsuki plissa les yeux et observant son fils, elle vit un bracelet briller à son poignet. Elle se leva d'un bond et se rapprocha de Katsuki, lui attrapa le bras et regarda la gourmette où était écrit le nom de son fils :
— Où est-ce que tu as trouvé ça ?
— Pourquoi tu t'énerves comme ça ? ronchonna Katsuki. On les a juste trouvés dans un vieux tiroir. J'ai donné la sienne à Izuku. Je ne comprends pas pourquoi vous ne nous les avez jamais donnés.
Mitsuki échangea un regard avec Masaru. Ce genre de regard qui disait « nous savons quelque chose que tu ignores ». Katsuki explosa :
— Elles ont quoi ces gourmettes à la fin ?
Mitsuki soupira :
— C'était simplement un rêve que l'on partageait avec Inko, dit-elle.
— Quoi ? Votre rêve c'était de nous donner des gourmettes ?
Mitsuki se mordit les lèvres.
— C'est une longue histoire compliquée, qui n'a plus d'importance, dit-elle.
— Alors pourquoi tu en fais tout un plat ? Finalement les gourmettes ont retrouvé leur propriétaire non ?
Mitsuki secoua la tête.
— Non, elles n'ont pas retrouvé leur propriétaire.
Katsuki s'énerva :
— Alors quoi ? Il y a un autre Katsuki et un autre Izuku ?
— Non.
— Je ne comprends rien à ta foutue histoire, grommela Katsuki. Ça me gonfle.
Mitsuki secoua la tête comme pour dire à son fils de laisser tomber. Mais Katsuki insista :
— Allez, explique-toi !
— Non, dit la mère.
— Si, appuya le fils.
Mitsuki fronça les sourcils puis soudain son regard s'éclaira et elle lança :
— D'accord je te dirai tout à une seule condition.
— Laquelle ?
— Que tu arrêtes de te mentir à toi-même et à Izuku.
— Mais de quoi tu parles ? beugla Katsuki.
— Tu le sais très bien, répondit Mitsuki.
— Tes conditions c'est de la merde, fit Katsuki furieux.
— Surveille ton langage !
Le duc en avait assez entendu, il se leva de table, maugréa qu'il n'avait plus faim et alla s'enfermer dans sa chambre. Il se déshabilla pour la nuit et se coucha. Il fit tourner la gourmette autour de son poignet, cette gourmette où était écrit son nom.
Quel était le secret autour de ces bracelets ?
Katsuki ne le saurait sans doute jamais, parce qu'il n'était pas prêt à arrêter de se mentir à lui-même, et surtout à Izuku.
xxx
Lorsque Inko aperçut l'éclat argenté au poignet de son fils, elle sut de quoi il s'agissait. Son cœur faillit s'arrêter tant la tristesse qui lui tomba dessus fut forte. Elle repensa à sa jeunesse dorée, à son amitié avec Mitsuki, à leurs rêves d'être encore plus proches en unissant leurs enfants (avec leur consentement). Puis la dégringolade après la punition du roi Endeavor, et la disparition des gourmettes qui ne serviraient sans doute jamais.
— Où as-tu trouvé ça ? demanda-t-elle à son fils.
— C'est Kacchan qui les a trouvés dans un tiroir pendant qu'il m'aidait à faire le ménage. Comme y avait nos noms dessus, on les a mis. On a pensé que c'était un vieux cadeau que vous vouliez nous faire, mais que vous aviez oublié.
— Quelque chose comme ça, murmura Inko.
Elle s'assit sur le lit de son fils et lui demanda :
— Comment cela se passe-t-il avec Katsuki ?
— Plutôt bien, répondit Izuku avec un grand sourire.
— Il ne s'en prend plus à toi ?
— Plus vraiment. Mais tu le connais, il a un caractère explosif alors…
Inko eut un petit rire :
— Il ressemble tellement à Mitsuki.
— Il est incroyable maman, tu sais. Malgré tout ce qu'il a fait, et derrière son sale caractère, je vois bien qu'il fait de son mieux. Il veut devenir une personne meilleure et il a toujours tout fait pour en savoir le plus possible sur tout pour bien diriger le duché. Je ne sais pas si j'aurais réussi à être un aussi bon comte que lui est duc.
— Bien sûr que si mon chéri, fit Inko en prenant son enfant dans ses bras.
La vie n'était pas juste, les gens vivaient dans un monde qui ne les rendait pas égaux. Mais Izuku aurait pu avoir encore moins de chance. Mitsuki et Inko auraient pu ne jamais être amies, et il aurait pu vivre loin de Kacchan, ne même pas connaître son existence.
— Je suis heureux, maman, dit-il.
Et le cœur de sa mère se serra très fort.
— Je suis heureux avec Kacchan.
Inko comprit le sens de ces mots, alors que même son fils n'en saisissait pas tout à fait la portée. Elle posa son front contre celui d'Izuku.
— Quoiqu'il arrive, dit-elle, Mitsuki et moi, on sera toujours là pour vous soutenir, d'accord ?
— D'accord, acquiesça le garçon en souriant.
À suivre.
L'autatrice : je sais, il ne se passe pas un million de trucs dans ce chapitre, mais j'espère que vous l'apprécierez quand même !
