Bien, bien, bien... Ça m'a pris un mois mais j'ai réussi! Ce chapitre était compliqué à écrire parce que certaines scènes font parties de celles que j'avais en tête depuis le tout début. Une en particulier, vous devinerez sans mal.

Je suis sûre que j'étais censée répondre à une dizaine de questions mais... J'ai oublié. Je rappelle qu'en cas de question urgente vous pouvez me laisser un MP, un tweet ou un message sur tumblr. J'aimerai répondre à toutes les reviews mais j'ai peu de temps. Je les lis toutes cela dit et elles sont toutes aussi précieuses les unes que les autres. =)

J'espère vraiment que ce chapitre vous plaira.

Enjoy & Review


Do I not destroy my enemies when I make them my friends?
― Abraham Lincoln

Est-ce que je ne détruis pas mes ennemis lorsque j'en fais mes amis ?

Abraham Lincon.

Chapitre 11 : Enemies

Sirius n'aurait jamais cru que Snape aurait été capable de courir aussi vite.

Le constat était sans doute bien idiot, pourtant, c'était le seul qui lui vint à l'esprit.

Il trop choqué, trop assommé par la dizaine de souvenirs qu'il venait de visionner pour qu'il en soit autrement. Combien de temps avait-il déjà passé dans cette pensine ? Des heures ? Il avait l'impression d'y être depuis des siècles tant les images étaient insoutenables.

Et il ne s'agissait que des souvenirs de Snape

Il n'avait souvent été le témoin que de l'après-coup. Il arrivait à temps pour sortir Harry d'un lac où les Maraudeurs ivres l'avaient poussé, pour le voir suspendu dans les airs habillé en bébé ou humilié d'une quelconque autre manière… Il y avait eu, bien sûr, tout un tas de princesse moqueurs jetés en présence du Mangemort mais les souvenirs de Snape ne montraient pas le pire.

Or, le pire, il le devinait parfaitement.

Il avait en tête des milliers de farces que James, Remus, Peter et lui avaient faites à Snape – souvent, en réponse à une provocation ou, du moins, ce qu'ils prenaient à l'époque pour une provocation. Il pouvait facilement deviner les tours qu'ils avaient joués à Harry. Curieusement, ils ne semblaient plus aussi drôles.

Le souvenir continua autour de lui, impitoyable. Il n'avait pas besoin de courir au côté de Snape parce que la pensine ne l'aurait pas laissé s'éloigner de lui de toute manière. Alors, Sirius restait planté là, les mains dans les poches, attendant que le Mangemort ne disparaisse au détour d'un couloir et que la pensine ne le ramène, lui, auprès de son éternel rival.

Il savait ce qui l'attendait.

Il l'avait su à la seconde où il avait vu la panique sur le visage de Snape.

Le Saule Cogneur était toujours immobile lorsque le Mangemort l'atteignit et l'homme ne prit pas le temps d'hésiter ne serait-ce qu'une seule seconde avant de s'engouffrer dans le tunnel. Sirius le suivit, pressant l'allure, cette fois-ci.

Lorsque Snape s'immobilisa brutalement, Sirius ne comprit pas pourquoi. L'obscurité n'était troublée que par le pâle halo d'un lumos mais c'était suffisant pour qu'il aperçoive le regard apeuré du Mangemort, la détresse évidente sur ses traits. L'homme était terrifié.

Sirius était certain de ne jamais l'avoir vu ainsi auparavant.

La sueur perlait sur le front du Maître des Potions, sa respiration était saccadée et assourdissante dans le silence de mort qui régnait dans le tunnel.

Pour la première fois, Sirius mesura à quel point sa petite 'farce', à l'époque, n'avait rien eu d'amusant. Très clairement, Snape en avait gardé d'autres séquelles qu'une aversion notoire envers les loups-garous.

Il fut surpris de ne tirer aucun plaisir de son désarroi.

Avec une lenteur presque insupportable, Snape fit un pas en avant, puis un autre et encore un autre jusqu'à ce qu'il se remettre à courir. Sirius suivit, se retrouvant à admirer son courage. Il était évident que le Mangemort allait à l'encontre de tout ce que son instinct pouvait lui crier.

Amusant, songea Sirius, il avait toujours pensé que l'homme était lâche.

Le courage, cependant, n'était souvent qu'une question de motivations. À la seconde où il aperçut une lumière danser au loin, Snape se précipita.

Harry était allongé par terre, un bras ensanglanté pressé contre son torse, tandis que James se tenait devant lui, tentant désespérément de repousser Lunard qui, sous sa forme animale, s'acharnait à pénétrer dans le tunnel.

Sirius aurait dû se concentrer sur Harry, c'était, après tout, le but de cette petite incursion dans le passé : comprendre pourquoi son filleul le détestait autant désormais. Il aurait dû. Pourtant, depuis quelques souvenirs, c'était l'attitude de Snape qui le préoccupait – quoique intriguait aurait peut-être été un meilleur terme.

La panique à laquelle l'homme, habituellement si maître de lui-même, céda à cet instant, il aurait été incapable de la décrire. Tout alla trop vite. L'expulso jeté vers Remus, l'éboulement d'une partie du tunnel…

Snape n'y jeta pas un coup d'œil, pas plus qu'à James qui, inquiet pour le loup-garou, tentait de se frayer un chemin parmi les gravas. Tout ce dont le Mangemort se préoccupait, c'était Harry.

L'homme ne vérifia même pas que James suivait lorsqu'il entraina Harry hors du tunnel. Quant à ce qui se passa lorsqu'il s'écroulèrent tous deux dans l'herbe humide…

« Est-ce qu'il t'a… Tu es blessé. Où… Est-ce qu'il t'a… » balbutia Snape, en tâtant le torse, les épaules de l'adolescent à la recherche d'une possible morsure.

Sirius fit un pas en arrière, choqué par le total abandon du Serpentard.

Il fallut du temps avant que le Mangement ne se calme. Ni les arguments rationnels de James, ni les paroles rassurantes d'Harry ne semblaient faire effet. Snape ressemblait à un animal sauvage. Dès que quelqu'un approchait de trop près, il les repoussait d'un revers de baguette, dans une tentative bien superflue de protéger le garçon.

Les yeux noirs ne cessaient de passer de James au Snape de quinze ans, puis se braquaient sur Peter, le jeune Sirius et enfin Dumbledore. Les longs doigts fins étaient crispés sur la baguette en bois sombre, son autre main serrait l'épaule d'Harry si fort que sa poigne avait probablement laissé des hématomes.

Plusieurs minutes passèrent avant qu'Harry ne parvienne à le ramener à la réalité, à le sortir de cette espèce de transe primaire.

Quand le Mangemort attira le garçon contre lui, Sirius serra les dents, s'attendant à éprouver une colère ou un dégout qui ne vint pas.

Ce souvenir-ci tranchait avec les autres.

Les autres avaient tous eu pour but d'illustrer la rancœur d'Harry. Celui-ci…

Celui-ci était différent.

Il ne comprenait pas pourquoi Snape voulait le lui montrer. On l'y voyait terrifié, démuni… Ce n'était pas le genre du Serpentard d'étaler ses faiblesses au grand jour… Certainement pas devant Sirius qui avait toujours eu le don de les dénicher et de les retourner contre lui.

La réponse vint très vite.

À quoi tu joues ?, avait-il demandé, dans le bureau de Dumbledore.

« Tu es tout ce que j'ai. » lâcha Snape, l'adolescent toujours serré contre lui. « Tu es mon fils. Je ne peux pas te perdre, Harry. Je ne peux pas, tu comprends ? »

Le souvenir se dissout, emportant avec lui la réponse du garçon.

Sirius se retrouva assis sur le vieux canapé, dans le salon du Square Grimmaurd, et, très lentement, attrapa son paquet de cigarettes.

De sa vie, il n'avait jamais, jamais, cru quoi que ce soit qui venait de Snape.

Pour la première fois, pourtant, il ne doutait pas de la véracité de ses paroles.

°°O°°O°°O°°O°°

Les souvenirs tournoyaient dans la pensine.

De temps en temps, l'un d'eux, sans doute plus fort que les autres, troublait la surface. Albus observait cet étrange ballet sans véritablement le voir, trop pris par les pensées qui lui tournaient encore en tête.

Il se leva, s'efforçant d'ignorer la lassitude rampante dans ses os. Il était vieux, les gens avaient une tendance prononcée à l'oublier…

La nuit était paisible. La lune n'était pas tout à fait pleine mais le ciel était suffisamment dégagé pour qu'on y voie clair. Il se posta devant la fenêtre de son bureau et laissa son regard se perdre dans la contemplation du domaine. Il fit distraitement tourner le petit miroir à l'intérieur de sa poche mais l'objet demeura froid – il doutait que Lucius ne le contacte ce soir là. Severus n'avait envoyé aucun patronus ce qui signifiait qu'il était sans doute quelque part dans ses cachots, penché sur ses livres tout en maudissant son mentor.

Albus était fatigué de cette situation.

Severus se méfiait de lui, Harry le détestait, Sirius cherchait par tous les moyens à lui mettre des bâtons dans les roues, Remus était sur une pente glissante, Minerva était cassante…

Et Tonks agissait de manière suspecte.

Il suivit des yeux la course d'une buse dont l'ombre se dessinait clairement dans la nuit. L'animal virevolta à droite, à gauche puis fondit soudain vers le sol avant de remonter à-pic, son diner prisonnier de ses serres.

Il lissa distraitement sa barbe, se sentant bien seul. Il aurait aimé que Minerva se joigne à lui, ce soir là, comme ils en avaient l'habitude. Une tasse de thé, une conversation stimulante, une partie d'échecs qu'elle perdrait sauf s'il lui prenait l'envie de la laisser gagner… N'importe quoi qui ait pu lui détourner l'esprit du monde extérieur.

Avec un soupir, il s'éloigna de la fenêtre, jeta un coup d'œil aux portraits endormis sur les murs, dépassa le perchoir de Fumseck non sans lui gratter le dessus de la tête, et se dirigea finalement vers la vitrine remplie de fioles et flacons aux formes diverses et alambiquées. Il lui fallut plusieurs minutes pour dégager un espace suffisant afin d'atteindre ce qu'elles dissimulaient mais il parvint à extirper le petit flacon étiqueté Bob Ogden.

Il en avait visionné le contenu tant de fois qu'il le connaissait par cœur. La maison des Gaunt… Le médaillon de Salazar Serpentard… La bague frappée des armes des Peverell…

Un frisson le parcourut au souvenir de la bague.

Pourquoi ne parvenait-il pas à se résoudre à détruire l'Horcruxe ? Ou, tout du moins, à essayer ? Certes, l'entreprise serait dangereuse mais il était certain de réussir.

Peut-être avait-il peur de réussir…

Il rangea le flacon de souvenirs et, instinctivement, ses pas le menèrent à un autre placard. Ses doigts se posèrent sur le coffret en bois sombre qui abritait la part cachée de son passé, retracèrent presque amoureusement les gravures et se retirèrent finalement, sans en avoir soulevé le couvercle. Non seulement car s'il s'interdisait de replonger dans cette vieille douleur mais, également, car il n'était pas sûr que contempler d'anciennes photographies de Gellert et lui alors qu'il savait où trouver les trois reliques serait particulièrement intelligent.

Or, Albus Dumbledore était intelligent.

Assez pour comprendre que Tonks lui dissimulait quelque chose, d'ailleurs.

L'engagement de la jeune femme envers l'Ordre avait faibli depuis qu'ils avaient découvert ce qui était arrivé à la famille d'Hermione Granger.

La question était… Avait-il failli avant cela ?

L'Auror était trop candide pour le tromper, du moins le pensait-il. Pourtant, il ne pouvait nier que son comportement avait changé, ces derniers jours. Son refus soudain de le regarder dans les yeux, par exemple, était troublant.

Remus, Molly, Bill, Charlie, Fleur, Anthony, Nymphadora, Fol'Œil, Kingsley, Minerva, Nyssandra, Fletcher.

Pourquoi pas Tonks plutôt qu'un autre ?

Elle, plus que quiconque, connaissait les dispositifs de protection le jour du discours du Ministre… Bien avant cela, elle avait passé des jours et des nuits entières au Square Grimmaurd lorsqu'elle et Remus étaient encore en couple… Elle siégeait au Conseil…

Il était également possible que Tonks soit sous l'influence de quelqu'un d'autre… Quelqu'un qui se servirait d'elle comme d'un pantin…

Albus n'avait aucune preuve concrète et c'était bien la raison pour laquelle il hésitait sur la suite. Son regard se posa sur le jeu d'échecs posé sur une étagère. Les échecs étaient un jeu de patience et de réflexion, il fallait savoir anticiper le coup de l'adversaire et s'en défendre tout en montant une offensive.

Pourquoi Tonks avait-elle fait transférer le Ministre hors du Terrier où il était, somme toute, en sécurité ?

Le Directeur ajusta les lunettes en demi-lune sur son nez.

Il était temps de se décider.

°°O°°O°°O°°O°°

« Un souvenir heureux. » répéta Harry, s'efforçant de ne pas perdre patience. « Pense à un souvenir heureux. »

Neville se mordit la lèvre, son visage tordu en une grimace de concentration presque comique. Pourtant, aucune brume argentée ne s'échappa de sa baguette.

La séance de l'AD ne se passait pas trop mal. Du moins, Harry pensait ne pas s'en sortir si mal que ça. Hermione lui avait passé les rennes de la réunion sans que cela ne soulève de débats, Malfoy avait bien râlé un peu mais c'était le seul. Tous les autres semblaient heureux de lui obéir.

Il y avait, toutefois, une frustration générale bien perceptible. Peu des élèves parvenaient à faire apparaître un Patronus non corporel, aucun n'avait encore réussi à en faire apparaître un qui pourrait s'avérer un tant soit peu efficace contre un Détraqueur.

À sa droite, Luna laissa échapper un gloussement ravi lorsque la brume qui s'échappait de sa baguette pris la forme vague d'un lapin ou d'un lièvre – c'était encore difficile à dire.

Harry asséna une claque amicale à Neville pour l'encourager et s'approcha de la Serdaigle. La quatrième année écouta ses conseils avec attention puis hocha la tête en signe de compréhension. Elle ferma les yeux pendant de longues secondes, un sourire enchanté se dessinant petit à petit sur ses lèvres.

« Spero Patronum. » chantonna-t-elle presque.

Cette fois-ci, la brume prit indéniablement la forme d'un lièvre. Le Patronus n'était toujours pas corporel mais ce n'était qu'une question de temps, d'après lui.

Le lièvre gambada ici et là dans la salle, provoquant quelques exclamations admiratives. Harry s'éclipsa lorsque Neville s'approcha pour bredouiller des félicitations que Luna accepta avec ravissement. Il doutait que sa présence soit souhaitée.

Il parcourut la pièce lentement, corrigeant les uns et encourageant les autres. Ginny lui fit un grand sourire lorsqu'il passa près d'elle et, sans qu'il ne s'explique pourquoi, son cœur s'emballa bêtement.

Étrange.

Perturbé, il trébucha et bouscula Malfoy. Si les yeux gris avaient été capables de lancer des Avada

« Désolé. » marmonna-t-il. « Comment ça se passe ici ? »

Hermione soupira de découragement, Ron haussa les épaules, Zabini se contenta de secouer la tête et Malfoy le dévisagea d'un air froid.

« D'accord. » lâcha-t-il. « Quel est le problème ? »

Il fut aussitôt assailli par des questions agacées et des plaintes frustrées. Les sarcasmes de Malfoy, il les ignora.

« Montrez-moi. » exigea-t-il.

Le Patronus d'Hermione était à peine de meilleure qualité que celui qu'elle avait produit dans les dortoirs quelques jours plus tôt. Il n'avait toujours ni consistance, ni forme définie.

« Je vais continuer à m'entraîner. » soupira Hermione, avec une expression déterminée.

« À moi. » décréta Ron. « Spero Patronum. »

Un chien argenté s'échappa de sa baguette. Il n'était pas encore tout à fait net ou corporel mais Harry décréta l'effort prometteur. Son meilleur ami leva les bras en V de la victoire et tourna sur lui-même, avant d'adresser un sourire ravi à Hermione.

« Ça y est. » se moqua le roux. « J'ai réussi à maîtriser un sort avant toi ! »

Hermione secoua la tête avec amusement, accueillant la remarque d'un sourire indulgent.

« Un sort contre cent. » remarqua-t-elle.

« Laisse-le en profiter. » railla Malfoy. « Pour une fois qu'il parvient à réussir quelque chose… »

Harry se tendit, se préparant à la dispute qui ne manquerait pas de survenir, mais Ron leva simplement les yeux au ciel.

« Et toi, tu arrives à quoi, hein ? » provoqua le Gryffondor. « Je ne t'ai pas vu faire grand-chose ce soir. »

« Ce n'est pas faux. » intervint Zabini, clairement amusé. « Je ne t'ai pas seulement entendu prononcer la formule. »

Malfoy avait l'air d'avoir avalé quelque chose de travers.

« Je n'ai rien à prouver. » lâcha le Serpentard, d'un ton dédaigneux qui irrita le Survivant.

« Depuis quand ? » répliqua-t-il.

Ron pouffa, Zabini croisa les bras et Hermione soupira.

« Harry… » avertit-elle.

« Laisse. » l'interrompit Malfoy, avec un geste négligeant. « Je n'ai pas besoin de l'aval de Potter. »

« Rien à voir avec mon aval. » insista Harry. « Je te regarde depuis tout à l'heure et tout ce que tu as fait depuis le début de la séance, c'est te moquer des autres. Tu restes planté là et tu n'essayes même pas. Est-ce que tu peux produire un Patronus ou pas ? C'est ça la question. »

Le Serpentard le fusilla du regard, la bouche pincée.

« Ne t'ait-il jamais venu à l'esprit que je n'avais peut-être pas envie de me donner en spectacle ? » siffla Malfoy.

« Oh, s'il te plait… » cracha-t-il. « Tu adores te donner en spectacle. Moi, ce que je crois, c'est que Monsieur-Sang-Pur-En-Chef ne sait pas jeter un Patronus. »

Peut-être allait-il trop loin. Certainement même. Après tout, ils avaient conclu une sorte de trêve – autant qu'une trêve puisse exister entre Malfoy et lui…

« Je sais jeter un Patronus. » rétorqua pourtant le Serpentard, en grinçant des dents.

Il ne cessait de faire tourner sa baguette entre ses doigts comme si l'envie de s'en servir le démangeait. Ça n'inquiéta pas Harry, il était certain de pouvoir le désarmer avant même qu'il attaque.

« Depuis quand ? » demanda Zabini, en levant un sourcil interrogateur.

Hermione aussi avait l'air surprise. Ron, quant à lui, s'était désintéressé de la conversation, visiblement décidé à rendre son Patronus corporel avant qu'Hermione n'y arrive.

« Contrairement à vous, je n'attends pas les réunions pour m'entraîner. » déclara Malfoy, le menton haut.

C'était une piètre imitation de l'attitude arrogante de Lucius et Harry en ricana presque.

« Tu ne me l'as pas dit… » intervint Hermione, en fronçant les sourcils. « On parlait des Patronus, l'autre jour, et tu n'as jamais dit que… »

« Je ne te dis pas tout. » cingla Malfoy.

Hermione le prit mal.

« Heureuse de l'apprendre. » lâcha-t-elle, avant de tourner les talons pour rejoindre Ginny.

Les quatre garçons observèrent les deux filles parler, grimaçant lorsqu'elles furent rejointes par Lavande et les sœurs Greengrass.

« Oh, tu nous as tous mis dans la merde… » soupira Ron, avec agacement. « Tu sais comment elles sont. Tu en énerves une, tu les énerves toutes. »

« Je te déconseille de dire ça trop près de Brown. » offrit Zabini.

« Quand même… » râla le Gryffondor. « Tout ça parce que Monseigneur ne veut pas admettre qu'il est aussi nul que nous. »

« Je ne partage pas votre médiocrité. » s'entêta Malfoy. « C'est Potter, le fautif. »

Harry lui jeta un regard incrédule. « Moi ? Je n'ai rien fait. C'est toi qui as menti… »

« Une dernière fois, Potter…. » grinça le Serpentard « Je sais que c'est dur pour quelqu'un avec un cerveau atrophié comme le tien mais je n'ai pas menti. »

« Prouve le. » défia Zabini, suffisamment fort pour que plusieurs personnes se retournent.

Très vite, Malfoy devint la cible de tous les regards. Si possible, Harry eut l'impression qu'il était devenu encore plus pâle que d'ordinaire. Les élèves se déplacèrent jusqu'à former un cercle autour d'eux et le Survivant se sentit mal à l'aise.

Il n'avait certainement pas eu l'intention d'humilier Malfoy aussi publiquement.

« Bon… » décréta-t-il, en tapant dans ses mains dans l'espoir de remettre un peu d'ordre dans la séance.

« Spero Patronum. » cracha le Serpentard, d'un ton dégouté.

Harry ne savait pas comment le sortilège pouvait marcher étant donné le peu d'enthousiasme que le blond y mit mais il ne put nier qu'il avait marché.

La mauvaise volonté de Malfoy s'expliquait, cependant.

Si son Patronus à lui avait été un reptile, il ne l'aurait probablement fait apparaître qu'en cas d'extrême urgence.

C'était amusant, d'un certain côté, se dit-il, alors qu'un silence gêné tombait sur la pièce. Malfoy aurait pu admettre avoir menti et s'en tirer d'un sarcasme ou d'une pirouette, mais entre deux formes d'humiliations, il avait choisi celle qui épargnait le plus sa fierté.

« Sérieux ? » lâcha finalement Daphné Greengrass dans un gloussement.

Son hilarité se propagea très vite parmi les quelques Serpentards présents bien que Zabini fit un effort manifeste pour se maîtriser.

Les Gryffondors n'eurent pas ce tact.

« Oh, mais c'est que c'est mignon… » se moqua Fred, en passant un bras autour des épaules de Malfoy. Le Serpentard le repoussa mais ne cacha pas son irritation.

« On ne choisit pas sa forme Patronus. » maugréa le Sang-Pur. « Vous devriez le savoir. »

« C'est romantique. » décréta Susan Bones, en jetant un regard à Hermione qui était très occupée à se perdre dans la masse.

Harry se racla la gorge et tapa dans ses mains une nouvelle fois. « Allez, on reprend ! »

Les petits groupes se dispersèrent rapidement, se désintéressant du serpent et de son Patronus pour le moins incongru.

Malfoy resta planté là où il était, la tête haute et le menton fier.

Reflet exact du lion argenté qui dévisageait les adolescents d'un air hautain.

Harry eut toutes les difficultés du monde à ravaler son fou rire.

°°O°°O°°O°°O°°

Peut-être que débarquer en fanfare à Poudlard n'était pas la meilleure idée du siècle.

Tonks ne parvint pas à s'en préoccuper.

Elle fit les cents pas devant le haut portail en fer forgé jusqu'à ce que Hagrid vienne lui ouvrir. Loin, de lui fournir les explications que le garde-chasse désirait, elle le planta là, franchissant la distance qui séparait l'entrée du domaine des portes du château en un temps record.

Si Dumbledore pensait que boucher sa cheminée l'empêcherait de venir faire un scandale, il se fourrait le doigt dans l'œil. D'ailleurs, elle songeait de plus en plus à lui en arracher un.

Les grandes portes d'entrée s'ouvrirent en grand avant même qu'elle les ait atteintes sans qu'elle puisse déterminer si c'était sa propre magie qui lui avait échappée ou si le château avait senti son énervement et cherchait à minimiser les dégâts.

Sa journée avait pourtant bien commencé.

Elle s'était réveillée d'excellente humeur malgré l'heure matinale, s'était même arrêtée au café du coin avant de transplanner vers la planque du Ministre pour apporter du café aux Aurors qu'elle avait assignés à la protection de Scrimgeour… Le serveur était mignon et avait flirté avec elle… Il ne pleuvait pas…

Bref, tous les prémices d'une bonne journée étaient réunis.

Jusqu'à ce qu'elle transplanne au cottage perdu sur la lande qu'elle avait choisi parce qu'il était loin de tout et ne trouve plus aucune trace de son équipe ou du Ministre. Elle avait bien évidemment conclu au pire, à peine rassurée par l'absence de la Marque des Ténèbres au dessus de la maison. Elle avait perdu des heures à fouiller les environs, chercher d'éventuelles traces… Tout ça pour se voir dire par Fol'Œil, lorsqu'elle avait finalement contacté le Département, que Scrimgeour avait accepté l'offre de Dumbledore de séjourner à Poudlard quelques temps.

L'offre que Fol'Œil, en personne, lui avait transmise.

Oh, ce qu'elle pouvait regretter de l'avoir fait réintégrer…

Ne soit pas stupide, gamine, avait-il cru bon de rajouter.

Elle se demandait vraiment qui d'eux deux était stupide. Pour un paranoïaque notoire, Maugrey faisait un peu trop confiance à Dumbledore.

Son entrée fracassante fit sursauter plus d'un des élèves qui trainaient dans le hall ou devant les portes de la Grande Salle. Elle continua sur sa lancée, montant les marches du grand escalier quatre à quatre, ignorant les regards curieux que lui jetaient les adolescents en route pour la pause déjeuner.

Elle avait atteint le deuxième étage et remontaient les couloirs vers le bureau du Directeur lorsqu'elle se retrouva nez à nez avec Snape. Elle n'aurait pu dire qui des deux était le plus surpris.

« Que faites-vous ici ? » demanda-t-il.

« Je n'ai pas le temps. » cingla-t-elle, en le contournant.

Elle refusait de laisser distraire de sa fureur. Sa colère était légitime et, plus grand sorcier au monde ou pas, Dumbledore allait en faire les frais.

Bien entendu, c'était sans compter sur la propension qu'avait Snape à la malmener physiquement. Il attrapa son bras et la traina dans la salle de classe la plus proche. Elle aurait pu se libérer de sa prise mais ils s'étaient suffisamment tapés dessus ces derniers jours à son goût.

« Professeur. » grinça-t-elle, une fois qu'il l'eut lâchée. « Je n'ai pas le temps. »

« Prenez le. » rétorqua l'homme, avant de sortir sa baguette.

Son mouvement de recul fut instinctif. Toutefois, c'était également stupide si elle en croyait son expression moqueuse. En quelques secondes, il avait posé des protections qui, elle l'aurait parié, étaient pratiquement inviolables.

« Il va falloir m'apprendre ça aussi. » décréta-t-elle, en se perchant sur un des bureaux.

« Vous semblez oublier que je ne suis plus votre enseignant, Nymphadora. » riposta-t-il. « Si je devais vous apprendre tout ce que vous ignorez encore, nous serions toujours dans cette pièce l'année prochaine. »

Elle était vexée. Vexée et énervée.

« Vous avez vraiment un balai dans le cul, vous savez ça ? » répliqua-t-elle.

La mâchoire de l'homme se contracta.

Elle se demanda vaguement à quel moment elle avait cessé d'avoir peur de lui.

« Écoutez. » lâcha-t-elle. « J'ai un compte à régler avec Dumbledore alors… »

« Je n'ai pas le temps de jouer aux devinettes. » cingla-t-il. « J'ai un rendez-vous. Expliquez-vous. »

« Il m'a volé Scrimgeour ! » s'exclama-t-elle. Elle entendit l'immaturité dans sa propre voix et croisa les bras.

Snape resta immobile pendant plusieurs secondes et puis haussa les épaules. « Est-ce tout ? »

« Tout ? » répéta-t-elle, incrédule. « Vous comprenez ce que je dis ? Il a pris le Ministre. Il a réduit mon travail à néant. Il… »

« Nymphadora. » coupa-t-il sèchement. « Cela n'a aucune importance. »

« Aucune… »

Elle était à court de mots. Elle sauta de la table et se dirigea vers la porte.

Il lui bloqua la route.

Elle aurait dû s'y attendre.

« C'est ma carrière qui est en jeu. » s'énerva-t-elle, en tapant du pied.

La bouche de l'homme tressauta. Il parvint, cependant, à ne pas montrer de signe d'amusement. Elle lui en fut reconnaissante.

« Un conseil. » lâcha-t-il. « N'affrontez pas le Professeur Dumbledore pour quelque chose d'aussi trivial. »

« Trivial ? » s'étrangla-t-elle à moitié. « Vous êtes bien comme Remus ! »

Elle le poussa hors du chemin et claqua la porte derrière elle.

Elle ne fut pas surprise d'être arrêtée trois mètres plus loin par une main sur son épaule.

« Quoi ? » aboya-t-elle.

« Ne me comparez pas à Lupin. » siffla-t-il, d'un ton dangereux.

« Alors ne dites pas de conneries ! » rétorqua-t-elle.

Ils se fusillèrent du regard pendant un instant, puis, il retira sa main de son épaule lentement, presque surpris qu'elle y soit encore.

« Je ne voulais pas vous insulter. » déclara-t-il. « Simplement vous mettre en garde. Vous ne gagnerez rien à prendre Albus Dumbledore de front. »

Elle haussa les épaules. « Je n'y gagnerai peut-être rien, mais je parie que ça va me soulager. »

Il n'était pas expressif. Elle aurait été bien en peine de dire ce qu'il pensait de sa déclaration.

« Soyez prudente. » fut tout ce qu'il consentit à répondre avant de tourner les talons dans un claquement de cape.

« Soyez prudente. » singea-t-elle dans son dos, avant de poursuivre son chemin vers la gargouille qui gardait l'entrée du bureau de Dumbledore.

Elle n'eut aucune difficulté à passer, c'était presque comme si elle était attendue. Elle monta rapidement les escaliers et pénétra dans le bureau sans même prendre la peine de frapper. Elle imaginait y trouver le Directeur et le Ministre en train de discuter au coin du feu – et c'était aussi bien parce qu'elle avait un mot ou deux à dire à Scrimgeour Ministre de la Magie ou pas, il devait le respect à ses employés – mais le vieux sorcier était seul.

« Miss Tonks. » la salua affablement Dumbledore, bien à l'abri derrière le rempart de son bureau.

Être en colère ne l'empêcha pas de remarquer le soin apporté à la mise-en-scène. Le Directeur avait les mains sagement croisées devant lui, sur une feuille de parchemin, et la fixait par-dessus ses lunettes en demi-lune. Le feu ronflait dans la cheminée, de temps à temps une buche craquait, conférant une atmosphère paisible, presque chaleureuse à la pièce.

« Vous n'aviez aucun droit ! » attaqua-t-elle, sans s'embarrasser de manières. « La protection du Ministre… »

« Ah, j'imaginais bien que vous seriez contrariée. » grimaça le vieil homme, sans pour autant paraître désolé.

Il se leva et la réplique toute prête de la jeune femme mourut sur ses lèvres. Lorsque Albus Dumbledore bougeait, il occupait tout l'espace. Elle sentait presque les particules de magie qui l'entouraient. Elle l'observa, sans un mot, presque méfiante, à présent, tandis qu'il se dirigeait vers un petit chariot à roulette au cadre doré.

« Thé ? » proposa-t-il aimablement. « Asseyez-vous donc, Tonks. »

Elle n'aurait su dire pourquoi ses pieds la portèrent jusqu'au fauteuil qui faisait face au bureau ou pourquoi elle le remercia pour la tasse qu'il lui colla entre les mains. Soudain, elle regrettait de ne pas avoir écouté Snape.

« Sucre ? » s'enquit Dumbledore, d'un ton distrait, en lui tendant un bol rempli de petits cubes.

Elle en prit un machinalement et le laissa tomber dans la tasse avant de remuer la cuillère jusqu'à ce qu'elle soit certaine qu'il se soit dissout.

« La protection du Ministre… » tenta-t-elle de reprendre, sans bien savoir où elle allait.

« Le Ministre est en sécurité pour l'instant. Il souhaite retourner à Londres le plus vite possible. » la coupa le Directeur. « J'approuve ce projet. La communauté magique a grand besoin d'un leader. »

Tonks cilla, incapable de produire un contre-argument. C'était étrange parce qu'elle était certaine d'en avoir des tas, des contre-arguments.

Il faisait chaud dans ce bureau.

Elle tâtonna jusqu'à trouver l'agrafe de sa cape et la fit sauter d'un coup d'ongle. Le morceau de laine glissa de ses épaules et tomba en tas sur le sol, sans qu'elle parvienne à s'en préoccuper.

« Buvez votre thé. » conseilla Dumbledore.

Il ne lui vint pas à l'esprit de désobéir. Une étrange torpeur s'était emparée d'elle. Le thé n'avait pas le goût de thé et, une part d'elle réalisait tout à fait que ce n'en était sûrement pas. Ce n'était pas du veritaserum non plus, pourtant. Tous les Aurors subissaient l'épreuve du sérum de vérité à l'entraînement afin qu'ils puissent en reconnaitre les effets et, le cas échéant, tenter de limiter le dégâts – aussi difficile et inutile que cela soit.

La torpeur ne fit que s'accentuer avec chaque gorgée.

Elle avait beau lutter, ordonner à son bras de reposer la tasse sur la coupelle, son corps refusait de lui obéir. Son esprit était étrangement détaché du reste de sa personne. Elle n'était plus aux commandes.

« Pourquoi êtes-vous si déterminée à mettre le Ministre hors de ma portée ? » demanda négligemment Dumbledore.

Elle cilla, tâchant d'étudier la question, sachant qu'y répondre était dangereux.

« Pour le protéger. »

Les mots franchirent la barrière de ses lèvres sans son accord.

Immédiatement, elle sentit son estomac se nouer de panique mais la sensation disparut aussi vite qu'elle était venue. La peur céda presque instantanément à une sensation d'apaisement. Elle était calme, détendue…

Elle avait presque l'impression de flotter.

« Ne pensez-vous pas qu'il aurait été bien plus en sécurité sous ma protection ? » s'enquit le vieux sorcier.

La tasse de thé qu'il s'était servi mais n'avait jamais porté à ses lèvres était posée bien en évidence devant lui. Tonks se concentra dessus, s'évertuant à reprendre le contrôle. Le liquide était sombre, presque noir, translucide aussi. La tasse était en porcelaine blanche, frappée des armoiries de l'école.

« Non. » lâcha-t-elle, à contrecœur.

Elle voulut se débattre, hurler, appeler à l'aide peut-être…

Elle ne parvint pas à remuer le petit-doigt.

« Pourquoi ? »

Le blason. Elle se concentra sur le blason. Les quatre Maisons : Gryffondor, Serpentard, Poufsouffle et Serdaigle. Le blason était aussi familier que le nez au milieu de sa figure.

« Parce que… » bredouilla-t-elle. « Parce que… »

Draco Dormiens Nunquam Titillandum.

Il ne faut pas chatouiller un dragon qui dort.

Elle se promit de faire tâter du dragon à Dumbledore dès qu'elle serait parvenue à se réveiller.

« Ne luttez pas, Nymphadora. » l'encouragea gentiment le Directeur.

« Parce que ce n'est pas sûr. » souffla-t-elle, malgré elle.

« Qu'est-ce qui n'est pas sûr ? » insista-t-il, en fronçant les sourcils.

Le Directeur était maintenant légèrement penché en avant, comme pour mieux recueillir ses confidences. Il l'observait avec une expression indulgente qui lui donnait l'impression d'avoir fait un bond dans le passé, à l'époque où elle avait l'habitude de s'attirer des ennuis – généralement à cause de Charlie – et où McGonagall et Chourave la menaçaient toujours de l'envoyer dans le bureau directorial afin de lui mettre du plomb dans la tête.

Elle n'avait jamais véritablement eu peur de Dumbledore lorsqu'elle était encore élève à Poudlard. La fonction l'impressionnait davantage que le gentil vieillard qui avait toujours un mot aimable ou encourageant pour qui croisait sa route dans les couloirs.

Gentil vieillard…

C'était fou comme elle pouvait être stupide parfois.

« L'Ordre. » s'entendit-elle déclarer. Elle ferma les yeux mais ça ne fit pas disparaître la sensation qu'elle ne s'appartenait plus.

« Pourquoi dites-vous cela ? » pressa Dumbledore. « Que savez-vous ? »

« Il y a une taupe. » déclara-t-elle, avant de rajouter : « Au Conseil. » La question était large, cependant, et l'obligeait à y répondre en entier. « Ce n'est pas Snape, ni McGonagall. »

« Savez-vous qui est l'espion ? » interrogea le vieux sorcier.

Elle ferma les yeux plus fort confrontée à l'excitation clairement perceptible dans sa voix. Dumbledore savait déjà qu'il y avait un espion. Évidemment. Et il n'avait pas cru bon d'agir avant que tous ces Aurors se fassent décimer sur le Chemin de Traverse…

Brièvement, elle se demanda ce que ça faisait d'être si haut dans la chaîne de commandement qu'on ne se préoccupait plus de ceux qui étaient tout en bas…

« Non. » répondit-elle.

« Êtes-vous, de quelque manière que ce soit, liée à l'espion ? » insista le Professeur.

« Non. » cracha-t-elle.

« Comment avez-vous découvert l'existence de cette taupe ? »

Elle rouvrit les paupières pour découvrir le regard bleu, si pétillant, braqué sur elle.

« Logique. » lâcha-t-elle. « L'attaque… L'attaque… »

« Cessez de lutter. » la morigéna-t-il gentiment.

Le sorcier jouait distraitement avec un presse papier en forme de phœnix, il tournait l'objet dans un sens puis dans l'autre, dans un sens puis dans l'autre… C'était presque hypnotique.

« L'attaque sur le Chemin de Traverse. Ils connaissaient tous nos dispositifs de sécurité. Ils connaissaient tous nos plans. Les seuls au courant étaient les quatre chefs d'équipe dont Kingsley et moi, et le Conseil. Les deux autres chefs d'équipe sont morts et trop d'infos ont filtrés avant ça… » expliqua-t-elle.

Il hocha la tête, comme pour lui-même, et s'enfonça dans son siège, le regard perdu dans le vague. Tonks n'arrivait toujours pas à bouger, ni à ressentir pleinement la panique qu'elle sentait affleurer sous ce bien-être factice.

« Avez-vous mis quelqu'un d'autre dans la confidence ? » s'enquit-il, au bout de plusieurs minutes.

Elle hésita.

En théorie, elle n'avait mis personne dans la confidence. Snape était déjà au courant lorsque…

« Quelqu'un d'autre est-il au courant ? » se corrigea-t-il, avant qu'elle ait pu tirer profit de sa formulation malheureuse.

« Le Professeur Snape. » soupira-t-elle. « Et le Professeur McGonagall. »

Allez savoir qui des deux la tuerait en premier lorsqu'ils apprendraient ce qui venait de se passer…

Peut-être s'exprima-t-elle à haute-voix ou peut-être Dumbledore lisait-il véritablement dans les pensées parce qu'il lui adressa un sourire amical.

« Oh, ne vous inquiétez pas, Miss Tonks. » déclara-t-il, en se levant.

La jeune femme le regarda contourner l'imposant bureau, sachant qu'elle aurait dû être terrifiée sans rien en ressentir.

« Nous ne mettrons ni Severus, ni Minerva au courant. » décréta l'homme. « Cette entrevue sera notre petit secret. Une dernière question… Pourquoi ne pas être venue me trouver dès que vous avez compris qu'il y avait un traître parmi nous ? »

La question était compliquée. Elle réalisa, un peu tard, qu'elle n'était pas certaine de la réponse.

« Snape… » hésita-t-elle. Elle ne savait pas comment terminer sa phrase.

« Bien sûr. » accepta le Directeur, d'un air fataliste. « L'élève dépasse le maître… »

Il approcha le bout de sa baguette de sa tempe et, en dépit de tout ce que lui criait son instinct, elle demeura immobile.

« Oubliettes. » murmura-t-il doucement, comme une caresse.

°°O°°O°°O°°O°°

Sirius avait les yeux rivés sur la pendule fixée au mur.

Les pieds sur la table de la cuisine, se balançant de manière précaire sur sa chaise, il portait parfois la cigarette à ses lèvres, l'oubliait la plupart du temps, regardant les secondes s'égrener, inéluctables.

Le bruit caractéristique d'un voyageur empruntant la cheminée lui parvint du salon mais il resta où il était, le regard figé sur la pendule.

« Tu es en retard. » lâcha-t-il, lorsqu'il sentit la présence menaçante au seuil de la pièce.

« Adresse tes remontrances à ta cousine. » répliqua l'homme, en contournant la table pour lui faire face.

Sirius observa le visage de Snape, notant les rides qui n'avaient pas été si prononcées deux ans auparavant et les cernes que la fatigue creusait sous ses yeux. Sa pâleur naturelle ne faisait que les souligner. Il tira une bouffée de sa cigarette et poussa le flacon plein de liquide argenté du pied.

Le Maître des Potions fit disparaître la fiole dans sa poche d'un geste vif, presque nerveux. Puis il sortit sa baguette et posa tout un tas de protection anti-intrusion et espionnage. L'Animagus suivit les arabesques de la baguette en bois noir, tâchant d'estimer combien de temps il lui aurait fallu pour tirer la sienne de sa poche si l'homme décidait d'attaquer.

« On est seuls. » déclara-t-il, au bout d'un moment. La maison était vide et personne ne s'intéresserait à leur conversation de toute manière. Il ne voyait pas bien l'intérêt de s'embarrasser de tant de sortilèges.

« Les as-tu visionnés ? » s'enquit finalement le Mangemort.

« En détail. » lâcha Sirius. « Personne d'autre ne les a vus, inutile de demander. »

Snape accepta sa réponse d'un hochement de tête et ils se retrouvèrent à se dévisager en silence, aucun d'eux ne sachant comment briser le gouffre de ressentiment et de rancœur que trop d'années passées à se haïr avait créé. Harry était un pont mais encore fallait-il savoir comment l'emprunter.

« Tu l'aimes. » reprit Sirius, s'efforçant de garder son calme.

Il aurait été trop simple de céder à la méfiance instinctive, trop simple de se jeter sur des conclusions hâtives… Ce qu'il avait vu dans les souvenirs de l'homme était sincère, il en était persuadé. Lui sauter à la gorge, bien que l'envie ne lui en manque pas, n'aurait rien arrangé.

Snape semblait se débattre avec des émotions semblables. Ils ignoraient comment avoir une discussion posée, ils n'en avaient jamais eue. Il y avait une ligne dans le sable et ils se tenaient tous deux de par et d'autre de cette limite imaginaire. Ou, du moins, ils s'étaient tenus de par et d'autres jusque là.

« Comme s'il était mien. » répondit Snape, d'un ton grave.

Sirius hocha la tête et porta la cigarette à ses lèvres, dissimulant son malaise derrière un nuage de fumée.

« D'accord. » dit-il, et le mot lui arracha la bouche. « Je t'écoute. »

Le Mangemort avait l'air tout aussi réticent que lui, pourtant, il tira une chaise et s'installa de l'autre côté de la table comme s'il se préparait pour un long récit.

« Il est impératif que tu obtiennes la garde d'Harry. » commença Snape. « Les Dursley… Que sais-tu des Dursley ? »

« J'ai passé des jours à les observer. » grinça-t-il. « Ce sont des monstres. »

Et il rêvait toujours de tordre le gros cou plein de graisse de Vernon Dursley.

« Sais-tu qu'Harry a grandi enfermé dans un placard comme un objet encombrant que l'on cache à la vue du premier venu ? » s'enquit froidement l'homme, comme si Sirius n'avait jamais ouvert la bouche. « Sais-tu qu'ils préféraient prétendre qu'il n'existait pas plutôt que de lui accorder ne serait-ce qu'une seule seconde de leur attention ? »

Snape serra les poings, quelques assiettes s'entrechoquèrent sur le buffet et l'Animagus se demanda vaguement ce qui se passerait s'il perdait le contrôle de sa magie. Tant qu'à faire, Sirius aurait préféré qu'il le perde chez les Dursley. Ça en amocherait bien un ou deux et Patmol pourrait se charger du reste.

« Harry a besoin de quelqu'un. » continua le Maître des Potions, plus calmement. « Nous avions trouvé une certaine… stabilité en soixante-quinze, toutefois, pour des raisons évidentes, je ne suis plus en mesure de lui offrir le même cadre de vie. Toi, tu le peux. »

Il cracha les mots avec difficulté.

Sirius le comprenait bien, s'il avait été dans la situation inverse demander de l'aide au Mangemort aurait probablement été au-dessus de ses forces.

« Je ne peux rien faire si Harry ne veut pas me laisser l'aider. » remarqua-t-il, non sans amertume.

Il avait été difficile pour lui, la veille, de se tenir dans le bureau de Dumbledore et d'observer avec quelle facilité, quelle spontanéité, Harry s'était tourné vers Snape.

« Harry a besoin qu'on lui force la main dans ce domaine. » grimaça le Professeur. « Il est trop habitué à se débrouiller seul. Nous avons eu une discussion, je pense qu'il sera plus réceptif à présent. »

Ce n'était pas l'envie d'exploser qui manquait à Sirius. D'où Snape se permettait-il de venir dans sa cuisine pour lui donner des leçons sur comment s'occuper de son propre filleul ? Le monde marchait-il sur la tête ?

Mais les souvenirs lui revinrent en mémoire et il ravala sagement les piques qui lui brûlaient la langue, en même temps que son amour propre. Harry passait en premier, sa rancœur pour Snape devrait attendre.

« Reste Dumbledore. » soupira l'Animagus.

« Il n'a aucun recours légal pour empêcher ta demande de tutelle. » objecta Snape. « Le Magenmagot n'a aucune raison de la rejeter. »

« Excepté si Harry la refuse. » répondit-il, dans un haussement d'épaules.

Il lui fallait parler à Harry. Au calme.

« Il est intelligent. Il fera ce qu'il faut. » répliqua le Mangemort, presque sur la défensive. « Ce n'est pas tout. »

« Évidemment. » se moqua-t-il.

Snape ne parut pas en prendre ombrage. Il fixa son regard noir sur lui, inquisiteur et la question fusa, inattendue.

« Que sais-tu des horcruxes ? »

Un mauvais frisson parcourut son échine. Les consonances étranges du mot ne lui disaient rien de bon.

Les horcruxes, Sirius n'y connaissait rien mais Snape se fit un malin plaisir de combler ses lacunes. Il écouta, en silence, le récit presque incroyable du Maître des Potions, partagé entre l'envie de hurler au mensonge et une nausée qui le prit aux tripes. Lorsque le Mangemort marqua une pause dans son explication, Sirius se leva sans un mot pour aller chercher la bouteille de Whiskey Pur-Feu qu'il conservait dans un placard et deux verres. Il sut que la situation était véritablement catastrophique lorsque le Professeur ne refusa pas celui qu'il glissa vers lui.

Catastrophique était un joli euphémisme.

Catastrophique aurait convenu s'il s'était simplement s'agit de qualifier le fait que Voldemort avait apparemment rangé, et soigneusement dissimulé, des petits bouts de son âme aux quatre coins du pays.

Mais le reste…

« Ce n'est pas possible. » décréta-t-il, en attrapant son paquet de cigarettes et son briquet. Ses mains tremblaient tellement qu'il ne parvint pas à en allumer une seule. Au final, il se contenta de l'écraser encore neuve dans le cendrier, trouvant dans ce simple geste de destruction, un maigre réconfort. « Un être vivant ne peut pas être réceptacle d'un sort de magie noire. » insista-t-il. « Un Inféri, à la limite, mais un être vivant… »

« Veux-tu davantage de mes souvenirs ? » s'enquit Snape, non sans ironie.

Sirius se passa une main sur le visage. Personne n'avait jamais compris ce qui s'était passé à Godric's Hollow cette nuit là. Personne n'avait jamais su expliquer pourquoi Harry avait survécu. Mais l'histoire de Snape était… abracadabrante.

« Pourquoi est-ce que Dumbledore te fait confiance ? » demanda-t-il.

Ce n'était pas la bonne question et ce n'était certainement pas le sujet mais Sirius devait savoir. Il devait avoir une bonne raison d'envisager faire confiance à Snape ou…

« Pourquoi ai-je trahis le Seigneur des Ténèbres ? » ricana le Mangemort, en portant pour la première fois le verre de whiskey à ses lèvres. « Que tu es stupide… Que vous êtes tous stupides alors que la réponse est si évidente… »

« Ouais, on sait. Tu es plus intelligent que tout le monde. » Sirius leva les yeux au ciel. « Tu vois, c'est pour ça que tu finissais toujours par te faire taper dessus. »

« Parce que la médiocrité des brutes engendre leur jalousie envers les plus doués, oui, je te remercie, Black, je l'ais compris il y a déjà longtemps. » riposta le Maître des Potions.

Il fut de nouveau saisi de l'envie irrésistible de lui coller son poing dans la figure.

« Tu étais à Godric's Hollow, ce soir là. » lâcha Snape. « Tu connais la raison. »

Et, soudain, tout lui parut limpide ou, tout du moins, la situation telle qu'il la connaissait pris un nouvel éclairage.

« Lily. » souffla Sirius.

Ce qui aurait pu passer pour un sourire amer flotta sur les lèvres de l'homme, l'espace d'un battement de cœur.

« À jamais. » déclara Snape et, curieusement, Sirius n'en douta pas une seconde.

Pas plus qu'il n'aurait trahi James encore aujourd'hui, Snape ne trahirait Lily.

« Ainsi qu'un Serment Inviolable. » nuança néanmoins le Professeur.

L'Animagus était plus secoué qu'il n'était prêt à l'avouer.

« Pourquoi tu n'as jamais rien dit ? Pourquoi garder le secret ? » insista-t-il. « Toutes ces années… »

« Épargne-moi ta compassion, Black, je cherche un allié pas un ami. Alors si tu penses que cette conversation va se terminer par des pintes de bièraubeurres et un feu de camp autour duquel nous finirons par chanter kumbaya en évoquant de vieux souvenirs… » grinça le Mangemort.

« Kumba-quoi ? » Sirius fronça les sourcils puis secoua la tête, décidant que ce n'était pas bien important. « Qu'est-ce qu'on peut faire pour Harry ? Tu as une solution ? Une potion ? Quelque chose ! »

Le silence était plus que révélateur.

« Merde. » lâcha-t-il, comprenant finalement à quel point catastrophique ne convenait pas au problème actuel. Il frappa du poing sur la table, se sentant complètement impuissant. « Merde ! »

« Il est impératif de protéger Harry de Dumbledore. » déclara Snape.

Sirius le regarda, se demandant s'ils avaient sombré dans la folie furieuse sans que personne ne le remarque.

« Tu en as beaucoup des bonnes nouvelles comme ça ? » se moqua-t-il.

Le Mangemort avait l'air épuisé et son regard, lorsqu'il le posa sur l'Animagus était presque vide.

« Albus n'est pas un danger immédiat pour Harry mais à l'avenir… Comprends-bien, Black… Lorsqu'il ne restera plus d'autre horcruxe que le garçon… » Snape laissa échapper un soupir. « Je n'ai pas de solution miracle concernant l'horcruxe pour l'instant. Je n'ai pas non plus de certitude quant à ce qui se passera si nous ne parvenons pas à l'extraire de l'âme d'Harry. Tout ce dont je suis sûr, c'est que la situation finira obligatoirement par basculer. Harry a une tendance bien trop prononcée à vouloir se sacrifier pour le plus grand bien. Il est parfois nécessaire de l'en empêcher et si je ne suis plus là pour m'en charger… »

« Tu penses être en danger ? » releva-t-il.

« Je pense que lorsqu'un pion devient encombrant, on le balaye de l'échiquiers. » offrit Snape, comme s'il s'agissait d'une bonne plaisanterie. Son amusement, tout amer qu'il soit, ne dura pas. « Que sais-tu de l'Occlumencie? »

Sirius n'avait pas encore digéré la question précédente que le Maître des Potions en rajoutait déjà une couche…

« Des bases. » répondit-il.

Son père s'était mis en tête de leur apprendre l'Occlumencie, à Regulus et à lui, dans leur enfance. Son frère s'était pris de passion pour la discipline mais Sirius n'avait jamais eu l'envie de faire l'effort.

« Rafraichis-les. » ordonna Snape. « Personne ne doit savoir pour l'horcruxe. »

Il fit tourner le verre vide entre ses mains, les yeux rivés sur les quelques gouttes de whiskey qui collaient au fond. « Remus… »

« Non. » cingla le Mangemort, catégorique. « Beaucoup trop d'informations confidentielles s'échappent de cette maison, Black. »

« Remus n'est pas un traître ! » aboya-t-il, serrant le verre presque à le faire exploser dans sa colère. « Je lui fais entièrement confiance. »

« Pas moi. » siffla Snape. « Pas pour l'instant. Ne mets pas la vie d'Harry en jeu pour une question de loyauté mal placée. »

Loyauté mal placée…

Sirius serra les dents et prit sur lui. Harry ne le remercierait pas de frapper Snape ou de lui jeter un maléfice et Harry passait en priorité.

« C'est ce qui s'est passé la dernière fois. » contra-t-il. « On a douté de Remus et… »

« Il est instable. » l'interrompit l'homme. « Je préparerai la potion Tue-Loup à la prochaine pleine lune. Il est évident que celles de Slughorn ne sont pas assez fortes. Nous aviserons à ce moment là. »

C'était un compromis, Sirius le comprit bien.

Et Snape n'aimait pas plus faire des compromis que lui.

« D'accord. » accepta-t-il, à contrecœur, avec la sensation désagréable de faire une erreur.

°°O°°O°°O°°O°°

L'entrevue s'était mieux passée que Severus n'avait osé l'espérer.

Il arpenta au pas de course les couloirs qui séparaient les cachots du bureau de la salle de Défense, sa cape cinglant l'air derrière lui dans un bruit si intimidant que les première année s'éloignaient tous avec des glapissements terrifiés. Il n'aurait pas dû s'en amuser autant mais lorsqu'on vivait comme lui dans la certitude que sa fin était imminente, il fallait savoir profiter des petits plaisirs.

Un discret tempus confirma qu'il avait encore vingt minutes de libre avant son prochain cours – des troisième année, Poufsouffle et Serdaigle, avec un minimum de chance, il n'y aurait aucun incident à déplorer. Évidemment, Severus ne se considérait pas comme un homme très chanceux et c'est pourquoi il ne fut pas particulièrement surpris de tomber nez-à-nez avec Tonks au détour d'un escalier.

Enfin…

Nez-à-nez…

« Je retire dix points à tout élève que je surprends en train de se vautrer de la sorte dans les escaliers. » remarqua-t-il. « Dix point en moins pour Poufsouffle. »

C'était probablement mesquin.

Mais, encore une fois, il fallait profiter des petits plaisirs.

La jeune femme leva à peine la tête de la rambarde contre laquelle elle était appuyée.

« Je ne suis plus une élève. » marmonna-t-elle, sans rien de la vivacité qui la caractérisait d'ordinaire.

Severus fronça les sourcils. La colère qui l'avait animée plus tôt semblait avoir totalement disparu. Elle était pâle, de la sueur perlait sur son front et elle ne cessait de ciller bêtement en regardant dans le vague.

« Je crois que j'ai trop bu. » lâcha-t-elle, avec une incertitude palpable. « Ou… J'aurais dû plus manger ce matin, je ne sais pas. »

Il claqua des doigts devant ses yeux deux fois. Son regard resta vague.

« Que s'est-il passé dans le bureau du Professeur Dumbledore ? » s'inquiéta-t-il.

Il attrapa son bras et la hissa sur ses pieds en dépit de ses protestations et autres geignements.

« Oh… » Elle se frotta le visage avec sa main libre. « Il n'était pas là. »

Il l'étudia rapidement, jeta un coup d'œil en direction des étages et l'entraîna sans plus de ménagement vers son bureau. Elle tenait à peine sur ses jambes et parut plus que soulagée lorsqu'ils atteignirent finalement un fauteuil.

Severus ferma très rapidement les grimoires les plus incriminants qui étaient restés sur son bureau et jeta un sort de camouflage sur les autres. Non pas qu'elle soit véritablement en état de remarquer quoi que ce soit. Il sortit un philtre de force du tiroir de son bureau.

« Buvez. » ordonna-t-il, en lui passant la fiole.

Elle avala la potion cul-sec sans même demander ce dont il s'agissait – inquiétant pour une Auror – puis se recroquevilla sur le fauteuil.

Il fallut attendre dix minutes avant qu'elle ne recouvre ses couleurs.

Severus serait en retard à son prochain cours et il détestait être en retard.

« Expliquez-vous. » exigea-t-il.

Elle porta la main à sa tête avec une grimace. « Ne criez pas, j'ai une gueule de bois atroce. »

« Vous n'étiez pas ivre lorsque je vous ai vue plus tôt. » réfuta-t-il. « Que s'est-il passé dans le bureau du Directeur, Nymphadora ? »

« Rien… Je… Je vous l'ai dit. » balbutia-t-elle. « Il n'était pas là. »

Rien qu'à la manière dont elle fronçait les sourcils, Severus savait qu'il y avait davantage.

« Mais ? » pressa-t-il.

« Mais c'est bizarre. » capitula-t-elle dans un soupir.

« Bizarre, en effet. » se moqua Severus, en se levant. Il fit le tour du bureau et sortit sa baguette. « Permettez ? » La question était politesse pure et il n'attendit pas sa réponse avant de braquer un faible lumos sur sa rétine. La pupille se dilata mais une seconde trop tard. « Regardez-moi dans les yeux. »

« Si c'est une réplique de drague, c'est un peu pitoyable. » grommela-t-elle, visiblement mal à l'aise.

Toutefois, elle croisa son regard.

Malgré ses problèmes récents concernant la magie mentale, Severus s'efforça de ne pas la blesser en s'enfonçant dans sa tête. Il fut surpris de sentir une résistance naturelle, comme si son esprit cherchait instinctivement à repousser le sien, mais déjoua rapidement les remparts incompétents qu'elle érigeait inconsciemment. Le souvenir ne fut pas bien compliqué à localiser. Elle arrivait devant la gargouille, passablement énervée, injuriait le gardien de pierre qui refusait de bouger, menaçait de le faire exploser puis rebroussait chemin… Excepté que ce souvenir ne collait pas avec le suivant : elle avait brusquement commencé à se sentir mal au bout du couloir.

Il essaya de pousser davantage le souvenir de la gargouille, tâcha de le percer à jour mais il n'y parvint pas. C'était du beau travail. Il se retira dans un battement de cil.

Tonks prit une grande bouffée d'air, comme si elle remontait brusquement à la surface. « Qu'est-ce que c'était, ça ? »

« On a effacé votre mémoire et contrefait vos souvenirs. » lui apprit Severus avec agacement. « Je vous déconseille d'aller demander des comptes au suspect principal. Je vous avais prévenue. Merlin sait ce que vous avez bien pu lui raconter. »

Il ne cacha pas son irritation.

« Non, je veux dire ça. » insista-t-elle, en agitant sa main d'elle à lui. « Le truc de Spock. »

Avec un grand soupir, Severus s'appuya contre son bureau.

« Avez-vous déjà entendu parler d'Occlumencie ? »

Au stade où il en était, il aurait mieux fait de lancer des cours d'été.

°°O°°O°°O°°O°°

« Tu lances comme une fille. » décréta Ron, en attrapant le souaffle au vol, sans aucune difficulté. Dans son dos, les trois anneaux du goal restèrent intouchés.

« Tu sais ce qu'elles te disent les filles ? » répliqua Ginny, en rejetant sa tresse dans son dos avec un agacement manifeste, lorsqu'elle vola au-dessus d'eux.

Harry leva les deux mains bien haut. « Je n'ai rien à voir là-dedans, moi. »

« Lâcheur. » accusa son meilleur ami, en lui jetant le souaffle.

« On discute ou on joue ? » râla Malfoy, un peu plus bas, bien calé sur son balai de course.

Harry leva les yeux au ciel et fonça vers les buts adverses, le souaffle bien à l'abri sous son bras. Il évita Zabini, se dirigea droit vers Greengrass qui gardait les anneaux, amorça sa frappe…

… et se retrouva fort dépourvu quand le souaffle lui fut arraché des mains par une tornade au cheveux rouge.

« On est dans la même équipe ! » lança-t-il, à la quatrième année.

Tout ce qu'il obtint en réponse fut un éclat de rire insouciant alors que Ginny marquait un but.

Évidemment, les trois Serpentards contestèrent de concert et un conciliabule eut lieu dans les airs, au beau milieu du stade de Quidditch, à égale distance des deux buts. Harry laissa à Ginny et à Ron le soin d'argumenter, appréciant à sa juste valeur l'air frais qui lui chatouillait le visage. La nuit ne tarderait plus et, bientôt, trop tôt, il faudrait songer à rentrer. Plus bas, dans les gradins, Hermione, Neville et Luna étaient en grande discussion. Il ne distinguait que le haut de leurs têtes penchées sur un livre.

Il tourna la tête vers l'entrée du stade sans savoir pourquoi. Rien n'avait bougé et, pourtant, il sentit un frisson lui parcourir l'échine, comme toujours lorsqu'il se savait observé. Sa main droite lâcha le manche, il était prêt à faire tomber sa baguette dans sa main d'un adroit coup de poignet si nécessaire.

Les autres adolescents demeurèrent inconscients du danger et continuèrent de se disputer sur le nombre de points, les règles et les détails de cette séance de Quidditch largement improvisée.

Les yeux verts balayèrent les possibles cachettes sans trouver ce qu'il cherchait.

Il n'aurait pas aperçu le chien si l'animal n'était pas sorti de l'ombre de son propre chef.

Il se détendit sans pour autant éprouver une quelconque forme de soulagement et attrapa à nouveau le manche à deux mains.

« Je reviens. » lança-t-il bien inutilement. Les adolescents ne l'écoutaient pas, trop occupés à se chamailler.

Il n'atterrit pas très loin de animal. Ils se dévisagèrent tous deux pendant un long moment puis, lentement, presque prudemment, Patmol franchit la distance qui les séparait et donna un petit coup de tête dans sa main. Bien entendu, le molosse étant d'une taille monstrueuse, Harry manqua en perdre l'équilibre.

« C'est bon, tu peux te transformer. » soupira Harry.

Patmol laissa place à Sirius dans un léger pop. Le garçon ne put que jalouser la rapidité et la finesse avec laquelle l'Animagus changeait de forme. Il ne parvenait toujours pas à métamorphoser plus d'une patte.

« J'espérais qu'on pourrait discuter cinq minutes… » hasarda Sirius, d'un ton hésitant.

Après la discussion houleuse de la veille, c'était bien la dernière chose qu'Harry avait envie de faire mais il avait juré à Snape de faire un effort.

« D'accord. » accorda-t-il à contrecœur.

Ils s'installèrent sur les gradins. Au-dessus d'eux, le match avait repris de plus belle, les autres ayant sans doute compris qu'Harry en aurait pour un moment. Pendant un moment, ils observèrent Ginny et Zabini se livrer à un duel sans merci dans les airs pour le ballon rouge. Le Serpentard était plutôt bon mais la jeune fille n'était comparable qu'à un feu follet. Le temps que l'on devine seulement sa présence, elle avait disparu.

« Elle est douée. » commenta Sirius, sans doute désespéré d'entamer la conversation.

« Plutôt, oui. » répondit-il, sans grand enthousiasme. Les capacités de Ginny n'avaient rien à voir dans leurs histoires.

Il y eut un instant de flottement. Le malaise était presque plus que ce qu'Harry pouvait supporter – et il avait partagé un dortoir avec trois Mangemorts pendant des mois, alors c'était dire…

« J'ai eu une conversation avec Snape. » lâcha finalement son parrain.

Harry tourna la tête si vite qu'il sentit quelque chose claquer dans sa nuque.

L'Animagus leva les yeux au ciel.

« Pas de morts ni de blessés à déclarer. » plaisanta Sirius mais, voyant que son humour tombait à plat, il se dépêcha d'enchainer. « J'aimerai m'excuser, Harry. Le Sirius que tu as rencontré dans le passé, ce n'était pas vraiment moi, mais tu as raison sur un point, ça aurait pu l'être. J'étais très con quand j'étais jeune. On l'était tous. »

Il accepta ces excuses bancales d'un hochement de tête.

« Tu as demandé pardon à Severus aussi ? » demanda-t-il. « Parce que c'est lui que tu as martyrisé. »

« Il faut peut-être pas pousser non plus. » marmonna l'Animagus. « Et je te signale que j'ai toujours une cicatrice qu'un de ses sorts m'a laissé. Il m'a tout autant martyrisé que… »

« Pas à quatre contre un. » cingla-t-il. « J'étais là, au cas où tu aurais oublié. »

Sirius garda le silence quelques secondes.

« Peut-être. » admit l'homme au bout d'un moment. « Mais ça c'est entre Snape et moi. »

Le souaffle décrivit une haute courbe, heurta la tranche de l'anneau central et rebondit vers l'extérieur. Greengrass l'attrapa et lança son balai vers le but adverse mais Ron lui barra le chemin, elle tenta de faire la passe à Zabini mais le ballon lui échappa des mains pour retomber dans celles, toutes prêtes, de Ginny.

« Il veut que je vienne vivre avec toi. » déclara le Gryffondor.

Sirius était visiblement déjà au courant parce qu'il ne marqua aucun signe de surprise. Ses yeux gris fixaient le garçon avec une intensité presque dérangeante.

« Et toi, tu veux quoi ? » s'enquit l'Animagus.

Dans le bureau de Dumbledore, Harry lui avait reproché de ne pas avoir posé la question, de ne pas avoir demandé son avis mais maintenant qu'il le faisait…

« Moi… » hésita-t-il. « Je veux rentrer à la maison. »

Le problème était qu'il ne savait plus très bien où c'était. La maisonLa maison, c'était un canapé avec une vieille couverture, un feu dans la cheminée et les commentaires sporadiques de Snape qui corrigeait des copies. La maison, c'était la chambre aux murs tapissés des dessins de Lily. La maison, c'était aussi les dortoirs des lions, les ronflements familiers de Ron et les chuchotements de Seamus et Dean jusque tard dans la nuit. La maison, c'était l'odeur du shampoing d'Hermione et les bourrades amicales de Ron.

La maison, en somme, n'existait nulle part parce que ses composantes s'excluaient mutuellement.

C'était probablement une réponse incompréhensible et, pourtant, Sirius hocha simplement la tête, en silence, comme s'il avait compris.

Ils restèrent assis là, à regarder le match de Quidditch dégénérer en une bataille rangée où le chacun pour soi l'emportait, à écouter les rires et les éclats de voix résonner dans le stade, sans prononcer un mot.

Lorsque les adolescents mirent finalement fin à la lutte désespérée pour le souaffle, répondant à l'appel de leur estomac, Patmol s'éclipsa dans la nuit, sans un mot de plus.

Harry songea que, peut-être, ce ne serait pas si dur que ça de lui pardonner finalement.