En se précipitant sur Harry Potter, Voldemort se préparait déjà à lutter pour s'imposer dans l'esprit du garçon. Il avait remarqué à quel point le gamin était déterminé et il savait qu'il aurait à batailler longuement et durement avec lui pour prendre le dessus.
Cependant, il avait oublié un élément majeur. Crucial, même.
Harry Potter semblait avoir la capacité de modifier à sa guise les règles du monde magique.
À l'instant où sa forme spirituelle entra en contact avec le garçon, le temps sembla se figer autour d'eux.
L'espace d'un bref instant, Voldemort essaya de reculer, d'éviter le contact. Mais il était bien trop tard, et il eut l'impression d'être aspiré dans l'esprit du garçon sans avoir le moindre contrôle.
Ce fut le noir, au début. Il n'y avait rien, comme si Voldemort avait été annihilé.
Ensuite, il commença à voir les souvenirs de l'enfant.
Des éclats de couleur, d'abord, probablement ses premiers pas dans le monde. Ce n'étaient que des sensations, rien de palpable.
L'enfant était en sécurité. Aimé. Nourri. Au chaud.
Heureux et satisfait.
Puis, il y eut les souvenirs de ce sinistre soir d'Halloween.
La seule chose que l'enfant avait retenue était les cris de sa mère, déchirants, suppliant de la prendre elle et de laisser son fils en vie. Le prénom hurlé, à la toute fin, le « Harry » désespéré alors que la lueur verte l'entourait et mettait fin à la vie de Lily Potter.
Les années suivantes étaient de plus en plus précises, au fur et à mesure que l'enfant grandissait. Elles étaient également beaucoup plus sombres, pleines de maltraitances et de brimades.
Loin d'être choyé comme il aurait dû l'être — il avait après tout défait le plus grand mage noir du monde magique — le petit Harry Potter avait eu l'enfance d'un elfe de maison… à condition d'être chez les sorciers les plus durs qui soient.
Voldemort aurait dû se réjouir du malheur de l'enfant de la prophétie. Il aurait dû être satisfait de voir qu'il avait souffert.
Cependant, quelque chose en lui le comprenait instinctivement.
C'était peut-être dû à sa propre enfance, bien malheureuse dans cet orphelinat dur. Pour s'en sortir sans trop de mal, il était devenu le chef de meute, terrorisant les autres enfants, les dominant sans peine… contrairement au jeune Potter qui ne pouvait qu'obéir et baisser la tête face à sa famille si intolérante.
Cependant, ce n'était pas seulement sa propre expérience. C'était bien plus viscéral.
Quelque chose le poussait à vouloir agresser les moldus encore plus, après avoir vu la souffrance de Harry Potter. Quelque chose voulait qu'il le protège, d'une façon ou d'une autre.
Bien que cette idée le répugne, il ne pouvait pas nier qu'une parcelle de son esprit avait envie d'essayer.
Il s'était juré à l'orphelinat qu'il n'aurait jamais d'enfants, qu'il ne voulait surtout pas d'un être aussi dépendant attaché à lui. Mais le jeune Potter était indépendant. Il serait probablement avide d'apprendre. Avide d'attention.
Il pourrait en faire un sorcier puissant, son égal même. Un héritier, qui briserait la carapace de sa solitude…
Horrifié, il repoussa cette idée, alors qu'il se souvenait que l'Histoire regorgeait d'hommes puissants trahis par leur propre progéniture…
Enfin, il arriva à la fin des souvenirs de l'enfant.
Les lettres de Poudlard et la fuite ridicule des moldus pour le priver de ce qui lui revenait de droit.
Ensuite, ce fut l'émerveillement pour ce nouveau monde.
Enfant, Voldemort avait soigneusement caché à quel point il aimait le monde magique. Il n'avait jamais montré sa fascination, parce qu'à l'orphelinat, les autres enfants s'en prenaient toujours à ce qui intéressait leurs petits camarades. Lui-même avait tué le lapin de Billy Stubbs sans le moindre remords, lorsque le garçon idiot l'avait contrarié. Son lapin avait été son trésor, et il le lui avait arraché, satisfait de son désespoir ensuite…
Il revint aux souvenirs de Harry Potter au moment où il entrait dans le Poudlard Express, à la fois intimidé et ravi. Il savait exactement ce que l'enfant ressentait, cet espoir poignant que désormais sa vie serait meilleure… et cette sensation le fit frissonner désagréablement. Il n'aimait pas découvrir cet écho étrange, comme si la vie de Harry Potter était une répétition de la sienne.
Il y avait cependant un élément qui différait entre eux. Lui était resté un enfant solitaire, même à Poudlard. À son époque, la maison Serpentard était particulièrement élitiste et il était un pauvre orphelin sang-mêlé.
Il observa Harry Potter se faire son tout premier ami et il se demanda avec un peu de nostalgie ce qui aurait été différent si sa vie n'avait pas été un abîme de solitude.
Il dut rassembler toute sa colère d'avoir été tenu en échec par cet enfant pour s'éloigner de ces sentiments, mais ce fut en se détachant du garçon qu'il vit l'impensable.
Lorsqu'il s'éloigna avec un hurlement, il sentit le corps de l'enfant s'effondrer, mais il ne se retourna pas, quittant Poudlard pour retourner se nicher dans un endroit sûr, afin de pouvoir réfléchir à tout ce qu'il avait découvert.
Des heures plus tard, peut-être même des jours plus tard, il rassembla les morceaux épars de son esprit, comme il l'avait fait la première fois qu'il avait fait face à Harry Potter.
L'enfant le fascinait, encore plus qu'avant. Il repensait à chaque élément qu'il avait à son sujet, et son envie de se l'approprier, d'en faire un de ses Mangemorts, était de plus en plus pressante.
Il ne serait pas un simple Mangemort, il serait son joyau.
L'esprit de Voldemort se sentit satisfait en se souvenant de la dernière chose qu'il avait vue en quittant le corps de Harry Potter.
Un morceau d'âme.
De son âme.
Son horcruxe.
Tant que le garçon vivrait, il ne pourrait pas mourir…
Patiemment, il recommença à parasiter de petits animaux, agissant avec prudence pour ne laisser aucune trace de son passage.
Aucun moldu ne s'étonnerait de voir un chien, un chat, un pigeon ou un écureuil s'installer à proximité du 4, Privet Drive, Little Whinging, Surrey et fixer la maison désespérément ordinaire durant de longues heures.
Voldemort veillait sur son horcruxe, il s'était toujours montré soigneux avec ses affaires… Il veillait patiemment, et lorsque le moment serait venu, il l'approcherait et il lui offrirait le monde.
À cette pensée, le chat tigré qu'il possédait ne put retenir un ronronnement satisfait alors que la silhouette mince de Harry Potter passait devant une fenêtre, minuscule dans ses vêtements trop grands et la tête baissée sous le poids des brimades de ses moldus intolérants…
La fin de cette histoire peut sembler frustrante, mais l'objet était d'avoir une version de l'histoire du point de vue de Voldemort.
Il ne devient pas gentil ou empli de sentiments, il reste le mage noir décrit dans l'histoire originale, et il est possible d'imaginer plusieurs suites à ma version.
L'histoire peut suivre le canon, et Voldemort continue de chercher à tuer Harry pour une raison ou une autre. Il a suffisamment montré au cours de sa vie qu'il pouvait se montrer instable et impulsif.
Ou l'histoire peut changer du tout au tout et prendre une tournure inattendue, avec un Harry qui cède aux sirènes du « mal ».
Quel que soit le courage de Harry, il est un jeune garçon maltraité avant tout, qui en plus doit lutter chaque année pour sa vie. Une offre de sécurité pourrait l'attirer suffisamment pour qu'il tourne le dos à Dumbledore, surtout si ses amis sont protégés… ou il pourrait trouver en lui une part sombre qu'il déciderait d'exploiter !
Aucune suite n'est prévue, il s'agissait juste d'un petit exercice d'écriture d'un autre point de vue que ceux habituellement rencontrés.
Ainsi, demain, je commencerai à publier une nouvelle fiction, intitulée « Amnésie » et qui, j'espère, vous plaira.
Bonne lecture,
Lili
