Chapitre XXVI : Mullo
L'Impérium pas avant le troisième printemps,
Pour le Doloris comptez le double en temps.
Note de bas de page du Codex de Serpentard.
Le lendemain, un puissant bruit réveilla Eddy, Bellatrix et Narcissa qui s'étaient endormis devant le feu. Quand il émergea, ce fut d'un bond en sortant sa baguette, persuadé que Jedusor et ses sbires étaient venus pour lui. Mais ce n'était pas le cas.
—Mullo ! Mullo ! entendit-il crier Pachko devant la caravane de Berry. Mullo !
Le cœur d'Eddy fit une embardée quand il comprit les paroles du rom. Il abaissa sa baguette, complètement sonné. L'agitation avait prit le camp et tous les gitans couraient dans tous les sens en criant d'un air paniqué. Ximena lâcha un long cri mais Zelda fumait calmement sa longue pipe d'un air affligé en caressant le gros chien blanc de leur campement.
—Qu'est-ce qu'il se passe ? couina Narcissa.
Quand il voulut s'approcher de la caravane, Ximena le tira en arrière alors que Pachko refermait la petite porte de la caravane avec l'effroi de celui qui craint une malédiction. Il avait entre les mains un pistolet fumant qu'il jeta presque immédiatement dans l'herbe.
Il mit un temps qui lui sembla infini à comprendre, ses yeux voyaient quelque chose mais l'information refusait de monter à son cerveau.
—Berry est… mort. Il s'est tué, murmura l'adolescent dévasté. Non !
Non. Ce n'était pas possible, il n'avait pas pu faire ça, se disait-il. Mais trop tard, les mots fatidiques avaient franchi la barrière de ses lèvres. La froideur du constat lui fut jetée au visage comme un sceau d'eau glacé.
—Pourquoi ? s'exclama brutalement Bellatrix. Ça n'a pas de sens !
—Il était malade, murmura Eddy. Il ne lui restait plus beaucoup de temps.
—Mullo, chuchota Ximena en lui saisissant doucement le bras. Ne regarde pas ça. Il faut le laisser partir maintenant, chavo.
Dans les souvenirs indistincts qu'Eddy avait de sa vie de nomade, il n'avait jamais assisté à un enterrement, mais il connaissait le principe pour l'avoir appliqué sans le vouloir à son propre géniteur. La roulotte étant tout ce qu'un gitan pouvait posséder, c'était avec elle qu'il était immolé par delà la mort.
Dans les petites lueurs de l'aube au milieu de cet assemblage hétéroclite de membres de sa famille, de sorcières et de gitans, Eddy disait au revoir à William Berry. Berry était parti sans lui dire au revoir après l'avoir reconduit auprès des siens. L'adolescent éprouvait un mélange de colère et de stupéfaction suite à son geste. Il n'avait pas pu rentrer dans la caravane pour le voir en vrai, et se contentait de lui dire adieu ainsi de loin.
—À bientôt Mr Berry, murmura-t-il.
Eddy s'écarta. Quand Berry lui avait confié son état de santé, il était déjà prêt à partir. L'adolescent réalisa que c'était lui qui n'était pas prêt à laisser partir Berry, il ne s'en sentait pas capable. La mort auprès de laquelle il avait sans cesse marché ces dernières années revenait une fois de plus.
Enroulé comme dans du coton, Eddy vit Pachko mettre le feu à la caravane qui commença à s'embraser rapidement. Kelyan le grand romani qui avait amené Berry au camp la veille fumait sa cigarette en ayant l'air de regretter de l'avoir conduit. Narcissa pleurait à chaudes larmes derrière lui, tandis que Bellatrix tentait de la réconforter. Tout le monde était très silencieux parmi les gitans qui honoraient dans la mort cet inconnu. Eddy ne se sentait pas le cœur de les rejoindre, il resta là, silencieux, pendant un long moment.
Quand la Mort le cueillerait à son tour, aurait-il des gens pour le pleurer ? Il saisit dans sa poche la petite roue dessinée dans du plastique par Berry avec l'envie furieuse de l'embraser mais à peine cette pensée émergea qu'elle lui poignarda presque littéralement les côtes. Enfin quelques larmes tombèrent de ses yeux à ses joues et il les laissa s'écouler avec sa tristesse.
La matinée était avancée quand Eddy se détourna de la caravane, tremblant et un peu fiévreux. Les gitans semblaient sur le départ, comme Bellatrix et Narcissa.
—Il faut qu'on retourne à Handsworth. On a assez perdu de temps, murmura Bellatrix après l'avoir zyeuté pendant un moment l'air de se demander si elle pouvait le taquiner à cet instant. Tu as les yeux rouges, tu as pleuré ?
—C'est la fumée, baragouina-t-il et Narcissa donna une tape sur le bras de sa grande sœur pour empêcher tout dérapage de sa part. Si vous voulez je vous accompagne. Je ne peux pas rester ici.
Bellatrix parut peu enthousiasmée mais Narcissa hocha vigoureusement la tête alors qu'Eddy voyait sa tante s'occuper des deux juments de Berry. Presque timidement il s'approcha de la vieille femme.
—Si l'on suit sa logique, Berry semble t'avoir légué ses juments. Tu les veux ? Que veux-tu faire chavo ?
—Je ne sais pas si je peux m'occuper d'elles. Je ne pourrai pas leur apporter la vie qu'elles méritent. Peux-tu t'occuper de Mullo et Kushti ?
—Je peux m'occuper de cette jument, fit lentement Zelda en pointant Kushti. L'autre porte le mauvais œil, rien ne pourra l'aider.
—Parce qu'elle s'appelle Mullo ? Comme la mort ?
Sa tante lui fit une grimace et Eddy se demanda si c'était la tradition ou la superstition qui la faisait parler.
—Cette jument est au bout de son chemin. Il faut la laisser partir.
—Partir où ?
—Partir, chavo. Et elle pourra revenir.
Cette remarque fut celle de trop pour l'adolescent qui se braqua. Les hésitations de sa tante face à Mullo étaient les mêmes que face à lui, et il se sentit profondément blessé. Après toutes ces années, ils ne semblaient plus parler le même langage car chacun était fermement campé sur ses positions. Il était à moitié gitan, et ne comprenait pas ce qui dans sa propre culture manifestait un jugement aussi catégorique.
Eddy saisit doucement le licol de la jument grise qui avec l'âge avait des tâches argentées sur le crin de sa robe.
—Je ne l'abandonnerai pas. Elle part avec moi.
—Soit, répondit lentement sa tante. Nous partons aussi. Il ne fait pas bon rester là où la mort a frappé. Occupe-toi de tes raclis et je m'occuperai de cette jument, chavo.
Sa tante ne lui proposait pas de les suivre, quelque part, elle semblait avoir compris qu'ils n'avaient plus la même route depuis des années. Après les salutations d'usage avec tout le monde, Ximena l'embrassa et sa tante l'enlaça une dernière fois.
—Devvel, chavo. Latcho Drom (Adieu, bonne route)
Tandis qu'il s'éloignait un peu pantelant pour rejoindre Bellatrix et Narcissa, il jeta un coup d'œil derrière lui. On se disait rarement adieu dans sa langue, car il y avait toujours l'espoir de se recroiser au bout du chemin. C'était la première fois qu'il entendait ce mot prononcé en ce sens. Il récupéra Mullo qui broutait dans le pré non loin de Kushti.
—Allez viens ma belle, murmura-t-il doucement. On va se balader un peu.
Mullo hennit doucement avant de se laisser faire pour rejoindre les deux sœurs Black en contrebas de la colline.
—Tu ne restes pas avec eux ? glapit Bellatrix étonnée.
—Non. J'ai eu les réponses que j'attendais. Maintenant, c'est chacun de son côté. Retournons à Handsworth, dit-il rapidement.
Derrière eux un léger filet de fumée s'échappait de ce qui restait de la caravane de Berry et s'élevait haut dans le ciel brumeux. Devant eux s'étalait la ville et c'était par là qu'ils devaient aller.
Narcissa montait Mullo à cru devant tandis que Bellatrix et Eddy marchaient pour se rendre aux abords de la ville. La vieille jument était souple de caractère et se laissait guider par la jeune fille sans problème mais peinait visiblement sur la route pavée.
Ils reprirent le même chemin que le jour précédent même si entretemps tout avait changé et les deux filles Black le sentaient bien. Bellatrix était presqu'amicale depuis la crémation de Berry.
—Il avait un peu le chic pour casser l'ambiance ce vieux gitan, souffla-t-elle. Il ne pouvait pas attendre avant de se tuer ?
—Bella, gronda Narcissa.
—Mais quoi ? J'ai pas raison, Lee ?
Non, car quelque part Eddy se disait que peut-être que si Berry avait envisagé sa fin de la sorte, le lieu et le moment n'étaient pas non plus un hasard. Il avait décidé de s'ôter la vie et rendre ces collines maudites aux yeux du clan, de sorte qu'ils n'y reviendraient jamais. De sorte qu'ils ne seraient pas retrouvés.
Eddy se demanda si de la mort, Berry avait essayé une nouvelle fois de le protéger avec les siens. Sa mort brutale l'avait laissé avec de nombreuses questions sans réponses.
Ils retournèrent sur la place principale d'Handsworth avec la jument qui cette fois attira de nombreux regards. Des petits garçons en culotte courte s'en approchèrent pour la caresser et Eddy en profita pour les questionner à l'instar des deux Black sur les Tonks.
—Y'a la maison de la mère Tonks je crois, baragouina un petit garçon aux habits déchirés.
—Tu sais où elle se trouve ? demanda Narcissa au petit moldu manifestement sous son charme car il rougit.
—Je peux te montrer, si je peux monter le cheval, s'enthousiasma-t-il.
—Alors soit, dépêche-toi, gronda Bellatrix en montrant les dents.
Le gamin peu soucieux du ton de la brune monta sur ses petites jambes courtaudes derrière Narcissa et commença à les guider dans les rues. Plusieurs enfants les suivaient, curieux de leur étrange équipée.
—Ils vont nous suivre encore longtemps comme ça, ces moldus ? siffla la jeune fille à voix basse. Ton fichu cheval est trop voyant. Je voulais être discrète !
—Pour agresser ta sœur ? répondit Eddy acerbe. Autant qu'ils restent alors.
Bellatrix se tût et Eddy eut la satisfaction de profiter d'un silence relatif. Ils étaient arrivés en périphérie de la commune dans un quartier un peu plus bourgeois à en voir les hautes palissades et les voitures rutilantes. Mullo ici faisait encore plus tâche dans le décor et les cris des petits enfants n'arrangeaient rien.
—C'est dans cette maison qu'habitent les Tonks, M'dame, piailla le gosse à l'intention de Bellatrix.
Il descendit du flanc de Mullo et eut l'air d'attendre une récompense en tendant la main.
—Allez quoi, juste une pièce ! murmura le gamin outré. Sans moi vous feriez encore le tour de la ville !
Eddy n'avait plus une pièce moldue et Bellatrix conclut sa demande en lui jetant des cailloux prit sur le bord du trottoir pour le faire partir avec les autres garnements.
—Ta récompense sera de sortir d'ici avec toutes tes dents sale gamin ! hurla la jeune fille en balançant des petits cailloux. Ouste !
Les gamins partirent en l'insultant copieusement, rameutant quelques personnes à leurs fenêtres dans la rue. La maison des Tonks était cachée derrière une haute haie soigneusement taillée et depuis la rue on apercevait le deuxième étage en pierre blanche scintillant au soleil. Devant l'arche de la palissade, le nom de Tonks était marqué sur une petite boite aux lettres et Bellatrix et Narcissa étaient interdites. Elles restèrent un moment sans bouger, et même Mullo semblait s'impatienter en tapotant le trottoir de ses sabots.
—Il faudrait peut-être sonner, dit Eddy en pointant le carillon de l'entrée.
—J'allais le faire, geignit Bellatrix brutalement. Ne me donne pas d'ordre !
Elle s'exécuta et il ne fallut pas longtemps après avoir sonné pour qu'une petite silhouette n'émerge de la maison pour traverser le jardin. Quand on ouvrit le portail, Eddy reconnut sans mal son interlocuteur, c'était Ted Tonks.
Ce dernier ouvrit des yeux globuleux quand il vit Bellatrix, Narcissa, Eddy et une vieille jument devant le pas de sa porte. La brune sortit sa baguette et la pointa furieusement sur le cou du jeune né moldu.
—Où est Andy, Tonks ?
—Bella ! souffla Narcissa, tu avais promis !
—J'ai promis de ne pas faire de mal à Andy, pas à son pourceau de sang de bourbe ! siffla la brune avec hargne. Où est Andromeda !? Andromeda montre toi !
—On se calme, essaya de tempérer Eddy maladroitement car il était pris entre deux feux.
—Lâche-moi ! gronda Tonks en sortant sa baguette à son tour pour se dégager. Je ne sais pas ce que vous fabriquez ici mais contrairement à vous moi j'ai le droit d'utiliser ma baguette et je ne me gênerai pas !
—À part me lancer un sortilège de chatouillis tu ne vas pas faire grand chose, Tonks, le provoqua Bellatrix. Preux poufsouffle que tu es !
Elle en profita pour le repousser brutalement et s'engager dans le jardin baguette levée. Eddy et Tonks se mirent à sa poursuite avec Narcissa sur Mullo. Ils ne purent aller bien loin car sur le perron venait d'apparaître Andromeda. La jeune fille ressemblait toujours à Bellatrix mais son visage exprimait une infinie douceur et beaucoup plus de joie que ses deux cadettes. Cependant, quand elle les reconnut, l'effroi passa sur ses traits.
—Bella ? Cissy ? … Lee ?
L'image qu'ils offraient aurait pu être comique. Bellatrix et Narcissa échevelées et salies par des jours de voyage faisaient face à leur ainée et son fiancé dans cette grande et belle maison moldue. Ainsi on aurait eut du mal à dire que les deux héritières des Black étaient de noble ascendance. Narcissa fut la première à craquer, elle sauta littéralement du cheval pour atterrir dans les bras de sa sœur.
—Cissy, non ! Écarte toi de cette traitresse !
—La ferme ! piailla la fillette. Tais-toi ! Oh Andy, tu m'as tellement manqué !
—Oh Cissy, explosa en sanglot Andromeda en serrant sa sœur contre elle. Si tu savais comme je regrette. J'aurais voulu vous emmener avec moi. J'aurais dû partir avec vous.
—Pour nous offrir quelle vie, hein Andromeda ? siffla Bellatrix. Une vie de moldu dans une bourgade insignifiante de moldus ? C'est ça que tu as choisi ?
Elle tenait sa baguette encore plus violemment et si Tonks et Eddy avaient aussi sorti leur baguette et la tenait en joue, Bellatrix était assez imprévisible et explosive pour qu'ils se méfient.
—C'est le choix qu'il me restait, murmura Andromeda en s'écartant lentement de sa petite sœur. Cette vie là, je ne la regrette pas. Je suis heureuse avec Ted.
Elle coula un regard à Ted Tonks semblant valoir mille mots mais cela ne convainquit pas Bellatrix qui poussa un hurlement de rage faisant hennir Mullo bruyamment. Quand le calme fut à peu près revenu, Andromeda en tenant fermement la main de Cissy s'approcha de sa cadette pour essayer de lui parler.
—Tu es partie ! feula la brune. Tu nous as laissées avec eux ! Tu te donnes des grands airs mais tu es lâche Andy ! On avait besoin de toi mais tu te complais avec un sang de bourbe !
—Mais tu t'entends parler ? répondit en retour Andromeda. On dirait père ! Ce sont ses mots dans ta bouche ! Réfléchis Bella ! Réfléchis ! Tu penses vraiment que le sang est si important ? Nos parents sont de piètres sorciers malgré leur lignage ! Ils se raccrochent aux balivernes de Jedusor pour se donner de l'importance, mais ce n'est pas ça le plus important !
—Et c'est quoi alors ? gronda Bellatrix.
—L'amour, murmura Andromeda. C'est l'amour le plus important. C'est ça qui nous a fait tenir toutes les trois, et c'est pour ça que je suis partie. C'est de ça dont nous avions besoin, pas de toutes ces illusions !
—Ce n'est pas parce que tu n'y crois pas que ce sont des illusions ! siffla Bellatrix dont l'œil brillait étrangement. Est-ce que tu crois vraiment que ça vaut le coup ? S'il te quitte tu te retrouveras seule, sans personne ! cria-t-elle ensuite en pointant Tonks de sa baguette tordue.
—Nous sommes mariés maintenant, dit Andromeda en montrant sa bague. Quant à me retrouver seule, je n'ai pas peur, au moins j'aurais été heureuse avec lui.
Andromeda était à quelques centimètres de la baguette de sa cadette. Elle se colla presque à la pointe de celle-ci pour continuer alors que Bellatrix grimaçait :
—Vas-y lance moi un sortilège Bella ! Ça ne te rendra pas plus heureuse, moi je l'ai trouvé mon bonheur, depuis longtemps.
—Bella, murmura Cissy en se mettant entre ses deux sœurs. Laisse-les tranquille. S'il te plait. S'il te plait.
Toute tremblante et étrangement surexcitée, Bellatrix baissa l'embout de sa baguette en se mordillant la lèvre. Tonks parut soulagé et se détendit légèrement tandis qu'Eddy put à nouveau respirer sereinement. Andromeda vint prendre sa sœur dans les bras et Bellatrix se laissa faire. Narcissa termina l'accolade en pleurant à chaudes larmes.
Quand ils retournèrent vers la haie de l'entrée en fin d'après midi, les trois sœurs s'étaient échangées quelques paroles à voix basse sans que l'ambiance ne soit réellement dégelée. Bellatrix était à nouveau anxieuse et jetait des coups d'œil farouches dans la ruelle bourgeoise et bien entretenue.
—Je ne sais pas pourquoi tu es là, Lee, mais merci, murmura Andromeda en l'enlaçant d'une façon très familière et presque maternelle. Sans toi, sans doute que je n'aurai pas revu mes sœurs ou sous des présages bien plus sombres.
—J'étais là au bon moment, on va dire, répondit l'adolescent gêné. Elles m'ont suivi.
—On a même été dans un camp de gitans ! fit Narcissa d'un air enjoué. J'ai appris à dire des mots romani. Ils sont très drôles, tu sais ! Lee n'est pas très drôle, mais ceux du clan l'étaient. Il y avait une chanteuse qui nous a raconté sa propre version du sorcier au cœur velu et-
Narcissa avait tant de choses à raconter qu'elle ne s'arrêtait plus. Andromeda et Bellatrix lui jetèrent un tendre regard et se furent-elles rendues comptes de leur complicité qu'elles se sourirent légèrement. Pour la première fois en un an, quelque chose semblait s'être réparé entre les trois Black. Si Eddy n'était pas un proche ami des Black, il était heureux d'avoir assisté à ces retrouvailles.
—Vous êtes sûrs de ne pas vouloir rester dormir ? demanda Tonks. On a de la place, et un grand jardin pour le cheval. Mes parents n'habitent plus ici.
—Non, il faut qu'on y aille, bafouilla Bellatrix. Viens Cissy. Il faut partir.
Bella semblait une fois de plus étonnement pressée et Eddy trouva cela très suspicieux. Elle tenait son bras gauche en se le frottant machinalement.
—Tu as quelque chose à nous dire Bellatrix ? demanda l'adolescent en fronçant les sourcils.
Bella se figea et devint très pâle. Elle saisit sa petite sœur par la main pour l'éloigner d'Andromeda et Tonks.
—Il faut vraiment qu'on y aille, balbutia-t-elle. Dis au revoir Cissy.
—Mais pourquoi Bella ? demanda la blondinette. On a fait des jours de voyage, nous pouvons rester un peu ! Même Lee est tout pâle !
—Alors mon état de santé ne te regarde pas-
—On s'en fiche de Lee ! cria Bellatrix en tenant son bras fermement. Il arrive, Cissy, chuchota-t-elle. Je le sens. Et je crois bien que père sera avec lui.
Andromeda perdit toute douceur instantanément pour une expression plus dure.
—Il t'a marqué ? Jedusor t'a enrôlé dans son armée et tu l'as appelé ?
—Je ne l'ai pas appelé, murmura Bellatrix. Je te le jure. Je ne l'ai pas appelé !
Mais Andromeda ne la croyait pas, et elle communiqua sa peur à son mari.
—Il faut qu'on s'en aille Ted ! Prend la valise dans le couloir, il faut partir d'ici maintenant !
—Je ne l'ai pas appelé ! hurla Bellatrix à sa sœur.
Non, elle ne l'avait pas appelé. Il venait pour lui, réalisa Eddy dont les jambes flageolèrent légèrement de peur. Andromeda jeta un regard venimeux à sa cadette et à l'instant même où ils transplanèrent tous les deux, deux hautes silhouettes apparurent au bout de l'allée sombre dans un craquement sinistre.
C'était celle de Jedusor et Mr Black. Le directeur leur offrit un charmant sourire en se dirigeant vers eux. Mullo encore dans le jardin vide des Tonks eut un hennissement craintif.
—Eh bien, il semble que nous ayons trouvé nos fugitives, en très mauvaise compagnie, se moqua le Directeur de Poudlard en leur offrant un rictus amusé.
Son disciple Mr Black ne partagea pas son amusement, tout comme Bellatrix et Narcissa qui étaient terrorisées l'une contre l'autre. Cissy tenta de prendre la main d'Eddy pour se donner du courage à trois face aux deux silhouettes qui n'étaient plus qu'à quelques mètres d'eux.
—Ce romanichel aux veines souillées les a enlevés ! éructa Black. Il a attenté à l'honneur des Black !
—On est parties toutes seules, siffla difficilement Bellatrix. Lee était juste sur le chemin !
Jedusor ne sembla pas s'en préoccuper. D'un sortilège il fit lâcher la main de Narcissa sur celle d'Eddy. La blonde poussa un cri de douleur aigu en s'écartant. Black vint saisir ses filles par le bras et elles n'osèrent pas protester. Le jeune homme tenta un mouvement vers les deux sœurs mais Black le chassa comme un rebutant insecte d'un petit coup de pied négligeant.
—Qu'est-ce que vous êtes allées faire ? Qu'est-ce que vous faites ici au milieu des moldus avec cet Obscurial !?
—Ça ne vous concerne pas ! siffla Bellatrix qui se reçut immédiatement une gifle.
Toute la tendresse qu'il y avait eut à un moment sur ses traits s'était évaporée et elle avait à nouveau son expression hargneuse et dangereuse. Jedusor empêcha d'un regard son disciple de jeter un sortilège à la jeune femme.
—Il serait plus urbain de régler tes soucis de famille, en famille, Cygnus. Tu as retrouvé tes filles, emmène les.
Black ne se le fit pas dire deux fois. Après une courbette servile envers son « Maitre », il prit ses deux filles par le bras et transplana. Eddy entendit le cri de Narcissa avant qu'elle ne disparaisse dans un pop sonore, et il se tourna vers Jedusor en lui affichant un rictus mauvais.
—Votre petite balade vous a fait du bien, Mr Lee ? Vous avez pu réfléchir ? J'ai estimé nécessaire de vous laisser un peu de temps pour accepter votre sort.
L'adolescent serra les dents en fusillant les pavés du regard. Jedusor était devant lui et en regardant le sol, il remarqua la main du professeur. Il n'avait plus son horrible bague noire à son annuaire. Cela l'intrigua.
—Je vous ai posé une question, siffla Jedusor d'une voix d'outre tombe.
—Oui, j'ai réfléchi.
—Quel exceptionnel effort que voilà, susurra son interlocuteur méchamment. Qu'en avez vous déduit ?
—Que je vous devais obéissance, siffla l'adolescent dépité sans regarder Jedusor.
—Parfait.
Rudement, Jedusor lui saisit l'épaule et avant même qu'Eddy n'ait pu même tenter de se dégager, ils avaient déjà transplané. Son instinct lui hurlait de retourner en arrière pour ne pas laisser Mullo toute seule dans le jardin des Tonks mais il ne put rien faire. Quand Eddy rouvrit les yeux après avoir été secoué dans tous les sens par le transplanage, il constata qu'il se trouvait dans la Grande Salle de Poudlard. Il fronça les sourcils car il pensait impossible de pouvoir transplaner au sein de l'école. Sans doute que Jedusor avait changé les règles depuis qu'il était directeur.
—Eddy ! entendit-il crier la voix de Salazar.
Quand la jeune homme se retourna, il vit Salazar assit sur une des longues tables de la Grande Salle entouré de petits niffleurs à qui il donnait un biberon. Quand Sal croisa le regard de son père, il coinça les bébés niffleurs entre ses cuisses et sous sa chemise dans l'espoir qu'il ne leur ferait pas de mal.
—Je t'avais dit de ne pas aller dans la forêt, Salazar, siffla le professeur en se rapprochant de son fils.
—Je n'y suis pas allé, baragouina-t-il terrifié. Les niffleurs sont venus vers moi. Qu'est-ce que tu vas lui faire ?!
—Je t'ai amené un petit camarade pour jouer et voilà comment tu me remercies ? siffla son père sans jeter un regard à Eddy.
Ces termes horrifièrent les deux jeunes hommes alors que le mage noir quittait la Grande Salle sans se retourner.
—Rendez-vous à six heures demain, en salle de Défense Contre les Forces du Mal, nous allons travailler tous les trois. Je te laisse la garde de l'Obscurial.
Et il s'en alla tout simplement faisant résonner ses pas sur les pierres millénaires de Poudlard. Eddy et Sal attendirent que le bruit se soit éloigné pour oser prononcer un mot. Il était seul dans Poudlard en plein été avec Jedusor et cela n'augurait rien de bon. S'il faisait quoi que ce soit contre lui, le Mage ferait du mal à ceux qui lui étaient chers.
Eddy alla s'asseoir près de Sal sur la table vide et ce dernier sortit un des petits niffleurs de sa veste pour le poser sur son genou.
—Tu as pu retrouver les tiens ? Père a dit que tu étais en voyage.
Il avait l'air soucieux et craintif comme s'il craignait que son géniteur n'ait massacré toute sa famille avant de le ramener ici par la peau du cou.
—Si on veut, répondit Eddy pudiquement. J'ai un cheval maintenant. J'ai dû le laisser derrière moi quand il nous a retrouvés. J'espère qu'il ira bien.
Il priait pour que Mullo soit retrouvée par quelqu'un, moldu ou sorcier, pourvu qu'elle ne soit pas abandonnée de nouveau. Elle était dans un petit jardin au milieu d'une bourgade moldue alors que Berry la lui avait confié. Le petit niffleur s'agita contre la poche de son pantalon et en sortit la petite roue en plastique brillant que Berry lui avait confié. Eddy la récupéra avant qu'il ne l'abime et Sal parut curieux de cet étrange objet car il se pencha pour le regarder.
—Et toi ? Tu as passé tout l'été ici ? Tout seul avec lui ?
—Med était là avant. Ça fait quelques jours qu'elle est rentrée avec ma Mère. Elle avait autre chose à faire apparemment.
Ils restèrent silencieux un moment. Eddy était de retour dans ce château beaucoup trop tôt à son goût et cette nouvelle prison l'effrayait. Maintenant qu'il était ici que comptait-il faire de lui et Sal ?
—Viens avec moi, je vais te montrer quelque chose, murmura Sal en se levant, les niffleurs accrochés à son collier en forme de serpent.
L'adolescent suivit son ami dans Poudlard déserté. Il n'y avait plus un son au milieu de l'été dans le vieux château et chacun de leurs pas résonnaient de façon lugubre. Les lourdes portes du Grand Hall étaient fermées, Sal le conduisit à une petite fenêtre excentrée du Hall et Eddy remarqua que le mécanisme de fermeture avait été bloqué par un petit caillou.
—Les sortilèges de protection ne détectent pas quelque chose d'aussi bête qu'un caillou, ça fait plusieurs jours que j'essaie des moyens différents le soir pour sortir. On ne va pas rester longtemps, sinon il le saura.
Sal souleva le caillou et le battant de la fenêtre avant de se glisser dans la petite ouverture. Si Eddy était plus grand, il était aussi beaucoup plus maigre, constata-t-il alors qu'il passait par l'interstice sans mal. Il avait perdu du poids ces derniers temps. Le parc de Poudlard s'étendait dans la nuit chaude, Sal ne se dirigea pas vers la silhouette des arbres de la forêt interdite, mais vers un petit coin du parc non loin de la tour des Gryffondors. Au milieu de l'herbe bleuie par la nuit il y avait un tout petit monticule de terre.
—Je n'ai pas eut le temps de te le montrer avec les vacances. Quand tu as explosé avec Skeeter, mon père vous a évacués de la salle de classe. J'ai trouvé Charme à ce moment là, dit-il d'une petite voix douloureuse. Je l'ai enterré là. Il aimait bien bronzer ici.
Sal s'assit calmement sur l'herbe, laissant le petit niffleur dévaler le long de ses genoux. Eddy le rejoignit en regardant ce petit monticule de terre. Cette petite tombe était la dernière trace de Charme sur terre et Eddy prenait le temps de considérer ce fait.
—Merci, murmura-t-il conscient que Sal avait été aussi affecté que lui par la disparition du vieux fléreur. J'espère qu'où il est, il est bien maintenant.
Tout comme Berry et tant d'autres, songea-t-il attristé. Il avait trop vu la mort pour aujourd'hui et se rappelait sans cesse à lui.
—C'est un peu pour Silvana aussi. Même si les centaures brûlent leurs morts et qu'il ne reste rien d'elle, j'avais envie d'avoir un endroit où penser à eux ici. Ça me fait penser à autre chose au moins. Même s'ils sont partis, ils restent quand même.
—Mon ami gitan s'est donné la mort ce matin. Il était malade, il est parti sans me dire au revoir. Chez moi, on brûle aussi nos morts pour qu'il ne reste pas de trace d'eux. Mon père était un médium, murmura Eddy après un temps de latence. Il devait aider les âmes à avancer, mais il a refusé son pouvoir. Il s'est laissé engloutir par lui. Je sais que la mort est naturelle mais j'en ai assez de voir tout le monde partir autour de moi !
Sal fronça les sourcils face à ces révélations. Il regarda à gauche puis à droite pour être sûr d'être seul puis posa doucement ses mains sur le sol. De là, il libéra son étrange pouvoir, les petits niffleurs accoururent vers lui ainsi qu'une petite vipère. Eddy se sentit étrangement bien, comme apaisé par la magie douce de son meilleur ami.
—Ils ont continué à avancer, tu sais, dit Sal lentement en caressant la vipère. Ton père t'a fait du mal malgré tout, laisse le partir lui aussi.
—Je sais, répondit-il un peu trop brusquement. Ce serait plus simple de le voir en victime, pour accepter ce qu'il m'a fait à ma mère et moi, mais c'est justement trop simple. Je sais qu'il m'a fait du mal, je l'ai revu dans mes souvenirs. Mais ce n'est pas seulement lui qui m'a fait devenir Obscurial.
Eddy repensa à sa mère qui l'avait secoué au point de lui faire mal dans ses souvenirs après qu'il ait utilisé la magie. Ce visage et l'horreur qu'il avait ressenti resteraient gravé dans sa mémoire à jamais. Ce qu'il avait toujours voulu oublier avec son amnésie, peut-être que c'était bien elle ? Et aujourd'hui, elle était dans un autre pays, loin de lui… et en sécurité, loin de tous les malheurs qu'il pourrait lui apporter.
—On ferait mieux de rentrer, finit par dire Eddy. Je suis affamé et épuisé.
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Les deux adolescents se rendirent avant même que le soleil ne se lève dans la Salle de Défense contre les Forces du Mal, comme leur avait ordonné Jedusor. Sans personne entre ses murs, le château était glacial et dangereux.
—L'après midi et le soir il y a des partisans de mon père, lui murmura Sal. Crois-moi, c'est mieux d'être seuls.
Pourtant, il appréhendait comme Eddy ce qu'avait prévu Jedusor.
Ce dernier se trouvait nonchalamment assit sur son ancien bureau et quand ils pénétrèrent dans la pièce la mine basse et un peu tremblants, il leur offrit un mauvais sourire.
—Vous êtes en retard, gronda-t-il. Assis.
Ils s'exécutèrent d'un commun mouvement, à même le sol. Eddy serrait les dents et fixait le sol, décidé à ne pas répondre aux piques de l'homme. Ces séances n'avaient rien à voir avec celles qu'il avait eut avec son professeur auparavant, Sal était avec eux, cela outrepassait leur pacte et n'augurait rien de bon.
Derrière Jedusor se trouvait plusieurs dizaines de carnets appartenant à Salazar ainsi qu'un bocal de strangulots.
—Nous allons tester les aptitudes de Salazar avec vos puissances combinées.
Autant dire que les deux serpentards s'y étaient attendus. Il avait fait apparaître une plume et un parchemin et prenait des notes à la manière d'un scientifique. Un cahier lévita pour aller s'écraser sur le visage de Sal mais Eddy le récupéra au vol pour le tendre à son ami mutique et inquiet.
—Nous allons commencer par les bases, j'imagine. Tu avais parlé d'un sortilège de Transferdair, je veux le voir en pratique.
Il expulsa le strangulot de son bocal et il rebondit sur le sol dans un son spongieux, la créature aquatique ne pouvant respirer se débattit sur le plancher de la salle de classe, mouillée et luisante. Eddy et Salazar regardèrent la créature devant eux se tordre de douleur et furent horrifiés. Sal bondit vers le strangulot et posa ses mains sur son corps pour essayer de le faire respirer ainsi. Quelques étincelles de magies crépitèrent entre ses doigts mais ce n'était pas suffisant. Sal jeta un regard implorant à Eddy et celui ci lui tendit la main rapidement en espérant pouvoir aider. La magie s'écoula en lui rapidement et facilement et traversa le bras de Salazar qui essayait d'insuffler de l'air à la créature. Cela marcha difficilement, le strangulot avait toujours l'air de souffrir le martyr même si son étrange cage thoracique se soulevait.
—Arrête ça ! hurla Sal. Laisse le retourner dans son bocal ! Il a mal !
—Vous arrivez à le faire respirer à deux, constata Jedusor froidement en prenant des notes. Prend plus de son énergie, Salazar, je veux voir jusqu'où vous pouvez aller.
Salazar jeta un regard de pitié à Eddy avant de s'exécuter, Eddy sentit le flot circuler en lui jusqu'à ce que la cage thoracique du strangulot ne se lève de façon plus régulière. Sal marmonna quelque chose à toute vitesse et un rayon clair s'échappa de sa main. La créature vagissait mais il était désormais totalement capable de respirer hors de l'eau. C'était fascinant à regarder alors que la créature aquatique semblait se rendre compte de cette nouvelle capacité. Elle ouvrit ses grands yeux globuleux.
—Maintenant lâche sa main Salazar. Essaie de le maintenir seul.
Il s'exécuta et Eddy sentit le lien s'arrêter, la joie et l'apaisement puissant qu'il avait ressenti s'éteignirent d'un coup et il manqua de s'effondrer tellement ce brusque changement lui fit tourner la tête.
Sal ne put tenir que quelques secondes avant de s'effondrer à son tour et de lâcher son lien avec le strangulot qui se remit à hurler.
Jedusor leur ordonna de récréer le lien, mais tous les deux sous le contrecoup ne purent tenir longtemps et le cri du strangulot fut plus terrible encore. Sal tremblait comme une feuille. Il commençait à être pâle comme la mort et se balançait d'avant en arrière. Eddy comprit aussitôt ce que cela pressentait :
—Arrêtez ! Il ne va pas bien !
—Ne me donnez pas d'ordre, petit misérable. Endoloris !
Le maléfice atteignit l'adolescent de plein fouet qui se mit à hurler de concert avec le strangulot alors que Salazar était recroquevillé contre lui même. Son obscurus se réveilla en lui pour frapper Jedusor mais ce fut comme si sa magie avait créé un puissant lasso qui lui enserrait la gorge de plus en plus au niveau du cou. Plus il agissait contre le mage, plus il sentait qu'il étouffait. Une seconde la douleur fut telle que sa magie eut un violent pic hors de son corps et Jedusor eut un brusque mouvement de recul. Sa magie réintégra son corps brutalement et Eddy poussa un nouveau hurlement.
Au bout d'une minute, Jedusor se lassa de leurs cris et arrêta son maléfice. Il replongea le strangulot dans son bassin d'un revers de main tandis que les deux adolescents face à lui gémissaient.
—Demain. Même heure.
Et il partit immédiatement après sans leur accorder un regard. Eddy toussa plusieurs fois avant d'arriver à se relever légèrement pour ramper vers Salazar qui était toujours en pleine crise.
—Sal ! Sal ? Reste avec moi, reste ici. C'est fini… c'est fini.
Il ne voyait pas quoi faire pour stopper la détresse de son meilleur ami alors il se souvint de sa soirée avec Bellatrix et Narcissa et de la chanson de sa cousine. Il ne chantait pas très bien et avait la voix cassée et éraillée mais il se mit à murmurer l'histoire de ce gitan qui avait retiré son cœur. Sal eut l'air de s'accrocher au rythme de ses paroles et se mit à murmurer avec lui d'une petite voix faiblarde. Au bout d'un moment il se calma et Eddy se sentit tellement affligé de leur sort que rien d'autre que les paroles de la chanson ne voulaient venir. Sal finit par se redresser et s'assit sur le plancher non loin de lui. Le strangulot nageait piteusement dans son bocal avec ses congénères en tournant en rond, et même si Eddy savait que c'était des créatures pugnaces et retordes, il ne lui enviait pas ses tourments.
—Il faut qu'on se sorte de là, murmura Sal dévasté. Il va finir par tous nous tuer.
Non, il ne voulait pas les tuer, songeait Eddy. Bien au contraire et Sal le savait bien, mais ils ne tiendraient pas longtemps à ce rythme. Simplement Eddy avait remarqué que depuis son affrontement avec Jedusor avant les vacances, quelque chose avait changé chez son professeur. Jedusor ne l'attaquait plus physiquement, ou tout du moins limitait ses sortilèges. Depuis qu'il lui avait fait sa cicatrice à la joue, Jedusor était distant et évitait les confrontations trop violentes. Il avait eut un mouvement de recul au moment où il le torturait et que sa magie s'était échappée de son corps après tout.
Eddy sentit ronronner en lui quelque chose de violent et orageux. C'était un brasier qui liquéfiait ses entrailles et c'était aussi doux et onctueux que les chocolats chauds que lui préparaient Newt. Se pourrait-il que Jedusor ait peur de lui ?
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—Bonjour Mr Beurk ! gazouilla Médusa d'un petit air candide.
Caractarus Beurk qui était en train de compter sa caisse à son comptoir crasseux devint livide de rage en la reconnaissant alors qu'elle franchissait le seuil du magasin d'un pas guilleret.
—Toi ? Sale petite voleuse ! Petite fouine, je vais t'enlever ton sale petit sourire de morveuse-, Madame Jedusor, quelle joie de vous voir ici ! se reprit le vieil homme quand il vit la mère de la jeune fille rentrer à sa suite dans la boutique.
La Sangsombre offrit un mince petit sourire à Beurk puis releva la voilette noire devant son visage.
—Que me vaut le plaisir ? recommença Beurk avec un petit ton mielleux et un air de fausset en offrant aux deux femmes un sourire édenté.
—J'ai tellement aimé travailler avec vous Mr Beurk l'été dernier que je ne voulais que réitérer l'expérience, susurra la jeune fille satisfaite de voir le vieil homme légèrement inquiet.
—Le Directeur Jedusor est au courant ? répondit l'autre d'une voix suintante.
—Evidemment, rétorqua sa mère d'un ton tranchant. Pour ma part j'ai cru repérer quelque chose dans votre dernier catalogue. Un petit secrétaire.
L'œil du vieux sorcier s'alluma et il offrit à la femme un sourire tordu avant de la guider vers le fond du magasin. Il y avait un petit secrétaire au style oriental qui frémissait d'ondes noires.
—Mais bien sûr, mais bien sûr. Je vois que comme toujours vous avez très bon goût, Madame. Très bon goût même, ce meuble est rempli de maléfices depuis des années, il a la fâcheuse manie d'attirer les goules et épouventards dans ses recoins.
—J'ai hâte de les déguster dans ce cas, pépia la cracmolle avec de faux airs supérieurs. Mettez ça sur mon compte. Je l'emporte avec moi.
—Ce sera fait, gazouilla en retour Mr Beurk. Me permettez vous de m'entretenir quelques instants avec ma stagiaire ?
Elle opina et déambula dans la boutique en recherchant d'autres pièces de valeurs. Beurk jeta un regard torve à la jeune fille et Médusa lui retourna un sourire innocent.
—Qu'est-ce que tu veux ? Me voler d'autres choses ?
—Le collier d'opale, débuta Médusa avec franchise. Depuis combien de temps était-il à vendre ? Qui vous l'a vendu ?
—C'est pour ça que tu es revenue, susurra Beurk en comprenant ses intentions. Tu n'as pas réussi à lui enlever sa malédiction ou l'utiliser pour toi ! Tu veux mon aide ? Ah ah ! Ça c'est la meilleure !
—Nous pouvons mutuellement nous aider, répondit Médusa calmement en cachant son agacement face à l'hilarité du vieil homme. Je vous rapporte tous vos objets précieux avec mes petits talents et en échange vous m'aidez avec le seul objet qui m'importe, le collier.
Beurk gloussa encore puis son œil dériva sur la mère de la jeune femme qui observait quelque chose sur un présentoir crasseux.
—Ah, la Main de la Gloire ! dit-il en glissant si rapidement vers la cracmolle qu'on l'eut cru monté sur des roulettes. Excellent choix, avec elle n'importe quel sorcier peut se déplacer dans l'obscurité la plus noire.
Sa mère étudiait une main putréfiée et brûlée qui était posée sur le manteau de la vieille cheminée. Beurk s'en était approché et la détacha de son socle pour le présenter à la femme.
—On raconte que pour en faire une Main de la Gloire il faut arriver à faire brûler un sorcier Sangsombre et lui couper la main avant qu'il ne se soit consumé, plaisanta-t-il avec un rire lugubre.
Elle s'écarta de la main avec une moue contrariée. La Sangsombre se recomposa un sourire pincé avant d'aller récupérer le secrétaire pour le soulever lourdement à la moldue.
—Je me contenterai de ça. Mes elfes viendront payer mon acompte ce soir en récupérant Médusa.
Elle les laissa sans un mot de plus avec son chargement. La jeune fille et Beurk attendirent qu'elle se soit éloignée dans la ruelle pour se dévisager de nouveau. Le vieil homme avait l'air très fier de son effet.
—Vous n'avez jamais été très portés sur l'humour dans votre famille. Ton géniteur non plus n'aimait pas mes blagues.
Et justement, ce vieux scabreux avait côtoyé son père pendant plus d'un an et ce juste avant qu'il ne parte pour l'étranger, il le connaissait donc très bien. En plus du collier, il avait peut-être le potentiel de lui apprendre deux trois choses.
—Revenons au collier, est-ce que vous savez depuis combien de temps il existe et son histoire ?
—Peut-être. Tu tombes au moment propice gamine. En ce moment le magasin est vide, le chemin de Traverse aussi, je suis en train de faire mon inventaire. J'ai quelques pièces qui mériteraient bien de l'aide.
—Si je vous aide, vous allez répondre à mes questions ?
Il hocha la tête, elle lut dans son esprit qu'il était tout à fait sincère car il était bien trop enjoué à l'idée d'avoir une subalterne pour son inventaire. Ça n'augurait rien de bon.
—Suis moi, je vais te montrer où tu vas travailler.
Elle le suivit dans la remise, il emprunta un petit couloir, puis leva une trappe qu'elle n'avait jamais vue jusqu'ici cachée sous un épais tapis persan. Il emprunta une petite échelle branlante et elle le suivit en faisant craquer chaque marche. Ils étaient dans une cave obscure et humide. Beurk alluma une torche et marcha jusqu'à une lourde porte au fond d'un long couloir exigu. Elle était protégée contre tellement de maléfices et sorts noirs que Médusa trouva ces protections disproportionnées.
—Le dernier qui a nettoyé ici, je crois bien que c'est ton géniteur. Un Australien va peut-être m'acheter une de ces pièces. Si le Ministère apprend ce qu'il y a là dedans, nous sommes tous bons pour une peine à vie à Azkaban. Alors tiens ta langue et tu as intérêt à ne pas les casser. Elles ne te le pardonneraient jamais.
—Elles ?
—Je te laisse découvrir, je t'en prie, ricana Beurk en ouvrant la lourde porte sans y pénétrer.
Il semblait très inquiet de ce qui se trouvait à l'intérieur, aussi lui tendit-il une paire de gants en cuir de dragon.
—Ne touche à rien à main nue.
Médusa peu rassurée, les enfila et pénétra dans la petite cave sombre en l'allumant avec sa baguette. Elle discerna mal ce qu'elle voyait mais ce qu'elle reconnut en premier furent des yeux. Des dizaines de petites paires d'yeux en train de la regarder lugubrement. C'était des dizaines de petites poupées de toute sortes, des poupées vaudoues aux poupées cassées en passant par une grande poupée inquiétante dans un coin. Médusa aurait juré l'avoir vue cligner des yeux.
—Personne ne sait que j'ai ça ici. Chacune de ces poupées a tué des dizaines de moldus. Mon client veut la poupée Mirabelle, tu la reconnaitras facilement. Nettoie les, compte les et remonte Mirabelle dans un sac. Fais attention à la poupée Roger. Elle aussi tu la trouveras facilement, la dernière fois que je suis venu elles étaient étiquetées. Une fois ça fait, nous pourrons parler de l'histoire du collier.
Il fit apparaître avec sa baguette noueuse, un sceau d'eau et un chiffon ainsi qu'une brosse.
—Remets-les exactement à l'endroit où tu les as prises, sinon ça va barder pour toi. Sois gentille avec elles et tout se passera bien, lui dit Beurk comme dernier avertissement avant de la laisser.
La jeune fille encore médusée l'entendit claquer la porte derrière elle. Elle devait s'occuper de poupées ?
Elle eut tellement de mal à imaginer son père faire telle chose dans sa jeunesse qu'elle ne put retenir un petit éclat de rire. Dans un mouvement lugubre, plusieurs paires d'yeux en porcelaine fondirent sur elle et son rire s'étrangla dans sa gorge. Ces poupées étaient clairement maléfiques, et vu l'attitude de Beurk et ce qu'il avait dit, elle devait être extrêmement prudente. Elle n'avait pas pensé que son travail chez Beurk consisterait en ça. Médusa sentit un courant d'air froid la parcourir et d'autres paires d'yeux se poser sur elle, elle retint un frisson.
—Bonjour, je viens m'occuper de vous, murmura-t-elle en se sentant stupide.
Elle fit brûler une petite boule de feu en hauteur. En prenant le chiffon et le sceau d'eau elle commença son ouvrage en portant précautionneusement les poupées maudites pour les nettoyer. Elle brossait la chevelure de certaines et enlevait la poussière tandis que les poupées semblaient se laisser faire. Elle ne cessait de sentir dans son cou des regards et un moment elle jura qu'on l'avait frôlée. Médusa se retourna brusquement mais aucune poupée n'avait bougée. Elle entendit un grincement qui ressemblait un ricanement.
Elle replaça la poupée blonde en robe bleue qu'elle venait de nettoyer pour s'intéresser à une autre poupée horrible et poussiéreuse. Elle n'avait pas de visage si ce n'était deux petits yeux, son visage paraissait fondu et elle était habillée d'un costume de marin. Sur l'étiquette sale, la poupée Roger était nommée.
Médusa la trouva horrible et effrayante et ne put retenir une moue inquiète face à elle. Le cri qu'elle poussa ensuite fut pour la grosse araignée qui jaillit de derrière l'étiquette. Elle fit brûler l'araignée, encore traumatisée par son expérience des acromentules à Poudlard et un débris enflammé manqua d'atterrir sur Roger.
Elle s'empressa de nettoyer son méfait, mais elle sentait que l'atmosphère de la pièce était plus dangereuse encore. Quelque chose avait changé.
Alors qu'elle allait pour dépoussiérer la poupée Roger, elle se sentit happée en arrière et tomba lourdement sur le sol. Un hurlement de rire se fit entendre dans la pièce. Une poupée vaudoue jaillit pour l'attaquer en essayant de planter ses doigts crochus dans ses globes oculaires. Médusa l'esquiva avec ses réflexes de joueuse de Quidditch, mais dut éviter ensuite la poupée blonde en robe bleue qu'elle venait de nettoyer. Elle lévitait étrangement désarticulée faisant voler plusieurs autres poupées.
—Et merde !
Je ne suis quand même pas en train de me battre avec des fichus poupées ? pensa la sorcière férocement au comble de l'humiliation. Elle jeta un sortilège de protection pour éviter deux poupées de porcelaine qui tombaient sur son bouclier en ayant l'air de rebondir. Médusa jura, et les expulsa avant que deux d'entre elles ne la ceinture brutalement par derrière. Quand elle releva la tête paniquée, une poupée rousse aux yeux creux était penchée sur elle avec une expression lugubre.
De plus en plus tétanisée par le froid, et la peur Médusa ne pouvait plus bouger. Elle allait mourir étouffée par des poupées maléfiques. Médusa sentait le rire de la poupée, et plus encore son souffle contre son oreille. Un courant de peur la traversa et réveilla sa magie.
—Stop ! Stop ! Arrêtez ! Écartez-vous ! hurla-t-elle avec son don complètement à bout de souffle.
Et cela fonctionna, d'un même bond toutes les poupées furent expulsées pour aller s'asseoir bien sagement sur le sol autour d'elle. Tétanisée, Médusa se reprit quelques instants en observant les jouets qui avaient failli la tuer d'un coup d'œil inquiet. Sa peur et sa colère lui disaient de toutes les incendier sur le champ mais elle n'aurait jamais ses réponses auprès de Beurk si elle le faisait. Les jambes tremblantes la jeune fille se dit qu'il fallait qu'elle termine son travail ici avant. Alors qu'elle tendait la main vers la poupée Roger le cœur battant, elle fut de nouveau violemment expulsée malgré ses gants contre le mur.
—Il faut bien que je vous replace maintenant ! siffla-t-elle énervée contre l'assemblée de poupées qui la regardait d'un air vide. Sauf si vous voulez prendre la poussière à même le sol ? Moi ça me va !
Puis devant cet étrange assemblée, la jeune fille soupira. Elle n'avait pas beaucoup joué à la poupée, mais elle se souvenait plutôt bien de leurs jeux à Sal et elle. Quand ils se disputaient, il n'y avait qu'un seul moyen pour que leurs jeux reprennent.
—Désolée. Pardon de vous avoir dérangées. Est-ce que je peux te déplacer et te nettoyer poupée Roger ?
La poupée ne réagit pas mais quand Médusa tendit de nouveau sa main, elle se laissa faire. Il fallait donc demander l'autorisation et les traiter comme des êtres vivants, comprit-elle. Soigneusement, elle la nettoya et la posa sur son petit socle. Elle s'exécuta pour les autres poupées qui ne l'attaquaient plus.
—Et toi ? demanda-t-elle à la poupée japonaise. Peux-tu me dire où tu es installée ?
La poupée ne réagit pas, et Médusa dut se retenir de claquer sa langue sur son palais. Elle chercha dans la pièce où elle était placée mais ne voyait pas. Presque toutes les poupées étaient soigneusement rangées et propres sur leur étagères ou leur présentoir.
—À moins que tu ne veuilles changer de place ? demanda-t-elle à court d'idée.
D'un mouvement sinistre la poupée pointa un coin près de Roger et Médusa s'y dirigea.
—Ça ne te dérange pas si je t'amène un peu de compagnie ? demanda-t-elle mal à l'aise en se sentant toujours un peu ridicule.
La poupée Roger ne bougea qu'un œil, lui donnant l'air de lui faire un horrible clin d'œil. Médusa déposa Haïku la poupée japonaise contre Roger et elle jura qu'ils lui avait fait un sourire tous les deux. En réfrénant un tremblement Médusa se tourna vers Mirabelle la grande poupée rousse qui avait essayé de l'étrangler par derrière.
—Il faut que tu dises au revoir à tes amies, tu vas aller jouer dehors, dit-elle en imitant une petite fille pour la convaincre.
Quand elle s'approcha, elle remarqua que près des souliers de Mirabelle se trouvait un morceau de pierre décroché au niveau du sol. C'était là qu'elle s'était cognée. La pierre était tombée libérant une petite cavité cachée dans la pierre poreuse du mur. Curieuse, Médusa jeta un coup d'œil dans le trou. À l'intérieur se trouvait un petit carnet noir qu'elle sortit précautionneusement. En lettres d'or, Tom Elvis Jedusor était gravé au revers du cahier. La fille l'ouvrit avidement mais fut déçue en voyant que le carnet était vide. Pour autant cet objet appartenait à son père et il l'avait caché ici. Pourquoi aurait-il fait une telle chose ?
Beurk ne descendait pas dans cette cave, elle était la seule autre personne à être descendue ici depuis des années. Ce journal avait donc un intérêt. Médusa glissa le carnet dans la poche de sa robe de sorcière sous le regard de la poupée et se releva. Elle saisit le grand sac en toile à côté de Mirabelle.
—Allez, on y va ma belle. Tu as une mission, et moi aussi.
.
Quand Médusa rentra chez elle escortée par Tinny, elle était couverte de poussière mais Beurk avait paru satisfait de son travail et l'invitait à revenir les jours prochains. Elle aurait des réponses, elle le sentait.
Après avoir prit un bain, la jeune fille s'assit sur son lit avec le carnet. Son père était à Poudlard continuellement et Médusa restait seule avec sa mère et Nagini. Elle ne s'en plaignait pas, mais espéra que Salazar serait en sécurité loin d'elle. Il fallait découvrir au plus vite pourquoi son père avait caché ce carnet dans la cave de Beurk vingt ans plus tôt. Ce n'était pas un objet ordinaire même si toutes ses pages semblaient vierges. Médusa approcha sa plume d'une des pages et une goutte d'encre tomba avant d'être aussitôt happée. Médusa le sentait ce objet respirait la magie noire, cette magie lui semblait étonnement familière.
Bonjour, écrivit-elle.
Les mots à peine écrits furent engloutis par la page vierge et lentement d'autres mots apparurent.
Bonjour.
Je m'appelle Tom Jedusor. Et toi, qui es-tu ?
Frémissante Médusa se recula du carnet. Elle regarda frénétiquement autour d'elle persuadée que son géniteur allait apparaître d'un moment à l'autre prévenu par la magie du carnet. Mais au bout de plusieurs minutes, elle n'entendit rien venir, alors inquiète elle se pencha à nouveau sur les pages.
Je m'appelle Médusa Jedusor, écrivit-elle ensuite. Je suis ta fille.
Une fille ? J'aurais donc engendré un enfant ? Je ne suis pas devenu immortel ?
On frappa à la porte et Médusa s'empressa de cacher le carnet sous ses draps. Nagini se présenta sur le pas de la porte. Elle avait enfilé une robe de sorcière verte qui n'était pas sans évoquer ses écailles de malédictus. Nagini lui sourit :
—J'ai fait à dîner, tu veux te joindre à nous ?
Quand le maitre des lieux était absent, Nagini donnait souvent un coup de main aux elfes ou les remplaçait. La sorcière était très empathique et profitait de ses aptitudes retrouvées d'humaine pour les aider en toute discrétion. Tinny et Duddy l'aimaient beaucoup de ce qu'avait constaté Médusa avec une pointe de jalousie.
—Je te suis.
Les deux femmes se dirigèrent non pas vers la salle à manger mais sous le patio de pierre à l'extérieur. La nuit était douce tandis que l'été passait. Pour une fois, Médusa ressentait de la quiétude. Elle avait trouvé quelque chose de plus précieux encore que le collier, elle le sentait. Si elle parvenait à forcer les protections du bureau de son père et voler l'original du Codex, elle pourrait enfin remettre dans l'ordre les pièces du puzzle qu'était sa famille.
Sa mère se trouvait là, assise par terre et cachée des rayons de la lune par un pilier de pierre. Le repas avait été servi sur une grande natte à même le sol. Nagini avait fait des cuisses de grenouille au gingembre, un de ses plats préférés du temps où elle était humaine, lui avait-elle confié.
—On ne mange pas à table ?
—Un peu de nouveauté est divertissant tu sais, lui répondit sa mère. Tu t'es bien amusée aujourd'hui ?
—Si on veut, éluda la jeune fille en se servant. J'ai fait du nettoyage, rien de différent de Poudlard.
Le plat était relevé et avait beaucoup de goût. Les petites cuisses croustillaient sous ses dents, toutes les trois mangèrent en silence autour de la natte. C'était un des plus étrange repas auquel la jeune fille avait assisté mais pas un des plus désagréables.
—C'était très bon Nagini, merci.
—De rien, assura la Malédictus, ces quelques jours en France m'ont rappelés de bons souvenirs. J'ai adapté ma recette.
—Les frères Dumbledore sont donc introuvables ? Vous êtes revenus bredouilles toutes les deux.
Le visage de sa mère se crispa et Nagini pâlit. Médusa se demanda si elles avaient été punies en conséquence.
—Je n'ai pas senti les Dumbledore et leur fichu phénix. Ils peuvent s'être cachés n'importe où sur cette planète. Je leur conseille de courir, s'ils tiennent à la vie, siffla-t-elle d'une voix mauvaise.
La hargne était bien visible sur ses traits et Médusa songea que lorsque l'affrontement viendrait avec les deux Dumbledore, ce serait cataclysmique vu la rage des deux Jedusor. Médusa ne savait même plus ce qu'elle ressentait vis à vis des deux vieux sorciers. Tant qu'ils étaient loin, elle ne voulait pas y penser.
—Et Grindelwald ? demanda Médusa. Il est bien silencieux depuis l'attaque du Derby.
—Tu poses beaucoup trop de questions, répondit sa mère abruptement en terminant son repas.
Médusa se rebiffa légèrement et Nagini lui décocha une douce œillade.
—Ne t'inquiète pas pour lui. Il est surveillé, en fait depuis un moment déjà-
—Nagini.
—Elle porte la marque, elle devrait être au courant, murmura Nagini. Je ne vois pas pourquoi elle ne serait pas tenue informée. Elle est tenue à l'écart.
Médusa songea que c'était vrai, mais tout comme les autres serpentards adolescents et Salazar. À l'expression de sa mère la jeune fille comprit, son père mettait ses plus jeunes recrues à l'écart à cause d'elle. C'était elle qu'il tenait éloignée, et c'était donc pourquoi il avait si facilement accepté de l'envoyer chez Beurk.
—Les Rosier n'ont pas apprécié ce que tu as fait à leur fils. On raconte que sa disparition est un mensonge et que tu l'as assassiné. Ton père te veut loin d'eux le temps que la situation se décante, lui révéla sa mère. Sandor Rosier est un pleutre, il faut juste qu'il comprenne qu'il n'a pas son mot à dire. Tout ira bien, soit patiente Médusa.
Médusa n'éprouva pas beaucoup de regret envers Rosier ni envers sa famille. En fait, comme toujours depuis des mois, elle n'éprouvait plus grand chose. Son père avait regardé vers le passé avait dit sa mère, alors elle regarderait dans son passé à lui plutôt que dans le vide qu'elle ressentait en elle.
—Autant pour Grindelwald, susurra-t-elle. Je posais la question à cause du Tournoi des Trois Sorciers. Mais en fin de compte je sais que Père à la situation bien sous contrôle.
Sa mère eut un étrange petit sourire tordu alors Médusa se tourna vers Nagini. Nagini avait toujours été avec eux, et avec ses géniteurs. À l'instar d'une tante ou d'une marraine, elle connaissait leur vie à tous les quatre sur le bout des doigts.
—Nagini, comment tu as rencontré les parents ? Je veux dire, je sais que tu étais sous une pierre en Albanie, mais Mère t'a fait sortir ? Ou tu es venue les voir ?
—C'est presque ça, sourit la femme en se rappelant cela. Je me sentais si seule à ce moment là, cela faisait plusieurs années que j'étais transformée. J'ai entendu une musique, c'est ça qui m'a sortir de mon rocher. Méroé dansait, c'est ça qui m'a attiré.
—Ta danse de charmeur de Serpent c'est ça ? murmura la jeune fille qui l'avait vue faire au Derby.
Le sourire qu'eut sa mère fut moins tordu pour paraître plus nostalgique.
—Oui, une version moins… tragique. À cette époque je montrais à ton père de quoi j'étais capable. Il ne connaissait pas les dons. J'ai su lui faire une assez forte impression vu qu'il a décidé de me laisser en vie, se moqua-t-elle en claquant des doigts.
Tinny apparut et d'un mouvement de main négligeant, elle lui ordonna de débarrasser les reliefs de leur repas. La petite elfe s'exécuta fébrilement et Nagini souffla :
—J'espère que le repas t'a plus.
—C'était très bon, merci madame Nagini, bafouilla Tinny. Duddy aussi veut vous remercier, mais Duddy n'ose pas.
Elle disparut ensuite avec les assiettes et la natte en lévitation.
—Il a toujours été attiré par le pouvoir, remarqua Médusa. Mais à quoi bon appeler et charmer les serpents si on est déjà fourchelangue ?
—C'est toujours utile pour faire bonne impression, et pour la beauté de la chose, j'imagine. C'est quelque chose que mon père m'a enseigné, comme ses parents avant lui.
—Et quelque part, la musique que Méroé faisait dans la nuit m'a rappelé mes souvenirs d'humaine… chez moi, soupira Nagini. C'est pour ça que je suis sortie.
À l'instar de Salazar, Médusa trouva Nagini trop fragile pour servir son père. Elle avait bon fond, mais ne pouvait plus les quitter.
—Tu as bien fait, fit Médusa. Tu aurais été malheureuse sous ton rocher, ici tu n'es plus seule. En tant que Malédictus tu vivras très longtemps, beaucoup plus longtemps que la plupart des sorciers.
Nagini opina lentement. À part si on l'attaquait directement, l'effet pervers de cette Malédiction était bien que le sorcier condamné survivait à presque tout pour en subir le plus longtemps ses méfaits. Dans deux cents ans peut être que Nagini serait encore vivante, elle leur survivrait tous… enfin presque.
—C'est ce que ton père a senti en moi. Au début, il était un peu hésitant mais il a décidé de me recueillir pour l'accompagner sur la route avec Méroé.
Médusa n'avait eut qu'une moitié de confirmation, mais elle sentit son cœur s'affoler dans sa poitrine. Il avait senti que Nagini vivrait des siècles, et pensé qu'elle pourrait le suivre à travers les âges. Son père était immortel ? Comment ? Grâce à quoi ? Médusa était frémissante de questions mais elle s'aventurait sur un terrain dangereux. Une autre question de ce genre et rien ne garantissait qu'elle ne soit pas dénoncée, soit par sa mère par malice, soit par les deux femmes par la crainte que leur inspirait le Jedusor.
Elle laissa les deux femmes après leur avoir souhaité bonne nuit et retourna à sa chambre. Elle récupéra le carnet caché sous les draps et le cacha précautionneusement dans le faux fond de sa table de chevet. Elle l'étudierait quand elle serait en sécurité, loin de cette maison.
Elle saisit ensuite Echo posé sur sa table de nuit. Il était assoupi, ses petits anneaux rosâtres brillants entre ses doigts, et elle se dirigea vers son balcon donnant sur le marais. Le reptile émergea piteusement entre ses paumes.
—Est-ce que tu es heureux ici à me surveiller ? lui susurra-t-elle.
Sous son emprise, la créature siffla un petit non misérable. Elle se pencha sur la rambarde portant ses mains vers l'eau.
—Maman et Nagini sont occupées, file. Nage toujours tout droit et tu sortiras d'ici pour toujours. Si je te revois, je te coupe la tête.
Echo ne se le fit pas dire deux fois, il plongea dans l'eau et disparut dans les flôts noirâtres.
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—Et donc, comment ce collier est venu en votre possession ? demanda Médusa en nettoyant le comptoir.
Elle briquait le magasin depuis des jours et n'en pouvait plus. Son client était venu récupérer Mirabelle la poupée et Beurk avait gagné une somme si considérable de gallions qu'il était d'excellente humeur et chantonnait depuis le début de la matinée. Médusa se doutait de l'usage que ce sorcier à l'allure louche allait faire de la poupée mais son expérience de vie auprès de Lord Voldemort lui avait appris à être muette sur certains méfaits. Un Beurk heureux était un Beurk manipulable.
—Ce pendentif ne cesse de revenir. On me l'achète, on l'offre à sa cible, il tue son propriétaire et au bout d'un moment il revient toujours ici. Quand on m'achète quelque chose, en général je finis toujours par remettre la main dessus. Comme ces fichues poupées, siffla-t-il à voix basse. Je crois que depuis que la boutique existe ce collier est là, il existait bien avant elle. C'est de la manufacture gobeline. J'estime son ancienneté à huit siècles, peut-être plus.
—Mais la malédiction a été jetée par un sorcier ou une sorcière. Comment la magie a pu tenir à travers les âges ? Je veux dire les malédictions finissent par faiblir avec le temps, se souvint la jeune fille pour l'avoir lu dans un livre.
—Sauf si la malédiction se nourrit de ses victimes, pointa Beurk. Plus ce collier tue, plus il est puissant par le sang qu'il reçoit. Il a dû tuer une centaine de personnes au cours des siècles. Qui veux-tu tuer comme ça petite vipère ?
Médusa adressa une grimace hargneuse au vieil homme et déposa son chiffon. Elle en avait plus qu'assez de faire du ménage. Mais Beurk l'avait éconduit plusieurs fois au court de la semaine. Il voulait savoir ce qu'elle préparait et ne voudrait parler que si elle était honnête. La jeune fille songea à obtenir cela par la force, mais il était plus habile d'être sournoise. Moins Beurk se méfierait, plus il serait complaisant et plus facile à manipuler.
—Je veux étendre la malédiction du collier, à ma volonté, fit-elle pour l'appâter. Le porter pour me protéger.
—Avec la puissance qu'il a reçu de toutes ses victimes, c'est impossible, grogna Beurk. Tu vas te tuer, ne compte pas sur moi pour te pleurer. Le sang appelle le sang, on raconte que sa première propriétaire s'est fait couper la tête, tu veux que ça t'arrive ?
—Il y a forcément une solution, tempêta Médusa. Une façon d'inverser sa malédiction pour que le porteur ne la subisse pas !
—C'est ça. Va prendre ta pause déjeuner, siffla Beurk en levant les yeux au ciel.
Il retourna dans son établi en ronchonnant aussi, la jeune fille en pestant s'exécuta.
—Qu'est-ce que tu veux toi encore ? gronda Gélatée Fortarôme quand elle vit Médusa pénétrer dans son restaurant.
La glacière ne l'avait pas oubliée, à l'instar de sa sœur en cuisine qui lui jeta un regard hostile.
—Si c'est comme ça que vous accueillez votre clientèle, ne vous étonnez pas d'en avoir si peu, susurra Médusa.
En effet la salle était à moitié remplie contrairement à l'année dernière, début août était bien souvent un moment creux pour le Chemin de Traverse et cela se ressentait. Arthur Weasley dans le même costume ridicule qu'Eddy avait porté servait Molly Prewett et son frère Fabian. Les trois rouquins se figèrent en la voyant.
—Je vais vous commander un gâteau aux framboisières, une vélanille au chocolat, un assortiment de mignardises babillette, trois cakes citronnelle, deux Cannelés glacés, une tarte chipotine et un sorbet salcepareille, lut-elle sur la carte. Oh et rajoutez moi deux galettes d'effroi.
Gélatée eut l'air abasourdie et crut qu'elle se moquait d'elle.
—Mais bien sûr, et tu vas payer cette fois ?
—J'ai de quoi.
La jeune fille lui afficha son air le plus sérieux en montrant sa bourse, alors Gélatée nota frénétiquement sa commande et partit en cuisine d'un pas vif. De là, Médusa avisa la tablée de rouquins Weasley et Prewett qui la dévisageaient avec méfiance. Médusa s'en approcha en attendant ses gâteaux.
—Tu vas manger tout ça ? demanda Arthur qui avait entendu sa commande. Où tu stockes tout ce sucre ?
—Moi je vois où tu cases le tien de sucre Weasmoche, rétorqua-t-elle. Bonjour Oncle Fabian, pépia-t-elle ensuite.
Obligé de faire comme s'ils se connaissaient, Fabian lui répondit faiblement avant de baisser les yeux. Il avait peut être recouvré la liberté mais il n'était pas libre. La marque qu'il portait sous ses vêtements était un bon indicateur. Médusa se dit qu'il avait menti durant le procès pour protéger sa famille mais celle-ci semblait lui en vouloir à voir sa souffrance et l'air furieux de Molly Prewett.
—Va voir ailleurs Jedusor, tempêta bravement la rouquine. Ta maudite famille a fait suffisamment de mal comme ça.
—Du mal ? Si Dumbledore n'était pas un vieux maniaque tu aurais encore tes deux frères et mon frère et moi ne serions pas traumatisés. Notre famille a protégé Fabian de ce vieux renard. Dumbledore n'apporte pas d'aide, jamais, ou bien il cherche à t'utiliser.
Arthur dut partir rapidement apporter l'addition d'un couple de gobelins et jeta à sa petite amie un regard inquiet en craignant de la laisser seule. Médusa lut sans problème dans l'esprit de Molly Prewett. Depuis son mensonge Fabian avait été rejeté par sa famille et avait fuit son propre foyer. Outre les Mangemorts, il ne lui restait plus personne à part peut être Molly qui essayait de sauver ce qu'il restait de son frère.
—Dis quelque chose Fabian ! tempêta Molly. Ces gens sont malfaisants, ça se voit non ?
—Ne raconte pas n'importe quoi, Momo. Je paye ta glace et j'y vais. J'ai à faire ce soir.
—Encore avec lui c'est ça ? s'écria Molly à mi voix.
Fabian se leva rapidement en prenant bien soin d'éviter Médusa. Molly Prewett eut l'air sur le point de leur jeter un maléfice à tous les deux, aussi Médusa préféra s'attaquer à une proie bien plus faible. Prewett payait sa consommation et les gâteaux demandés par Médusa étaient empaquetés par Gladys pour être emportés.
Elle parvint à croiser le regard de Prewett. Il y avait une réunion de Mangemorts ce soir à Poudlard et il y était convié comme depuis un moment. Deux visages attiraient son attention, celui de Sal et Eddy. Eddy était à Poudlard avec Sal. Prewett les avait croisé quelques jours plus tôt. Prewett prit peur, il paya et partit pitoyablement. Si Sal n'était plus seul, Eddy aussi était en danger. Elle n'avait plus de temps à perdre. Médusa paya ses nombreuses consommations, et partit sans jeter un regard derrière elle.
—Bonjour mes jolies.
Médusa ouvrit la porte de la cave et invoqua une petite table et un service à thé. De là, elle disposa tous les petits gâteaux en les sortant de leur carton.
—Mr Beurk a promit que Mirabelle reviendrait, fit Médusa en finissant de préparer sa dinette improvisée. Si je peux rester ici manger, on pourra manger toutes ensembles. On pourra jouer ensuite. Ça vous va ?
Une balle émergea des ténèbres pour rouler vers elle. Une des poupées donnait son accord manifestement car un petit rire de crécelle se fit entendre dans le noir. La jeune fille assurée de ne pas être dérangée renvoya la balle, ouvrit le carnet de son père et commença à écrire à la lueur d'une petite flammèche. Dolohov avait laissé sous entendre que son père en son temps avait aussi un carnet dans lequel il était tout le temps plongé. Qu'avait-il confié sur ces pages pour l'ensorceler et le cacher de la sorte ?
Qu'est-ce que tu es ? Mon père est bien vivant. Es-tu un souvenir ?
Bonjour Médusa. J'ai pensé que tu ne m'écrirais plus.
Je suis plus qu'un souvenir. Je suis une part de lui et de son adolescence. Est-ce lui qui t'a confié à moi ?
Oui, écrivit la jeune fille.
Tu mens.
Manifestement cet objet avec une part de lui était capable comme le vrai Tom Jedusor de percevoir facilement ses mensonges. Elle se mit à écrire férocement.
Je t'ai trouvé dans la cave de Barjow et Beurk. C'est toi, enfin ton futur toi qui me fait travailler pour lui. Je suis ta fidèle servante, ensembles nous avons fait de Dumbledore un criminel et tu es à la tête de Poudlard en tant que Directeur.
À peine les mots furent-ils engloutis par le papier qu'elle sentit que le souvenir enfermé dans le cahier s'était mit à écrire d'une façon survoltée.
Ainsi donc je suis devenu le plus grand sorcier de tous les temps.
Je savais que j'y arriverai.
Oui, coucha-t-elle sur le papier. Tu es le plus grand sorcier du monde, mais Dumbledore est encore dehors. Ton pouvoir est menacé.
Les pages frémirent et Médusa se dit que ce devait être la façon du journal de ricaner. La poupée Roger tourna sinistrement sa tête dans sa direction et Médusa but un peu de thé et mangea un morceau de gâteau pour se donner du courage alors que les mots s'écrivaient.
Dumbledore ne peut rien contre moi. Je me suis assuré qu'il ne puisse pas me tuer.
Ton existence me pose question, cependant. Je ne te fais pas confiance.
Je veux savoir à qui j'ai affaire.
Je ne veux qu'aider le Seigneur des Ténèbres, écrivit-elle. C'est pour cette raison que je suis née.
Je n'en doute pas. Me permets-tu de venir te voir ? Je saurai si j'ai affaire au sang de Salazar Serpentard. Ma magie s'écoule mieux par le sang.
Le cœur de la jeune fille fit une embardée. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Elle termina son thé d'une main tremblante et répondit :
Ok.
Aussitôt l'encre vacilla et le journal se mit à trembler légèrement. Médusa le déposa rapidement en sortant sa baguette terrifiée par ce qu'elle avait laissé échappé. Quelques secondes plus tard une mince silhouette transparente apparut face à son siège à côté de l'étagère à poupées vaudous. C'était son géniteur, il avait environ son âge et ressemblait tellement à Salazar que c'en était troublant, hormis les yeux, le teint pâle et le petit sourire menaçant, Sal était sa copie conforme.
Son géniteur adolescent encore transparent et flottant à la manière d'un fantôme la regarda puis observa l'étrangeté des lieux.
—Charmante décoration. Nous sommes dans ta chambre ?
—Non, siffla-t-elle en fourchelangue en rougissant. Je t'ai dit que nous étions dans la cave de Barjow et Beurk ! Qu'est-ce que tu es ? Aucun souvenir n'a cette aptitude, ni n'est capable de magie !
—Ainsi donc j'ai engendré, siffla en retour la version adolescente de Tom Jedusor. Si ta vie importe à mon double alors tu n'as rien à faire avec cet objet entre les mains. Si tu ne sais pas ce que je suis, c'est qu'il ne t'en a pas parlé. Ne sois pas plus sotte que tu ne l'es, je suis son plan de secours, je dois demeurer caché.
—Son plan de secours ? Comme une sorte de plan b ?
La copie plissa les yeux et parut méfiante.
—J'ai toujours pensé que ma curiosité était mon plus précieux atout, te léguer cette aptitude me la rend très agaçante. Ai-je engendré d'autres enfants aussi insupportables ?
—Non, mentit-elle. Tu es un artefact de magie noire puissante, doué de vie. Avec quoi t'a-t-il créé ? Tu es une part de sa magie ?
—Qui sait ? S'il ne t'a pas parlé de moi, c'est te dire l'opinion qu'il a de toi, susurra le double jeune de son père. Tu ne peux pas comprendre ce que je suis.
Tom Jedusor ne voulait pas répondre à ses questions, il souhaitait demeurer caché pour son propre bien ou celui de son double, comprit Médusa qui sentit une étrange torpeur l'envahir. Seulement, réalisa-t-elle ce Tom en face d'elle semblait comme déconnecté de son père. C'était une mémoire du lui de ses seize ans, plus immature et qui surtout ne connaissait pas encore le Codex et les dons.
Elle se pencha vers la fine silhouette de son père adolescent. Elle ne savait absolument pas si cela allait fonctionner, mais il était trop tard pour reculer :
—Je ne peux peut-être pas comprendre, mais je peux demander. Qu'est-ce que tu es ? Je t'ordonne de me répondre ! susurra-t-elle brutalement.
Elle le sentit, son pouvoir passa dans le regard semi transparent face à elle. Lentement, en regrettant chaque mot, il lâcha d'une voix crispée :
—Je suis une part de son âme. Son Horcruxe. Si son corps est attaqué, il survivra toujours grâce à cet objet.
La silhouette de Tom Jedusor s'écarta d'un bond et le beau visage d'adolescent se tordit en une expression furieuse et hargneuse :
—Qu'est-ce que tu m'as fait petite garce ?
—Tu es plus facile à berner que ta version plus âgée, on dirait, se moqua la jeune fille. Il est donc immortel, c'est pour ça qu'il ne voulait pas d'enfants. Si tu as changé d'avis… c'est que tu veux l'atteindre d'une autre façon, comprit-elle ensuite. Par nous. C'est ça que tu y gagnes !
—Quelle vilaine petite maline, persifla la voix de Jedusor avant de disparaître. Il semblerait que je ne t'ai pas appris le respect !
Il disparut en une nuée d'encre pour couler vers le journal et d'un coup Médusa se sentit aspirée vers le livre. Sa gorge était comme appuyée de force contre le papier du carnet et tirée par le collier de Zephyr Gaunt que son père lui avait offert. C'était une poigne si forte que Médusa ne pouvait plus respirer, elle était prisonnière d'une main invisible. Complètement paniquée la jeune fille se débattit férocement contre la puissance maléfique qui voulait désormais la tuer.
Brutalement elle se sentit poussée à l'autre bout de la pièce et retomba comme une masse sur le sol. Le journal semblait hurler pour l'appeler alors que ses pages gonflées de magie se soulevaient à toute vitesse. Darcy la poupée vaudou tomba de son étagère sur le carnet qui se ferma. Encore sonnée, Médusa se massa la gorge en toussant.
Son père avait mit son âme dans cet objet et l'avait laissé en sureté dans cette cave maudite avec ses étranges gardiennes. D'un unanime et lugubre mouvement tous les yeux des poupées se baissèrent vers Médusa et dans un même balancement les regards convergèrent vers le trou où elle avait récupéré le carnet. Les poupées lui avait sauvé la vie et voulaient que cet objet retrouve sa place. C'est à dire, caché.
Le cœur battant, Médusa s'exécuta en replaçant le carnet soigneusement dans sa cache pour remettre la pierre par dessus. Elle demanda l'autorisation de soulever Darcy et la rangea sur son socle.
Quel que soit ce mot horcruxe, son père ne s'en était pas tenu qu'à ça. Cela voulait dire que ce petit carnet caché dans une cave remplie de poupées maléfiques était faillible. C'était bien pour ça qu'il lui avait donné cette étrange cachette. Elle n'avait jamais entendu un tel mot mais elle allait découvrir ce que c'était.
—Merci beaucoup, s'inclina Médusa en remettant en place la dinette et les petits gâteaux. Je laisse ce carnet ici, il est mieux caché.
L'air se fit presque moins frais, est-ce que ces poupées meurtrières étaient soulagées de ne plus voir ce carnet ouvert devant elles ?
—Je trouverai un moyen de vous amener Mr Beurk. Dès que j'aurai eut ce que je veux, je vous laisserai jouer avec lui.
Un gloussement frénétique et enfantin se fit entendre dans l'obscurité et la jeune fille eut l'impression que l'on riait à son oreille. Médusa réfréna ses tremblements et quitta la pièce.
—Tu en as mit du temps pour ta pause déjeuner, persifla Beurk. Qu'est-ce que tu es allée faire en bas… et pourquoi tu as des miettes dans les cheveux ?
Alors que Médusa émergeait de la trappe, elle se rendit compte qu'elle avait effectivement des miettes de gâteau de son affrontement avec l'horcruxe de son père. Beurk eut l'air de la prendre au mieux pour une sagouine, au pire pour une folle et marmonna dans sa barbe.
—Ça s'enferme dans les armoires avec des garçons, ça vole et maintenant ça joue avec la nourriture ? La jeunesse ce n'est plus ce que c'était.
—Effectivement rien ne va plus, répondit cyniquement la jeune fille en se nettoyant. J'ai récuré votre cave, nettoyé votre fichu magasin, maintenant continuons sur le collier. Vous êtes un des plus réputés en magie noire de ce pays, c'est bien pour ça que mon père notre maitre vous tient en si haute estime. Peut-on inverser sa malédiction ?
Si Beurk eut l'air flatté, il était assez vieux renard et avait sans doute côtoyé assez souvent la version jeune de son père. Pour l'avoir croisé quelques minutes plus tôt Médusa savait que ce jeune homme avait été bien trop arrogant pour son propre bien.
—La théorie le voudrait. Simplement, le sang appelle le sang. Tu connais l'alchimie et l'échange équivalent, gamine ? demanda le vieux bougre en triant un carton remplis de bocaux de dards de scorpions.
—Évidemment.
—Alors logiquement, le seul moyen pour que ce collier soit à tes ordres c'est de lui donner de ta main autant de sang qu'il en a reçu. Autrement dit des centaines de litres. Tu en as pour des années à te faire saigner pour un résultat incertain.
—Mais c'est faisable en théorie.
—Possible, fit Beurk mystérieusement. Occupe toi de ces cartons et range les, je dois m'occuper de mes comptes clients.
—Tout de suite, pépia-t-elle en lui cachant son mauvais sourire, réjouie à l'idée de lui jouer un sale tour très prochainement.
Voilà, là elle commençait à avoir un début de solution. Avec cette histoire d'horcruxe et quand elle aurait le codex elle aurait peut être de quoi stopper son père et protéger Sal.
Mais que voulait dire le stopper désormais ? Que ferait-elle contre quelqu'un d'immortel ?
À cette question Médusa n'avait pas de réponse.
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