Voici la première version de cette histoire, écrite en 2012. J'avais donc 16 ans. C'était peut-être ça, la fin du monde de 2012... C'est objectivement très mauvais, mais cela vous donnera une idée de mes progrès haha ! Bonne lecture !


Un Chevalier ne se sacrifie jamais seul

Le vent glacé balayait violemment l'immensité gélée qui s'étendait par-delà l'horizon. Il arrachait par bourrasque de fins cristaux de neige qui s'envolaient dans un tourbillon dévastateur et gracieux. C'était un pays de froid, d'exil et de sommeil. Nathalie souleva difficilement ses paupières couvertes d'une couche de givre, et laissa l'éclat aveuglant du paysage lui agresser les yeux.

Les grandes plaines de Sibérie... Hyoga m'en a tellement parlé. Mais pourquoi je suis ici ?

Elle ferma les yeux, épuisée. Ses forces l'abandonnaient peu à peu, aspirées par le froid ambiant comme les dernières particules de chaleur qui logeaient encore en elle. Elle ne se rappelait plus très bien... L'odeur du sang lui restait dans la narine, et elle sentait sur ses joues cristalliser quelques larmes attardées. Elle tentait désespérément de se raccrocher aux souvenirs qui vivotaient et virevoltaient dans son esprit engourdi, mais sitôt elle les approchait qu'ils s'enfuyaient en tremblotant. Un sentiment confus l'habitait et brouillait ses sens. Elle se sentait... lasse. Seule une pensée demeurait debout dans sa mémoire ruinée : elle était fatiguée. Détruite. Elle cessa de réfléchir. Trop dur, trop fatiguant. La mélodie du vent la berçait ; si elle était bien en Sibérie, Hyoga finirait bien par la retrouver. Elle laissa le sommeil s'emparer de sa conscience...

Tout à coup, un cri déchira l'atmosphère déchainée et enchanteresse des plaines enneigées pour parvenir jusqu'à son oreille ankylosée :

— Nathalie !

Cette voix ? Que faisait-elle en Sibérie ?

— Nathalie ! Réveille-toi, Nath', tiens bon !

Cet appel tira la jeune fille de son endormissement plus efficacement qu'un coup de tonnerre. Avec un violent effort, elle ouvrit les yeux et promena son regard autour d'elle. Sa vue était trouble, étourdie par la clarté de l'atmosphère. Désorientée, elle se concentra sur la provenance de la voix, et finit par distinguer Seiya à travers le blizzard. Il était enterré jusqu'au cou dans la glace, comme elle d'ailleurs. Il semblait effrayé. Depuis qu'ils étaient ici, il essayait de tirer la jeune fille de sa léthargie. Il avait perçu son cosmos diminuer comme le ressac des vagues quand la mer se retire, mais il ne s'était pas découragé de la ramener. Sans elle, il n'aurait plus aucune raison d'espérer, et de lutter lui aussi pour sa vie contre les bourrasques glacées.

— Nathalie, tu m'entends ?

Elle hocha lentement la tête, comme un vieil automate rouillé dont le cou fragile menace de céder à tout instant. Elle était déjà si faible ?! Fébrile, il tenta de faire fondre sa tombe de glace pour aller la déterrer à son tour, mais son cosmos se consuma sans éclat. Ce n'était plus qu'une braise presque éteinte qui brulait sans chaleur. Il n'y avait aucun espoir de ce côté-là.

— Qu'est-ce qu'on fait en Sibérie ? murmura Nathalie.

Cette phrase mourante rappela l'attention de Seiya. Elle-même semblant surprise de la chétivité de sa voix. Elle ne savait donc même plus où elle était ? Le cœur du garçon se serra. Devait-il vraiment lui rappeler la vérité ? Il hésita un instant, mais il devait avant tout penser à leur mission, et il avait besoin d'elle. Quitte à sacrifier le peu de lucidité qui restaient à son amie.

— Nous ne sommes pas en Sibérie, dit-il d'une voix douce, en choisissant ses mots. Nous sommes dans le Cocyte.
— Le Cocyte ?

A ce nom, un fourmillement incroyable de pensées s'agita dans son esprit. De vieilles connaissances refirent surface. Une carte, une carte d'un pays qu'elle croyait imaginaire, composé de prisons... Un mot sur ce vieux parchemin sembla tout à coup prendre vie, enfler et grossir jusqu'à effacer tous les autres. Le Cocyte, la huitième prison des Enfers. Et les souvenirs tombèrent en cascade sur sa mémoire jusqu'à l'étouffer.

Athéna. Le Sanctuaire. Saga, Camus, Shura. Shaka. L'Athéna exclamation. Athéna. Le suicide. Le sang divin. Shion. L'armure divine. Le château. La mort des chevaliers d'or. Rhadamanthe. Les Spectres. Le huitième sens. La porte. L'Achéron. La première prison. Kanon. Cerbère. Pharaon.

Orphée. Eurydice.

Nathalie haletait. Elle qui mourait de froid, elle suait à grosse goutte sous la douleur qui l'écrasait. Elle aurait voulu faire le vide, tout oublier pour pleurer la mort de ses parents à peine retrouvés. Mais sa mémoire ne lui laissait aucun répit.

Shun.

Shun, son amour, son trésor, celui à qui elle avait donné sa vie, ce petit être fragile, le Chevalier d'Andromède.

Shun était Hadès.

Nathalie pleurait. Toute la souffrance qu'elle avait canalisée depuis les débuts des combats explosait enfin. Ses sanglots se répercutaient dans les immensités glacées de la prison où elle était condamnée à geler éternellement. Ils transperçaient des bourrasques meurtrières moins blessantes qu'eux. Tout l'univers s'était écroulé pour devenir un concentré de douleur.

Seiya regardait. Les larmes de sa sœur gelaient à peine sorties de ses yeux, mais il ne pouvait les essuyer. Il sentait toute la folie douloureuse qui accablait ce pauvre être à quelques pas de lui, il la comprenait, et il regardait. C'était tout ce qu'il pouvait faire. Pas un geste, pas un acte, juste être là, à souffrir de la voir souffrir.

.La jeune fille laissa finalement retomber sa tête. Elle était parcourue de violents frissons qui semblaient l'épuiser plus encore. Il se haïssait de lui faire endurer cela. Mais ils devaient continuer à avancer.

— Nathalie, écoute moi... reprit-il d'une voix ferme.
— Non TOI écoute moi ! rugit-t-elle à s'en arracher les cordes vocales, furibonde. Je lui ai fait confiance, j'en ai fait mon ami, je l'ai aimé, et il m'a trahit ! Shun n'a jamais existé, ce n'est qu'un mensonge d'Hadès !
— Nathalie, je... je suis sûr que...
— Je suis tombée amoureuse d'Hadès !

Ce cri se répercuta dans la plaine déserte comme le glas d'une église. Il ne savait que dire. Il cherchait désespérément une explication, lui aussi blessé par la réelle identité d'Hadès, mais ne trouvait rien. Les terribles pleurs de sa sœur accaparaient son attention. Il se dit qu'il était un monstre, et redoubla d'effort. Soudain, un éclair traversa sa pauvre cervelle désespérée.

— Mais... Shun a souvent été seul avec Athéna sans défense ! Pourquoi ne l'a-t-il pas tuée à ce moment-là ?

Peu à peu, un raisonnement se construisait.

— Les chaines d'Andromède ne l'aurait jamais reconnu Chevalier si Shun n'était pas véritablement bon. Sans parler de Mu qui lit dans les pensées, et de Shaka !

Il manquait un élément essentiel. Un élément sur lequel il n'arrivait pas à mettre le grappin. Le rouage principal...

— Julian Solo...
— Oui, c'est ça ! Shun est possédé par Hadès comme Solo par Poséidon !

Seiya avait presque crié de joie. Il y avait enfin un espoir ! Avec un peu de chance et l'Armure d'Athéna, ils pourraient chasser Hadès, sauver Shun, protéger Saori et... Le garçon se figea tout à coup dans son enthousiasme. Ce n'était même plus un murmure, mais un râle presque inaudible que Nathalie avait articulé. Elle faiblissait de plus en plus, exténuée par sa crise d'hystérie. Elle allait mourir s'il ne la sortait pas vite de cette fichue prison !

Un coup de vent puissant rasa le sol, et le garçon réfugia son visage dans le col de son Armure. Lui aussi commençait à s'engourdir dangereusement. Il jeta un coup d'œil aux alentours, et ravala un sanglot. A quelques pas de lui, Aiolia, Mu et Milo gisaient dans la neige, déjà morts sans doute. Heureusement que Nathalie ne les avaient pas vus. Son regard se posa de lui-même sur la jeune fille. Epuisée, à l'article de la mort, les larmes coulaient encore en silence le long de ses joues irritées. Ni les chevaliers d'or, ni sa sœur ne pouvaient l'aider à sauver Saori. Quelque part, il en voulait à Nathalie de se laisser abattre ainsi, sans penser que lui aussi allait perdre celle qu'il aimait... Il serra convulsivement l'Armure d'Athéna dans son poing, et sentit peu à peu le désespoir le gagner à son tour. Il allait perdre Saori, et il était bloqué ici... A mourir...

La neige coupante balayait la grande plaine enneigée. Plus que le froid, c'était le silence qui gelait toute vie dans ce lieu. Le vent hurlait et sifflait dans les interstices des roches, parfois un bruit sourd comme un roulement de terre retentissait, mais malgré ce raffut, l'écrasant silence pénétrait chaque pore des êtres vivants et les dévoraient de l'intérieur. Seiya sentait les bourrasques glacées sévir et tourbillonner à l'intérieur de son crane vide. Plus rien ne bougeait. Sa volonté semblait annihilée. Il laissa délicieusement le sommeil s'emparer de ses sens...

— Tu as toujours l'Armure ?

Il ouvrit à demi ses yeux ternes. Nathalie le regardait. Depuis combien de temps ? Il ne pouvait le dire. Apparemment, elle avait eu le temps de se calmer. Elle avait même cessé de pleurer, bien qu'une immense tristesse obscurcissait ses prunelles. Ses traits avait changé, emprunts à présent d'une nostalgie sans pareille, peut-être pour le reste de sa vie. Elle attendait sa réponse, rassemblant ses dernières forces pour se concentrer et réfléchir. Sa voix avait d'ailleurs repris un peu de vigueur. Seiya acquiesça d'un mouvement de tête.

— Tu crois qu'on pourrait se déterrer ? continua-t-elle.
— Impossible, j'ai déjà essayé.

Les yeux de la jeune fille se perdirent dans le vague un instant. Son frère savait ce qu'elle pensait. Ils devaient rester en vie le plus longtemps possible et guetter une occasion de sortir de là. Mais au moins, ils étaient deux pour se soutenir.

— Hey, tu sais ce que fait un canard qui a trop chaud ? lança-t-il.

Nathalie lui tira la langue avec un sourire amusé.

— Elle est débile cette blague ! Tu ne changeras vraiment jamais !
— Actuellement je me change en glaçon, ça compte maitresse ?
— Désolée, le brevet a été déposé par Hyoga !

Ils explosèrent de rire. La tension accumulée depuis plusieurs heures se relâchaient enfin un peu. Hyoga, enfin un de leur ami toujours en vie. Peut-être pourrait-il les aider, voire achever lui-même la mission.

— Il faut qu'on continue à parler pour rester en vie, reprit Nathalie quand elle se fut calmée. Et pour ne pas penser à... à...
— De quoi veux-tu qu'on discute ? demanda précipitamment le garçon, sentant sa sœur défaillir.

Elle hésita un instant, mais reprit rapidement.

— Je me demandais Seiya... Que viens faire Seika là-dedans ?
— Ma sœur ?
— Justement... Orphée nous a dit qu'il n'avait eu que deux jumeaux. Toi... et moi.

Le garçon se figea. Il n'y avait pas pensé... Depuis tout ce temps, il n'avait couru que derrière... une chimère ? Seika n'était pas sa sœur ? A la réflexion, elle ne lui ressemblait pas, ni à ses parents d'ailleurs, contrairement à Nathalie.

— Pour moi, elle sera toujours ma sœur.
— Bien sûr.

Le silence retomba sur le paysage. Chacun était perdu dans ses pensées. L'une avait trouvé une famille, l'autre avait perdu une partie de la sienne. Mais quelque part, Nathalie était un petit peu orpheline de Shun...

Tout à coup, un cosmos explosant au loin les tira net de leurs pensées. Puissant, explosif et rebelle, on pouvait presque voir ses panaches fougueux se dérouler jusque dans le Cocyte. Nathalie ferma les yeux, et savoura la sensation brulante de cette cosmo-énergie qui lui fouettait le visage et réchauffait son corps endolori. Elle ressentait la colère concentrée dans ce flux rencontrer son cœur chagrin. Elle aurait reconnu cette aura si particulière entre mille : un garçon solitaire un peu trop protecteur...

— Un mec prêt à la baston qui pue le poulet : c'est Ikki ! cria Seiya.

Un grand sourire vient se loger sur son visage et ses poing se contractèrent : s'il l'avait pu, il aurait sauté d'excitation ! Ce vieux Phoenix avait une volonté de fer : comment ne pas croire à la victoire ? Comme d'habitude, il n'allait pas faire dans la dentelle : venir, taper sur la tronche de tout le monde, sauver son frère, et fumer une clope ! Nathalie était tout aussi heureuse que lui. Elle s'était toujours sentie en sureté avec Ikki dans les parages, même si elle le reconnaissait assez peu volontiers. Et puis avec ses flammes, en un rien de temps il aura cramé leurs tombes de glace.

— Il est loin de Guidecca non ? Au moins à la cinquième prison ! constata-t-elle.
— Ouais, mais il est avec Kanon. Ils ne devraient pas mettre trop de temps à tout traverser.

La jeune fille se tut un instant. Elle connaissait Kanon, elle connaissait Ikki. Ils iraient droit au but, sans faire dans la dentelle. Mais sans l'Armure d'Athéna, ils seront inutiles à Saori.

— Il faut qu'on parvienne à leur dire qu'on est là, décida-t-elle.
— Ils n'en auront rien à faire, tu les connais bien.
— Et l'Armure ?
— Eh miel, t'as raison... On fait quoi ? On augmente nos cosmos ?
— On peut essayer... Mais pas la peine de le faire maintenant, ils ne feront pas attention. Ils doivent combattre.
— Et nous, on reste là, à se les geler... bougonna Seiya.

En effet, ils se rendaient compte peu à peu qu'ils ne sentaient plus leurs membres. Les picotements et les douleurs qu'ils avaient eues dans les extrémités s'adoucissaient, puis disparaissaient peu à peu. Le froid montait dans leurs bras et leurs jambes jusqu'à atteindre leur torse. Nathalie, paniquée, cherchait à se remémorer les explications de lui avait prodigué Hyoga. S'il diminuait la température des objets en ralentissant les atomes, pourquoi ne pourrait-elle pas essayer de l'augmenter ? Elle tenta de se concentrer, mais ses idées recommençaient à se brouiller. Finalement, elle réussit à isoler virtuellement ses atomes les uns des autres, et débuta un âpre combat contre l'environnement. Elle focalisait son attention sur chaque particule de son être, et se défendait cellule par cellule contre les agressions du blizzard. Pourtant, elle continuait à perdre du terrain. Seiya finit par réussir à la tirer de son effort.

— Mais ARRETEUH ! Ça ne sert à rien, tu te fatigues pour rien. Ecoute-moi plutôt te raconter n'importe quoi, c'est plus constructif !

C'est dire... Mais son frère avait raison : Hyoga avait mis plusieurs années à maitriser cette technique. Ce n'était pas elle qui allait y arriver en cinq minutes et à demi-morte.

— Je t'écoute, soupira-t-elle. Viens me shadocker le cerveau.

A peine eut-elle prononcé ces mots que Seiya abandonna son air puéril et tourna violemment la tête vers un point de l'horizon. En effet, le cosmos d'Ikki venait de disparaître pour atterrir directement à Guidecca. Phœnix ne maîtrisait pas la téléportation, et de toute façon elle semblait interdite en Enfer : il y avait un problème. Pourvu que rien de grave ne soit arrivé... Sans parler du fait qu'il allait finir par découvrir l'identité de Hadès. Cela risquait de le mettre dans une colère noire, dévastatrice, comme lorsqu'il avait perdu Esméralda. Il allait souffrir, mais il allait devoir se maîtriser. Les deux adolescents se taisaient, concentrés à l'extrême sur ce qu'il se passait non loin d'eux. L'angoisse montait au fur et à mesure que le temps passait. Apparemment, Ikki avait beau multiplier les attaques, Hadès n'avaient pas une égratignure... C'était frustrant de sentir le cosmos de leur ami gonfler et exposer sans résultat. Il semblait même à présent diminuer...

Même depuis le Cocyte, on pouvait sentir la sombre cosmo-énergie d'Hadès s'étendre et envelopper le monde d'une chape de plomb. Les volutes noires s'épanchaient sur le sol en un ballet sordide où les âmes damnées se tordaient de douleur. Ils étouffaient les faibles flammes du Phœnix, impuissantes à repousser les ténèbres grandissantes. Tant de noirceur épouvantait et déséquilibrait les consciences mortelles qui sombraient dans un désespoir de mort. Tous les autres cosmos étaient dévorés par ce trou béant vers l'Enfer au cœur même des Enfers. Cependant, une petite lueur d'énergie émergea de cet Océan de nuit, comme portée par un courant de volonté depuis le fin fond des abysses. Sa lumière mauve et pure conquit rapidement l'écume des vagues, et peu à peu calma la tornade qui agitait la surface de cette mer énergétique. Nathalie tressaillit de joie, et sans un mot, sans une parole, elle joignit sa cosmo-énergie mourante à cet effort contre la puissance d'Hadès. Sa vague d'énergie bleue Océan rencontra les indolentes ondulations violettes, et s'y mêla avec délice. Enfin, après tout ce temps, Nathalie retrouvait Shun. La gorge de la jeune fille se serra de bonheur. Il avait réussi ! Il avait repoussé le contrôle d'Hadès, il était toujours vivant, présent au cœur des combats ! A ce moment même il pliait le dieu à sa volonté !

— Ikki ! C'est maintenant ton unique chance de tuer Hadès !

Nathalie se retourna vers son frère, mais ce n'était pas lui qui avait parlé. Ce n'était autre que le cosmos de Shun qui s'adressait directement à eux. Seiya pouvait presque voir la tension nichée au creux des épaules de sa sœur s'évaporer. Au son de cette voix tant aimée, ses yeux noisette s'étaient même embrumés ; mais les paroles mourraient dans sa gorge. Elle écoutait.

Cependant, au fur et à mesure que les mots dansaient jusqu'à son oreille, les larmes de joies qui roulaient dans ses prunelles gouttèrent sur ses joues, lestées d'un poids sans pareil. Shun restait fidèle à lui-même, fidèle à celui qu'elle avait toujours aimé. Et une fois de plus, il chargeait sur ses frêles épaules le destin de ceux qu'il aimait. Ce n'était pas par faiblesse qu'il s'était laissé enchainer par Hadès... Il voulait le blesser lui-même, de l'intérieur. A présent, c'était le grand final. Il voulait qu'Ikki achève Hadès en détruisant son enveloppe charnel, le corps de son propre frère ; il voulait mourir pour sauver la Terre.

Ce... Ce n'était pas possible ! Autour de Seiya, le monde s'écroulait. Il désirait à tout prix sauver Saori et la Terre mais... Laissez Shun se sacrifier sans rien faire, c'était au-dessus de ses moyens ! Non ! Toutes ses épreuves, toutes ses batailles qu'ils avaient endurés, qui les avaient soudés, à se soutenir mutuellement les uns les autres... Tout ça pour ça ? Rester enfermé comme un enfant, sans pouvoir même combattre ensemble ? La colère enflait dans le cœur du jeune garçon, et enflammait son pauvre corps endolori. Andromède détruisait Hadès de l'intérieur, parfait ! Mais avait-il conscience qu'il faisait subir le même traitement à ses amis ? A... celle qu'il aimait ? D'instinct, ses yeux se posèrent sur sa sœur. Le regard vide et humide, elle regardait fixement devant elle avec une immobilité effrayante. Sans les larmes qui ruisselaient sur ses joues, il l'aurait cru morte.

Il ne savait que dire, il ne savait que faire. Nathalie lui semblait intouchable, Shun était à mille lieues d'ici, et Saori sans doute encore plus loin. Il se sentait inutile... Il suivait avec angoisse les variations de cosmos à Guidecca. Il ressentit la cosmo-énergie du Phœnix s'enflammer comme un coup de pied au creux de ventre. Il pouvait presque entendre le cri de douleur d'Ikki, obligé de préparer l'attaque qui tuerait son frère. Seiya retint son souffle durant quelques instants, senti le poing de son ami fendre l'air puis... plus rien. L'impact balaya tout sur son passage comme un coup de vent éteint des chandelles : l'âme d'Hadès, l'énergie de Shun, la loyauté d'Ikki, la patience de Seiya, la lucidité de Nathalie, tout sombra dans l'oubli. C'était fini.

Shun ne se sacrifiait pas seul, il emportait un peu de chacun de ses amis.

Shun ne se sacrifiait pas seul, il immolait Nathalie.

Le cri de douleur de la jeune fille rompit le silence du champ de bataille déserté. C'était un hurlement long, strident, horrible et désordonné. Tous les sentiments s'y bousculaient en pagaille : colère, désespoir, amour, haine, regret, chagrin, et toute leur ribambelle d'amis. Cette plainte atroce brisa la fatigue de son frère. Il enflamma son cosmos jusqu'à son paroxysme et tenta de briser une fois de plus sa prison, mais il était trop tard. A jamais il serait impuissant à sauver la conscience de sa sœur. Malgré tous ses efforts, il ne pourrait jamais plus que la regarder souffrir la mort de celui qu'elle aimait. Jamais plus elle ne rirait, jamais plus elle ne retrouverait son envie profonde de croquer la vie. Jamais plus elle ne cesserait de crier ni de pleurer comme à présent. Et toujours ses lamentations se répercuteraient dans les immensités glacées du Cocyte...

Shun était mort !

ஐஐஐஐஐ

Lorsque Nathalie ouvrit les yeux, son oreiller était trempé et salé. Elle se redressa d'un coup, et dû s'épauler au mur pour ne pas défaillir. Elle était en sueur dans son petit lit de l'orphelinat. Il faisait nuit à travers ses yeux humides. La couverture en bataille et son matelas avait encore souffert durant son sommeil. Un rêve, encore un. Elle se leva précipitamment, et trébuchant plus qu'elle ne courrait, elle sortit brutalement de sa chambre pour presque enfoncer la porte voisine. Enfin, elle s'arrêta.

Devant elle s'étendait la forme sombre d'un lit, où dormait quelque chose.

Un jeune garçon.

Shun.

Alors, sans un mot, sans un bruit, elle se laissa couler à terre, et posant sa tête sur la couverture, elle se mit à sangloter violemment.

Fin


Merci d'avoir lu ! N'hésitez pas à vous moquer dans les reviews, c'est franchement mérité haha !