Noir, trop lugubre. Bleu, trop formel. Rouge, trop incisif. Robe, inconfortable et trop dénudée pour la période. Pantalon, trop formel aussi.

Une serviette sur la tête, une autre autour du corps, Beca souffla gravement en passant de cintre en cintre dans son dressing. Rien de ce qui se trouvait dans sa garde-robe ne convenait pour une audience au tribunal. Elle voulait faire bonne impression mais ne pas en faire trop non plus. Elle voulait être elle-même et ne pas porter des vêtements qui la mettraient dans l'inconfort. La confiance en soi partait aussi du fait d'être à l'aise dans ce qu'on portait. Et elle avait besoin de toute la confiance du monde.

Désespérée, elle se jeta sur le lit, un bras sur les yeux. L'audience était prévue deux heures plus tard, mais ils avaient quarante-cinq minutes de route et Beca avait promis de rejoindre ses parents chez son père avant de partir. Elle était dans les temps. De toute façon, elle ne risquait pas d'être en retard puisqu'elle n'avait pas su fermer l'œil de la nuit, trop préoccupée par tout ce qui allait se jouer dans la journée.

Et si les Dickson réussissaient leur coup ? Et si Lucy était à jamais perdue dans le cercle vicieux des services sociaux ? Beca ne pouvait pas se résoudre à laisser sa fille prise dans les griffes d'un système qui séparait les parents de leurs enfants. Dans un système qui ne permettait pas aux enfants d'avoir les soins qu'ils méritaient. Dans un système qui, parfois, traumatisait plus qu'il n'aidait.

La peur lui retournait l'estomac au point où l'acidité remontait dans son œsophage. Beca était terrifiée. L'échec était inconcevable. Elle s'imaginait déjà des scénarios peu conventionnels pour récupérer Lucy, avec ou sans autorisation. Elle demanderait l'aide d'Amy pour fuir le pays. Elles iraient au Mexique, s'il le fallait. Sa mère serait d'accord. Son père aussi probablement mais ne voudrait rien savoir. Et elle enverrait une lettre à Chloe pour lui dire où elles étaient et quand elle pourrait les rejoindre. Elles pourraient s'en sortir.

Chloe trouva Beca quelques minutes plus tard dans la même position. Les jambes battant l'air nerveusement, la brune remuait, allongée sur le lit, perdue dans ses pensées. Dans un soupir résigné, Chloe vint s'assoir à ses côtés et souleva son bras pour rencontrer ses yeux. Un regard apeuré l'accueillit. Chloe soupira à nouveau mais s'allongea également puis déposa sa tête sur l'épaule nue de Beca.

-Je ne sais pas quoi mettre, déclara la jeune femme dévêtue.

Le regard de Chloe glissa sur la serviette qui recouvrait ce corps qu'elle avait tant envie de découvrir. Elle secoua la tête. L'heure n'était pas à ce genre de pensées.

-Tu as l'air épuisée.

Beca grogna et se leva rapidement pour faire les cent pas devant ses vêtements étalés sur le lit d'Amy.

- Je ne sais pas quoi mettre, répéta-t-elle les mains crispées.

Chloe remarqua les tremblements dans les jambes de Beca et les soubresauts dans sa voix. Elle la regarda marcher pieds nus sur le parquet, la peau pâle, dénuée d'imperfections, le visage démaquillé. La mine affolée.

-Si je mets une robe, je risque d'avoir froid et d'être mal-à-l'aise. Une jupe, c'est le même problème. Si je mets un pantalon, j'aurai l'air de Jennifer Beals dans The L word. Je ne peux pas mettre de chemise à carreaux parce que c'est quand même un tribunal.

Dans un grognement, Beca leva les mains au ciel puis agrippa la serviette retenant ses cheveux.

-Je ne devrais même pas y aller. C'est perdu d'avance. Tout le monde sait que je vais foirer mon témoignage. Je vais foirer la vie de Lucy et de toute façon, elle serait beaucoup mieux chez les Dickson. Elle pourrait avoir tout ce qu'elle veut.

Les sourcils de Chloe se regroupèrent instinctivement. Elle connaissait Beca depuis suffisamment longtemps pour avoir percé la fausse confiance en soi qui lui servait de carapace. Bien sûr, les doutes étaient permis sur le verdict qui leur serait rendu plus tard dans la journée mais Chloe était persuadée que Beca était une bonne mère et que Lucy méritait mieux que les Dickson. La panique présente chez Beca s'expliquait par toutes les fois où la jeune femme avait été trahie, humiliée. Chloe ne pouvait plus laisser Beca penser qu'elle méritait son sort. Elle décida qu'elle avait suffisamment laissé Beca à ses divagations. Elle se leva pour l'arrêter de deux mains sur les épaules.

-Eh, qu'est-ce que tu racontes ? Lucy ne pourra jamais être mieux autre part qu'auprès de toi. Et tu le sais.

Beca haussa les épaules, l'air dépitée. Elle n'était plus vraiment sûre de savoir quoi que ce soit. Lucy avait passé la première année de sa vie loin d'elle. Comment pouvaient-elles former un lien après ça ?

-Tu ne le crois pas ? Demanda Chloe les yeux plissés. Il faut que je te rappelle l'année que tu as passé à tenter de la récupérer ? Et toutes les fois où elle s'accroche à toi quand elle doit partir ?

Chloe se voulait encourageante et ça commençait à fonctionner. Beca espérait juste en avoir déjà fini avec tout ça sans passer par la case tribunal. Dans un soupir, elle passa ses bras autour de Chloe pour se réfugier contre elle.

-J'aimerai juste ne pas être obligée d'y aller. Et si on se rendait au bout de la Terre pour se laisser tomber dans le vide ?

Chloe roula des yeux mais sourit en reconnaissant le côté poétique bien caché de Beca. Il fallait reconnaître que ça ferait une bonne rime dans une chanson. Cette jeune femme ne cesserait jamais de l'époustoufler.

-Je te promets qu'on ira voir ce qu'il se trouve au bout de la Terre dès qu'on aura récupéré Lucy, fit Chloe en resserrant son étreinte. En attendant, tu devrais essayer de porter un jean neutre avec un t-shirt et un blazer, ce sera assez.

Beca se recula pour l'observer quelques instants. Chloe avait l'air fatiguée aussi mais portait une certaine sérénité autour d'elle, comme si elle était prête à recevoir une bonne nouvelle. Comme en attendant le résultat d'examens qu'on était persuadé d'avoir réussi. Doucement, Beca s'avança sur la demi-pointe des pieds pour l'embrasser.

-Je t'aime, lui glissa-t-elle sur les lèvres.

Chloe sourit et approfondit le baiser.


Semaine 5 – 6 mai

Un mois. Pile, un mois que je suis là. Le groupe dit que je m'en sors bien. J'ai eu un beau jeton. Je commence à dire mon histoire sans trop pleurer. C'est leur truc, ici. Il faut raconter son histoire d'overdose entièrement et très souvent pour s'en accommoder. Je trouvais ça stupide au début. Mais en écoutant les autres, en partageant leurs souffrances, j'ai compris qu'on était tous dans le même bateau. Je commence à en voir l'intérêt maintenant. J'arrive à dire ce que j'ai pris ce soir-là. Marijuana, cocaïne et ce qui devait être des opiacées mais Hayden m'a menti. J'arrive à le dire tout haut. Sans honte mais avec des regrets. C'est quand j'arrive à lui que ça bloque. Pourtant, je ne me souviens de rien. Mais il hante mes nuits comme si mon subconscient prenait un malin plaisir à me le rappeler. J'aimerai tellement oublier, Journal. Je sens encore son parfum et j'ai la sensation de sa veste en cuir qui frotte sur mes cuisses quand je me réveille la nuit. Mon cerveau s'en souvient pour moi. On appelle ça une mémoire traumatique, apparemment. Le cerveau obscurcit ce qu'on ne veut pas voir la journée mais quand on se détend, comme la nuit, il décide de ressortir ses plus gros dossiers parce qu'il juge qu'on est enfin prêt à les traiter. Une autre internée, Blake, qui a subi des sévices par son mari, a les mêmes épisodes de conscience que moi mais pour elle, ça se passe le jour, en pleine activité. Une porte qui claque et elle se roule en boule. Parfois, je me dis que je ne suis vraiment pas la plus à plaindre.

Rachel prit une grande inspiration. Parfois, elle se demandait si la lecture du journal de Quinn ne lui faisait pas plus de mal que de bien. Mais la curiosité l'emportait toujours. Cet attrait morbide pour les pensées les plus intimes de Quinn ne la quittait jamais. Il fallait avouer que lire ce que Quinn avait ressenti les premières semaines de son sevrage lui permettait de remettre les choses en perspectives. Tout ne tournait pas autour d'elle et elle était loin d'imaginer l'étendue des séquelles que Quinn conservait à cause de son enfance auprès des Fabray.

La main tremblante, elle tourna la page. Elle se repositionna dans le canapé pour continuer sa lecture. Le journal n'était pas très épais. Quinn n'avait pas écrit autant qu'elle le faisait avant son overdose, comme si son besoin de mettre de l'ordre dans ses pensées s'était évaporé avec le temps. Les mots n'en restaient pas moins perturbants et lourds de sens. Certaines pages comportaient des marques d'humidité. Rachel avait dans les mains le seul compagnon de Quinn pendant son voyage vers la sobriété. La confiance de sa fiancée envers son jugement et sa tolérance lui faisait chaud au cœur. Jamais elle n'aurait eu le courage de partager tout ça avec qui que ce soit à sa place. Elle aurait trop craint d'être jugée ou prise en pitié. La douleur et la souffrance de Quinn transpiraient sur chaque page et laissaient Rachel avec un sentiment de frustration. Elle aurait aimé pouvoir faire plus. Aider Quinn quand elle en avait eu besoin. Elle n'aurait jamais le sentiment d'avoir fait assez pour la protéger.


La sensation d'entrer dans un tribunal n'est connue que d'une partie de la population. Le tribunal de grandes instances faisait partie de ces lieux qu'on ne visite que dans certaines circonstances, comme les parloirs d'une prison ou la salle de visite d'un hôpital psychiatrique. Beca aurait préféré ne jamais avoir à remettre les pieds dans une salle d'audience mais cette fois-ci, elle avait des chances d'en sortir vainqueur. Et si elle n'y croyait pas assez, les deux personnes qui l'entouraient portaient en eux une telle confiance qu'on pouvait la sentir vibrer. La carrure stoïque de Tim Drake à sa droite, l'avocat qui la représentait, et le charisme imposant de Santana à sa gauche obligeaient Beca à se tenir droite, à ne pas se ratatiner sur sa chaise.

Assises sur les bancs en bois très peu confortables, les Bellas avaient fait le déplacement pour la soutenir. Chloe était la plus proche, directement assise derrière Beca, à côté de David et Sheila Mitchell et de Vittoria. Maria Olivarez occupait une place au fond de la salle, avec Lucy dans sa poussette, prête à repartir avec sa mère si le verdict était favorable. Seule des colonnes de bois épaisses séparaient les parties prises des personnes venues assister à l'audience.

Beca jeta un œil par-dessus l'épaule de son avocat. Les Dickson occupaient la table symétrique à la leur mais personne ne se trouvait dans les rangs derrière eux pour les soutenir, hormis quelques curieux ou élèves en droits à qui l'audience pouvait profiter. Le juge entra et tous se levèrent. Quelques secondes plus tard, Santana tira sur la manche de Beca pour qu'elle se rassoit. Obnubilée par l'air hautain et sûr des parents de Julian, elle en avait oublié d'écouter la juge Wayne.

-Nous ouvrons la séance d'aujourd'hui avec l'affaire Lucy Mitchell, commença la femme à la peau foncée et aux petites lunettes rondes. La demande concerne la restitution de l'autorité parentale de Beca Mitchell et la fixation de la résidence habituelle de Lucy Mitchell. Maître Drake, pourriez-vous me rappeler la raison de la destitution de l'autorité parentale de votre cliente, s'il vous plait ?

Tim Drake se leva et reboutonna sa veste de costume. Il se racla la gorge avant de s'appuyer sur la table de ses deux mains.

-Beca Mitchell a perdu l'autorité parentale qu'elle exerçait sur Lucy Mitchell à la suite de violences constatées immédiatement après la naissance de Lucy, récita l'avocat sans flancher.

-Par qui ces violences ont-elles été constatées ?

-Par le père de Lucy, Julian Dickson, aujourd'hui décédé, et le personnel soignant de l'hôpital Grady Memorial où Lucy est née.

-Merci Maître. Maître Fletcher, pouvez-vous m'expliquer le parcours de Lucy jusqu'ici ?

L'avocat des Dickson se leva à son tour pour prendre la parole. Sa chaise manqua de se renverser tellement il s'était levé avec hâte. L'homme resserra sa cravate rouge autour de son cou.

-L'enfant a été placée dès le lendemain de sa naissance dans un orphelinat public et ce, pour deux semaines. Après quoi, Monsieur Dickson a pu obtenir la garde de sa fille et la sortir de l'orphelinat. L'enfant a vécu chez Julian Dickson jusqu'à la mort de celui-ci en août dernier. L'enfant a été retrouvée dans son lit et immédiatement placée en orphelinat sous la tutelle d'une assistante sociale, Madame Maria Olivarez.

Le juge des affaires familiales hochait la tête en relisant les différents rapports en diagonale. Le fait que l'avocat semblait incapable de prononcer le prénom de Lucy n'échappa à personne. La femme dans la soixantaine replaça ses lunettes et tourna son regard noir de nouveau sur Tim Drake.

-Maître Drake, vous pouvez désormais me présenter les raisons pour lesquelles je devrais restituer l'autorité parentale de votre cliente.

Drake se leva et prit la pile de documents qu'il avait préparé afin de les distribuer aux différentes parties.

-Je voudrais dans un premier temps rappeler à la cour que ma cliente a perdu ses droits parentaux il y a un peu plus d'un an déjà. Ma cliente était alors âgée d'à peine dix-huit ans. Accusée de violences envers son enfant, elle a pourtant tout fait pour la voir et la récupérer depuis. Vous constaterez sur le rapport que je viens de vous fournir, l'analyse psychiatrique émise par différents spécialistes. Beca Mitchell a suivi une thérapie comportementale qui lui a été bénéfique.

Il marque un temps, laissant le juge, la partie adverse, et le greffier prendre notes des nouvelles informations.

-Vous constaterez que l'analyse précise que ma cliente n'a pas de comportements violents. Seul un trouble de l'anxiété a été diagnostiqué. Beca aurait contracté ce trouble à la suite des harcèlements subis au lycée, harcèlements causés par la divulgation de photos intimes par Monsieur Dickson.

-Objection, s'époumona Fletcher. Ce n'est pas le…

Le juge Wayne l'interrompit d'une main.

-Vous n'êtes pas dans une cour d'assises, Maître Fletcher. Nous ne jugeons aucune culpabilité, ici. Veuillez vous rassoir.

Fletcher se rassit, non sans jeter un regard haineux de l'autre côté du tribunal.

-Maître Drake, poursuivez.

-Merci, votre honneur. Je voudrais également vous présenter les photographies prises dans la maison de Julian Dickson quand les services de police ont retrouvé Lucy.

Il distribua plusieurs paquets de feuilles aux différentes parties. Les photos avaient été agrandies pour montrer l'insalubrité des lieux. Les pièces étaient encombrées de canettes de bières et de plats à emporter vides. Beca jeta un œil aux photos restées sur la table et son estomac se retourna. Comment Julian avait-il pu laisser Lucy vivre dans ce taudis ? Elle jeta un regard suppliant à son père qui lui lança un sourire pour la rassurer. Les réactions restaient neutres autour d'eux. L'impartialité obligeait les hommes et femmes de loi à ne former aucun avis.

-Voici maintenant les photographies de la chambre de Lucy préparée chez Beca Mitchell dans l'attente d'accueillir sa fille.

Drake recommença l'opération. Evidemment, les photos avaient été prises en pleine luminosité, avec des angles accentuant les jouets pour enfant et l'ambiance chaleureuse de la pièce. Beca vit la juge hocher la tête et prit ça comme un signe positif.

-Je tiens à ajouter que Madame Mitchell est entourée de toutes les personnes que vous voyez derrière nous. Ces personnes ont toutes signé des témoignages écrits qui attestent de la bonne relation entre Lucy et sa mère et des efforts de Madame Mitchell pour fournir un foyer convenable à sa fille, expliqua l'avocat en distribuant les derniers éléments. J'aimerai donc conclure sur le fait qu'il n'y a plus de raison légitime de séparer Lucy de sa mère encore plus longtemps.

Tim Drake s'assit pour montrer qu'il en avait fini avec sa plaidoirie. Le juge continua d'analyser les éléments à sa disposition. Son visage restait neutre et impassible mais Beca sentait que la balance penchait en sa faveur. Elle jeta un regard dans la salle. Chloe lui sourit et Vittoria lui montra deux pouces en signe de victoire.

-Maître Fletcher, j'ai cru comprendre que vous représentiez l'opposition à cette restitution d'autorité parentale. Je vous écoute.

L'homme aux cheveux blonds crépus se leva maladroitement et avança pour se poster au milieu de la salle d'audience, les mains jointes.

-Je parle aux noms de mes clients pour exprimer mon étonnement face aux preuves fournies. Evidemment, rien n'a été laissé au hasard pour montrer Madame Mitchell sous son meilleur jour.

Son ton était rieur et hautain comme si toute cette affaire le faisait marrer.

-J'ai pourtant ici le rapport des autorités établi au moment des faits. Beca Mitchell y est décrite, je cite, comme « incapable de se contrôler ». Elle présentait des symptômes de dépression post-partum et a à maintes reprises évoqué le fait qu'elle n'aurait jamais dû garder son enfant. Ce sont les mots du personnel soignant adressés aux autorités qui sont intervenues pour libérer Monsieur Dickson des mains de Madame Mitchell qui tentait de l'étrangler.

Santana vit Beca baisser la tête, les poings crispés sur la table. Elle lui prit le poignet. Beca tourna des yeux honteux vers elle et Santana secoua la tête. Ses mots étaient clairs : Ne les laisse pas gagner.

-Votre honneur, interrompit calmement Tim Drake, ce rapport date d'un an. Le but d'une audience comme celle-ci est bien d'examiner la situation actuelle et non la situation initiale qui a provoqué la perte des droits de ma cliente.

-Vous avez raison, acquiesça le juge. Maître Fletcher, je vous rappelle qu'un parent ayant été destitué de son autorité parentale a le droit de demander révision du verdict après un an, et ce, en fournissant les preuves de quelconque changement. Avez-vous des preuves concrètes à me présenter ?

Fletcher rejoignit sa table et discuta en sourdine avec les Dickson. Il se retourna vivement et prit une pile de documents chiffonnés.

-J'ai ici les preuves d'un mauvais comportement moral de la part de Beca Mitchell.

Il distribua un peu trop joyeusement des photos. Quand Beca vit qui se trouvait sur les images, ses yeux prirent deux tailles de plus. Elle se tourna immédiatement vers Chloe avec des yeux désolés.

-Beca Mitchell entretient une relation à caractère homosexuelle avec cette femme, que Lucy Mitchell a d'ailleurs côtoyée à maintes reprises.

Le juge enleva ses lunettes pour se pincer l'arête du nez par frustration. Un petit sourire mesquin s'étira sur les lèvres de Santana. Qui était ce clown ?

-Maître Fletcher, je dois vous rappeler que dans cette cour, nous ne prenons pas en compte l'orientation sexuelle ni l'origine des parties.

L'avocat fronça les sourcils et écrasa sa feuille de rage. Beca sourit de toutes ses dents. Le juge Wayne était sa nouvelle héroïne préférée.

-J'imagine mal d'ailleurs que vous ayez obtenu ces photos en toute légalité. Elles sont dont irrecevables. Avez-vous d'autres éléments à présenter ?

-Oui, je…

Fletcher retourna avec hâte à sa table et transmit de nouveaux documents aux parties.

-Voici les revenus déclarés par Beca Mitchell comparés à ceux de mes clients. Il est évident que Madame Mitchell ne pourra pas mieux subvenir aux besoins de sa fille que mes clients.

La maladresse de sa phrase choqua la salle. Comment une mère pourrait moins bien s'occuper de sa fille que des grands-parents que Lucy n'avait jamais connu ?

-Je voudrais également vous faire part du résumé du casier judiciaire de Beca Mitchell. Il s'avère qu'une altercation a eu lieu l'année dernière pour laquelle Madame Mitchell a été tenue responsable.

Beca vit Tim Drake rouler des yeux. L'homme gardait les mains jointes devant lui avec une posture droite et des épaules carrées qui feraient douter n'importe qui.

-Le procès verbal explique la dispute entre divers groupes de chant dont Madame Mitchell fait partie. Elle aurait frappé un de ses adversaires au visage pas plus tard qu'au mois de mars dernier.

Le juge lut le document et constata la véracité des propos tenus. Son regard passa par-dessus ses lunettes pour toiser Beca avec désapprobation. La jeune femme se ratatina dans sa chaise.

-Voici également la preuve de la partialité de Madame Olivarez. Il m'a été communiqué que Lucy Mitchell avait été laissé seule avec Beca Mitchell à plusieurs reprises alors qu'une assistance sociale était obligatoire pour autoriser les visites. Mon équipe a fait des recherches qui ont démontré les rapports plus qu'appréciateurs envers Beca Mitchell.

-Ces rapports sont là pour donner un point de vue sur le comportement de Madame Mitchell, intervint le juge. Ils m'ont été présentés avant l'audience et me semblent tout à fait objectif, Maître.

-Seulement si on les lit sans avoir les comptes rendus d'autres affaires, votre honneur, sourit Fletcher.

Le juge prit une nouvelle inspiration. Cette mascarade avait assez duré.

-Les autres affaires ne m'intéressent pas, Maître. Avez-vous terminé ?

-C'est tout pour le moment, votre honneur.

Fletcher retourna s'asseoir, victorieux, pensant avoir conquis le juge avec son dernier argument.

-Maître Drake, je vous donne l'opportunité de répondre aux… Accusations de la partie adverse. Qu'avez-vous à nous dire ?

-Votre honneur, il semblerait que ma cliente ait été victime d'un coup monté. Le procès verbal que vous a présenté mon confrère démontre des incohérences.

Le juge se pencha pour montrer qu'elle écoutait attentivement. Elle prit d'un regard appuyé l'avis d'injonction qu'on lui tendait.

-Ma cliente avait demandé une injonction d'éloignement à l'encontre de Julian Dickson, deux mois avant les faits. Elle recevait régulièrement des lettres de menaces et craignait donc pour sa sécurité et celle de son enfant à naître.

-Vous supposez donc que les policiers en charge de l'enquête ont détourné cette injonction ?

-Je ne le suppose pas, votre honneur, je l'affirme. Ces policiers ont été corrompu.

Des étonnements purent se faire entendre dans toute la salle.

-C'est une grave accusation. J'espère que vous avez de quoi étayer ça, prévint la juge, le visage dur.

-J'ai les relevés de banque de Julian Dickson qui indique le versement d'une somme conséquente aux deux policiers qui ont signé le procès verbal.

Drake donna de nouveaux documents au juge mais les jeta presque à la figure des Dickson.

-J'irai même plus loin en vous affirmant que chaque maillon de la chaîne ayant servi à destituer ma cliente de ses droits parentaux ait été corrompu, à commencer par le juge Milston qui a rendu le verdict précédent.

De grandes acclamations se répandirent dans la salle. Beca lança un regard étonné à ses parents. Elle n'avait pas eu connaissance de toutes les preuves accablantes accumulées contre les Dickson. Elle était soulagée d'entendre qu'elle n'était pas folle et indigne de s'occuper de sa fille.

-Le juge Milston est un magistrat respecté. Veuillez appuyer vos propos de preuves tangibles avant que je vous expulse de mon tribunal pour outrage à magistrat.

Le ton du juge était autoritaire et sans détour. Elle n'était pas satisfaite de voir sa cour devenir un show digne des pires télé-réalités.

-Evidemment, votre honneur. Le juge Milston est un ami d'enfance de Monsieur Dickson. Voici leur photo de classe de terminale. Et les voici au restaurant, profitant d'un bon repas ensemble, seulement deux jours après le verdict destituant ma cliente de ses droits parentaux.

Le juge jeta un regard furieux aux Dickson puis enleva définitivement ses lunettes.

-Ces preuves ont été récupérées par mon confrère en charge de l'affaire initialement. Des affaires ont été classées sans suite pour moins que ça, votre honneur. Je serai prêt à vous communiquer les autres éléments en ma possession si une enquête est ouverte sur les agissements du juge Milston.

-Nous en rediscuterons. Avez-vous terminé ?

-Non, votre honneur. J'aimerai faire une dernière remarque sur le jugement porté initialement. La loi dit qu'un parent sera destitué de l'autorité parentale si l'une des trois conditions suivantes est remplie : Mauvais traitant, consommation excessive d'alcool et/ou de drogues, ou mauvaise conduite régulière.

Il marqua une pause et avança vers le centre de la pièce calmement.

-Or, ma cliente n'a pas pu maltraiter son enfant puisqu'on les a séparé immédiatement après la naissance de Lucy. Ma cliente ne consomme pas non plus de drogue ni d'alcool, chose que vous pourrez constater sur ces résultats d'analyses.

Drake tendit de nouveaux rapports au juge et ne prit même pas la peine de les transmettre à l'avocat adverse. Il ouvrit la bouche pour continuer mais sa phrase mourut au bout de ses lèvres. Brusquement, des pleurs avaient retenti. Tous se tournèrent vers le fond de la salle où Maria tentait de calmer Lucy, les joues pleines de larmes. Beca jeta un œil à sa montre. C'était l'heure de la sieste. Elle lança un regard désolé à Maria qui se battait clairement avec Lucy. La petite fille ne voulait pas retourner dans sa poussette ni prendre son gobelet d'eau.

La mère de Julian, en parfaite madame je-sais-tout, traversa la salle par l'allée centrale et prit la petite fille des bras de l'assistante sociale sans demander la permission. La réaction de Lucy fut immédiate. Elle se débattait à coups de poings et de pieds, hurlait tout ce qu'elle pouvait. Beca, qui comme tout le monde ne s'attendait pas à un tel geste de la part de Madame Dickson, retint sa mère d'une main sur le poignet. Vittoria était prête à bondir pour reprendre l'enfant des mains de cette mégère. Lucy continuait d'hurler désespérément, tendant les bras vers Beca puis Chloe qui s'était levée. Beca jeta des yeux paniqués à la juge.

-Madame la juge, s'il vous plait, supplia-t-elle.

-Madame Dickson, intervint la juge, je vous prie de lâcher l'enfant avant de m'obliger à faire intervenir la sécurité.

Vivian Dickson ignora la demande du juge et resserra sa prise sur Lucy difficilement. La fillette gesticulait dans tous les sens, manquant de tomber. Beca fit deux pas, alerte, mais Santana la retint.

-Votre honneur, s'il vous plait, pourriez-vous autoriser ma cliente à agir, demanda Tim Drake à son tour.

Le regard de la juge passa de la scène qui se jouait au fond de la salle, à Beca et son avocat plusieurs fois avant qu'un léger signe de tête autorisa Beca à séparer la foule en deux pour aller secourir sa fille. En grandes enjambées, elle rejoignit Vivian Dickson et vit dans les yeux de sa fille tout l'espoir qu'elle avait de la voir si près.

-Excusez-moi, fit Beca en tapotant deux fois l'épaule de Madame Dickson.

La femme se tourna par obligation, les deux bras de Lucy tendus au maximum pour la repousser. Beca tendit les mains vers sa fille qui se jeta dans ses bras sans demander son reste.

-C'est fini, mon cœur, je suis là, chuchota Beca.

Toute la salle fut témoin des cajoleries que Beca offrait à sa fille mais elle s'en moquait. Rien n'avait plus d'importance à ses yeux que de réconforter le petit être recourbé contre son corps qui en avait déjà vécu beaucoup trop.

-Je vous prie d'excuser l'interruption, votre honneur, s'excusa Tim Drake. Nous pouvons faire sortir…

-Non, l'interrompit la juge. Madame Mitchell, veuillez reprendre votre place avec Lucy afin que nous puissions clore cette audience.

Beca hocha la tête et se hâta, autant que ses talons hauts le lui permettaient, de rejoindre sa place, Lucy cachée dans son cou.

-Maître Drake, où en étions-nous ?

Tim Drake observait Beca câliner sa fille, lui murmurer des paroles réconfortantes que seules la mère et la fille entendaient, comme si elles avaient créées leur propre bulle. L'avocat tira son regard de sa cliente pour le planter dans celui de la juge.

-J'allais terminer, Madame la juge, par le fait que la condition de mauvais traitement ne convient pas non plus pour décrire la relation que ma cliente entretient avec Lucy. Vous avez pu le voir de vous-mêmes, Lucy est une enfant qui ne fait pas confiance à beaucoup de monde, mais elle aime sa mère et Beca Mitchell aime sa fille. Je demande donc d'annuler les charges qui ont été retenues dans ce tribunal, il y a un an, pour lesquelles il n'y a finalement rien d'avérer.

Après un silence, il ajouta :

- J'ai terminé, votre honneur.

L'homme se rassit, déboutonnant sa veste au passage. Il entendit son étudiante et seconde dans cette affaire se racler la gorge pour attirer son attention. Santana articula un « Bien joué » discret avant de poser ses yeux noirs sur la mère et la fille qui semblaient ne plus être réellement dans cette salle d'audience.

-Bien, fit la juge qui rassemblait les documents devant elle. Je vais me retirer dans mon bureau pour évaluer les nouveaux éléments et vous donnerais mon verdict à treize heures précises, cet après-midi. La séance est levée, conclut-elle d'un claquement de marteau.

Beca sursauta au coup de marteau. Elle n'avait pas réalisé ce qu'il s'était déroulé ces dernières minutes. Elle se leva avec sa fille endormie dans les bras et remercia son avocat pour les efforts qu'il avait fourni.

-Je ne crie jamais victoire trop vite mais… Nous aurons le verdict cet après-midi. Vous pouvez rentrer, Santana et moi resterons pour signer les derniers documents, expliqua Tim Drake.

-Non, je ne partirai pas sans Lucy. J'attendrai dans le hall. Encore merci.

La brune se faufila entre les poutres de bois pour rejoindre sa famille et ses amies. Vittoria lui embrassa le front comme pour la réconforter après cette épreuve épuisante.

-Tu as les traits tirés, remarqua David.

-Je n'ai pas beaucoup dormi. C'est fatigant de les regarder se battre, fit Beca en désignant les avocats du menton.

-Ce Fletcher est vraiment un drôle d'oiseau. Si on était tombé sur lui la première fois, jamais ça ne se serait passé comme ça.

-Le juge était aussi dans le coup, Papa. L'avocat des Dickson n'aurait rien changé, répondit Beca lasse. Je vais attendre la décision du juge avec Maria, Santana et mon avocat. Vous pouvez rentrer si…

-Hors de question, interrompit Vittoria. Jamais on ne te laissera seule. On repart tous avec Lucy ou rien. Il faudra me passer sur le corps.

Beca secoua la tête. Sa mère était insensée et démesurée mais c'était comme ça qu'elle aimait. Jamais dans la demi-mesure. Elle se tourna lorsqu'une main se posa sur son bras.

-Tu veux que je prenne Lucy ? Tu as l'air épuisée, fit Chloe d'un ton doux et calme.

-Je le suis. Je vais la remettre dans sa poussette en espérant qu'elle ne se réveille pas.

Les deux jeunes femmes avancèrent vers Maria qui était restée à l'écart et déposèrent Lucy dans son landau aussi délicatement que possible.

-Il fait un peu froid, ici. Vous n'avez pas de couverture pour la couvrir ?

Maria secoua la tête, désolée. Lucy n'avait pas énormément d'affaires qui l'accompagnaient lors de ses sorties.

-On peut prendre mon gilet, fit Chloe qui partait déjà récupérer le gilet en laine à la place qu'elle avait occupé.

Quand elle revint, elle enveloppa Lucy dans son gilet et fit en sorte qu'aucun de ses membres ne dépasse. L'enfant ne bougea pas d'un iota, épuisée également de tout ce qu'elle avait vécu dans sa petite journée.

-Je crois qu'on en a pour un moment, remarqua Beca qui observait sa fille dormir.

-Comme c'est mignon, cracha une voix nasillarde derrière elles.

Beca et Chloe se retournèrent pour se retrouver face aux Dickson et leur avocat. Vivian avait le visage si crispé qu'elle semblait avoir avaler un citron entier. Bart Dickson regardait ses chaussures comme le petit garçon occupé à cirer les bottes de sa femme qu'il était.

-Si tu espères éduquée ta fille dans cette abomination, tant mieux. Mais jamais plus tu ne toucheras à la fortune de Julian. Lucy ne touchera pas un centime, tu m'entends ?

Les cheveux blonds de Vivian dansaient au fur et à mesure de ses paroles. Son tailleur vert d'eau la faisait ressembler à un énorme canard. Beca se rendit compte que les Dickson ne lui faisaient plus peur désormais. Elle avait rencontré pire qu'eux. Elle avait rencontré les Beale. Par protection, elle fit un pas devant Chloe.

-Parfait, parce qu'elle n'en aura jamais besoin. Lucy n'est pas une Dickson. Vous pouvez utiliser l'argent de Julian comme cela vous chante, s'il n'a pas tout dilapidé dans la drogue ou l'alcool, rétorqua Beca, fière d'elle.

La cinquantenaire était furieuse. Personne ne bafouait la mémoire de son fils chéri de cette façon ! Dans un dernier élan de vengeance, elle s'avança pour se saisir de Beca par le col de son chemisier. Aubrey s'interposa.

-Vous lâchez immédiatement votre prise ou cette salle d'audience ne sera pas la dernière que vous visiterez, articula-t-elle méchamment.

Sans vraiment s'en rendre compte, Beca s'était retrouvée entourée des Bellas et toutes avaient assisté à l'échange avec les Dickson. Aubrey n'était pas la seule à s'être avancée. Cynthia Rose, Stacie et Amy formaient un barrage entre les Dickson et le reste des proches de Beca. En passant son regard sur les personnes assemblées, Vivian serra une dernière fois sa prise pour approcher son visage de celui de Beca. Son souffle sentait le whisky et son parfum musqué envenimait les narines de la jeune femme.

-Sale petite trainée. Julian a bien fait de te larguer. Retourne dans ton trou. J'espère que tu y crèveras.

Sur ces belles paroles, Vivian lâcha Beca, dépoussiéra sa jupe, reprit une contenance et ouvrit la marche pour sortir de la salle. Malgré le fait qu'elle n'ait plus peur d'eux, l'altercation avec les Dickson avait un peu secoué Beca. Les yeux embués, les mains tremblantes, la jeune femme n'osait plus regarder qui que ce soit, absorbée qu'elle était par les dernières paroles de la mère de son ex. Chloe remarqua immédiatement les soubresauts dans la respiration de sa petite-amie. Elle s'approcha doucement pour ne pas l'effrayer.

-Eh, Becs, chérie, elle se trompe, d'accord ? Ne l'écoute pas, tenta Chloe d'un ton posé en lui soulevant le visage des deux mains. Cette vieille folle ne sait pas qui tu es.

Quand Beca rencontra les yeux azurs de Chloe, le chamboulement dans son esprit s'atténua pour laisser place à une certitude qu'elle n'avait jamais espéré trouver. Elle se jeta au cou de sa petite-amie, convaincue qu'elle ne pouvait rien réussir sans Chloe. La rousse la serra contre elle, étonnée de tant d'émotions.

-On va manger quelque chose ? Ca va nous faire patienter un peu, fit Chloe en s'écartant pour prendre les mains de Beca dans les siennes.

Elle dirigea toute la petite troupe vers le hall. Maria les suivit aux côtés de Vittoria qui conduisait la poussette de Lucy. Santana les observa sortir. Elle avait assisté à la dispute elle-aussi, de loin, et se jura de trouver un moyen d'anéantir les Dickson si leur nom refaisait surface dans une autre affaire.

-Quand je pense qu'il m'a menacé par téléphone, cet abruti, pouffa-t-elle.

-Fletcher ? Oh, ce n'est pas le meilleur exemple en terme de plaidoirie. Son dossier était vide et il le savait. A sa place, j'aurai préféré m'enterrer plutôt que d'être humilié comme il l'a été.

-Il a choisi son camp.

Tim Drake acquiesça, un sourire victorieux sur le visage. Il était fier de son étudiante, elle avait mené l'affaire d'une main de maître.

-Allez, je t'offre un verre en face pour te féliciter. Peu importe l'issue, tu as fait du bon boulot. Tu peux être fière.

-Merci, répondit Santana du bout des lèvres.

L'hispanique n'avait pas l'habitude de recevoir des compliments de son mentor.

-Je te rappelle que je suis mariée par contre, et lesbienne. Et bientôt mère.

Son responsable ricana. Seule Santana pouvait se permettre de faire ce genre de blagues.

-Dommage, j'essaierai avec la prochaine étudiante, fit-il d'un clin d'œil qui n'avait rien de sérieux.

Ils sortirent tout en discutant des prochaines affaires qu'ils plaideraient ensemble et pour lesquelles Santana prenait de plus en plus de responsabilités.

-J'aimerai m'orienter vers des cas comme Beca pour lesquels la justice à foirer, expliqua l'hispanique.

Tim Drake réfléchit un instant. Quelques cas lui venaient à l'esprit. Il avait rencontré dans sa carrière de nombreuses erreurs de justice, notamment envers des personnes d'origine afro-américaines ou hispaniques.

-Tu sais, si tu me montes un dossier solide, on pourrait aller loin. Très loin.

-Qu'est-ce que tu veux dire ?

-On pourrait déposer un recours collectif et peut-être espérer faire changer les choses.

Santana s'arrêta nette. Son ambition ne lui faisait pas oublier toute notion de rationalité. Espérer changer le système était le rêve, inaccessible et idéaliste. Mais maintenant, qu'elle y réfléchissait, la balance pouvait pencher pour certaines personnes qui le méritaient. Elle n'espérait pas révolutionner le système complet, mais peut-être pouvaient-ils aider quelques personnes dans leur sillage ?

-Je vais travailler dans ce sens dès notre retour, affirma Santana.

Tim Drake lui jeta un sourire fier. Il aimait Santana pour ses initiatives et son fort caractère. Elle ne lâchait jamais rien et avait l'ambition et l'intelligence de devenir une grande avocate.

-Je n'en doute pas, conclut-il d'un clin d'œil.

Ils traversèrent la rue ensemble, deux mallettes en cuir balançant en rythme. Oui, Santana était vouée à faire de grandes choses.


Semaine 6 – 11 mai

Hayden est venue me voir aujourd'hui. Je ne sais même pas comment elle a su que j'étais là. Elle m'a demandé de recruter parmi les internés pour étendre son réseau. J'ai fait bonne figure, Journal. Je lui ai dit que je ne pouvais pas et que je ne lui en voulais pas d'avoir essayé. Hayden est tombée dans la drogue par obligation. Malheureusement, un crétin lui a fait croire qu'elle ne méritait que ça et maintenant, elle pense que c'est sa seule manière d'exister. J'ai cru que c'était vrai pour moi aussi. Puis Rachel m'a secouru. Littéralement. Quand Hayden est partie, j'ai demandé à voir le psychologue. J'ai eu tellement envie de reprendre, Journal. La voir m'a rappelé tout ce que j'avais pu faire avec elle. La culpabilité des vols et des mensonges ne partira jamais. Toutes ces soirées dont je ne me souviens plus. Si elle était venue un mois plus tôt, je pense que je serai partie avec elle. Mais, aujourd'hui, Journal, je suis restée la plus forte. Je lui ai dit non et je lui ai demandé de ne plus revenir. Après son départ, je me suis effondrée chez le psy. Je ne veux pas que Rachel ou Santana l'apprennent. Elles ne me croiraient pas. J'ai brisé leur confiance et il est encore trop tôt pour les jeter de nouveau dans ce monde-là.

Semaine 7 – 18 mai

Ca fait un mois et demi et je n'ai toujours pas eu d'appel de Santana. Brittany a appelé pour me parler de tout sauf des sujets qui fâchent. Elle évite de parler de San, comme si elle pensait que ça me mettrait en colère. Ou est-ce Santana qui lui demande de le faire ? Rachel me donne des nouvelles. Elle m'a montré des photos de leur nouvel appartement mais j'aurai préféré en discuter avec Santana. J'ai tellement de choses à lui dire. Tellement de choses pour lesquelles j'aimerai m'excuser.

Semaine 8 – 25 mai

J'ai réussi à le dire, Journal. Pendant la séance de groupe, j'ai enfin réussi à dire qu'on m'a violé. C'était bête d'en avoir peur. Comme s'il pouvait encore avoir ce pouvoir sur moi. Blake est venue me prendre dans ses bras après la séance et on a pleuré ensemble. C'est fou comme un tout petit mot peut devenir imprononçable parce qu'on a peur de ce qu'il pourrait vouloir dire. On m'a violé et ça ne fait pas de moi une traînée. Je n'ai pas voulu ce qu'il s'est passé. Je ne pouvais pas contrôler. Ce n'est pas de ma faute. PAS DE MA FAUTE ! Je pourrais presque le crier, Journal. Je crois que c'est la première fois que j'aperçois le bout du chemin depuis mon arrivée. Encore un mois.


Rendre un verdict dans une affaire était toujours une question de pour et de contre. La juge Wayne prenait des décisions sur la vie des gens depuis une bonne trentaine d'années à présent mais la tâche qui lui était incombée ne s'était pas dénuée de sens pour autant. Au fil de sa carrière, elle avait croisé nombre de parents maltraitants, irrespectueux, égoïstes et un bon nombre d'enfants qui auraient préféré ne jamais venir au monde plutôt que de vivre les sévices qu'ils avaient vécu. Jamais elle ne s'était dit que son travail pouvait être sympathique. Plutôt concentré sur le fait d'enlever un enfant en souffrance à sa famille d'origine, la juge Wayne ne s'était jamais vue redonner l'autorité parentale intégrale à un parent qui était venu plaider sa cause devant elle. Pourtant, le verdict qu'elle devait rendre ce jour-là était on ne peut plus net. Le dossier de Lucy Mitchell était un parfait exemple de ce que ses confrères pouvaient faire de pire pour le métier de juge des affaires familiales. La corruption et le pouvoir entachaient la profession comme on ne pouvait le permettre. Et elle ne le permettrait plus. Cette affaire lui donnait l'occasion de remettre de l'ordre dans une société pour laquelle elle commençait à perdre espoir. Elle n'allait pas louper l'occasion de réparer quelques injustices si elle le pouvait.

-Bien, je vois que vous êtes restés en comité complet, fit la juge qui passa son regard sur toutes les personnes qui accompagnaient Beca Mitchell et ses avocats. Malheureusement, nous ne passerons pas tous dans mon bureau. Maître Drake, je vous prie de me suivre avec votre cliente.

Tim Drake partagea un hochement de tête avec Santana, qui devrait attendre dans le couloir comme toute la famille et les amis de Beca. La jeune mère jeta un regard à Lucy puis à ses parents et Chloe.

-On ne bouge pas, Beca. Tout se passera bien, fit David d'un sourire compatissant.

Beca hocha distraitement la tête et suivit son avocat dans le bureau de la juge. Oscillant entre traditionnel et contemporain, le bureau de la juge Wayne était surtout très lumineux. Beca plissa les yeux pour s'accomoder à la lumière. Le soleil d'hiver était impardonnable, encore plus pour les yeux bleus.

-Vous pouvez vous asseoir, invita la juge. Nous n'en avons pas pour longtemps, fit-elle en prenant place au fond de son siège en cuir.

Tim lança un sourire qui se voulait rassurant vers Beca mais la jeune femme était tellement prise par les nerfs qui la traversaient qu'elle ne sut même pas le retourner. Elle gardait ses mains moites et crispées sur les accoudoirs de son fauteuil, le genou et le cœur rebondissant en synchronie pendant que le crissement de ses dents les unes contre les autres tentait de créer une mélodie. Evidemment, elle était stressée, anxieuse, nerveuse, et tous les adjectifs possibles. Elle ne pouvait pas repartir sans Lucy. Impossible. Inimaginable.

-Mademoiselle Mitchell, je voudrais tout d'abord vous présenter des excuses au nom de l'état de Géorgie pour le traitement qui vous a été accordé. Il est évident qu'un grand nombre d'erreurs aurait pu être éviter, commença la juge à contre cœur.

Les oreilles bourdonnantes, Beca ne savait pas si elle devait répondre ou non. Elle regarda son avocat mais l'homme restait stoïque, les yeux rivés sur les documents que la juge manipulait.

-Sans grand suspense, je vous rends l'autorité parentale qui vous est due pour Lucy, avec des réserves, néanmoins. Une assistante sociale choisie par mes soins vous suivra pendant l'année qui va suivre pour constater le bon suivi des promesses que vous nous avez faites aujourd'hui.

Beca ne réagit pas. Elle n'était pas sûre d'avoir bien entendue. Elle avait compris les mots et avait bien vu le large sourire de son avocat, mais rien ne semblait prendre sens.

-Aussi, je vous conseille vivement de continuer cette thérapie qui ne pourra que vous aider à gérer l'anxiété autour de votre parentalité retrouvée.

Les mots s'enchaînaient dans la bouche de la juge sans que Beca ne puisse dire s'ils étaient de vrais mots ou s'ils sortaient de pages d'un dictionnaire imaginaire. Haletante, sa vision commença à se troubler.

-Maître, j'aimerai que nous discutions plus tard en privé de la meilleure façon de traiter les éléments que vous m'avez fourni, notamment concernant les agissements du juge Milston. Nous discuterons d'un rendez-vous ultérieurement.

-Bien, votre honneur. Qu'en est-il des Dickson ? Est-ce qu'une mise en inculpation est prévue ?

Beca les entendait discuter de loin, comme si un brouillard épais l'entourait désormais.

-Mon service communiquera les éléments au bureau du procureur dans le mois, acquiesça la juge. Nous ne laisserons pas leurs actes impunis. Néanmoins, la tâche risque d'être longue, les Dikson n'habitent pas l'état de Géorgie et vous connaissez comme moi la communication entre états.

Brusquement, Beca se leva et les surprit tous les trois. Les mains tremblantes, la mine pâle, elle semblait ne pas savoir où elle était. Tim et la juge l'observèrent, étonnés. Difficilement, Beca articula :

-Vous pouvez répéter ce que vous avez dit ?

Semblant comprendre où était le problème, la juge sourit légèrement avant de se lever également.

-Vous repartez avec Lucy, Mademoiselle Mitchell, fit-elle doucement.

Beca la regarda avec des yeux de chouettes. La juge l'étudia. Sa réaction l'intriguait, elle n'avait pas souvent l'occasion d'annoncer de bonnes nouvelles.

-Vous pouvez la rejoindre dès à présent, intima la juge.

-Vraiment ?

-Oui, allez-y.

Beca regarda Tim, ahurie, puis se pencha vivement pour serrer la main de la juge.

-Merci beaucoup, je… Je vais y aller, indiqua-t-elle du doigt.

Tim Drake et la juge la virent trébucher sur son sac à main avant de le porter à l'épaule. Sans se retourner, Beca quitta le bureau de la juge Wayne dans un élan confus et bouleversé. Heureusement pour elle, sa famille et ses amies étaient là pour la réceptionner.

-Beca, qu'est-ce qui s'est passé ? Quelle est sa réponse ?

De toutes les personnes présentes, personne n'aurait parier sur Aubrey pour la personne la plus impatiente à connaître le verdict. Les yeux livides de Beca passèrent sur le visage de la blonde mais ne s'y arrêtèrent pas. A la place, Beca s'avança à grandes enjambées vers Lucy. La petite fille s'était réveillée entre temps et lui tendit les bras immédiatement. L'avoir contre elle permit à Beca de comprendre tout le sens des mots qui avaient été dit quelques minutes plus tôt dans le bureau de la juge. Une main dans les cheveux bruns de sa fille, l'autre la maintenant contre elle, Beca laissa les larmes couler.

-On rentre à la maison, souffla-t-elle finalement.


Les sacs de courses dans les bras, Quinn montait les étages de leur immeuble avec difficulté quand son téléphone sonna.

-Merde.

Arrivée devant la porte, elle déposa un sac sur le seuil, balança le deuxième sur son autre bras pour prendre son téléphone dans sa poche de manteau.

-San', qu'est-ce que ça donne ?

-On a gagné !

La joie qui explosa dans les oreilles de Quinn ne pouvait pas égaler celle qu'elle ressentit en elle. C'était fini. Beca avait récupéré sa fille. L'histoire avait enfin une fin heureuse.

-C'est génial ! Félicite Beca pour moi, fit la blonde, le sourire audible dans la voix.

-Oh, je dois te laisser, Brit' m'appelle. On se voit ce soir !

Sans attendre de réponse, Santana avait déjà raccroché. Quinn secoua la tête devant son écran éteint, amusée. Voilà enfin de quoi remonter le moral de tout le monde. Elle entra dans l'appartement avec une légèreté qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps. Rachel l'attendait sur le canapé, son journal dans les mains.

-Eh, devine quoi. Beca a gagné, elle a réussi.

Rachel ouvrit de grands yeux et laissa tomber le journal sur ses genoux.

-Elle récupère Lucy ?

-Hum hum.

-Yes, s'exclama la brune en levant le poing en l'air.

Elle se leva rapidement du canapé pour danser joyeusement. Quinn s'avança en riant. Elles ne connaissaient pas Beca depuis très longtemps mais il était évident qu'elles avaient toutes formé des liens très solides et la savoir finalement heureuse les rendait heureuses elles aussi.

-Danse avec moi, demanda Rachel en attrapant les mains de sa fiancée.

Sur un air imaginaire, elles remuèrent les hanches et tournoyèrent sans se soucier du monde environnant. Petit à petit, l'enthousiasme s'estompa et Quinn attira Rachel à elle puis elles tournèrent l'une contre l'autre calmement.

-J'entends ton cœur battre, fit Rachel qui avait l'oreille contre la poitrine de sa fiancée.

-Ah oui ? C'est étonnant. Je pensais qu'il s'était arrêté de battre quand on s'est rencontré.

Le rire de Rachel éclata dans la pièce. Elles avaient ce jeu entre elles, celui de trouver les phrases les plus niaises pour faire rire l'autre. Parce que, bien sûr, elles aimaient toutes les deux les gestes romantiques, et Rachel adorait ces films de Noël où les phrases de ce genre s'empilaient, mais elle détestait les entendre dans la vraie vie. Ca semblait tellement faux et dénué de sentiments. Jamais elle n'attendrait cela d'un partenaire et encore moins de Quinn. Elle connaissait le caractère fort et impétueux de sa fiancée. C'était ce qui faisait son charme. Quand Quinn baissait la garde, c'était d'autant plus romantique parce que ça n'arrivait pas si souvent.

-Ok, je crois que je ferai mieux d'aller ranger les courses, fit Quinn en riant aussi.

-Je vais t'aider.

Main dans la main, elles se dirigèrent vers le hall d'entrée pour récupérer les sacs de courses. Très vite, la cuisine ressembla à un rayon de magasin alimentaire.

-Tu as dévalisé l'épicerie ?

-Non, j'ai juste prévu pour la semaine, répondit la blonde sérieusement.

-Je suis pas sûre qu'on mange tout ça.

-Santana et Brit' sont en ville, je te rappelle.

Le silence de Rachel servit de réponse. Avoir leurs amies si proches impliquait qu'elles les recevraient tôt ou tard et, même si le diner précédent s'était bien passé, Rachel angoissait un peu à l'idée d'annoncer leurs fiançailles.

-Je ne sais pas si je suis prête à recevoir les foudres de Santana pour t'avoir dit oui.

Quinn se tourna, un sourcil relevé, une boîte de lait de coco dans la main. Il est vrai que l'hispanique avait plutôt tendance à protéger Quinn de ses propres décisions au lieu de se soucier de ce que pouvait ressentir Rachel également. Vieilles habitudes, probablement.

-Tu sais, elle était au courant pour la bague. Je l'ai depuis des mois.

Rachel roula des yeux. Evidemment, elle pouvait compter sur Quinn pour prévoir quelques choses comme une demande en mariage des mois à l'avance.

-Oui mais ça ne veut pas dire qu'elle sera d'accord avec l'idée que tu m'épouses maintenant. Pas après ce qu'il s'est passé.

Quinn soupira et rangea les derniers paquets avant de se tourner vers Rachel. La brune se tortillait les doigts de l'autre côté de l'îlot central.

-Je ne t'ai pas demandé de m'épouser par désespoir ou peur que tu me quittes. Santana comprendra et c'est ton amie aussi, elle verra les progrès que tu as fait ces dernières semaines.

-Je ne sais pas, Quinn. Il y a tellement de choses dont on doit encore discuter.

Quinn observa les épaules tendues et l'air confus qu'arborait Rachel. Elle se pencha pour lui prendre les mains.

-On n'est pas obligées de prévoir le mariage tout de suite, d'accord ? On peut très bien rester fiancées quelques années.

-C'est ridicule. Tu ne mérites pas de devoir attendre après moi pour…

-Eh, je n'attends rien, interrompit Quinn en caressant les douces phalanges de Rachel. Vois plutôt ça comme une promesse. Je veux passer ma vie avec toi mais je ne peux pas le faire seule. Quand tu seras prête à me rencontrer au milieu du chemin, on pourra continuer d'avancer ensemble.

Rachel sourit timidement. Quinn trouvait toujours les bons mots pour la rassurer. Elle était un peu plus confiante pour affronter Santana désormais. Cependant, les phrases qu'elle avait lues plus tôt dans le journal de Quinn tournaient dans sa tête comme un vieux refrain. Elle s'extirpa de l'étreinte de Quinn pour plonger ses yeux chocolat dans les deux iris noisette qui lui servaient d'ancrage.

-Tu sais, je te fais confiance.

Quinn pencha la tête sur le côté, intriguée et ne sachant pas de quoi elles parlaient exactement.

-J'ai confiance en toi, répéta Rachel. Je ne pense pas que tu sois capable de rechuter. Et même si c'était le cas, je serai toujours là. Je ne regrette pas de l'avoir été la première fois.

Chose inhabituelle, Quinn se retrouva à renifler, prise au dépourvu par ses émotions, clairement lisibles dans la moiteur de ses yeux. Elle ne pensait pas possible d'être chanceuse à ce point. Elle pensait avoir déjà assez profiter de la gentillesse des gens qui l'entouraient. Mais Rachel resterait celle qui la surprendrait toujours. Qui la pousserait dans ses retranchements. Qui saurait lire entre ses lignes.

Après une inspiration saccadée, Quinn passa une main dans les cheveux de Rachel et l'attira à elle dans un baiser tendre mais appuyé.

-Si je ne t'avais pas déjà demandé de m'épouser, je le referai à l'instant, souffla-t-elle entre deux baisers.

-Hum, tu peux toujours me reposer la question mais la réponse ne changera pas.

Toujours la main dans les longs cheveux bruns, Quinn passa ses bras autour de Rachel pour la serrer contre elle. Sa poitrine s'enflait d'amour pour la jeune fille qu'elle tenait dans ses bras.

-J'aimerai qu'on en parle, grommela Rachel contre le cou de Quinn.

-Du mariage ?

-Non, rit Rachel brièvement. Enfin, si, ça aussi. Mais…

La brunette se recula pour prendre les deux mains de sa fiancée dans les siennes. En caressant la peau douce de ses pouces, elle comprit qu'elle devait se jeter à l'eau au risque de ne jamais réussir à avancer. Et pourtant, elle le devait. Elle devait avancer. Pour elle-même. Et pour Quinn.

-On n'a jamais parlé du soir de… De l'overdose, prononça rapidement Rachel.

Quinn ferma les yeux immédiatement et inspira profondément. Entendre Rachel le dire était autre chose que le dire elle-même. Elle avait attendu longtemps pour pouvoir en parler librement avec Rachel mais maintenant que c'était sur le point d'arriver, une vague de chaleur l'envahissait. La honte refaisait surface, comme si, face à Rachel, elle ne pouvait se résoudre à être honnête. Face à Rachel, elle redevait cette jeune fille perdue qui ne savait plus pourquoi elle avait agi de la sorte.

Avalant sa salive difficilement, Quinn se força néanmoins à répondre. Elles s'étaient faites une promesse. Elles voulaient avancer. Et il était hors de question que Quinn anéantisse tout le travail qu'elle avait fourni jusque là pour une émotion qu'elle avait appris à gérer il y a des mois de cela.

-De quoi tu veux parler exactement ?

Rachel hésitait, voyait le carapace de Quinn se forger autour d'elle. Elle lâcha les mains de sa fiancée, comme brûlée, trahie.

-Non, c'est une erreur. Laisse tomber.

-Quoi ? Non, reviens ici, fit doucement Quinn en l'empêchant de s'éloigner par le bras. Je suis prête à en discuter avec toi. Dis-moi ce que tu veux savoir.

Elle observa Rachel se mordiller la lèvre inférieure. Ses yeux papillonnaient, comme habités par les souvenirs que leur discussion faisait remonter.

-De quoi te souviens-tu de cette soirée ?

Quinn expira et entraîna Rachel jusqu'à la table pour s'asseoir. Ca allait prendre du temps.

-Ce soir-là, on fêtait l'anniversaire d'un des High Notes. Je ne me souviens plus de son nom. Avec Hayden, on est arrivées vers vingt-trois heures à la fête dans leur maison pourrie. Alice, qui faisait partie des Bellas, était là aussi et c'est elle qui fournissait Hayden en cocaïne.

Rachel ouvrit de grands yeux. Voilà un des nombreux détails qu'elle ignorait jusqu'ici. Les Bellas seraient probablement ravies de l'apprendre.

-J'ai commencé par boire de la vodka avec du soda, je crois. On a marché jusqu'à la fête alors, sur la route, j'avais déjà fumé un joint. C'est assez flou parce que j'avais passé la journée à consommer. Ce n'était pas mon… Premier verre non plus.

Quinn se racla la gorge et se frotta le nez. Elle croisa les bras sur la table. Rachel étudia sa posture et se rendit compte que Quinn n'était pas si à l'aise que ça. Elle gardait les yeux rivés sur la table, évitant ceux de Rachel en toutes circonstances.

-On a dansé, c'était assez amusant. Ensuite, Hayden m'a montré des pilules qu'elle avait l'habitude de balader dans une petite pochette en plastique. On est allées dans une salle de bain pour prendre chacune une pilule. Hayden m'a dit que c'était du LSD mais je crois plutôt que c'était un opiacé très puissant, type oxycodone. Là-dessus, on a pris une ligne de cocaïne, parce qu'apparemment, c'était pas assez, commenta Quinn amèrement.

Rachel vit une larme s'échappa des yeux de sa fiancée mais ne l'interrompit pas. Elles en avaient besoin toutes les deux à ce stade. Le savoir ne rendait pas la tâche plus facile, néanmoins.

-Quand on est sorties de la salle de bain, un type bizarre m'a abordé. Je ne me souviens pas clairement de son visage mais son parfum était horrible. Il m'a tendu un verre de je-ne-sais-quoi. Je l'ai pris et j'ai dansé avec lui. Je me souviens des bourdonnements dans mes oreilles et des basses de la musique, mais ça s'arrête là. Je pensais que le brouillard dans mon esprit était dû à tout ce que j'avais pris. En fait, plus tard, à l'hôpital, les tests ont révélé du GHB dans mon sang. Je pense que ce connard en avait mis dans le verre.

Rachel aspira une goulée d'air par surprise. Elle avait toujours pensé que Quinn s'était évanouie à cause des mélanges de drogues et d'alcools qu'elle avait consommé. Finalement, les choses devenaient plus claires. Les évènements de cette soirée n'étaient pas seulement dus aux consommations de Quinn.

-Tu veux dire qu'il avait…

-Il avait prémédité de me violer. Moi ou quelqu'un d'autre. S'il ne m'avait pas donné ce verre, je n'aurai peut-être pas fait d'overdose.

Quinn essuya rageusement les larmes qui lui coulaient sur les joue. La souffrance et la frustration étaient toujours présentes. Elle était responsable d'une bonne partie de ses problèmes, elle en avait conscience. Cependant, la culpabilité et la honte d'avoir été prise pour une imbécile étaient encore pire face aux actes de cet homme qui avait pu profiter de la situation sans qu'elle ne puisse se défendre.

-Enfin, ça n'empêche pas qu'il fallait que ça s'arrête. Avec tout ce que j'avais pris ce jour-là, il ne m'en fallait pas beaucoup plus pour atteindre la limite. Heureusement que vous êtes arrivées, Hayden m'a laissé avec ce type sans se poser de question.

Rachel se leva d'un bond et contourna la table pour venir prendre Quinn dans ses bras. La fierté et l'amour qu'elle ressentait étaient incommensurables. Son cœur se gonflait quand elle pensait au courage dont Quinn faisait preuve face aux obstacles qu'elle avait traversés.

-Tu es la personne la plus courageuse et merveilleuse que je connaisse, déclara-t-elle contre les cheveux blonds de sa fiancée.

L'étreinte de Quinn se resserra autour de son corps tandis que ses pleurs redoublaient. C'était comme d'avoir percé un ballon rempli d'eau, tout se déversait enfin entre elles. Les épaules étaient moins lourdes, les pensées moins embrumées.

-Je t'aime, souffla Quinn d'une voix étranglée.

Et comme Rachel l'aimait aussi.


Semaine 9 – 7 juin

J'ai dit à Rachel que je l'aimais. Je me suis excusée pour tout ce que je lui avais fait. Pour ce qu'elle subissait depuis qu'elle m'avait trouvé dans ces foutus toilettes. Puis je lui ai dit que je l'aimais. Que je l'avais toujours aimé et que ça faisait sûrement de moi la personne la plus dans le déni qui puisse exister sur Terre. Elle a ri. Elle m'a tenu la main sans rien dire. Ses yeux pétillaient. Elle a souri avec ses yeux tout le reste de sa visite. Avant de partir, elle m'a embrassé sur la joue. Je crois qu'elle m'aime aussi, Journal.

Semaine 10 – 12 juin

J'ai appelé Santana. Je ne pensais pas qu'elle répondrait mais elle l'a fait. Sa voix rauque m'avait manqué alors je lui ai dit. Elle a soupiré dans le combiné et je crois qu'elle pleurait parce que sa voix a tremblé quand elle m'a répondu que moi aussi, je lui avais manqué. Elle s'est excusée de ne pas avoir appelé et de ne pas être venue. J'ai préféré l'arrêter là. Rien n'était de sa faute. J'étais la seule fautive. C'est de ma faute si tout le monde en est là. J'aurai pu appelé moi aussi. Mais j'avais honte et peur. Peur de ne plus trouver ma meilleure amie au bout du fil. Peur qu'on est changées, elle et moi. Peur qu'elle m'en veuille. Et elle m'en voulait, elle me l'a confirmé. Elle m'en voudrait encore longtemps pour avoir pensé si peu de moi-même. On a reparlé de mon accident, quand elle était venue m'aider en séance de rééducation parce que je rejetais tout le monde. Elle était la seule présente. La seule capable de me remonter les bretelles et de me donner envie de me dépasser. Je l'ai remercié pour ça. Et pour tout ce qu'elle avait fait jusque là. Elle m'a fait promettre de ne plus l'effacer de ma vie comme je l'avais fait ces derniers mois. Elle m'a dit qu'elle s'en foutait si je retombais mais que je devais la prévenir. Santana serait toujours là pour moi. On a parlé de Brittany et de Rachel. Je lui ai avoué que je l'aimais. Elle a ri parce qu'elle le savait déjà. « Sans déconner, Fabray, seule Rachel n'a jamais rien vu ». On a beaucoup parlé de mes sentiments et de mes progressions. J'avais oublié comme elle était ouverte d'esprit et de bons conseils. On a beaucoup ri aussi et ça m'a fait du bien. Les gens ici sont toujours tristes ou en manque ou les deux. Ca changeait un peu. J'ai retrouvé ma meilleure amie, Journal. Je ne la perdrais plus jamais.


Les Bellas n'étaient certainement pas les dernières pour faire la fête. Toute excuse était bonne à prendre. Alors quand elles revinrent du tribunal après la victoire de Beca, c'était tout naturellement que Stacie avait sorti les caisses de bières pour aligner les bouteilles sur la table et qu'Amy avait installé le set de karaoké dans le salon. Cyntha Rose avait passé un appel pour prévenir les Trebles.

-Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée, fit Beca qui s'inquiétait déjà de faire subir autant de bruits à sa fille.

Lucy était dans les bras de Vittoria et semblait tout à fait à l'aise dans son environnement. Elle observait chaque nouvelle personne avec de l'enthousiasme dans les yeux.

-Tu devrais fêter ça, Beca. Tu t'es assez battue tout le long de l'année, dit David en déposant une main sur son épaule.

-Oui mais Lucy…

-Pas de mais, ma chérie. Ton père a raison. Ce n'est pas une soirée qui va te tuer. Il faut bien que tu en profites une dernière fois. Et puis, regarde, Lucy va très bien, intervint Vittoria.

-On pourrait s'occuper de Lucy ce soir, proposa Sheila.

David et Beca échangèrent un regard étonné. Sheila n'était pas réputée pour aimer les enfants, même si elle avait montré plusieurs fois des marques d'affections envers Lucy quand elle en avait eu l'occasion.

-Je ne crois pas qu'elle soit …

-C'est une bonne idée, interrompit David. Elle pourra dormir dans la chambre d'amis. Tu n'as qu'à nous préparer un sac, conclut-il en sirotant son verre d'eau.

-Je ne sais pas. Je ne devrais pas la laisser autre part aussi vite.

Les parents observèrent leur fille en silence. Beca était hésitante et semblait anxieuse. Ils comprenaient que se détacher de Lucy aussi vite à peine après l'avoir récupéré pouvait être difficile pour elle. Chloe, qui avait entendu la conversation sans y participer, s'avança pour déposer sa main dans le bas du dos de Beca.

-Ca ne fera pas de toi une mauvaise mère. On ira la chercher dès demain matin, si tu le souhaites. Tu mérites de t'amuser avant de plonger totalement dans la parentalité, rit légèrement Chloe.

Les parents de Beca rirent également et acquiescèrent. David et Vittoria échangèrent un regard qui en disait long. Ils ne pouvaient pas être plus reconnaissant envers Chloe à cet instant. Beca commençait à comprendre leur point de vue. C'était peut-être sa dernière soirée avant longtemps.

-D'accord, je vais préparer un sac. Mais au moindre problème, vous m'appelez, ordonna-t-elle d'un doigt autoritaire.

-Evidemment ! Et on t'attendra demain matin avec du café et de l'aspirine, lança David en haussant la voix pour que Beca, déjà en route, puisse l'entendre.

-Merci Chloe, fit Vittoria d'un clin d'œil.

La jeune femme sourit mais ne dit rien. Pendant que les parents de Beca reprenaient leur discussion, elle prit le temps d'étudier les personnes autour d'elle. Chacun d'entre elles était venue soutenir Beca à sa façon pour son succès du jour. Encore plus important qu'une victoire au championnat d'a cappella, celle-ci était d'autant plus conséquente. Leur vie à toutes allait changer désormais, avec Lucy dans la maison. Et Chloe se surprit à aimer le sentiment que ça lui procurait. Elle avait toujours remis le sujet des enfants à plus tard, se trouvant trop jeune ou pas encore prête. C'était probablement du à ses précédentes relations. Aucun de ses partenaires ne semblaient être idéal pour former une famille. A présent, avec Beca à ses côtés, elle commençait à croire la chose possible. Tellement possible qu'elle était déjà réelle, et bien là, sous la forme d'une petite fille aux cheveux bruns et aux yeux bleu azur comme ceux de sa maman.

-Ok, alors j'ai mis un pyjama, deux couches, une tenue pour demain et une autre en cas d'accident. Vous avez ce qu'il faut chez vous pour son petit-déjeuner ?

David acquiesça, amusé. Beca, haletante d'avoir couru, fouillait dans le sac à langer pour vérifier si elle n'avait rien oublié mais il était sûr que tout s'y trouvait.

-Tu as pris les baby phones ? Demanda Chloe.

-Ah, non. Je vais les chercher…

-Pas la peine, on en a acheté hier, intervint Sheila.

Beca s'arrêta et sourit. Ils avaient tout prévu, apparemment.

-Donc tout est là, conclut la brune en tendant le sac à son père. Vous restez encore un peu ? J'aimerai vous présenter Quinn et Rachel.

-Oui, bien sûr, sourit Sheila.

Beca s'approcha de Lucy qui lui tendait les bras. Elle la serra fort contre elle, pas encore repus de pouvoir le faire comme ça lui chantait.

-Tu vas me manquer, fit-elle contre les cheveux de Lucy.

-Beca, Quinn et Rachel sont là, cria Jessica de l'entrée.

Beca roula des yeux et tendit Lucy à Chloe parce que, visiblement, la petite brune voulait se poser contre l'épaule de la rousse et jouer avec ses cheveux.

-J'arrive, fit Beca en quittant le salon.

-Elle t'aime beaucoup, remarqua Vittoria pour la centième fois au moins.

-Je l'aime beaucoup aussi, s'attendrit Chloe en déposant un baiser sur la joue ronde de Lucy.

De l'autre côté de la maison, Beca se retrouvait engouffrée dans des bras qu'elle ne connaissait pas encore assez pour ne pas rougir.

-Je suis tellement contente pour toi, fit Brittany en la relâchant d'un grand sourire.

-Merci, sourit Beca timidement. Et merci d'être venues. Faites comme chez vous, les boissons sont dans la cuisine et le karaoké dans le salon, indiqua-t-elle.

Les quatre jeunes femmes hochèrent la tête et Brittany entraîna immédiatement Rachel vers le salon. Santana roula des yeux mais un sourire traversa son visage.

-Je vais suivre ces deux-là, indiqua l'hispanique. Tu dois parler à Chloe, c'est ça ?

-Oui, où est-elle ? Demanda Quinn à Beca.

-Par ici.

Chloe salua Quinn d'une accolade, Lucy coincée entre elles. La petite fille râla et fit rire les adultes autour d'elle sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Après avoir présenté Quinn à ses parents, Beca s'éclipsa pour raccompagner Maria qui comptait bien rentrer chez elle après cette journée épuisante.

-As-tu réfléchi à ma proposition ? Demanda Quinn sur un ton neutre.

-Oui, acquiesça Chloe. Je suis partante. Il faudra juste que tu améliores ta sécurité parce que ces filles, elle désigna les Bellas occupées à danser plus loin, vont venir très souvent.

Quinn rigola et secoua les épaules. Elle serait heureuse d'accueillir les Bellas au Queen's coffee plus souvent.

-Tant qu'elles paient leurs consommations, tout ira bien, blagua-t-elle.

-Je ne suis pas sûre de ça, rit Chloe.

Elles furent interrompues par une voix puissante qui résonna à travers le micro du karaoké. Toute la maison s'arrêta et fut pris dans un élan de foule jusqu'au salon. Quinn connaissait cette voix par cœur. Elle l'avait entendu des milliers de fois chanter. Au lycée, dans la salle de la chorale, dans l'amphithéâtre, devant des centaines de personnes, sous la douche, dans la cuisine. Seule et accompagnée. Du Barbra Streisand (évidemment), du Céline Dion, du Whitney Houston, du Maria Carey, du Katy Perry, du Lady Gaga, du Taylor Swift. Des comédies de Broadway, des chansons de pop, des classiques de la variété américaine et même du rock.

Quinn avait entendu Rachel chanter un bon nombre de fois mais rien ne l'avait préparé à l'entendre chanter Listen de Beyoncé après deux ans d'abstinence. Deux ans pendant lesquels sa voix avait pu se reposer. Debout au milieu du salon, Rachel n'avait aucune idée de toutes les personnes amassaient derrière elle. Santana, qui, à en croire par sa bouche grande ouverte, était restée scotchée sur un canapé, finit par se lever, prendre un micro et l'accompagner pendant le premier refrain. Rachel, étonnée, se retourna enfin et fut surprise de toutes les paires d'yeux plaquées sur elle. Son regard croisa celui, fier, de Quinn. La blonde croisa les bras et lui fit un clin d'œil, la mine suffisante. Le rire de Rachel retentit dans le micro avant qu'elle n'enchaîne une autre envolée de notes sur laquelle seule Santana pouvait la suivre.

-Ok, maintenant, je te crois, fit Beca à côté d'elle. Et Santana chante vraiment bien !

-Oh, si tu as Amy Winehouse dans ce boîtier, ça se peut que ce ne soit pas la dernière fois que tu l'entendes.

Les yeux de Beca brillèrent de malice. Elle allait trouver ça. Il le fallait. Elle avait de véritables divas dans sa maison, et les Bellas semblaient bien trop admiratives pour s'arrêter là. Quand Rachel et Santana terminèrent la chanson sous les applaudissements du public improvisé, Stacie et Amy se jetèrent sur elles pour leur poser dix mille questions.

-Je reviens, je dois raccompagner mes parents, annonça Beca.

Quinn hocha la tête et la regarda partir. Elle croisa le regard de Chloe qui lui sourit. Derrière elle, Stacie se mit à chanter, avec un jeune homme que Quinn avait déjà croisé au Queen's coffee. Rachel la rejoignait quand ils commencèrent à chanter et elle la vit se retourner immédiatement, prise au dépourvu. Sans attendre, Quinn traversa la foule pour passer dans le dos de Rachel et l'encercler de ses bras. Santana et Brittany les rejoignirent au milieu de la pièce, chacune d'un côté du couple.

-On dirait… commença Rachel.

-Finn, finit sa fiancée.

La gestuelle, le timbre de voix, la taille. Tout leur rappelait leur défunt ami et ex petit-ami de Rachel. Plus qu'un ex, il avait surtout été le cœur de leur chorale, la personne qui les reliait tous. Et le partenaire principal de chant de Rachel. Après un instant, Rachel repoussa Quinn doucement. Elle se passa les mains sur le visage puis son regard tomba sur les mines inquiètes de ses amies.

-Tout va bien. Je vais prendre l'air, fit-elle en tendant une main à Quinn.

La blonde hocha la tête, l'air sérieux et l'accompagna. Perdre Finn les avait tous secouer. Une épreuve de plus dans leurs jeunes vies déjà bien mouvementées. Sur la terrasse, elles tombèrent sur Aubrey, emmitouflée dans une doudoune qui n'était probablement pas la sienne au vue de sa couleur rose bonbon. La blonde ne détourna même pas le regard du jardin pour leur parler.

-Leur duo vous a fait fuir, vous aussi ? Ricana Aubrey.

-Disons qu'ils nous ont rappelé des souvenirs, répondit Quinn, les lèvres pincées. Qu'est-ce que tu fais dehors par ce froid ?

Aubrey soupira. Son souffle forma une nappe de buée devant sa bouche. Elle était frigorifiée mais cela valait toujours mieux que de regarder Stacie s'épanouir auprès du premier venu.

-J'évite quelqu'un, répondit-elle sans dévoiler de détails.

-Je vois.

-Un amoureux ?, s'enquit Rachel, toujours trop curieuse pour le bien des autres.

Aubrey lui jeta un regard en coin. La brune lui rappelait curieusement Chloe. Toujours positive pour les autres. Toujours à s'enthousiasmer pour la moindre bonne nouvelle.

-On peut dire ça.

Quinn sentait déjà l'envie d'aider irradier de Rachel. Elle leva les yeux au ciel par anticipation. Ce qui suivit ne la surprit pas le moins du monde.

-Tu devrais aller lui parler, conseilla la brune.

-Non ! Pourquoi je ferai ça ?

-Parce que tu perds du temps à rester là, dans le froid. A attendre que la bonne décision te tombe dessus.

Aubrey se tourna enfin pour la regarder les yeux plissés. Si Chloe avait encore raconté des éléments de sa vie personnelle, elle la tuerait. Les paroles de Rachel étaient trop bien appropriées pour sa situation pour être le fruit du hasard.

-Je ne crois pas t'avoir demandé…

-Ce que Rachel veut dire, interrompit Quinn, forçant sa voix à passer au dessus de celle d'Aubrey. C'est qu'on sait ce que c'est d'attendre trop longtemps pour avouer ses sentiments à quelqu'un. On souffre inutilement. On a perdu trois ans à attendre qu'un signe nous dise de passer le cap.

-Tu te souviens comme c'était ridicule ? Santana râle encore de nous avoir vu nous tourner autour pendant tout ce temps, rit Rachel, nostalgique.

-Peu importe de qui il s'agit. Tu devrais aller lui parler, finit Quinn. L'attente ne te fera que souffrir.

Aubrey fronça les sourcils. Elle était assez d'accord sur le principe mais son problème ne résidait pas seulement là. Elle avait une trouille bleue de décevoir son père. Une trouille bleue de perdre la seule famille qui lui restait.

-Je ne peux pas, souffla-t-elle dans l'air glacé.

Quinn l'observa un instant. La lumière jaune accrochée au mur en briques reflétait sur son visage et accentuait ses traits contrariés.

-Bien sûr que si. Qu'est-ce qui t'en empêche ?

-La peur, répondit aussitôt Aubrey.

Quinn vit Rachel hocher la tête du coin de l'œil. La peur était l'élément qui paralysait avant même que des décisions ne soient prises. La peur était aussi ce qui poussait à prendre des choix hâtivement pour ne pas affronter ce qui faisait peur initialement. Quinn connaissait bien la peur. Elle avait vécu avec elle et partageait encore une partie de ses pensées avec cette émotion qui, finalement, n'était juste que ça, une émotion.

-Mon père me disait souvent : Tu as peur parce que c'est inconnu, pas parce que c'est impossible.

La phrase de Quinn resta suspendue pendant quelques minutes dans l'air. Les trois jeunes femmes analysaient ces mots, décortiquaient ces lettres. Quinn gardait un très mauvais souvenir de son père mais ses préceptes l'avaient toujours aidés à garder le cap. Sans le savoir, elle partageait plus de points communs qu'elle le pensait avec Aubrey qui avait, elle aussi, une figure paternelle très autoritaire.

D'un signe de tête, Rachel demanda à rentrer à l'intérieur. Quinn acquiesça mais déposa sa main sur l'épaule d'Aubrey avant de partir.

-Si tu ne sautes pas le pas, il ne restera que ça. De la peur. Et je suis sûre que ce n'est pas ce que tu veux.

Aubrey secoua la tête. Non, elle était une femme forte et indépendante. Capable de prendre ses propres décisions et d'aimer qui elle voulait. Elle n'était pas de celle qui reculait ou tergiverser. Elle faisait des choix calculés et précis. Surtout, elle s'était toujours laissée guider par son instinct. Alors au diable les préjugés et les traditions que son père s'évertuaient à continuer. Elle avait fait son choix. Qu'il la renie ou pas, elle faisait le choix d'être entourée des personnes qui l'aimaient assez pour ne pas l'obliger à faire un choix.


-Beca, où est-ce que tu m'emmènes ?

Chloe avançait les yeux bandés, guidée par les mains protectrices de Beca dans les siennes. Elles avaient quitté la soirée pour monter les étages de la maison, visiblement tout en haut, jusqu'à la chambre de Beca.

-Voilà, on y est. Encore deux secondes, fit Beca qui l'attira à elle puis la fit s'asseoir sur une chaise. Maintenant, on peut enlever ça.

Chloe ouvrit les yeux sur l'ordinateur allumé de Beca et se demandait bien ce que sa petite-amie lui avait préparé.

-Tu m'as bandé les yeux pour m'attirer dans ta chambre, c'est sexy, roucoula-t-elle.

La brune leva les yeux au ciel mais sourit malicieusement. Elle se pencha sur l'ordinateur pour sélectionner une vidéo et l'arrêta avant qu'elle ne commence.

-J'ai quelque chose à te montrer. Quand ce sera fini, je t'attendrai dans ta chambre.

Chloe accepta le baiser de Beca et la regarda descendre les marches, confuse. Sans attendre, elle mit en route la vidéo qui révéla le visage d'Ashley.

-Chloe m'aide toujours à trouver des idées originales pour mon cours de photographie, fit la brune en parlant à la personne derrière la caméra. Une fois, on a passé tout un après-midi à chasser des papillons dans le parc de l'université pour essayer d'en prendre en photo. C'était génial.

Chloe rigola en se souvenant de cette journée mémorable. Elle avait adoré aider Ashley dans son projet et ça lui avait permis d'apprendre plein de choses sur la photographie.

-On en a eu quelques uns et la photo que j'ai choisi a servi d'exemple dans le cours. Chloe est comme ça, elle aide les gens et sans le savoir, tout ce qu'elle touche se transforme en or. Quand elle vous donne son attention, c'est tout entièrement. Elle se consacre corps et âme à ses amies.

La vidéo changea pour montrer Jessica, assise sur son lit en tailleur.

-Quand je suis arrivée ici l'année dernière, je n'avais personne. J'étais déprimée et je ne me sentais pas à ma place. Je ne mangeais plus et j'allais en cours par simple culpabilité pour mes parents.

Le cœur de Chloe se serra devant la mine sérieuse de son amie qui, elle se souvenait, avait beaucoup lutté contre sa dépression quand elles s'étaient rencontrées.

-Quand j'ai reçu le flyer pour les Bellas sous la porte du dortoir, je me suis dit que faire partie d'un groupe, ça pouvait m'aider. Chloe est venue me voir avant l'initiation et m'a encore plus convaincu. Sans qu'elle le sache, elle m'a sorti du trou où je me cachais. Elle m'a évité de tomber dans une dépression sévère et de tout abandonner. Et elle m'a permis de rencontrer toute une bande de super copines. Merci Chlo'bean.

Le sourire étiré sur les lèvres de Chloe s'élargit quand la vidéo passa sur Cynthia Rose.

-Chloe, c'est la maman du groupe. Me regarde pas comme ça, tu l'es aussi, Cap'. Mais Chloe, elle prend soin des gens parce qu'elle aime ça. C'est naturel chez elle, ça lui demande aucun effort. L'année dernière, quand j'ai fait mon coming out, je suis passée par une phase difficile.

Chloe se souvenait très bien de cette période. Elle avait tenté de soutenir Cynthia Rose comme elle l'avait pu.

-Un soir, elle m'a vu m'effondrer et ne m'a pas jugé. Elle m'a parlé sans tabou et on est restées dans les vestiaires de l'auditorium pendant des heures à discuter des solutions à mes problèmes financiers. Je ne voulais pas, au début, que tout le monde participe. C'était mon problème. Mais Chloe m'a rappelé qu'on était une famille. En fait, je venais de perdre la mienne… (Cynthia Rose essuya le coin de son œil, la voix serrée.) Mais elle m'en a donné une autre, bien meilleure et tolérante. Jamais je ne pourrais la remercier assez.

La jeune femme n'était pas réputée pour partager ses sentiments facilement. Elle se montrait dure et forte en toutes circonstances. L'entendre déballer ses pensées et remercier Chloe comme elle le faisait émût la rousse. Son cœur se gonfla et ses yeux s'embuèrent. Quand la vidéo s'arrêta sur le visage de Lily, pendue la tête en bas sur les barres asymétriques de son cours de gymnastique, le rire de Chloe se fit humide et grave. Le message de Lily se composait de pancartes que seule Chloe semblait comprendre. Une suite de rébus, si Beca avait tenté d'expliquer. Ensuite, Amy fit son apparition devant la caméra. Elle était dans sa chambre, celle-là même où se trouvait Chloe.

-Ma Ginger Beauty, ma Mama Bear, ma capitaine préférée, commença Amy avant de se pencher pour éviter un coussin. Ca va, je t'aime aussi, Becasaurus. Tu sais qu'on se parle jamais de nos sentiments mais toi, ma rouquinette, tu en as besoin en ce moment. Alors il faut que tu saches quelle amie superbe tu es. Malgré les préjugés des gens autour, tu m'as accepté. Même Aubrey était réticente au début mais pas toi. Tu m'as toujours respecté et traité comme tu traites chaque personne autour de toi, avec respect et gentillesse. La vie d'une bonasse comme moi n'est pas facile mais toi, Chlo'bear, tu l'as rendu super simple. Maintenant, je fais partie d'une bande de Twig Bitches et c'est trop bien. Je t'aime, Chlo. Bon, maintenant, assez de tout ça. T'as intérêt à tout déchirer en rééducation. On veut vite revoir ton Ginger Booty nous apprendre à danser !

Chloe passa les doigts sur ses joues traversées de larmes. La chaleur que dégageait la bonté de ses amies la transperçaient de toutes parts.

-Chloe, on ne se connait pas depuis longtemps mais tu es la première à m'avoir accueillie quand je suis arrivée à Atlanta, récita Flo d'un accent parfait, une feuille de papier entre les mains. Sans le savoir, c'est toi qui m'a donné ma première impression sur ce pays et cette culture. Et je suis contente d'être tombée sur toi. En voyant comme toutes les filles étaient bouleversées quand tu as eu ton accident, j'ai compris que j'étais au bon endroit. Tu m'as fait entrer dans une familia qui est presque aussi folle que la mienne. J'ai hâte de continuer nos discussions sur les langues étrangères et d'en apprendre plus sur ton pays comme tu aimes en apprendre sur le mien. Bon courage dans ta guérison. Et merci de m'avoir acceptée comme tu l'as fait.

Les mains de Chloe se regroupèrent d'elles-mêmes sur son cœur et elles ne bougeraient plus par la suite. Stacie apparut sur l'écran, aux côtés d'Aubrey. Les deux jeunes étaient postées sur le lit de Stacie.

-Tu commences ou je commence ? Demanda Aubrey, une feuille à la main et continua devant le regard appuyé de Stacie. Bon ok, Chloe, toi et moi, on a toujours su se parler donc tu sais ce que je pense. Tu es ma meilleure amie. Tu es celle qui a géré mes crises de panique pendant trois longues années. Celle qui m'a tenu les cheveux quand je vomissais…

-Dégoutant, commenta Stacie.

-Celle qui m'a décidé à créer le nouveau groupe des Bellas sans me conformer à ce qu'on nous avait dit.

-Yes, baby !

-Celle aussi qui prenait des notes pour moi en cours de maths pendant que j'étais en droits des affaires, rit Aubrey d'un clin d'œil. Bref, tu es ma partenaire dans le crime et tu le resteras toujours. Prends soin de toi et si tu ne le fais pas, je serai toujours là pour te rappeler de le faire.

-C'est tout ?

-C'était déjà pas mal, répondit Aubrey les sourcils froncés.

-Ok, à moi, je…

-Tu n'as rien préparé ?

-Non, pas besoin, fit Stacie, confuse en haussant les épaules.

-Tu aurais du quand même, imagine que tu bégayes, expliqua Aubrey.

La caméra se tourna pour montrer le regard blasé de Beca alors que les deux autres discutaient sans s'en rendre compte de la meilleure façon de parler à Chloe. La jeune femme rit de bon cœur en constatant le calvaire qu'avait du vivre Beca pour réaliser cette vidéo. Le montage coupa puis, enfin, Stacie se retrouvait seule face à la caméra.

-Aubrey est partie discuter avec toi dans la cuisine pour ne pas que tu te doutes de quelque chose, expliqua la jeune femme en tirant la langue. Par où commencer… Dans tout ce beau monde de meufs complétement folles, tu es celle qui me ressemble le plus, et pas seulement parce que tu as un cul d'enfer.

Chloe éclata de rire, les larmes coulant librement sur ses joues. Elle renifla joyeusement, se moquant totalement de quoi elle pouvait avoir l'air à cet instant précis.

-Tu devrais voir la tête de Beca… Je disais, du coup, comme on se ressemble, tu me comprends bien et tu es celle qui a compris comment je fonctionnais. Malgré mes allures de pimbêche qui se moque de tout, tu as compris très tôt que ce n'était qu'une façade et je me souviens encore de notre première vraie discussion où tu m'as dit que tu serais toujours là pour m'écouter quand je voudrais faire tomber le masque. On sait toutes les deux qu'il y a eu plusieurs occasions depuis et je t'en remercie. Grace à toi, j'ai une personne de confiance avec qui je me sens en sécurité pour être réellement moi-même sans avoir peur d'être jugée. Tu m'as appris qu'on était ce qu'on était et tant pis si les autres n'aiment pas ce que ça donne, c'est pas notre problème. Avec le temps, j'apprends à m'ouvrir et je pense que tu y es pour quelque chose. Toi et toute cette bande de frappées. Merci d'être toi, Chloe.

La jeune femme envoya un baiser à la caméra avant que l'écran ne passe à Beca, en gros plan, qui mettait en place l'appareil. Chloe observa sa petite-amie s'asseoir sur son lit, le genou agité, les mains visiblement moites, aux vues du nombre de fois que Beca les frotta sur son jean.

-C'est au moins la dixième prise parce qu'à chaque fois, je trouve que ce n'est pas parfait. Puis, là, je viens de me rendre compte que ce ne sera jamais parfait à mes yeux. Parce que c'est pour toi.

Chloe s'attendrit instantanément, ses bras se resserrant sur elle-même. Elle pouvait se montrer très dure, parfois. Intouchable et autoritaire quand il le fallait. Mais Beca était sa faiblesse ultime. Cette femme était ce qu'elle aimait le plus au monde.

-Tu sais que je ne suis pas douée avec les mots. J'ai failli demander de l'aide à Quinn. Mais je voulais te montrer que je pouvais laisser tomber tous les murs. Enlever ma carapace. Et je ne vais même pas me cacher derrière la musique. De toute façon, il me faudrait au moins douze musiques mélangées pour t'expliquer ce que je ressens. Roh, je recommence à parler dans le vent, râla Beca en se frottant vivement le visage. Bon, tant pis. Bref, Chlo', j'ai eu l'idée de faire cette vidéo après la discussion qu'on a eu avec Quinn et Santana et le tableau que Quinn avait avec elle en rééducation. Je sais que c'est dur pour toi mais je voudrais que cette vidéo reste avec toi et que tu la ressortes à chaque moment difficile pour te rappeler qu'on est là. J'espère que tu l'aimeras.

Chloe la vit prendre une énorme inspiration. Elle savait comme c'était une épreuve en elle-même pour Beca. Le geste semblait on-ne-peut-plus romantique par conséquent.

-Quand je suis arrivée à Atlanta, c'était pour ne pas rester. Je devais faire un an et partir pour Los Angeles. Et puis, une psychopathe est entrée dans ma douche un soir et depuis, je suis devenue capitaine d'une équipe d'a capella.

Chloe éclata de rire. La brune sur l'écran secouait la tête, n'y croyant pas elle-même. Le sourire étiré sur son visage trahissait ses sentiments.

-Et tu sais quoi ? J'ai trouvé ça très dur au début. Pourtant, j'ai accouché d'un enfant alors je m'y connais en difficulté. Mais organiser toute une bande de filles toutes plus excentriques les unes que les autres, c'est presque une mission impossible pour l'ermite que je suis. Mais encore une fois, tu étais là. En partageant le rôle de capitaine avec toi, j'ai compris que je pouvais pas rêver meilleure partenaire. Tu travailles dur, tu ne comptes pas l'investissement qu'il faut pour qu'on réussisse et tu es passionnée. C'est ce que tu transmets à tout le monde autour de toi. Tu es quelqu'un de passionné dans tout ce que tu fais et c'est ce que j'admire le plus chez toi. Non, attends, ce que j'admire le plus c'est ta force. Tu as affronté des épreuves tellement difficiles et pourtant, tu es là à rayonner autour de nous comme si rien ne s'était passé. Je suis sûre que Christopher te regarde, de sa constellation, et qu'il est super fier de toi. Moi je le suis. Je te trouve merveilleuse, Chloe. Encore plus depuis que j'ai le droit de te regarder vraiment.

Beca marqua une pause et Chloe la remercia silencieusement. Son cœur battait la chamade d'amour pour ses amies et Beca, et de tristesse pour son frère, pour ces souvenirs qu'elle ne pouvait que raconter seule.

-Tu m'as dit un jour que tu aimerais que je me vois comme toi tu me vois et, c'est drôle mais je me suis dit la même chose pour toi. Alors j'ai ressorti toutes les photos que j'avais de toi. Je te laisse voir.

Le visage disparut pour laisser défiler des dizaines de photos, toutes plus ou moins prises par Chloe.

-Sur chacune des photos, ton regard est tourné vers quelqu'un, continua la voix de Beca en arrière plan. Jamais tu ne te préoccupes de toi, tu es toujours tournée vers les autres. Voilà comment je te vois. Comme quelqu'un d'altruiste. Comme quelqu'un qui ne recule devant rien pour aider les autres. Comme quelqu'un de purement bon, tout simplement. Tu es la gentillesse incarnée.

Beca réapparut à l'écran, les mains jointes.

-Tu es aussi la femme la plus jolie que je n'ai jamais vu de toute ma vie et peut-être la plus bizarre aussi, rit-elle timidement. Tu es celle qui me fait rire quand ça ne va pas. Celle dont je ne pourrais plus me passer. Le rayon de soleil qui chasse mon nuage grisonnant. Celle qui a su charmer ma fille alors qu'elle ne se laissait approcher par personne.

La brune s'arrêta pour lancer un regard appuyé à la caméra, qui fit rire Chloe parce qu'elle savait comme ça les faisait marrer que Lucy soit autant charmer par Chloe que l'était Beca.

-Tu es celle qui m'a accepté entièrement, sans avoir senti le besoin de donner une opinion sur mon passé. Tu es celle que j'aime et parce que je t'aime, j'aimerai maintenant que tu prennes soin de toi avec la même intensité avec laquelle tu prends soin des autres. Tu es capable de bouger des montagnes, Chlo. Il ne te reste plus qu'à bouger ses belles jambes et à les faire marcher. C'est la seule façon que tu as de prendre soin de nous. En prenant soin de toi, d'abord. Je vais arrêter parce que sinon ça peut encore durer longtemps. Tu remercieras Jessica pour le montage et Ashley pour m'avoir prêté son appareil. Voilà, maintenant, à toi de jouer. Prends soin de toi et continue à dépasser tes limites. Tu vas y arriver. Je t'aime, Chlo'.

Un court générique marqua la fin de la vidéo. Comme si Chloe avait besoin de se rappeler les prénoms des personnes dans la vidéo. La jeune femme s'essuya les joues machinalement et prit un moment pour respirer. Elle comprenait maintenant les cachoteries et les murmures derrière son dos. Il fallait reconnaître que les filles avaient su jouer le jeu. Même Amy avait su garder sa langue. Tout ça sous l'autorité de Beca. Très vite, un sourire malicieux naquit sur le visage de Chloe. Elle ferma l'ordinateur portable de Beca et se précipita dans les escaliers, aussi vite que sa jambe le lui permit.

La musique battait encore son plein au rez-de-chaussée mais elle s'en moquait. Elle n'avait qu'une destination en tête. Retrouver Beca. En ouvrant doucement la porte de sa chambre, elle découvrit Beca assise sur le lit. De la musique sortait des enceintes posées sur son bureau. Quand elle la vit entrer, Beca se leva d'un bond, les joues s'empourprant déjà. Chloe referma la porte distraitement en s'appuyant dessus et tourna le verrou. Ni l'une ni l'autre ne se décida à bouger. Elles s'observèrent quelques instants, les yeux pleins de timidité et de tendresse. Chloe mesurait toute l'étendue de son amour pour la jeune femme qui se trouvait devant elle. Jamais elle n'avait ressenti de désir aussi fort, de besoin si intense de montrer comme elle aimait.

Chloe finit par faire un pas, sans rien dire et passa les mains doucement sous son pull pour l'enlever. Tandis qu'elle lâchait le pull au sol, ses yeux ne quittèrent jamais ceux de Beca qui restait bouche bée, immobile près du lit. Un pas de plus et son t-shirt retrouva son pull sur la moquette. Beca aspira une goulée d'air par surprise. Chloe la vit avaler sa salive. Elle continua son avancée, calmement, lentement, ondulant les hanches comme un serpent sous l'effet de la musique. Elle reconnut les basses d'une chanson d'Ariana Grande. C'était la playlist de Beca. Celle listant les chansons qui lui faisaient penser à Chloe.

Un pas de plus et elle était enfin devant Beca. La brune la dévorait des yeux, se mordillait la lèvre inférieure. Chloe posa une main sur l'épaule de Beca pour détacher son attelle le plus rapidement possible. Elle la jeta à travers la pièce. Comme consciente que Chloe aurait besoin d'un appui, Beca passa ses mains sur ses hanches pour la maintenir en place. Chloe leva un sourcil effronté en saisissant les extrémités du t-shirt de Beca, qui s'était déjà départie de son blazer. Beca lui sourit de toutes ses dents. Elle leva les bras pour laisser Chloe la déshabiller d'un geste souple. Habilement, la brune passa deux doigts autour du bouton de pantalon de Chloe mais s'arrêta pour demander confirmation silencieusement. Chloe était perdue dans son observation. Elle avait déjà vu Beca nue, involontairement dans la douche des dortoirs étudiants mais là, c'était autre chose. Beca portait un soutien-gorge en dentelle noire, ses tatouages en évidence sur sa peau pâle et dénuée d'imperfections.

Beca s'amusa de la voir la reluquer ouvertement. Tendrement, elle passa une main dans les cheveux de Chloe et prolongea sur sa mâchoire jusqu'à tenir son menton entre ses doigts. Elle lui releva la tête. Leurs regards se percutèrent à nouveau. Puis Beca plongea pour l'embrasser langoureusement. Les sons de leurs gémissements se répercutaient sur les murs. Chloe se délectait de sentir la langue de Beca s'enrouler à la sienne. Les mains baladeuses de la brune lui donnait des frissons sur tout le corps. Sans un mot, Beca se recula légèrement pour plonger son regard dans le sien. Ses mains s'étaient arrêtées sur les agrafes de son soutien-gorge. Chloe approuva de la tête et laissa Beca passer ses deux mains sous les bretelles pour lui enlever. Le sous-vêtement tomba au sol. Beca prit son temps pour l'observer. Sur son visage, Chloe pouvait voir toute la délectation qu'elle avait de la découvrir presque nue. Elle vit Beca lever une main et inspira par anticipation. Délicatement, la brune posa une main puis l'autre autour des seins de Chloe. Ses yeux remontèrent pour rencontrer leurs homonymes.

-Tu es magnifique, souffla-t-elle avant de s'avancer à nouveau pour l'embrasser.

Chloe sentit son corps se réchauffer au touché doux et tendre de Beca. Ses doigts se voulaient de plus en plus aventureux. Elle ravala un couinement quand la brune pinça distraitement l'un de ses tétons. La sensation frappa immédiatement entre ses jambes et dans son bas-ventre. Le désir qui s'insuffla en elle la poussa à dégrafer le soutien-gorge de Beca. Le brune gémit à son tour contre sa bouche en sentant l'air frais sur sa poitrine. Chloe se recula pour observer Beca. Sa langue passa sur ses lèvres dans un mouvement instinctif. Ses sens étaient en ébullition. Beca l'attrapa dans ses bras pour les retourner. Chloe s'assit sur le lit et regarda Beca déboutonner son jean et le descendre sur ses jambes sans jamais la quitter des yeux.

Le regard affamé, Chloe prit note du dernier bout de tissu qui recouvrait Beca avant que celle-ci ne l'approche pour attraper les bords de son pantalon. Dans un mouvement laborieux, Beca l'aida à enlever son pantalon et très vite, elles se retrouvèrent à égalité. Titanium traversa les enceintes à ce moment-là. Elles se regardèrent les yeux grands ouverts puis éclatèrent de rire.

-Tu l'as fait exprès ? Demanda Chloe en attrapant la main de Beca pour l'attirer à elle.

-Evidemment, confirma Beca en grimpant à califourchon sur Chloe. Ca fait partie de mon plan machiavélique pour te mettre dans mon lit.

Chloe rit et vint saisir les seins de Beca dans ses mains tièdes. Elle appuya un baiser sur les lèvres de la brune.

-Devine quoi ? Ca fonctionne, souffla-t-elle avant de l'embrasser dans le cou.

Beca gémit, ses hanches se balançant naturellement contre elle. Les deux mains dans les cheveux de la rousse, elle la laissa goûter et dévorer chaque parcelle de son cou et de ses épaules. Chloe s'allongea en prenant garde de tenir Beca dans ses bras. La brune prit appui sur ses coudes, les mains de Chloe sur les hanches.

-Coucou, murmura Chloe en replaçant une mèche de cheveux derrière l'oreille de Beca.

Beca s'attendrit et posa sa main sur celle de Chloe, voulant la garder encore un peu plus près d'elle. Ses longs cheveux bruns les cachaient du reste du monde comme un rideau. Chloe prit le temps d'analyser tout ce qu'il se passait dans la pièce. Elle sentait son cœur tambouriner dans sa poitrine. La musique autour d'elles était calme et sensuelle. Le parfum habituel de Beca embaumait la pièce. La peau douce de ses jambes contre les siennes lui donnait des frissons.

-Est-ce que tu es sûre ? Demanda-t-elle à Beca qui l'observait sérieusement.

La brune hocha la tête rapidement puis s'abaissa pour frotter son nez contre celui de Chloe.

-Je t'aime, chuchota-t-elle contre ses lèvres.

Chloe l'embrassa immédiatement, ses mains descendant sur le bassin de Beca pour la saisir par les fesses. La surprise de Beca fut aspirée dans leur baiser. La brune abandonna les lèvres de Chloe pour se plonger dans son cou. Elle s'attarda un instant sur sa carotide, mordillant et léchant. Chloe pensa à lui dire de ne pas laisser de marque mais l'idée disparut aussi vite qu'elle était venue. Elle sentit les lèvres de Beca descendre de plus en plus sur son corps, occupant les endroits stratégiques par des baisers appuyés. Quand elles se refermèrent sur un premier téton, Chloe sentit son corps s'enflammer. Son dos se souleva du matelas. L'humidité entre ses jambes parsema ses cuisses. Beca s'attarda un peu sur la chair, mordillant et léchant savoureusement. Quand elle passa au second sein, elle décida de mordre immédiatement. Chloe gémit de plaisir, le dos arqué. La brune en profita pour passer ses deux bras autour d'elle et lui dévorer la poitrine.

Tranquillement, Beca descendit sur l'abdomen de Chloe, entoura son nombril de sa langue. Elle sentit les ongles de Chloe lui agripper le crâne. Les sons de satisfaction qui sortaient de sa gorge la poussaient à continuer. Quand elle embrassa le creux de ses hanches, juste au bord de sa culotte en dentelle émeraude, Chloe écarta les jambes mécaniquement. Beca remonta le corps qui s'étendait devant elle de ses yeux admiratifs. Chloe avait les yeux fermés, une main pressée autour de son sein, l'autre accrochée dans les draps. Beca passa ses pouces de chaque côté de la dentelle, attendant une interdiction, une protestation, quelque chose mais Chloe ouvrit seulement les yeux pour la regarder faire.

Le sourire fier, Beca jeta la culotte derrière elle et s'allongea entre les jambes de Chloe. La jeune femme rougit furieusement en constatant que ses cuisses portaient de longues lignes d'humidité. De toute façon, Chloe était presque sûre que ses joues étaient rouges bien avant cela. Doucement, elle vit Beca embrasser son genou, mordiller la peau de ses cuisses et faire la même chose de chaque côté. Lentement, très lentement, au point où Chloe commençait à s'impatienter. Ses hanches battaient l'air par simple besoin d'attention. Pourtant, quand Beca arriva devant son entre-jambe, elle n'attendit pas.

D'une inspiration qui réveilla les zones sensibles de Chloe, Beca effleura son intimité du plat de sa langue et toutes deux gémirent de plaisir. Le corps de Chloe se relâcha complétement sur le lit avant de se tendre à nouveau, sous l'assaut de la langue et des dents de Beca qui faisait des merveilles autour de son clitoris. Beca continua à sucer, lécher et mordre sous les acclamations de son prénom dans la bouche de Chloe. Quand Chloe sembla au bord du gouffre, elle plongea avec précaution un doigt entre ses jambes. La jeune femme s'assit presque entièrement et Beca dut la maintenir contre le matelas pour ne pas être interrompue dans ses va-et-vient. Consciente que Chloe avait besoin d'un point d'ancrage, elle entremêla ses doigts aux siens sur son ventre. En même temps, elle glissa un second doigt et crut voir Chloe basculer. Les mots qui sortaient de sa bouche n'étaient plus articulés. Des sons graves de jouissance sortaient de sa gorge. Elle s'agrippait les cheveux, les seins, l'abdomen, dans une frénésie totale. Beca tira sur sa main pour attirer son attention. Les deux yeux cobalts rencontrèrent les pupilles azurs habitées et elles maintinrent le contact. Beca courba les doigts à l'intérieur de Chloe, accéléra avec sa langue. Sentant Chloe très proche, elle retira sa bouche de son entre-jambe pour mordre sa cuisse, laissant une marque dans son sillage. C'était la dernière goutte d'eau pour Chloe. Dans un dernier cri de jouissance, elle chavira.

Sentant l'intimité de Chloe se comprimer autour de ses doigts, Beca continua un instant, laissant Chloe retomber de son orgasme. Elle embrassa chaque parcelle de peau qu'elle pouvait atteindre, lécha la violente marque qu'elle venait de faire.

Après ça, le pays aurait bien pu s'effondrer qu'elles n'en auraient rien eu à faire. Elles firent l'amour plusieurs fois, tentèrent de nouvelles choses, se découvrirent encore plus, avant de tomber de fatigue dans les bras l'une de l'autre. Nues et épuisées sous les draps, elles se souviendraient de cette soirée toute leur vie.