Elfe Bêta : Mokonalex

Bonne lecture à tous !


Lorsque Poppy Pomfresh entra dans la chambre des deux reclus, ceux-ci étaient bien sagement allongés sur leurs lits, vêtus des deux pyjamas rayés style Azkaban qu'elle leur avait fourni. Severus lisait la Gazette du Sorcier qu'il avait trouvée sur une des tables de nuit et Harry, roulé en boule sur le côté, s'ennuyait ferme.

— À l'heure du déjeuner, les Elfes vont expédier directement vos plateaux sur les petites tables roulantes. Désirez-vous quelque chose pour vous distraire ?

— Je m'ennuie… pleurnicha l'Élu. Y a même pas un livre ou un magazine ! J'ai déjà lu la Gazette et Severus a même fini les mots croisés ! Pas drôle !

Professeur Rogue ! Monsieur Potter… le corrigea Poppy d'une voix sèche.

— Le Professeur Rogue a terminé les mots croisés, répéta Harry d'une voix monocorde.

— Je vais voir ce que je peux vous trouver à lire.

— Merci.

L'infirmière sortit de la chambre, agréablement étonnée de voir ses deux pensionnaires si calmes.

°La potions anti-désir a dû faire de l'effet. Ça devait être de la bonne… °

Dès que la porte se referma à deux tours de clé magique, Harry se mit à rire en mordant son drap pour ne pas hurler et pouffer. Severus Rogue eut juste un petit rictus amusé.

— Les mots croisés l'ont achevée, si vous voulez mon avis, Monsieur Potter.

— Bon, vous avez un truc de prévu pour cet après-midi et ce soir ?

— Bien entendu. Nous allons manger, bien tranquillement et laisser passer la journée. Quand ils vont voir que nous sommes sages comme des petits anges, ils vont relâcher leur surveillance.

— Et nous allons frapper…

— C'est une façon de parler, mais en effet, on va dire ça comme ça…

— Racontez ! S'il vous plaît…

— Ce soir, à l'heure du couvre-feu, Poppy va venir nous contrôler. Elle fait tout le temps ça, vous le savez.

— C'est vrai. J'avais remarqué aussi.

— Bien. Elle nous trouvera bien sages, chacun dans son lit. Eventuellement, l'un de nous deux pourrait même faire semblant de dormir.

— Pas idiot.

— Ensuite vous appellerez votre petit copain l'Elfe de Maison, celui que vous avez libéré de la griffe des Malefoy.

— Dobby. C'est son nom. Vous voulez en faire quoi ?

— Il nous apportera des vêtements, et même il pourrait éventuellement nous faire sortir d'ici, la magie des Elfes le permet. Vous avez toujours cette odieuse cape d'invisibilité ?

— Oui.

— Et la carte ?

— Vous connaissez la carte du Maraudeur ?

— Appelez-moi stupide aussi ! Je la connais, bien entendu ! Albus ne s'est pas gêné pour me raconter en long en large et en travers…

— Vous voulez qu'on déambule dans le château, cette nuit ? Mais pourquoi faire ?

— Leur faire passer une nuit blanche.

— Des détails ne seraient pas superflus, Professeur Rogue.

— Poppy nous a dit qu'un sort de détection d'activité sexuelle a été installé dans cette pièce. Nous allons le faire se déclencher, mais nous serons cachés sous votre cape. Ils penseront que nous nous sommes sauvés pour faire Merlin seul sait quoi, et passerons la nuit à nous chercher.

— Et pendant ce temps, on fera quoi ?

— Tout ce qui nous passera par la tête.

— Nous venger de Malefoy ?

— Vous voulez que moi, le Directeur de Serpentard, je vous laisse entrer dans ma salle commune pour piéger mes Serpents ? Ne poussez pas le bouchon, Monsieur Potter !

— Pas tous vos Serpents ! Juste celui qui nous a foutu dans cette bouse de dragon ! Je n'arrête pas de penser à ce qui risque d'être la prochaine étape des délires de la face de serpent ! Cette fameuse potion de grossesse masculine que vous avez inventée. Par le caleçon de Merlin, ça ne me suffisait pas d'être gay, maintenant je vais devoir me transformer en fille et être enceinte. Tout ça à cause de ce crétin de Malefoy !

— Je vous rappelle, Potter, que je suis en plus censé être celui qui va vous mettre enceinte comme vous dites. Et ce n'est pas dans mes projets immédiats !

— Je sais… Chuis moche, personne ne voudra jamais de moi pour de vrai. Ils veulent tous le Garçon-Qui-A-Survécu et pas Harry, juste Harry.

— Quelle est encore cette stupidité, Potter ? Vous n'êtes pas laid !

— Vous m'avez pourtant dit que j'étais un binoclard maigrichon et que je n'avais pas les attributs nécessaires.

— Vous n'êtes plus un binoclard pour commencer. Ensuite vous êtes un peu maigre, c'est vrai, mais musclé malgré tout. Quant aux attributs…

— Oui ?

— Laissez tomber…

— Haaa ! Vous voyez !

— C'est fini, oui ? Vous n'êtes pas mal du tout, si vous voulez le savoir ! Votre nouveau look vous va très bien ! Au moins vous ne ressemblez plus à l'idiot qui vous a servi de géniteur.

— Pourquoi faut-il que vos compliments soient toujours enrobés d'insultes ?

— C'est un art, Potter. Ne cherchez pas à comprendre.

Harry se retourna sur son lit, offrant la vue de son dos en pyjama rayé, et ferma les yeux pour passer le temps. Au bout de quelques dizaines de minutes, voyant qu'il ne bougeait pas et ne disait rien, Severus se leva, posa son journal sur la table de nuit et contourna le lit d'Harry afin de voir ce que faisait le jeune Gryffondor.

Harry dormait du sommeil du juste. Le Maître des cachots le regarda quelques instants, le visage figé et sans expression. Il tira la couverture délicatement et en recouvrit le jeune homme. D'une main légère, il balaya la mèche de cheveux noirs et bleus qui tombait sur les yeux d'Harry. Ses doigts blancs et un peu froids glissèrent sur la joue qu'ombrait une frange épaisse de longs cils noirs. Son regard s'attarda sur les lèvres roses et la mâchoire carrée à la peau glabre d'une douceur de bébé.

Il soupira doucement en repensant à la folie qu'ils avaient faite tous les deux dans la salle de bain de l'infirmerie. Severus n'avait pas prémédité tout ça en y entrant, mais l'occasion avait fait le larron et à présent, il avait bien envie de recommencer et surtout d'aller plus loin. Il y avait bien longtemps que personne n'avait partagé son lit. Ses occupations ne lui laissaient guère de temps pour draguer et il n'était pas facile de se déshabiller devant un ou une partenaire occasionnel(le) quand on possédait une splendide et dérangeante Marque des Ténèbres sur le bras gauche.

La Terreur des cachots retourna s'allonger sur son lit pour attendre que Poppy Pomfresh se décide à leur rendre visite. À midi, deux plateaux apparurent soudain sur les petites tables à roulettes. Severus approcha le sien du lit sans même se lever, en tirant sur le pied de la table. Il regarda Harry qui dormait toujours.

— POTTER ! Réveillez-vous ! Le déjeuner est servi !

À l'étonnement du Maître des potions, Harry sursauta dans son lit et balbutia.

— Je suis réveillé, Oncle Vernon, je suis réveillé, c'est bon, je vais faire le petit déjeuner.

— Monsieur Potter, vous n'êtes pas chez vos Moldus ! Et le repas est servi, mangez avant que ça ne refroidisse.

Harry se frotta les yeux.

— Me suis endormi ? Me suis même pas rendu compte.

— De toute évidence. Vous dormez bien la nuit ? Je ne pensais pas que vous pouviez être fatigué à cette heure-ci.

— Quelques cauchemars parfois, mais plus comme avant. La face de serpent bloque la connexion entre nous, il ne veut pas que je sache ce qu'il mijote. Je ne m'en porte pas plus mal, figurez-vous !

— Je veux bien vous croire ! Mangez, Potter !

— On a quoi ? C'est bon ?

— Approchez votre plateau et vous verrez bien !

Harry se mit à quatre pattes sur le lit pour approcher la table. La position inspira quelque peu le ténébreux professeur qui commença à réciter mentalement le contenu de son armoire à ingrédients tout en se concentrant sur la tourte au bœuf qui était dans son assiette.

Ce fut le moment que Poppy Pomfresh choisit pour entrer dans la chambre et vérifier que tout allait bien. Elle vit Severus, la fourchette à la main qui en était au plat, tandis qu'Harry pinaillait sa salade sans conviction.

— Bien. Je vois que vous êtes sages tous les deux, c'est parfait. Monsieur Potter, je vous ai trouvé quelques magazines. Alors, nous avons Quidditch Magazine que Monsieur Weasley est venu apporter pour vous. Le Professeur McGonagall a laissé un exemplaire de Sorcière-Hebdo et un du Sorcier du Dimanche de la semaine dernière. Miss Granger vous offre son exemplaire neuf de Torture Cérébrale d'Obscurus Books, avec un crayon moldu en bois avec une gomme au bout. Je ne connaissais pas ce magazine et j'y ai jeté un œil, par Merlin, je n'ai jamais vu des mots croisés de ce niveau !

— M'étonne pas d'Hermione, soupira Harry.

— Je peux, Harry ? demanda Severus en désignant le bouquin de mots croisés d'Hermione.

— Bien sûr Severus, prends-les, ils seront sûrement trop durs pour moi.

Poppy plissa les yeux et les regarda alternativement en les entendant se parler avec familiarité.

— Madame Pomfresh, qu'est-ce que le Professeur Dumbledore a dit à Ron et Hermione après l'accident de potion ?

— Juste que vous étiez vous et le Professeur Rogue en surveillance à l'infirmerie et que les visites étaient interdites jusqu'à nouvel ordre, Monsieur Potter. Vous êtes tous les deux sous l'influence d'une potion de luxure, je pense que vous le savez, Potter, le Professeur Rogue a dû vous l'expliquer.

— Oui, Madame.

— Vous avez des questions, Monsieur Potter ?

— On pourra s'en aller quand ?

— Demain soir, si tout va bien. Autre chose ?

— Non, non. Quoique… Est-ce que Malefoy a été puni ?

— Je l'ignore pour l'instant. Je suppose que le Professeur Rogue le saura avec le Directeur.

Harry se tourna un instant vers Severus qui mangeait tranquillement sans se mêler de la conversation. Poppy le trouva un peu plus placide qu'à l'ordinaire, tout comme Harry d'ailleurs, qui était habituellement intenable à l'infirmerie car il détestait s'y trouver.

— Bon, je vous laisse finir votre repas. Je passerai vous voir de temps en temps. Vous pouvez dormir, je ne vous dérangerai pas si tel est le cas.

Harry hocha la tête, perdu dans la contemplation des pignons de pin qui garnissaient sa salade et qu'il n'avait pas mangés, détestant ça.

Ravie, Poppy Pomfresh sortit de la chambre, et referma la porte à double tour.

°Vraiment très efficace cette potion anti-désir, je suis certaine que c'est une version améliorée. Je ne serais pas étonnée qu'elle soit mélangée avec une potion calmante. °

— Bien, elle ne reviendra pas avant un moment, reprit Severus, visiblement satisfait. Mangez tout, Potter ! Je ne veux pas entendre votre estomac gargouiller parce que vous aurez faim.

— Mmmm, Mmmm… fit Harry, le nez dans son verre de jus de citrouille.

Severus repoussa son plateau à présent complètement dévasté et s'adossa contre ses oreillers d'un air satisfait, le magazine de mots croisés d'Hermione dans les mains.

— Potter ? Ce crayon moldu, vous l'avez ? Ce sera plus facile qu'une plume.

Harry lui tendit le crayon en se penchant vers le lit de Severus, puis il entreprit de terminer avec un peu de peine son plateau.

— Ouf ! Je ne peux plus rien avaler !

— Vous ne mangez pas assez, Potter. Un peu plus de chair et de gras sur vos os, ça ne vous ferait pas de mal.

— À vous non plus.

Severus renifla, un peu vexé.

— Vous me trouvez trop maigre ?

— Juste un peu trop mince.

— J'ai toujours été mince.

— J'ai toujours été maigre.

— Vous croyez qu'on ne sait pas que vos Moldus ne vous nourrissent pas correctement ? À chaque rentrée depuis sept ans, les Elfes de maison corsent votre jus de citrouille du matin avec de la potion de nutrition que je leur donne. Vous n'êtes pas le seul, malheureusement, à qui je dois faire ça. Beaucoup de mes Serpentards sont dans ce cas.

— Hein ? Mais ils sont presque tous des Sang-purs…

— Et beaucoup ont des parents qui ne se préoccupent pas de nourrir correctement leurs enfants, ou même de bien les traiter. La seule chose qui les inquiète, c'est d'avoir un héritier pour transmettre le nom et le patrimoine.

— Je vois… c'est tout ou rien. Soit ils sont pourris gâtés du style Malefoy ou bien comme moi, complètement négligés.

— Il y a aussi ceux qui sont dans le juste milieu, mais les extrêmes sont communs, en effet. Votre père en était un exemple fameux, d'ailleurs. Un Sang-pur qui se croyait au-dessus de tout et toisait le reste du monde comme s'ils étaient de la bouse de dragon souillant ses chaussures. Votre parrain, lui, n'existait pas aux yeux de sa propre famille, ça ne l'empêchait pas de mépriser tout le monde. Lui au moins aurait dû comprendre, mais non.

— Vous êtes un Sang-pur, Professeur Rogue ?

— Non, Monsieur Potter. Je suis comme vous, un Sang-mêlé. Mon père était un Moldu et ma mère une sorcière. Je vous l'ai dit dans la salle de bain, quand je vous ai montré mes cicatrices.

— C'est vrai. Excusez-moi, je m'en souviens maintenant. Vous avez comparé votre père à mon Oncle Vernon.

— Tout à fait.

Harry laissa le Professeur Rogue à ses mots croisés et se plongea dans la lecture du dernier numéro de Quidditch Magazine que Ron avait reçu le matin même et qu'il n'avait sûrement pas eu le temps de lire. Le temps passa agréablement, les deux comploteurs dormirent une bonne partie de l'après-midi, exigèrent thé et petits gâteaux à dix-sept heures avant de se jeter sur leurs plateaux à l'heure du dîner. Avant que les deux hommes n'aient eu le temps de s'en rendre compte, il était déjà l'heure du couvre-feu et Poppy Pomfresh était de nouveau là.

— Je vois que vous êtes toujours calmes tous les deux, c'est excellent. Tout va bien ?

— Oui, répondit le Professeur Rogue en levant le nez de son magazine de mots croisés qu'il n'avait pas lâché. Ces mots croisés sont vraiment bien, il faudra que je me procure une de ces revues.

Quidditch Magazine ouvert devant lui et masquant son visage, Harry confirma également que tout allait bien, d'une curieuse façon. Il choisit de faire comme si Pompom n'était pas dans la pièce et s'adressa innocemment à Severus.

— Y a un article super marrant, ils descendent en flèche les vieux Etoiles filantes !

— Par Merlin, fit Severus, un sourcil levé. Ne me dis pas que des gens volent encore avec ces antiquités ? Déjà que neufs, ils n'étaient pas terribles…

— Ron en avait un, avant d'avoir en cadeau son Brossdur 11 ! Tu aurais vu cette catastrophe ! Même les papillons allaient plus vite que lui !

Un peu gênée par le tutoiement, Poppy Pomfresh ne savait plus quoi penser. Ses pensionnaires forcés étaient anormalement calmes, malgré le fait qu'ils semblaient proches, du moins en paroles. Elle songea que c'était sûrement un effet de la potion rose et se résolut à laisser les deux hommes tranquilles. Minerva et Albus lui avaient proposé une tasse de thé dans le bureau directorial et elle se dit alors que c'était une excellente idée et qu'elle allait y aller sur le champ, histoire de se détendre avant une bonne nuit.

À peine la porte refermée, Harry reposa son magazine, réprimant avec peine le fou rire qu'il sentait venir.

— Prêt pour l'aventure, Professeur Rogue ? fit-il l'œil brillant.

— Prêt. Objectif numéro un, il nous faut des vêtements, et une baguette.

— Dobby peut nous ramener des vêtements et pour nos baguettes je ne sais pas où elles sont.

— Sûrement enfermées à double tour chez Dumbledore. Mais j'en ai d'autres dans mes quartiers, ce ne sera pas un problème.

— Bien, alors on attaque ! DOBBY ! appela Harry d'une voix ferme.


Satisfaite de sa journée qui avait pourtant failli être dramatique à cause de cette histoire de potion rose – Mais à quoi avait donc pensé Rogue en demandant à ses élèves de mijoter de l'engrais rose ? – Poppy Pomfresh, une cape noire sur son uniforme de Médicomage et sa coiffe bien posée sur son chignon impeccable, se dirigea vers la gargouille au bout du long couloir du premier étage. Le mot de passe était encore « Nid de cafards », il avait déjà été utilisé au moins deux fois l'année précédente et Pompom songea un instant à en faire la réflexion au vieux Directeur. Elle grimpa l'escalier à vis, libéré par la gargouille ailée, et frappa à la lourde porte cloutée et ferrée. Minerva vint lui ouvrir, l'air sévère et figé, comme à son habitude.

— Alors ? Comment sont-ils, ce soir, Poppy ? s'inquiéta néanmoins la Directrice des Gryffondors.

— On ne peut mieux ! répondit l'infirmière, ravie, en dégrafant sa cape pour la déposer sur le dossier d'une chaise. Ils sont parfaitement calmes et civils l'un envers l'autre, bien qu'ils se tutoient et s'appellent par leurs prénoms. D'ailleurs je ne les ai pas entendus de l'après-midi ou presque. Ils ont dîné et lorsque je suis passée juste à l'heure du couvre-feu, le Professeur Rogue faisait encore les mots croisés d'un magazine appartenant à Miss Granger et Harry était plongé dans Quidditch Magazine. La potion anti-désir est une réussite totale. La nuit va être calme, j'en suis persuadée. Une autre dose demain matin au petit déjeuner, et l'affaire sera classée.

— J'espère que vous avez raison, Pompom, une tasse de thé ?

— Oui, pas de lait, ni de sucre, merci. Pourquoi ? Craignez-vous qu'il se passe quelque chose ? Nous le saurons immédiatement avec tous les sorts que j'ai placés dans la pièce et sur eux !

— Pompom, Severus n'est pas du genre à être sage et calme à l'infirmerie. J'espère qu'ils ne sont pas en train de nous mijoter un sale coup, tous les deux.

— Allons donc, Albus ! pesta Minerva. Pourquoi voudriez-vous ?

— Severus est un Serpentard, Minerva. Il fait toujours ses coups en douce, et Harry a failli être réparti à Serpentard, le choixpeau me l'a avoué.

— PARDON ?

— Harry a supplié le choixpeau pour aller à Gryffondor au lieu de Serpentard.

— Si je m'attendais… s'horrifia la Directrice de Gryffondor.

— Albus, Minerva, excusez-moi, mais vous avez interrogé le jeune Malefoy ?

— Oui. Il a bien jeté un ingrédient dans le chaudron de Monsieur Potter : une boulette de poudre de saule. Il avait, semble-t-il, prémédité cette farce après avoir entendu une conversation entre le Professeur Chourave et le Professeur Rogue. Il savait donc que de l'engrais rose serait fabriqué et il a préparé son coup. Je suppose que c'est Lucius qui lui a expliqué comment faire, et ce que ça provoquait. Monsieur Malefoy a perdu cent points pour avoir porté atteinte à un camarade et à son Directeur de Maison volontairement, et il a un mois de retenue avec Argus.

— Excellent ! fit Poppy. Harry s'inquiétait beaucoup de savoir si Malefoy avait été puni pour son méfait.

— Vous pourrez le lui dire ainsi qu'à Severus.

— Je n'y manquerai pas, assura-t-elle en portant sa tasse de thé à ses lèvres.


Dobby avait transplané aussitôt à l'appel de son nom. En reconnaissant Harry, il s'était incliné très bas, son nez pointu touchant presque le sol.

— Harry Potter a demandé Dobby, Monsieur ? Que peut faire Dobby pour Harry Potter ?

— Dobby, nous avons besoin de vêtements. Non, non, ne t'inquiète pas nous ne sommes pas malades. Nous avons été attaqués par Drago Malefoy et nous faisons semblant pour qu'il soit puni ! avoua Harry avec un sourire sadique.

L'Elfe de maison eut un sourire hilare qui dévoila une rangée de grosses dents blanches.

— L'ancien maître de Dobby est un petit monstre, Harry Potter, Monsieur. Il mérite la punition. Dobby ne dira rien à personne.

— Parfait ! J'aimerais que tu ailles dans mon dortoir de la tour de Gryffondor, mais en cachette et surtout sans être vu de personne. Il ne faut pas que l'on te voit, Dobby.

— Personne ne verra Dobby, Monsieur. Dobby est un Elfe compétent.

— C'est excellent, Dobby, je compte sur toi. Tu vas me rapporter une tenue complète. Comme tu le vois je suis en pyjama, car nos vêtements ont été ruinés par une potion. Donc il me faut tout, chaussures, chaussettes, sous-vêtements, pantalon, chemise, cape…

— Dobby a compris, Monsieur. Est-ce que le Professeur Rogue désire la même chose ?

— Oui, Dobby, répondit Severus, qui regardait l'Elfe avec attention. Tu sais où sont mes quartiers, je suppose, j'ai besoin d'une tenue complète. La même que d'habitude.

— Dobby sait, Monsieur. Dobby part chercher les vêtements.

— Merci Dobby, ne te fais pas voir, fit Harry déjà impatient d'avoir ses affaires.

L'Elfe transplana en claquant des doigts et tandis que Severus retournait à ses mots croisés, Harry rongeait son frein, assis en tailleur sur son lit. Ils attendirent presque quinze minutes et Harry commençait à se demander si Dobby ne l'avait pas oublié ou ne s'était pas fait surprendre, quand l'Elfe revint avec un « pop » qui fit sursauter l'Élu. Harry vit que Dobby avait les bras chargés de vêtements. Il se leva d'un bond et prit la pile des bras maigrichons de l'Elfe de Maison.

— Merci, Dobby, c'est de l'excellent boulot ! Dis-moi, tu peux nous transporter éventuellement dans le château, non ?

— Dobby peut, Harry Potter, Monsieur.

— Nous aurons certainement besoin d'aller chercher une nouvelle baguette pour le Professeur Rogue, chez lui. Nous n'avons plus de baguette non plus, et c'est très embêtant, tu le sais.

— Dobby conduira le Professeur Rogue dans ses quartiers, Harry Potter, Monsieur.

— Parfait. Je vais te demander autre chose. Tu ne devras révéler à personne, même pas au Professeur Dumbledore ou à Madame Pomfresh, que tu nous as apportés des vêtements ou fait sortir d'ici. Tu vas nous ramener une grande bouteille d'eau gazeuse Highland Springs, tu sais, celle que j'aime bien. Si Dumbledore te demande si on t'a appelé, tu n'auras qu'à dire que oui, et que je voulais de l'eau gazeuse. Tu ne mentiras pas, ainsi. Et je t'interdis de te punir !

— Dobby a bien compris, Harry Potter, Monsieur. Mais Harry Potter n'a pas l'intention de faire des bêtises ou se mettre en danger ?

— Non, Dobby, juste besoin de prendre l'air, et je ne serai pas seul, le Professeur Rogue sera avec moi.

Dobby regarda un instant Severus d'un air méfiant, puis il hocha la tête.

— Dobby apporte l'eau gazeuse, Harry Potter, Monsieur.

L'Elfe transplana aussitôt hors de la pièce, laissant Harry avec sa pile de vêtements dans les bras. Le Gryffondor les posa sur son lit pour les trier puis il tendit la pile du haut à Severus car c'étaient tous ses vêtements, les chaussures se trouvaient sous les deux tas. Harry retira son pyjama et se tapa sur le front.

— MERDE !

— Langage, Monsieur Potter !

— J'ai oublié de dire à Dobby de me ramener la cape et la carte.

— Et bien rappelez-le !

— J'ai pas de tête, parfois ! DOBBY !

— Ça fait sept ans que je vous le dis, s'amusa le ténébreux professeur qui était présentement torse nu.

L'Elfe revint aussitôt avec l'eau qu'il posa sur la table de nuit séparant les deux lits, et il écarquilla les yeux en voyant Harry tout nu dans la chambre et Severus qui retirait son pantalon de pyjama. Il les toisa l'un après l'autre, méfiant. Les nouvelles avaient circulé jusqu'aux cuisines, et les Elfes avaient fait des gorges chaudes de l'histoire d'amour révélée par la Gazette, au grand désespoir de Dobby.

— Dobby, fit Harry, qui tentait d'enfiler son boxer, en équilibre sur une jambe. J'ai oublié de te dire de me ramener la carte du Maraudeur, c'est un parchemin vierge qui se trouve sous mon oreiller dans la Tour de Gryffondor, ainsi que la cape d'invisibilité qui est avec aussi. Rappelle-toi, personne ne doit te voir.

— Dobby va ramener la carte et la cape, Harry Potter, Monsieur. Et il y a une fête dans la salle commune, Monsieur, un anniversaire, et personne dans les dortoirs.

— Parfait ! se réjouit Harry en remontant son boxer noir sur ses hanches étroites et en cherchant à présent une paire de chaussettes.

L'Elfe claqua des doigts et disparut aussitôt. Severus avait mis un boxer et sa chemise blanche et assis sur son lit, enfilait ses chaussettes noires.

— Crotte, Dobby a pris le pantalon de cuir. C'est pas ce qu'il y a de plus confortable, c'est joli mais qu'est-ce qu'on est serré là-dedans !

— Potter, je vous ai toujours vu avec des vêtements qui avaient trois tailles de trop, je veux bien croire que des vêtements à votre taille peuvent vous paraître serrés.

— Je n'avais pas le choix, Professeur Rogue, soupira Harry qui enfilait une chemise noire cintrée. Je n'ai jamais eu que les vieux vêtements de mon cousin à porter. Mes premiers vêtements neufs à ma taille ont été mes uniformes pour Poudlard.

— Je vois. Pourtant, avec l'Allocation mensuelle que verse le Ministère de la Magie pour votre éducation, vous auriez dû avoir le nécessaire.

— Pardon ? fit Harry, interrompant son geste alors qu'il remontait son pantalon de cuir sur ses cuisses. De quel argent parlez-vous ?

— Des sept cent cinquante livres sterling[1] de pension que votre oncle touche chaque mois pour vous élever. Je ne connais pas la valeur de l'argent moldu, mais ça fait cent cinquante gallions, c'est beaucoup ici, mais peut-être pas pour les Moldus, je ne sais pas.

— Professeur Rogue, balbutia Harry, soudain blême. Ne me dites pas que mon oncle touche sept cent cinquante livres par mois pour m'élever ? C'est une somme colossale !

Harry s'assit sur le lit, le pantalon entre les jambes.

— Tous les jours de ma vie, ils m'ont répété que j'étais un fardeau, que je coûtais trop cher. C'est pour ça que je n'avais presque rien à manger, et pas souvent… que je n'avais jamais de vêtements à moi, que je n'ai jamais eu de jouets, de cadeaux d'anniversaire, ou de Noël. Ils me disaient qu'ils se privaient pour moi, alors que j'ai dormi sur un vieux matelas pourri dans le placard à balai sous l'escalier pendant onze putains d'années !

Harry avait à présent le visage caché dans ses mains et était visiblement bouleversé. Choqué de ces révélations inattendues, Severus boutonna rapidement son pantalon de toile noire et alla s'asseoir sur le lit près d'Harry. Il passa sa main sur le dos recouvert de fin coton, du jeune Gryffondor.

— Je pensais que vous le saviez. Je suis navré, Potter, je ne voulais pas vous perturber.

— Vous pensiez que j'étais comme mon père, un arrogant pourri gâté, vous l'avez toujours pensé, gémit Harry en frottant ses yeux larmoyants.

— Je l'ai cru longtemps, mais certaines réflexions de Fol Œil, de Tonks et même du cabot et du loup lors des réunions de l'Ordre du Phénix, m'ont un peu éclairé.

— Ils le savaient tous, et personne n'a jamais rien fait. Même Dumbledore et McGo le savaient. Ma lettre pour Poudlard était adressée au placard sous l'escalier. C'est quand ils ont vu l'adresse sur la lettre que les Dursley ont eu peur et m'ont laissé la seconde chambre de Dudley. C'était la plus petite pièce de la maison, toute délabrée par rapport aux autres. J'avais des barreaux sur ma fenêtre, une dizaine de verrous de sûreté sur la porte et une chatière en bas pour laisser passer un bol de soupe froide tous les deux jours. Je ne vous parle même pas des meubles cassés et de la literie défoncée.

— Ils le savaient tous ? Vous êtes sûr, Potter ?

— Oui. Les jumeaux Weasley et Ron ont même dû venir me délivrer en arrachant les barreaux de la fenêtre parce que je mourrais de faim et Hedwige aussi. Et quand je dis que je mourrais de faim, ce n'est pas une image, Professeur Rogue. J'étais vraiment en train de mourir de faim et de soif, et ma chouette aussi.

— Pourquoi retourniez-vous tous les ans là-bas ?

— À cause de la fameuse protection du sang de ma mère.

— Elle ne vous protégeait que des Mangemorts, pas de votre famille. Un Fidelitas ailleurs aurait aussi bien fait l'affaire. Parfois j'avoue que je ne comprends pas Dumbledore.

— Moi non plus, Professeur. C'est un peu aussi pour ça que ça ne me dérange pas au final de le faire marcher un peu.

— Habillez-vous, Potter, vous n'allez pas rester le pantalon entre les jambes.

— La vue vous déplait tout à coup ?

— POTTER !

— Je plaisantais, Professeur… pour me changer les idées.

Comme Severus soupirait devant cet enfantillage, Dobby revint à ce moment-là avec la carte et la cape.

— Merci Dobby. Professeur Rogue, vous allez devoir aller vous chercher une baguette de rechange chez vous parce qu'il en faut une pour ouvrir la carte du Maraudeur.

— Bien. J'y vais, fit Severus en enfilant sa cape sur sa robe de sorcier noire à boutons.

— Vous avez oublié des boutons…

—Je les ferme avec ma baguette habituellement, sinon j'en ai pour une demi-heure. Allons-y Dobby ! Emmène-moi, s'il te plaît.

Dobby attrapa la main que Rogue lui tendait et ils transplanèrent aussitôt. Une fois seul, Harry donna un grand coup de poing rageur dans son matelas !

— LES SALAUDS ! Ils touchaient de l'argent pour moi ! Sept cent cinquante livres ! Avec ça, j'aurais dû avoir à manger, des vêtements, un lit ! Dégueulasse… et… c'est ma seule famille ! Ils sont immondes, je les HAIS !

Harry se releva et ferma son pantalon de cuir et les boutons de sa chemise noire en coton. Il enfilait ses bottines en peau de dragon quand Severus transplana avec Dobby.

— Merci Dobby, je te rappellerai quand nous serons prêts pour que tu nous emmènes dehors dans le parc. J'ai juste besoin de prendre un peu l'air.

— Dobby viendra, Harry Potter, Monsieur.

Et l'Elfe repartit aux cuisines en « popant ». Harry vit que Severus glissait ses doigts sur une baguette marron assez courte, ce qui changeait de la longue baguette noire qu'il avait habituellement.

— Vous avez trouvé une baguette ?

— Mmm… c'est ma première baguette, celle que j'ai eu à onze ans.

Harry s'approcha, intéressé, pour mieux voir le bâton de bois que tenait Severus Rogue de sa main blanche et fine.

— Elle est en quoi ?

— Chêne et plume d'hippogriffe.

— Original. Et la noire que vous avez d'habitude ?

— Bouleau noir et nerf de dragon.

— Pourquoi vous avez changé ?

— Celle-ci n'était pas assez puissante… pour certains sorts.

— Je vois. Pas faite pour la Magie Noire, hein ? Du moment qu'elle ouvre la carte…

Harry déplia le parchemin vierge, sous l'œil intrigué de Severus.

— Allez-y, Professeur. Posez votre baguette sur la carte et dites juste : « Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises. »

— Ben voyons… ricana la Terreur des cachots en entendant la formule qui ouvrait la carte.

— Allez ! Ne perdons pas de temps !

Severus Rogue obéit et la carte apparut lentement sous leurs yeux. Harry regarda rapidement les alentours et vit que Poppy Pomfresh sortait du bureau de Dumbledore.

— Merdeuuuu ! Elle revient, il faut qu'on parte !

— Sous la cape, Monsieur Potter, elle ne doit pas nous voir si elle entre !

Harry mit rapidement la cape au-dessus d'eux et ils se courbèrent, conscients qu'elle ne dissimulait pas leurs pieds. Il serra convulsivement la carte du Maraudeur dans sa main.

— Quelle idée ils avaient d'être aussi petits dans l'temps ! pesta Rogue.

— On fait quoi ?

— On l'attire ! Il faut qu'on déclenche les alarmes !

— Comment ? Heuuu… j'ai rien dit, j'ai compris.

En voyant le regard de Severus, Harry se mordit la lèvre. Il venait de se rappeler que l'alarme détectait la moindre activité sexuelle dans la pièce. Il lui fit un simple signe de tête pour lui signifier son accord et laissa Severus s'approcher de lui et l'embrasser. Il glissa la main qui ne tenait pas la carte ouverte autour du cou de la Terreur des cachots afin d'approfondir le baiser. Le ténébreux Serpentard en profita pour caresser les fesses moulées de cuir du Gryffondor, tout en s'amusant avec le piercing transperçant la langue d'Harry. Ils se séparèrent et virent sur la carte que Poppy avait perçu quelque chose et que les alarmes avaient dû se déclencher. Avec des sourires carnassiers, ils se plaquèrent contre le mur près de la porte, toujours courbés en deux et prêts à se faufiler discrètement dès que la porte s'ouvrirait. Severus vit les deux pyjamas sur les lits et eut une inspiration. Il pointa sa baguette sur eux et lança un Evanesco : les pyjamas disparurent.

— Ils vont croire que nous sommes toujours en pyjama ! murmura-t-il à Harry.

— Les alarmes ont fonctionné, elle court dans le couloir du premier, là.

Severus se pencha pour voir l'étiquette Poppy Pomfresh sur la carte. Il voyait également la sienne et celle d'Harry collée l'une à l'autre dans la chambre de quarantaine. Comme les longs cheveux d'Harry lui caressaient le visage, Severus écarta la mèche d'une main délicate. Surpris par le geste, Harry tourna la tête vers le Maître des Potions. Pris d'une subite inspiration, il déposa un simple baiser sur les lèvres qui lui faisaient face.

— Mais, mais, mais, on prend des initiatives, Monsieur Potter ? s'amusa la Terreur, un sourcil sarcastiquement levé.

— Il faut un début à tout ! Chuuuuut ! Elle est là !

Harry venait d'entendre la porte de l'infirmerie s'ouvrir à grands fracas, des pas résonnèrent sur les pavés de pierre. Ils entendirent la porte de leur chambre s'ouvrir et Poppy entrer, à la limite de l'hystérie.

— PROFESSEUR RO…

Mais elle s'arrêta dans son élan et stupéfaite, la bouche ouverte, vit que la pièce était vide. Elle regarda sous les lits, et pendant qu'elle était penchée en avant, presqu'à quatre pattes, Harry et Severus quittaient discrètement la pièce par la porte restée ouverte. Harry fit signe au Serpentard qu'il fallait profiter que celle de l'infirmerie soit aussi restée béante pour saisir l'occasion de s'échapper. Ils longèrent le couloir sans allumer de baguette et durent se guider en touchant le mur. La porte d'une salle de classe n'était pas verrouillée, c'était celle de Binns, le professeur fantôme qui enseignait l'Histoire de la Magie. Evidemment que sa classe était ouverte, il ne pouvait pas la fermer à clé puisqu'il n'avait pas de corps physique.

Harry retira la cape et vit que Dumbledore et McGonagall sortaient du bureau directorial, visiblement appelés par cheminette.

— DOBBY ! fit Harry.

Et l'Elfe revint aussitôt et s'inclina.

— Dobby, conduis-nous dehors ! C'est bon, dehors, ça marche ? Professeur Rogue ?

— Près du Lac Noir, Dobby.

— Oui, Professeur Rogue, Monsieur. Prenez les mains de Dobby.

Une seconde plus tard, Harry et Severus étaient hors du château et regardaient tout autour d'eux, tandis que Dobby retournait aux cuisines.

— C'est la pleine lune. C'est beau, constata Harry. Elle se reflète sur les eaux du lac. C'est reposant.

— J'aimais bien venir ici la nuit, lorsque j'étais élève. Malheureusement, je n'ai pas pu le faire longtemps.

— Les Maraudeurs ?

— Oui, soupira Severus.

— Je suis désolé. Ils étaient vraiment nuls. Sachez, Professeur Rogue, que je ne cautionne absolument pas leur comportement. J'en ai même honte et je ne me suis pas gêné pour le dire à Sirius et Remus, à l'époque.

— Laissez-moi deviner… Ils ont rigolé et étaient très fiers d'eux.

Surpris de cette clairvoyance inattendue, Harry leva les yeux et hocha simplement la tête sans rien ajouter. Ce n'était pas la peine, tous deux savaient très bien à quoi s'en tenir. A la place, il s'inquiéta de la suite des évènements.

— On fait quoi, maintenant ? C'est bien joli le Lac Noir à la lueur de la pleine lune, mais on ne peut pas rester là comme ça. Ils vont nous trouver parce qu'on ne pourra pas rester sous la cape toute la nuit surtout à deux.

— Direction le hangar à bateaux d'Hagrid, Potter. Nous allons nous offrir une petite croisière.

— On va faire un tour en barque ? s'étonna le Gryffondor, amusé.

— Encore mieux. On va faire un tour en gondole, comme à Venise…

— Par Merlin ! Ils ne vont jamais s'en remettre de ce tour-là !

Les deux sorciers se dirigèrent prudemment et pliés en deux vers le hangar où les petites barques des premières années étaient rangées le reste de l'année. Le terrain était accidenté par là et la lumière de la lune n'éclairait pas derrière les rochers et ruines affleurant au bord de l'eau. Un faux pas et c'était le bain assuré ! Impossible d'allumer une baguette, le Lumos pourrait être aperçu et de toute façon ce sort n'était pas terriblement efficace dehors. La lueur se perdait car pas assez puissante. C'était surtout pratique à l'intérieur.

La masse sombre de l'abri sur pilotis se découpa soudain devant eux. A présent, on ne pouvait plus les voir depuis la tour directoriale et ils se redressèrent, indifférents à leurs pieds dorénavant visibles. Si jamais le Professeur Dumbledore avait l'idée de scruter les terres y compris avec ses multiplettes, il en serait pour ses frais. La porte grinça lorsque Severus Rogue actionna le vieux loquet. Aussitôt qu'ils furent à l'intérieur, Harry retira la cape qui les recouvrait et la glissa grossièrement repliée dans son blouson. Encore heureux que Dobby avait pensé à le prendre ! Il ne portait qu'une simple chemise en dessous et octobre n'était pas un mois des plus chauds en Ecosse, surtout la nuit. L'air ambiant dans l'abri sentait les herbes marines et l'humidité, un peu la mousse et les champignons également.

La baguette de Severus éclaira les barques alignées le long du quai de bois. Le clapotis de l'eau contre les fines étraves résonnait dans la nuit. Le Serpentard arrêta son choix sur la première barque en haut de la file, celle qui se trouvait le plus près de la sortie vers le lac.

— Je n'étais pas venu ici depuis ma première année. Ces barques ne servent qu'une fois par an alors ?

— Presque, Potter. Hagrid s'en sert pour pêcher et le Directeur aussi, il me semble. Enfin, c'est que j'ai entendu dire une fois ou deux en salle des professeurs.

Un rictus amusé sur son visage ingrat, Severus éteignit sa baguette et métamorphosa la barque en gondole. Harry ne put s'empêcher de pouffer devant la vue de l'embarcation. La barque avait triplé de longueur et doublé de largeur au minimum. Elle avait maintenant une proue un peu relevée, fine et pointue, mais la poupe remontait énormément au-dessus du niveau de l'eau, lui donnant une allure vraiment typique. Une lanterne était accrochée à la pointe de la poupe et le long manche d'une rame dépassait de l'eau. La gondole était noire, sculptée délicatement et encadrant les deux fauteuils marrons recouverts de fourrure, deux chevaux dorés étaient vissés sur le bois. Harry prit le temps d'examiner le curieux fer découpé alourdissant la proue. Il n'avait aucune idée de ce que c'était et à quoi cela pouvait bien servir mais ne s'étendit pas sur le sujet[2]. Il sauta dans la gondole, et alla s'installer dans un des confortables sièges.

— Qui va jouer au gondolier ? demanda-t-il au professeur qui venait de le suivre.

— La magie ! Je n'ai aucune idée de comment on manœuvre une telle embarcation. C'est la première fois que je monte dans une gondole. Je suis allé à Venise à un congrès de potionnistes il y a quelques années. On nous avait proposé une sortie en gondole en précisant que c'était traditionnellement une promenade pour amoureux, pour les couples, quoi. Je ne me voyais pas partager une gondole pour une promenade ridicule et soi-disant romantique avec un confrère âgé et ventripotent, ou une consœur ayant le double de mon âge. Je n'étais pas désespéré à ce point-là.

Harry éclata de rire à cette déclaration, et Severus esquissa un sourire tout en détachant d'un geste de baguette la gondole de l'anneau accroché au quai.

Cette nuit, c'était une sorte de revanche. Il n'aurait pas le Grand Canal de Venise ni un gondolier, mais il avait la gondole, le lac et la pleine lune et surtout Harry Potter, bien tentant dans ses vêtements de cuir. Un Harry Potter très… gay.

Oh oui… c'était bien tentant.


Dans le couloir du premier étage, Poppy Pomfresh, la main sur la poitrine, tentait de reprendre son souffle et surtout d'expliquer aux Professeurs Dumbledore et McGonagall les derniers évènements. Elle avait juste raconté par cheminette que Severus et Harry n'étaient plus dans leurs lits et qu'elle ignorait où ils se trouvaient présentement. Mais là, Albus, le front soucieux, voulait en savoir plus.

— Je savais bien que ces deux-là allaient nous mijoter un sale coup. Ils étaient bien trop calmes et sages. Et vous savez bien toutes les deux que Severus et Harry calmes à l'infirmerie c'est un non-sens absolu. Que s'est-il passé, Pompom ?

— Je rentrais, tout allait bien, enfin je le croyais. Et puis l'alarme de détection d'activité sexuelle s'est déclenchée, comme ce matin. Alors, j'ai couru jusqu'à l'infirmerie et je suis entrée dans leur chambre. Et ils n'étaient plus là. J'ai regardé sous les lits, dans le placard, les toilettes, la salle de bain de l'infirmerie… Rien. Alors je vous ai appelé. Mais où sont-ils passés ? Ils sont en pyjama et pieds nus, par Merlin !

— Je vais tuer ce pervers de Severus s'il touche à un seul cheveu de Monsieur Potter ! pesta Minerva, furieuse.

— Ce n'est pas leur faute, Minnie, tempéra Albus en soupirant. Ils ne doivent pas être loin. S'ils sont en pyjama comme vous dites… En plus, c'est moi qui ai leurs baguettes.

— Ils sont peut-être chez Severus dans les cachots ? tenta Poppy avec espoir. Si on ne les retrouve pas rapidement, ils risquent d'aller plus loin. Monsieur Potter ne va pas rester vierge bien longtemps.

— Allons vérifier dans les cachots, ordonna Dumbledore. Mais franchement, je doute qu'ils soient là. Severus sait très bien que c'est le premier endroit où j'irai le chercher.

— Justement, il pense peut-être que vous ne le croirez pas chez lui car trop évident !

— Pas bête, Poppy, fit Minerva en hochant la tête. Et ce petit Elfe qui suit Potter comme son ombre, il sait peut-être quelque chose ?

— Nous allons le savoir tout de suite ! DOBBY ! appela Dumbledore.

— Professeur Dumbledore a demandé Dobby ? répondit l'Elfe en question une seconde après avoir popé dans le couloir, un large sourire sur son visage gris.

— Oui, Dobby. Est-ce que Harry Potter t'a appelé ce soir ?

— Oui, Professeur Dumbledore, Monsieur. Harry Potter a appelé son Dobby !

— Et que voulait-il ?

— Harry Potter voulait une bouteille d'eau pétillante Highland Spring, Professeur Dumbledore, Monsieur. Alors Dobby a apporté l'eau. Et Dobby est retourné aux cuisines, Professeur Dumbledore, Monsieur.

— C'est bien, Dobby. Je te remercie, tu peux retourner à ton ouvrage.

Sans attendre, l'Elfe claqua des doigts et disparut de leur vue, très fier de lui. Il avait fait exactement ce que son cher Harry Potter lui avait demandé. Il avait parlé de l'eau pétillante et juste de ça. D'un pas bondissant, un air de satisfaction sur le visage, il alla prendre un chiffon et de la cire d'abeille dans le but d'encaustiquer la bibliothèque et l'armoire des quartiers personnels du Directeur.

— Vous y croyez à cette histoire d'eau, Albus ?

— Oui, Minnie. Harry adore cette eau. Il ne boit que celle-là quand il est au Square Grimmaurd, je l'ai remarqué cet été. Je crois que c'est Miss Granger qui la lui a fait découvrir. Je ne suis donc pas étonné que Dobby ait un stock de bouteilles de cette marque moldue rien que pour lui.

— D'accord. Allons tout de suite jusqu'aux cachots de Severus pour en avoir le cœur net ! insista Minerva franchement inquiète pour son lionceau.

Mais dix minutes plus tard, ils devaient se rendre à l'évidence, les deux disparus n'étaient pas dans les cachots. Pire, le portrait de Salazar Serpentard qui gardait l'entrée affirma aux visiteurs que personne n'était entré dans l'appartement depuis le matin.

— Mais où sont-ils, par Merlin ! Où sont-ils ?

Poppy n'eut pas de réponse à sa question. A la place, elle entendit encore l'alarme d'activité sexuelle et poussa un cri.

— Albus ! L'alarme, elle vient encore de se déclencher !

Le vieil homme grimaça devant cette nouvelle qu'il jugeait inévitable dans la situation actuelle. Seule Poppy pouvait entendre cette alarme puisque c'est elle qui l'avait posée sur ses patients. Minerva s'agita, à deux doigts de la panique.

— Il faut les trouver, Albus !

—Nous allons utiliser le sortilège des Quatre-Pointes, répondit le vieil homme en sortant sa baguette de la poche de sa robe. Montre-moi où sont Severus Rogue et Harry Potter !

La baguette, posée à plat dans la main d'Albus pivota sur un axe invisible à la façon d'une boussole et indiqua une direction. Visiblement, il fallait remonter le couloir des cachots. Il n'y avait donc plus qu'à suivre ses indications, peu importait où elles allaient les mener…


1 Environ 1087 €

2 Le fer de proue sert à contrebalancer le poids du gondolier à l'autre bout de l'embarcation