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Chapitre 4 – Deux

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Noir.

Il inspira lentement.

Il était tombé.

Non.

On l'avait poussé.

On l'avait poussé et il s'était écrasé en bas de la tour d'astronomie. Il les sentait, à l'intérieur de lui : tous les os brisés et les organes déchirés.

Il n'osait pas bouger, de peur de voir tout son corps se déliter en petits morceaux. De peur aussi de mourir à nouveau de douleur.

Il eut un soubresaut nerveux.

Il était mort et pourtant, il était vivant.

Pire que le chat de Schrödinger.

Ce n'était pas un rêve (un cauchemar plutôt).

Non.

Aussi improbable que cela puisse paraitre, il savait que c'était ça, sa réalité.

Il essaya de se souvenir de celui qui l'avait tué. Assassiné. Mais il ne voyait qu'une ombre floue, penchée par-dessus la muraille. Cela pouvait être n'importe qui.

Il soupira.

Pas besoin d'ouvrir les yeux pour reconnaître l'endroit. Les rayons tièdes du soleil caressaient sa peau et les rires des enfants s'élevaient du parc en contrebas.

C'était donc cela, l'immortalité ? Un océan de souffrance qui le hantait sans relâche ?

Dans deux jours… dans deux jours il devrait à nouveau mener le combat final. Tuer tous ces gens. Risquer sa vie…

Un ricanement amer glissa de ses lèvres : quelle vie ? Les partisans de Voldemort voulaient le voir mort, ceux de Dumbledore le condamnaient à combattre jusqu'à l'épuisement. Au fond, c'était du pareil au même, non ?

Sauf que désormais, au lieu du repos mérité que lui apporterait la mort, il n'y avait qu'un éternel recommencement.

Il agrippa rageusement ses couvertures et ouvrit les yeux.

Tout ça, c'était la faute de Tom. Il se rappelait maintenant. C'était lui qui avait lancé le sort. Qu'est-ce que c'était déjà ? Infernas ? Non. Infinitum ? Ha ! C'était ça : Infinitas ! Oui, c'était à ce moment-là que tout avait commencé à déconner.

Il chercha dans ses souvenirs, se demandant si ce sortilège lui était familier.

Non. Jamais entendu parler.

Peu importe. Ils avaient Rendez-Vous, de toute façon, Tom et lui.

Et il lui ferait cracher la vérité. Hoooo oui. Il lui ferait avouer tout ce qu'il savait.

Il se leva avec précaution. Le parquet glacial sous ses pieds le fit frissonner.

Il jeta un œil vers le miroir. Sombre. Il avait l'air sombre.

Hermione et Ron devaient être dans la Salle sur Demande. Il ne fallait pas les faire attendre.

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« Harry ! » Hermione l'étreignit, chaleureusement. Il se laissa faire, les bras ballants.

Ron s'approcha, la main tendue : « Tu as goûté le petit déjeuner qu'on nous a apporté ? »

« Je sais – répondit Harry – C'était une tuerie ».

« Exactement ce que j'allais dire ! » se rengorgea Ron.

Hermione prit un air sombre : « « La date du combat final… »

« Je sais. » Harry ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase.

« Ha… ha bon ? Tu sais ? »

« Oui. Dans deux jours. »

Ron hocha la tête, appréciateur : « Bah mon vieux ! Tu étais déjà au courant ? Dire qu'on pensait avoir l'exclu' ! »

Harry se laisse tomber dans le fauteuil : « J'ai déjà vécu ça. »

Hermione fronça les sourcils : « Tu as eu un rêve prémonitoire ? »

« Non. J'y étais. Vraiment. J'ai combattu Voldemort. Et je suis mort. Deux fois. »

« En combattant Tu Sais Qui ? » demanda Ron les yeux écarquillés.

« Non. C'est quelqu'un d'autre qui m'a tué. Et à chaque fois, je me suis réveillé dans ma chambre. Toujours le même jour. »

Ron acquiesça en connaisseur : « C'est que tu n'étais pas vraiment mort… »

Hermione secoua la tête : « Harry… c'est… impossible, tu le sais. Une fois qu'on est mort… »

Harry la coupa : « On l'a pourtant déjà fait, quand on a sauvé Sirius ! »

« Mais nous avions un retourneur de temps ! Et tu sais bien qu'ils ont tous été détruits ! Quoi, Harry ? tu vas me dire que tu es en possession d'un de ces objets ? »

« Non. » admit Harry.

« Alors c'est impossible. Et puis, ça se saurait si un sort ou un objet magique pouvait permettre ça. Tu imagines l'enfer ? Tout le monde ferait n'importe quoi. » Son amie ne le croyait visiblement pas. Harry plongea, résigné, les mains dans les poches : « Voldemort le sait. »

Hermione soupira : « Alors peut-être devrions-nous en parler avec le Professeur Dumbledore. Si quelqu'un à des réponses, ça doit être lui. »

Harry ne répondit rien, mais quitta la Salle sur Demande, suivit de ses deux amis. En passant par le hall, il les arrêta : « Là ! Le garçon ! (Hermione et Ron fixèrent le Serpentard qu'il pointait du doigt) Il va faire sa déclaration ! »

En effet, le garçon déclara en grande pompe sa flamme à une jeune fille. Harry continua : « Elle va refuser. »

Ron secoua la tête : « Évidemment qu'elle va refuser. Qui sortirait avec un Serpentard ? »

Harry senti un frisson d'exaspération le parcourir. Il tira la manche d'Hermione : « Attends, regarde, une fille va arriver. Elle aura plein de livres dans les mains. »

Hermione le regarda avec inquiétude : « Harry, les probabilités pour que cela arrive sont très élevées, ça ne prouve rien du tout... La bibliothèque est juste à côté. Viens. Allons voir Albus, tu te fais du mal... »

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Le bureau d'Albus Dumbledore n'avait pas changé : c'était toujours un étrange cabinet de curiosités, une collection hétéroclite d'objets magiques, de livres anciens et de souvenirs. Des portraits enchantés de sorciers illustres ornaient les murs, murmurant entre eux dans une cacophonie à peine perceptible. Les étagères étaient remplies de livres aux reliures usées, de boîtes mystérieuses et de divers artefacts magiques.

Harry s'assit en face de Dumbledore, qui le regardait avec amusement, derrière ses lunettes en demi-lune : « Harry, mon garçon, que puis-je faire pour toi ? »

Hermione répondit pour lui : « Harry… Harry dit qu'il est retourné dans le passé plusieurs fois déjà… »

Dumbledore esquissa un sourire subtil : « Vraiment ? »

Harry inspira profondément, rassemblant ses pensées. « Monsieur, c'est la vérité. Il se passe quelque chose d'étrange. Depuis que… Voldemort m'a jeté ce sort, chaque fois que je meurs, je retourne dans le passé, au même jour. »

Dumbledore pencha légèrement la tête, ses yeux bleus scrutant attentivement Harry : « Quel sort, mon garçon ? »

« Je me souviens de ce qu'il a prononcé : Infinitas. C'est ce qu'il a dit. »

Dumbledore sembla réfléchir un instant, avant de doucement secouer la tête : « Ce sort n'existe pas, Harry. Ton histoire est extraordinaire, mais il est possible que le stress, la fatigue, te fassent croire en des choses qui ne sont pas réelles. »

Harry se redressa avec fermeté. « Professeur, ce n'est pas une illusion. Je le vis réellement. J'ai combattu Voldemort et j'ai été tué deux fois. »

Dumbledore sourit doucement. « Mon cher enfant, nous sommes sur le point d'entrer dans la phase décisive de cette guerre. C'est une période très angoissante pour toi. Je pense que tu es simplement épuisé et que ton esprit cherche des échappatoires à la pression qui pèse sur tes épaules. »

Harry se redressa avec rage et envoya plusieurs parchemins voler dans la pièce : « Je ne suis pas stupide ! Je sais encore différencier la fiction de la réalité ! » Hermione se recroquevilla sur elle-même et un lourd silence s'installa dans la pièce.

Finalement, le vieil homme parla de nouveau. « Harry, je te crois. Je suis certains que tu es persuadé de retourner dans le passé. Voici ce que je te propose : pour l'instant, concentrons-nous sur la tâche qui nous attend : le destin de tous repose sur tes épaules. Quand tu auras vaincu Tom, je trouverai une solution à ton problème. »

À ces mots, Harry comprit qu'il devrait trouver les réponses par lui-même.

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Harry n'avait pas chômé durant ces deux jours. Il avait commencé ses recherches, dans d'anciens manuscrits de la bibliothèque, et avait pu apprendre quelques nouveaux sorts intéressants. Il comprenait enfin (un peu) la passion d'Hermione pour les recherches. Qui aurait pu penser qu'un sorcier inventerait un sortilège pour transformer l'eau en poivre en grain ? Et pour quoi faire ? Il avait envie d'en savoir plus. De découvrir de nouvelles choses.

Il se dit que son « immortalité », s'il pouvait l'appeler comme ça, pourrait l'aider à développer facilement de nouvelles compétences. Finalement, bien malgré lui, il avait désormais tout le temps du monde, non ?

Quand la dernière bataille débuta, il se lança dans la mêlée sans crainte aucune de la mort.

« Tom ! » Rugit-il, évitant habilement plusieurs sorts. « Tom ! Montre-toi ! »

Un rire méprisant lui répondit. « Je suis là ».

Et c'était vrai. Voldemort se tenait à seulement quelques mètres de lui : « Harry Potter, le garçon qui a survécu… »

Harry se précipita sur lui.

Il maintenait Voldemort par le col de sa robe, les yeux plongés dans ceux du sorcier noir. La tension électrique entre eux était palpable et le sourire sarcastique de Tom ne faisait qu'attiser la colère grandissante de Harry.

« Qu'est-ce que tu m'as fait ? », cracha Harry, sa voix chargée de rage contenue.

Tom éclata de rire avec un air de défi : « Qu'est-ce que je ne t'ai pas fait ? »

Les deux ennemis étaient si proches que leurs respirations se mêlaient. Harry, ne pouvant contenir sa frustration, serra davantage le col de la robe de Voldemort : « Le sort ! Dis-moi quelle merde tu as lancé sur moi ! »

Tom ricana face à la colère d'Harry, « Mais quel sort, Harry Potter ? Notre combat n'a même pas commencé... »

Le visage d'Harry se durcit et il se rapprocha encore plus de Voldemort, murmurant d'une voix basse : « Infinitas. »

Les yeux de Voldemort s'éclairèrent soudainement d'une lueur de compréhension « Ho ! Ce sort-là ? » Il éclata de rire, comme si Harry venait de faire la meilleure plaisanterie du monde. « Combien de fois ? »

« Quoi ? »

Voldemort, insouciant, compléta sa phrase : « Combien de fois tu es déjà revenu ? »

Harry, serra les dents avant d'enfin lâcher le col de Tom : « Deux fois. »

Un rire cruel s'échappa des lèvres de Voldemort : « Seulement ? » Il se moquait ouvertement de la situation.

La colère explosa en Harry. Sans plus attendre, il lança un sort qui fendit l'air, tailladant la joue de Tom dans une gerbe de sang : « Débarrasse-moi de cette merde ! »

Tom essuya du bout des doigts le filet rouge qui gouttait le long de sa joue : « Je ne peux pas. »

« Tu mens ! » Harry hurla, enragé. Voldemort sembla prendre un certain plaisir dans ce tableau. Un nouveau sort de découpe le percuta. Il chancela. « Harry Potter… tu peux me tuer autant de fois que tu le souhaiteras, ça ne changera rien. Au bout du compte, je serais toujours là, dans ton passé. »

« Mais je peux… te faire souffrir. Eternellement. »

« Pas de cette façon. » Cette fois-ci, un rayon rouge fila en direction d'Harry et lui entailla la jambe. À nouveau, le garçon dû mettre un genou à terre. Voldemort s'approcha et releva son menton de sa baguette : « Voilà, c'est comme cela que j'aime te voir. Rampant devant moi. »

« Diffindo ! » hurla Harry. Une large plaie apparue sur le torse de Voldemort mais celui-ci ne sembla pas s'en préoccuper : « Harry Potter. Je suis né dans la douleur. Et je mourrais dans la douleur. Telle est ma destinée. Qu'elle est la tienne ? »

Harry, fusillant Tom du regard, cracha un jet de sang au sol : « Te détruire. »

Tom rejeta sa tête en arrière et partit dans un grand rire : « Alors tu as encore de nombreuses vies devant toi. »

Harry se redressa avec peine : « Alors dis moi ce que je dois faire pour briser le cycle. »

Tom s'approcha de lui et se pencha à son oreille. Harry senti l'odeur âcre du sang et de la mort envahir ses narines. « Tu dois… trouver par toi-même. Tu vas bientôt te rendre compte que tu ne peux compter que sur toi même. »

Un filet de bave coula le long de la mâchoire de Voldemort. Harry eu un mouvement de recul, de dégout. Mais l'homme lui saisit le poignet pour le tirer à lui : « Tu dois… finir ce que tu as commencé, Harry Potter. Tu dois trouver ton propre chemin. C'est un grand cadeau que je te fais. »

Harry enfonça sa baguette dans le ventre de Voldemort : « Quel cadeau, Tom ? » Ils ne formaient presque plus qu'un quand Harry hurla : « Confringo ! »

Il fut soufflé par l'explosion.

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Harry se releva avec difficulté, son corps endolori par l'intensité de la bataille. Le bourdonnement persistant dans ses oreilles témoignait encore de l'explosion qui avait marqué la fin du duel avec Voldemort. Il ne prit pas la peine de tourner son regard vers le sorcier noir pour savoir qu'il était définitivement vaincu.

Il avait gagné.

Encore.

Mais sa victoire lui laissait un goût amer dans la bouche.

Un cri résonna dans la confusion du champ de bataille : « Harry ! » Ron se précipita vers lui. L'aidant à se relever, il exprima son soulagement de le retrouver indemne.

La guerre était terminée, Harry avait accompli son rôle.

Il releva la tête, contemplant le champ de bataille et vit Dumbledore l'observer de loin, l'expression indéchiffrable.

« Mon pote, on va t'emmener à l'infirmerie ! » déclara Ron, soutenant Harry. Le trajet jusqu'à l'infirmerie fut flou, mais une fois là-bas, Madame Pomfresh prit soin d'eux.

Quelques jours plus tard, Harry se réveilla. Voyant les murs blancs de l'infirmerie autour de lui, un sentiment de soulagement l'envahit.

Cette fois, il n'était pas mort. Il se permit de se détendre légèrement. Il chercha rapidement sa baguette, mais celle-ci semblait introuvable. Il soupira. Il espérait ne pas l'avoir fait tomber sur le champ de bataille.

Hermione fit irruption dans l'infirmerie avec un cri : « Harry, tu es réveillé ! » Elle se précipita vers lui, inquiète. « Hermione, tu vas bien toi aussi. Je suis soulagé. » répondit Harry.

Ils échangèrent quelques banalités. Cependant, il remarqua rapidement que quelque chose semblait préoccuper Hermione. Cherchant à en savoir plus, il l'interrogea. Finalement, elle avoua : « Le professeur Dumbledore m'a envoyé te chercher. »

Harry soupira : « Que veut-il maintenant ? La guerre est finie. »

Hermione hésita un instant avant de répondre en détournant les yeux : « Il a dit que c'était important, Harry. Tu devrais le rencontrer. »

Un silence pesant s'installa. Harry acquiesça finalement : « D'accord, Hermione. Emmène-moi à lui. »

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Le phénix poussa une longue plainte déchirante.

Harry observa autour de lui.

Severus, la mine sombre, se tenait dans un coin du bureau de Dumbledore.

Albus souriait, comme à son habitude.

Hermione, visiblement mal à l'aise, se tortillait sur elle-même.

Un homme en costume-cravate, l'air guindé, occupait également la pièce.

Dumbledore, d'un geste encourageant, invita Harry à s'asseoir dans un fauteuil. Alors qu'il s'y installait, une sensation étrange l'envahit, comme si quelque chose s'enroulait le long de ses jambes.

« Harry, mon garçon, - commença Dumbledore, - veux-tu bien répondre aux questions de ce monsieur ? »

L'homme guindé scrutait chaque geste d'Harry comme s'il était une bête de foire : « Monsieur Potter. Avez-vous des maux de tête ou peut-être des douleurs ? »

Le regard qu'Harry lança à l'homme exprima clairement son agacement : « Je sors d'un combat contre le Seigneur des Ténèbres… Contre Voldemort (l'homme tressaillit et nota quelque chose dans un carnet)… Bien sûr que j'ai mal ! »

L'homme hocha la tête : « Monsieur Potter. Vous avez dit récemment être... (l'homme feuilleta son calpin) retourné dans le passé. Maintenez-vous ces déclarations ? »

Harry, perplexe, scruta les visages autour de lui. Snape resta impassible, Hermione évita son regard et Dumbledore lui adressa un sourire encourageant.

« Oui, je maintiens ce que j'ai dit. Non seulement je suis retourné dans le passé plusieurs fois, mais je suis aussi mort plusieurs fois. »

L'homme griffonna à nouveau quelque chose.

Harry sentit un soupçon d'agacement le parcourir. Il tenta de se relever, sans succès. « Qu'est-ce que… » Il se débattit, mais il semblait comme collé au fauteuil.

Dumbledore prit un ton apaisant : « Harry, mon garçon. Tu m'as demandé de trouver une solution à ton problème, n'est-ce pas ? - il se tourna vers l'homme guindé - Qu'en pensez-vous, Docteur ? »

« Docteur ? » Le cri d'Harry transperça la pièce.

Le phénix s'ébroua.

L'homme acquiesça : « Provocation, irritabilité, accès de violence, paranoïa aiguë, agitation, hallucinations... peut-être de la schizophrénie. Mais difficile de poser un diagnostic précis comme cela. Il serait plus simple si je pouvais amener le patient avec moi. »

Dumbledore approuva : « Faites, Docteur, faites. »

Harry rugit de rage, luttant pour se libérer.

Il se tourna vers Hermione : elle avait les larmes aux yeux : « C'est pour ton bien, Harry. »

Il regarda Dumbledore qui l'observait par-dessus ses lunettes en demi-lune.

Alors que le docteur l'emmenait de force, le faisant léviter, il hurla sa dernière carte : « Severus ! Severus, vous devez me croire ! La... la serre ! (Severus l'observa avec attention) La troisième serre. La trappe ! Vous lisiez là-bas, avec ma mère ! Je n'ai rien inventé ! »

Severus ne répondit pas, impassible.

Harry hurla à nouveau, avant de se faire emmener : « Je ne suis pas fou ! »

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La cellule de confinement était un autre monde. Immaculé de blanc. Les murs épais, renforcés, semblaient dévorer tout son être, étouffant le moindre son dans un silence oppressant.

Un lieu qui aurait pu rendre fou un esprit sain, pensa Harry.

Désormais pieds nus, il ne se trouvait vêtu que d'une simple robe d'hôpital blanche.

Ils lui avaient tout pris, jusqu'à sa rage.

Les jours se succédaient sans distinction, dans une monotonie implacable.

Dans ce néant temporel, Harry avait perdu tout repère, incapable de savoir depuis combien de temps il était prisonnier de cette cellule aseptisée.

Ses souvenirs se mélangeaient, noyés dans un brouillard médicamenteux qui le maintenait dans un état de semi-conscience.

Un matin, ou peut-être était-ce un après-midi, un souffle discret se fit entendre à ses côtés. Harry tourna lentement la tête. Severus Snape était apparu, le scrutant, les sourcils froncés : « Monsieur Potter... »

Il sortit une fiole de sa cape et la tendit à Harry. Sans poser plus de questions, par habitude, le garçon but la potion. La brume dans son esprit sembla légèrement s'estomper. Il marmonna, essayant d'articuler :

« Je ne... suis... pas... fou... » Les mots sortaient difficilement.

Severus se pencha vers lui. Harry répéta, faisant de son mieux pour articuler.

« Monsieur Potter, vous ne pouvez pas rester là. Ils vont finir par vous tuer... »

Harry rejeta son corps en arrière et observa le plafond : « Qu'ils… le fassent. »

Severus s'assit à même le sol, essayant de se mettre à hauteur du garçon : « Vous avez mentionné la serre. »

Harry le regarda, hébété.

Severus précisa : « La serre dans laquelle Lily, votre mère, et moi allions lire, quand nous étions jeunes. »

Harry papillonna. Cela lui rappelait vaguement quelque chose : « Oui... je crois... oui. »

Severus le questionna, patiemment : « Qui vous l'a dit ? »

Harry releva ses yeux vides vers lui : « C'est... vous... qui me l'avez dit. »

« Quand ? Je ne me souviens pas vous l'avoir mentionné. »

« La... première fois. »

Le visage de Severus était sérieux : « Vous voulez dire, la première fois que vous êtes retourné dans le passé ? »

Harry le scruta mollement, semblant essayer de le jauger : « Oui. »

Severus se redressa : « Tout d'abord, nous devons sortir d'ici. Discrètement. »

Harry tenta de se lever, mais ses jambes cédèrent sous lui : « Pourquoi ? »

Severus prit le garçon par le bras et le releva : « Disons que je ne suis pas venu ici... tout à fait légalement. »

Un fou rire prit Harry : « Le... le professeur Snape... qui... qui transgresse les... »

Severus serra son bras un peu plus fort : « Je sais. Hilarant. Taisez-vous maintenant. »

Le couloir grouillait de monde.

Snape prit Harry par les épaules et encra son regard dans le sien : « Monsieur Potter, je vais avoir besoin de toute votre concentration. Je connais un endroit, caché, où vous pourrez vous réfugier. Vous lui direz que vous venez de ma part et il vous accueillera. En attendant, vous devez fuir. Je vais faire diversion. Vous prendrez la sortie de secours, descendrez les escaliers. Vous me suivez ? Ensuite, vous m'attendrez vers la zone de transplanage. Je vous indiquerai où aller. Vous pensez y arriver ? »

Harry regarda d'un air étonné autour de lui.

Les gens se pressaient sans faire attention à eux.

« Monsieur Potter. » La voix pressée de Severus attira son regard. Il hocha vaguement la tête.

Severus posa une main sur sa tête et, sans un mot de plus, partit dans la direction opposée.

Une alarme incendie se déclencha.

Doucement, Harry prit le chemin de la sortie de secours.

Un mouvement de foule le porta plus rapidement vers la cage d'escalier.

Il se laissa emporter.

L'escalier qu'il devait emprunter semblait sans fin. Une vertigineuse descente.

Il trébucha.

Son corps l'entraîna vers l'avant et il fut incapable de se retenir.

Il n'était pas certain d'en avoir envie non plus.

Il roula sans ménagement, telle une poupée désarticulée, en bas des escaliers.

Le choc le laissa sonné.

Allongé sur le sol, il regardait d'un air éteint le plafond qui pulsait de rouge sous la lumière de l'alarme.

Les sorciers se précipitaient vers la sortie, l'ignorant, contournant soigneusement son corps.

Il n'avait pas mal.

Non.

Il n'avait plus mal.

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Noir.