Hello! Je sais les update prennent du teeeeemps, mais regardez comme ce chapitre est long ;)
Enjoy & Review!
"Things change. And friends leave. Life doesn't stop for anybody."
― Stephen Chbosky, The Perks of Being a Wallflower
"Les choses changent. Et les amis s'en vont. La vie ne s'arrête pour personne."
― Stephen Chbosky, The Perks of Being a Wallflower
Chapitre 5 : Life Doesn't Stop For Anybody
« Elle voulait déjà appeler son fils Neville. C'était le héros de son roman préféré. » conclut Harry, en cessant d'observer le magasine oublié devant lui pour affronter le regard de son ami.
Neville n'avait pas prononcé un seul mot depuis qu'Harry et lui s'étaient isolés dans un coin de la salle commune, un peu après la fin des cours, laissant les autres aller seuls à la bibliothèque. Le Gryffondor avait bu ses paroles, les yeux grands ouverts, la reconnaissance se disputant à la jalousie sur son visage.
« C'est la meilleure amie de Lily. » ajouta-t-il, après coup.
Il n'était pas certain de l'avoir déjà mentionné. Il avait débité ce dont il se souvenait d'Alice, légèrement étonné de tout ce que l'on pouvait retenir d'une personne sans y prendre garde. Sa passion pour les romans d'amour, la manière dont elle riait à gorge déployée, son obsession pour les chewing-gums qu'elle semblait mâcher en permanence…
« C'était. » corrigea doucement Neville, un sourire triste sur le visage.
Celui d'Harry disparut brusquement. Ses amis avaient pris l'habitude désagréable de lui rappeler, en permanence, que ses parents étaient morts. Il n'était revenu que depuis quelques jours et il oubliait, parfois, que Lily et Severus n'étaient pas simplement à portée de hibou. Parler de Lily ou des Maraudeurs au présent lui paraissait naturel, le passé lui laissait toujours une boule dans la gorge.
« Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ? » demanda-t-il, avec hésitation. Il ne voulait pas raviver de mauvais souvenirs, mais il était curieux. Il se doutait qu'il devait s'être passé quelque chose de grave pour que Neville vive chez sa grand-mère, mais il ne savait pas quoi.
Évidemment, Snape avait dit que Neville aurait pu être, lui aussi, l'objet de la prophétie donc les Londubat… Les Londubat avaient dû défier au moins trois fois le Seigneur des Ténèbres. Ce qui ne laissait rien présager de bon pour leurs chances de survie…
Neville suivit du regard un première année qui courrait d'un côté à l'autre de la salle commune, à la poursuite d'un vif d'or d'entraînement, plus lent que la normale, sous les encouragements de ses camarades.
« Elle est devenu Auror. » déclara le Gryffondor, avec fierté. « Elle a épousé mon père. Et ensuite… Après la mort des tes parents, ils ont été capturés par des Mangemorts et ils ont été torturés jusqu'à ce que… » Neville s'interrompit et haussa les épaules. « Ils sont à Sainte Mangouste, maintenant. Ils ne savent pas comment les soigner, ils ne sont… Ils ne sont plus vraiment tout à fait là. »
La détresse de son ami était palpable, mais Harry ne savait pas quoi dire pour le consoler. Y avait-il seulement quelque chose à dire ?
« C'était comment ? » s'enquit Neville « De rencontrer tes parents ? Leur parler ? »
Ce n'était pas le premier à poser la question. Ron, Hermione… Ginny et les jumeaux… Tout le monde lui demandait la même chose. Qu'est-ce que ça lui avait fait de rencontrer Lily et James ? Qu'est-ce que ça lui avait fait de rencontrer Lily et James…
Un coup de poignard en plein cœur. Une douce douleur. Un miracle éphémère.
« Bizarre. » offrit Harry, plus honnête qu'il ne l'avait été avec ses meilleurs amis.
Ni Ron, ni Hermione n'aurait pu comprendre, ils avaient grandi avec leurs parents, ils les connaissaient. Il n'était pas seulement question de rencontrer des versions plus jeunes de ses parents mais bel et bien d'une rencontre tout court.
« Ils ne sont pas comme je l'imaginais… N'étaient pas comme je l'imaginais. » se reprit-il, avant que Neville ait pu le faire. « Lil est… » Sa voix s'enroua et il préféra se taire. Il n'avait pas de mots pour décrire Lily. Ou peut-être qu'il en avait trop, justement. Il n'y était pas habitué. Il n'était plus, non plus, habitué à parler d'elle à l'imparfait. C'était trop tôt, trop dur. « James… » tenta-t-il, sans davantage parvenir à terminer. Comment expliquer la contradiction ambulante qu'était James ? Gamin arrogant et, pourtant, graine de héros ? Comment décrire le garçon qui n'hésitait pas à risquer sa vie pour un rival ou croyait quelqu'un qui lui déclarait être son fis sans immédiatement le rejeter ou remettre sa parole en doute ? Il ne le pouvait pas. Il ne savait pas comment faire.
« Ils te manquent. » devina Neville, sur le ton de l'évidence, disant à voix haute ce que Ron et Hermione ne se décidaient pas à demander, même à voix basse.
Aurait-il eu le courage d'avouer une telle chose à ses amis ? Il n'en était pas certain. Il y avait une distance entre eux qui n'avaient pas été là avant la tempête. Non, pas une distance… Une hésitation, plutôt. Comme si aucun d'eux n'était certain de comment reconstruire le puzzle de leur amitié. Les pièces s'emboîtaient, mais elles n'étaient plus à la bonne place.
« Oui. » offrit-il, finalement, avec sincérité.
De ses amis, seul Neville pouvait comprendre. L'absence tout au long de l'enfance, le vide derrière soi à chaque nouvelle étape que l'on franchissait… Il ne savait pas comment expliquer à Ron ou à Hermione ce qu'il ressentait à présent que ce vide avait été momentanément comblé.
« Je ne sais pas si je suis jaloux ou désolé. » admit le Gryffondor, en se tordant nerveusement les mains. « D'un côté, j'aurais aimé être à ta place… D'un autre… D'un autre, je ne sais pas si j'aurais eu le courage de me séparer d'eux. »
Harry se força à sourire.
« Je n'avais pas trop le choix. » lâcha-t-il, sans entrain.
Neville l'étudia avec gravité. Durant son absence, Neville paraissait avoir développé un début d'assurance. L'adolescent n'hésitait plus autant à s'exprimer et savait se faire entendre dans le groupe bruyant au sein duquel Ron et Hermione persistaient à entraîner le Survivant.
Le groupe, Harry devait l'avouer, n'était pas aussi terrible qu'il l'avait pensé les premiers jours. Malfoy s'était plus ou moins mis en retrait, toujours à la périphérie de la masse des adolescents, ce qui était parfait parce qu'Harry se tenait généralement à l'autre bout. Le Serpentard semblait réticent à approcher de lui ou d'Hermione, une crainte que la jeune fille partageait visiblement. Il ne savait pas ce qui s'était passé entre eux. Étant donné leur comportement en cours de potions, il s'était attendu à une déclaration dès le lendemain, mais il ne s'était rien passé. Ils s'évitaient sans s'éviter, se tournaient autour sans en avoir l'air et arboraient tous deux des expressions désespérées dignes des grands héros de tragédies grecques. Ça en devenait agaçant et, à en croire les murmures qu'échangeaient leurs amis quand Hermione et Malfoy n'étaient pas là, il n'était pas le seul à le penser.
« Tu aurais pu rester là bas. » remarqua Neville.
Le vif d'or fusa vers lui et Harry l'attrapa par réflexe, sans y penser à deux fois. Il le tendit au première année qui s'était approché et le dévisageait à présent avec un mélange de terreur et d'admiration. Autre chose qui ne lui avait pas manqué, à cette époque, les gros titres stupides que la Gazette sortait avec son nom en première page. Le nombre d'éditions spéciales, de portraits et d'élucubrations que le journal avait faits sur lui, ces derniers jours… Ils racontaient tout et n'importe quoi.
Le première année récupéra son jouet et se précipita vers son groupe d'amis qui se répandit rapidement en chuchotement excités.
« Après le mal que le Professeur s'était donné… » soupira Harry, songeant à toutes les nuits blanches que Snape avait passées penché sur les grimoires et les chaudrons. « Et puis… Je ne pouvais pas vous abandonner. »
Neville sourit légèrement, mais ça n'atteignit pas ses yeux. Le Gryffondor attrapa le bord du magazine oublié sur la table et le tira un peu vers lui avant de le repousser dans un besoin évident de s'occuper les mains.
« Tu parles de lui différemment. » avança Neville, avec prudence. « Snape. Quelque chose a changé, non ? »
Harry laissait échapper un rire amer avant même d'en avoir conscience, balayant la remarque de Neville d'un geste nonchalant de la main. Il était effrayé, parfois, de combien il lui était devenu instinctif de mentir, de nier la vérité.
« Snape est un salaud. » cracha-t-il, avec une fausse conviction. « Tu as entendu ce qu'il m'a dit en Défense, ce matin ? Je le déteste. »
Comme il en avait pris l'habitude en 75, le Maître des Potions avait organisé un cercle pour leur premier cours pratique, afin d'évaluer leur niveau. Harry avait largement dominé la classe, vainquant tous ses camarades tour à tour, Gryffondor ou Serpentard, bien que quelques uns – ceux qu'il avait aperçu le soir de son retour, lors de la réunion de cette fameuse A.D. dont Hermione lui rabattait les oreilles – se soient mieux débrouillés que d'autres. Quand il avait terminé par désarmer Zabini, le dernier à entrer dans le cercle, au bout de quelques minutes, Snape n'avait rien trouvé de mieux que de critiquer le charme du bouclier d'Harry, comme s'il n'avait pas passé les deux heures à désarmer élève sur élève.
Harry se doutait que ce n'était que pour les apparences, mais ça ne l'avait pas empêché d'être un poil vexé. De plus, en dépit de toutes ses provocations, Snape s'était contenté d'ôter des points au lieu de lui donner une retenue. Personne ne doutait que l'hostilité entre eux était plus forte que jamais, mais le garçon, lui, commençait à se poser des questions.
Il avait la sensation que le Professeur l'évitait.
Il n'était jamais dans son bureau, ne s'attardait pas suffisamment après les cours pour qu'il puisse lui parler et arborait, en permanence, un air sombre qu'Harry connaissait bien pour l'avoir vu suffisamment de fois sur le visage de Severus. Quelque chose clochait.
« Je ne sais pas. » hésita Neville, visiblement pas convaincu. « Lui aussi, il est différent. Il a l'air un peu plus… »
« Affreux ? » proposa Harry, sans croiser son regard.
« Humain. » lâcha le Gryffondor.
« C'est pour mieux endormir ta méfiance. » jura-t-il.
Son ami accepta sa réponse, dans un haussement d'épaules, et désigna le magasine d'un geste.
« Tu as lu l'interview ? Tu vas vraiment aller vivre chez lui ? » s'enquit Neville, sans savoir qu'il s'aventurait en terrain sensible.
Sur la couverture brillante, un Sirius en papier glacé lançait inlassablement clin d'œil sur clin d'œil, en décernant, de temps en temps, un sourire ravageur à son public. L'interview, sortie bien avant son retour, avait laissé Harry un tant soit peu songeur. Son parrain y affirmait être déterminé à obtenir sa tutelle, y déclarait garder espoir pour un éventuel retour d'Harry, s'y répandait en compliments sur son filleul… Il était dur de douter de son affection manifeste.
Il se sentait de plus en plus coupable de la pile de lettres qui s'amoncelaient dans sa malle, toutes restées sans réponse. Ce n'était pas vraiment de sa faute. Ces derniers jours, il avait tenté, à chaque lettre reçue, de répondre. Vraiment. Il ne comptait plus le nombre d'heures qu'il avait passé devant un bout de parchemin vierge, la plume à la main, sans savoir comment débuter sa missive.
Hermione, Ron et Ginny s'étaient mis à insister plus ou moins subtilement, chaque matin et chaque soir, pour qu'il envoie Hedwige à son parrain avec une explication. Apparemment, il n'était pas le seul à recevoir un hibou par jour. Ron et Hermione avait refusé de trahir ses confidences et Ginny n'en savait pas suffisamment pour s'y aventurer même si elle l'avait voulu – ce qu'elle n'aurait pas fait, il en était sûr.
Un chat sauta sur la table, entre eux, avant qu'il n'ait pu s'aventurer à donner une réponse maladroite. Neville recula un peu brusquement, mettant autant de distance que possible entre lui et l'animal.
« Encore ce monstre ? » s'exclama le Gryffondor, en regardant autour de lui. « À qui est-ce qu'il peut bien appartenir ? »
N'appréciant visiblement pas l'accueil peu chaleureux qui lui était fait, le félin feula en direction de l'adolescent. Harry attrapa Masque sans tenir compte de sa mauvaise humeur et le déposa sur ses genoux, grattant juste derrière ses oreilles comme il l'aimait. Ses ronronnements faisaient le bruit d'une turbine d'avion prêt à décoller.
« D'accord. » lâcha Neville, impressionné. « Tu as une carrière toute tracée dans le domaine des créatures magiques. Tu pourrais devenir l'assistant d'Hagrid. »
Harry leva les yeux au ciel. Le chat s'était fait sa petite réputation dans la Tour des Gryffondors, ces derniers jours. Aussi acariâtre que le Professeur de Défense, il avait griffé une deuxième année qui s'était aventurée à le caresser sans son autorisation et crachotait sur qui le regardait de travers. Associé à son apparence des moins attirantes, son agressivité avait vite fait de convaincre les lions qu'il valait mieux éviter ce mystérieux félin qui ne semblait pas avoir de propriétaire.
« Tu sais à qui il est ? » demanda Neville. « Je ne l'avais jamais vu, avant. »
Masque cogna durement sa tête contre sa main, afin d'indiquer qu'il n'appréciait pas du tout l'arrêt des caresses. Le chat persistait à lui rendre régulièrement visite et à quémander son attention. Il s'était pris d'affection pour Hermione qui avait partagé avec lui les friandises qu'elle achetait pour Pattenrond. Il ne savait pas ce que Snape lui donnait à manger mais ce n'était visiblement pas aussi bon que les bouchées de sardines – ce qui était un nom bien pompeux pour parler de croquettes, d'après lui.
« On dirait un chat de gouttière. » insista le Gryffondor. « Peut-être qu'il est sauvage. »
« Peut-être. » offrit Harry, sans s'engager.
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« Tu crois que ça a un rapport avec Harry ? » s'angoissa Ron, alors qu'ils approchaient du bureau de McGonagall.
Hermione indiqua, d'un geste, qu'elle n'en savait pas plus que lui et accéléra l'allure. Le première année qui était venu interrompre la session d'étude de leur petit groupe d'amis, à la bibliothèque, avait simplement dit que McGonagall désirait voir Hermione et Ron sur le champ. Harry, à sa connaissance, était dans la tour avec Neville… Il n'avait tout de même pas pu se passer une catastrophe en deux heures à peine…
Depuis qu'Harry était revenu, ils semblaient tous vivre en suspens. Ils attendaient. Elle n'avait aucune idée de ce qu'ils attendaient, mais ils attendaient bel et bien pourtant. Que Voldemort se manifeste à nouveau, qu'Harry laisse finalement exploser les émotions qu'il refoulait depuis son retour, que quelque chose fasse finalement éclater le statuquo…
Ron frappa à la porte et entra, presque sans attendre que McGonagall l'y invite.
« Charlie ? » s'étonna son meilleur ami, en s'immobilisant sous le seuil.
Hermione dut se faufiler derrière lui pour voir ce qui se passait dans le bureau. Le frère de Ron était assis dans un des fauteuils qui faisaient face au bureau de McGonagall, elle-même installée à sa place. Et devant la fenêtre, il y avait Sirius. Le Sirius qu'Hermione voyait s'afficher sur les couvertures de magasines : séduisant, bien habillé, et avec ce petit quelque chose qu'arborait plus ou moins consciemment tous les Sang-Purs. De l'évadé barbu, décharné, en haillons et mal coiffé, il ne restait plus rien.
« Qu'est-ce qui s'est passé ? » demanda Ron, d'une voix blanche, visiblement incapable de bouger. « Bill ? Maman ? »
Hermione attrapa le poignet de son ami d'une main et posa l'autre sur le mur, cherchant un soutien. S'il était arrivé quelque chose à Mrs Weasley…
« Non, non ! » s'empressa de le rassurer Charlie, en bondissant hors du fauteuil pour venir poser une main sur l'épaule de son frère. « Ils vont bien. »
Ron expira profondément et Hermione se sentit devenir la cible de tous les regards.
« Miss Granger, si vous voulez bien vous asseoir. » invita gentiment sa Directrice de Maison.
Elle s'exécuta, se demandant bien ce qu'ils pouvaient lui vouloir. Ron s'installa à côté d'elle, prenant le siège abandonné par Charlie, qui posa une demi-fesse sur le bureau de McGonagall. La sorcière lui jeta un regard désapprobateur mais le dragonnier ne parut pas s'en apercevoir.
Sirius se rapprocha, saluant les adolescents d'un sourire.
« Miss Granger, il n'y a pas de bonne manière de vous apprendre ce que j'ai à vous dire… » déclara McGonagall. « Et croyez bien que j'en suis désolée. »
Hermione hocha la tête, se forçant à respirer calmement et à ignorer les regards insistants posés sur elle.
« Il y a plusieurs semaines… » commença la sorcière. « Après votre échappée folle au Ministère… »
« Où ils m'ont sauvé la vie. » intervint Sirius, avec un clin d'œil pour Hermione.
« N'ayez pas l'air aussi convaincu que ce soit une bonne chose. » riposta McGonagall, sans réelle hostilité. L'Animagus accepta la remontrance de bon grès et inclina légèrement la tête, mais la sous-directrice ne perdit pas son air sévère. « Comme je le disais avant d'être interrompue, Miss Granger, après la Nuit des Ténèbres, j'ai tenté de prévenir vos parents de ce qui s'était passé. »
Hermione sentit une boule de fonte se loger dans son estomac. Elle n'avait jamais pensé pouvoir garder le secret indéfiniment. Elle avait toujours su qu'à un moment ou à un autre, il lui faudrait avouer la vérité. Elle avait simplement espéré pouvoir leur cacher ses actions un peu plus longtemps.
« J'ai envoyé plusieurs hiboux, sans obtenir de réponses. » poursuivit sa Directrice de Maison, avec plus de douceur. « Cela m'a inquiétée alors j'ai alerté le Directeur qui a demandé à plusieurs membres de l'Ordre de bien vouloir se rendre sur place afin de déterminer ce qu'il en était. »
Sirius vint se placer derrière elle et posa les mains sur ses épaules, dans un geste de soutien qui lui fit chaud au cœur. Ron, devinant probablement vers quoi McGonagall se dirigeait, attrapa ses doigts, qui pendaient mollement sur l'accoudoir. Charlie ne bougea pas mais la regarda avec une telle compassion… Elle se sentit coupable.
« Ils n'étaient plus là. » lâcha-t-elle, platement.
Elle déglutit péniblement, tentant de rassembler le courage nécessaire aux explications qu'elle se devait de donner. C'était dur de penser à sa famille. C'était dur de repenser au matin où elle les avait quittés pour la dernière fois, parce que les souvenirs qu'elle gardait de cette journée étaient paradoxaux. À certains moments, tout était gravé dans son esprit, jusqu'au plus minuscule détail, à d'autres, c'était le brouillard total. Il lui arrivait de regretter ses choix, de souhaiter avoir écouté Draco, mais il s'agissait d'instants de faiblesse qui s'estompaient généralement rapidement. Au demeurant, elle savait qu'elle avait fait le bon choix. Elle leur avait offert la seule protection qu'elle pouvait en les envoyant loin d'elle. Personne ne les trouverait. Personne ne leur ferait de mal.
« Non, Hermione. » confirma Charlie. « Tonks et Fol'Œil ont fouillé partout. Ils ont disparu. »
Les mains de Sirius exercèrent une pression réconfortante sur ses épaules. Elle ferma les yeux. Comment expliquer ? Comment trouver les mots ?
« Ça fait un moment que tu n'as pas eu de lettre de tes parents… » remarqua soudain Ron.
« Depuis les vacances Noël. » soupira-t-elle. « Je… »
McGonagall se racla la gorge et échangea un regard avec Sirius. Hermione ne pouvait pas voir l'expression de l'Animagus, mais elle aurait parié qu'il y avait la même gêne sur son visage que sur celui de sa Directrice de Maison.
« À ce propos… » hésita la sorcière, sans visiblement savoir comment dire ce qu'elle avait à dire. Elles étaient deux. « Plusieurs de vos voisins ont rapporté que vous étiez accompagnée lors des vacances de Noël. D'après les descriptions qu'ils ont donné du garçon en question… »
Charlie et son frère se fixaient du regard, ayant apparemment une discussion silencieuse.
« Est-ce que c'était Malfoy, Hermione ? » demanda Sirius, sans réelle délicatesse, en se décalant pour pouvoir la regarder en face.
Ron serra brièvement sa main.
« Draco n'aurait jamais fait de mal aux parents d'Hermione. » intervint son meilleur ami, avec conviction.
Charlie eut l'air surpris. McGonagall et Sirius eurent simplement l'air peiné.
« Miss Granger, croyez bien que je comprends ce que cette conversation peut avoir de bouleversant, mais nous devons savoir s'il s'agissait bel et bien de Draco Malfoy. » insista la sous-directrice.
« Draco n'a rien fait. » s'horrifia-t-elle, le cœur battant à tout rompre. « Je le jure. »
Hermione se sentait stupide, une impression très désagréable à laquelle elle n'était pas habituée. Il lui fallait tout expliquer, à l'instant, avant qu'ils accusent Draco de…
« Un loup-garou s'étant publiquement déclaré pour la cause Mangemort a été aperçu près de chez vous, Miss. » déclara McGonagall. « Je n'ai pas besoin de vous rappeler les convictions politiques peu glorieuse de Lucius Malfoy. »
Un loup-garou ? Près de chez elle ? Le soulagement qui la traversa fut tel qu'elle s'effondra un peu dans son siège. Elle avait eu raison. Elle avait eu raison. Le sacrifice avait peut-être été considérable, mais si elle ne l'avait pas fait, que serait-il arrivé à ses parents et à ses grands-parents ?
Les imaginer à la merci des Mangemorts… Les imaginer tremblants et impuissants face à ces monstres…
Elle ferma les yeux et s'appuya plus lourdement sur le dossier, échouant à se détacher totalement d'un certain sentiment de panique. Sa famille était-elle plus en sécurité là où elle l'avait envoyée ? Étaient-ils totalement protégés par leurs nouvelles identités ? Elle avait tout prévu… Des faux papiers aux billets d'avion… De la précision des souvenirs qu'elle avaient substitué aux leurs à la certitude qu'ils n'avaient eu ni enfant, ni petite-fille… Une fois qu'elle avait trouvé les sortilèges, les potions… Cela n'avait pas été si difficile de se procurer ce dont elle avait besoin.
« Greyback en avait après Tonks. » intervint Sirius. « Rien ne prouve qu'il était là pour les Granger. »
« Rien ne prouve le contraire non plus. » remarqua Charlie. « Toute la question, c'est : Malfoy a-t-il ou non vendu les parents d'Hermione ? »
Les paroles du dragonnier lui firent reprendre violemment contact avec la réalité.
« Draco n'est pas comme son père. » s'énerva Ron, avant qu'elle ait pu dire quoi que ce soit. « Il n'aurait jamais fait ça. »
Mais sa voix n'était plus aussi convaincue. Il y avait un soupçon. Un horrible, affreux, innommable soupçon.
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« Je tiens à ce que cela soit clair, Mr Malfoy, vous n'êtes en aucun tenu de répondre à leurs questions. » déclara Snape, en prenant place derrière l'imposant bureau en acajou. « Ceci n'a rien d'une enquête officielle. »
Les yeux gris de Draco passèrent lentement de sa cousine à l'énorme brute affublée d'un œil magique, avant de revenir vers son Directeur de Maison. Les quelques fenêtres donnant sur les profondeurs du lac associées à la lueur tremblotante des torches, berçaient la pièce d'une lumière verdâtre et changeante qui lui rappelait suffisamment la salle commune pour le mettre à l'aise. Ce n'était visiblement pas le cas de Maugrey Fol'Œil et de Nymphadora Tonks qui ne paraissaient pas à leur place dans ce décor.
Cela faisait un moment que Draco n'avait pas eu de raisons de mettre les pieds dans le bureau du Directeur de Maison de Serpentard. Slughorn avait préféré s'installer dans une des tours, ce qui, en soit, était probablement une bonne chose, parce que le garçon imaginait sans peine la colère générale qui aurait grondé si l'homme avait empiété sur le territoire de leur Directeur de Maison.
« Assieds-toi. » aboya Fol'Œil.
Draco resta fermement planté où il était, entre la porte et les sièges qui faisaient face au bureau. Les deux Aurors se tenaient debout, de par et d'autre de la pièce. Sa cousine semblait avoir abandonné ses accoutrements ridicules au profit de cheveux châtains ternes et d'une tenue sombre qui ne lui allaient absolument pas. Sans les couleurs criardes, elle paraissait éteinte.
« Professeur ? » s'enquit-il poliment, reposant son attention sur Snape.
Le Maître des Potions jeta un regard exaspéré à Maugrey et lui fit signe de prendre un des fauteuils, face à lui. Ce qu'il fit avec une mauvaise volonté affichée.
« Draco. » intervint la jeune femme. « Nous avons simplement quelques questions à te poser. »
« Nymphadora… » répondit-il, prenant soin d'étirer chaque syllabe. Il était déterminé à l'appeler Nymphadora puisqu'elle détestait ça. « Comment va ta mère ? »
Andromeda et lui entretenaient une correspondance régulière et courtoise. Il avait appris à apprécier ce qu'il connaissait de sa tante. Elle lui racontait parfois des anecdotes sur l'enfance de sa mère et il s'aventurait, de temps en temps, à esquisser une description de ce que Poudlard était devenu en ces temps de trêve.
« Ce n'est pas une visite de courtoisie, non plus, Draco. » déclara-t-elle, fermement.
Il nota la surprise rapidement dissimulée de Snape comme le déplaisir affiché de Fol'Œil. Il se reprocha immédiatement d'avoir dévoilé son jeu devant le Maître des Potions. Le fait que Snape soit un Mangemort était un secret de polichinelle. Le fil sur lequel dansait Draco était, lui, de plus en plus ténu. Lucius l'avait encouragé à obtenir la protection des amis de Potter, de préférence avant que ses frasques récurrentes ne poussent le Seigneur des Ténèbres à exiger un choix de Lord Malfoy. Il ne voulait rien faire qui pousserait son père à devoir le renier plus vite. Le sceau qui pendait au bout d'une chaine, sous sa chemise, était déjà trop lourd.
« Dis-moi, Malfoy, tu as déjà la Marque ? » attaqua Fol'Œil. « C'était ton initiation, c'est ça ? »
Le sorcier fondit sur lui comme une buse sur une souris et Draco réagit instinctivement. Il bondit hors du fauteuil qu'il repoussa entre eux et tira sa baguette pendant que Maugrey se débâtait encore avec le meuble.
« Assez. » tonna le Professeur, en se levant à demi de son propre siège. « Je ne tolèrerai pas ce genre d'accusations. »
« Tu n'as rien à tolérer, Snape. » cracha Fol'Œil, en sortant sa propre baguette. « Tout ce que je veux savoir c'est s'il y a un ou deux Mangemorts dans la pièce. »
Secret de polichinelle, songea Draco, en réfléchissant rapidement à une manière efficace de se sortir de ce traquenard.
« Arrête, Fol'Œil. » ordonna Nymphadora, dans son dos. « Draco, est-ce que tu veux bien me montrer ton avant-bras gauche ? »
Cela avait beau être formulé comme une requête, ça n'en était pas une. Draco fut réellement vexé.
« Auriez-vous oublié qui a sauvé Black au Ministère ? » grinça-t-il, en levant sa baguette. Il se décala de façon à avoir les trois adultes dans son champ de vision.
Il n'était pas certain de pouvoir se fier à Snape. Il avait énormément de respect pour lui mais, comme le fou furieux l'avait justement fait remarquer, Snape restait un Mangemort. Supposément repenti ou pas, il n'était pas prêt à prendre le risque.
« Je veux voir le Professeur Dumbledore. » exigea-t-il, en désespoir de cause.
Le Professeur Dumbledore, après la nuit passée au Ministère, lui avait paru le seul être humain un tant soit peu raisonnable dans l'Ordre du Phoenix. De plus, il doutait vraiment que le Directeur aurait laissé un élève – quel qu'il soit – se faire torturer dans les cachots, sans rien dire. Son grand défaut était, après tout, d'être bien trop sentimental.
« Le Professeur Dumbledore, rien que ça ! » se moqua Fol'Œil, en fouettant l'air de sa baguette.
Draco dressa un bouclier hâtif, mais trop tard. Sa baguette s'envola et sa cousine sauta pour l'attraper dans les airs, avant que l'ancien Auror n'ait pu la récupérer. Elle fusilla le sorcier du regard.
« Appeler le Professeur Dumbledore est une excellente idée. » décréta Snape, en se dirigeant vers la cheminée qui occupait un pan de la pièce. « Peut-être pourrions-nous terminer cette conversation dans son bureau. Cela devrait certainement calmer les ardeurs de ce gorille sans cervelle. »
Fol'Œil pivota vers Snape et leva sa baguette à l'instant précis où Nymphadora le désarma d'un sortilège précis.
« Ça suffit. » cingla-t-elle. « Professeur, retournez vous asseoir. Nous n'avons pas besoin de Dumbledore. Et toi… Ce serait probablement mieux que tu me laisses faire. »
Aucun des deux hommes ne paraissaient enclin à l'écouter mais les étincelles qui échappèrent au bout de sa baguette lorsqu'ils refusèrent de lui obéir sur le champ fonctionnèrent davantage que toutes les menaces qu'elle aurait pu proférer.
« Je vous serais gré d'éviter de brûler mon bureau, Miss. » siffla Snape, en reprenant sa place. « Et je vous avertis que si la sécurité de mon élève est à nouveau compromise… »
« La sécurité de Draco ne sera pas compromise parce que Fol'Œil va contrôler ses pulsions paranoïaques. » jura Nymphadora, en lançant un coup d'œil d'avertissement à Maugrey. « Draco, assieds-toi, s'il te plait. »
« Rends-moi ma baguette. » contra-t-il.
Elle la lui tendit sans discuter, alors il retourna s'asseoir mais pris soin de s'installer sur le fauteuil le plus éloigné de l'ancien Auror.
« Bien. » lâcha la jeune femme, en empochant sa baguette et celle de Fol'Œil. Elle ne fit attention ni aux protestations du sorcier ni à l'amusement évident de Snape. « Il ne se détendra pas tant que nous n'aurons pas vu ton avant-bras, Draco. Alors si tu pouvais… »
Il envisagea de résister un peu plus longtemps, parce qu'il était bien certain qu'ils n'avaient aucun droit de l'obliger à faire ça… Toutefois, il se rendit bien vite compte que ce ne serait qu'une perte de temps. S'ils voulaient véritablement savoir, ils trouveraient un moyen de vérifier. Il serait plus rapide d'en finir immédiatement avec cette affaire.
Levant les yeux au ciel, histoire de bien établir son déplaisir, il remonta sa manche, dénudant la peau laiteuse de son avant-bras.
« Satisfait ? » ironisa-t-il, en le lui collant sous le nez. « Pas de Marque. »
Elle attrapa son poignet et le tourna dans tous les sens, examinant attentivement sa peau. Il finit par se dégager d'un coup sec. Elle avait les mains froides. Mentalement, il commença à composer la lettre qu'il enverrait à sa tante par le premier hibou disponible. Nymphadora aurait droit à un sermon interminable ou il ne s'appelait plus Draco Malfoy…
« Pas de Marque. » confirma-t-elle.
Fol'Œil insista pour qu'elle inspecte l'autre bras, puis sa nuque puis ses omoplates… En dépit des protestations de Snape et de l'assurance qu'il n'était pas obligé de coopérer, Draco se soumit à leurs demandes. Lucius lui avait ordonné de réfléchir en termes tactiques, tout ce qui pouvait le sauver était bon à prendre… Qu'avait-il fait pour s'attirer la curiosité de l'Ordre ? Il n'était pas idiot, rien de toute cela n'avait à voir avec le Ministère. C'était l'Ordre que représentaient Nymphadora et Fol'Œil. Et s'ils pensaient, ne serait-ce qu'un instant, que sa loyauté penchait du côté du Seigneur des Ténèbres… Il devait gagner la protection des amis de Potter. Il lui fallait la protection de Dumbledore…
« Les jambes. » suggéra Fol'Œil.
Draco refusa. Ôter sa chemise était une chose, enlever son pantalon en était une autre. Ne seraient-ils satisfais que lorsqu'il serait nu et sans défense ? Il lui fallait la protection de l'Ordre, certes, mais au prix de sa fierté ? De sa dignité ? Il y avait très peu qu'il plaçait au dessus de l'un ou de l'autre. Il incarnait la Maison Malfoy. Ce n'était pas que lui qu'ils humiliaient en l'exhibant de la sorte. C'étaient tous ses ancêtres.
« Quelque chose à cacher ? » triompha Maugrey.
« Le Professeur Dumbledore vous a autorisés à poser quelques questions à Mr Malfoy, pas à l'interroger comme un criminel. » pressa Snape « Auror Tonks, si vous n'intervenez pas, je mets un terme à cet entretien. »
Nymphadora paraissait, elle aussi, perdre patience.
« Il n'a pas de Marque, Fol'Œil. » s'énerva-t-elle. « Franchement, pourquoi aurait-il aidé Sirius s'il était un Mangemort ? »
« Enfin une question sensée… » soupira Snape, en se pinçant le nez.
« Pour endormir les soupçons bien entendu. » rétorqua l'ancien Auror, en frappant du poing sur la surface du bureau. L'encrier de Snape tressauta et manqua se renverser. Nymphadora le stabilisa avec un regard d'excuse pour le Professeur. « Pour nous infiltrer. »
Les infiltrer ?
« Et que voulez-vous que j'infiltre précisément ? » riposta-t-il, fatigué de s'entendre insulté. « La salle commune des Gryffondors ? »
Quelle niche d'informations ! Il y avait appris que Brown détestait les insectes et que Ron poussait des cris plus aigus que sa petite-amie lorsqu'il était confronté à une araignée. Quel succès il aurait eu s'il s'était amusé à rapporter ce détail au Seigneur des Ténèbres… Il était évident qu'il s'était trompé de camp…
« Par exemple. » commenta Fol'Œil, sans saisir son sarcasme. « Tu as pensé que te rapprocher des amis de Potter serait une excellente idée, hein ? Tu n'en as pas cru ta chance lorsque Granger a commis la bêtise de t'inviter chez elle… Et tu as pensé que personne ne s'apercevrait de rien… Qui ferait attention à quelques Moldus, après tout… »
Il avait peur de comprendre.
Fronçant les sourcils, il se tourna vers sa cousine.
« Il serait peut-être plus productif que tu me dises exactement de quoi il retourne. » suggéra-t-il, non sans ironie. « Vous parlez beaucoup de poser des questions, mais personne ne m'a encore demandé quoi que ce soit. »
Nymphadora le dévisagea pensivement.
« Où as-tu passé les vacances de Noël ? » demanda-t-elle.
Inutile de mentir puisqu'ils étaient visiblement déjà au courant.
« Chez les Granger. » répondit-il.
Fol'Œil triompha mais Snape le fit taire d'une remarque cinglante.
« Qui était au courant ? » enchaîna-t-elle, sans laisser le temps à l'ancien Auror de répliquer.
Qui était au courant ? Personne. Tout le monde. Dur de le déterminer dans cette école où les secrets ne restaient jamais secrets…
« Tes parents ? » insista-t-elle. « Un de tes amis ? »
Il secoua la tête. Blaise. Blaise avait forcément deviné mais il refusait de l'impliquer là-dedans. Blaise, de toute manière, ne l'aurait jamais trahi.
« Qu'est-ce qui se passe ? » s'enquit-il, avant qu'elle ait pu demander autre chose.
« Les parents de Granger ont disparu. » lui apprit Snape, sans aucune délicatesse. « Ils demeurent introuvables. »
Draco parvint à ne pas se trahir au prix d'un gros effort.
« Et vous pensez que je suis responsable de leur disparation. » déduisit-il, non sans une légère angoisse.
Que faire ? Il avait prévenu Granger que cette histoire finirait mal… Mentir ? Dire la vérité ? Le choix était Cornélien. Ce n'était pas son secret.
Et pourtant, il n'allait quand même pas subir les retombées de cette histoire…
« Personnellement, je pense que vous n'aviez rien à faire chez cette jeune fille. » décréta Snape, froidement. « Je vais devoir en notifier vos parents. »
Il affronta son regard sans trembler, refusant d'avoir à s'excuser de son amitié avec une Née-Moldue. Il pouvait garder ses remontrances pour lui. Snape était un Sang-mêlé, tout le monde le savait, Draco n'allait certainement pas accepter que quelqu'un lui étant inférieur en rang lui fasse la leçon sur la pureté du sang.
« À votre gré. » lâcha-t-il, avec mépris.
« Tant que tu y es, demande donc à son Mangemort de père ce que son Mangemort de fils a fait des parents de cette pauvre gosse. » cingla Fol'Œil, avant de se tourner vers lui. « Attaquer des Moldus est passible d'une condamnation à vie à Azkaban. »
Draco détestait ce type avec une telle passion… Il passa en revue tous les maléfices qu'il aurait aimé lui jeter au visage.
« C'est censé m'encourager à avouer ? » grinça-t-il.
« Il y a donc quelque chose à avouer. » rétorqua Maugrey, une lueur sadique dans son œil valide. L'autre tournait et retournait dans son orbite, c'était écœurant.
« Je suggère que vous vous taisiez à présent, Draco. » déclara Snape. « Rien de tout ceci n'est légal et… »
« Tonks est une Auror. » l'interrompit Fol'Œil. « Tout crime avoué devant elle est considéré comme légalement recevable. Et il me semble que Malfoy vient bel et bien d'avouer. »
Dans quel pétrin, Granger l'avait-elle encore fourré ?
°°O°°O°°O°°O°°
« Harry ? » hésita Remus, en s'immobilisant en haut de l'escalier étroit qui reliait l'aile ouest à la partie centrale de l'école.
Les trois adolescents qui chahutaient gentiment se tournèrent vers lui, soudain silencieux. Ginny ne perdit pas une minute avant de le saluer joyeusement, suivie par Neville. L'accueil d'Harry fut moins enthousiaste mais pas véritablement hostile, ce qui l'encouragea à descendre l'escalier pour les rejoindre sur le palier. La cadette Weasley lui expliqua qu'ils étaient en route pour la Grande Salle et lui demanda ce qu'il faisait à Poudlard. Lorsqu'il répondit qu'il allait rejoindre Sirius dans le bureau de McGonagall, non sans tergiverser entre la vérité et un petit mensonge, Harry se renfrogna ostensiblement.
« Allez-y, sans moi. » offrit le Gryffondor, alors que le silence menaçait de devenir gênant. « Je vous rattrape. »
« Sûr ? » hésita Ginny.
Ainsi, tout le monde savait qu'Harry était réticent à contacter son parrain. Connaissaient-ils également la raison de ce refus ? Sirius avait beau envoyé hibou sur hibou, le garçon n'avait jamais répondu et ils n'étaient pas plus avancés. Ils avaient essayé d'en parler à Dumbledore mais le Directeur ne leur avait fourni que des explications incomplètes, elles-mêmes arrachées à Severus et refusait de s'impliquer dans le conflit. Apparemment, durant son séjour en 1975, Harry s'était fait des ennemis des Maraudeurs et ne parvenait pas à dépasser sa rancœur. Sirius maintenait qu'il devait y avoir autre chose, que quelques plaisanteries ou même une légère rivalité ne pouvait pas être la seule raison de ce silence prolongé…
Remus en avait conclu qu'à moins de confronter personnellement l'adolescent ou, à défaut, Severus, ils n'obtiendraient pas de clarifications. Seulement le Survivant refusait de voir Sirius et mettre la main sur le Professeur de Défense s'avérait bien compliqué… Le loup-garou avait tenté de le contacter plusieurs fois par cheminette, autant pour Harry que pour des questions concernant l'Ordre, sans aucun succès. L'homme n'était jamais dans ses appartements. Il n'osait pas envoyer de hibou de peur qu'il soit intercepté…
« Oui. » répondit Harry, dans un sourire. « Empêche Ron de manger tout le pudding. »
« Je sauverai le pudding. » promit-elle. « Viens, Neville. »
La jeune fille le salua d'un signe de tête et attrapa le bras de son ami. Remus les regarda s'éloigner, conscient que le regard d'Harry était rivé sur lui. C'était étrange de le voir sans ses lunettes, elles avaient toujours contribué à accentuer davantage encore sa ressemblance avec James… Cependant, ce n'était pas ce détail qui lui donnait l'impression d'avoir un étranger face à lui. Il comprenait pourquoi Sirius avait pensé qu'il s'agissait d'un imposteur. Une assurance nouvelle se dégageait de chacun des gestes d'Harry, une assurance dont il n'avait pas fait preuve avant sa disparition. Il avait un peu grandi, développé des muscles et, alors que l'on pouvait généralement lire en lui comme dans un livre, il affichait une expression gardée que Remus aurait été en peine d'interpréter.
Il repensa à la longue conversation qu'il venait d'avoir avec Dumbledore, et à la requête que le Directeur lui avait soumise, à la fin de l'entretien. L'entrevue s'était centrée autour de problèmes concernant l'Ordre et, plus particulièrement, d'un cottage perdu sur la lande qu'ils avaient plusieurs fois parlé de transformer en lieu sûr au cas où le Ministère tomberait et où il leur faudrait une solution de repli… Les Mangemorts l'avaient brûlé, sans raison apparente et Remus était bien en peine d'expliquer comment ils pouvaient en connaître l'existence. À moins que Severus… Mais le Directeur lui avait défendu de s'aventurer sur ce chemin là et Remus avait fini par prendre congé. Pourtant, alors qu'il s'apprêtait à partir, Albus lui avait demandé s'il verrait un inconvénient à donner des cours particuliers de Défense à Harry. Severus avait commencé à l'entraîner, avait affirmé le vieux sorcier, et il ne voulait pas lui laisser le temps de régresser. Les fruits de l'entraînement auquel le Maître des Potions avait soumis Harry, Remus les voyait comme le nez au milieu de la figure.
Harry avait toujours eu un don pour la Défense contre les Forces du Mal, mais il n'était plus question d'un gamin lançant quelques sorts du bouclier ou même réussissant l'exploit de produire un Patronus corporel à l'âge tendre de treize ans. Quand il regardait Harry, il voyait sur son visage la dureté d'un Auror en formation, la prudence et la méfiance constante qu'il devait cultiver s'il espérait avoir une chance de rester en vie… Vigilance constante. Fol'Œil, malgré son aversion pour Severus, aurait été fier du résultat. Il avait pris un enfant et leur rendait un jeune homme mentalement prêt au combat.
Remus lui en voulut un peu, pour cela. Harry n'aurait pas dû avoir à se préparer à ce genre de bataille. Il aurait eu avoir le droit de rester innocent un peu plus longtemps.
« Ce n'est pas un guet-apens. » se défendit-il, dès que Ginny et Neville eurent disparu au détour du couloir. « C'est une coïncidence. »
Il lut dans les yeux verts, si semblables à ceux de Lily, qu'Harry ne croyait plus vraiment aux coïncidences.
Le garçon haussa les épaules et força un sourire sur ses lèvres.
« J'aurais dû vous écrire. » s'excusa l'adolescent, en fuyant son regard. « J'ai essayé plusieurs fois, mais… » Sa phrase se termina dans un soupir. « Comment va Sirius ? »
« Il irait mieux si tu le contactais. » lui reprocha-t-il, gentiment.
Harry eut la bonne grâce d'avoir l'air embarrassé.
« Je n'étais pas certain que tu voudrais me voir, étant donné tes mauvaises dispositions vis-à-vis de Sirius. » confia-t-il.
L'approche n'était peut-être pas la plus subtile, mais Remus doutait d'obtenir un résultat autrement qu'en confrontant le problème. Harry n'était pas le fils de son père pour rien. James pouvait parfois être le plus buté des hommes…
« J'ai dit à Sirius ce que j'avais à lui dire. » répondit le garçon, en se renfrognant.
« Tu ne lui as pas dit grand-chose. » répliqua-t-il.
Le regard d'Harry se balada sur les armures disposées avec régularité tout le long du couloir, sur les murs, sur les quelques peintures…
« Écoutez, c'est compliqué, Remus. » soupira-t-il finalement. « J'essaye, vraiment. Mais, là, tout de suite, c'est compliqué. »
L'agacement qui commençait à naître se dissipa totalement. Harry n'avait pas l'air de faire un caprice ou d'être difficile pour le simple plaisir de l'être… Il avait véritablement l'air perturbé par la situation.
« Harry… » hésita-t-il. « J'imagine ce que tu as pu éprouver, ces derniers mois… »
« Non, je ne crois pas que vous le puissiez. » coupa sèchement Harry, en affrontant son regard.
Une lueur bravache dansait dans les yeux verts, comme si le garçon le défiait de le contredire. Remus n'osa pas s'y aventurer. Se retrouver confronter aux spectres de James et de Lily… De Sirius et de Peter… Tous inconscients de ce que l'avenir leur réservait… Tous encore tellement innocents… Quant à se retrouver face à face avec des parents qu'il n'avait jamais connus autrement que par des anecdotes éparses et des photos jaunies…
Non, Harry avait raison, il ne pouvait pas l'imaginer.
« Tu ne t'entendais pas avec nous, n'est-ce pas ? » demanda-t-il, doucement.
Il était conscient du risque qu'il prenait avec cette simple question, mais elle devait pourtant être posée. Il était déjà certain de la réponse, de toute manière… Sirius avait beau pensé qu'il y avait davantage derrière tout ça que quelques plaisanteries, Remus savait ce que les farces qu'ils avaient jouées à certaines personnes, par le passé, pouvaient avoir de cruel. Il en avait honte mais assumait sa part de responsabilité. Trop longtemps, il s'était contenté d'apaiser sa culpabilité en se disant qu'il avait protesté et tenté de dissuader ses amis
« Pas vraiment, non. » répondit Harry, avec un sourire dur. « C'est le problème quand on est réparti à Serpentard… Tout le monde pense immédiatement qu'on est un Mangemort, surtout les petits cons qui se croient plus malins que les autres. »
Remus choisit de ne pas prendre ombrage de son langage.
« Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais peut-être que si nous en discutions… » proposa-t-il.
« Je n'ai pas vraiment envie d'en parler. » déclina Harry, en croisant les bras.
Intérieurement, le loup-garou ravala un soupir. Cela allait s'avérer être bien compliqué si…
« Je suis certain que le Professeur Dumbledore ne verrait aucun inconvénient à nous prêter son bureau. » insista-t-il. « Sirius est avec le Professeur McGonagall, si j'allais le chercher, nous pourrions… »
« Je ne veux pas voir Sirius. » l'interrompit l'adolescent. « Qu'est-ce qu'il fait dans le bureau de McGonagall, de toute manière ? S'il est venu pour ces histoires de gardes qu'il étale dans les journaux… »
Harry laissa sa phrase en suspens, visiblement incertain de la meilleure manière de la terminer. Un peu irrité de l'attitude du garçon, Remus ne mâcha pas ses mots.
« La présence de Sirius n'a rien à voir avec toi. » asséna-t-il. « Il est ici pour tenter de déterminer ce qui est arrivé aux parents d'Hermione. Cela fait des semaines que personne ne les a plus vus. Nous pensions que la nouvelle serait plus facile si elle était entourée de ses amis. »
Il s'aperçut trop tard qu'il s'était mal exprimé. Sirius, Charlie et McGonagall avaient décidé de faire convoquer Hermione et Ron, sans Harry, pour ne pas que le Survivant ait à se retrouver nez à nez avec son parrain s'il ne le souhaitait pas. Il n'avait jamais été question de l'exclure volontairement. Ils avaient surtout pensé à Hermione et conclut que la nouvelle serait suffisamment bouleversante sans qu'ils ne rajoutent de l'huile sur le feu avec une atmosphère hostile.
« Et je suis quoi, moi ? » riposta le Gryffondor, non sans amertume.
Avant que Remus ait pu tenter de s'expliquer ou même esquisser un geste, Harry était parti en courant en direction du bureau de McGonagall.
°°O°°O°°O°°O°°
Tonks passa une main dans ses cheveux courts, mais désespérément emmêlés, résistant avec peine à l'envie de les arracher de frustration. Snape et Fol'Œil s'insultaient de manière plus ou moins imagée et plus ou moins subtile, depuis plus de dix minutes, sans qu'elle ne parvienne à ramener l'ordre dans le bureau du Directeur de Serpentard. Les deux hommes paraissaient prêts à se sauter à la gorge. Elle était heureuse d'avoir la baguette de son mentor en sa possession, mais doutait que ça suffise à arrêter l'ancien Auror. Quant à Snape… Elle n'aurait pas aimé avoir à se frotter à Snape.
« Tu interviens, quand tu veux. » siffla son cousin.
Elle tourna les yeux vers Draco qui, installé dans son fauteuil, observait la scène avec un air blasé qui ne trompait personne. Il se tenait tellement droit que son dos ne frôlait même pas le dossier, son port de tête altier se voulait au-dessus de l'altercation qui augmentait en intensité de seconde en seconde – plus Fol'Œil haussait la voix, plus celle de Snape devenait grave et menaçante – et ses doigts pianotaient impatiemment sur les accoudoirs… Le Sang-pur par excellence. À le voir, personne n'aurait dit qu'il était accusé d'être responsable de la disparition de moldus.
Toutefois, Tonks avait eu affaire à suffisamment de personnes dans son genre au cours de sa carrière pour voir les craquelures sur le vernis. Il y avait cette lueur incertaine dans yeux, la nervosité de ses gestes…
Elle ne croyait pas coupable. Draco avait quinze ans, il ne pouvait pas être aussi bon menteur ou manipulateur, c'était impossible. Sa mère ne tarissait pas d'éloges sur ce gamin et, indépendamment de son opinion personnelle, son instinct lui disait que le Serpentard était innocent. Peut-être avait-il commis une indiscrétion… Mais elle ne pensait pas qu'il ait volontairement nuit aux parents d'Hermione… Elle avait vu la manière dont il la regardait…
« Dans ce cas, revenez avec un Auror mandaté par le Ministère. » cingla Snape, en réponse à une pique de Fol'Œil.
« Je ne vais pas laisser un Mangemort dicter ma conduite. » cracha Maugrey, avec dégoût. « Tu… »
Tonks fendit l'air de sa baguette et Fol'Œil continua de remuer les lèvres sans produire un seul son. Combien de gens devrait-elle rendre muet, cette semaine là ? Elle jeta à Fol'Œil un regard sévère. Elle avait beau l'adorer, il lui arrivait parfois d'être véritablement casse-pieds… Comme quand il était question d'une suspicion d'appartenance aux Mangemorts ou des vampires… Quoi que Nyssandra et lui ne s'étaient pas disputé depuis plus de trois jours…
« Ne daignez pas seulement envisager de retourner votre baguette contre moi. » la provoqua Snape.
Elle ne lui fit pas le plaisir de répondre.
« Tout ça devient ridicule. » s'exclama-t-elle.
Elle était certaine que si elle avait toujours été en possession de dons de Métamorphomage, ses cheveux auraient viré au rouge.
« C'est cet entretien qui est ridicule. » riposta le Professeur, en fusillant Fol'Œil du regard. « Le Directeur a donné son accord pour… »
« Interroger Draco sur la disparition des Granger, pas pour l'accuser d'être un Mangemort. » coupa-t-elle. « Je suis d'accord et je suis désolée. »
Elle se tourna vers son cousin qui soutint son regard quelques secondes puis accepta ses excuses d'un bref hochement de tête.
« Gamine… » grogna Fol'Œil qu'un silencio n'avait jamais arrêté bien longtemps. « Si tu n'es pas capable de faire la part entre tes sentiments personnels et… »
« Ce n'est pas moi qui est un problème à ce niveau là. » l'interrompit-elle fermement. « La discussion est close. À présent, Draco, peux-tu nous dire exactement ce qui s'est passé chez les Granger ? »
L'adolescent haussa négligemment les épaules. « Je n'ai rien à dire. »
Tonks dut faire un véritable effort pour ne pas perdre son calme. Elle était entourée de trois des pires têtes de mule qu'elle n'avait jamais vu. Il ne manquait plus que Sirius et Remus pour que le tableau soit complet.
« Malfoy. » insista-t-elle, en levant la main en direction du Professeur qui, nul doute, se préparait à clore l'entretien. Elle supposait qu'il se devait de prendre le parti de Draco quoi qu'il en coûte, puisqu'il était le fils de Lucius. Il devait cultiver son image de fidèle Mangemort… Ce qui ne contribuait pas à apaiser Fol'Œil.
« Écoute… » lâcha Draco, d'un ton irrité. « Je n'ai rien à dire. J'ai passé les vacances chez eux. Ce sont des gens charmants et, crois-moi, je regrette profondément ce qui leur arrive. Je suis revenu à Poudlard. Fin de l'histoire. »
« Charmant pour des Moldus, je suppose ? » attaqua immédiatement Fol'Œil.
Tonks prit une profonde inspiration, dans l'espoir de regagner un semblant de sérénité, comme les Magicomages qu'elle avait consultés le lui avaient conseillé. Elle ne parviendrait à rien tant qu'elle ne maîtriserait pas ses émotions disaient-ils tous d'un air entendu. Le blocage était émotionnel, c'était donc par là qu'il fallait en passer.
Elle aurait probablement eu plus de chance de rester sereine si l'ancien Auror n'avait pas cette faculté de ressembler à un chien affamé s'acharnant sur un os à moelle.
« Moldus ou pas Moldus. » grinça Draco, en jetant un regard de défi à Snape.
Toutefois, le Professeur avait croisé les mains sur la surface du bureau et observait désormais le garçon avec un air songeur. Il ne semblait pas sur le point de faire une remarque quelconque.
« J'en ai assez. » continua le Serpentard, en se levant. « Si vous voulez poursuivre cette sympathique discussion, je vous suggère de contacter mon père et son avocat. »
Il n'avait pas fait un pas vers la porte qu'elle s'ouvrait sur McGonagall et ses deux lions. Les joues d'Hermione étaient humides de larmes, Ron avait l'air grave.
« Professeur, je ne suis pas certaine… » commença Tonks, uniquement pour être couverte par la voix grave de Snape.
« Je vous en prie, Professeur McGonagall, nul besoin de frapper. » railla-t-il. « Qu'est-ce, après tout, que cette petite formalité que l'on appelle courtoisie entre gens bien élevés… »
Il suffit d'un seul coup d'œil à la sous-directrice pour faire comprendre à l'homme qu'elle se passerait bien volontiers de ses remarques.
« Professeur. » soupira Tonks. « Vraiment… »
« Draco n'a rien à voir avec la disparition de mes parents. » l'interrompit Hermione. Visiblement, personne ne se souciait de ce que disait ou faisait Tonks. « C'était moi. »
La déclaration jeta un froid.
« Hermione… » hésita la jeune femme, à court de mots.
« Ce que tu dis est très grave, petite. » intervint Fol'Œil, du ton bourru qu'il réservait aux gens qu'il appréciait.
« Dans deux minutes, il va te parler d'Azkaban. » soupira Draco, en indiquant à la jeune fille de prendre le siège qu'il avait laissé vacant. « Mais, si ça peut te rassurer, l'oncle de Daphné est le meilleur avocat de la communauté magique. »
La lionne lui lança un regard noir, déclinant le fauteuil d'un geste, et le Serpentard leva les yeux au ciel.
« Miss Granger, si vous voulez bien. » pressa McGonagall.
Sans se faire prier davantage, Hermione raconta tout. Ses intentions, sa décision, les sorts et la potion… Le silence, lorsqu'elle eut terminé, était pesant.
Tonks ne savait pas quoi faire. En temps normal, elle aurait dû arrêter la jeune fille, la faire paraître en justice, mais… Elle voyait bien aux visages de Fol'Œil et de McGonagall qu'il n'en serait pas question. Dumbledore, une fois mis au courant, souhaiterait régler l'affaire entre eux – Charlie et Sirius étaient probablement déjà dans son bureau. Seulement, eux, avaient le choix de le rapporter ou pas au Ministère. Elle, en revanche, cela la mettait dans une position…
« Doux oubli. » lâcha Snape. Les deux mots, prononcé avec une telle froideur, parurent percer la bulle de silence comme deux coup de dagues aiguisées. « Doux oubli, Granger. N'avez-vous rien appris dans ma classe ? »
Hermione leva un peu plus le menton, dans une attitude fière qu'elle aurait mieux fait d'oublier.
« Comme toutes les potions et sortilèges jouant sur la mémoire, il y a un risque de perte définitive des souvenirs. » récita-t-elle. « Il s'agit d'un dérivé de… »
« Peut-être serait-il temps que vous arrêtiez d'absorber des pages et des pages d'informations pour tenter de comprendre ce dont il est question. » cingla Snape. « Avez-vous la moindre idée de ce qu'une telle potion a de volatile ? Savez-vous ce que… »
« J'ai fait des recherches. » coupa Hermione, calmement. « Je sais pertinemment ce que fait la potion. »
Tonks se demanda si elle était suicidaire. Sous le coup de la colère, Snape avait plissé les yeux et observait à présent l'adolescente comme un ingrédient qu'il était sur le point de disséquer.
« Ce qui est fait est fait. » grogna Fol'Œil. « Snape, tu prépareras un antidote. »
La jeune Auror ne savait pas précisément ce qu'était cette potion, mais il était clair, à voir Snape, qu'il n'y avait pas d'antidote.
« Est-ce ce que vous êtes venue me demander ? » lança-t-il à McGonagall, avec un amusement amer. « Un autre miracle ? Je regrette, Minerva, il va falloir prendre un ticket. »
Tonks, comme Fol'Œil, fronça les sourcils. Le Professeur de Métamorphose se contenta de croiser les bras et de le dévisager d'un air sévère.
« Severus, vraiment, vous êtes d'une amabilité rare, aujourd'hui. » commenta la vieille sorcière. « Si vous ne pensez pas pouvoir le faire, peut-être qu'Albus… »
« Bonne chance à lui, dans ce cas. » riposta Snape. « Les effets de ces potions sont suffisamment compliqués à annuler lorsqu'elles sont correctement préparées. Où avez-vous trouvé la vôtre, Granger ? Dans l'Allée des Embrumes ? Ou bien est-ce là que Mr Malfoy rentre finalement en scène ? »
Draco eut l'air excessivement las de se voir perpétuellement renvoyé sur le banc des accusés.
« Je l'ai faite moi-même. » déclara Hermione, attirant sur elle le regard sidéré de McGonagall et de Fol'Œil. Voilà un détail qu'elle n'avait pas dû révéler, plus tôt. Tonks, comme Ron, n'était pas particulièrement étonnée. Il leur fallut, à tous, plusieurs secondes pour digérer l'information.
« Et je pensais que vous étiez la plus intelligente des trois… » marmonna Snape.
« La potion avait l'air parfaite, Professeur. » intervint Draco.
« Et que sais-tu des potions d'oublis, Malfoy ? » rétorqua Fol'Œil. « Elles sont illégales. »
« Non, Maugrey. » grinça Tonks, avant que l'homme ne se tourne vers elle. « Je ne vais pas arrêter Draco. »
L'ancien Auror se renfrogna. Qu'espérait-il ? En qu'arrêtant Draco, ils feraient sortir Lucius de sa tanière ?
« La discussion est stérile tant que nous n'avons pas les victimes devant nous. » décréta Snape.
« Ce ne sont pas des victimes et je ne vais pas vous dire où ils sont. » rétorqua Hermione. « Le but était de les protéger. S'il y a des loups-garous près de chez moi, ils sont plus en sécurité comme ça. »
« Miss Granger… » asséna McGonagall, avec une exaspération croissante.
« Le loup-garou, c'était ma faute. » la rassura Tonks « C'était moi qu'il suivait. Nous pouvons protéger tes parents bien plus efficacement si nous savons où ils sont. »
« Tu vas arrêter tes caprices, petite. » renchérit Fol'Œil. « Ce genre d'exploit, ça peut te valoir Azkaban. »
« Tu vois ? » plaisanta Draco. « C'est son argument favori. »
Ron fit taire le Serpentard d'un coup de coude. Hermione, elle ne paraissait pas du tout amusée. Pas plus que les Professeurs et Aurors.
« Eh bien, envoyez-moi à Azkaban. » s'entêta la lionne. « Parce que je ne vais pas vous dire où ils sont. »
« Miss Granger, croyez-vous que nous vous laissons le choix ? » siffla Snape.
« Je ne pense pas qu'elle le croit, Severus. » intervint Dumbledore, d'un ton enjoué, faisant sursauter tout le monde. Quand était-il entré ? La porte était restée entrouverte mais Tonks ne l'avait pas vu se faufiler dans la pièce. « Toutefois, puisqu'il s'agit de sa famille, ne pensez-vous pas que nous le devrions ? Miss Granger a toujours fait preuve d'un discernement exemplaire pour son âge… »
« Professeur Dumbledore. » lâcha Snape.
Tonks n'aurait pas su dire s'il s'agissait d'un salut ou d'un assentiment. Quoi qu'à voir son expression de déplaisir évident, il était probablement davantage question de rappeler au Directeur que, contrairement aux apparences, son bureau n'était pas un moulin dans lequel on pouvait entrer sans frapper.
« Professeur Dumbledore. » intervint-elle, coupant l'herbe sous le pied de Draco qui avait ouvert la bouche pour débiter une idiotie ou une autre. « Sauf votre respect, il est hors de question de laisser quatre Moldus sous l'effet d'une potion d'oubli… Vous ne pouvez pas être sérieux, c'est tout à fait inconscient ! »
Snape émit un bruit railleur qui lui valut une réprimande discrète de la part de Directrice des Gryffondors. L'Auror se désintéressa de leurs chamailleries en comprenant, au regard qu'échangeaient Dumbledore et Fol'Œil que le vieux sorcier était sérieux.
« Professeur ! » protesta-t-elle, estomaquée. « Vous n'allez pas… »
« Êtes-vous certaine que votre famille est en sécurité, Hermione ? » l'interrompit Dumbledore.
La jeune fille rougit légèrement en se trouvant à nouveau la cible de tous les regards, mais hocha fermement la tête.
« Ils sont autant en sécurité qu'ils peuvent l'être. » affirma Hermione, avec conviction.
« Ils seraient bien plus en sécurité sous la protection de l'Ordre. » insista Tonks, agacée que personne ne l'écoute.
« Elle n'a pas tort, Albus. » renchérit McGonagall, avec hésitation. « Que vous envisagiez seulement… »
« J'aimerai avoir la certitude que Miss Tonks ait raison. » soupira Dumbledore, sans la laisser finir. « Toutefois… La solution de Miss Granger leur offre un anonymat qui se trouve être la meilleure des protections pour l'instant. »
« Et que faites-vous des attaques sur les Moldus ? » pressa la jeune femme, avant de se tourner vers la cinquième année. « Hermione, tu penses peut-être qu'ils sont en sécurité, mais il n'y a plus un endroit sûr dans tout le Royaume-Unis. Si tu nous dis où ils sont, nous pourrions envisager un Fidelitas ou une option plus… »
« Ils ne sont plus au Royaume-Unis. » coupa Hermione. « Ils sont loin. Personne ne les trouvera. »
Tonks poussa un soupir exaspéré et se passa une main sur le visage.
« Tu as enfreint tellement de lois que… » commença-t-elle, uniquement pour être coupée par Snape.
« Vous perdez votre temps. » l'informa le Professeur. « En ce qui concerne le Professeur Dumbledore, les Gryffondors sont tous au-dessus des lois et la décision est, de toute manière, déjà prise. Économisez votre salive. »
Snape ne paraissait pas plus enchanté qu'elle par le dénouement de cette affaire. Pourtant, elle refusa de baisser les bras aussi rapidement.
« Fol'Œil. » plaida-t-elle.
Son mentor eut l'air gêné. Son œil magique s'agitait dans tous les sens, et l'autre fuyait son regard.
« C'est peut-être pour le mieux, gamine. » décréta l'ancien Auror.
Elle manqua s'en étrangler.
« Vous n'êtes pas sérieux ? » demanda-t-elle, à la cantonade. « Dites-moi que vous n'êtes pas sérieusement en train de considérer de laisser quatre personnes innocentes, sous l'influence d'une potion qui pourrait être mal préparée, vagabonder dans la nature. »
Mais chacun des visages qu'elle consulta des yeux lui affirma le contraire. McGonagall fixait le sol du regard comme s'il avait recélé tous les mystères de l'univers, Draco paraissait amusé par sa déconfiture, Ron avait l'air songeur mais, vu qu'il n'avait pas desserré les dents de toute l'entrevue, elle doutait qu'il s'y aventure à présent, Snape ne cachait pas sa désapprobation mais n'esquissa pas un geste pour la soutenir et, bien entendu, Hermione avait l'air déterminée à garder son secret. Quant à Dumbledore… Dumbledore la dévisageait patiemment, avec une expression compatissante, attendant visiblement qu'elle se range à l'avis général. Sans douter, une seconde, qu'elle se rangerait à l'avis général.
Ça la mit dans un tel état de colère qu'elle regretta, une fois de plus, que ses dons de Métamorphomages lui aient fait défaut. Face à ses cheveux noirs, peut-être auraient-ils compris l'ampleur de sa désapprobation.
« Je suis une Auror. » leur rappela-t-elle. « Ma tâche principale est d'empêcher ce genre d'abus, de protéger les gens contre ce genre d'abus. Hermione, si tu ne me dis pas immédiatement où ils sont, je n'aurais d'autre choix que de t'emmener au Ministère. »
Et ça lui fendait le cœur. Merlin, ce que ça lui fendait le cœur. Elle appréciait énormément Hermione, mais elle ne pouvait pas ignorer un crime d'une telle ampleur… Ce serait différent si la jeune fille avait avoué ou avait, au moins, fait preuve de regrets… L'intention était bonne, Tonks le savait, mais les actes… Elle était Auror depuis suffisamment longtemps pour savoir que de bonnes intentions pavaient littéralement la route vers la damnation.
« Vous ne ferez rien de tel, Tonks. » assura Dumbledore, non sans douceur. « Minerva, peut-être pourriez-vous raccompagner nos élèves dans leurs salles communes et vous assurer que les elfes leur apportent une collation ? Il me semble que l'heure du repas, dans la Grande Salle, est terminée et la situation, ici, est réglée. »
Il n'en fallut pas davantage pour que McGonagall entraîne les adolescents qui, pour une fois, ne protestèrent pas d'être traités comme des enfants.
« La situation est loin d'être réglée, comme vous dites. » se défendit Tonks, dès que la porte se fut refermée derrière eux.
« Gamine… » tenta Fol'Œil, mais un geste négligeant de Dumbledore suffit à le faire taire. Sans recours à la magie. Un geste et les hommes tenaient leur langue.
Tonks avait toujours eu énormément de respect et d'admiration pour Albus Dumbledore. Le sorcier était une légende vivante. Tout le monde admirait les légendes vivantes… Le côtoyer, au cours des derniers mois, avait été un privilège et une fierté qu'elle n'aurait échangés contre rien d'autre au monde.
Pourtant, pour la première fois, elle commençait à comprendre l'ampleur du pouvoir qu'il détenait. Ce n'était pas un pouvoir qu'il tenait de sa fonction, c'était bien ce qui rendait la scène légèrement effrayante – elle n'avait jamais vu Fol'Œil ravaler ses opinions devant qui que ce soit, supérieur ou ami – c'était un pouvoir qu'il tirait de son charisme, de son influence. De son simple nom.
Il n'y avait un autre sorcier qui avait fait de son nom un objet de pouvoir devant lequel il fallait s'incliner. Elle n'aimait pas le parallèle qui se dessinait dans son esprit à l'instant.
« Je suis une Auror. » répéta-t-elle, refusant de baisser de détourner le regard devant celui, trop intense, du Directeur. « Je ne peux pas ignorer ce genre de… »
« Vous êtes un membre de l'Ordre du Phoenix. » l'interrompit aimablement Dumbledore. « Vous appartenez à l'Ordre avant d'appartenir au Ministère. »
Elle releva le menton, piquée au vif par la remarque.
« J'ignorais que l'un excluait l'autre. » riposta-t-elle.
Dumbledore parut amusé par la remarque.
Pour la première fois, elle prit conscience que Sirius et Scrimgeour n'avaient pas tort. Ils suivaient aveuglément un homme, sans jamais remettre ses ordres en question. Sirius n'avait jamais hésité à critiquer ou discuter les instructions du Directeur mais, au sein de l'Ordre, il était bien le seul. Scrimgeour, lui, depuis son accession au poste de Ministre, n'avait pas manqué de la mettre en garde à plusieurs reprises sur ses priorités. Ce n'était plus tout à fait un secret qu'elle appartenait à l'Ordre. Ce n'était pas tout à fait un secret non plus que si Scrimgeour avait pu se débarrasser de tous les membres de l'Ordre au sein de son ministère, il l'aurait fait. Seulement, elle excellait dans son travail et ils avaient trop besoin de combattants pour qu'il se passe de ses services.
« Dans ce genre de guerre, Miss Tonks, il n'est pas bon de disperser ses loyautés. » lâcha Dumbledore, comme s'il avait lu dans ses pensées. « Vous avez choisi l'Ordre, tenez-vous y. Alastor, un mot dans mon bureau, je vous prie. »
Fol'Œil lui jeta un regard désolé mais, après avoir récupéré la baguette qu'elle avait confisquée, suivit Dumbledore, sans protester, l'abandonnant dans le bureau absolument glauque du Directeur des Serpentards.
« Désenchantée, Miss ? » se moqua Snape, en s'appuyant plus lourdement contre le dossier de son fauteuil.
Elle fit demi-tour vers lui, s'apercevant, un peu tard, qu'elle était restée plantée, la bouche entrouverte de consternation, le regard rivé sur la porte ouverte. Elle referma la bouche à la hâte et secoua la tête, absolument scandalisée.
« Tonks. » le corrigea-t-elle machinalement. « Et je n'ai pas dit mon dernier mot. Je vais… »
« Vous n'allez rien faire du tout si vous ne voulez pas vous attirer d'ennuis. » l'interrompit sèchement Snape. « Vous allez rentrer chez vous et oublier cette affaire. Considérons-nous simplement chanceux que le Seigneur des Ténèbres n'ait rien eu à voir avec cette histoire. Au lieu de quatre Moldus en vadrouille, nous aurions eu quatre cadavres. »
« Si le Ministère apprend… » contra-t-elle, en serrant les poings.
Cependant, il était apparemment écrit dans le ciel qu'elle n'était pas destinée à terminer une seule de ses phrases ce soir là. L'Astronomie ne lui avait jamais réussi. Pas plus que la Divination.
« Le Ministère n'en saura rien. » soupira le Professeur, en séparant en deux un tas de parchemins. « Ne soyez pas naïve. Je suis certain qu'en ce moment même, Maugrey est parti effacer la mémoire des voisins des Granger. »
« Et vous trouvez ça bien ? » riposta-t-elle, en croisant les bras. « Vous trouvez que c'est juste ? »
Étant restée debout, elle avait sur lui l'avantage de la hauteur, pourtant, elle eut beau tenter de le toiser, il l'observait avec une telle expression narquoise qu'elle eut l'air plus ridicule qu'autre chose. Elle avait l'impression très désagréable d'être redevenue l'étudiante qu'elle n'était plus depuis longtemps et qu'il allait ôter dix points à Poufsouffle pour insolence.
« Nous sommes en guerre, Miss. » asséna Snape, sans douceur. « Votre tâche est d'obéir aux ordres, pas de les approuver. Soyez outrée, critiquez, faites entendre votre voix, mais, simple conseil, une fois la décision prise, ne vous opposez pas au Professeur Dumbledore. Vous n'y gagnerez rien d'autre qu'une migraine. »
Elle aurait volontiers continuer à débattre de cette aberration excepté qu'elle se rendit compte qu'il avait raison et qu'elle pouvait monter sur ses grands chevaux tout son soul, cela ne changerait rien au verdict final.
Et Snape, de toute manière, ne l'écoutait plus. Il avait trempé sa plume dans un encrier et s'était mis à annoter les marges de la première copie de la pile à l'encre rouge. Elle était, très visiblement, congédiée.
« Je pourrais signaler la disparition au Ministère. » déclara-t-elle, d'un ton de défi.
Certes, cela contrarierait profondément Dumbledore et la mettrait peut-être sur le banc de touche pour l'Ordre du Phoenix pendant un moment, mais… Il ne pouvait pas se permettre de lui en vouloir indéfiniment. Ils ne pouvaient pas se passer des bonnes volontés.
Sa déclaration fit relever brusquement la tête à Snape, qui l'étudia en silence quelques secondes.
« Je vous le déconseille. » offrit finalement Snape. « Vous n'apprécieriez pas les conséquences. »
« C'est une menace ? » cingla-t-elle, prête à sortir sa baguette si cela s'avérait nécessaire.
Elle avait tort de s'en faire, toutefois. Le Professeur reposa simplement sa plume et joignit les mains pour lui donner sa pleine attention. C'était très désagréable. Sous les yeux perçants de Snape, elle avait l'impression d'être un spectacle à part entière. C'était tout aussi perturbant que se retrouver la cible du regard de Dumbledore.
« J'ai bien mieux à faire que de vous menacer, Miss. » répondit-il, au bout d'interminables secondes.
« Tonks. » insista-t-elle.
« Nymphadora. » rétorqua-t-il, un sourcil levé.
Sa manière d'étirer chaque syllabe conférait à son prénom des accents étrangers, mais il prenait beaucoup trop plaisir à la faire tourner en bourrique pour qu'elle fasse autre chose que le fusiller du regard.
« N'y pensez pas. » grinça-t-elle.
Il était précisément le genre de personne qui se plairait à utiliser son prénom simplement pour la faire enrager. Charlie avait probablement fait breveter la méthode durant sa sixième année.
À en juger par son amusement manifeste, il dut effectivement envisager de poursuivre sur sa lancée mais préféra finalement garder ses remarques sarcastiques pour lui. Au lieu d'un discours sur le ridicule de son prénom, elle eut droit à un geste peu élégant qui la désigna de la tête au pied.
« Vous n'avez jamais répondu à ma question. » remarqua-t-il. « Vous qui avez toujours affiché votre… singularité avec tellement d'acharnement… Pourquoi ce revirement radical ? »
À la vitesse où les informations circulaient dans l'Ordre, elle était surprise qu'il ne soit pas déjà au courant.
Elle haussa les épaules, n'ayant rien à cacher.
« Je ne me plus me transformer. » expliqua-t-elle. « Mes dons sont… bloqués. »
Il fronça les sourcils.
« Impossible. » jugea-t-il. « Je n'ai jamais entendu parler d'un tel cas. On ne cesse pas d'être Métamorphomage. »
Elle envisagea de s'asseoir mais rejeta l'idée presque aussitôt. D'abord parce qu'elle n'avait aucune intention de s'attarder, ensuite parce qu'elle n'avait jamais vraiment eu de conversation cordiale avec Snape et c'était… bizarre.
« Oui, eh bien… » s'embrouilla-t-elle. Elle n'allait certainement pas lui expliquer sa brillante théorie selon quoi son blocage était dû au fait que son petit-ami – ex petit-ami, devrait-elle dire – était constipé des sentiments. « J'ai perdu le contrôle. » lâcha-t-elle, pitoyablement. C'était une explication comme une autre. Et probablement celle couvrait totalement tous les problèmes de sa vie. Elle avait perdu le contrôle de son propre corps, elle avait perdu le contrôle de sa vie amoureuse et visiblement elle avait perdu le contrôle de sa vie, en règle générale.
« Et avez-vous également perdu le contrôle de votre garde-robe ? » se moqua-t-il, sans méchanceté. Avec curiosité, plutôt.
Elle baissa les yeux, passant mentalement en revue le pantalon et le pull noir sous la lourde cape noire – elle s'était souvenue, ce coup-ci, qu'il faisait plus froid en Écosse qu'à Londres et avait su anticiper en conséquence – et se rendit compte qu'il n'avait pas tort. Elle avait remisé au vestiaire ses tenues colorées, gothiques ou punk depuis la Nuit des Ténèbres, puisant dans ses réserve de jeans et de pulls qu'elle réservait habituellement aux missions où son look trop excentrique aurait fait froncer des sourcils. Sans ses cheveux, sans ses pouvoirs… C'était étrange de ne pas pouvoir afficher extérieurement ses tourments intérieurs… Ses cheveux étaient rouges quand elle était énervée, noirs quand elle était furieuse, blonds quand elle jouait le chien de garde pour Fudge, rose ou violet ou bleu le reste du temps… Ils indiquaient son humeur. Et sans ce moyen d'expression…
Peut-être avait-elle tenté, inconsciemment, de reproduire la chose avec ses vêtements.
Snape avait été le seul à lui en faire la remarque, toutefois, probablement parce qu'il ignorait l'ampleur du problème. Même Charlie ne s'y était pas aventuré. Les autres marchaient tous sur des œufs avec elle… Excepté Remus, bien entendu. Remus semblait saisir toutes les opportunités de la mettre en colère. Qu'il refuse de lui adresser la parole l'avait mis dans un état de nerfs sans précédent mais étant donné ce qui s'était passé lorsqu'il s'était finalement décidé à lui parler, elle n'était pas certaine de quelle solution était préférable.
« Le noir ne vous sied pas. » décréta le Professeur. « Pas plus que cet air désespéré que vous arborez en permanence. Peut-être serait-il temps que vous retrouviez ce fameux contrôle… »
« Et vous avez un mode d'emploi pour ça ? » ironisa-t-elle, irritée.
Elle n'était cependant pas suffisamment énervée pour lui enjoindre de se mêler de ses affaires. Il y avait, dans un coin de son esprit, une petite voix qui lui soufflait que si elle dépassait les bornes, il lui collerait une retenue ou préviendrait Chourave. C'était idiot mais elle n'arrivait pas à s'en débarrasser.
« Malheureusement pas. » soupira le Maître des Potions, en reprenant sa plume.
Ce fut son tour de froncer les sourcils. Snape avait l'air… Eh bien, il avait l'air de Snape. Sévère, digne, sec, glacial… Non… Voilà la différence. Voilà le détail qui l'avait dérangé dans la cuisine du Square Grimmaurd l'autre jour et qui lui sautait à présent aux yeux. Snape avait toujours été glacial, distant, comme s'il était bien au-dessus d'eux tous, pauvres mortels… Mais cette distance, cette froideur, sans avoir disparu, s'estompait. Il lui semblait davantage… humain.
Était-ce parce qu'ils se retrouvaient finalement sur un pied d'égalité qu'il lui semblait différent ou était-ce autre chose ?
Elle étudia rapidement les plis soucieux sur son front, la pâleur de son teint qui semblait s'être accentuée depuis la dernière fois qu'elle l'avait vu…
« Est-ce que tout va bien, Professeur ? » demanda-t-elle, avant d'avoir pu s'en empêcher.
Il ne releva pas la tête ce coup-ci. À peine lui indiqua-t-il la porte d'un geste impatient.
Apparemment, il s'était désintéressé de ses problèmes. Ça en aurait été vexant si Tonks n'était pas déjà étonnée qu'il l'ait supportée aussi longtemps sans raison.
Évidemment, sa sortie aurait probablement été plus digne et adulte si elle ne s'était pas cognée dans le fauteuil en se tournant vers la sortie et, en conséquence, manqué s'étaler de tout son long sur la pierre froide.
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Hermione refusait de lever la tête et Ron commençait à en avoir assez de la dévisager en silence.
Autour d'eux, la salle commune était aussi joyeuse qu'à l'accoutumée et il avait dû repousser fermement tous leurs amis et leur demander d'aller voir ailleurs le temps qu'ils règlent cette affaire. Il l'avait fait avec plus de mauvaise humeur et de brutalité que nécessaire, probablement, et il voyait bien qu'à l'autre bout de la pièce Lavande donnait libre court à son agacement à grands ressorts de remarques suraigües et de coups d'œil furieux.
Ils étaient installés par terre, sur le tapis, au plus près de l'âtre. Entre eux, l'assiette de petits sandwichs que les elfes leur avaient apportés était oubliée depuis longtemps. Ils n'avaient pas bougé depuis qu'ils étaient retournés dans leur salle commune – sans avoir l'occasion d'échanger un mot avec Malfoy, d'ailleurs – et la passivité d'Hermione menaçait de le faire sortir de ses gonds.
Ron était en colère sans bien savoir pourquoi.
Ron aurait aimé demandé des explications mais ne savait pas comment formuler ses questions sans qu'elles sonnent comme des accusations.
Alors il se contentait de la fixer du regard, plus ou moins aimablement, en attendant qu'elle veuille bien lui dire ce qui lui était passé par la tête.
Cela aurait pu durer encore un bon moment si Harry n'avait pas choisi cet instant pour passer le portrait en trombe et manquer trébucher sur un première année, attirant la plupart des regards. Le Survivant ne tarda pas à les repérer et fonça droit sur eux, avec une expression mécontente.
« Où tu étais passé ? » attaqua Ron, avant que son ami ait pu le faire.
Hermione redressa finalement la tête, dévisageant les deux garçons tour à tour, mais Ron ne lui prêta qu'une attention limitée. Il ne voulait pas s'en prendre à elle. Pas après ce qu'elle venait d'avouer. Pas après ce qu'elle venait de vivre. Et pourtant, c'était vraiment dur de ne pas lui en vouloir.
« Je vous ai cherchés partout ! » se défendit Harry, en se laissant tomber par terre, à côté d'Hermione. « Tes parents ? »
Il posa la main sur l'épaule de la jeune fille et cette dernière eut l'audace de paraître soulagée de le voir. Elle avait les yeux brillants de larmes et Harry ne perdit pas une minute avant de la serrer contre lui, en jetant un regard noir à Ron par-dessus sa tête, comme pour lui reprocher de ne pas s'être correctement occupé d'elle. Comme s'il n'avait pas passé les deux dernières heures à lui tenir la main, en se demandant comment il allait l'aider à traverser le cauchemar qu'il avait lui-même vécu deux mois plus tôt à peine.
Il n'aurait pas dû se soucier de comment Hermione allait réagir à la perte de sa famille, cependant… Leurs situations n'auraient jamais pu être plus différentes. Il aurait donné n'importe quoi pour retrouver son père et Hermione avait apparemment tout fait pour se débarrasser de ses parents.
« Tu compatiras peut-être un peu moins quand tu sauras toute l'histoire. » l'avertit Ron.
Hermione eut un mouvement de recul instinctif, se collant un peu plus contre le Survivant, et il s'en voulut immédiatement de l'avoir blessée, mais…
« Qu'est-ce qui te prend ? » grinça Harry.
Son ton surprotecteur ne fit que mettre Ron plus en colère encore.
« C'est ma faute. » intervint Hermione.
Combien de fois avait-elle prononcé cette phrase, ce jour là ? La vulnérabilité qui émanait d'elle, son expression suppliante tempéra suffisamment sa rancœur pour qu'il lève la main en guise d'excuse.
« Explique-lui. » exigea-t-il, parce qu'il n'en avait pas vraiment la force. « Et ensuite, explique-nous pourquoi tu as fait un truc pareil, parce que je te jure que j'ai beau essayer, je ne comprends pas. »
Sentant visiblement que quelque chose lui échappait, Harry se détacha gentiment de leur meilleure amie et l'encouragea à lui raconter toute l'histoire. Ce que, pour sa défense, elle fit sans hésiter et avec plus de détails qu'elle ne l'avait fait dans le bureau de McGonagall ou dans celui de Snape. Rien de bien concret comme l'endroit où elle avait envoyé sa famille, mais, plutôt, ce qu'elle avait ressenti en effaçant son propre souvenir de l'esprit de ses parents et de ses grands-parents.
Ron se demanda s'il avait l'air aussi horrifié qu'Harry ou si, à la troisième écoute, il était finalement devenu imperméable à ce que l'affaire pouvait avoir d'affreux.
Quand elle eut terminé, Hermione essuya les larmes qui ruisselaient sur ses joues et affronta le regard du Survivant.
Harry paraissait à court de mots.
« C'est… Tu… » balbutia-t-il, avant de se racler la gorge. « Est-ce que… Est-ce que ça va ? »
Hermione parut tellement soulagée qu'elle expira brutalement, comme si elle avait retenu sa respiration tout le temps qu'il avait fallu à Harry pour réagir.
« Est-ce que ça va ? » répéta Ron, ébahi. Bien entendu, c'était probablement le plus important, mais, vraiment, ce n'était pas comme ça qu'il aurait entamé cette conversation.
Harry parut irrité et haussa les épaules, tout en balayant son incrédulité d'un geste négligeant.
« Qu'est-ce que tu veux que je dise ? » répondit le Survivant. « Elle voulait protéger sa famille, je ne vois pas ce qu'il y a de mal à ça. »
« Tu ne vois pas ce qu'il y a de mal à effacer la mémoire de tes parents et de tes grands-parents pour leur faire croire que tu n'as jamais existé. » lâcha-t-il, froidement. « Tu ne vois pas ce qu'il y a de mal à leur faire quitter ta vie pour toujours. Parce que tu as entendu Snape, Hermione, c'est plus que probablement pour toujours. »
« Ron… » plaida Hermione, en reniflant.
Elle était trop pâle, trop bouleversée et trop à bout de nerf pour qu'il n'éprouve pas un pincement de culpabilité. Et pourtant… Pourtant ce qu'elle avait fait – sans lui en parler – était bien trop terrible, bien trop personnel, pour qu'il laisse couler comme il l'aurait fait en d'autres circonstances.
« Elle voulait les protéger. » insista Harry, sourcils froncés. « Je ne vois pas… »
« Peut-être que tu ne vois pas parce que tu n'as jamais eu de famille. » coupa sèchement Ron, en se mettant debout. Il s'en voulut immédiatement de son manque de tact mais ne parvint pas à trouver la force de s'excuser ou de tenter de modérer ses propos. C'était la vérité après tout. « Peut-être que tu ne vois pas ce qu'il y a d'horrible à se débarrasser de ses parents comme ça, parce que tu ne sais pas ce que c'est d'en avoir. »
Harry fut sur ses pieds en une seconde, sa baguette fermement pointée sur lui. Ron ne prit même pas la peine de sortir la sienne. Quel intérêt ? Ce n'était pas une compétition. Tout le monde savait que Harry Potter pouvait l'envoyer voler à l'autre bout de la pièce d'un simple mouvement du poignet. Quel intérêt ?
« Arrêtez ! Harry, non. » s'interposa Hermione, en se plaçant au milieu, une main tendue vers chacun d'entre eux. Elle avait l'air effrayé, à présent. « S'il vous plaît, arrêtez. »
Le joyeux brouhaha qui régnait jusque là s'était transformé en un bourdonnement de murmures et de chuchotements excités. Les mots 'bagarre', 'Harry Potter' et 'trêve' étaient ceux qui revenaient le plus fréquemment. Harry vit bien qu'ils étaient devenus le centre d'attraction principal de la pièce et baissa légèrement sa baguette, avec une mauvaise volonté évidente.
« On devrait aller discuter ailleurs. » suggéra le Survivant, de son nouveau ton mature et raisonnable qui sonnait souvent de manière condescendante, ce qui irritait Ron au plus haut point.
« Pourquoi ? Je n'ai rien à cacher, moi. » riposta-t-il. « C'est à Serpentard qu'on t'a appris ça ? »
C'était stupide. Il n'avait rien contre Serpentard. Mais il était trop en colère et sa langue remuait toujours avant qu'il ait pleinement conscience de ce qui allait sortir de sa bouche lorsqu'il était dans cet état.
« Ron… » insista Hermione.
« Non. Simple question de décence. » répliqua Harry. « Je n'aime pas laver mon linge sale en public. »
« Parce qu'on est ton linge sale, maintenant ? » cracha Ron « Au moins, les choses sont dites. »
Le silence était total, à présent. La salle commune toute entière observait l'affrontement verbal, Ron aurait été prêt à parier que l'école entière serait au courant avant la fin de la soirée.
« Il n'a jamais dit ça. » le défendit Hermione.
« Ne retourne pas la situation. » grinça Harry, en levant à nouveau sa baguette. « Ce n'est pas moi qui n'ai pas une minute à t'accorder, entre mes nouveaux amis et ma petite-amie. Ce n'est pas moi qui suis tellement populaire que je ne peux pas faire un pas dans un couloir sans me faire aborder par quelqu'un au point de ne pas pouvoir finir une seule conversation. »
« Euh, les gars ? » hésita Ginny. « Est-ce que vous êtes sûr que… »
« Vraiment ? » s'énerva Ron, sans jeter un seul coup d'œil à sa sœur. « C'est ça que tu me reproches ? D'être un petit peu plus populaire qu'avant ? Tu vois, Harry, je savais que tu avais tendance à être égocentrique, mais je ne savais pas que tu étais quelqu'un de jaloux. »
Du coin de l'œil, il vit Fred murmurer quelque chose à l'oreille de Gin.
« Jaloux ? » releva Harry, en riant à moitié. « Venant de toi, c'est riche… »
« Qu'est-ce que ça veut dire ? » gronda-t-il, brûlant de sortir sa baguette. C'était trop tard, à présent, toutefois. Le temps qu'il tire sa baguette de sa poche, Harry l'aurait probablement désarmé. « Qu'est-ce que tu veux dire ?! »
« Rien du tout ! » s'écria Hermione, en s'interposant encore plus franchement entre eux. « Ça ne veut rien du tout. Harry, range ta baguette. Harry… »
« Ça veut dire que tu as toujours été jaloux de moi ! » lança Harry « Parce que je suis célèbre et parce que j'ai de l'argent. Tu critiques toujours Percy, mais tu es exactement comme lui. Tu as honte de qui tu es, d'où tu viens, de ta famille, et tu ne t'es jamais rendu compte de la chance que… »
Ron ne savait pas comment il réussit cet exploit, il n'aurait probablement pas été capable de le reproduire si on le lui avait demandé, mais, aveuglé par la fureur, il sortit sa baguette à l'aveuglette et profita qu'Harry soit trop occupé à l'insulter pour jeter le première sortilège qui lui passa par la tête.
« Ron, non ! » s'écria Hermione.
Trop tard.
Son expulso avait envoyé Harry voler sur un bon mètre. Il heurta le dossier d'un des lourds fauteuils en velours qui se renversa et l'envoya rouler au sol. Les Gryffondors présents s'écartèrent rapidement, laissant libre un espace suffisamment large pour que Ron soit immédiatement tenté de provoquer Harry en duel. Au diable le fait qu'une telle chose soit perdue d'avance.
« Je t'interdis de parler de ma famille. » menaça Ron.
Ignorant les mains qui voulaient l'aider et les quelques remontrances des sixième et septième année qui leur ordonnaient d'arrêter leurs idioties, Harry se releva et se plaça en position de duel. Ridicule.
« Parce que tu t'es gêné pour parler de la mienne, peut-être ?! » rétorqua le Survivant.
« Ça suffit ! » explosa Hermione, d'une voix aigue. « Harry, Ron n'a jamais voulu te blesser et, toi, Ron, Harry ne le pensait pas. »
« Je pense ce que j'ai dit. » s'obstina Harry. « Et ça te concerne toi aussi, d'ailleurs. Peut-être que quand tu auras fini de décider si tu veux, ou pas, te faire peloter par Malfoy dans un coin, on pourrait parler plus de dix minutes consécutives ? »
« Laisse-la tranquille ! » grinça Ron, en amorçant un nouveau mouvement de baguette.
La facilité avec laquelle Harry le désarma était humiliante. Ron tenta bien de dresser un bouclier hâtif mais le garçon était trop rapide, sa baguette décrivit une courbe dans les airs et fut saisie au vol par le Survivant qui la jeta par terre, avec un mépris évident.
« Heureusement que vous vous êtes entraînés. » se moqua Harry.
Ron se demanda s'il aurait aussi promptement esquivé son poing dans sa figure.
« Vous êtes aussi ridicule l'un que l'autre. » siffla Hermione, outrée. « Vous vous donnez en spectacle. Je… »
« Tu n'es peut-être pas la mieux placée pour nous faire la morale. » coupa Ron.
« Ne me mêlez pas à vos histoires ! » le prévint-elle. « Je ne veux rien à voir à faire avec vos… »
« Mais ce ne sont pas uniquement nos histoires à Ron et à moi. » intervint Harry, d'un ton désabusé. « Dis-moi, Hermione, combien de temps vous a-t-il fallu avant de me remplacer par la moitié de Poudlard ? Deux jours ? Trois ? Parce qu'il me semble clair que je n'ai pas dû vous manquer tant que ça… »
Hermione pivota vers Harry, les yeux écarquillés, apparemment choquée qu'il ait pu faire une telle remarque devant toute la salle commune. Cependant, Ron ne put s'empêcher de noter qu'elle ne semblait pas particulièrement surprise.
« Mais tu t'entends ? » s'exclama-t-elle, en croisant les bras pour mieux le toiser. « Qu'est-ce qu'ils t'ont fait là-bas, Harry ? Parce que, pour le coup, Ron n'a pas tort. C'est à se demander comment tu passes les portes. »
Harry éclata d'un rire amer.
« Excuse-moi d'oser me plaindre de ne pas pouvoir parler à mes meilleurs amis parce qu'ils sont trop occupés avec leurs nouveaux amis. » riposta-t-il. « Si tu trouves que c'est trop demander… »
« Je trouve que si tu arrêtais de pleurnicher sur ton sort, deux putain de minutes, tu te rendrais comptes qu'on attend que tu viennes vider ton sac depuis ton retour. » cingla Ron. « Mais on n'y peut rien si les Maraudeurs t'ont déçu ou si tu préférais passer ton temps avec Lily et… »
« Ne parle pas d'eux. » gronda Harry, en le menaçant de sa baguette. « Je t'interdis de parler d'eux. »
« Pourquoi ? » rétorqua Hermione. « Parce qu'ils te manquent et que tu préférerais être toujours là-bas, avec eux, plutôt qu'ici, avec nous ? »
Harry ouvrit et referma la bouche, au milieu des murmures que cette attaque venait de déclencher.
« Je n'ai jamais dit ça. » protesta le Survivant. « Je n'ai jamais dit ça. »
« Tu n'as pas vraiment besoin de le dire. » lâcha Ron. « On n'est ni idiots ni aveugles. »
« C'est… Ce n'est pas juste de me reprocher de ne pas vouloir vous parler ! » s'exclama Harry.
Son regard fuyait celui de Ron comme celui d'Hermione mais le Gryffondor nota qu'il n'était pas davantage capable de croiser celui de qui que ce soit dans la salle commune. À vrai dire, il paraissait commencer à se rendre compte que l'endroit était un peu trop peuplé pour ce genre de règlements de comptes et Ron partageait amplement cette opinion.
« Ce n'est pas juste non plus de nous reprocher de ne pas être disponibles ! » riposta Hermione. « Ce n'est pas juste de dire qu'on t'a remplacé ! Et ce n'est pas juste d'essayer de me faire culpabiliser parce que Draco… »
« Laisse Malfoy où il est, j'ai suffisamment envie de lui casser la figure comme ça. » grinça Ron, déclenchant une nouvelle salve de chuchotements. « Qu'est-ce qu'il avait dans la tête pour te laisser faire une connerie pareille ?! »
« Si tu parles de ma famille… » répondit froidement la jeune fille.
« Évidemment que je parle de ta famille. » l'interrompit-il, sans délicatesse. « Dis-moi, comment as-tu pu avoir une idée aussi ridicule ? »
« Elle voulait les protéger. » s'immisça Harry, avec irritation. « Ce n'est pas bien difficile à comprendre. »
Autour d'eux, les autres Gryffondors étaient visiblement perdus par le changement de sujet.
« Ah oui ? » cracha Ron, avec toute la rancœur qui lui bouffait le cœur. « Depuis combien de temps mon père était-il dans son cercueil quand tu as décidé que tu n'avais plus besoin de ta famille, Hermione ? »
Hermione ferma les yeux et recula d'un pas, comme s'il l'avait frappée. Du coin de l'œil, il vit Ginny froncer les sourcils et les jumeaux se rembrunir. Harry, lui, ouvrit la bouche et la referma sans rien dire, ayant visiblement enfin compris d'où venait le problème.
« Ron, ce n'est pas… » tenta la lionne.
« Une semaine ? Deux ? Trois ? » proposa-t-il, d'un ton qui se voulait nonchalant mais dissimulait très mal sa détresse. « Tu trouvais que j'avais l'air de trouver ça drôle de me retrouver avec un parent en moins, alors tu t'es dit, pourquoi pas ? Ou est-ce que c'est parce que tu voulais tellement devenir la prochaine Harry Potter que tu as conclu qu'il fallait bien en passer par là ? »
C'était méchant, purement et simplement méchant, et ça ne manqua pas de provoquer plus d'un murmure désapprobateur. Mais Merlin ce que ça pouvait soulager.
« Devenir… Quoi ? » demanda Harry.
« Ce n'est pas vrai. » se défendit Hermione, les joues rouges – de honte ou de rage, c'était dur à dire.
« Oh que si, c'est vrai. » Ron insista, avec un rire amer. Il haussa les épaules et la désigna à Harry d'un geste. « Tu aurais dû la voir tenir tête à Ombrage, refuser d'aller voir McGonagall quand le crapaud lui a fait écrire des lignes avec une Plume Sanglante… À croire qu'elle voulait vraiment une cicatrice ! »
« Arrête ! » Hermione s'écria, dans un cri suraigüe. « Tu n'as pas le droit ! Quelqu'un devait bien faire quelque chose ! »
« Et pourquoi toi ? » demanda Harry, visiblement perplexe.
La jeune fille se tourna vers le Survivant, une expression décontenancée sur le visage. « Parce qu'aucun d'eux n'en avait le courage et que tu n'étais pas là pour le faire. »
« La nouvelle Harry Potter. » triompha Ron, moqueur. « Martyre autoproclamée. »
Ce n'étaient plus des chuchotements qui agitaient les Gryffondors, à présent, mais bel et bien une vague de commentaires plus ou moins irrités.
« Oh, et qu'est-ce que tu aurais fait, toi, si on t'avait écouté ? » s'énerva Hermione, en pivotant vers lui, un doigt accusateur pointé vers son torse. « Tu étais bien content que Draco ait eu son idée de Trêve. Tu étais bien content que j'ai eu l'idée de… de tu-sais-quoi. Mais, toi, Ron, de quoi as-tu eu l'idée exactement ? »
« Dis tout de suite que je ne sers à rien. » grinça-t-il.
« Je dis que lorsqu'on laisse faire les autres sans rien dire, on ne les critique pas. » riposta Hermione.
Ron plissa les yeux, furieux et vexé. « Excuse-moi, envoie au diable tout le reste de ta famille et tous tes amis si ça te chante, je ne critiquerai pas. Mais ne viens pas pleurer sur mon épaule après coup. »
« Je ne t'ai rien demandé. » siffla Hermione, les yeux brillants de larmes.
« Tu aurais pu penser à Ron. » remarqua Harry, d'un ton hésitant. « Après ce qu'il a vécu… »
« Mais tout ne tourne pas autour de vous deux ! » explosa la lionne. « Quand allez-vous comprendre ça ? »
« Tu vois ? » Ron lança à Harry, non sans sarcasme. « Bientôt elle va te défier pour le titre du Gryffondor le plus égocentrique… »
Visiblement partagé entre sa rancune et son envie de contrôler Hermione, Harry le toisa avec agacement. « Ne t'inquiète pas, aucun de nous deux ne veut t'arracher le titre de roi des cons. »
Ce fut la goutte d'eau de trop.
Ron se lança sur son meilleur ami, poing levé, uniquement pour être ceinturé par Fred. George avait arraché sa baguette des mains d'Harry, Ginny s'occupait d'Hermione et Lee Jordan fit circuler tous leurs spectateurs, déclarant que l'incident était clos.
Il se débattit mais Fred ne le lâcha pas et le traîna jusqu'aux dortoirs. Pas le sien, cependant, réalisa-t-il lorsque son frère eut finalement desserré sa prise, il était dans le dortoir des septième année.
« Pourquoi tu as fait ça ? » gronda-t-il.
Le visage de Fred était fermé et il lui désigna le lit derrière lui. « Assieds-toi. »
« Je n'ai pas envie de m'asseoir ! » ragea-t-il.
George et Ginny débarquèrent à ce moment là, fermant la porte derrière eux. Ça n'empêcha pas les brouhahas venant de la salle commune de monter jusqu'à eux.
« Neville est avec Harry et Lavande avec Hermione. » annonça sa sœur, en se laissant tomber, sans cérémonie, sur le lit de George.
« Elle s'est débarrassé de sa famille. » lança-t-il, à la cantonade, avant que quiconque lui ait demandé des explications. « À Noël. Pour les protéger, soi-disant. Papa était… Et elle, elle… Elle… » Il fut horrifié d'entendre sa voix se briser. Ses yeux se mirent à le brûler et ce n'était pas possible, ça ne pouvait pas arriver. Pas devant ses frères. Il colla ses paumes sur ses paupières et poussa jusqu'à ne plus sentir qu'une désagréable sensation de compression. Tout plutôt que la morsure des larmes. « Elle n'avait pas le droit. C'est comme si elle n'en avait rien à faire… »
Il sentit des mains attraper ses épaules et le guider jusqu'à un lit où il s'assit sans résister, brusquement épuisé. Le bras resta autour de lui.
« Quoi qu'Hermione ait pu faire… Je ne pense pas que ça veuille dire qu'elle n'aimait pas papa. » déclara doucement Fred, à côté de lui.
« Je ne pense pas qu'Hermione soit le problème, petit frère. » renchérit George, en se perchant à côté de Ginny.
Ron baissa les yeux et fixa une chaussette abandonnée du regard. Le silence était trop chargé et la tension dans la pièce était palpable. Il s'en voulait d'avoir remué le couteau dans la plaie qu'était la mort de leur père. Ce n'était pas quelque chose dont ils discutaient ensemble.
« Il me manque. » lâcha Ginny, au bout d'un moment. « Parfois, j'oublie qu'il est… Et… Et quand je m'en rappelle, c'est comme un coup de poing à l'estomac. C'est encore pire, après ça. »
Il avait toujours détesté voir sa sœur pleurer. Les larmes silencieuses qu'elle essuyait avec des gestes machinaux lui nouèrent l'estomac. George passa un bras autour de ses épaules et la serra contre lui.
« Tu as de la chance d'arriver à oublier. » remarqua Fred. « Moi, j'y pense tout le temps. »
George soupira et se mit à caresser distraitement les cheveux de Ginny qui s'était blottie contre lui. « J'ai l'impression d'être poursuivi par un cognard et de ne pas avoir de batte pour me défendre. Je fuis, j'esquive et… j'attends que ça s'arrête. »
Ils se tournèrent tous vers Ron, attendant qu'il s'ouvre à son tour, mais comment retranscrire en mots le trou béant dans sa poitrine ? Comment expliquer qu'il lui arrivait de rien ressentir du tout pendant des jours entiers alors qu'à d'autres, il était tellement en colère qu'il aurait pu démolir Poudlard brique par brique si on lui en avait donné l'opportunité ? Il n'était pas un homme de discours comme Harry ou Hermione, il ne savait pas retourner une situation en quelques mots. Il était simple.
« Est-ce que je peux dormir là, ce soir ? » demanda-t-il. Il n'avait aucune envie de retourner dans son dortoir et d'affronter les regards curieux ou compatissants de ses amis. Surtout, il n'avait pas tout à fait envie de se retrouver face à Harry.
Fred et George échangèrent un regard et eurent probablement, en une seconde, une de ces conversations télépathiques dont ils avaient le secret.
« Va pour une pyjama party. » soupira Fred.
