Boya ouvrit les yeux sur le néant, comme d'habitude.
Il s'étira longuement dans son lit, bailla quelque peu, puis se redressa. Ou voulu se redresser.
Il réalisa alors qu'un bras lourd le retenait contre un torse large et confortable.
Un torse agréable mais qui n'était pas celui de QingMing.
Quand il dormait avec son renard, c'était le Seigneur Démon qui dormait dans ses bras. Cette fois, c'était Boya qui dormait dans les bras de quelqu'un.
"- …Seimei ?"
"- Boya ? Ha. Nous nous sommes endormit."
Ils n'était même pas dans un lit mais effondré sur le lit de jour. Le thé froid était encore près d'eux. Il était remarquable qu'ils ne l'aient pas envoyé voler en dormant.
Zhuque dormait la tête sous l'aile sur un coussin et Suì ZhǐJī avait pris le lit.
"- … on a but ?"
Seimei y réfléchit.
"- Je ne crois pas."
Alors qu'est ce qui les avait endormit aussi vite ? La pure fatigue ? C'était bien possible.
QingMing manquait à Boya comme un membre manquant mais la présence de Seimei avait rendu l'absence tolérable. Une partie de Boya avait honte et en même temps, pas du tout. Il était incapable de voir son affection pour Seimei comme une tromperie envers QingMing. Les deux hommes étaient trop semblables et complémentaires à la fois au point que s'en était perturbant. Même leurs odeurs étaient proches. C'était même pour ça qu'il s'était endormit si vite auprès du vieux maître réalisa soudain le chasseur.
"- Je vous remercie pour m'avoir laissé me réfugier chez vous. Je ne sais pas comment j'aurais pu ne pas finir par me montrer violent avec les autres."
"- Vous vous êtes acclimaté à un style de vie différent d'ici. Et surtout, avec bien moins de gens. Les membres du Yin Yang sont presque incestueux à force d'affection." Et le froid aussi. "C'est quelque chose qu'il faut du temps pour tolérer et apprécier à sa juste valeur. Vous en avez perdu l'habitude."
"- Je ne l'ai jamais vraiment eut."
"- Non, en effet. La vie du Domaine Intérieur vous convient bien davantage."
Boya hocha la tête. Les premiers temps après le départ de Seimei, le vieux maître lui avait atrocement manqué avant qu'il ne l'oublie lorsque QingMing avait pris sa place. Et maintenant… Maintenant Seimei reprenait quelque peu la place de QingMing comme s'ils étaient…. Non, c'était ridicule. Il réagissait juste à l'âge et aux manières similaires des deux individus.
"- Je pense qu'il est sans danger pour vous de retourner à vos appartements à présent. Les autres ont du se lasser. N'oubliez pas d'aller entrainer vos shidi."
Boya s'étira lourdement. Il remercia Seimei de sa patience avec lui pour retourner chez lui. Boya était encore un peu perturbé par les paroles du vieux maître.
Zhuque se posa sur son épaule.
Le chasseur de démon entendait dans son dos son second shishen ronchonner, encore à moitié endormit.
Suì ZhǐJī n'était pas du matin.
Boya parvint à se faufiler dans son petit appartement sans dommage.
Derrière lui, Seimei avait lâché un gros soupir. Boya lui manquai déjà.
Alors que le jeune homme était resté loin de lui pendant presque un an, son affection pour lui avait cru de manière disproportionnée. C'était normal évidemment, mais cela rendait difficile pour Seimei de garder ses mains pour lui. Il voulait enlever Boya, le cacher du monde et le garder pour lui. Sa possessivité était la sienne et celle d'un autre. Même si c'était la même chose finalement.
Le vieux maître grimaça encore. Il lui fallait se préparer pour la journée.
Pendant que Seimei se désolait de sa propre existence, Boya pouvait enfin faire le tour de son petit logement. Par rapport aux appartements de Anbei Furen, ils étaient minuscules. Il aurait dû s'y sentir chez lui mais il y manquait la présence d'une énorme boule de poils pour qu'il s'y sente vraiment chez lui.
Il se laissa tomber à son bureau après avoir faire le tour de la pièce.
Boya était bizarrement touché de constater que son petit appartement était propre et les draps frais. Quelqu'un, sans doute même plusieurs quelqu'un de petite taille avaient passé des heures à tout nettoyer. C'était adorable.
Ce qui l'était moins, c'était la pile de courrier haute comme un poney qui attendait sur son petit bureau, correctement triée en plusieurs piles.
"- …. C'est mon courrier tout ça ?" Il grogna. A peine arrivé et déjà débordé. Il se força à repousser le souvenir de sa précédente session de courrier. Il avait passé des heures à gérer des demandes d'aides pour QingMing et ses hommes.
Boya prit le premier rouleau de la première pile pour le dérouler. Heureusement, il avait été écrit avec son encre.
Un large sourire lui monta aux lèvres. C'était un de ses petits shidi qui avait écrit. Il sentit son cœur se gonfler de tendresse et d'une affection qu'il ne pouvait qualifier que de maternelle à la lecture de la lettre. Maternelle parce qu'il était Anbei Furen. Il avait le droit de se laisser aller à aimer ses poussins comme s'ils étaient les siens. Il avait toujours adoré les petits. Même à JingYun il avait aimé ses shidi. Il ne pouvait le montrer bien sûr. Mais ça ne l'avait pas empêché de prendre réellement soin d'eux.
Boya reposa la lettre après l'avoir fini. Le petit shidi lui écrivait simplement qu'il lui manquait, qu'il avait fait des progrès et qu'il voulait qu'il rentre.
Le chasseur était sûr que toutes les lettres étaient de le même eau mais ce n'était pas ce qui lui avait fait reposer la lettre.
C'était la réalisation soudaine. Il était Anbei Furen. Il était autorisé à montrer son affection aux petits. Il avait le droit de prendre soin d'eux. Il était de son devoir de les protéger et de leur enseigner.
C'était un rêve éveillé. Il pouvait faire ce qu'il avait toujours espéré : être un professeur.
Un parent aussi, dans cette circonstance ça allait avec. Il était un géniteur depuis toujours ou presque, il avait accepté d'être un père pour les petits de QingMing.
Il allait pouvoir les élever, les aimer, leur enseigner.
C'était, une fois de plus, une nouvelle carrière qui s'ouvrait devant lui.
Que serait-il pour leur petits ? A-die ? A-Niang ? Baba ? Mama ? Ce n'était pas l'important. Il serait quelque chose pour eux et aurait le droit de les reconnaitre.
Un gros soupir lui échappa.
Après si longtemps à servir d'étalon, c'était bien la première fois qu'il s'autorisait de regretter de n'avoir pas pu s'occuper de ses autres rejetons. Peut-être pourrait-il demander à voir les deux petits qu'il était sûr d'avoir produit dans les murs du Yin Yang ?
Boya prit une seconde lettre pour se changer les idées.
Sans surprise, elle était similaire à la première. Ses shidi avaient traité son absence comme sa présence. S'ils ne pouvaient lui parler directement, ils l'avaient fait sur le papier.
C'est avec un large sourire aux lèvres qu'il attaqua une seconde pile.
Son sourire disparu dès qu'il ouvrit la plaquette et reconnu le nom de l'envoyeur.
He Shouyue.
He Shouyue lui avait écrit.
Boya avait promis à Zhong Xing qu'il lui écrirait. Il ne l'avait jamais fait. Il se sentait légitime de ne pas vouloir avoir de contact avec lui après ce qu'il lui avait fait subir. Après l'avoir trahit.
Et voilà que le gamin lui écrivait.
Zhuque se posa près de lui.
"- Tu es troublé, mon poussin."
"- He Shouye m'a écrit."
Une boule de feu apparut dans le bec de l'oiseau mais Boya lui attrapa le bec pour le lui refermer sèchement dans sa paume.
Zhuque lâcha un trille d'outrage avant de tousser lorsque Boya le lâcha. Il avait avalé sa boule de feu. Un long rot lui échappa ainsi qu'un peu de fumée.
"- Mais ça va pas bien ?"
"- C'est mon courrier. Je compte bien le lire !"
"- Tu es tout perturbé !"
"- Mais je dois quand même le lire."
A vouloir cramer la lettre, Zhuque venait de forcer la main de Boya. Maintenant, il n'avait d'autre choix que de la lire.
Boya prit une grande inspiration pendant qu'il chargeait la lettre de qi.
L'écriture nerveuse de He Shouyue se révéla très vite devant sa vision.
"- Merci et je suis désolé."
Boya reposa la lettre.
Il y avait davantage bien sûr, mais juste cette première ligne le remuait jusqu'au fond du ventre.
Merci et pardon ?
Boya ne savait pas comment le prendre. Aurait-il encore été à la maison qu'il se serait mis à la recherche de QingMing pour se cacher dans ses queues pour finir de lire la lettre.
"- Zhuque ?"
Le phénix venait de le caller étroitement sous son aile comme un poussin.
"- Puisque tu tiens à ce point à lire ce torchon, fais le. Mais je reste près de toi."
Boya eut un petit sourire soulagé.
"- Merci, Zhuque."
Le grand oiseau frotta son bec contre la joue de son poussin qui ne put s'empêcher de lui déposer un bisou dessus.
Zhuque le jugea longuement du regard mais Boya avait l'air tellement content de ses bêtises, comment pourrait-il le gronder ? Le phénix gonfla ses plumes comme une poule, se tortilla une seconde pour s'installer confortablement avec son poussin sous son aile puis ferma les yeux. Non qu'il ait envie de dormir. Boya avait juste droit de lire son courrier en paix.
Sentir l'affection de l'humain dans le lien entre eux était une récompense en soi.
Et si Suì ZhǐJī avait fini par venir se faufiler avec eux pour finir sa nuit sous l'autre aile de Zhuque, personne n'allait protester. Leur micro famille était réunie, tout allait bien.
Boya reprit la lettre de He Shouyue. Il voulait se garder de juger immédiatement. C'était difficile. Le gamin allait-il supplier pour qu'il le pardonne ?
A mesure qu'il lisait la lettre, Boya se raidissait tout en se détendant. C'était perturbant.
Il finit par reposer la lettre, un peu perplexe.
Il eut besoin de la relire deux ou trois fois avant d'être sûr de ce qu'il avait lu.
"- Alors mon élu ?"
"- Il me présente ses excuses sans me demander de les accepter."
"- Voilà qui est presque respectueux."
"- Hm…"
"- Quoi d'autre ?"
"- Si je connais bien mon Shifu, il ne m'étonnerai pas qu'il recrute He Shouyue pour JingYun.
"- QUOI ?"
"- Avec ce que je connais du caractère de He Shouyue et ce que je viens de lire dans sa lettre, ce ne serai pas si stupide. Et ça lui irait finalement très bien."
Bon sang, il s'était attendu à lire une liste de récrimination et de haine et voilà qu'il avait eu quelque chose de posé, réfléchit et pertinent. He Shouyue avait fait face à ses démons et à ses limitations, les avait accepté et faisait de son mieux pour s'améliorer. Si Boya ne pouvait oublier ce qu'il lui avait fait et la trahison qui lui avait une fois de plus brisé le cœur, il pouvait pardonner.
Une fois.
Si He Shouyue le trahissait encore, il le tuerait.
Cette catastrophe lui avait ouvert sa plus grands opportunité et lui avait offert ce qu'il n'aurait jamais espéré avec sa relation naissance avec QingMing. Pour ça, il pouvait lui pardonner une fois.
"- Vas-tu lui répondre ?"
"- Il a eu le courage de m'écrire et de faire son auto-critique. Je peux lui répondre. Mais je veux lire le reste de mon courrier avant." Il attendait de voir s'il avait une lettre de son ancien Shifu qui lui parlait de He Shouyue.
Pendant que Boya lisait enfin son courrier, loin au nord, He Shouyue essuyait le sang qui coulait de sa lèvre fendue.
Il avait eu une autre mission de la part de Tànli. Toutes les autres avaient été si faciles qu'il avait succombé à un de ses pires travers une fois de plus. Il s'était reposé sur ses lauriers une fois encore. Il avait vraiment pensé que cette chasse serait facile. Ce n'était qu'un démon de glace à éliminer. Il venait du nord, il les connaissait par cœur ! Il y était allé quasi les mains dans les poches. Il avait juste oublié qu'il n'avait plus accès à ses pouvoirs ou son shishen.
Il était tout nu dans le blizzard.
Au sens propre. Ou presque.
Heureusement qu'il avait une meilleure tolérance au froid que les gens de la capitale.
Le démon de glace était d'ailleurs perturbé par son manque de gêne alors qu'il faisait plein de degrés sous zéro. D'accord, He Shouyue saignait. Mais uniquement parce qu'il s'était mangé une boule de glace dans la figure.
Un cri de douleur étouffée lui échappa lorsqu'une écharde de glace s'enfonça dans son bras.
D'accord.
Le démon avait compris qu'il n'avait aucune défense et s'amusait avec lui. Il fallait qu'il le tue ou qu'il le bannisse.
A sa grande consternation, He Shouyue allait devoir se rabattre sur le peu que Boya avait eu le temps de lui apprendre. Avait-il même une arme sur lui ? Il avait la dague que Tànli lui avait donné. Ce n'était pas grand-chose mais ça restait une arme.
Avant, il se serait contenté de hurler pour qu'on lui vienne en aide. Là ? Si quelqu'un du temple venait, ce serait pour assister au spectacle. Peut-être même lui jeter des cacahouètes.
Crevant.
Il prit le couteau dans sa main gauche. Oui, il se sentait bien mieux avec son arme de ce côté-là. Maintenant, qu'est-ce qu'avait dit Boya ? Ha oui. Être imprévisible, bourrin et sans pitié.
Et viser l'entre-jambe quand on avait rien d'autre contre un adversaire qui semblait mâle.
Ensuite ?
Couper tout ce qu'on pouvait sans se poser de question.
Un ennemi qui perdait des bouts était bien moins motivé pour vous en couper à vous.
C'est un cri suraigu qui sortit de la gorge de six enfants surexcités qui assura Boya qu'il était au bon endroit. Zhuque comme son second shishen n'étaient encore jamais venu au temple du Yin Yang. Il fallait bien leur apprendre les lieux. La ballade incluait les dortoirs des shidi bien évidemment. Boya n'avait pu résister à l'envie d'aller voir ses poussins. Il avait évité tout le monde la veille, submergé par les émotions et les gens, il pouvait aller les voir lui-même. Sans surprise, six petits missiles de plusieurs tonnes il en était sûr, lui rentrèrent dans l'estomac avec toute la vélocité d'un troupeau de yacks dans une descente.
"- SHIXIONG !"
"- Oui, oui. Bonjour aussi."
Les gamins revenaient de l'entrainement. Ils étaient encore humide de leur bain avant leurs cours suivant.
Sans même y réfléchir, Boya les aida à tirer un peu sur leurs vêtements fripés et à refaire leurs coiffures jusqu'à en faire de bon petits disciples tout propres. Les gamins se laissaient baigner dans l'aura de tendre affection de leur shixiong, un large sourire béat aux lèvres.
"- Vous nous avez manqué."
"- Vous m'avez manqué aussi."
Zhuque comme Suì ZhǐJī laissèrent leur maitre se baigner dans l'affection tranquille de ses shidi un moment avant de se rappeler à sa mémoire. Zhuque avait déjà rencontré les shidi bien sûr. Mais pas Suì ZhǐJī.
Les gamins étaient ravi de rencontrer le démon-ratel. Est-ce qu'il pouvait se transformer en ratel complètement comme le Seigneur Anbei pouvait devenir un renard ? Est-ce qu'il savait se battre ? Il savait cuisiner ? Il savait faire des câlins ?
Boya riait en silence. Le pauvre démon ne savait comment réagir à un tel enthousiasme encombrant.
"- Ne fait pas attention. Ils sont invariablement adorables mais totalement sans scrupules, agressifs comme des rats et collant comme des rémoras."
"- SHIXIONG !"
"- C'est faux?"
"- Non mais faut pas le dire ! Vous gâchez la surprise."
Boya ne put s'empêcher de rire à pleine gorge. Ha, ses petits bouchons étaient bien trop gentils. Il les entraina a la recherche de leurs trois ainés puis toute la petite famille martiale alla s'installer dans le réfectoire avec une tasse de thé et des petits gâteaux pour tout le monde pour refaire connaissance et pour Boya s'assurer du niveau des enfants. Et des trois séniors. Ils n'allaient pas tarder à devenir des maitres.
Ca attristait un peu Boya quelque part. Il ne voulait pas les perdre comme shidi. Ha il s'était ramolli pendant son séjour dans le monde des démons. Lui qui n'avait jamais été du genre à se laisser aller à la sensiblerie avant tout ce gâchis se retrouvait à couver ses petits comme des poussins fragiles.
ET QU'EST-CE QUE CROYAIENT FAIRE CES MAITRES QUI SE TAPAIENT DESSUS DEVANT TOUT LE MONDE ?
Boya se mis à bramer après les deux idiots qui devaient avoir le double de son âge, tout auréolé de son statut et de son autorité de Anbei Furen. C'était devenu une seconde nature pour lui. Qu'est-ce que ces deux vieux imbéciles avaient inventés ? Avaient-ils une excuse pour se taper dessus comme des gamins mal élevés ? Une excuse il avait dit. Les courbes harmonieuse d'une jolie disciple n'en étaient pas une.
Sans même réaliser que ce n'était absolument pas son rôle mais celui de Zhong Xing, Fangyue ou au moins du Maitre de la Discipline, Boya envoya les deux quinquagénaires bien tassés copier les livres de conduite des disciples. Ils n'avaient pas dû le faire depuis qu'ils avaient quitté le gris des plus jeunes. Ça leur rafraichirait la mémoire.
Incapables de résister à l'autorité de Boya, les deux vieux messieurs avaient baissés la tête, les mains derrière le dos, et n'avaient pu que répondre d'un "oui, Anbei Furen" tout humble. Tout le monde connaissait le nouveau statut de Boya. S'y référer était normal.
A la porte du réfectoire, un Seimei hilare tapait dans le dos d'un Zhong Xing pincé pendant que Fangyue gloussait en se cachant derrière ses manches.
Il y avait quelque chose de profondément cocasse devant la situation. Remonté comme un Zhuque avec de l'eau sur les plumes, Boya retourna auprès de ses shidi. Vraiment, certains n'avaient aucune éducation. Se battre devant des enfants pour le cul d'une fille qui n'avait de toute façon rien à faire de leurs manières de coq.
Tss.
Bien loin des exactions de Boya auprès des anciens de son temple, QingMing se trainait comme une âme en peine. Les queues en berne, il refusait de sortir de ses poils malgré les encouragements de ses shishen.
"- QingMing, c'est ridicule."
Le renard démon montra les dents à ses deux vieux amis.
Xue TianGou lui donna un coup d'éventail sur la truffe, lui arrachant un couinement.
"- Boya n'est absent que pour quelques semaines. Quelques mois au pire."
"- Mais il n'est pas la !"
"- Et alors quoi ? tu veux rester à te morfondre dans ta tanière jusqu'à ce qu'il revienne? Tu vas finir avec des nœuds dans les poils de la taille d'une loutre. Sans compter que Boya va culpabiliser lorsqu'il reviendra. Ou il sera en colère. Au moins contre toi, plus certainement contre lui-même. Est-ce que tu trouves ça normal de lui faire de la peine juste parce que tu es ronchon?"
"- Mais il me maaaaanque ! Geignit encore le renard-démon en s'arrachant les poils d'une queue avec les dents.
Il se reprit un coup d'éventail sur la truffe.
"- Arrête ça ! Tu vas finir avec une queue toute pelée, ce sera totalement ridicule."
"- Je suis ridicule de toute façon, c'est toi qui l'a dit." Marmotta QingMing, ronchon.
Il protégea sa truffe avec ses pattes avant lorsque Xue TianGou le menaça à nouveau avec son éventail.
"- Brute sadique."
"- Je suis un prédateur." Rappela le tengu.
MiChong et Sha ShengShi regardait les trois très vieux idiots faire n'importe quoi. L'un comme l'autre voulaient juste que Boya revienne. L'humain n'était partit que depuis une journée mais l'ambiance au sein du Domaine Intérieur était délétère. Et c'était sans compter le moral en berne de leur Seigneur qui transpirait dans le lien qu'il partageait avec ses shishen. QingMing finit par obéir à ses vieux amis qui le prirent dans leurs bras lorsqu'il eut reprit forme humanoïde.
"- Tu sais qu'il va revenir, n'est-ce pas ?"
"- Personne ne peut jamais être sûr de rien."
"- QingMing...
"- Il me manque. Jamais personne ne m'avait manqué comme ça."
"- C'est parce que tu es amoureux."
"- Je sais. Mais ça fait mal."
"- L'amour, le vrai, fait toujours mal."
"- Je veux qu'il revienne."
"- Il reviendra."
"- Maintenant."
"- Ne fais pas l'enfant."
"- Je peux aller le chercher !"
"- QingMing..."
"- Pas la truffe! Ça fait mal la truffe."
"- Alors cesse de te comporter comme un imbécile. Ta Furen reviendra en temps et en heure. Libre à toi de laisser ton Domaine s'effondrer et de lui faire honte quand il reviendra pour toi. Ou de te sortir les queues des fesses et de faire de ton Domaine l'écrin que tu voudrais lui présenter pour avoir de quoi demander sa main à Zhong Xing." Aboya Kuang HuaShi.
Des deux esprits, Xue TianGou était le plus gentil. Kuang HuaShi était capable de brutaliser n'importe qui pour leur sortir la tête du fondement quand il fallait vous sortir de votre auto-apitoiement.
Un énorme soupir échappa à QingMing.
MiChong s'était approchée avec Sha ShengShi. Le jeune démon s'était assis derrière son maitre pour dénouer ses cheveux et les brosser gentiment pendant que MiChong lui préparait du thé et lui donnait des petits rouleaux de viande à grignoter. Le renard-démon lâcha un autre gros soupir à mesure que son anxiété était lentement drainée par la présence apaisante et affectueuse de ses plus proches shishen et de ses amis.
"- Je suis désolé." S'excusa-t-il soudain, penaud.
"- La situation t'es étrangère, QingMing. Il est normal que tu y réagisses intensément." Souriait maintenant Kuang HuaShi. "Mais ce n'est pas pour ça qu'il faut que tu fasses n'importe quoi."
"- Je sais."
"- Tu te feras à son absence. Il reviendra bien assez vite, j'en suis certain. En attendant, tu as un Domaine à faire tourner."
Le Seigneur Démon soupira une énième fois, quitta son coussin pour se trainer à son bureau où l'attendait son habituelle pile de missives, demandes et menaces venant de partout. A défaut de retrouver son Boya, il pouvait noyer sa peine dans le travail. Alors qu'il prenait le premier rouleau de la pile pour le lire, il censura strictement le souvenir d'avoir fait de magnifiques siestes la tête sur les genoux de Boya pendant qu'il lisait et triait son courrier pour lui.
Comment pouvait-il rendre son Domaine encore plus attrayant pour Boya pour qu'il n'ait aucun doute lorsqu'il lui ferait officiellement sa demande en mariage? L'idée de Kuang HuaShi n'était pas tombée sur l'orteil d'un sourd. Qu'est ce qui rendrait Boya un peu plus fou de lui ? un peu plus enclin à ne plus l'abandonner ? Qu'est-ce qu'il pouvait offrir à Boya pour qu'il considère définitivement le Domaine et les bras de QingMing comme sa maison pour le reste de sa vie ?
Une idée se faisait lentement dans l'esprit de QingMing. Un humain ne serait jamais heureux ici. Mais un esprit ? Un démon ? Il avait déjà titillé l'idée. Zhuque lui avait dit de lui laisser le boulot. QingMing voulait bien. Mais... Qu'est-ce qu'il pouvait FAIRE ? Il avait peur que la promesse de Zhuque ne soit que des paroles en l'air. Lui faire confiance au lieu de faire le boulot lui-même lui était pénible. Il n'était pas capable de faire confiance à un autre pour ce qui le concernait personnellement.
A force de se torturer avec son courrier aussi bien que de déprimantes pensées, la journée finie par s'écouler mollement.
Une de passées.
Combien de dizaines, de centaines d'autres ?
Il ne pourrait jamais tenir.
Il lui fallait agir et avoir des certitudes.
Xue TianGou et Kuang HuaShi accepteraient sans doute de lui servir de proxy pour aller demander officiellement la main de Boya à Zhong Xing.
Les rapports ne variaient jamais sur le bureau du chef de JingYun. Inlassablement, les nouvelles de Boya étaient les mêmes: aucune.
C'était à croire que l'ancien membre de la secte Est avait disparu dans la nature. Le chef de JingYun eut une grimace de pure haine au visage lorsqu'il prit un rapport de plus. Sans doute aucune nouvelle, comme d'habitude.
Quand l'indifférence méprisante s'était-elle transformée en haine ? Le chef de secte n'en savait trop rien. Quand il avait appris que Boya avait réussi à échapper au destin qui aurait dû être le sien ? Non, il n'en avait été qu'irrité.
Quand il avait prouvé qu'il pouvait redevenir indépendant à la force de ses convictions et de son travail ? Non plus, il n'en avait été qu'agacé.
Quand Boya avait commencé à trouver sa place dans le nord ? Pas davantage il ne l'avait hait.
Alors quand ?
Quand il avait réussi à le retrouver grâce au gamin qui était maintenant à la charge de Tanli. Ho, il n'avait rien dit bien sûr. Mais il avait reconnu le fils du Chef du Yin Yang. Que faisait-il là ? Il avait été à la fois horrifié, scandalisé, amusé et cruellement satisfait de voir la chute d'un privilégié pour qu'il rampe à ses pieds. Mais pour Boya?
C'était de le voir digne et rebelle malgré son handicap. Le voir avec les quelques kilos de gras que les nordiques avaient réussi à mettre sur sa grande carcasse efflanquée comme ils l'étaient tous tant qu'ils n'étaient pas libre parce que la nourriture coutait cher. Boya avait non seulement réussit à se reconstruire, mais il était parvenu à se libérer de JingYun.
Et ça... Ca ! Le chef de JingYun ne pouvait l'accepter. Il ne pouvait le tolérer. Jing Yun les avait tous broyés. Voir que Boya avait réussi à reprendre sa vie en main, qu'il était heureux et libre, qu'il s'épanouissait sans l'ombre qu'était JingYun tapie au fond du cœur.
C'était ce qui avait déclenché sa haine du jeune homme. C'était ce qu'il ne pouvait pardonner.
Boya pouvait avoir réussi à les fuir physiquement, mais jamais il n'aurait du pouvoir les fuir psychologiquement. Ca, le chef de secte ne pouvait ni l'accepter, ni le pardonner.
Qui était Boya pour avait réussi là ou tous les autres avaient échoués ?
Il méritait d'être détruit une bonne fois pour toute.
Le chef de JingYun sentit un petit sourire lui monter aux lèvres. Enfin une bonne nouvelle parmi les rapports beaucoup trop nombreux ! Boya était enfin sortit de la tanière où il se cachait. Ils allaient pouvoir le récupérer pour lui rappeler qui et ce qu'il était.
Peu importait dans quelle crevasse il avait fait son trou pour échapper aux fonctionnaires de l'empereur. Les assassins embauchés par JingYun étaient autrement plus efficaces. Boya allait réapprendre la peur.
L'Empereur était usé par JingYun.
Une fois de plus, le rapport reçut était négatif.
Plus le temps passait et plus le temple s'enfonçait dans une autodestruction criminelle au point d'abandonner son devoir auprès de la capitale et de l'Empereur.
C'était insupportable.
Si l'Empereur se lavait les mains de ce que cette bande d'idiots pouvaient bien faire dans l'absolu, l'abandon de leur devoir commençait à se répercuter lourdement à la fois sur la population et sur le commerce.
Un gueux ou deux qui disparaissait dans la nuit, passait encore. Une famille ou deux qui se faisait bouffer deux ou trois fois par an, ça dynamisait le marché de l'immobilier. Mais des morts à poignées ? Non, ils ne pouvaient le tolérer.
JingYun allait finir par ternir la réputation de l'empereur. Il leur avait déjà ordonné de laisser tomber mais ils n'en faisait qu'à leur tête.
Malheureusement, à part envoyer une remontrance officielle sévère, l'Empereur ne pouvait rien faire. Pas tant qu'il n'aurait pas une autre secte à mettre à la place.
"- Majesté ? Si je puis ?"
Le Maitre de toute la Chine soupira lourdement mais eut un geste vers celui de ses conseillers qui avait eu le culot de l'ouvrir. Il était jeune. Sans doute la seule explication à son audace. Son supérieur avait tenté l'impossible pour lui faire fermer son bec.
"- Il reste trois autre sectes cardinales. Si vous ne pouvez traiter directement avec JingYun parce que ça ne se fait pas." Judicieux gamin. L'Empereur n'intervenait pas parce qu'il ne le pouvait pas mais parce que la tradition le lui interdisait. Ce gamin était plus subtil que son supérieur. "Demandez à la secte qui subit leurs écarts de conduite de leur signifier votre... leur irritation. Après tout, Sa Majesté à autre chose à faire que gérer les querelles de personnes de porteurs de robes." Intelligent.
"- Voilà une idée qui me plait." Il allait préparer une missive pour l'actuelle chef du Yin Yang et lui demander de calmer JingYun.
En toute délicatesse et discrétion bien sûr. Et lui pourrait se laver totalement les mains de la situation. Après tout, Le Yin Yang lui-même avait exprimé son agacement envers JingYun dans sa lettre de protestation envoyé au trône aussi bien que celle où ils acceptaient avec diligence d'aider à retrouver le disparu. Autant que le Yin Yang règle le problème eux-mêmes ! L'Empereur pourrait ainsi détourner les yeux de la situation, l'esprit tranquille.
Satisfait, il fit récompenser le jeune fonctionnaire d'un ruban de plus. Ce serait cocasse de voir combien de temps il allait survivre à son culot !
