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Chapitre 3 – Rêves

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Noir.

Il inspira brutalement.

Douleur.

Douleur.

Douleur.

Il ouvrit les yeux. Le soleil l'éblouit un instant.

Il entendit le souffle du vent. Le rire d'enfants.

Quelqu'un l'avait amené à l'infirmerie ?

Non. C'était autre chose.

Il releva la tête et parcourut la pièce du regard ; Il était dans sa chambre.

Des fragments de souvenirs lui revinrent. Il se laissa retomber sur l'oreiller avec un souffle de soulagement.

Le combat. C'était finit. Il avait vaincu Voldemort.

Il avait gagné.

Il était… libre ?

Tout son corps vibrait encore du dernier sortilège, lancé par un inconnu, qu'il avait reçu. Il le ressentait dans chaque muscle. Mais cette douleur valait le coup. Elle était le témoin de sa victoire. Du fait qu'il était encore vivant.

Oui, c'était ça : cette douleur était la preuve indéniable de sa survie.

Il sourit pour lui-même avant de se redresser précautionneusement. Quand ses pieds touchèrent le parquet, il ressenti une vague de froid le transpercer.

Quelqu'un avait dû le ramener ici alors qu'il était inconscient. Hermione ? Ron peut-être ? Il espérait que ses amis allaient bien.

Il s'approcha du miroir et observa son corps. Pas de marque. Étrange. Il se souvenait encore du sort qui l'avait touché à l'épaule. Et de celui qui l'avait forcé à ployer sa jambe. Il aurait dû y avoir des cicatrices, des bleus. Mais sa peau était celle d'un nouveau-né. Madame Pomfresh (ou Severus peut être ?) l'aurait soigné ? Oui, bien sûr. Ça devait être ça.

Sur la table, il avisa un copieux petit déjeuner. On ne le reprendrait pas à deux fois : il évita scrupuleusement le croissant chocolat-citrouille et préféra le muffin caramel-noix.

« Bon choix. » se félicita-t-il en quittant l'appartement.

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Il parcouru les couloirs de Poudlard au hasard. Il voulait juste s'imprégner de l'atmosphère. Profiter du moment. Il se sentait apaisé de voir tous ces jeunes élèves vaquer à leurs occupations comme si rien n'avait eu lieu.

Tout était si normal. Si… tranquille.

Il se posa sur un des bancs du hall principal, en spectateur. Il put assister en direct à une déclaration d'amour entre un Serpentard et une Serdaigle. Malheureusement, le prétendant se fit éconduire. Une scène à briser le cœur, les affres de l'adolescence... Il eut une vague pensée pour son histoire (si on pouvait appeler ça une « histoire ») avec Cho Chang. Un échec sur toute la ligne. Avec du recul, il pouvait même (un peu sarcastiquement) reconnaitre qu'il avait eu plus de contacts avec Drago Malfoy qu'avec son ancien coup de cœur.

D'ailleurs, maintenant que la guerre était terminée, ce dernier se montrerait-il enfin ou, comme Ron l'avait prédit, faisait-il parti des disparus, comme tant d'autres ? Les souvenirs du champ de bataille étaient flous et Harry chercha le visage familier du blondinet parmi la foule. Non. Malfoy fils n'y était pas. Enfin… il n'en était pas certain : il y avait tellement de monde…

Son attention fut détournée un instant par une jeune fille qui portait péniblement une pile astronomique de livres. « Hermione, je t'ai reconnu » marmonna Harry pour lui-même.

Il s'appuya contre le mur de pierres froides et ferma un instant les yeux. Il écouta le joyeux brouhaha de l'école et quelques souvenirs rejaillirent. Il dû s'assoupir un instant car son nom, prononcé avec impatience, le fit sursauter : « Harry ! » C'était Hermione, suivie de près par Ron. Elle se précipita vers lui et l'enveloppa dans une étreinte chaleureuse. « On t'attendait dans la Salle sur Demande ! »

Harry repoussa doucement Hermione, l'examinant du regard. « Mione, Ron ! Vous allez bien ? » Le soulagement colora son visage lorsqu'il vit que ses amis semblaient indemnes.

Ron sourit, tendant sa main vers Harry : « Mec ! Tu as goûté au petit déjeuner qu'on nous a apporté ? C'était une tuerie ! »

Harry esquissa un vague sourire mais Hermione avait déjà pris un air grave : « La date du combat final a été décidée entre les deux partis. C'est imminent, Harry. Il va falloir être prêt. »

Harry se figea, interdit. « Quoi ? »

Ron hocha la tête sinistrement : « Il y a déjà beaucoup de sorciers qui ont disparu… On raconte que Malfoy fils est manquant… »

« Attendez ! (Harry recula légèrement, dévisageant ses amis) Si c'est une blague, elle n'est vraiment pas drôle. On a gagné, les gars. Voldemort est mort. Je l'ai tué. »

Hermione fronça les sourcils : « Comment ça ? »

Harry balbutia : « Il y a eu le combat. J'ai… j'ai gagné. On m'a attaqué, je suis tombé inconscient mais… mais je l'ai tué. Je l'ai tué putain ! »

Ron éclata de rire avant de donner une grande tape dans le dos de son ami : « Hey, mon vieux, je ne sais pas ce qu'il y avait dans le p'tit déj', mais c'était fort ! »

Hermione hocha la tête, inquiète : « Tu dors bien, en ce moment, Harry ? J'ai lu que le cerveau, soumis à beaucoup de stress, pouvait déformer la mémoire et implanter de faux souvenirs. Tu devrais aller voir madame Pomfresh, elle te donnera quelque chose. Le combat est dans deux jours, tu devras être en forme. »

Un rêve ? Sa victoire avait-elle donc été seulement un rêve ? Pourtant… tout semblait si réel ! Et cette douleur ? Non. Ça ne pouvait pas ne pas être vrai. Harry planta là ses deux amis et, le cœur battant, fila à l'infirmerie : « Madame ! Madame Pomfresh ! » s'exclama-t-il, la voix légèrement tremblante.

Une voix irritée sortit de derrière un des rideaux blancs : « Je vous entends, je ne suis pas sourde jeune homme. Ho ! quelle impatience. »

Les rideaux se froissèrent et Poppy Pomfresh, visiblement agacée, observa un instant son visiteur inopportun : « Monsieur Potter. Pourriez-vous faire moins de bruit ? Dois-je vous rappeler que vous êtes dans une infirmerie ? »

Harry se précipita vers elle : « M'avez-vous soigné récemment ? Je me suis évanoui après le combat, et je... je m'attendais à des blessures … et… »

Poppy fronça les sourcils : « Cela fait longtemps que vous n'êtes pas venu me voir, Monsieur Potter. Si vous permettez… » Elle sorti sa baguette et lança plusieurs sorts de détections sur lui, puis hocha négativement la tête : « Il n'y a rien. Aucun historique médical ces derniers mois… Non, votre corps semble en parfaite santé. »

Perplexe, Harry la fixa. « Aucune blessure ? Mais je me souviens du sort qui m'a touché... et de la douleur. »

Madame Pomfresh le détailla attentivement. « Allez voir le professeur Snape de ma part, il vous préparera une potion contre l'anxiété. Vous avez besoin de repos et de calme pour le moment. »

Une pointe d'inquiétude se mêla à la confusion de Harry alors qu'il se dirigeait silencieusement vers les cachots.

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Harry franchit la porte de la salle de cours de potions. Severus Snape releva brièvement les yeux de ses corrections, son regard glissant sur Harry, avant de retourner à ses devoirs. Le jeune homme s'installa sur une chaise, perdu dans ses pensées.

Le silence régnait, uniquement interrompu par le grattement du stylo de Snape sur le papier. Une subtile fragrance de plantes séchées flottait dans l'air, ajoutant une note étrange à l'ambiance pesante.

Harry tenta de rationaliser la situation, mais quelque chose lui échappait.

Un soupir lourd s'échappa des lèvres de Snape, qui, visiblement agacé, jeta son stylo dans la poubelle d'un geste las. Son regard scrutateur se posa sur Harry.

« Monsieur Potter, vous êtes étonnamment silencieux. D'habitude, vous ne pouvez pas vous empêcher de jacasser à droite et à gauche. Pourriez-vous en venir au fait et me dire exactement quelle idiotie vous avez encore inventé ? » interrogea-t-il d'un ton cinglant.

Harry se tortilla sur sa chaise, mal à l'aise. Il chercha à briser la tension : « Je pensais que vous utilisiez une plume, pour vos corrections… »

Severus Snape leva un sourcil, répondant avec ironie : « Que voulez-vous, je suis un professeur extrêmement moderne… »

Le silence reprit sa place. Harry déglutit difficilement : « Severus, répondez-moi sincèrement... est-ce que... est-ce que la bataille finale a déjà eu lieu ? »

Snape s'adossa à sa chaise, une expression indéchiffrable inscrite sur son visage : « La bataille finale ? Vous voulez dire le combat prévu dans deux jours entre vous et le Seigneur ? » interrogea-t-il d'un ton calme.

Harry prit sa tête dans ses mains : « Severus… je ne sais plus ce qui est vrai de ce qui ne l'est pas. Si je vous dis que j'ai combattu Voldemort, que je l'ai tué ! (Sa voix monta dans les aigus) J'avais gagné ! J'avais sauvé le monde ! Je n'arrive plus à faire la différence entre mes rêves et la réalité… est ce que j'ai imaginé ma victoire ? Ou alors… peut-être que je suis en ce moment même dans un rêve ? Je… je ne sais plus où j'en suis ! »

Severus observa Harry avec certaine perplexité : « Monsieur Potter, calmez-vous. Tout peut s'expliquer de façon rationnelle. Vous devez être fatigué, avoir besoin de repos. »

Il se leva de son bureau et fouilla dans ses placards, en sortant une fiole de potion de sommeil sans rêve. Harry prit la potion dans ses mains et observa le liquide violet aux reflets noirs.

« Est-ce qu'il existe un sort capable de ressusciter une personne ? » demanda-t-il enfin, scrutant Severus du regard.

Le professeur secoua la tête négativement : « Cela serait de la nécromancie... et ce n'est pas une magie autorisée... »

Harry fronça les sourcils : « Non, pas de la nécromancie. Plutôt comme si j'avais utilisé un retourneur de temps, mais sans retourneur de temps et sans double de moi. »

Severus réfléchit un instant. « Pas à ma connaissance. Mais je ne suis pas un expert en sorts temporels... »

Harry persista : « Et si ce n'était pas un rêve ? Si j'étais vraiment revenu dans le passé et que j'étais le seul à le savoir ? »

« C'est peu probable, Monsieur Potter. » répliqua Snape, sceptique.

Mais Harry insista : « Et si c'était le cas ? Dites-moi... dites-moi quelque chose que vous seul connaissez. Un événement... ou quelque chose que vous aimez ? Quelque chose que tout le monde ignore à votre sujet. Si jamais mon... rêve se reproduit, je vous prouverais que je dis la vérité. »

Severus hésita, ne semblant pas du tout croire à l'histoire du retour dans le passé. Il toisa un instant Harry, semblant le jauger : « Au fond de la troisième serre, au bout du parc, il y a une trappe cachée. Votre mère et moi nous y retrouvions de temps en temps, secrètement, pour lire ensemble. »

Harry sursauta. Sa mère ? Oui, il savait depuis longtemps que Severus et Lily étaient proches, mais ça le surprenait à chaque fois.

Il hocha la tête, marmonnant : « La troisième serre. D'accord. » Puis, sans un mot de plus, il prit congé et quitta la salle de potions.

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L'esprit embrouillé, il avait besoin de réfléchir, de trouver du calme.

Il grimpa en quatrième vitesse les escaliers de la tour d'astronomie. Personne. Parfait.

Le vent soufflait fort à cette altitude. Il s'assit, laissant ses jambes pendre dans le vide, et observa le paysage qui s'étendait sous ses yeux. À l'horizon, il pouvait voir l'orée de la forêt interdite et ses arbres sombres se découpant dans le ciel d'azur.

Il crut entendre un bruit de pas, dans les escaliers. Il se retourna, scrutant la terrasse mais il ne vit personne.

Un hibou s'envola près de lui, ses grandes ailes battant l'air avec force.

Harry se concentra, écoutant attentivement, mais il n'entendit rien d'autre que le murmure du vent. Il secoua la tête, pensant que son esprit lui jouait encore des tours.

Le soleil était encore haut et les rayons printaniers le couvaient d'une douce chaleur. Il ferma les yeux.

Deux jours. Dans deux jours il devrait à nouveau combattre. Si son… rêve… était prémonitoire, alors il sortirait vainqueur de cette bataille. Il avait toutes ses chances. Il ne devait pas se laisser distraire.

Un frisson soudain lui parcourut l'échine.

Alors qu'il se redressait, les sens aux aguets, il sentit distinctement deux mains se poser dans son dos, le poussant sans ménagement.

Il bascula dans le vide.

Il crut discerner vaguement une silhouette encapuchonnée qui se penchait pour le regarder tomber.

8ème étage.

Le vent hurla à ses oreilles. Les fenêtres de la tour semblaient se fondre dans une mosaïque floue.

5ème étage.

Il tenta de crier, mais le vent engloutit ses paroles.

3ème étage.

Le sol se rapprochait à une vitesse terrifiante.

La peur lui tordit les entrailles.

1er étage.

Harry ferma les yeux, se préparant mentalement à l'impact. Il pouvait presque sentir le choc, le fracas inévitable qui mettrait fin à sa chute vertigineuse.

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Noir.