"Peuh ! Mais quel ennuie !" maugréa Sukuna tout haut, matérialisant une bouche dédaigneuse sur la joue de son hôte. "Vous faites vraiment peine à voir, les mioches..."

"La ferme..." murmurèrent les trois intéressés, le moral dans les chaussettes, remontant les ruelles reculées de Shibuya d'un pas trainant.

"Des heures à vous balader sans réussir à mettre la main sur votre cible... Non mais vraiment ! " enchaina le roi des fléaux, faisant la sourde oreille. "Et vous vous dites exorcistes ? Vous êtes aussi efficaces qu'une anguille armée d'un arc ! Vous auriez mieux fait de me laisser faire, moi au moins j'aurais..."

Yujii ne le laissa pas finir, venant se plaquer sans ménagement la main sur la bouche de son démon d'invité, lui coupant le sifflet dans un bruit sec. Il était tellement horripilant... Mais, hélas, il avait plutôt raison dans l'immédiat. Les trois lycéens venaient de passer toute l'après-midi à parcourir le quartier à la recherche d'un fléau meurtrier mais avaient finalement fait chou blanc... L'adolescent laissa échapper un profond soupire, très rapidement imité par ses deux collègues.

"Ça fait quand même du bien quand il se tait..." marmonna Nobara, rejetant ses cheveux en arrière d'un geste contrarié.

"Carrément..." acquiesça Megumi. "Mais il n'a pas tort pour le coup..."

"Ne le souligne pas, s'il te plait" le coupa la jeune fille, un rien vexée par rapport à leur échec. "Je vous l'avais bien dit que j'aurais dû m'habiller en bombe, ça l'aurait attiré en un rien de temps..."

Un silence gêné s'étira après cette affirmation, montrant à quel point les deux lycéens étaient peu convaincus par la stratégie proposée. Ce spectacle fit profondément rire le démon dans le crâne d'Itadori, recommençant à faire naitre en lui une migraine dont il se serait bien passé. Vraiment, cette journée était complètement nulle...

Laissant échapper un nouveau profond soupire blasé, le jeune homme extirpa son téléphone de sa poche. Tout ça lui avait donné une envie folle de faire une orgie de nourriture grasse pour se consoler.

"Eh... on va se faire un burger avant de rentrer ?" commença-t-il à l'intention de ses comparses, allumant l'écran de son appareil. " Ou un ramen? Ou..."

Il laissa en suspend son inventaire culinaire quand son regard aperçu soudain une icône au coin de son écran signalant un nouveau message. Sans attendre, intrigué, il pianota sur son clavier pour tomber sur une nouvelle conversation émise par un numéro inconnu, tombant nez à nez avec une photo d'une souriante jeune femme apparemment lui étant étrangère. Perplexe, il l'afficha en plein écran, faisant travailler sa mémoire quand tous les évènements du début d'après-midi lui revinrent à l'esprit, le faisant se stopper net.

"Ah!" laissa-t-il tomber, attirant l'attention des deux autres lycées, étonnés.

"Itadori? Qu'est-ce que tu as encore ?" questionna Megumi, venant se frotter la nuque d'une main.

"C'est elle!" répondit simplement l'interpellé, fixant le regard doré pixélisé lui faisant face.

"Elle ?" répétèrent l'adolescente et le brun, soudain beaucoup plus intéressés par les propos de leur collègue.

"Oui... Elle !" reprit il en leur montrant la photo sur son téléphone. "La fille que j'ai bousculé tout à l'heure !"

"Bousculée ?" commenta Megumi, peu convaincu par la terminologie employée, haussant un sourcil.

"Tu l'as carrément projeté au sol, tu veux dire, bulldozer..." termina Nobara d'un ton sans appel.

"Raaaah, soyez pas comme ça, je l'ai pas fait exprès !" se défendit l'accusé, récupérant son mobile pour lire les messages succédant la photo. "Elle dit qu'elle va bien en plus! Et elle s'inquiète par ce que vous êtes cruels avec moi ! " Enchaina-t-il en leur montrant à nouveau la conversation, sentant une douce chaleur l'envahir. "ça, c'est une chic fille !"

"Kali...?" lu le brun d'un ton plat.

"t'as dû lui faire pitié surtout..." enfonça la lycéenne en faisant volte-face, reprenant la route vers la gare. "Elle semble européenne, de vrais cœurs artichauts. Ne t'emballe pas pour rien..."

"Quoi ? Mais trop pas ! Je suis sûre que non !" répliqua le porteur de fléau, un rien boudeur.

Sans plus attendre il commença à pianoter sur son clavier numérique, cherchant une réponse à envoyer la jeune femme. Il se sentait un peu bête, à ne pas savoir quoi écrire...

"Bonjour." Commença-t-il, maladroit. "Enfin, re bonjour." précisa-t-il dans la foulée.

"Crétin" lui murmura Sukuna à l'oreille, faisant s'enflammer ses joues.

"Je te demande pas ton avis, tu ne connais rien au monde moderne alors tais toi." pesta faiblement l'adolescent.

Il demeura quelques secondes les doigts en suspens, ne sachant pas trop comment continuer. Il regardait la photo qu'elle lui avait envoyé, son visage doux et flanc, ses yeux transperçant à l'écart doré, ses cheveux aux teintes d'automne, le pull large et sombre à l'encolure plongeante laissant apparaitre sa peau laiteuse, ayant visiblement remplacé sa chemise trempée à cause de lui plus tôt dans la journée. Elle était visiblement dans un café, car une énorme tasse se trouvait devant elle, couronnée d'un monticule de mousse dont il finit par remarquer la forme. Il zooma de deux doigts sur l'image, découvrant alors de mini shibas sculptés à l'aide la crème fouettée, leur petits minois poupins et joufflus flottant sur le liquide brulant.

"trop mignon..." murmura-t-il sans s'en rendre compte, faisant lever les yeux au ciel à Sukuna qui avait grandement du mal à comprendre la passion de son hôte pour les choses 'mignonnes'. Quel bébé...

"Je suis content que vous alliez bien, Kali-san" finit-il par recommencer à taper. "Encore désolé de vous avoir fait tomber et d'avoir abimé votre chemise. Je tiens vraiment à vous dédommager pour le pressing ou pour le pull, ou... ce que vous souhaitez."

Il hésita un instant avant d'ajouter.

"ps: je ne sais pas où vous vous trouvez mais votre café est absolument adorable !"

Puis, avant de changer d'avis, il cliqua vivement sur la flèche d'envoi, sentant le feu lui monter aux joues. Le roi des fléaux avait certainement raison, elle allait le prendre pour un imbécile...

"Itadori!" L'interpella Megumi, le ramenant à la réalité. "Tu viens ou tu prends racine ?"

"J'arrive!" répondit l'intéressé, rattrapant ses camarades en quelques enjambées puissantes. "Pardon, pardon..." continua-t-il en arrivant à leur hauteur, toujours un rien rougissant.

Ses deux comparses le fixèrent un instant sans rien dire avant d'échanger un regard entendu, comme s'ils communiquaient par télépathie.

"Il lui a envoyé un message" laissa tomber Nobara, ravivant le brasier du visage de Yujii.

"Tellement évident..." commenta le manipulateur des ombres.

"On lit en toi comme dans un livre ouvert, gamin," enfonça le fléau millénaire, achevant de mettre à terre son hôte au comble de la gêne.

"Rah, mais laissez-moi tranquille !" se défendit l'actuelle cible de toutes les attentions. "Vous disiez que j'étais un bulldozer, j'essaie juste d'être... poli ! Et courtois... C'est tout !"

Un silence peu convaincu s'étira après sa tirade, dans son esprit également, le mettant encore un peu plus mal à l'aise. Vraiment, il était pas aidé ! Cherchant à récupérer un peu de sérieux, il reprit sa marche, recommençant à pianoter sur son téléphone pour chercher un restaurant pas cher et copieux dans les environs.

"Bon, moi je vais aller manger un bout. Vous pouvez me suivre si vous le voulez, sinon on se retrouvera à l'académie !" déclara-t-il avec autant d'assurance qu'il le pouvait présentement, s'éloignant de ses acolytes.

Ces derniers lui emboitèrent le pas de bon cœur, un léger sourire amusé aux lèvres. Ils aimaient l'un et l'autre taquiner l'hôte de Sukuna, en grande partie car il démarrait toujours au quart de tour, mais il demeurait leur camarade et ils l'appréciaient tous les deux énormément. Yujii avait cette étonnante capacité à ramener de la lumière même dans les endroits les plus sombres, par sa façon d'être, sa gentillesse, sa candeur, ses gamineries, son optimisme casi indéfectible...Malgré l'avenir incertain qui les attendait, ils espéraient tous les deux trouver une solution qui lui permettrait d'échapper à son sort funeste en tant que porteur du roi des fléaux...

"Pardon pardon, Itadori-kun..." tenta de temporiser Nobara. "Allez, dis-nous dans quel endroit à la nourriture absolument pas healthy tu veux nous emmener..."

Immédiatement, ce dernier lui jeta un regard brillant par-dessus son épaule, un de ses éternels sourires étincelants s'étirant sur ses lèvres.

"Ah je savais que vous aussi vous aviez faim!" déclara-t-il, ravi.

L'adolescente retint un soupire. Elle ne voulait pas en rajouter une couche en lui faisant remarquer que c'était LUI qui avait tout le temps faim, peut-être une conséquence du fait qu'il héberge le démon millénaire...

"Enchaine, Itadori." dit Mégumi, à quelques pas de lui. "Où on va ?"

Le jeune aux yeux noisette reprit rapidement sa recherche internet avant de hocher vigoureusement la tête, sûr de lui.

"Burger ! Pas loin !" dit-il d'un ton enjoué en pointant du doigt une direction sur sa gauche.

"Bon, burger alors. Ils auront surement des salades à la carte..." commenta le brun.

"Surement..." répéta la lycéenne d'un air distant, les mains dans le dos, se disant à elle-même qu'un bon tas de viande, de fromage fondu et de frites ne serait pas de refus.

Le trio reprit alors sa route, guidé par un Yujii des plus guilleret, retrouvant bientôt les ruelles animées de Shibuya. Au-dessus de leurs têtes, le soleil commençait à décliner, rafraichissant encore un peu plus le fond de l'air automnale. Les gens allaient et venaient, se mêlant sans jamais se rencontrer. Ici la foule était un parfait mélange de ce que pouvait offrir la société japonaise moderne : des hommes et des femmes d'affaires à l'allure stéréotypée et aux traits tirés, des femmes au foyer se dépêchant de rentrer chez elles pour s'occuper de leur famille, des étudiants joyeux désirant gouter à leur nouvelle liberté, des excentriques du quartier aux milles couleurs, des touristes venus des quatre coins du monde... et eux, futurs exorcistes, à la fois si semblables et si différents des autres... La magie Tokyoïte avait un jour dit Gojo sensei à ses deux étudiants nouveaux dans la capitale.

L'adolescent aux yeux noisette ne pouvait qu'être d'accord avec cela. Il était dans la capitale depuis peu et il ne cessait de se laisser subjuguer par l'effervescence de cette ville. Ce côté-ci de sa nouvelle vie lui plaisait tellement !

"C'est là !" Finit-il par déclarer en pointant une façade colorée du doigts, se retournant vers ses deux camarades de classe pour vérifier qu'ils le suivaient bien.

Sans plus les attendre il alla s'engouffrer dans l'établissement, visiblement prêt à dévorer un bœuf entier vu son entrain. Ses deux comparses le rattrapèrent à l'intérieur, se faisant accueillir par une vague de chaleur chargée d'odeur de friture et de viande grillée à l'ouverture des portes coulissantes. Il fallait reconnaitre que c'était plutôt appétissant... Etonnamment, ils retrouvèrent le jeune homme non loin et non au comptoir, les yeux rivés sur son téléphone.

"Itadori, qu'est-ce que tu attends ?" lui dit le maitre du chien de jade en arrivant à son niveau.

"Elle..." Balbutia son interlocuteur "Elle m'a répondu..."

"Elle ? L'européenne ?" reprit Megumi, ne comprenant vraiment pas le trouble que cela faisait naitre chez son homologue étudiant exorciste. "Et ?"

"Et... je sais pas quoi lui répondre !" répondit, un rien tendu, Yujii, plaquant presque l'écran son de son téléphone contre le nez du brun.

Ce dernier vint se saisir de la main du garçon, éloignant l'appareil de ses yeux pour lui permettre de lire le message faisant naitre tant de trouble chez son interlocuteur.

"C'est trop mignon, pas vrai ?" écrivait elle "Je n'osais même pas le boire pour ne pas abimer ce joli travail !

Pour ce qui est d'un dédommagement, vraiment ne te prend pas la tête avec ça, s'il te plait. Bousculer quelqu'un ça peut arriver à tout le monde, ce n'est pas de ta faute si tu es plein d'entrain ! Mais si tu as une bonne adresse pour manger un bout pas loin de la gare, je suis preneuse, je suis toujours à Shibiuya et je ne connais pas les environs !"

"Et ?" soupira le jeune homme. "Je ne comprends pas, qu'est ce qui te met dans tous tes états ?"

"Je veux lui dire de venir ici!" déclara le lycéen d'une voix peu assurée.

"HEIN ?" répondirent de concert les deux autres, Nobara ayant suivis d'une oreille attentive toute la conversation.

"Oui..." reprit Yujii, le feu remontant aux joues, récupérant son mobile. "Je voudrais l'inviter, pour m'excuser de ce que j'ai fait. Si elle refuse que je lui paie le pressing, se serait quand même la moindre des choses, non ?"

"Tu crois qu'elle va accepter ? Elle doit avoir quoi ? 20/25 ans ? 30 ans si elle cache bien son jeu avec du make-up correctement appliqué ? Elle n'aura aucune envie de manger dans un endroit pareil avec des lycéens !" déblatéra la jeune fille en croisant ses bras sous sa poitrine, sure d'elle.

"Elle vient de dire oui..." lui sourit innocemment le porteur du roi des fléaux, un large sourire aux lèvres, lui montrant l'écran lumineux de son téléphone où, entre temps, il avait fait sa proposition à l'étrangère qui l'avait accepté dans la foulée.

"QUOI?" tomba des nues la future exorciste, s'en décrochant presque la mâchoire. "C'est louche, moi je te le dis ! C'est surement une croqueuse de minets !"

A quelques rues de là, l'intéressée stoppa sa marche brusquement, laissant échapper deux éternuements puissants et consécutifs. Kali se redressa en remettant de l'ordre dans ses cheveux, balayant la ruelle autour d'elle du regard, sourcils froncés.

"Ola... Je me ferai pas tailler un costard quelque part moi ? ..." murmura-t-elle pour elle-même, se frottant le bout du nez, circonspecte.

Elle haussa faiblement les épaules avant de reprendre son chemin, suivant les instructions données par Yujii pour le retrouver. C'était une telle aubaine... Il lui suffisait de zigzaguer un peu dans les ruelles où elle s'était perdue avant de l'atteindre et elle pourrait continuer à faire connaissance avec lui... euh... Non, mettre en place ses pièces sur l'échiquier... Rien d'autre. Il fallait qu'elle se focalise...

Soudainement, une aura lourde et menaçante tomba sur les épaules de la jeune femme, telle une coulée de goudron. Elle s'arrêta dans la ruelle déserte qu'elle traversait alors, jetant un regard doré incandescent par-dessus son épaule.

"Oh...?" laissa-t-elle tomber, un rien dédaigneuse en toisant son nouvel interlocuteur qui déploya sa silhouette à quelques mètres d'elle. "Toi, tu tombes tellement bien et tellement mal à la fois..." enchaina-t-elle en ouvrant son sac, Kyû en profitant pour s'en extraire d'un tir d'aile puissant.

"Je n'ai que quelques minutes à t'offrir, ne me fais pas perdre mon temps..." déclara-t-elle platement alors qu'elle lançait un minuteur sur son téléphone portable avant de le lancer nonchalamment dans les airs pour que son comparse volant puisse s'en saisir. "il y a quelqu'un de bien plus important que je souhaite voir..."

Sans plus attendre, le chrono étant lancé, Kali passa son large pull sombre par-dessus sa tête, se retrouvant en soutien-gorge dentelé face à son interlocuteur impromptu, s'avançant vers lui d'un par décidé, un sourire carnier sur les lèvres...

Sa priorité demeurait Yujii et Sukuna, elle n'allait certainement pas faire dans la dentelle...

Mot de l'auteur :

M : Hello tout le monde ! Ravie de vous retrouver en un seul morceau ! On n'y croyait pas après la colère de Sukuna au dernier chapitre !

Sukuna (portant un casque de réalité virtuelle que lui avait enfoncé sur le crâne juste à temps Megumi): je vais tous vous massacrer !

Megumi: Au moins, il ne fait que massacrer des zombies virtuels... ça a presque l'air de lui plaire en plus...

Sukuna: AHAHAH ! VOUS ÊTES TOUS MORTS ! High score, c'est quoi encore ce truc ? Où sont les humains à découper ?

Yujii: Et mince, il a fini le jeu on dirait...Il a l'air fortiche en plus!

Nobara: T'as quoi de violent en stock pour enchainer avant qu'il se rende compte de l'arnaque ?

Megumi: EH OH je suis pas fan de ce genre de trucs moi, j'en avais qu'un comme ça !

Yujii (allant changer le jeu ventre à terre) : Attendez, j'ai une idée !

M: oh je sais pas pourquoi je le sens pas ...

Quelques secondes se passent avant que l'inévitable ne se produise...

Sukuna (arrachant brutalement le casque de son visage): COUPER DU BOIS, ALLER CUEILLIR DES POMMES OU PÉCHER DES SARDINES, IL M'A PRIT POUR QUI LE TANUKI?

Megumi, Nobara et M en concert, pour Yujii: TU LUI AVAIS MIS ANIMAL CROSSING?

Yujii: Bah ça aurait pu le détendre... non ?

M: Okay, nouvelle crise ! On va gérer ça... Merci pour votre lecture, à très bientôt pour la suite !