Enfin je vous annonce l'exploration du premier donjon... La tour du Courage ! Il aura fallu dix chapitres mais c'est bon ! On y est !
Bonne lecture !
[Avertissement : Link jure]
Chapitre 10 - La tour de la Bravoure
La tour était immense vue de l'extérieur, mais Link avait sous-estimé sa profondeur. Dès qu'elle mit les pieds à l'intérieur, elle sentit toute la complexité de la tâche. L'édifice énorme s'élevait haut, avec tout juste une chaîne rouillée pour relier ciel et terre au centre du rez-de-chaussée, si ce n'était l'escalier taillé courant autour du mur circulaire sans toutefois le toucher. Des gravures complexes décoraient les alentours en des arabesques pratiquement incompréhensibles mais qu'elle reconnut tant bien que mal comme une représentation des dieux nés de Farore. Noubel et Majora, si elle ne se trompait pas.
Elle ne pouvait pas savoir que le second nom résonnerait plus tard comme un véritable tocsin.
S'avançant lentement jusqu'au centre de la salle circulaire, la mercenaire guetta les recoins ombragés, ceux qui se cachaient à l'obscurité de la construction mortelle. Les torches brûlaient près de l'entrée, projetant de larges silhouettes sombres sur le sol pavé d'une pierre oscillant entre le gris et le bleuté. La chaîne s'arrêtait sur un rocher taillé en bloc, se dressant au centre de tout comme s'il se trouvait parfaitement à sa place. Même si elle n'était pas spécialisée en décoration, la vagabonde en doutait.
Plissant les yeux dans la direction du seul objet de la pièce, elle manqua presque la lumière verte qui se rapprochait d'elle.
- Je n'espérais plus voir personne ici, claironna une voix chantante. Une aventurière souhaite-t-elle vaincre la bête qui a fait de ma tour sa tanière ?
La mercenaire faillit sauter en arrière, arme dégainée. Néanmoins, elle se rappela rapidement des avertissements d'Hylia.
- Etes-vous... la prophétesse ?
La lumière verdoyante brilla de plus belle.
- Tel est le rôle qui m'a été confié par ma dame, en effet.
S'élevant au dessus d'elle, la sphère tournoya autour de la chaîne.
- Vois-tu, il y a quelques semaines, un homme a pénétré ces lieux. Je me souviens l'avoir aperçu... il était grand et fort. Un instant, j'ai cru faire face à un Gérudo. Malheureusement, malgré leur rejet de Farore, il aurait été préférable que ce soit le cas...
- Un Gérudo ? Pourquoi c'en était pas un ?
La manifestation de la prophétesse s'abaissa à son niveau.
- Des cheveux qui n'étaient ni du roux des Gérudos, ni du blanc des Sheikahs, mais entre les deux. Il était... difforme. Je ne vois pas de meilleur mot. Des écailles composaient sa peau sans qu'il ne soit représentant d'un peuple de l'eau, je me souviens avoir vu une cicatrice sur son front. Cet homme est venu ici, accompagné d'un mage terrible et d'une guerrière surpuissante, et a ordonné au mage de me lancer un sort. Aujourd'hui, je ne peux le briser. J'ignore qui ils étaient, mais ils sont puissants. La magie du sorcier est telle que je suis désormais incapable de faire quoique ce soit.
Cela était inquiétant. Les prophétesses devaient pourtant compter parmi les meilleurs mages de ce monde, même en prenant en compte les races les plus à même d'exercer la magie.
L'étincelle verte perdit un peu de sa superbe.
- Le sorcier surveille mes faits et gestes... Il doit déjà être au courant de ta présence ici, et a sans doute déclenché ses pièges. J'aimerais t'aider, mais je ne pourrais pas te parler très longtemps. Mes forces sont limitées. Si le démon installé au sommet meurt, je pourrais reprendre le contrôle de cette tour. Je suis navrée, mais je dois te demander ton aide.
La lumière disparut dès qu'elle eut fini cette phrase.
- Sois prudente...
Link hocha la tête, même si personne ne la voyait le faire. Le démon, le sorcier, la prophétesse, et ce sans parler du Gérudo et de la guerrière. La servante de Farore devait avoir de sérieux problèmes si elle en était réduite à demander assistance au premier venu. Après tout, quiconque vénérait Courage n'était pas connu pour être particulièrement adorateur de l'entraide. C'était même le contraire, de ce qu'elle pouvait en dire. Les Jujus en étaient la preuve vivante.
Plusieurs Sheikahs se demandaient d'ailleurs comment le peuple de Farore pouvait encore exister, avec toutes leurs cascades.
Hylia la rejoignit quelques secondes plus tard, sa manifestation prenant une couleur blanche.
- Comment va la prophétesse ?
- Mal. Elle a demandé de l'aide.
Comme si elle aussi comprenait les implications, la lumière incarnant la prêtresse sembla s'assombrir. La vagabonde abandonna ses inquiétudes pour faire un premier tour de la salle, ne trouvant rien d'anormal. Elle décida donc de monter les escaliers. Arrivée au premier étage, elle put compter un total de quatre portes. Si l'une d'entre elles semblait fermée à clé, les trois autres pouvaient très bien cacher de mauvaises surprises, surtout si elle prenait en compte l'avertissement de la prophétesse.
Un coup d'œil vers les escaliers montants lui indiqua qu'ils étaient coincés derrière une paire de chaînes mauves. De la magie. Il faudrait donc qu'elle trouve un moyen pour les retirer, sinon elle ne pourrait pas avancer. Soufflant un bon coup, la mercenaire commença son exploration.
La première salle dans laquelle elle entra était également la première qu'elle ouvrit, mais pas la première qu'elle aurait pu ouvrir.
La différence était importante, merci.
Debout sur une estrade surplombant un sol verdoyant quelques mètres plus bas, elle aperçut un interrupteur à longueur de saut. L'activant d'un bond facile, d'autres dalles s'élevèrent, ouvrant un chemin vers un piédestal de l'autre côté de la salle. Arrivant jusqu'à lui, son nez se fronça. Rien d'intéressant, juste un peu de mousse décorant les recoins. Peut-être pour plus tard, pas pour le moment, sinon jamais.
A quoi pouvait bien servir cette pièce était une bonne question.
- Rien ?
- Rien. Peut-être dans une autre salle.
La lumière d'Hylia la suivit rapidement. D'un côté, sa présence était inutile, le combat étant depuis le départ la spécialité de la mercenaire. De l'autre, les quelques monstres rencontrés jusqu'à présent lui étaient pour la plupart inconnus, et la prêtresse se révélait être une grande connaisseuse à ce sujet. Elle se demanda un instant si c'était auprès d'Etaël qu'elle avait appris. Ce serait logique, bien que douloureux, si elle se l'avouait. Son ancien camarade était particulièrement intelligent - bien que rien n'égale le savoir de Marion - et s'était spécialisé sur leurs ennemis les plus courants.
Revenant à la réalité, elle s'intéressa à la salle suivante, malheureusement fermée à clé. La suivante, par contre, s'ouvrait dans un grincement qui lui fit se demander quelques secondes si la porte n'allait pas lui tomber dessus. Heureusement, rien de ce genre n'arriva. Sitôt elle mit les pieds dans la nouvelle pièce qu'elle sentit toutes ses facultés psychiques s'arrêter. Pour sa défense, elle ne s'attendait pas franchement à faire face à une longue série de dalles gravées de différents symboles - des écritures ? Peut-être ? - qui semblaient s'activer en marchant dessus. Sur le côté le plus proche se trouvait un coffre. Suspicieuse, elle préféra éviter les dalles les séparant d'un saut habile.
- Est-ce utile ?
- C'est une clé, donc j'imagine que oui.
Mais pas ce qui lui permettrait de comprendre cette énigme pour activer l'interrupteur en bout de pièce. Clairement perplexe devant ce puzzle, elle retourna à sa place originale, avant de tenter quoique ce soit. Des cailloux atterrirent sur les dalles. Celles-ci ne manquèrent pas de s'illuminer.
Link grimaça.
- Putain... Si j'y vais, je crève.
- Comment ça ?
Les cailloux avaient été désintégrés.
- Je déteste les énigmes.
- Il doit bien y avoir un indice, non ?
Effectivement, juste à côté de la porte se trouvait un petit écriteau.
Son visage se crispa.
- Il est écrit...
- Quoi ?
Link soupira silencieusement. Hylia ne semblait pas prête à jouer le jeu, de ce qu'elle pouvait dire, ou ne pouvait pas. Elle retint un grognement, retournant aux gravures qui lui faisaient face, avant de revenir aux dalles fourbes. Plusieurs s'étaient illuminées pour former un schéma étrange, sûrement celui des cailloux précédemment lancés. Un instant, elle se demanda si elle ne pouvait pas sortir pour aller voir ailleurs. Mais l'étage supérieur était barricadé derrière une chaîne mauve, une porte était fermée - bien qu'elle ait maintenant la clé - et une autre salle ne servait à rien. Elle n'avait strictement aucune idée pour la dernière.
En d'autres termes, elle était obligée de passer cette énigme.
- Link ?
La prêtresse revint de plus belle, l'étincelle qui lui servait d'apparition lui tournant autour. La mercenaire lâcha un juron.
- Je...
Sauro lui manquait, là, dans une tour avec des écrits. Elle savait comment il aurait réagi : sautant en premier vers les gravures illisibles pour quiconque n'était pas lui, traduisant à voix haute tout ce qu'il décrypterait. Mais Sauro n'était pas là, bon sang, il n'y avait pas non plus Marion qui aurait pu comprendre cette énigme après quelques instants de réflexion et quelques tentatives abstraites dont elle avait le secret. Non, elle était seule, Link l'analphabète, voyageuse incapable de faire preuve de plus d'esprit critique que de ne pas sauter dans le vide.
- Link ? Que se passe-t-il ? Tu n'arrives pas à lire ?
- Je ne sais pas lire !
De nouvelles injures se répandirent dans les airs, alors qu'elle faisait à nouveau face aux dalles merveilleuses. Elle ne le considérait pas comme une honte avant, loin de là. A l'époque où, dans son entourage direct et lointain, il n'y avait qu'un lecteur, et que tous les autres se trouvaient dans une situation similaire à la sienne, ne pas savoir lire n'était pas une honte. Juju n'écrivait pas, ou alors très peu. Le nombre de récits mis sur pierre était au chiffre ridicule d'un, et il s'agissait de la chanson du « Héros de Farore », un conte que l'on récitait principalement à l'oral.
Le pire ? Juju n'était pas le seul à ignorer ces signes. Quiconque n'était pas Hyruléen ne comprenait rien à l'alphabet, sinon très peu, à l'image des Gérudos qui avaient tenté de s'en créer un avant d'abandonner.
De ce fait, jamais la jeune femme n'avait été mise dans une situation pareille à celle qu'elle vivait. Surtout pas face à une Hyruléenne, représentante du seul peuple connu pour être particulièrement érudit. Absolument pas face à Hylia qui, bien que brillant par son ignorance de la vie sur terre, s'en trouvait être bien plus intelligente qu'elle ne le serait jamais. Elle n'avouerait pas être fière de lui apporter des renseignements que la prêtresse ignorait, ni d'avoir pu la reprendre sur ses erreurs. Mais les faits étaient là.
Link savait très bien que pour une Hylienne, elle était particulièrement bête.
L'étincelle d'Hylia perdit quelque peu de sa superbe.
- Que... Comment est-ce possible ?
Elle se reprit rapidement avant que l'autre ne lui trouve une réponse acide et plutôt imagée.
- Non, oublie... Juju ne lit pas, alors j'imagine que personne n'écrit non plus... Alors... Mince, je ne peux pas voir. N'y a-t-il pas un indice dans une autre salle ?
La mercenaire passa une main dans ses cheveux, la boule amère de la honte remontant sa gorge. Il fallait qu'elle se reprenne, rester bloqué devant le panneau ne servait à rien. La prêtresse lui offrait un moyen de passer à autre chose, elle devait le saisir. Prenant une profonde inspiration, elle regarda à nouveau autour d'elle. Mise à part les dalles et l'écriteau, il n'y avait rien.
- Ouais... dans une autre salle.
Elle n'avait pas exploré l'une d'entre elles.
La décision prise, elle quitta la pièce scélérate pour atteindre la suivante. L'intérieur de la tour ne lui avait étrangement pas manqué, uniquement jonché d'un trou faramineux et d'une chaîne reliant les deux extrémités. De là où elle se tenait, elle pouvait apercevoir l'escalier qu'elle avait emprunté. Non-loin, rasant le mur, se trouvait celui qui lui permettrait normalement d'accéder à l'étage supérieur.
Elle avança le long de la parois circulaire. Bien que sa curiosité la poussait à explorer la pièce verrouillée, elle préféra la garder pour la fin. L'énigme devait être résolue en premier.
Sinon, elle risquait vraiment de s'énerver.
La dernière pièce correspondait heureusement aux espoirs d'Hylia. Les mêmes dalles recouvraient le sol, à la différence que cette fois-ci, certaines brillaient en bleu, tandis que d'autres s'illuminaient en vert. Sachant que dans la précédente pièce, les plus mortelles avaient pris la couleur bleue, il était logique de suivre les autres. Link n'était pas encore étiquetée de suicidaire.
Donc, elle suivit le bon chemin.
L'interrupteur cliqua sous ses pieds, quelque chose bougea. Les sourcils froncés, elle revint dans le couloir. Les escaliers étaient désormais libres de leurs chaînes.
Soufflant un bon coup, plus qu'heureuse d'avoir mis un terme à l'énigme la plus énervante de sa vie, la vagabonde se souvint toutefois de la présence de la clé. Retournant sur ses pas pour ouvrir la quatrième et dernière porte de l'étage, elle sursauta.
- La porte ?!
- … est fermée, acheva la mercenaire.
Ne voyant pas l'interrupteur, elle plissa les yeux. La pièce était vide, à l'exception d'un coffre, au fond, qui était scellé par une paire de chaînes mauves. Un mauvais pressentiment la saisit.
Dès que la bête se jeta sur elle, elle sut que c'était justifié.
- Pile ceux que je déteste.
Les Lycans n'étaient pas spécialement forts. Malheureusement, par rapport aux Moblins et autres créatures du genre, ils étaient endurants, résistants, et chasseurs. Pour réaliser une bonne embuscade sur l'un d'entre eux, il fallait opérer un miracle - Sauro - pour les tromper. Pour les combattre au corps à corps, il fallait connaître leur point faible.
Link se crispa sur son épée. Exactement ce qu'elle n'avait jamais su.
La bête sauta en avant, toutes griffes dehors. La vagabonde parvint à bondir sous elles, échappant de peu à la charpie envisagée. Quand elle parvenait à en vaincre un, c'était toujours au bout d'une longue bataille, entourée de ses alliés. La plupart du temps, l'un d'entre eux réussissait à l'affaiblir pendant qu'elle l'occupait. Les autres fois qu'elle en avait croisés, quelqu'un la rejoignait. Jamais elle ne s'était retrouvée seule face à l'un de ces monstres.
Roulant une nouvelle fois sur le côté, elle manqua presque la décapitation à cause de la voix pressante de la prêtresse.
- Quel monstre est-ce, Link ?
Elle oublia presque de répondre quand le loup gargantuesque manqua de lui arracher le bras.
- Un Lycan !
- Dans ce cas, prépare-toi à ce qu'il ouvre sa garde ! Dès qu'il se prépare à lancer un coup, frappe-le au poitrail !
La mercenaire cligna des yeux à la réalisation. Après une dernière esquive, elle se redressa sur ses jambes heureusement encore indemnes, prête à trouver le moment cité. Cela ne manqua pas : élevant l'une de ses pattes surpuissantes en l'air, le Lycan révéla toute sa poitrine à sa vue et à son épée.
Un rapide coup et elle sauta en arrière, se préparant à danser à nouveau autour de la créature. Le loup grogna de douleur mais retrouva ses appuis après quelques dangereux balancements, pour reprendre sa course dans la salle.
- Méfie-toi de ses morsures ! Il n'ouvre pas sa garde pour elles !
Effectivement, sa tête recouvrait le ventre doux quand il se jeta en avant. Sautant une nouvelle fois sur le côté, elle lui asséna un coup directement dans la mâchoire encore ouverte. La bête roula sur ses côtes, révélant son point faible dans la panique.
En tant que spécialiste de la chasse aux monstres depuis ses quinze ans, Link ne pouvait pas laisser passer cette opportunité. Aussi planta-t-elle son épée profondément dans son ventre, se préparant déjà à la suite du combat.
Heureusement pour elle et son endurance, il ne vint jamais, le dernier coup ayant touché ce qui devait être un organe vital. Le monstre mort disparut dans un nuage de poussière - certains le faisaient, d'autres pourrissaient sans explication - libérant aussi bien la porte fermée que le coffre scellé.
- Link ? Je n'entends plus rien.
Elle en avait presque oublié son alliée.
- Euh... C'est bon. Merci.
La lumière parut briller chaleureusement.
- Mais de rien !
Elle ne savait toujours pas quoi penser d'Hylia. C'était étrange, franchement. Leur relation n'avait aucun mot précis. Cela faisait pourtant un mois qu'elles voyageaient ensemble, et la prêtresse parvenait toujours à la surprendre. Pas forcément dans le mauvais sens, bien qu'il y ait encore des moments où elles se disputaient à n'en plus finir. La sensation qui lui faisait dresser les poils en sa présence ne diminuait pas, mais plus le temps passait, et plus cela devenait supportable. Il leur était également arrivé de rire une fois ou deux, ce qui relevait pratiquement de l'exploit.
La prêtresse était étrange, mais peut-être que Link l'était aussi.
Soupirant un bon coup, roulant des épaules au passage, elle se rapprocha du coffret découvert.
Cette fois, elle était plus que capable de lire ce bout de papier.
- La carte !
- Vraiment ? Que dit-elle ? On en est encore loin ?
L'euphémisme de l'année.
La tour continuait encore sur quelques étages supplémentaires. Au moins trois, si elle en croyait la carte. Bien qu'ils ne couvrent pas les plus grandes surfaces qu'elle ait croisées, la taille globale de l'édifice se trouvait être ridiculement imposante. A défaut de quatre salles par étages et elle se retrouverait à arpenter près de vingt pièces avant d'atteindre le sommet.
Heureusement ce n'était pas le cas. Le deuxième étage, celui qui l'attendait désormais, se voyait coupé en seulement deux salles. Si la première était encore compréhensible, un immense vide avec une torche au milieu - bien qu'elle se demandait maintenant quelle pouvait bien être son utilité - le second la laissa perplexe.
Il faisait sombre.
Ni fenêtre, ni torche. Mise à part la légère lueur dégagée par Hylia, tout était plongé dans le noir le plus obscure.
- Et si tu essayais d'injecter de la magie dans la perle verte ?
Link fronça les sourcils, restant quelques instants stoïque à la demande étrange de sa camarade, avant de tenter. Très vite, la surprise remplaça la perplexité. La sphère que les Tikwis lui avaient confiée éclaira les alentours d'une éclatante lueur verdoyante.
- La perle !
- Que fait-elle ? La mienne semble capable de purifier tout ce qui entre en contact avec.
- Elles ont pas les mêmes effets ? La mienne brille !
Elle essaya d'allumer une torche à proximité, ce qui, étrangement, fonctionna. Au milieu de la place, positionné pile au centre d'une rosace élégante, se trouvait un coffre. En l'ouvrant, Link haussa un sourcil incrédule.
- La boussole maintenant, annonça-t-elle à Hylia.
La prêtresse parut tout aussi étonnée.
- Dans une tour ? Quelle est l'utilité ?
- Il semblerait que la carte se complète maintenant. Il y a des dessins de coffres.
Si elle comptait bien - et elle savait compter, n'en déplaise à certains - il en restait cinq. Elle fronça les sourcils, étonnée du nombre. Il ne devait y avoir que des clés dedans, ce n'était pas logique. Surtout pas avec le nombre de salles restantes. Le troisième étage ne semblait en compter aucune, et le quatrième non-plus. Autrement dit, les coffres devaient jouer un autre rôle.
Lequel, maintenant, était une bonne question.
Continuant sur sa lancée, elle entra dans la seconde salle de l'étage pour y découvrir une armée de petits monstres. Les portes étaient fermées, la solution la plus simple et la plus pratique - parce qu'ils se jetaient sur elle, pendant sa réflexion - était encore de tous les éliminer. Quelques uns lui étaient inconnus, Hylia paraissait pouvoir les reconnaître malgré ses faibles descriptions. Après quelques instants à batailler, elle parvint au bout de la pièce sans réel problème. L'un des coffres mentionnés plus tôt lui apparut, il ne contenait que des rubis.
En arrivant au troisième étage, un mauvais pressentiment lui renversa les tripes.
- Il y a matière à avoir un combat.
- C'est un étage complet, n'est-ce pas ?
Contrairement aux deux précédents niveaux, celui-ci ne possédait pas de cercle servant d'ouverture pour le sol du rez-de-chaussée. Au contraire, la pièce circulaire s'étendait sur l'ensemble de la tour, complètement vide de vie. C'était presque comme si tous ses instincts s'étaient mis à crier en chœur... attention.
Un craquement lui parvint dès l'instant où elle sut qu'elle avait raison de s'inquiéter.
A cette époque reculée, les chevaliers, ou tout ce qui s'en rapprochait, n'existaient pas. Il pouvait y avoir des ordres de combattants directement au service du chef du peuple, mais rien d'aussi organisé que les soldats. Même Hyrule, brillant pourtant d'une modernité terrifiante, n'avait pas encore créé cette hiérarchie particulière. Alors les autres sociétés, toutes fonctionnant plus différemment les unes que les autres, ne pouvaient même pas avoir envisagé l'idée.
Cette ignorance collective expliquait ce pourquoi Link ne savait comment décrire ce nouvel ennemi autrement que « recouvert de fer », les armures elles-mêmes étant rares. Hylia, qui aurait pu envisager le concept, s'en retrouva perplexe.
- Commence par...
- Ne pas mourir !
Le soldat monstrueux abattit son arme sur elle. D'un saut latéral, elle l'esquiva, reprenant pied juste à temps pour se soustraire à un second coup. Rapidement, elle décida de ne pas cesser de bouger. Tant dans l'amplitude que la violence des mouvements, ce combat lui rappelait celui du Lycan. Néanmoins, contrairement à la créature aux atours de canidés démoniaques, cette chose en armure ne paraissait pas pouvoir saigner.
- Retire-lui le fer !
- Et comment je fais ?!
Elle s'éloigna à nouveau de l'attaque de son adversaire, profitant de son déséquilibre pour lui asséner un coup de pied dans le bras. Remarquant qu'il remettait plus de temps que prévu pour se redresser, elle se glissa dans son dos. Seulement à ce moment-là, elle remarqua une lanière de cuir.
Malheureusement, elle n'eut pas le temps de la couper. Le monstre se retourna, parvenant à lui couper légèrement le ventre. C'était encore assez superficiel pour que ce ne pose pas problème sur le long terme, mais la mercenaire savait qu'il ne fallait pas laisser traîner ce combat davantage.
- Il a l'air de pouvoir lancer des attaques plus fortes que les autres, mais elles lui font perdre l'équilibre. Profites-en pour couper les lanières de son buste.
La vagabonde se prépara à cette fameuse attaque. La bête fit tournoyer sa lance, elle sauta en arrière. Ses yeux se plissèrent. Le monstre se pencha en avant, lance en arrière, son envie de tuer transparaissant de son armure comme une brume sombre. Quelques secondes plus tard, il bondit en avant.
Ayant prévu le coup, Link parvint à esquiver de justesse la charge. Alors qu'il sortait sa lance du sol de plusieurs tractions puissantes, elle retourna dans son dos et trancha la lanière. Immédiatement, elle fit face à quelque chose qu'elle n'aurait pas pu soupçonner.
Un rond noir sur une chair mauve.
Clignant des yeux, surprise par ce retournement de situation imprévu, elle manqua presque de se prendre un coup dans le menton. Se reculant juste à temps loin du coup de poing, puis de la lance, elle revint à une distance raisonnable. Une nouvelle fois, il se prépara à charger. Une nouvelle fois il bondit sur elle. Et cette fois, elle planta son épée dans son dos.
Un cri terrible fit trembler ses oreilles, ses tympans sonnèrent, elle en oublia presque de sauter. Retournant loin de son adversaire, elle patienta. Il se releva, la mercenaire remit en question de possibles hallucinations. Sa lance avait laissé place à une claymore.
- Bordel... C'est un magicien, ce truc ?
Hylia n'eut pas l'occasion de lui répondre alors que le chevalier se jetait sur elle dans un hurlement guttural. La lourde lame ne semblait rien peser dans sa main quand il l'écrasa contre le sol. Link sentit son souffle se couper face au tremblement qui secoua les dalles, mais retrouva rapidement pied, prête à danser. Il fallait attendre le moment opportun, et ne surtout pas se presser.
Si elle se précipitait, cela signerait son arrêt de mort.
Le soldat prit quelques secondes à la fixer. Puis, il se baissa, l'épée dressée. Sans attendre plus longtemps, il se propulsa dans les airs, enfonçant sa lame presque à un mètre de profondeur dans le sol.
Link se sentit heureuse de posséder de si bons réflexes.
Le voyant coincé, elle retourna dans son dos et lui asséna un second coup. Elle n'eut pas le temps d'en lancer un troisième : le monstre se remettait déjà du piège et tenait une nouvelle arme qui la laissa perplexe.
- Une noix ?
- Comment ça, une noix ?
Même si elle l'avait voulu, elle n'aurait pas su comment décrire plus explicitement ce qu'elle voyait. Le chevalier se dépêcha de lui montrer l'utilité de son nouvel objet. Dès qu'il le jeta sur le sol, quatre étoiles se précipitèrent autour de lui, plongeant la pièce dans l'obscurité. La seule raison pour laquelle elle esquiva une nouvelle fois son attaque, même privée d'un de ses sens, était parce qu'elle pouvait l'entendre bouger malgré la surprise. Mais s'il sautait, elle n'aurait pas autant de chance.
Infusant à nouveau de la magie dans sa perle verte, elle le repéra. Et juste à temps, en plus de cela. Profitant de l'obscurité, il avait récupéré sa lance et se préparait à la charger. L'arme une nouvelle fois plantée dans le sol après une cascade mortelle, elle lui décocha un dernier coup dans le dos.
L'effet fut immédiat.
Des éclairs mauves sortirent de son corps avant qu'il ne disparaisse en fumée, emportant dans sa mort ses trois armes si originales. Un instant, la vagabonde pensa voir la pièce retrouver sa clarté, mais il n'en fut rien. Les ténèbres obscurcissaient définitivement l'endroit.
- C'est fini ?
Elle avait momentanément oublié de respirer.
- Ouais, c'est terminé.
Les escaliers menant au quatrième étage se révélèrent après quelques enjambées au travers de la salle. Prenant une profonde inspiration, elle emprunta les marches recouvertes de mousse. Il semblait que la tour s'ouvrait enfin. Les marches anciennes grimpaient le long du mur d'enceinte, si elle ne faisait pas attention, elle pouvait tomber à tout moment. Le fait que le vent soufflait fort ne l'arrangeait pas. Pourtant, elle ne pensa pas un seul instant au danger réel qui risquait de l'accueillir au moindre faux pas. Tout ce qui traversait son esprit, à ce moment-là, était d'atteindre le sommet recouvert de nuages noirs.
Encore un étage.
Arrivant enfin au quatrième niveau, elle entra dans la pièce circulaire, non sans avoir vérifié qu'aucune embuscade ne la surprendrait. Ses sourcils se haussèrent. Un autel magnifique se dressait au centre de la pièce. Entourée de quatre piliers, la lune sculptée brillait d'une lueur pâle sous l'éclat du soleil passant par les meurtrières. Juste en dessous semblait attendre depuis si longtemps une statue étrange portant l'œil Sheikah.
- Les Sheikahs sont déjà venus ici ?
Hylia sembla hésiter un instant.
- Tous n'étaient pas contre les prophétesses... Certains n'ont vu aucun problème à leur confier la Triforce. Par contre, je ne comprends pas pourquoi il y aurait une construction Sheikah ici.
Si même la prêtresse l'ignorait, elle qui en savait le plus sur la civilisation Hyruléenne qui avait bâti ce bâtiment, alors Link ne risquait pas de le deviner.
S'avançant jusqu'à la mystérieuse figure borgne, la vagabonde sentit son visage se froisser davantage en une moue de pure confusion. Plus elle s'en approchait, et plus des murmures lui parvenaient. Et plus les mots se formaient, moins elle y comprenait quelque chose.
« Enfant des yeux morts... »
« Secrets... mémoire... vent... »
« Dans la brise se cache les mystères... »
« Vérité... mensonge... Farore... »
Quand enfin elle se tint juste à côté, les paroles ressemblaient réellement à des phrases intelligibles.
« L'astre du crépuscule montrera le chemin... A la croisée des quatre étoiles. »
- A la croisée des quatre étoiles ? Répéta la mercenaire d'une voix interloquée.
D'un certain côté, cela lui rappelait quelqu'un. Un homme au rire chaud et à la personnalité heureuse.
C'était étrange, presque nostalgique.
- Les quatre étoiles... Je me demande ce que cela signifie...
Perdue dans ses souvenirs, Link l'ignora pour s'approcher de la dalle gravée d'une étoile mauve, celle qui ne se trouvait pas bien loin de la statue. Il y avait une tourelle sur le point de s'écrouler dans ses rêves, quatre étoiles montraient la cachette d'une clé bien cachée. Ici, quatre piliers entouraient une lune n'attendant que la croisée des quatre lueurs sœurs, elle sortit de sous la dalle mystérieuse une sphère violette. L'un des piédestaux avait été gravé de symboles particuliers, peints d'une couleur similaire. Comme hypnotisée, elle déposa sa trouvaille dessus. La perle s'éleva de quelques centimètres, irradiant d'une aura merveilleuse les alentours. De son cœur sortit un rayon lumineux partant colorer la sculpture centrale.
Retournant à la statue borgne, la jeune femme découvrit que le discours avait changé.
« Dans le noir où nul n'oserait se pencher... L'étoile rouge brille de mille feux... »
Il n'y avait qu'un endroit pouvant y correspondre. Il fallut retourner au deuxième étage pour explorer la pièce sombre une seconde fois. Cachée dans un coffre, lui-même camouflé derrière un mur creux, se trouvait la deuxième perle, d'un rouge flamboyant. La plaçant sur le piédestal semblant avoir été bâti pour elle, Link la regarda s'élever et s'illuminer de vermeil. Son rayon atteignit la lune sculptée, la colorant d'une seconde couleur éclatante.
La statue chuchotait de nouveaux secrets.
« Au début, sur le chemin des égarés... L'étoile bleue s'est échappée. »
N'ayant strictement aucune idée de ce que cela signifiait, elle se tourna vers la lumière d'Hylia.
- T'as compris ?
- Compris quoi ?
La vagabonde fronça les sourcils.
- Ce qu'a dit la statue.
- La pierre à potins ? Mais... Link, personne ne peut comprendre les pierres à potins Sheikahs.
La mercenaire changea bien vite d'expression.
- Je te demande pardon ?!
- Hé bien... contrairement aux pierres à potins normales, celles-ci n'ont pas été construites par des mages, donc ce ne sont que des statues... Personne ne parle aux statues.
Link était définitivement perdue.
- Mais... je l'ai entendue dire quelque chose, moi.
- Peut-être qu'on ne peut la comprendre qu'à proximité. Étant donné que je ne suis pas là, je ne peux donc pas l'entendre.
La logique offerte la rassura. Il ne manquait plus qu'elle devienne folle, maintenant. Entre cela et les grenouilles, elle ne pourrait pas dire lequel était le pire.
- Qu'a-t-elle dit du coup ?
Link le lui répéta. La présence d'Hylia tournoya un instant dans les airs avant de reprendre la parole.
- Je pense... qu'il faut retourner au premier étage.
- Pourquoi ?
- Tu te souviens de la salle inutile ?
Effectivement, maintenant qu'elle était à nouveau évoquée, la mercenaire s'en rappelait. Comprenant un peu mieux la logique de la prêtresse, la vagabonde retourna sur ses pas. Une fois arrivée dans la pièce autrefois vide, elle se contenta de hausser un sourcil. De l'autre côté de la pièce, sur le piédestal ne pouvant être atteint que grâce aux plates-formes, se trouvait désormais une perle bleue. Refaisant la même manipulation que la première fois, elle retourna au quatrième étage placer la sphère à sa place. Un rayon atteignit la lune. La statue brilla à nouveau.
« Que l'œil de Farore fasse bouger le cycle de la vie... »
Une idée saugrenue la rattrapa alors qu'elle déposait sur le quatrième piédestal la perle récupérée chez les Tikwis. Elle avait la même forme et taille que les trois autres, ainsi qu'un éclat similaire. Ce pouvait marcher.
Un sourire étira ses lèvres quand elle se rendit compte que c'était exactement ce qu'il fallait faire. Le dernier rayon atteignit la sculpture. Dans un éclat doré, la lune tournoya sur elle-même, laissant peu à peu place à un soleil de pierre. Un levier s'actionna alors que les rayons jaillissaient du cercle coloré, les derniers escaliers se découvrirent à sa vue.
Un sentiment d'appréhension la saisit. La prophétesse l'attendait. Le courage scellé avait été enfermé au sommet de la tour de la forêt, il ne fallait plus que monter ces quelques marches pour y accéder.
L'avenir tant attendu était enfin venu.
Le boss arrive au prochain chapitre. La prophétesse... qui sait ? En tous cas, dans pas longtemps.
Pour ma part, je coche la case "pierre à potins" de ma liste.
A la prochaine !
