Hello tout le monde ! Aujourd'hui, un chapitre beaucoup plus long que lundi mais un chapitre charnière pour nos deux protagonistes ! Sans plus attendre, je vous laisse les retrouver et vous souhaite une bonne lecture !


Mercredi 6 décembre 2023

CHAPITRE TROIS: FINGERTIPS – TOM GREGORY

Sing for me my darling

Won't you sing it for me

Let my fingertips keep playing your sweet melody

Dean n'était pas sûr d'avoir été aussi à l'heure de toute sa vie. Ce n'était pas qu'il n'était pas ponctuel, c'était plutôt qu'il se révélait plutôt tête en l'air, oubliant parfois les rendez-vous les plus importants qu'il ne prenait presque jamais la peine de noter juste pour faire mentir Sam qui lui disait qu'il devrait le faire – et malheureusement pour Dean, son casse-pieds de petit frère avait raison – et qu'il se rappelait donc trop tard de l'endroit où il devrait être. Son rendez-vous de ce soir n'entrait pas du tout dans cette catégorie. Dean aurait été incapable de l'oublier tant il était nerveux.

Cependant, ce soir-là, il n'était pas encore dix-neuf heures qu'il se trouvait sous le perron de l'immeuble de Cass, adossé au mur à attendre que le doctorant ne le rejoigne, fébrile. Dean se demandait si un rendez-vous l'avait déjà mis dans un tel état de nerfs. Sans doute pas. Cass était le premier avec qui il ne voulait pas précipiter les choses. C'était le premier avec qui il avait peur que la moindre erreur ne ruine toutes ses chances. D'habitude, si on refusait ses avances, il ne s'en formalisait pas. Il n'avait jamais de mal à trouver quelqu'un d'autre. Il remerciait la nature pour cela. Mais avec Cass, c'était différent. Il ne voulait pas tout gâcher. Pour la première fois de sa vie, il ne voulait pas se contenter d'une histoire d'un soir avec un inconnu – même si Castiel ne l'était plus vraiment – il voulait prendre son temps, il voulait que Cass voie autre chose en lui qu'un corps à serrer dans l'intimité des draps froissés. Il ignorait ce que Castiel avait bien pu faire pour transformer de la sorte ses désirs. Pourtant, pour la première fois, Dean ne trouvait plus aucun attrait à visiter tous les bars du coin. Cela l'effrayait un peu d'avoir tant changé à cause d'une seule personne mais il avait décidé de ne pas trop y penser. Pas pour le moment.

Dean inspira à pleins poumons, se forçant à se calmer avant de se tourner vers la fenêtre juste à sa droite. Même si les rideaux étaient tirés, il pouvait voir son reflet. Il passa une main dans ses cheveux, histoire de les arranger un peu avant de réajuster le col de sa chemise. Il n'avait pas opté pour une tenue trop recherchée. De toutes façons, il aurait dénoté parmi les métalleux venus applaudir ses amis. Alors il s'était vêtu de son habituel jean, d'un tee-shirt noir et sobre et d'une chemise à carreaux rouges par-dessus, avant d'enfiler sa veste de cuir élimée par les ans. Il laissa échapper un soupir. Il avait envoyé un message à Castiel pour lui faire savoir qu'il l'attendait il y'avait de cela cinq minutes et depuis, il ne pouvait empêcher son estomac de se tordre d'angoisse. Et s'il annulait, se rendant compte que, tout compte fait, il n'était pas intéressé?

«Bonsoir Dean.

Le susnommé sursauta violemment en entendant la voix grave et suave de Castiel et se tourna d'un bond qu'il espérait masquant son tressaillement. Le doctorant lui faisait face et Dean ne put retenir le sourire qui illumina son visage à sa vue. Il était encore plus beau que dans son souvenir. Ses cheveux bruns constamment en bataille qui faisaient naître dans l'esprit de Dean des pensées tout à fait indécentes, son regard d'un bleu presque surnaturel tant il était profond, ses lèvres pulpeuses qui hypnotisèrent Dean l'espace d'un instant. Il portait une chemise blanche par-dessus un jean, ce qui lui donnait un air un peu moins formel que le jour où Dean l'avait vu pour la première fois. Il avait également abandonné la cravate – et Dean nota qu'il avait laissé les premiers boutons de sa chemise ouverts – mais il ne semblait pas possible de le séparer de son trench coat.

– Salut Cass, dit-il sans se départir de son sourire.

Peut-être aurait-il dû faire un geste dans sa direction mais il n'avait aucune idée de comment Castiel prendrait la chose. Alors Dean resta immobile à le regarder, à un mètre de lui. Il finit par s'éclaircir la gorge en se demandant si le doctorant était aussi nerveux que lui et dit en désignant sa voiture garée un peu plus loin:

– On y va ?

Castiel acquiesça et le suivit jusqu'à la Chevrolet.

– C'est donc ta fameuse Impala?

Dean esquissa un grand sourire.

– Yep. En chair et en os. Enfin, en métal et en tôle mais tu vois ce que je veux dire…

Il suivit le regard de Cass qui détaillait la voiture avec attention et ne put s'empêcher de songer à ce que lui ferait ce regard s'il se posait ainsi sur lui. Et il sentit une intense chaleur naître dans ses entrailles. Dean se força à se calmer. Ça n'était clairement pas le moment de tout gâcher avec des pensées… inappropriées. Il s'agissait de ne pas brusquer Castiel. Il se doutait que son empressement habituel qu'il se donnait tant de mal à réprimer braquerait le doctorant. À sa place, cela l'aurait sans doute braqué aussi.

Il se rendit soudain compte que Castiel ne regardait plus l'Impala mais lui et il dut de nouveau s'éclaircir la gorge et détourner la tête pour masquer sa gêne. Ce regard… Il l'incendiait. Dean contourna sa voiture pour ouvrir la portière passager et, s'inclinant bassement dans une attitude très théâtrale, il déclara en tendant une main:

– Je vous en prie.

Il surprit le sourire amusé sur les lèvres de Castiel et sentit son cœur rater un battement face à cette petite victoire. Il attendit que Cass soit installé pour refermer la portière et s'asseoir derrière le volant. Il démarra le moteur presque aussitôt et bientôt, l'Impala s'insérait dans la circulation. La radio diffusait une musique inintelligible qui meublait le silence régnant dans l'habitacle.

– Tu as des amis musiciens, alors? demanda soudain Castiel et Dean le bénit de rompre le silence. Parce que cela serait si étrange d'avoir des discussions de plusieurs heures par SMS et d'être incapables de se parler quand ils se revoyaient enfin. Il se mordit la lèvre et hésita quelques secondes avant de répondre.

– Oui. Ils ont créé le groupe à cause d'un défi quand on était ados.

Castiel acquiesça pour lui signifier qu'il l'avait entendu. Entre temps, ils avaient atteint leur première destination. Dean effectua un créneau sous les yeux impressionnés de Castiel qui n'avait jamais réussi à maîtriser un seul volant de sa vie et avait décidé de s'en tenir éloigné depuis qu'il avait failli détruire la voiture familiale, de son propre aveu. Ils sortirent de l'Impala avant que Dean n'ouvre obligeamment la porte du bar à Castiel et l'entraîne jusqu'à une table à l'écart. Il s'éclipsa l'espace d'un instant pour leur commander à boire au comptoir.

– Et toi, tu as un hobby en particulier? fit Castiel quand il revint à leur table, comme si la conversation n'avait pas été interrompue quelques minutes plus tôt.

– Disons que j'aimais bien gratter quelques cordes il y'a peut-être cinq ans de ça, mais je n'ai plus vraiment le temps. J'ai sûrement tout perdu maintenant.

– Ca ne te manque pas?

Dean haussa les épaules.

– J'ai tout mis de côté quand il a fallu économiser pour payer ses études à Sam. Mon père était… bah il était trop ivre mort pour en avoir quelque chose à foutre… pardon.

Mais Castiel ne semblait pas lui tenir rigueur de son brusque accès d'amertume.

– Ma mère était incapable de gérer les frais toute seule et c'est pas comme si notre famille pouvait nous aider ou que la banque accorderait un prêt à une mère célibataire avec deux enfants à charge, même avec une garde alternée alors… alors j'ai commencé à enchaîner les boulots. J'en ai même cumulé plusieurs. Je peux t'assurer qu'entre les cours et mes contrats… j'avais que le temps de dormir. Sam l'a jamais su, bien sûr. Il pensait que j'économisais pour un road trip une fois mon diplôme en poche. Il a réussi à obtenir une bourse et avec ce qu'on a mis de côté ma mère et moi, on a réussi à lui obtenir un prêt et lui offrir sa place à Stanford. Il la méritait de toutes façons. Je regrette pas ce que j'ai fait et ce que je fais encore pour qu'il puisse réaliser son rêve. Peut-être que ma liberté me manque un peu des fois, c'est vrai, mais… je ferai n'importe quoi pour mon frère.

Dean sourit. Pendant longtemps, Sam avait été son unique priorité. Quand ils se retrouvaient chez leur père, après la séparation de John et Mary, c'était Dean qui veillait sur Sam, qui s'occupait de lui parce que John traînait au fond des bars à noyer sa peine dans des bouteilles d'alcool fort. Peut-être qu'il valait mieux en fin de compte. Parce que quand Dean croisait John, ça n'était que pour recevoir des insultes. Les semaines qu'ils passaient chez sa mère étaient le rare répit qu'il s'autorisait à l'époque. C'était souvent là-bas qu'il s'abandonnait dans les bras d'inconnus qu'il refusait de revoir. Une habitude qu'il avait encore jusqu'à très récemment.

Une main sur la sienne interrompit le fil de ses pensées et Dean sentit son estomac se tordre agréablement quand il vit le sourire attendri de Cass.

– Il a de la chance de t'avoir.

Dean rit.

– Ca, j'en sais rien. Moi, en tout cas, j'en ai beaucoup de l'avoir.

Sans Sam, Dean ignorait où il serait aujourd'hui. Son soutien et sa présence lui avaient permis de tenir pendant la période la plus sombre de sa vie.

– Je suis sérieux. Les gens comme toi sont rares. Tu es quelqu'un de bien, Dean Winchester.

Dean baissa les yeux, ses joues se colorant de rouge face au compliment qu'il recevait. Il n'avait pas l'habitude. Et Cass semblait mettre un point d'honneur à pointer ses qualités ce qui le mettait mal à l'aise autant que cela lui faisait plaisir. Il ne savait pas comment réagir. Il ne savait pas s'il méritait ces mots-là. Heureusement, le serveur le sauva de sa gêne en apportant leurs boissons. Il repartit sans un mot. La main de Castiel finit par quitter la sienne pour se saisir de son verre et il le souleva avec un léger mouvement en direction de Dean. Celui-ci l'imita et vint trinquer avec Cass:

– Santé! lança-t-il avec un sourire.

– Santé, répondit Castiel en lui rendant son sourire.

Ils burent une gorgée de bière sans se quitter des yeux. Quand Dean eut avalé le liquide, il lança:

– Et toi, Cass? Une passion?

– J'écris quelques poèmes. Mais je ne suis même pas sûr d'être doué. Ça m'aide à mettre mes pensées à plat, à relâcher la pression. Je ne t'apprends rien, l'art est très cathartique.

Dean hocha la tête et sirota sa bière. Il se demandait à quoi pouvait bien ressembler les vers de Cass. S'ils ressemblaient… Dean secoua la tête. Une nouvelle fois, ça n'était pas le moment. D'un même mouvement, il extirpa une cassette de sa poche avant de la glisser vers Castiel.

– En parlant d'art… je te l'avais promis.

Le jeune homme s'en saisit avant de lire ce que Dean avait écrit dessus. Dean's Top 13 Zepp Traxx. Castiel releva la tête et croisa le regard de Dean qui lui sourit.

– Une petite sélection du meilleur de Led Zeppelin, expliqua-t-il.

– Une cassette? interrogea Cass.

– J'aime bien faire à l'ancienne.

Et il lui adressa un sourire en coin qui fit rosir Castiel à son grand plaisir. Il aimait beaucoup trop voir la rougeur naître sur les joues du jeune homme. Cela ne le rendait que plus adorable et Dean ne s'en lasserait probablement jamais.

– Merci Dean.

Et il lui sourit de ce sourire si candide qu'il faisait fondre le cœur de Dean ce qui était on ne peut plus stupide. Il n'était pas comme ça. Il vit que Castiel aspirait une autre gorgée de bière avant de se mordre la lèvre inférieure et de poser un regard incertain sur lui. Dean, sans trop savoir comment, était persuadé que c'était un signe annonciateur qu'il allait tenter quelque chose qu'il n'avait pas l'habitude de faire.

– Je peux te poser une question?

Dean acquiesça.

– Est-ce que tu gardes cette cassette au fond d'un tiroir en attendant de pouvoir la donner à l'une de tes conquêtes?

Un sourire étira les lèvres de Dean et il le masqua dans son verre.

– Non. Tu es le seul avec qui j'ai partagé ça. Même si j'avoue que je ne l'ai pas enregistrée hier. Ça fait longtemps que je l'ai. Je veux dire… mon père a séduit ma mère avec une chanson de Led Zeppelin et… enfin, j'imaginais que… Mais étant donné comment les choses se sont terminées entre eux c'était peut-être pas une si bonne idée…

De nouveau, Castiel posa sa main sur la sienne et Dean se sentit rougir. Il croisa son regard. Dean sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine alors que Cass lui souriait.

– Je ne sais pas pourquoi je suis comme ça avec toi, Cass. Je dois vraiment passer pour un con. Sérieux, je… j'arrive pas à aligner deux mots alors que d'habitude…

Castiel serra un peu plus les doigts sur sa main.

– Eh, Dean. Tout va bien.

Il baissa un instant les yeux avant de reprendre, à voix basse.

– C'est plutôt rassurant de voir que je ne suis pas le seul à me sentir dépassé par tout ça.

Un rire franchit la barrière des lèvres de Dean.

– On est une belle brochette d'imbéciles, hein?

Pour toute réponse, Castiel sourit. Pendant un moment, ils ne firent que s'observer par-dessus la table jusqu'à ce que Castiel ne finisse par se rendre compte que ses doigts serraient toujours ceux de Dean. Il retira sa main, laissant une étrange sensation de froid sur celle du serveur qui n'en laissa pourtant rien paraître.

– Dean?

– Oui?

– Je…Je pense qu'on devrait arrêter de se mettre la pression.

Castiel déglutit, comme si ce qu'il s'apprêtait à dire était difficile ou comme s'il cherchait le courage pour le dire.

– Ça serait bien plus agréable comme ça. Et puis… si ça ne marche pas… on pourra toujours rester amis, n'est-ce pas?

Dean ne sut jamais s'il avait imaginé la lueur déçue dans les yeux de Castiel quand il déclara ceci.

– Tu as raison.

Même si comme la première fois, son cœur se serra. Ça n'était pas normal d'en attendre tant d'une relation qui sortait à peine de l'œuf. Ça n'était pas normal de vouloir tant goûter aux lèvres de Cass. Il y'a une semaine, il ne savait même pas qu'il existait. C'était sans doute pour cela que le doctorant avait raison. Ils devaient laisser le temps au temps et il arriverait ce qu'il devait arriver. Dean n'avait pas de prise sur ses désirs. Il n'essaierait pas d'en avoir sur le futur de cette étrange amitié. Si Cass restait dans sa vie, cela serait suffisant. Il ferait en sorte que ce soit suffisant.

Dès lors que la décision fut prise, il se força à se détendre. Et étrangement, ce ne fut pas aussi difficile qu'il avait cru que cela serait. En fait, c'était tellement facile de se sentir à l'aise avec Cass. Tout était naturel en sa compagnie et c'était aussi dérangeant qu'agréable. Dean n'avait jamais ressenti ça avec n'importe qui d'autre.

Pendant de longues minutes, ils échangèrent des anecdotes de leurs enfances, ils parlèrent de la difficulté de se rendre compte qu'ils étaient différents quand tous les autres garçons regardaient en direction des filles.

– Heureusement que j'ai eu Charlie à ce moment-là… j'étais complètement paumé. C'est elle qui m'a fait comprendre que j'étais gay. Et que c'était pas une mauvaise chose, quoi qu'en dise mon père. J'ai eu du mal à l'accepter, ça m'a pris du temps – des mois – mais je sais pas ce que j'aurais fait sans elle. Je serai sûrement pas en train de te parler en fait. J'aurais tout enterré au fond de moi et j'aurais fait comme si.

Dean marqua une pause dans son discours.

– Peut-être que ça ne serait pas tant le bordel dans ma famille…

– Ne dis pas ça.

Dean fronça un sourcil, intrigué par le ton tranchant, sans appel de Castiel. Il croisa son regard et le doctorant le fixait, ses yeux bleus à la fois impénétrables et intransigeants.

– Tu n'es pas responsable de la séparation de tes parents, Dean.

– Tu ne sais pas ce qu'il s'est passé.

Dean se saisit de son verre pour masquer les tremblements de sa main. C'était étrange, mais cette partie de sa vie qu'il n'avait jamais déterrée depuis des années, il avait envie de la confier à Castiel. Ça n'avait aucun sens et pourtant…

– Je l'ai su quand j'avais treize ou quatorze ans. Disons que j'avais plus ou moins résolu de ne pas en parler à ma famille. Du moins tant que ça serait pas vraiment sérieux avec quelqu'un. Peut-être que je me doutais déjà du fiasco que ça allait être.

Dean déglutit avec difficulté sans oser regarder Castiel. Mais il sentait le regard de ce dernier qui pesait sur lui.

– Sauf que deux ans plus, tard, alors qu'un de mes amis qu'on avait invité pour dîner ne s'arrêtait jamais de parler des filles qu'il avait ramenées chez lui, mon père m'a demandé quand est-ce que moi, je lui présenterai une fille.

Cette fois, il risqua un coup d'œil vers Castiel, juste à temps pour voir qu'il déglutissait. Pourtant, son regard ne le lâchait pas et quand il accrocha le sien, Dean se trouva incapable de détourner les yeux, quand bien même la confession serait plus dure maintenant qu'il pouvait distinguer toutes les émotions de Cass.

– Je te laisse imaginer ma réaction. Personne savait à l'époque à part Charlie. Et mon père et ce gars, ils ont commencé à insister, à se faire pressants. Je réagis très mal sous la pression.

Il marqua une pause tandis que ses jointures blanchissaient autour du verre. Il vit que les yeux de Castiel dérivaient, comme s'il disait silencieusement qu'il voulait prendre sa main et Dean l'aurait sans doute laissé faire. Mais Cass se contenta de plonger à nouveau son regard dans le sien.

– J'explose. J'ai hurlé quelque chose qui devait ressembler à «Mais merde à la fin, foutez-moi la paix! Y'aurait jamais de putain de fille! Parce qu'elles m'ont jamais fait bander !». Je te concède que c'est sûrement la pire façon d'annoncer qu'on est gay mais j'ai jamais fait dans la dentelle. J'allais pas commencer ce jour-là.

Dean se mordit la lèvre. Il n'avait pu empêcher l'amertume et l'ironie de transparaître de ses mots. Pourtant, c'était la seule façon qu'il avait trouvée pour se protéger de son passé. L'observer sous le prisme de la colère.

– Ensuite y'a eu un bruit de verre brisé… Ma mère revenait de la cuisine avec le plat qu'elle a fait tomber et qu'elle a cassé. Après silence de mort. Tout le monde me fixait comme si je venais de dire que j'avais tué quelqu'un. En un sens c'était vrai. J'avais tué le fils prodige.

Cette fois Castiel prit sa main dans la sienne, si vite que Dean ne le vit même pas tendre les doigts. Était-ce une impulsion? En tout cas, il ne voulait plus laisser s'en aller cette main. Le soutien qu'elle lui fournissait, il en aurait besoin, s'il ne voulait pas sombrer une nouvelle fois.

– J'avais l'impression d'avoir tiré un coup de feu ou un truc du genre. Mon «ami», et Dean prit soin de mimer les guillemets de sa main libre, a dit quelque chose dans le genre «Tu plaisantes, mec, hein? T'es pas… t'es pas…». Il a jamais dit le mot mais je l'ai entendu, crois-moi. Et puis son regard parlait pour lui. Pendant un moment, je me suis dit que je pouvais encore nier. Mais ça servait à rien. Mon père me regardait. Ma mère me regardait. Même Sam me regardait mais lui c'était plutôt parce qu'il n'était pas certain d'avoir compris pourquoi tout le monde était silencieux d'un coup.

Dean déglutit. Castiel serra ses doigts dans les siens plus fort et le jeune homme lui adressa un sourire par-dessus leurs mains liées.

– J'ai fait non de la tête. Je ne sais pas pourquoi mais ma voix était bloquée dans ma gorge à ce moment-là. J'étais incapable de dire un mot. Mon père s'est levé. Il m'a demandé encore une fois de confirmer. J'avais tellement de mal à le regarder dans les yeux. Mais je l'ai fait et j'ai soutenu son regard. Il arrêtait pas de répéter que «C'était pas possible, que son fils pouvait pas être une tapette.». J'ai juste répondu «qu'on dirait bien que si.» Et là, mon père m'a regardé…

Dean revoyait encore le regard fou, l'avertissement qu'il lui avait adressé. Il ressentait encore la peur panique qui l'avait saisi ce jour-là.

– Dean… tu… tu n'es pas obligé…

Mais l'interpellé secoua la tête. Maintenant qu'il avait commencé, il devait terminer. Il devait terminer sinon les images ne cesseraient de le hanter cette nuit. Castiel le regardait avec une expression à mi-chemin entre la compassion et l'indignation. Dean détestait cette expression sur son visage et il s'en voulut presque d'avoir décidé de se décharger. Mais c'était étonnamment bénéfique.

– Il a fait un pas vers moi. Et dans son regard, c'était comme si…

– Dean…

Mais Dean l'entendait à peine, plongé dans le souvenir.

– Cette fois, ma mère a bougé. Je crois que ça a sorti mon père de sa transe et il m'a hurlé de me foutre le camp. Il a dû dire une dizaine d'autres choses en rapport avec le fait que j'étais une honte pour la famille, moi la petite pédale. Je sais pas et je veux pas savoir. J'ai reculé en le regardant – j'avais trop peur qu'il me frappe par-derrière – et une fois que j'ai estimé être assez loin, j'ai couru et j'ai pris la porte. Ce soir-là, je suis allé me réfugier chez l'ami de mon père. Celui dont je t'ai parlé. Il m'a recueilli. Je suis resté chez lui pendant plusieurs jours. Quand je suis revenu, c'était le bordel. Mes parents se hurlaient dessus et Sam s'était terré dans sa chambre parce qu'il en avait marre de les entendre se disputer.

Dean eut un pauvre sourire tandis qu'il observait Castiel. Ce dernier l'observait en retour, de nouveau impénétrable et intransigeant.

– Ca ne te rend pas pu responsable de leur séparation, Dean.

Dean rit doucement, mais le cœur était loin d'y être.

– Comment tu peux dire ça?

– Je ne nie pas que ça a sans doute déstabilisé l'équilibre familial, Dean. Mais c'est parce qu'il était déjà fragilisé. Ton coming out n'est certainement pas ce qui a causé la séparation de tes parents. Ils ne devaient plus s'entendre depuis longtemps. Ils ne vous le montraient pas, c'est tout. Ils ne voulaient pas vous inquiéter. Mais quand c'est arrivé… tu l'as dit toi-même, ton père t'a mis à la porte. Ta mère ne l'a probablement pas supporté et tout a volé en éclats. Mais tu n'es pas responsable, Dean. Tu m'entends? Tu n'es pas responsable.

Dean avait baissé la tête et contemplait le fond de son verre sans vraiment le voir. Il leva les yeux et adressa à Castiel un regard par-dessus ses cils. Il semblait toujours aussi convaincu par ce qu'il disait.

– Comment peux-tu en être si sûr?

– D'abord parce que j'ai étudié l'humanité sous toutes ses formes. J'ai quelques notions en psychologie humaine. Ensuite parce que j'ai sensiblement vécu la même situation. C'était… je crois que Nick avait quinze ans. Gabriel et Balthazar n'étaient pas loin. Moi j'avais dix ans, à peine. Ils n'arrêtaient pas de se disputer et puis un jour, mon père a claqué la porte de la maison et il est parti. Lucifer, Gabriel et Balthazar ont cru que c'était leur faute. Plus tard, on a compris que le succès de mon père lui était monté à la tête. Il avait… il a eu une aventure avec l'une de ses fans et puis… ça n'allait pas fort entre ma mère et lui. Il était omnibulé par ses livres, il ne faisait plus attention à elle. Ils se disputaient sans cesse, quand on était pas là, quand on dormait… Et un jour, ça a été la dispute de trop, il a claqué la porte, il est parti avec cette fille, seulement pour revenir six mois plus tard. Ma mère avait eu le temps de faire la part des choses et elle lui a pardonné. Mais ça n'était pas la faute de mes frères, loin de là. Et ce n'est pas ta faute non plus si tes parents se sont séparés. En fait, tu les as sûrement aidés à comprendre que ça n'allait plus entre eux.

Dean médita les paroles de Cass. Peut-être avait-il raison. Peut-être que ses parents s'étaient trop aimés et que la vie les avait contraints à ne pas pouvoir le faire comme ils le voulaient. Peut-être que les fréquents déplacements de sa mère pour le travail les avait éloignés quand John devait gérer l'éducation de ses fils sans sa femme et peut-être qu'elle avait eu trop d'ambition pour que cela fonctionne entre eux. Peut-être que tout avait éclaté quand Dean avait brisé le frêle équilibre qui s'était formé, le jour où il avait avoué qu'il aimait les garçons. Peut-être n'avait-il été qu'un élément déclencheur. Dean sourit à Castiel. C'était un sourire timide, pas un véritable, mais c'était déjà quelque chose et celui que lui rendit le doctorant quand il comprit sa victoire valait tout l'or du monde.

– Merci.

– Je n'ai rien fait de spécial, répondit Castiel, sans cesser de sourire.

– Alors tu ne t'en rends vraiment pas compte.

Il y'eut un instant de silence pendant lequel ils ne firent que se contempler, par-dessus leurs cils.

– Tu sais, je comprends que tu ne veuilles pas le dire à ta famille. Et j'imagine que ce que je viens de te raconter ne t'y encourage pas. Je te dirais pas que c'est facile parce que c'est faux. J'ai rayé mon père de ma vie et ma relation avec ma mère est… différente.

Dean marqua une nouvelle pause.

– Mais j'aurais jamais pu vivre sans être pleinement moi-même et ça aurait fini par ressortir un jour ou l'autre.

Sans lâcher la main de Castiel, Dean prit une gorgée de bière, en grande partie pour se redonner contenance.

– Je… Merci de ta confiance, Dean. Je me doute que ça n'était pas facile de… repenser à tout ça.

Dean lui adressa un léger sourire. C'était un euphémisme mais il avait le sentiment que Castiel le savait tout autant que lui. Son regard le lui soufflait.

– Tu es la troisième personne, en dehors du cercle familial, à connaître l'entièreté de cette histoire.

Les deux autres étant Bobby et Charlie. Les lèvres de Castiel s'entrouvrirent en un «oh» de surprise et pendant un moment, il eut l'air de ne pas savoir quoi répondre. Dean se demanda fugacement si cette confession n'avait pas été trop violente. Il secoua la tête et soudain, Castiel pressa un peu mieux ses doigts dans les siens, dans un remerciement muet.

– Je peux te poser une question, Cass?

L'interpellé sourit, un peu tristement.

– Je pense qu'après ce que tu viens de me dire, tu as le droit de poser toutes les questions du monde.

– Pourquoi tu penses que ta famille ne l'acceptera pas?

Castiel se mordit nerveusement la lèvre avant de répondre.

– Difficile de s'accepter quand on te bassine depuis l'enfance qu'être gay est une abomination qui te vaudra de rôtir en Enfer. Et mes parents n'avaient pas vraiment l'air de réprouver les sermons du prêtre…

Cette fois, ce fut Dean qui serra la main de Castiel dans la sienne.

– Ils ont déjà…

Cass secoua la tête.

– Pas explicitement. Mais ils n'ont jamais dit qu'ils approuvaient non plus.

Dean sourit tristement. Distraitement, son pouce se mit à caresser la peau de Castiel qui se figea. Dean se mordit la lèvre. Il cessa son geste inconscient mais ne lâcha pas les doigts du doctorant.

– Je te l'ai déjà dit, Cass, mais prends ton temps. Quand tu penseras que c'est le bon moment…

– Je voulais leur dire, tu sais, le coupa soudainement le doctorant. Le soir où nous nous sommes rencontrés. Je n'en ai pas été capable…

Il baissa la tête, contemplant le fond de son verre presque vide.

– Cass. Cass, regarde-moi.

Les prunelles bleues se fixèrent soudain dans les siennes.

– Tu as essayé. Ça veut dire que tu es sur le bon chemin. Sois patient. Je suis sûr que tu trouveras le bon moment.

Au bout de près d'une minute, Castiel lui sourit.

– Merci, Dean.

Ils se sourirent, les yeux dans les yeux, jusqu'à ce que ceux de Dean ne tombe sur la montre au poignet de Castiel. Il put aviser l'heure et jura entre ses dents.

– Oh merde. On va être en retard…

Castiel dégagea sa main de celle de Dean – au grand regret de ce dernier – et à son tour, consulta sa montre.

– On devrait y aller dans ce cas.

Dean acquiesça et sortit un billet de sa poche, qu'il posa sur la table avant d'enfiler sa veste. Castiel l'avait imité et l'instant d'après, ils sortaient du bar pour rejoindre l'Impala.


Dean gara la voiture dans une rue déserte. Castiel ouvrit la portière et s'extirpa du véhicule tout en jetant un œil autour de lui. Il ne connaissait pas ce quartier. Depuis la ruelle où ils se trouvaient, il pouvait percevoir les accords des basses d'une boîte de nuit. Quand il se tourna vers Dean, celui-ci l'attendait. Castiel le rejoignit en quelques enjambées.

Si la première fois qu'il l'avait vu, Dean portait la traditionnelle tenue des serveurs, cette fois-ci, il affichait un look bien plus décontracté ce qui, au grand damne de Castiel, n'enlevait rien à son charme. Au contraire. À croire que Dean pouvait être beau en toutes circonstances. Sa propre pensée le fit rougir et Castiel préféra la chasser au fond de son esprit. Il pourrait y resonger une fois seul et en sécurité dans son appartement.

Dean l'entraînait vraisemblablement vers la boîte de nuit. Il le suivit silencieusement jusqu'à l'entrée de celle-ci où se massaient déjà un grand nombre de personnes. Castiel perçut quelques coupes de cheveux aux couleurs criardes, des jambes féminines couvertes de bas résille, de nombreuses vestes en cuir noir et des tatouages en tous genres. Il se sentit quelque peu à l'écart au milieu de ces gens, comme venant d'un autre monde.

Dean se plaça derrière lui et étrangement, sa présence dans son dos eut le don de l'apaiser. Il tourna la tête vers lui et lui adressa un sourire. Dean le lui rendit et il sentit que quelques papillons s'envolaient de son estomac.

– Tu vas voir, le Roadhouse a une super ambiance. C'est le frère adoptif de Jo, une des membres du groupe, qui le tient.

La foule avança de quelques pas. Dean et Castiel suivirent le mouvement. Ce dernier fit de son mieux pour ne pas penser qu'il se trouvait au beau milieu d'un grand nombre de personnes. Il n'était pas ochlophobe mais il n'aimait pas non plus les grandes marées humaines. Il avait toujours préféré sa propre compagnie à celle du reste de l'humanité, ce qui expliquait sûrement son nombre très restreint d'amis. Quelqu'un le bouscula et il faillit s'effondrer sur Dean qui le rattrapa in extremis. Une intense chaleur se propagea tout autour de ses hanches quand les mains du serveur vinrent s'y poser. Castiel avait une conscience accrue de son épaule pressée contre le torse de Dean et il sentit ses joues prendre feu. Bon sang, maîtrise-toi un peu. Il s'écarta un peu de Dean mais la promiscuité avec le reste des spectateurs l'empêchait de fuir le contact avec son ami.

– Ca va? s'enquit Dean. Tu es blanc comme un linge.

– Je… Je n'aime pas trop les foules… avoua-t-il à mi-voix, en baissant la tête.

Dean allait le prendre pour un idiot.

– Oh. Désolé. Ce n'était peut-être pas une si bonne idée cette soirée, alors…

– Non! s'écria Castiel. Non, c'est juste… Ça ira, promis.

Il essaya de sourire à Dean quand on le bouscula de nouveau. Cette fois, il s'effondra contre son ami après avoir trébuché. Dean le rattrapa de nouveau tout en le maintenant fermement contre lui pour l'empêcher de vaciller. Castiel pouvait sentir son odeur, parfumée par de discrets effluves d'eau de Cologne et il ne put s'empêcher d'en inspirer une grande bouffée… avant de se rendre compte qu'il devrait probablement se détacher du torse de Dean. Il s'éloigna à regret et baissa les yeux, incroyablement gêné.

– À croire que la gravité ne fonctionne plus correctement… fit remarquer le jeune homme d'un ton bas et Castiel frissonna au son de sa voix. Tu crois que l'Univers essaie de nous dire quelque chose?

Castiel vira au rouge pivoine et n'osa plus regarder autre chose que ses pieds.

– Cass?

Il refusa de lever la tête jusqu'à ce que deux doigts ne se posent avec douceur sous son menton et y effectuent une légère pression, forçant Castiel à lever les yeux vers Dean. Il plongea aussitôt dans les deux émeraudes qui ornaient le visage du serveur et sa bouche s'assécha. Dean était… Il était tout simplement magnifique. De nouveau, Castiel sentit ses joues s'empourprer. Est-ce que Dean pouvait lire dans ses yeux les pensées qui traversaient son esprit? Était-ce une caresse qu'il sentit contre sa peau, une seconde avant que Dean n'enlève sa main de son visage? Sa peau brûla pendant quelques secondes mais il n'eut pas vraiment l'occasion de s'interroger plus avant car la file avançait. Castiel voyait l'entrée du Roadhouse à présent.

– Clarence? Non mais je rêve, c'est pas possible!

Castiel se figea en reconnaissant la voix.

– Toi, ici?

Il n'eut cependant d'autre choix que de se retourner sous le haussement de sourcil perplexe de Dean. Meg était à quelques mètres de lui, affublée d'un tee-shirt noir clamant AC/DC en lettres blanches, d'un short en jean indécemment court sur des bas résille comme il en avait aperçus quelques minutes plus tôt. Elle était montée sur des talons de plusieurs centimètres – et Castiel se demandait comment elle pouvait vraisemblablement se déplacer sur des échasses pareilles – et ses cheveux, teints en blond cette fois-ci, tombaient sur ses épaules. Derrière elle, Castiel distingua la silhouette de Crowley, toujours vêtu de son éternel costume intégral noir à croire que c'était la seule chose qui constituait sa penderie, l'air de se demander ce qu'il faisait ici.

– Meg, salua-t-il en se demandant s'il n'aurait pas mieux fallu faire comme si elle s'était trompée et qu'ils ne se connaissaient pas.

Il sentait le regard de Dean sur ses épaules.

– Eh bien? Tu ne me présentes pas le bel Adonis qui t'accompagne? fit la jeune femme en désignant Dean d'un signe de tête et Castiel sentit le rouge lui monter – encore une fois – aux joues.

– Meg, voici Dean. Un… un ami.

Il la vit hausser un sourcil, sans doute peu convaincue par le qualificatif. Castiel ne pouvait vraiment pas lui en vouloir. Ses joues écarlates ne jouaient pas en sa faveur.

– Dean, voici Meg et Crowley. On était à la fac ensemble.

Il surprit le battement de cils outrageusement maquillés de Meg en direction de Dean et celui-ci se mit à rire. Castiel ne sut pas s'il l'avait fait inconsciemment, mais sa main avait effleuré sa taille, y déposant une traînée brûlante.

– Je t'arrête tout de suite, ça ne marchera pas. On joue pas dans la même équipe, fit-il.

Meg roula des yeux.

– Pourquoi faut-il que tous les beaux gosses soient de l'autre bord, sérieux…

– Peut-être que c'est toi qui aurais dû naître avec moins de poitrine et plus de tu-sais-quoi entre les jambes, fit remarquer Crowley de son habituel ton sarcastique, ce qui lui valut un coup de coude dans le ventre.

– Plus sérieusement, reprit Meg, depuis quand tu aimes le rock, Clarence? Je pensais que tu étais plutôt Beethoven, Mozart et toute la clique.

Castiel roula des yeux, désabusé et préféra ne pas lui répondre. Meg lui lança un discret baiser dans l'air. Étrangement, Castiel eut de nouveau l'impression qu'une main se glissait contre sa taille.

– Pourquoi tu l'appelles Clarence? fit soudain Dean et Castiel eut envie de rentrer six pieds sous terre. Il n'avait jamais vraiment compris la raison de ce surnom mais il doutait qu'elle tourne à son avantage.

– Parce que je trouve qu'il ressemble beaucoup à cet ange, tu sais… c'est quoi le film déjà? Ah oui! It's a Wonderful Life. Il est aussi paumé que lui, je trouve ça marrant.

Castiel n'osa même pas regarder Dean. Pourquoi avait-il fallu qu'ils rencontrent Meg et Crowley ce soir?

– Je lui ai dit des centaines de fois d'arrêter de m'appeler comme ça, bougonna le doctorant. Il n'y a rien à faire.

Dean rit doucement.

– Je trouve qu'elle n'a pas tort, murmura-t-il quelques secondes plus tard. Tu ressembles vraiment à un ange.

De nouveau, Castiel s'empourpra et quand enfin, il osa regarder Dean, ce dernier lui souriait d'un air tendre qui fit battre son cœur un peu plus vite. Devant eux ne restaient que les videurs qui leur firent signe d'entrer. Meg et Crowley leur emboîtèrent le pas ce qui fit regretter à Castiel d'avoir répondu à l'appel de la jeune femme. Il aurait préféré passer sa soirée seul avec Dean. Ce dernier venait d'ailleurs de lui prendre la main et le tirait dans le fond de la pièce bondée où se trouvait le bar. Trois hommes, un couple et deux femmes y étaient installés, discutant joyeusement avec le barman, un jeune homme aux cheveux châtains qui lui tombaient sur les épaules. Il adressait de grands sourires aux deux filles. Alors que Castiel aurait pensé que Dean lâcherait sa main une fois certain qu'ils ne s'étaient pas perdus dans la foule, ce dernier n'en fit rien.

– Tu ne t'arrêtes donc jamais de draguer? lança Dean au barman qui se tourna vivement vers lui.

En le reconnaissant, il sourit et s'excusa auprès des deux filles pour les rejoindre.

– Tu devrais essayer plus souvent, ça te rendrait moins rabat-joie. Salut, Dean.

Le susnommé se tourna légèrement vers Castiel – dont il tenait toujours la main – et désigna le barman.

– Cass, je te présente Ash. Un vieil ami. Ash, voici Castiel.

Le barman tendit une main à Castiel qui la serra avec un sourire cordial. Entre temps, Dean l'avait enfin libéré ce qui lui laissa une étrange sensation de vide.

– Ca faisait longtemps, mon pote.

– Ouais, je sais. Désolé.

Dean passa une main dans ses cheveux, un geste que Castiel était sûr qu'il reflétait sa nervosité.

– Bon, faut faire un striptease pour avoir droit à un verre ici? lança Meg non sans une pointe d'ironie.

Elle fixait le barman avec défiance. Ce dernier s'appuya contre le comptoir et la fixa en retour.

– Ca, ça dépend de la boisson, ma mignonne.

Dean leva les yeux au ciel avant de glisser à Castiel:

– J'ai l'impression que ton amie va bien s'amuser ce soir.

Pour toute réponse, elle gratifia Dean d'un baiser dans l'air. Ce dernier rit encore et Castiel se retint de fermer les yeux pour en apprécier le son. Deux secondes plus tard, il commandait deux bières avant d'en tendre une à Castiel qui le remercia avec un sourire.

– Fais attention Clarence, il va t'emmener dans son repère secret et tu ne verras plus jamais la lumière du jour… lui souffla Meg à l'oreille en prenant garde de bien se coller à lui.

Castiel la gratifia d'une œillade perplexe, un sourcil haussé.

– C'est pas possible d'être aussi prude à presque trente ans, tu sais, Clarence?

Il vit que Dean s'adossait au comptoir du bar, tout près de lui. Le jeune homme prit une gorgée de bière pour masquer son rictus dans son verre.

– Tu peux rire, Ken. Je suis sûre qu'il ne comprend pas la moitié des choses que je lui dis…

Dean lui lança un de ces regards en coin qui réveillaient une intense chaleur dans ses entrailles et Castiel baissa la tête.

– Peut-être que je n'ai juste pas envie de réagir à tes insinuations, Meg.

– Han-han? fit celle-ci d'un ton intéressé.

Castiel roula une nouvelle fois des yeux.

– Et aux siennes, tu réagirais? continua Meg en désignant Dean d'un mouvement du menton.

– Peut-être bien.

Dean s'étouffa dans sa bière. Il se mit à tousser violemment et Castiel s'approcha pour lui donner une claque dans le dos mais Dean leva une main, signifiant que tout allait bien. Quand il se redressa, il évitait le regard de Castiel qui devint soudain cramoisi. L'alcool ne pouvait pas déjà lui être monté à la tête…

Il refusa de se tourner vers Meg, sachant qu'elle l'observerait avec cet air narquois dont elle avait le secret et il sentait déjà les yeux de Crowley sur lui tandis qu'il cherchait la meilleure façon de le mettre plus encore dans l'embarras.

Ils furent sauvés par les cris des spectateurs quand enfin, les lumières se dirigèrent toutes vers la scène à l'autre bout de la pièce, éclairant la batterie, les guitares électriques et le clavier installés sur celle-ci. L'instant d'après, quatre personnes surgissaient sur scène et rejoignaient leurs instruments.

Les premiers accords retentirent tandis que Castiel détaillait chacun des membres du groupe. A la batterie il y'avait un jeune homme aux cheveux bruns et aux grands yeux clairs, à la silhouette maigre et élancée ce qui fit se demander le doctorant comment il pouvait frapper les caisses avec tant de vigueur. Au clavier, il y'avait une jeune fille blonde que Castiel était sûr d'avoir déjà vue quelque part. A la basse, il y'avait un autre homme à l'air concentré, affublé d'un berret qui dénotait avec l'ambiance très électrique qui régnait dans le Roadhouse. Enfin, à la guitare– un objet d'un rouge flamboyant – il y'avait une jeune femme à la non moins flamboyante chevelure rousse qui se jetait déjà sur le micro devant elle.

Alors que la musique envahissait l'espace, Castiel se surprit à dodeliner de la tête en rythme. Il sentit une présence dans son dos et se tourna légèrement pour voir Dean. Ce dernier lui sourit avant de se pencher à son oreille. Ils n'avaient guère le choix compte tenu du volume de la musique. Pourtant, le simple fait de le savoir si près de lui donna des frissons à Castiel qui fut bien heureux de porter une chemise à manches longues.

– Ça te plaît?

Castiel hocha la tête et se tortilla pour atteindre l'oreille de Dean à son tour.

– Ils sont doués.

– Cool, répondit Dean tandis que les accords de la première chanson se terminaient et que les spectateurs hurlaient leur enthousiasme.

– Booooonsoir le Roadhouse! lança la rousse en levant un bras en l'air. J'espère que vous êtes chauds ce soir!

Un concert de hurlements lui répondit. Elle annonça la prochaine chanson et l'instant d'après, le batteur frappait de nouveau ses caisses. Devant Castiel, les spectateurs se déhanchaient. Lui ne se sentait pas assez à l'aise pour le faire.

– Eh Ken! Tu danses?

Castiel se tourna vers le son de la voix de Meg qui tendait une main à Dean. Ce dernier l'observa, intrigué.

– Je vais pas te violer, t'en fais pas. Je marche pas sur les platebandes des autres, de toutes façons.

Castiel haussa un sourcil, incertain de ce que Meg voulait signifier par ces paroles.

– Ok, ok, répondit Dean en riant.

Il eut à peine le temps de tendre la main que Meg le tirait à sa suite. Castiel s'adossa de nouveau au comptoir et les observa. Meg s'était déjà collée à Dean et lui tournait autour dans des mouvements lascifs qui réveillèrent un drôle de sentiment au fond de l'estomac de Castiel. Ce dernier s'était tordu douloureusement. Meg dit quelque chose à Dean en se penchant vers lui et ce dernier secoua la tête. Le doctorant se le figura haussant un sourcil bien qu'il fasse trop sombre et qu'il soit trop loin pour confirmer son hypothèse. Elle dut dire autre chose car Dean éclata de rire. La sensation dans l'estomac de Castiel s'accentua.

Il devait se rendre à l'évidence. C'était de la jalousie. Ce qui n'avait aucun sens. Dean lui avait bien fait comprendre qu'il était gay et Meg ne pouvait vraisemblablement pas l'intéresser. D'autant qu'il était normal que Dean attire l'attention d'autres que Castiel. Il était très séduisant – et sans doute bien trop pour Castiel et son pauvre cœur. Ce qui n'empêchait pas que le doctorant n'aime qu'à moitié voir Meg se frotter avec autant d'enthousiasme à un Dean hilare. Ses jambes ne lui demandèrent d'ailleurs pas son autorisation pour les rejoindre sur leur piste de danse improvisée. Meg esquissa un grand sourire en le voyant arriver.

– Oh Clarence! Tu veux te joindre à nous?

Il la foudroya du regard et s'approcha encore. Dean l'observait, une expression impénétrable peinte sur son visage. Meg n'avait pas arrêté son manège. Elle semblait d'ailleurs beaucoup s'amuser ce qui ne fit qu'accentuer la soudaine mauvaise humeur de Castiel. Sans même trop savoir ce qu'il faisait, il saisit le bras de Dean qui, cette fois, semblait franchement perplexe et lança:

– Je te l'emprunte.

– Oh, mais il est tout à toi, chéri! fit Meg, retenant visiblement un grand sourire de franchir ses lèvres avant de se pencher à son oreille. Tu me remercieras, Clarence, tu verras.

Et sans un mot de plus, elle s'enfuit. Dean l'observait toujours, attendant visiblement qu'il fasse quelque chose tandis que Castiel avait toujours son bras en otage. Il se rendit soudain compte que c'était la première fois qu'il touchait vraiment Dean, peau contre peau – le jeune homme avait remonté les manches de sa chemise au-dessus de ses coudes. Une brusque sensation de chaleur envahit les doigts de Castiel.

– Tu voulais danser? fit soudain Dean en cherchant son regard.

– Je… hum… peut-être?

Il aurait préféré s'enfuir à toutes jambes. D'abord sa langue qui se mettait à bouger sans son accord et maintenant son corps qui prenait le dessus sur son cerveau. Bientôt, il pousserait Dean contre un mur et l'embrasserait à perdre haleine sans pouvoir s'arrêter. La pensée le mit encore plus mal à l'aise et Castiel se demanda s'il devait chercher d'ores et déjà une issue de secours pour fuir loin d'ici.

Mais Dean avait replié le bras, rapprochant Castiel de lui. Il se rendit compte qu'il n'avait toujours pas lâché son poignet. Dean souriait.

– Tu es plutôt «on saute comme des bourrins» ou «à la façon Meg»?

Castiel croisa son regard. Il pétillait de malice ce qui ne le rendait que plus désirable. Une étrange chaleur se réveilla dans son bas-ventre.

– Est-ce que tu te fiches de moi, Dean?

– Peut-être bien.

Il l'attira un peu plus à lui et Castiel crut que son cœur allait définitivement s'arrêter de battre. Quand Dean se pencha vers lui, son souffle chaud se répandant tout contre sa nuque, il crut défaillir. Inconsciemment, il retint sa propre respiration tandis que les mains de Dean se posaient sur ses hanches.

– Quand tu es arrivé vers nous, on aurait vraiment dit un ange vengeur, tu sais… Comme si tu voulais protéger mon honneur bafoué… Meg m'a affirmé qu'à la seconde où elle se mettrait à se frotter contre moi, tu allais débarquer comme une furie. Je ne la croyais pas.

Castiel le sentit se presser plus encore contre lui et il dut se retenir de lâcher un glapissement qui aurait trahi son trouble. Dieu que la sensation était agréable… Il ne voulait plus se dégager de l'étreinte de Dean. Il y'était trop bien. Même si tout cela n'était en fait qu'une espèce de complot monté par Meg.

– Je ne sais pas d'où elle tient l'information mais elle m'a assuré que tu étais très possessif. Que de nous voir comme ça, ça te rendrait très jaloux.

Castiel redressa la tête, son nez effleurant la nuque de Dean. Il put voir la chair de poule s'y répandre tandis que le jeune homme baissait la tête pour le regarder. Castiel remarqua soudain que la musique que jouait le groupe était plus lente, les accords plus doux, plus sensuels aussi. Dean lui saisit le bras et le fit se retourner. Le dos de Castiel entra en contact avec son torse. Son souffle se bloqua dans sa poitrine et il mit quelques secondes avant de pouvoir tourner la tête pour glisser à Dean:

– Je… je n'étais pas jaloux.

Une main se posa sur son ventre. Castiel crut qu'un véritable incendie s'était déclenché à l'endroit où Dean le touchait. Ce dernier baissa la tête et ses lèvres effleurèrent la nuque de Castiel qui eut l'étrange sensation fantôme d'un baiser avorté. Il pouvait sentir son sourire sur sa peau tandis qu'il remontait doucement vers son oreille.

– C'est pas l'impression que tu as donnée.

Ses poils se hérissèrent. Castiel ferma les yeux et se laissa aller contre Dean. Il sentait le menton du serveur près du sommet de son crâne, son bras qui enserrait toujours sa taille, son corps contre le sien. Il aimerait que ce moment dure toujours.

– Tu ne dis plus rien?

Cette voix rauque… elle fit remonter des milliers de frissons dans sa colonne vertébrale. Quelque chose mourut dans sa gorge et Castiel n'était pas sûr de vouloir savoir de quoi il s'agissait. Il perdait totalement le contrôle. Il détestait ça. Et en même temps… en même temps il rêvait de s'abandonner. Il se tourna dans les bras de Dean pour lui faire face et attacha sans même s'en rendre compte les siens autour de la nuque de Dean. Quand il leva légèrement la tête, leurs visages n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Le monde disparut autour d'eux. Le temps s'arrêta. Il n'y avait plus que Dean, ses incroyables yeux verts, son visage si près du sien…

– Peut-être que je préfère quand tu danses avec moi, admit finalement Castiel et il vit le sourire sur les lèvres de Dean. Il n'arrivait plus à en détacher son regard.

Dean se pencha de nouveau vers lui et effleura encore sa peau de ses lèvres.

– Je crois que moi aussi je préfère quand c'est toi qui danses avec moi.

Derrière eux, le groupe entamait la dernière note de la chanson. Ce qui signifiait que leur danse prendrait également fin. Castiel aurait voulu faire quelque chose pour garder Dean contre lui. Peut-être aurait-il dû l'embrasser. Il n'en avait aucune idée. Il n'était même pas certain que ce soit approprié quand il s'agissait seulement de leur premier rendez-vous. Et il ne voulait pas précipiter les choses.

Il avait déjà été attiré par quelqu'un. Il avait eu d'autres relations. Mais il n'avait jamais rien expérimenté de semblable à ce qu'il avait avec Dean. Et il ne voulait pas tout gâcher, au risque de tout perdre.

Ils se détachèrent à regret l'un de l'autre mais Dean ne lâcha pas sa main. Il le traîna jusqu'au bar où Meg et Crowley étaient attablés. Celle-ci lui adressa une œillade interrogative à laquelle Castiel répondit par un roulement d'yeux, bien qu'il dût admettre qu'elle avait eu raison. Sans son intervention, il n'aurait probablement jamais osé s'approcher ainsi de Dean. Il prit une gorgée de la bière qu'il avait laissée près de la jeune femme.

– Eh fais gaffe, elle l'a peut-être drogué, fit Dean avec un sourire moqueur.

– Ah, ah, très drôle, Ken. Petit un, j'ai compris depuis longtemps qu'il y'a peu de chance que Clarence finisse dans mon lit et, petit deux, je ne suis pas aussi machiavélique.

Castiel et Crowley se tournèrent de concert vers elle pour la gratifier d'un regard incrédule. Meg pouffa.

– J'aime bien tes amis, Cass, fit Dean quelques secondes plus tard.

Castiel sourit.

– Et qu'est-ce que tu fais dans la vie, Dean ?

– Je suis serveur.

– Oh, est-ce qu'il t'a sorti tout le grand jeu et puis il a glissé son numéro dans ta poche, Clarence?

Castiel baissa les yeux et ne répondit pas tandis que Meg partait d'un grand rire, rejetant la tête en arrière.

– Oh mon Dieu, c'est tellement cliché!

– Tu as une meilleure méthode? répliqua Dean, ses lèvres légèrement retroussées, dévoilant ses dents.

– Tu vas voir.

Et sans un mot de plus, Meg s'enfonça de nouveau dans la foule qui dansait anarchiquement devant eux, à la recherche d'une proie sur laquelle jeter son dévolu. Dean prit une autre gorgée de bière. Il avait posé son bras contre le comptoir, juste derrière le dos de Castiel.

– On a du mal à croire qu'elle a fait Psycho quand on la voit réagir comme ça à tes piques, commenta ce dernier.

– Elle doit se venger de ton intervention de tout à l'heure.

Castiel piqua un fard. Quelques secondes plus tard, ils reportèrent leur attention sur le groupe qui enchaînait les chansons. La rousse traversait la scène, son micro en main, se déhanchant au rythme des accords de ses camarades. Castiel aperçut Meg du coin de l'œil, au bras d'un inconnu contre lequel elle dansait de façon encore plus subjective qu'elle l'avait fait avec Dean. Il secoua la tête, dépité. On ne changerait jamais Meg.

À un moment, Dean l'entraîna de nouveau sur la piste de danse et lui montra ce qu'il entendait par «sauter comme des bourrins». Même si l'effort laissa Castiel essoufflé, il n'arriva pas à se souvenir d'un moment où il s'était plus amusé que ce soir-là durant les dix dernières années. Finalement, le groupe joua sa dernière chanson qui devait sans doute être l'un de leurs succès car le public chanta avec eux. Et puis après avoir salué, ils disparurent derrière la scène tandis qu'un DJ prenait le relais.

– Ca te dit de rencontrer mes amis? lui lança Dean alors qu'ils se rapprochaient du bar.

Castiel acquiesça et vida sa bière avant de suivre Dean qui le menait vers l'extérieur. Comme s'ils avaient été invités eux aussi, Meg – qui avait abandonné sa victime d'un soir – et Crowley suivirent. Ils finirent par s'extraire du Roadhouse et Dean s'engagea dans une petite ruelle jusqu'à atteindre l'arrière du bâtiment. Là, il y'avait une petite porte au-dessus de quelques marches métalliques. Dean toqua. On entendit du bruit derrière celle-ci, un déclic et la rousse apparut derrière le battant.

– Dean! fit-elle d'un ton ravi avant d'attirer le jeune homme dans une étreinte qu'il lui rendit volontiers.

Quand ils se séparèrent, Meg avait croisé les bras sur sa poitrine et lançait un regard faussement outré à Dean.

– Tu m'avais pas dit que tu connaissais la Team Free Will personnellement, Ken!

Il roula des yeux avant de désigner Castiel, Meg et Crowley d'un geste de la main.

– Voici Castiel et des amis à lui. Meg et Crowley.

– Castiel? LE fameux Castiel?

L'intéressé se demanda ce qu'il avait de si fameux tandis que la rousse le dévisageait d'un air très curieux.

– Oui, celui-là, répondit Dean en se passant une main dans les cheveux.

La rousse descendit les quelques marches, manquant de renverser Dean pour venir se placer face à Castiel qu'elle finit par serrer dans ses bras. Celui-ci resta raide dans l'étreinte, trop sonné pour comprendre ce qu'il se passait.

– Ravie de te rencontrer! Dean ne parle que de toi! J'étais tellement curieuse... Je suis Charlie au fait!

Elle se recula pour le dévisager de nouveau quand Dean – le visage cramoisi – lui lança un long regard qu'elle soutint un instant avec un sourire amusé.

– Vous entrez?

Dean acquiesça et laissa Meg et Crowley suivre Charlie en premier, attendant que Castiel, toujours un peu sonné, ne le rejoigne. Il n'imaginait pas la meilleure amie de Dean ainsi – sans doute parce qu'elle était bien plus extravertie que le jeune homme – mais son sourire inspirait confiance.

Dean l'invita à le suivre d'un geste de la main et referma la porte derrière eux. Charlie présentait déjà Meg et Crowley aux autres membres du groupe. Dean et lui s'approchèrent de ceux-ci et ce fut le premier qui se chargea de terminer les présentations.

– Cass, voici Garth, il désigna le batteur, Benny, le bassiste au berret et Jo, il montra la blonde. Les gars, voici Castiel.

– Enchanté! fit le batteur avant de le serrer dans ses bras à son tour et Castiel se demanda si c'était un truc de chanteurs.

Il sentit un regard lourd peser sur ses épaules et jeta un œil dans son dos. Benny était affalé sur un vieux fauteuil et son regard, impénétrable, ne le lâchait pas une seconde. Castiel n'aimait pas vraiment ce regard. Jo s'approcha et lui tendit une main, un doux sourire aux lèvres. Castiel le lui rendit tout en serrant sa main.

– Est-ce qu'on s'est déjà vu quelque part? demanda-t-il à la jeune fille. Son visage lui était définitivement familier.

– Je travaille avec Dean. Tu as dû me voir au bar...

Castiel rougit face au ton suggestif qu'avait employé la jeune fille. Il savait très bien pourquoi. Dean la gratifia d'un coup dans les côtes et elle roula des yeux.

– Fais pas le malin, t'était pas mieux. Si je t'avais pas botté les fesses, tu serais jamais allé le voir!

– Jo!

Elle ricana, imitée de Charlie et Dean se gratta l'arrière de la tête en fixant ses pieds. Castiel songea qu'il était bien heureux que Jo ait «botté les fesses» de Dean selon son expression. Celle-ci désignait un deuxième canapé sur lequel Dean, Castiel, Meg et Crowley s'installèrent. Charlie, Garth et Jo s'assirent aux côtés de Benny qui lança un autre regard indéchiffrable à Castiel après l'avoir laissé traîner sur Dean. De nouveau, Castiel se sentit mal à l'aise. Avait-il quelque chose à lui reprocher?

– Alors, ça t'a plu? demanda Charlie, le tirant de ses pensées.

Castiel mit quelques secondes avant de réaliser que c'était à lui que l'on s'adressait.

– Oui. Beaucoup.

– Clarence a surtout aimé votre quatrième chanson, intervint Meg sur un ton suggestif et Castiel vira au rouge pivoine sous l'œil amusé de Dean et celui de moins en moins amène de Benny. Il avait définitivement quelque chose contre Castiel et ce dernier se demandait bien quoi. Ils ne se connaissaient pas, le doctorant en était certain.

– Vous jouez souvent? demanda-t-il pour essayer d'oublier la tension qu'il sentait se répandre dans l'air comme une fumée annonciatrice d'un feu dangereux.

– Une à deux fois par mois. Ça dépend de l'humeur d'Ash.

Charlie marqua une pause avant de darder un œil réprobateur sur Dean.

– On jouerait plus souvent si certains n'avaient pas lâchement abandonné le groupe.

Dean fit mine de n'avoir rien entendu et préféra regarder ailleurs.

– Tu en faisais partie?

Dean eut l'air de considérer l'idée de l'ignorer mais Charlie prit la parole à sa place.

– Et comment! C'est lui qui l'a formé, ce groupe! Tu sais que la majorité des chansons qu'on a chantées, c'est Dean qui les a écrites? [4]

– Charlie, ça s…

– Ah non. Tu vas pas faire ton modeste. Tu es doué, Dean.

– Tu écris des chansons? reprit Castiel.

Il croisa le regard de Dean. Ce dernier avait les joues légèrement rouges.

– J'en écrivais. Il y'a quelques années.

Castiel se mordit la lèvre, hésitant. Si Dean s'était contenté d'une demi-vérité un peu plus tôt quand il lui avait demandé ses passions, c'était sans doute que le sujet était sensible. Il ne voulait pas le brusquer.

– Tu… tu veux bien me montrer?

Castiel avait presque oublié qu'ils n'étaient pas seuls. Il ne quittait pas le jeune homme des yeux, comme essayant de lui faire comprendre ses pensées au travers de son regard.

– D'accord mais c'est bien parce que tu maîtrises les yeux de chien battu à la perfection. On dirait mon frère. Charlie, tu aurais une guitare ?

Elle se leva presque aussitôt et partit fouiller dans leurs affaires. Elle revint quelques secondes plus tard avec une guitare acoustique dans les mains. Elle la tendit à Dean qui s'en saisit. Castiel s'écarta un peu de lui pour lui laisser la place de l'accorder. Il était fasciné par le mouvement de ses doigts sur l'instrument. Il gratta quelques cordes, pour vérifier son travail et resta ensuite immobile, les mains au-dessus de l'instrument, comme s'il réfléchissait. Puis il se pencha au-dessus de l'instrument et entama quelques accords incertains, comme un enfant qui effectuait ses premiers pas.

Puis il commença à chanter. Au début, chaque phrase était séparée de la suivante par un silence mal assuré, comme si Dean cherchait tant ses mots que sa mélodie.

Mama told me when I was young

[Maman m'a dit quand j'étais petit]

Come sit beside me my only son

[Viens, assis-toi près de moi, mon fils unique]

And listen closely to what I say

[Et écoute bien ce que j'ai à te dire]

And if you do this it'll help you

[S tu fais ça, ça t'amèneras]

Some sunny day, oh yeah

[Des jours heureux]

Sa voix s'élevait, basse, rauque, presque timide. Il ne les regardait pas, concentré sur ses mots, sa musique, l'air de doucement retrouver ses marques. Castiel sentit sa peau se hérisser. Comment Dean avait-il pu seulement envisager d'arrêter la musique? Quand il entama la suite, il avait fermé les yeux, comme pour mieux se concentrer. C'était fascinant de l'observer faire.

Be a simple kind of man

[Sois un homme simple]

Oh be something you love and understand

[Oh quelqu'un que tu aimes et comprends]

Baby be a simple kind of man

[Mon enfant, sois un homme simple]

Oh won't you do this for me son if you can

[Feras-tu ça pour moi, mon fils, si tu le peux]

Les phrases étaient toujours un peu saccadées mais Castiel n'en trouvait pas la mélodie moins belle. Au contraire. C'était comme si elle sortait tout droit, telle un diamant brut, de l'âme de Dean. Il vit les doigts de ce dernier s'agiter sur les cordes de la guitare alors qu'il se lançait dans une séquence instrumentale. Ses mains volaient au-dessus de ses cordes dans une volupté gracieuse qui fascinait Castiel. Il n'avait jamais remarqué avant à quel point un musicien pouvait être envoûtant.

– Boy don't you worry you'll find yourself

[Mon fils ne t'en fais pas, tu te trouveras]

Follow your heart and nothing else

[Suis ton coeur et rien d'autre]

And you can do this oh baby if you try

[Tu peux faire ça, mon enfant, si tu essaies]

All that I want for you my son is to be satisfied

[Tout ce que je veux pour toi, mon fils, c'est que tu sois heureux]

And be a simple kind of man

[Sois un homme simple]

Oh be something you love and understand

[Oh sois quelqu'un que tu aimes et comprends]

Baby be a simple kind of man

[Mon enfant, sois un homme simple]

Oh won't you do this for me son if you can [5]

[Feras-tu cela pour moi, mon fils, si tu le peux]

Le dernier accord s'éteignit en même temps que sa voix. Il garda les mains sur la guitare sans pour autant lever les yeux.

– Ce n'est pas abouti mais, hum… voilà, c'est…

– C'était magnifique, Dean, le coupa Castiel.

– Tu… tu trouves?

Dean avait levé la tête, l'air profondément surpris – ce qui ne faisait pas vraiment sens pour Castiel, Dean venait de faire quelque chose de sublime – et la tournait vers lui. Le doctorant sourit avant d'acquiescer.

– Tu ne nous l'avais jamais chantée, celle-là, fit soudain Benny et ce fut la première fois que Castiel entendit le son de sa voix.

– C'est parce que, hum... ça m'est venu, là… comme ça.

Pendant quelques secondes, ils se dévisagèrent et Castiel ne put s'empêcher de remarquer la tension entre les deux hommes.

– Non pour de vrai? C'est de l'impro? s'écria Charlie, les forçant à cesser leur bataille de regards.

Dean acquiesça. Castiel le contempla un instant, incapable de dire quoi que ce soit. Il se demandait ce que Dean pourrait bien produire avec un peu de préparation si une improvisation ressemblait à ça.

– Une chose est sûre, je refuse de jouer cette chanson si ce n'est pas toi qui la chantes, fit Charlie d'un ton catégorique.

Dean ouvrit la bouche pour protester mais aucun son n'en sortit.

– Tu devrais peut-être accepter leur proposition.

Le jeune homme le dévisagea un instant, surpris. Castiel posa une main sur son épaule.

– Tu as vraiment du talent.

Dans ses yeux, Castiel essaya de faire passer plus que ce qu'il voulait vraiment dire. Dean pouvait renouer avec son ancienne passion. Il avait bien vu comment gratter les cordes de sa guitare, chanter l'avait libéré d'un poids pendant un instant. Et il aurait aimé revoir Dean aussi détendu.

– Clarence a pas tort.

Meg venait d'intervenir en se regardant nonchalamment les ongles. Dean reporta son attention sur Castiel. Et il sourit doucement.

– J'y réfléchirai.

Sur ce, une furie rousse se jeta sur Castiel et lui planta un baiser bruyant sur la joue.

– Castiel, je t'adore! décréta Charlie en le relâchant ce qui fit rire Dean.

Il se leva pour aller remettre la guitare à sa place et se redirigeait vers le canapé où se trouvaient Castiel, Meg et Crowley quand Benny lui saisit le poignet pour l'arrêter.

– Alors à lui tu lui dis oui, sans hésiter?

– Benny pas maintenant, s'il-te-plaît…

L'autre le fixait, le défiant de dire quoi que ce soit. Dean se contenta de se défaire de son étreinte et de rejoindre le canapé sans un mot. Mais Castiel n'eut aucun mal à percevoir à quel point son ami était tendu. Quoi qu'il se soit passé entre Benny et Dean, leur différend n'était pas totalement réglé. Ils discutèrent encore un peu avec le groupe. Benny restait silencieux et se contentait de fixer Dean et Castiel d'un mauvais œil que le second tentait à tout prix d'éviter. Au bout d'un moment, Meg et Crowley prirent congé.

Quelques minutes plus tard, Dean poussait un soupir et dardait sur Benny un regard ennuyé.

– Ok, Benny. Tu peux arrêter deux minutes de nous regarder comme si tu voulais nous désintégrer et m'expliquer ce qu'il se passe exactement?

Le silence s'imposa aussitôt dans la pièce.

– Parce que tu ne le sais pas, hein?

Dean se contenta de lui renvoyer un regard indéchiffrable.

– Il serait préférable que nous ayons cette discussion en privé.

– Non. On va régler ça ici et maintenant.

Dean laissa échapper un court soupir, comme s'il se préparait pour une épreuve physique. Castiel ignorait ce qu'il s'était passé mais il aurait voulu pouvoir poser sa main sur la sienne, simplement pour lui montrer son soutien.

– Comme tu voudras, dit-il finalement.

Benny se redressa avant de prendre une grande inspiration.

– Il y'a que tu m'as fait espérer qu'un truc serait possible avant de me laisser tomber comme s'il s'était rien passé. Et maintenant, tu oses venir avec… lui et tu crois que je vais rester gentiment assis sans rien dire?

– C'était y'a six mois, Benny! Arrête ta putain de crise de jalousie, ça n'a aucun sens parce qu'on a même pas été ensemble!

– Ca n'a aucun sens pour toi, peut-être. Tu as pensé à ce que je ressentais, moi?

– J'étais bourré ! Je savais pas ce que je faisais et j'aurais jamais dû faire ce que j'ai fait... Je me suis excusé, qu'est-ce que tu veux de plus?

– Que tu aies au moins la décence de ne pas ramener tes plans cul devant moi!

– Cass n'est pas…

Benny le coupa d'un rire glacial.

– On sait tous les deux comment tu fonctionnes.

Puis il se tourna vers Castiel qui observait la dispute, complètement tétanisé.

– Si tu veux un bon conseil, tiens-toi loin de lui. Parce qu'une fois qu'il aura tiré son coup, il disparaîtra dans la nature comme le putain de lâche qu'il est!

Dean le fusilla du regard mais se trouva incapable de répondre. L'instant d'après il s'était levé et avait fui dehors.

– Bravo, Benny, super, commenta Charlie. Sérieux, tu peux pas t'en empêcher?

Pour toute réponse, il lui lança un regard noir et se leva, récupéra ses affaires et partit à son tour. Castiel le regarda sortir, l'estomac noué.

– Je suis désolée que tu aies eu à assister à ça, murmura Charlie. Ça menaçait d'éclater depuis un moment mais… Dean et Benny sont loin d'être des as de la communication.

– Tu n'y es pour rien.

Castiel lui adressa un sourire qu'il voulut rassurant avant de se lever à son tour.

– Excusez-moi.

Il rejoignit la porte en quelques enjambée avant de se glisser à l'extérieur. Il chercha Dean du regard. Il était adossé à un mur un peu plus loin, la tête rejetée contre celui-ci, les yeux fermés, son pied battant une mesure que lui seul entendait. On devinait son état de nerfs à travers le geste. Castiel s'approcha de lui, doucement.

– Dean?

Il ouvrit les yeux et le regarda, l'air triste avant de détourner la tête.

– Maintenant, tu dois penser que je suis un affreux connard.

Dean eut un sourire sans joie.

– T'aurais pas vraiment tort…

Castiel posa une main sur son bras.

– Je suis sûr qu'il y'a une explication à cela.

Dean le regarda de nouveau, l'air surpris. Il sourit tristement avant de se laisser glisser contre le mur. Puis il invita Castiel à s'installer près de lui. Ce dernier le rejoignit aussitôt, s'installant contre son épaule.

– Benny est le dernier à avoir rejoint notre bande. Il a toujours… montré un certain intérêt à mon égard et il ne s'en cachait pas. Je lui ai dit que je n'étais pas intéressé et ça a semblé lui suffire. Enfin… jusqu'à cette soirée. J'avais trop bu. Lui aussi, je crois. Ce soir-là, il m'a embrassé… J'imagine que je… je sais pas… je sais pas pourquoi j'ai fait ça. Mais je… j'ai… j'ai répondu. J'aurais jamais dû.

Dean se mordit la lèvre, comme s'il hésitait à confier la suite de son histoire. Castiel serra le bras que sa main n'avait pas lâché pour l'inviter à continuer.

– On a passé la nuit ensemble. Le matin quand je me suis réveillé et que je l'ai vu… putain, je me sentais tellement mal. Et je me souvenais de tout, en particulier de ce qu'il m'avait dit… et je…

Dean passa une main nerveuse dans ses cheveux.

– Il t'a dit qu'il t'aimait?

Il acquiesça.

– Je lui ai jamais répondu. Mais j'ai flippé. Je voulais pas que ça arrive. Ça allait gâcher notre amitié et… j'ai tellement flippé que je suis parti sans rien dire. Je me suis comporté comme un lâche, je sais. Et le pire, c'est que quand il m'a appelé, je lui ai dit que c'était une erreur alors qu'il… oh putain…

Castiel pressa de nouveau son bras et Dean le regarda, ses yeux emplis de culpabilité et de honte.

– Quand je t'ai dit de venir… j'ai pas pensé qu'il pourrait mal le prendre.

De nouveau, Dean passa une main dans ses cheveux, serrant les doigts à s'en faire blanchir les jointures.

– Tu dois vraiment penser que je suis un pauvre con…

Castiel saisit doucement sa main et la délogea des cheveux châtains pour la tenir dans la sienne. Il plongea ensuite son regard dans celui de Dean et lui sourit, encourageant.

– Non. Juste humain. Tout le monde fait des erreurs, Dean.

– Mais je l'ai blessé.

– Et il s'en remettra. Il lui faut juste un peu de temps.

Dean sourit à son tour mais son sourire n'atteint pas ses yeux.

– Pourquoi tu es comme ça, Cass?

Le doctorant fronça les sourcils.

– Comment?

Dean sourit tristement.

– Tu es vraiment trop bien pour moi... marmonna-t-il mais cela n'empêcha pas Castiel de comprendre chacun de ses mots.

Castiel saisit d'autorité le visage de Dean pour le forcer à le regarder.

– Dean. Arrête de penser que tu ne vaux pas le coup.

– Mais…

– Tais-toi.

Castiel sourit avec tendresse et le relâcha. Mais Dean ne cessa pas de le regarder, comme s'il était une œuvre d'art particulièrement belle.

Castiel frissonna. Il n'avait pas son trench coat et ils étaient dehors, en plein mois de novembre. Dean sembla s'en apercevoir car il retira sa propre veste pour la poser sur les épaules de Castiel.

– Ça serait dommage que tu attrapes la mort.

– Ne sois pas si dramatique, Dean.

L'autre sourit et se releva avant de lui tendre une main pour l'aider à faire de même. Castiel resserra les pans de la veste sur lui. L'odeur de Dean s'engouffra dans ses narines et il ne put retenir un sourire niais de se dessiner sur ses lèvres.

– Tu veux rentrer? proposa finalement Dean. Je veux dire… La soirée est ruinée de toutes façons…

Castiel acquiesça. Ils rejoignirent la pièce où ils saluèrent ce qu'il restait du groupe. Charlie fit promettre à Castiel de revenir les voir un de ces quatre avant de le gratifier d'un clin d'œil. Puis ils rejoignirent la voiture de Dean. Même s'il put récupérer son trench, Castiel garda sur ses épaules la veste de Dean. Ce dernier se mordit la lèvre, passa sa langue dessus, ce qui réveilla le feu dans les entrailles de Castiel, avant de demander d'une voix timide:

– Donc tu ne vas pas… hum… suivre les conseils de Benny?

– Non. Je préfère me faire moi-même une idée des gens.

Castiel se mordit la lèvre.

– Et j'avais de toutes façons, déjà une opinion de toi et elle est très différente de la sienne.

Dean ne le regarda pas mais Castiel ne manqua pas ses mains qui se serraient sur le volant tandis qu'il souriait. Le reste du trajet se déroula dans le silence. Finalement, Dean se rangea près de l'immeuble de Castiel.

– Merci pour cette soirée, Dean.

– Elle aurait pu mieux se terminer.

– Dean…

L'autre lui lança un regard innocent.

– Ce n'est pas ta faute.

Il y'eut un instant de silence.

– Merci, Cass.

Pendant quelques secondes, ils s'observèrent, leurs visages baignés par la lumière des réverbères. Puis Castiel, sans trop savoir où il trouva le courage de le faire, se pencha doucement vers Dean et déposa un chaste baiser sur sa joue. Il se recula presque aussitôt, sourit, essaya de masquer ses joues rouges dans le noir de la nuit et ouvrit la portière.

– A bientôt, Dean. Bonne nuit.

Il était déjà sorti quand Dean sembla reprendre ses esprits et lui répondit:

– Bonne nuit, Cass.»


[4] Quitte à partir dans un délire méta, autant le faire jusqu'au bout… Ceci fait évidemment référence au fait que Misha Collins écrit de la poésie et que Jensen Ackles est membre du groupe Radio Company.

[5] Les paroles sont issues de la chanson Simple Man, de Lynyrd Skynyrd, sortie en 1973. Jensen Ackles en a fait un cover que je trouve juste magnifique. Si vous ne l'avez jamais entendu, allez l'écouter!


Et voici enfin l'explication quant au choix que j'ai fait concernant le titre de cette fanfiction. J'ai su que je voulais que chaque chapitre soit représenté par une chanson au moment où j'ai décidé de faire de Dean un musicien et de ses chansons son moyen d'expression. Le titre est venu organiquement après ça.

J'espère que ce chapitre vous aura plu ! On se retrouve vendredi pour la suite des aventures de Dean et Cass dans un chapitre intitulé Call on Me.