J'ai envie de rejouer à BG3 T.T Depuis qu'ils ont corrigé des trucs (même rajouté de nouvelles animations pour certains dialogues), j'ai envie de m'y remettre... Mais faut continuer à écrire et l'acte 3 est tellement dense que ça en est épuisant, je le sens dans mon rythme... Allez, on se donne du courage, on compte sur moi !

Journal des reviewers :

Seulie : Ah mais si tu fais un tatoo Goostarion, tu vas être obligée de me montrer ça, tu peux pas teaser sans conséquences si tu vas jusqu'au bout XD
Un peu comme Cazador sur le dos d'Astarion, j'ai fait pas mal de reprises sur l'écriture de cette scène. Je ne suis pas familière de ce genre, c'est pas évident de dépeindre joliment tout en essayant de transmettre des sensations pourtant fortes. Je sais pas trop quoi en penser au final. M'enfin, si ça ne rebute pas le lectorat, c'est le principal :)
Pour le reste de ta review, je te renvoie sur la réponse à Liline37 qui reprend à peu près tout les points que tu abordes.

RingoLemonadeCandy : Contente de te retrouver ! Ça faisait en effet un paquet de chapitres que je t'avais perdue ! Je sais que le quotidien peut-être vampirisant (j'en sais quelque chose, c'est ce qui m'a retenue toutes ces années de reprendre l'écriture) donc pas de souci, je comprends bien. J'espère pouvoir te revoir plus souvent autant que j'espère que tu aimeras toujours.

Liline37 : Mais il était OBLIGÉ pour moi de mettre ce détail sur sa dissociation, il ne pouvait en être autrement, c'est ce qui est le plus important dans l'histoire romantique avec Astarion. Je pense que faire une fanfic sur Astarion (ou BG3 plus généralement mais surtout sur Astarion) est un moyen facile de verser dans le roman érotique (parfois très cru/hardcore) mais ce n'était pas l'exercice auquel je voulais me frotter. Mon truc, c'est le bonding, la construction relationnelle. C'est d'ailleurs aussi pour ça que je ne me suis focalisée que sur le point de vue de Silesta dans ce passage, pour mettre en exergue que lui n'était pas vraiment là.
Moi aussi, j'ai hâte de vous montrer l'évolution. De ce chapitre jusqu'à la confession-révélation de l'acte 2 (plus un autre petit quelque chose par rapport au passé de Silesta mais chut !), ça a été la meilleure partie de leur relation et aussi la plus délicate à écrire : on sait que Silesta est dingue de lui (ça c'est fait), mais il faut maintenant que lui s'ouvre plus. Il faut glisser des mots, des attentions, des échanges discrets mais forts pour commencer à lui fendre l'armure afin de mieux la briser au dernier moment. Ai-je réussi ? Vous me le direz :)

Pas évident de revenir à un chapitre plus terre à terre après celui d'avant, mais bon, il faut bien continuer !


CHAPITRE XV – UNE FENÊTRE VERS LES OMBRES

Silesta eut tout juste le temps de finir de nouer les cordons de cuir de son corset lorsqu'elle regagna le campement avec la discrétion d'un chat. À ce propos, elle devait reconnaître que ces bottes trouvées chez les gobelins étaient des plus fantastiques : ses pas se faisaient légers, presque aériens. C'était d'ailleurs peut-être grâce à elles si elle avait pu autant endurer la danse pendant la fête de la veille. La jeune femme se glissa vers sa tenture vert mousse et prit un instant pour s'inspecter dans un miroir. Elle réarrangea rapidement ses cheveux en plus de les débarrasser des quelques brins d'herbes restés accrochés entre deux mèches et s'interrompit en remarquant des petites traces roses clairsemer sa peau par endroit ; dans le cou, la naissance de l'épaule, le sternum... Ce n'était pas... ? Elle tira un peu sa chemise et baissa le nez dedans.

« Là aussi ?

_ Aussi quoi ? » l'apostropha Lae'zel qui revenait d'une séance d'entraînement matinale.

Silesta bondit et referma sa chemise comme elle l'aurait fait pour un peignoir.

« D-D-Des moustiques ! Partout. Vraiment partout...

_ C'est peut-être l'une des choses que je déteste le plus dans votre plan d'existence. Une fois que ces saletés ont commencé à vous sucer le sang, elles ne vous lâchent plus. »

La saltimbanque en avait mal tellement son sourire la crispait.

« Il en est de même pour les vampires », termina la githyanki en allant chercher un linge humide pour se rafraîchir.

Silesta laissa sa tête mollement retomber sur sa poitrine, le visage en feu. Pour la discrétion sur son escapade nocturne, elle repasserait.

L'aube ne s'attarda pas plus au-dessus du camp paisible et permit à la fugueuse d'imiter sa camarade avec un brin de toilette plus poussé. Nul ne savait quand ils auraient l'occasion de se permettre de traîner un peu de la sorte, il valait mieux en profiter. Des tieffelins matinaux et visiblement peu touchés par les effluves rieuses de l'alcool vinrent débarrasser les restes de la veille tandis que d'autres s'attelaient à préparer la caravane qui les conduirait à la Porte de Baldur. La vie qui anima le bosquet petit à petit suffit à réveiller Ombrecoeur et Gayle qui baillèrent longuement. Si la cléresse était en forme – elle gratifia même Silesta d'un petit sourire en coin très très loquace – le magicien d'Eauprofonde lui, avait peut-être un peu trop abusé de ce délicieux hydromel que Halsin lui avait proposé. L'homme grimaça et se passa la main sur le visage, le regard vitreux et les traits brouillons.

« Cul sec et ne me détestez pas », l'invita Silesta en lui tendant un verre rempli d'une eau à la couleur terreuse peu engageante.

Gayle le prit, plus guidé par automatisme que volonté et but. Le frisson qui le secoua des pieds à la racine de ses cheveux bruns n'eut d'égale violence que le gargouillis étouffé qu'il toussa.

« Ne me détestez pas, rappela gentiment la serveuse rousse.

_ Vous non, mais ça... Ça m'apprendra à me perdre dans l'ivresse. »

Elle décela à ce ton que Gayle ne mentionnait pas l'enivrement jovial et entêtant de la célébration mais l'ébriété sournoise et inhibitrice, celle que l'on recherchait pour oublier une pensée sinistre. Elle sentit son visage plier d'inquiétude.

« Je m'inquiète beaucoup pour vous. Quelque chose vous accapare l'esprit. Est-ce ce que vous savez ? »

Le magicien ne répondit pas, égaré dans son observation silencieuse d'Astarion qui s'affairait plus loin par-dessus l'épaule de son interlocutrice puis il glissa ses iris sombres sur elle. Il secoua la tête et se leva.

« Nous en parlerons plus tard. »

Elle le laissa s'éloigner avec un soupir. Décidément. Elle avait la ferme impression de se prendre un claquement de porte au nez et le plus frustrant ici était qu'elle n'en comprenait pas la raison.

Il régna pendant le petit-déjeuner une atmosphère très étrange. Silesta était coincée entre l'air maussade de Gayle, l'indescriptible bancal silence d'Ombrecoeur et Lae'zel qui - comme Gayle très certainement – savait parfaitement ce qui s'était passé entre elle et Astarion qui lui feignait avec perfection l'innocence indifférente. Ironique paradoxe ; son seul avantage fut que personne n'en parla. Et heureusement car la jeune femme rousse ne savait où se mettre.

La providence vint à son aide en la personnification de l'archidruide Halsin qui alla les rejoindre et s'invita à s'asseoir face à eux. S'il avait joui des festivités avec autant d'entrain qu'eux, le druide n'avait gardé aucun contre-coup négatif. Les traits de son visage halé étaient aussi frais qu'un jeune arbre s'éveillant au printemps.

« J'espère que vous avez bien profité de la soirée car il risque de s'écouler du temps avant d'avoir droit à une telle parenthèse. Comme promis, je viens vous en dire plus sur ce que je sais sur vos parasites. »

Comme évoqué chez les gobelins, Halsin avait découvert d'où provenaient ces larves. Il était quasi certain que c'était à ce même endroit que leur magie spéciale leur était appliquée et qu'un possible remède pouvait s'y trouver par la même occasion. Nombreuses personnes avaient été vues s'y rendre pour en ressortir transformées.

« L'endroit en question : les Tours de Hautelune. Hélas, le voyage s'annonce périlleux car vous devrez traverser une région austère, terrible. Une région... maudite. Ces terres mornes et stériles sont étouffées par une malédiction tel un linceul de noirceur. Vous n'y trouverez que ténèbres et les ombres qui auront transformé ceux qui y sont restés trop longtemps en âmes tourmentées et dangereuses. »

Les aventuriers s'échangèrent une lugubre tension à cette description fort attractive. Les gobelins n'étaient pas si terribles au final.

« Comment se rendre là-bas ? » interrogea Ombrecoeur pour qui les ténèbres étaient une sœur.

Halsin exposa les deux possibilités qui s'offraient à eux : la première était de suivre simplement la Route du Renouveau et de passer par les montagnes et la deuxième proposait un chemin détourné en-dessous de la surface de la terre en passant par les Tréfonds Obscurs via un passage de l'ancien temple de Séluné.

« Il y a longtemps de cela, un homme du nom de Ketheric Thorm a bâti une forteresse dans ces profondeurs avant de rallier à sa cause une armée de disciples de Shar, les Tribuns de la Nuit.

_ Des Tribuns de la Nuit ? répéta la prêtresse, l'œil pétillant.

_ Liam et les siens cherchaient cette forteresse. On leur avait promis une formidable récompense pour la relique supposée s'y trouver, Chantenuit. »

Silesta se souvint de cette histoire de chasse au trésor ainsi que le passage trouvé par Lae'zel après son entretien privé avec la prêtresse Haruspia. Il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait de ce chemin détourné vers les Tours de Hautelune. Halsin fut d'ailleurs impressionné que ses hôtes eussent déjà trouvé ce passage. S'il avait su avant de s'engager dans l'expédition des humains, il serait directement parti avec ses hôtes. La saltimbanque se massa la nuque, indécise. Tout cela s'annonçait bien laborieux. Quel était le meilleur chemin ?

« Il faut passer par les Tréfonds, annonça Ombrecoeur avec conviction. S'il est question de Shar et des Tribuns de la nuit, je dois voir ça de mes propres yeux.

_ Passer sous terre nous priverait de trouver une crèche », opposa Lae'zel, tout aussi farouche.

La prêtresse fronça du nez et se tourna vers les autres pour leur demander leur avis afin de trancher. Gayle était à la fois curieux d'en apprendre davantage sur la relique mais jugeait que passer par la surface leur serait moins pénible soit tout le contraire d'Astarion pour qui l'obscurité était une connaissance qu'il était plus enclin à revoir plutôt qu'un nid de giths sanguinaires aux nez aplatis. Il ne restait donc que Silesta entre deux feux. Ses iris gris allèrent et vinrent d'un camp à l'autre, indécis. Une crèche gith l'enchantait autant que les entrailles humides et inconnues de la terre. Tiraillée, elle préféra s'en remettre au hasard et sortit une pièce de sa bourse ; pile : les Tréfonds Obscurs ; face : la surface. L'écu doré tournoya et retomba dans sa paume qu'elle ouvrit face aux autres.

« La descente aux enfers se poursuit ».

Le destin avait tranché, ils passeraient donc sous la surface.

« Puis-je me permettre de vous rappeler un petit détail ? intervint Astarion d'une ironique indolence. Nous avons quitté nos charmants hôtes gobelins sans même leur dire au revoir, il nous faudra plus que des fleurs et un sourire pour éviter de nous faire tuer dès que nous nous approcherons. »

Halsin avait bien conscience de la situation, aussi avait-il prévu d'offrir quelques récompenses aux sauveurs du bosquet autant pour les remercier que pour les aider pour la suite de leur périple.

« Je pense que ceci pourra notamment intéresser le magicien de votre groupe, énonça le druide en remettant un parchemin jauni à Gayle.

_ Un parchemin de téléportation de masse, s'ébaudit ce dernier en découvrant le manuscrit. Nous pourrons nous rendre directement à l'intérieur. Merci beaucoup. »

À Ombrecoeur fut remis un puissance élixir de guérison permettant de dissiper autant les poisons les plus foudroyants que les afflictions les plus handicapantes, Lae'zel agrémenta son armure d'une nouvelle cape dont le discret champ de force lui permettrait d'encaisser plus facilement les attaques de ses ennemis et Astarion fut ravi de recevoir ce magnifique arc en robinier poli et brillant à la légèreté incomparable. Pour sa part, Silesta accepta avec un grand respect les manchettes de bronze ciselées de runes druidiques que Halsin lui tendit.

« Que jamais ne se lassent vos poignets, lui sourit l'elfe avec confiance. Merci pour ce très beau spectacle. »

La jeune femme le remercia timidement avant d'enfiler les bijoux et fut traversée d'une forme d'énergie revigorante le long de ses bras. Elle se sentait presque prête à soulever un bœuf.

Heureux de leurs présents, nos aventuriers s'affairèrent à rassembler leurs affaires afin de vite repartir sur la nouvelle piste vers leur guérison. Tandis qu'il réajustait le fourreau de sa rapière à sa ceinture, Astarion avait l'air d'être animé d'une grande motivation. Les rubis dans ses iris brillaient d'impatience.

« Nous nous en allons trouver celui qui est notre marionnettiste, se réjouit-il, presque prédateur. Une fois que nous aurons mis la main sur lui, je serai ravi d'inverser les rôles.

_ Nous n'en sommes pas encore là. Et puis, pensez-vous réellement qu'avoir le pouvoir vous donne droit sur tout et ce, sans conséquence ? » lui fit remarquer Gayle en haussant un sourcil.

Le vampire fut atterré de cette question et ne s'en cacha pas : évidemment que oui ! Il n'y avait qu'à regarder comment fonctionnait le monde autour d'eux pour s'en rendre compte. Silesta voyait ce qu'il voulait dire mais elle ne pouvait pas aller complètement en son sens. Même si elle n'était qu'une simple amuseuse des rues, elle était convaincue que le pouvoir corrompait l'âme et qu'il valait mieux s'en servir à bon escient. Astarion se drapa d'un jansénisme rancunier.

« Allons donc. Et où étaient ces bonnes âmes héroïques venues pour me sauver de ma condition d'esclave pendant tout ce temps ? Les flagelleurs mentaux, eux, m'ont donné la force de reprendre ma liberté. Je compte bien embrasser ce don et vous devriez en faire de même.

_ À votre guise, siffla Lae'zel. Je me ferai un plaisir de vous soulager de votre condition de ghaik quand vous y serez. »

Silesta resta silencieuse. Le calvaire d'Astarion devait être à des lieues plus loin encore dans l'horreur et l'abominable pour qu'il fût si désenchanté sur sa foi en son prochain. Seuls les moyens les plus radicaux seraient synonymes de son salut vers la liberté et cette vision était aussi effrayante que triste pour la jeune femme. Hélas, comment pouvait-il voir les choses autrement ? Ce visage dur, ce timbre vengeur... Il s'agissait pourtant bien de l'homme avec qui elle avait passé une nuit enchanteresse. Silesta réalisa qu'en dépit de l'intimité partagée avec lui la veille, elle était loin d'avoir saisi toute la personnalité de l'objet de son attention.

Gayle les appela tous à se réunir. Parchemin en main, le magicien rassembla sa concentration et un cercle tracé de symboles et autres runes complexes apparut sous leurs pieds.

« Lae'zel, concentrez-vous à présent sur le passage que vous aviez trouvé. Faites le vide.

_ Cela ne devrait pas être trop compliqué », railla Ombrecoeur à voix basse.

La githyanki ferma les yeux un moment puis finit par hocher la tête en guise de signal. Gayle termina d'incanter la formule et les symboles éclatèrent d'une lumière aveuglante. Une impression de vertige les saisit aussitôt et la conscience de leur propre corps disparut une fraction de seconde.

Lorsque l'environnement cessa de tournoyer, des murs sombres à moitié détruits les entouraient, baignés de silence. Personne n'osa bouger pendant de longues secondes, l'oreille tendue à l'affût du moindre bruit. Rien ne leur parvint sauf un lointain bruissement d'aile de chauve-souris.

« Sol invictus », formula Gayle à voix basse.

Un feu sans chaleur naquit de sa paume pour éclairer le couloir sombre et le groupe s'enfonça dans la pénombre. Mieux valait ne pas trop s'attarder. Ils s'enfoncèrent dans une partie de l'ancien temple si galvaudée par les affres du temps que les murs de briques se fondaient dans la roche brute et des débris de statues brisées. Cet endroit n'avait pas été visité depuis bien longtemps. Enfin, l'entrée arquée d'une salle apparut au bout du chemin. Celle-ci s'étendait en un carré délimité de colonnes rongées et flanquée d'escaliers de part et d'autre et en son centre faiblement éclairé par une colonne de lumière naturelle, quatre étranges plaques rondes gravées en métal s'inscrivaient les unes dans les autres. Gayle libéra le feu dans sa paume et le laissa effleurer une à une les mèches des candélabres entoilés qui quadrillaient les lieux.

« Un cul-de-sac ? grommela Lae'zel avec mauvaise humeur en scannant la salle du regard sans y trouver de sortie.

_ Ou un test, corrigea le magicien qui faisait de même. Nul doute que l'entrée vers les Tréfonds Obscurs doit être protégée. »

Silesta leva la tête vers ce pilier de lumière qui perçait le plafond. Cela l'intriguait. Il n'y avait aucune autre source lumineuse dans tout le temple et voilà qu'il y en avait une juste à cet endroit précis. La jeune femme approcha du centre et mit un genou à terre pour inspecter les plaques. Les cercles comportaient tous quatre cabochons ornementaux placés aux points cardinaux. La plupart étaient blancs et quelque uns noirs. Quand elle posa la main sur une des plaques, une pression s'exerça et le cercle tourna un peu.

« Je suis sûre que la réponse est ici, annonça Silesta aux autres. Les plaques peuvent tourner. Reste à savoir dans quelle combinaison.

_ Avez-vous remarqué ? intervint Astarion resté dans les hauteurs des marches. La lumière n'en éclaire vraiment qu'une seule. »

Il avait raison. Si la colonne lumineuse permettait d'éclairer l'étrange décoration, une seule des quatre plaques en était entièrement nimbée. Après un temps de réflexion à observer l'ensemble, Ombrecoeur eut une mine presque écœurée.

« Bien sûr. Les cabochons noirs. Il faut faire tourner les plaques jusqu'à les mettre dans la lumière. La douce lueur de Séluné perçant les ténèbres.»

Silesta s'attela à vérifier sa théorie. Les plaques tournèrent les unes dans les autres avec un raclement sourd jusqu'à ce que les quatre cabochons sombres se retrouvent sur un seul et même plateau dans la lumière. Un léger grondement secoua le sol et retentit devant eux : une ouverture venait de se fendre dans le mur d'en face vers des ténèbres plus denses encore.

Le groupe s'engouffra vers une nouvelle portion de grotte qui descendit légèrement avant de vite s'arrêter vers un immense gouffre béant. Bien que le vertige ne fît pas partie de ses peurs, Silesta eut une désagréable raideur dans les jambes quand elle s'approcha du précipice dont la présence de fond posait question. Le courant d'air créé par l'ouverture de la porte laissa une portion d'air se muer en plainte mugissante dont la voix lugubre se perdit en écho. Il fut presque comique de trouver contre le rebord de l'impressionnante crevasse une simple échelle de bois comme seul moyen d'accéder à la suite du trajet.

Il y eu un flottement durant lequel tous considéraient l'objet avec hésitation.

« Un petit sort de feuille morte en plus ne fera de mal à personne », finit par proposer Gayle avec le plus de détachement possible.

Une fois rassérénés par la présence un joker en cas de chute, chacun aborda sa descente avec plus ou moins de sérénité. Ombrecoeur et Lae'zel étant entravées par leur armure, elles mirent plus de temps que les hommes tandis que Silesta était presque prête à se laisser directement glisser en bas de l'échelle comme elle l'aurait fait sur sa barre d'exercice si elle avait pu. La progression fut lente tant l'échelle descendait encore et encore dans une obscurité qui s'évanouit au fur et à mesure au profit d'une faible clarté. Plus ils s'enfonçaient dans les entrailles de la terre et plus l'air se densifiait d'une sorte de moiteur. Les parois de la grotte se couvraient d'ailleurs par endroit de curieux champignons aux formes aussi extravagantes que certaines de leurs couleurs.

Quand un sol ferme revint se coller à leurs semelles, les spéléologues furent plus que soulagés. Les voilà qui venaient d'arriver au sein d'une nouvelle bâtisse aux murs craquelés et flanquée de colonnades zébrées. Plus qu'un temple, l'endroit tenait plus d'une petite forteresse si l'on en jugeait l'immense herse de fer qui scellait l'entrée et les remparts qui se dessinaient plus haut. Au centre de ce qui devait être la cour centrale trônait une statue encore en bon état. C'était une femme gracieuse et impériale qui dressait dans sa main gauche un bâton monté d'une énorme pierre de lune irradiant de lumière opalescente. Hormis cette présence figée de Séluné, les lieux étaient aussi déserts qu'il était supposé de croire.

« Nous trouverons peut-être des informations sur Chantenuit. Allons visiter un peu les lieux. »

Ils se séparèrent pour couvrir plus efficacement l'espace. Cet avant-poste sélunite n'avait pas servi depuis bien longtemps lui non plus et tombait en ruine. La pièce que choisit Silesta s'apparentait à un bureau avec sa longue table couverte de poussière et une petite bibliothèque côtoyant un secrétaire. Elle éplucha les quelques ouvrages qui ne se morcelèrent pas en poussière entre ses doigts dans l'espoir d'apprendre quelque chose sur la relique tant convoitée.

Pour sa malchance, rien ne mentionna la moindre relique ni le nom de Chantenuit. La jeune femme recueillit toutefois de nombreuses informations sur le culte de la déesse lunaire et ses rituels. De tout ce que sa lecture lui offrit, ce qui retint le plus son attention fut ces quelques histoires concernant des miracles réalisés par des prêtres sélunites. Si l'on en croyait ces écrits, la lumière de Séluné était capable de beaucoup dont lever les voiles les plus obscurs et guider les égarés.

La jeune femme leva les yeux de son ouvrage. Et si cela était vrai ? La lumière de la Vierge Lunaire aurait-elle le pouvoir de s'attaquer aux ténèbres qui obscurcissait les yeux de son passé ? Silesta voulut repousser cet espoir, elle avait déjà été trop déçue. En vain. Une part d'elle refusait d'ignorer ce qu'elle venait de lire. Elle secoua la tête et reposa le livre pour quitter la salle. Elle s'attaqua à gravir les marches menant aux remparts où elle trouva Ombrecoeur en train de scruter l'horizon. Une fois à ses côtés, son souffle se suspendit.

Le paysage qui s'étendait à perte de vue était irréel. Tout n'était qu'un terrain escarpé hérissé de stalagmites et de roche sombre sous un toit tout aussi oppressant de stalactites. La seule source de lumière de cette terre incolore résidait dans la bioluminescence de champignons à la taille surréaliste qui léchaient les parois humides ou s'élevaient tels des parasols gigantesques depuis le sol. L'immensité ombreuse se perdait dans une atmosphère humide qui vous laissait un fin voile poisseux sur la peau comme au bord de mer et les quelques bruits inconnus qui éclataient dans le silence n'avaient rien de rassurant. Silesta en vint à regretter son choix laissé à un écu.

« Halsin n'avait pas mentionné tout ça, n'est-ce pas ?

_ Il s'en est bien gardé. Mes préceptes religieux demandent d'embrasser les ténèbres mais je reconnais que celles-ci ne sont pas accueillantes. »

L'arrivée de nouveaux pas frottant contre la pierre des marches les fit se retourner. Gayle déplora à son tour de ne rien avoir trouvé concernant Chantenuit, pas plus qu'Astarion qui était frustré d'avoir gaspillé quelques crochets pour des coffres sans importance. Lae'zel n'était pas plus affligée que cela : Chantenuit n'était pas leur objectif principal. Tous s'accordèrent une contemplation de ce qui allait être leur décor dorénavant ; pour se donner du courage ou au contraire mesurer l'étendue de ce qui les attendaient.

« C'est là que nous regrettons de ne pas être des drows ou des gnomes des Profondeurs, avoua Gayle.

_ Urgh, pitié. Non, pas un gnome , rabroua Astarion avec dégoût.

_ La herse pour sortir semble bloquée par des espèces de sentinelles magiques », pointa Silesta qui avait remarqué d'étranges tourelles en contrebas.

Ces curieuses sculptures qui gardaient l'extérieur de l'avant-poste dardaient en effet la porte grillagée d'un rayon argenté. Astarion s'essaya à tirer une flèche dessus mais le projectile se heurta à un champ de force qui le détourna aussitôt.

« Permettez ? » essaya Ombrecoeur en tendant la main vers lui.

Le roublard lui prêta son arc et la prêtresse se tourna vers la cour intérieure. Elle banda l'arc en direction de Séluné et décocha une nouvelle flèche droit dans la pierre de lune qui éclata en une pluie de paillettes brillantes. Devant la forteresse, les sentinelles se turent, coupées de leur énergie.

« Ça me démangeait de faire ça. »

Le problème de porte réglé, le groupe put sortir et commencer à arpenter les vrais Tréfonds Obscurs qui portaient encore mieux leur nom à présent qu'ils étaient à hauteur du sol. Tout ce qui les entourait était encore plus sinistre en angoissant. Les concrétions de calcaire noir, qu'elles fussent montantes ou descendantes, étaient à présent des crocs gigantesques d'une bête ombreuse prête à les dévorer et la faune mycosique, bien que lumineuse, laissait entendre qu'il valait mieux rester prudent.

Le groupe entama sa route en longeant une corniche contre l'avant-poste sélunite. Ils n'avaient aucune idée de ce qu'ils cherchaient exactement comme moyen de regagner la surface mais il fallait bien commencer quelque part. Ils privilégieraient dans un premier temps la direction qui s'enfonçait le moins possible dans les profondeurs.

La corniche sur laquelle ils étaient engagés était ponctuée de petits amas de champignons ronds et gorgés de lumière orangée comme des lampions festifs. Ils étaient une source lumineuse bienvenue. Lorsqu'elle passa près de l'un deux, Silesta fut étonnée de découvrir qu'ils... dégageaient de la chaleur ?

« Att... ! »

Elle avait comprit une demi-seconde trop tard. À peine esquissa-t-elle un mouvement de recul qu'une détonation brûlante la souffla en arrière. Ses bras mis juste à temps devant son visage prirent le plus gros de la déflagration champignonneuse impromptue. La jeune femme ne prit même pas la peine de se relever pour éteindre la flammèche qui commençait à grignoter sa manche tandis que ses compagnons se remettaient aussi du choc qui les avait surpris.

« Attention, ces champignons sont bizarres... termina la saltimbanque entre ses dents. Argh...

_ Un sens redoutable de l'observation, reconnut Gayle en sortant un onguent apaisant de sa besace. Tenez bon. »

L'application du baume lui arracha sur le coup un gémissement avant de laisser place à une délicieuse sensation de frais qui apaisait la douleur pulsant par à-coups. Par chance, cela ne l'empêcherait pas de manier ses bolas ; heureusement qu'elle avait des réflexes.

« Au moins nous avons déjà identifié un premier danger. Nous en trouverons très certainement bien d'autres et il sera préférable à ce moment-là de ne pas les déclencher, ironisa Lae'zel avec un regard appuyé sur l'imprudente qui se remettait debout.

_ Quelque chose me dit que l'on va déjà en trouver un autre », murmura Ombrecoeur en regardant plus loin.

Les autres l'imitèrent. Gayle, Lae'zel et Silesta eurent à s'approcher un peu pour voir ce que les deux membres de la race elfique pouvaient déjà voir grâce à leur vision améliorée. Entre les lueurs des torchelles orangées pleines de feu dormant et les longs cristaux translucides teintés de parme, des silhouettes immobiles se dressaient sur le chemin. Des statues ? Elles n'avaient rien à faire là. Le groupe avança en silence et détailla les curieuses postures des mannequins de granit noir. Tous reconnurent des drows dans les traits rigides des sujets qui s'étaient figés en plein mouvement. Qui était le moins rassurant entre cet homme encapuchonné qui tentait de fuir et son comparse qui se recroquevillait sur lui-même, les mains crispées devant ses yeux ? Tous affichaient une terreur palpable. Une même vague d'angoisse les traversa.

« Ne restons pas ici », intima Astarion d'une voix tendue.

Un bruit d'éboulis roula plus loin dans leur dos et les fit se retourner lentement. À l'autre bout de la falaise émergea des ombres une énorme masse sombre à la texture rugueuse et affublée de quatre gros appendices ondulants semblables à des tentacules desquels s'ouvrit un œil globuleux. Une large paupière unique se fendit au centre de la chose, dévoilant un iris mêlé de citrine et d'améthyste sombre et zébré d'une pupille étroite. Puis se fut une gueule vorace cerclée de trois paires de crocs acérés comme des rasoirs qui s'ouvrit autour d'une langue sinueuse. C'était un horrible spectateur visiblement contrarié d'avoir été dérangé. La créature poussa un râle strident et son œil unique fit jaillir un éclair violacé droit sur un des drows pétrifiés. Ce dernier revint à la vie mais le vide dans son regard laissait deviner que son esprit, lui, était encore en stase.

« Il l'a charmé, prévint Gayle. Restez sur vos gardes ! »

Silesta eut comme premier réflexe de repartir un peu sur ses pas dans l'espoir d'atteindre un point plus élevé. Elle n'était pas de taille à l'affronter de face. Alors qu'elle prenait garde à ne pas frôler un nouveau tas de torchelles, elle vit que le drow s'était tourné vers elle.

« Tenebrum ! »

Tout à coup, une nappe de brouillard noir l'enveloppa toute entière et la scella dans le noir le plus absolu. Elle ne voyait même plus son propre corps, elle était complètement aveugle. La privation de sa vue ne rendit que plus angoissants les bruits du combat tout autour. La voix surprise de Lae'zel retentit avant de se rompre d'un hurlement de douleur à vous faire dresser les cheveux sur la tête. Le bruit de métal frotté que faisait le bouclier d'Ombrecoeur se perdait entre les incantations magiques de Gayle. Toutes les images que Silesta associait à ces sons faisaient vriller sa concentration. Elle ne pouvait pas rester là sans rien faire !

« Allez, respire et concentre-toi sur le toucher. Plus tu vas avoir peur pour eux, moins tu avanceras », se répéta-t-elle d'une voix tremblante.

Ses mains tâtonnèrent autour d'elle pour toucher la roche qu'elle s'apprêtait à escalader avant d'être prisonnière du brouillard. Ses doigts s'accrochèrent quand ils trouvèrent une prise et elle commença à grimper. Chaque recherche de ses mains s'assura d'abord de ne pas sentir la chaleur d'une torchelle au risque de...

« Acidum

Après le rugissement de Gayle, le barouf d'une explosion ébranla son mur d'escalade et un souffle chaud accompagné de quelques débris fit danser ses cheveux dans son dos. Le spectateur vociféra violemment. Quand on parlait de torchelles... Après quelques secondes immobile à s'accrocher pour ne pas tomber, Silesta reprit sa progression en se coupant de l'environnement sonore du mieux qu'elle pouvait. En vain. Les cris féroces et fiers de Lae'zel se poursuivaient mais ils s'éraillaient de plus en plus d'épuisement ou pire. Elle avait vraisemblablement été figée sur place avant que le spectateur ne s'en prenne à elle. Gayle faisait son possible pour détourner l'attention du monstre de la githyanki pour permettre à Ombrecoeur de se créer une ouverture. La jeune femme réprima un frisson d'angoisse et serra les dents.

Un son net zébra tout à coup l'air non loin au-dessus de tête puis une plainte déchirante de terreur éclata. Son sang ne fit qu'un tour. Astarion ! Sa voix se brisait de peur sous l'effet d'un maléfice particulièrement vicieux.

Enfin, sa main toucha le sommet de la corniche. Silesta jeta tout son poids sur ses bras et parvint à se hisser au sommet, libérée de l'entrave de sa vue. La première chose qu'elle vit fut l'elfe qui était tombé à genoux, la tête entre ses mains en train de se débattre contre des cauchemars abominables. Le voir si affligé lui retourna le cœur mais elle ne pouvait rien faire pour lui pour l'instant. Elle se remit debout et vit la masse du spectateur en contrebas, sa peau rêche encore fumante de l'explosion de torchelles. Ses alliés l'avaient déjà bien amoché, presque autant que l'était Lae'zel qui gisait inconsciente plus loin. Quant au pauvre drow qui avait été dé-pétrifié, il n'avait malheureusement pas survécu.

Silesta enfila les dragonnes de ses bolas en calmant le plus possible sa respiration. Son regard capta celui de Gayle et d'Ombrecoeur qui faisaient face à la créature et ils échangèrent un bref geste entendu menton. Le magicien tendit les paumes vers la créature.

« Arde ! »

Une volée de flammes jaillit avec la force d'un torrent ardent droit sur le monstre qui piailla tant à cause de la douleur que par la trop force luminosité soudaine. C'était le moment ! Silesta bondit de sa corniche surélevée en armant ses bras en arrière avant de les rejeter aussi violemment que possible vers l'avant. Dans un arc de cercle parfait, les poids des bolas frappèrent droit dans l'œil unique du spectateur dont la réaction épidermique ne se fit pas attendre. Il tressaillit si brutalement que la meilleure adresse de Silesta ne lui permit pas de garder l'équilibre. La jeune femme fut éjectée aussi sec en arrière et elle retomba lourdement contre le sol rocailleux non loin d'Astarion. Les idées un peu confuses par le choc, elle put cependant entendre ses camarades mener le dernier assaut contre la bête dont les grognements gutturaux ne tardèrent pas à mourir dans l'écho des Tréfonds. Gayle somma Ombrecoeur de vite porter secours à Lae'zel dont l'état était préoccupant.

Soulagée de s'en être sortie, Silesta roula sur le côté pour se remettre debout et alla vite rejoindre Astarion. Il était étendu au sol, le souffle hiératique et le regard éperdu de peur ou de souffrance. Qu'avait-il vu pour être aussi marqué ?

« Astarion, vous m'entendez ? »

Elle posa la main sur son épaule. Le vampire émergea soudain dans un sursaut et eut comme premier réflexe d'attraper sa camarade à la gorge, le regard embrasé par une nécessité de tuer désespérée.

« Tout va bien ! » se défendit l'humaine en se figeant.

Ses yeux rubis assassins vacillèrent sous leur voile sombre.

« C'est fini. » Elle enserra doucement son poing entre ses mains. Le frais de sa peau laiteuse était échaudé de moiteur. « C'est fini, Astarion. »

Enfin le regard de l'elfe réussit à se fixer sur elle et il la relâcha brusquement en se redressant sur son séant. Silesta toussa avec autant de difficulté qu'elle eut besoin d'air.

« Désolé, balbutia Astarion encore remué. J'ai cru que... »

Il fronça du nez.

« Qu'importe. Je n'aurais pas dû.

_ C-C'est déjà bien de le reconnaître... » soupira son alliée entre deux quintes de toux.

Gayle les rejoignit pour s'assurer qu'ils allaient bien. Tous deux hochèrent mollement la tête et Silesta s'enquit de l'état de Lae'zel. La githyanki avait passé plus qu'un mauvais quart d'heure mais sa ténacité n'avait d'égal que son entêtement à ne pas se montrer faible face à Ombrecoeur qui lui prodiguait des soins ; elle s'en sortirait. Ils repartiraient dès que la prêtresse l'aurait remise sur pieds.


Il faisait vraiment mal, ce spectateur T.T