Hello, hello!

Merci à tous pour vos messages! Bon je pense mettre remise à peu près dans le bain mais vu la longueur des chapitres, j'essaye de tabler sur mise à jour par mois (pour des questions de longueurs et de beta-reading (merci à Eliza d'ailleurs, qui prend toujours de son temps chargé pour m'aider)). Je ne promets rien bien sûr, mais je vais essayer =) Je tiens vraiment à vous remercier pour toujours suivre cette histoire avec enthousiasme et pour vos messages réguliers qui me font toujours plaisir ^^

Que dire de plus...

Ah, oui, vous êtes probablement déjà au courant mais certaines fictions ont été plagiées et mises en vente. Il y a un sujet sur le forum et vous pouvez trouver des updates sur la situation sur Ecrireunefanfic sur twitter (ça fait de la pub en passant). J'en profite donc pour déclamer haut et fort au cas où que si vous avez payé pour lire ceci, ben... Non seulement c'était pas la peine mais en plus c'est du plagiat.

Enjoy & Review!


"Fear isn't so difficult to understand. After all, weren't we all frightened as children? Nothing has changed since Little Red Riding Hood faced the big bad wolf. What frightens us today is exactly the same sort of thing that frightened us yesterday. It's just a different wolf."
― Alfred Hitchcock

"Ce n'est pas si difficile de comprendre la peur. Après tout, n'avons-nous pas tous été effrayés dans notre enfance ? Rien n'a changé depuis que le petit chaperon rouge a affronté le grand méchant loup. Ce qui nous effraye aujourd'hui, c'est exactement le même genre de choses que ce qui nous effrayait hier. Simplement, le loup est différent."
― Alfred Hitchcock

Chapitre 13 : A Different Wolf

Snape détonnait tellement dans son salon que Tonks aurait presque souhaité pouvoir prendre la scène en photo pour la partager avec Charlie plus tard. Elle était certaine que son meilleur ami en aurait ri jusqu'à en avoir mal au ventre.

Le pire était qu'elle avait fait un effort et remis de l'ordre dans son salon avant qu'il n'arrive. Plus de vêtements jetés au petit bonheur la chance aux quatre coins de la pièce, pas de cartons de pizza vieux de trois jours sur la table basse, pas de mugs oubliés… Selon ses standards habituels, l'appartement était plus propre qu'il ne l'avait été depuis sa rupture avec Remus.

À peine le loup-garou lui avait-il effleuré l'esprit que son visage se ferma. Ses yeux gris se posèrent par réflexe sur la pile de courrier empilé à la va-vite sur le meuble télé ou, plus précisément, sur le parchemin posé tout au-dessus. Le hibou l'avait apporté la veille, avant que Remus et Sirius ne partent pour l'Écosse, elle l'avait lu, relu, déchiré, réparé, relu une nouvelle fois, faillit le jeter au feu et l'avait finalement abandonné avec les factures et autres papiers dont elle devait s'occuper plus tard.

Malheureusement, elle était dotée d'une mémoire suffisamment bonne pour que certains passages de la lettre soient restés gravés dans son esprit. Certaines phrases étaient particulièrement marquantes.

Je n'ai jamais pensé que tu n'étais pas une bonne Auror…

Tu ne peux pas me reprocher de m'inquiéter pour toi…

La situation est devenue intenable…

Nous devons trouver une manière de nous entendre…

Redevenir amis…

Je tiens à toi…

J'ai toujours voulu ce qui était le mieux pour toi…

Comment pouvait-on à ce point ne pas saisir où était le problème ? Remus ne cessait de répéter qu'il souhaitait simplement faire les meilleurs choix dans son intérêt sans comprendre que prendre des décisions pour elle était inacceptable. Il avait beau clamer le contraire, Tonks ne pouvait pas croire qu'il la respectait. Elle ne se sentait pas respectée, que ce soit en tant qu'Auror, sorcière ou même femme.

Le pire était que cela ne l'empêchait pas d'être dévorée d'angoisse à l'idée de cette mission chez les loups-garous. S'il lui arrivait quelque chose – à lui ou à Sirius d'ailleurs…

« Vous souhaitiez me voir, je suppose qu'il n'était pas simplement question d'admirer vos dons limités pour l'entretien d'un appartement. » lâcha soudain le Professeur, la tirant de ses pensées.

Elle secoua la tête avec un sourire d'excuse. « Désolée, je suis crevée. »

« Nous en sommes tous là, Nymphadora. » répondit Severus, dans un haussement d'épaules fataliste.

Il avait l'air encore plus épuisé qu'elle. À chaque fois qu'elle le voyait, il lui semblait que ses traits étaient plus creusés, les cernes sous ses yeux plus profondes et ses gestes moins fluides.

« Vous êtes sûr que vous ne voulez pas vous asseoir ? » proposa-t-elle pour la seconde fois.

Le salon était trop petit pour offrir de nombreuses possibilités et il semblait étrangement réticent à partager le canapé avec elle.

« Qu'avez-vous découvert ? » demanda-t-il, balayant son offre d'un geste de la main.

Elle ravala un soupir et se frotta le visage.

« Notre taupe n'est définitivement pas Fletcher. J'ai fait une liste de toutes les informations qui ont filtrées – ou du moins, celles que l'on peut raisonnement penser avoir filtrées – et si c'est vrai qu'il avait accès au Square Grimmaurd à tout moment, les dates auxquelles on sait qu'il était au QG ne concordent pas. » expliqua-t-elle. « De plus, Fletcher n'est pas un puriste, il travaille pour le plus offrant. Dumbledore a suffisamment de dossiers sur lui pour l'envoyer à Azkaban jusqu'à la fin de ses jours mais j'ai cru comprendre que ses services n'étaient pas gratuits. Donc, on peut penser que s'il était passé chez les Mangemorts, ce serait contre une jolie sommes de gallions mais il n'y a aucune trace à Gringotts. »

« Je doute qu'un individu comme Mondingus Fletcher confie tout son or aux gobelins… » remarqua Severus, en levant un sourcil.

L'espace d'un instant, elle eut la sensation d'être redevenue l'adolescente maladroite qui balbutiait des réponses aléatoires aux questions du Maître des Potions.

« C'est aussi ce que j'ai pensé. » riposta-t-elle, heureuse de pouvoir lui rabattre le caquet. « J'ai plusieurs indics dans l'Allée des Embrumes… Le truc le plus suspect qu'a fait Fletcher récemment c'est lancer un stand d'amulettes protectrices. »

« Vos sources sont-elles fiables ? » s'enquit le Professeur.

Elle fronça les sourcils, éprouvant une drôle de sensation d'angoisse. Ses cheveux se dressèrent à l'arrière de sa nuque. C'était comme un picotement à l'intérieur de sa tête, comme…

Elle cilla mais ne détourna pas le regard, plantant, au contraire, ses yeux dans ceux de Snape.

« Aussi fiables que possible. » répondit-elle, se forçant à se concentrer sur des images de l'Allée des Embrumes, des souvenirs sans conséquences d'anciennes missions.

« Fletcher ne m'a jamais paru être un suspect potentiel. » déclara Snape. « Ce n'est qu'une petite frappe. Comme vous l'avez si bien dit, il n'est impliqué dans l'Ordre que parce qu'Albus le tient sous sa coupe. S'il n'en tenait qu'à lui, il s'en serait probablement tenu à vendre des amulettes sur le Chemin de Traverse. »

La pression sur son esprit s'accentua et elle réprima un mouvement de panique instinctif, y substituant au contraire un faux sentiment d'affabilité qu'elle doubla de souvenirs inoffensifs comme le café abominable qu'elle avait avalé à la va-vite le matin même et la liste des courses qu'il devenait impératif qu'elle fasse.

« Ce n'est pas parce que vous ne le soupçonniez pas qu'il ne fallait pas vérifier. » grommela-t-elle. « Et on ne peut pas exclure l'Imperium. »

« Certes. » accorda-t-il. « Toutefois, je suis convaincu que l'espion sera bien plus compliqué à dénicher. Savez-vous qui se sert du laboratoire du Square Grimmaurd ? »

Étrange question.

Instinctivement, elle pensa à Remus puisqu'il était plus ou moins responsable de l'Ordre et s'occupait du stock de potions.

Elle ne comprit son erreur qu'avec une seconde de décalage. Penser à Remus avait ouvert une brèche qu'elle ne parvint pas immédiatement à colmater. L'intrusion se fit moins subtile et elle tenta de le distraire avec la dispute qui l'avait opposée au loup-garou deux jours plus tôt durant la réunion de l'Ordre, puis, lorsque cela ne suffit pas et espérant détourner son attention, elle se concentra sur d'autres échanges virulents, auxquels il n'avait pas assisté.

« N'importe qui pourrait s'en servir. » répondit-elle, en haussant les épaules. « Du moment qu'on a accès au QG… »

« On pourrait penser qu'une Auror compétente remarquerait une activité suspecte se passant sous son nez… » argua-t-il, avec une point de dérision qui, elle en était certaine, n'avait pour but que de la mettre en colère.

Eh bien, c'était réussi.

Agacée par tous ces gens qui ne cessaient de la remettre en question, elle puisa en elle-même une volonté insoupçonnée et dressa autour de son esprit un barrage sans fioriture. Le livre qu'il l'avait forcée à ingurgiter conseillait de visualiser son bouclier mental, elle imagina donc un rempart de pierre aussi haut que les murs de Poudlard et tout aussi impénétrable.

Elle devina que, s'il s'était acharné, il aurait probablement réussi à briser ses protections qui étaient, sommes toutes, toujours balbutiantes.

Pourtant, il cilla et détourna le regard avec ce qui aurait pu passer pour un rictus satisfait.

« Bien. » offrit-il simplement.

« Bien ? » répéta-t-elle, moqueuse. « C'est tout ? On peut dire que vous êtes avare de compliments ! »

Severus pinça les lèvres – par irritation ou amusement, ça restait à déterminer.

« Diriger vos pensées vers des souvenirs anodins est une première base de défense. Votre bouclier en lui-même doit être renforcé mais seul le temps et l'entraînement permettent de construire quelque chose de réellement efficace contre des Maîtres Legilimens expérimentés. » commenta-t-il. Puis, non sans ironie, il rajouta : « Si vous souhaitez une note, je pencherais pour un Effort Exceptionnel. »

Elle se leva du canapé et tira distraitement sur son pull bleu turquoise qui ne cessait de remonter.

« Un jour j'arriverais à vous faire dire que je suis géniale. » promit-elle, en se dirigeant vers la cuisine. Il lui emboîta le pas et elle ne manqua pas son expression dégoutée à la vue du tas de vaisselle sale qui trempait dans l'évier.

« Ce n'est pas encore excellent, mais il est évident que vous possédez des aptitudes naturelles pour l'Occlumencie. » nuança Snape. « Ce n'est pas très surprenant, il y a plus d'un Maître Occlumens dans la lignée des Black. »

« Oh, alors maintenant je suis juste douée parce que quelques tas de poussières parmi mes ancêtres étaient Occlumens ? » lança-t-elle, faussement fâchée. « Vous savez comment parler aux filles, Severus. »

C'était une plaisanterie mais, pour une raison ou un autre, elle jeta un froid.

Tâchant de dissiper cette tension soudaine, elle pêcha deux bouteilles de bièraubeurre dans le réfrigérateur et lui en tendit une. Son visage ne laissait rien percer de ce qui était en train de se passer dans son crâne – l'Occlumencie expliquait beaucoup de son comportement toujours si distant et presque effrayant de dédain – pourtant le regard qu'il posa sur la bouteille en disait long. Il ne fit aucun geste pour la prendre.

« Je n'ai plus quinze ans, Nymphadora. » décréta-t-il. « J'ai dépassé le stade de la bièraubeurre il y a déjà quelques années. »

« Je n'ai plus quinze ans non plus, Severus. » répliqua-t-elle. « Et on n'est jamais trop vieux pour la bièraubeurre. »

Sans s'expliquer pourquoi, parce qu'elle n'avait certainement aucun objectif caché, elle n'était pas tout à fait certaine qu'ils soient en train de parler de bièraubeurre.

Au prix d'une longue hésitation, il attrapa finalement la bouteille. Elle se détourna sans plus lui prêter attention et alla se percher sur le comptoir de la cuisine.

« C'est quoi cette histoire de laboratoire ? » demanda-t-elle. « Vous avez trouvé quelque chose ? »

Il eut un coup d'œil désapprobateur pour son choix de sièges puis après avoir inspecté la cuisine du regard, se résigna à s'asseoir devant la petite table. Il posa sa bouteille de bièraubeurre, sembla attendre quelque chose, regarda à nouveau vers l'évier puis avec une grimace fit apparaître un verre tout propre.

Elle se mordit la lèvre et retint ses moqueries à grand peine.

Qui exactement buvait la bièraubeurre dans un verre ?

Elle devait à tout prix raconter ça à Charlie et Sirius.

« Quelqu'un se sert régulièrement du laboratoire. Qui que ce soit, il est dangereux. » expliqua-t-il. « Le fond de potions dans les chaudrons et les ingrédients abandonnés ne plaident pas en sa faveur. Les potions seraient dangereuses à consommer mais probablement pas létales. »

« Donc notre espion est bon en potions. » déduisit-elle.

« Ou extrêmement mauvais. » corrigea Severus. « Je n'ai trouvé la trace que de potions basiques : des philtres de Sommeil-Sans-Rêves, des potions calmantes… Rien ne prouve qu'il s'agisse même de notre espion. »

« Il y a tout ça dans la réserve… » contra-t-elle. « Et ce ne sont pas des potions si compliquées que ça… »

« Pour une Auror avec ses A.S.P.I.C.s de potions peut-être pas. » nuança-t-il. « Pour une personne n'ayant plus pratiqué depuis sa cinquième année… »

« Mais pourquoi les fabriquer dans ce cas ? » s'enquit-elle, plus parce qu'elle réfléchissait à voix haute que parce qu'elle pensait qu'il connaissait la réponse. « On peut en trouver facilement… »

« Si la consommation est régulière, il revient moins cher de les fabriquer de les acheter. » offrit-il, sans grande conviction toutefois.

Elle considéra l'argument et le retourna sous toutes les coutures, listant mentalement ce dont on avait besoin pour ce genre de potions.

« Il n'y a pas vraiment d'ingrédient rare… » lâcha-t-elle avec dépit. « On aurait pu tenter de remonter le fil depuis les apothicaires, mais ce genre d'ingrédients se trouvent partout… »

« Il faut déterminer s'il s'agit d'une tentative volontaire d'empoisonner la réserve de potions ou s'il s'agit d'un acte isolé. » décréta Severus. « Black et Lupin ne reviendront pas au QG avant demain… Vous détournerez l'attention de la vampire, cette nuit, ainsi Minerva aura le champ libre. »

« McGonagall ? » releva-t-elle. « Pourquoi pas vous ? »

Il ne croisa pas son regard lorsqu'il répondit, tournant distraitement la bouteille de bièraubeurre dans un sens puis dans l'autre. « J'ai d'autres… engagements. »

Probablement sa réunion hebdomadaire pour Mangemorts en manque d'action, songea-t-elle, sans parvenir à s'en amuser.

« Dumbledore passe beaucoup de temps au Ministère. » remarqua-t-elle, bien que ça n'ait plus de lien direct avec le sujet qui les occupait. « Je n'ose pas le suivre trop longtemps… Dans les couloirs bondés, c'est une chose, dans des salles désertes s'en est une autre… Je doute qu'il me croie si je dis le croiser par hasard. »

L'ordre claqua, sec et impérieux.

« Ne le suivez pas. »

« Mais… » protesta-t-elle.

Elle n'eut pas le temps d'en dire beaucoup plus.

« Avez-vous oublié ce qui s'est produit la dernière fois ? » insista-t-il. « Tenez-vous loin de lui, c'est encore la meilleure chose à faire. »

Elle évalua le conseil en silence. Ses jambes se balançaient nerveusement, cognant et cognant encore contre le placard sous le comptoir dans un rythme anarchique.

« Ça ne me plait pas. » avoua-t-elle enfin. « J'ai l'impression qu'il a trois tours d'avance sur nous. »

« Trois ? Vous le sous-estimez. » se moqua-t-il. « Et c'est là précisément votre erreur. Je vous ai déjà conseillé de ne pas le remettre ouvertement en question. Entendez-moi ou la prochaine fois vous ne perdrez pas simplement une heure de votre mémoire. »

Il avait beau ne cesser de la mettre en garde contre le Directeur, à chaque fois qu'il en parlait, elle détectait toujours cette note de respect déférente dans sa voix, un respect qui cachait mal une certaine affection. Pourtant, ce n'était plus vraiment un secret au sein de l'Ordre que la situation de Snape était précaire. Ses relations avec Dumbledore étaient tendues, les informations qu'il ramenait étaient soit incorrectes soit erronées, et plus d'un des membres du Conseil marmonnaient dans le dos de l'espion.

Elle devait en parler avec Sirius, décida-t-elle. Ce qui lui rappelait…

« Vous avez dit que vous ne pensiez pas que Sirius puisse être l'espion… » déclara-t-elle. « Pourquoi ne pas le mettre au courant, dans ce cas ? À quatre, on… »

« Je ne veux pas mettre la puce à l'oreille de Lupin. » la coupa-t-il.

Elle le dévisagea, posant calmement sa bouteille de bièraubeurre encore à moitié pleine à côté d'elle.

« Remus n'est pas l'espion. » affirma-t-elle doucement. « Il ne trahirait jamais. Vous ne le connaissez pas, il… »

« Je le connais très bien au contraire. » ricana Snape avec amertume.

Elle savait de quoi il parlait, bien sûr, mais elle n'était pas censée être au courant alors elle resta muette. Remus avait toujours été le premier à avouer que les Maraudeurs étaient allé trop loin avec Severus, c'était Sirius qui protestait d'habitude, Sirius qui niait… Elle ignorait les détails de ce qui s'était passé, bien sûr, mais elle pouvait deviner…

« Remus est quelqu'un de bien. » déclara-t-elle avec toute la sincérité qu'elle possédait.

Le Maître des Potions croisa brièvement son regard et elle se prépara instinctivement à une attaque de Legilimencie qui ne vint pas.

« Son comportement, ces temps-ci, est étrange. » asséna le Professeur, sans prendre de gants. « La manière dont il agit avec vous… »

« Ça ne vous regarde pas. » cingla-t-elle, sur la défensive. « C'est personnel. »

« Vraiment ? » rétorqua-t-il. « Parce que vous ne cessez d'étaler votre linge sale en public, Nymphadora. Si vous souhaitiez garder vos problèmes de couple privé, il fallait éviter de les hurler au Square Grimmaurd. »

Elle ouvrit la bouche mais il l'interrompit d'un geste péremptoire.

« Je n'ai que faire de vos histoires. » continua-t-il. « Ce qui m'intrigue, c'est la manière dont Lupin se comporte de manière générale et avec vous en particulier… Certes, il est possible que sa lycanthropie le rende instable dernièrement et il est également possible qu'il soit incapable de déterminer ce qu'il veut, après tout, pour un Gryffondor, Lupin est singulièrement lâche… »

« Vous allez trop loin. » le mit-elle en garde.

« Saviez-vous qu'ils soupçonnaient Lupin de passer des informations au Seigneur des Ténèbres durant la première guerre ? » lança Severus, sans aucun soucis de diplomatie.

« Oui. » cracha-t-elle. « Et je sais aussi que c'était de la connerie. C'était Pettigrow le traitre, tout le monde le sait. »

« Ce n'est pas parce que tout le monde pense que la Terre est carrée qu'elle en sera moins ronde. » contra-t-il. « Il serait stupide d'exclure Lupin de la liste des suspects tout simplement parce que vos sentiments vous aveuglent. Nous sommes en guerre, Nymphadora, il n'y a pas de place pour les sentiments et la position qu'ont pris presque tous les loups-garous du Royaume-Unis ne plaide pas en sa faveur. »

« Greyback le hait. » insista-t-elle.

Snape leva les yeux au ciel. « Voilez-vous la face si cela vous agrée. Je refuse de courir le moindre risque. Tant que Lupin ne sera pas totalement disculpé, Black devra être tenu à l'écart. »

Le ton ne laissait pas de place à la discussion.

Elle regretta de lui avoir offert sa dernière bièraubeurre.

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« Quand tout ça sera fini, que j'aurais démoli le Square Grimmaurd jusqu'à la dernière brique et que je chercherai un endroit sympa où vivre, rappelle moi que je n'aime pas l'Écosse. » grommela Sirius, en jetant un énième sort destiné à réchauffer ses vêtements.

« Rappelle moi de ne jamais plus faire de camping. » répondit Remus, un pauvre sourire aux lèvres.

Sirius le dévisagea, estimant que son état avait encore empiré mais que rien de bon n'en sortirait s'il s'avisait de suggérer qu'ils repartent à Londres. Au lieu de ça, il embrassa leur campement du regard : une tente magique, deux chaises qu'ils avaient trainées à l'extérieur et, autour d'eux, l'immensité de la lande écossaise.

Ils étaient arrivés la veille et, en suivant les indications de Tonks, avaient trouvé sans mal la meute de Greyback. C'en avait presque été déconcertant de facilité. Enfin… Il leur avait quand même fallu remonter la piste des livraisons de viande crue – même Greyback n'était pas assez stupides pour se faire livrer directement au milieu de nulle part. Ils avaient dû emprunter le Kessok Bridge qui enjambait le Moray Frith, une baie de la mer du nord, et s'éloigner vers le nord-ouest jusqu'à ce la route moldue devienne la seule trace de civilisation dans la lande sèche et aride. Le trajet leur avait pris des heures mais ne présentait pas de dangers flagrants.

La seule réelle difficulté avait été l'état physique de Remus qui ne cessait de s'affaiblir à mesure que la pleine lune approchait. Sirius était habitué à voir ses forces s'amenuiser chaque mois mais il lui semblait que, depuis quelques temps, le phénomène était plus prononcé. Lorsqu'il lui arrivait d'évoquer pudiquement le sujet, le loup-garou lui répétait sans cesse la même chose : la lycanthropie n'allait pas de paire avec la vieillesse.

La veille, le quatre-quatre qu'ils avaient loué à Inverness – et Sirius ne se féliciterait jamais assez d'avoir appris à conduire dans son adolescence – était tombé en panne brusquement, sans raison apparente, au milieu de nulle part, au bout de quelques heures de route. Ils avaient compris pourquoi lorsque, en descendant de voiture, ils avaient senti les protections magiques qui entouraient l'endroit. Des sorts Repousse-Moldus, des sorts anti-intrusions, des sorts anti-transplannage… L'endroit était très bien protégé. Se frayer un chemin au travers des protections sans alerter qui que ce soit leur avait pris une bonne partie de la journée, trouver la trace de la meute n'avait pris à Patmol qu'une pauvre demi-heure.

Ils avaient installé leur campement entre deux buttes, près d'un loch et avaient prié pour qu'aucun loup-garou ne se hasarde de leur côté. Le plan était d'attendre la nuit tombée et, en espérant que la potion Tue-Loup fonctionne comme Snape l'avait prévu, de partir à la recherche de Flemmings en se fondant dans la masse et en évitant Greyback.

Bref, le plan était aussi idiot que dangereux, et, si Sirius n'était pas particulièrement soucieux des risques que la mission comportait, il était en revanche inquiet de l'état de santé de Remus.

« Tu es sûr que ça va aller ? » se décida-t-il à demander.

« Je vais bien, Sirius. » soupira le loup-garou.

Il n'avait pas l'air d'aller bien.

Il n'avait pas l'air d'aller bien du tout.

Ses traits étaient tirés, sa peau était si pale que l'Animagus pouvait voir les veines affleurer à la surface, sa respiration était rapide, la douleur visible sur son visage et ses yeux ne cessaient de s'assombrir de minute en minute.

« Au risque d'avoir l'air d'un idiot… Dis moi encore comment on va la trouver ta Laura ? » s'enquit-il. « Parce que ça va être comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Une botte foin où chaque brin de paille aurait de très grosses dents et des griffes aiguisées. »

Un sourire amusé flotta sur les lèvres de Remus mais se changea très vite en une grimace de douleur.

« Je reconnaitrais son odeur. » expliqua le loup-garou. « C'est un bon plan, Sirius. »

« C'est un plan complètement débile. » corrigea-t-il. « Mais c'est encore ce qui nous réussit le mieux. Devenir Animagus avant d'avoir du poil au menton ? Débile. Ensorceler une moto pour qu'elle vole ? Débile. Verser de la teinture dans les douches des Serpentards ? Débile. Tu vois, plus on fait simple et puéril, mieux ça fonctionne. »

Remus ne parvint pas à retenir un petit rire. « Oh, j'avais oublié la teinture… »

« Impossible d'oublier. » contra Sirius. « Malfoy avec ses cheveux rouges et dorés… »

Il en ricana, incapable de ne pas s'amuser du souvenir. Cela avait été une des meilleures farces des Maraudeurs. Et le pire était que cela ne leur avait presque rien coûté. James avait versé le produit dans les canalisations tandis que Peter sous sa forme de rat avait…

La pensée de Pettigrow lui ôta toute envie de rire.

« Parfait de simplicité. » s'entêta-t-il pourtant. « Nos meilleurs plans sont comme ça. »

« La Carte était un chef d'œuvre. » remarqua Remus.

« La Carte était une idée simple. » s'entêta-t-il. « Juste un peu compliquée à réaliser. »

« Un peu ? » répéta son ami avec incrédulité.

Sirius ne répondit pas à la boutade, préférant vérifier une nouvelle fois les protections anti-détection qui protégeaient leur campement.

Il ne voulait pas l'avouer devant Remus mais la seule fois où les Maraudeurs s'étaient aventurés en terrain Serpentard en imaginant un plan tordu et sournois, cela s'était retourné contre eux et s'était soldé par la mort de James et de Lily.

Simple était encore le mieux.

°°O°°O°°O°°O°°

Le bureau de Minerva n'était pas à son goût et Severus ne s'était pas privé de le lui faire savoir plusieurs fois au cours des quinze dernières années. Outres les tentures aux couleurs rouge et or qui pendaient à différents endroits et les portraits à l'air tous plus prétentieux les uns que les autres, il était agaçant pour Severus de devoir poser en permanence les yeux sur la Coupe des Quatre Maisons et la Coupe de Quidditch qui trônaient bien en évidence derrière elle.

« Je rejoins Miss Tonks. » déclara le Professeur McGonagall. « Je doute que Remus… »

« Épargnez-moi le discours de défense du loup-garou opprimé. » cingla-t-il. « Nous ne pouvons nous permettre d'être négligeant et nous ne pouvons pas davantage écarter la possibilité que Lupin soit sous Imperium. Il nous faut éliminer les suspects un à un. »

Il venait de résumer brièvement à la sous-directrice les informations rapportées par Nymphadora, sans toutefois y voir plus clair que quelques heures auparavant.

« Le laboratoire reste notre meilleure piste pour l'instant. » réfléchit-il à voix haute. « Il nous faut à tout prix découvrir si le stock de potions est compromis. »

« J'irais cette nuit. » confirma-t-elle d'un hochement de tête. « J'enquêterai dès que Tonks aura convaincu Nyssandra de quitter le QG. »

Severus pinça les lèvres mais ne commenta pas l'enthousiasme déplacé de sa collègue. Gryffondor, ne put-il s'empêcher de penser avec un certain dédain.

« Soyez prudente. » insista-t-il sèchement. « Je vous ai enterrée une fois cette année, je préférerais éviter de répéter l'expérience. »

Le désintérêt nonchalant dont il avait voulu doter sa voix tomba à plat. Maudits soient ses boucliers qui ne fonctionnaient plus comme il le souhaitait… Il enviait presque ceux de Nymphadora qui, aussi balbutiants qu'ils soient, avaient le mérite d'être efficaces.

Les lèvres de Minerva tressautèrent mais, par égard pour lui, supposait-il, elle réprima son sourire.

« Une chose me laisse toutefois perplexe, Severus. » reprit-elle.

« Une seule ? » se moqua-t-il.

Elle fronça les sourcils, le regardant sans colère mais avec cette touche de déception particulière qui avait fait se tortiller de culpabilité plus d'un élève. Malheureusement, et en dépit de tout ce qu'il voulait faire croire, il n'était pas immunisé contre ses regards sévères.

Refusant de s'avouer intimidé, il leva les yeux au ciel. « Eh bien ? Je vous écoute. »

Elle ne chercha à dissimuler ni son ton mécontent, ni son agacement. « Puisque Albus est maintenant au courant et qu'il sait que nous savons… Pourquoi ne pas tout simplement nous allier à lui pour… »

« Ah, mais il ignore que nous savons qu'il sait. » l'interrompit-il de sa voix la plus doucereuse. Ses yeux noirs se portèrent sur les portraits qui les fixaient avec un ennui tangible, s'assurant rapidement que ses protections étaient toujours en place et que tout ce qui se disait dans ce bureau resterait confidentiel.

« C'est l'argument le plus puéril que j'ai jamais entendu. » soupira Minerva. « Et je suis constamment entourée d'enfants. Bientôt vous allez me dire que c'est lui qui a commencé. »

Severus ne répliqua pas immédiatement à cette pique pour la bonne et simple raison que c'était bel et bien Albus qui avait commencé. Tout ce que Severus avait fait était d'établir qu'il était hors de question qu'Harry soit mis en danger.

Il était évident que la Directrice des Gryffondors n'était pas dupe et que son silence valait autant d'aveux.

« Severus… » commença-t-elle.

Il l'interrompit aussitôt.

« Si Albus souhaitait notre aide, Minerva, il nous la demanderait – et j'emploie le mot tel un euphémisme. » rétorqua-t-il. « La vérité est simple, il ne nous fait pas confiance ou, plutôt, il n'a totalement confiance qu'en lui-même. Je ne peux véritablement lui jeter la pierre. Mes jours en tant qu'espion sont comptés et Merlin seul sait ce que le Seigneur des Ténèbres arrivera à me faire avouer avant de me tuer, vous êtes beaucoup trop franche, droite et manquez cruellement de subtilité pour qu'il se repose sur vous pour un problème aussi délicat, quant à Nymphadora… Elle est trop indépendante à son goût. Elle l'a ouvertement remis en question par deux fois, c'était sans doute deux fois de trop. »

« Vous avez une vision d'Albus bien cynique… » remarqua-t-elle. « Il… »

« Cynique, peut-être. Réaliste, c'est certain. » coupa-t-il.

Elle l'étudia du regard quelque seconde avec une expression attristée.

« Il vous a blessé. » déduisit-elle avec une étonnante perspicacité.

« Bien sûr que non. » cracha-t-il. « Et ne pensez pas qu'être en froid avec Albus m'enchante. Il n'est jamais bon de contrarier un sorcier aussi influent. Toutefois, il est devenu évident que nos priorités divergent. »

Peut-être avaient-elles toujours divergé…

Il avait accepté de devenir un pion dans cette guerre, certes, mais pas par soucis de l'avenir de la communauté magique.

Il avait plié le genou pour Lily Evans.

Et pour Harry Potter, il s'était relevé.

Il tiendrait tête à tous les Albus Dumbledore et Lord Voldemort de la planète pour son fils.

Une vague de détermination et de fierté mêlées s'abattit sur lui sans qu'il ne parvienne à la réprimer. Ses boucliers ne la freinèrent même pas. Compartimenter ses émotions devenait de plus en plus compliqué.

Il ne songea même pas à se corriger, même mentalement. Il était trop tard pour cela. Harry était son fils, le sentiment avait germé bien trop profondément pour qu'il ne parvienne à le déraciner maintenant et il ne le souhaitait, de toute manière, pas. S'il y avait une seule chose dans sa vie dont il serait fier au moment de rendre son dernier souffle, ce serait cela : qu'Harry l'ait laissé, ne serait-ce que pour quelques mois, jouer les pères de substitution.

Ces émotions étaient bien trop puissantes pour qu'il les cache éternellement au Seigneur des Ténèbres.

Tôt ou tard…

« Severus. » déclara-t-elle d'un ton qui ne laissait rien présager de bon.

Bien évidemment, elle fut interrompue par une série de coups secs frappés à la porte.

« Entrez. » lança-t-elle.

Par réflexe, Severus se redressa. Il était hors de question qu'un élève le trouve ne serait-ce que légèrement avachi dans un fauteuil.

La porte s'ouvrit sur un cinquième année à l'expression paniquée, un bonnet en laine profondément enfoncé sur sa tête jusqu'au front et aux grands yeux verts écarquillés.

« Professeur McGonagall ! » s'exclama le garçon, avant de se taire brusquement en l'apercevant.

Il y avait certains esprits frappeurs qui apparaissaient si l'on prononçait leur nom trois fois. Severus se demanda brièvement s'il en était de même pour le Survivant.

« Mr Potter. » le salua Minerva, en fronçant les sourcils. « À quoi dois-je cette entrée pour le moins précipitée ? »

« Euh… » lâcha le gamin, aussi éloquent qu'à l'accoutumée.

« Qu'as-tu fait ? » gronda Severus, en se levant.

« Rien. » mentit Harry.

Le Maître des Potions plissa les yeux et le fusilla du regard.

« Oh, je t'en prie, Harry ! » siffla-t-il. « Tu as ton expression des jours de grandes catastrophes. »

D'un geste de la main, il envoya la porte se fermer et attendit bien que les protections englobent à nouveau la pièce avant d'arracher le bonnet de la tête du gamin. L'adolescent ne portait jamais de bonnet.

Et ça se pensait subtil…

Le glapissement horrifié de McGonagall aurait presque été savoureux en d'autres circonstances. Autant que le bond qu'elle fit pour se lever de son fauteuil.

Des circonstances où Harry Potter aurait toujours eu des oreilles normales au lieu des oreilles de félin qui dépassaient de son crâne.

« Je vais te tuer. » déclara-t-il, très sobrement.

Cette promesse pour le moins inattendue arracha un nouveau bruit choqué à la sorcière.

Les oreilles de tigre frémirent et se plaquèrent vers l'arrière tandis qu'Harry laissait percer une grimace de douleur.

« Arrêtez de faire ça, s'il vous plaît. » supplia le Survivant. « Les sons… Tout est démultiplié. »

« Peut-être, ainsi, retiendras-tu leçon. » rétorqua Severus froidement. « Une règle, Potter. Je t'avais donné une règle. »

« Ne m'appelez pas Potter. » ronchonna le garçon comme s'il n'y avait pas d'autres problèmes plus urgents que sa relation conflictuelle avec le souvenir de James Potter.

« Je t'avais interdit de t'entraîner seul ! » gronda-t-il, perdant le peu de calme qui lui restait.

Les dangers auxquels s'exposait inutilement ce gamin… Il aurait pu lui arriver n'importe quoi. Un Animagus ne s'entraînait jamais seul. Bien entendu, c'était exactement ce que lui avait fait mais la situation était très différente. Il était adulte et savait ce qu'il faisait. Il ne se serait certainement pas risqué à cela à quinze ans. Il aurait pu rester coincé entre deux formes, certains en étaient morts.

« Cinquante points en moins pour Serpentard. » cracha-t-il de rage.

Cette fois-ci, Minerva sembla s'étrangler.

Harry, lui, se contenta de le dévisager avec un air innocent.

Les yeux du Maître des Potions accrochèrent la cravate rouge-et-or et il leva les yeux au ciel.

« Cinquante points en plus pour Serpentard, cent points en moins pour Gryffondor. » se corrigea-t-il immédiatement.

« Hey ! » s'exclamèrent simultanément les deux lions.

« Cinquante points pour Gryffondor. » se reprit rapidement la sous-directrice, avant de jeter un regard noir à Harry. « Honnêtement, Potter, de la part de votre père passe encore mais j'osais espérer que vous aviez davantage de plomb dans la tête. Avez-vous la moindre idée des risques que… » Minerva s'interrompit brusquement et tourna la tête vers le Maître des Potions, la bouche pincée. Sa baguette heurta régulièrement le coin de son bureau en un rythme saccadé qui ne promettait rien de bon. « Que vouliez-vous dire vous lui avez interdit de s'entraîner seul ? Étiez-vous au courant de cette folie, Severus ? »

Les oreilles d'Harry, qui étaient restées aplaties sur son crâne durant toute la durée du discours de la sous-directrice, se redressèrent soudain comme s'il guettait le sermon qui n'allait pas manquer de tomber.

L'espion n'eut pas le loisir de répondre, elle lut la réponse sur son visage.

Il avait eu l'occasion de voir Minerva furieuse plusieurs fois au cours des années. Il connaissait les signes, savait lorsqu'il était nécessaire d'opérer un repli stratégique, et il lui fallut faire appel à toute sa fierté pour ne pas sortir sa baguette et dresser un bouclier hâtif.

Severus ne craignait que trois personnes : Dumbledore, le Seigneur des Ténèbres et Minerva McGonagall.

Il aurait fallu être fou pour avoir été sous sa tutelle pendant sept longues années et ne pas craindre Minerva McGonagall.

« Professeur McGonagall… » tenta-t-il de l'apaiser de son ton le plus professionnel – après tout, la Directrice des Gryffondors était une professionnelle, quelqu'un qui, contrairement à Albus, respectait la fonction et ne s'abaisserait jamais à affronter un collègue devant un élève si elle pouvait l'éviter.

Oui, faire appel à son professionnalisme semblait être la meilleure course d'action…

« Dois-je vous rappeler vos notes en Métamorphose, Severus Snape ? » cingla la sorcière du ton péremptoire qui signifiait que vous aviez tout intérêt à courber le dos et attendre que l'orage passe. « Dois-je vous rappeler que je ne vous ai admis dans mes cours d'A.S.P.I.C.s que de justesse ? Et vous vous pensez habilité à superviser une transformation Animagus ? Chez un élève de quinze ans ? » Elle frappa du pied une fois dans une démonstration de colère. « Cinquante points en moins pour Serpentard. »

Severus écarquilla les yeux avant de la fusiller du regard, serrant les poings et prenant son ton le plus dangereux.

« Je ne suis plus un élève, Professeur. » contra-t-il. « Vous n'avez aucun droit de… »

« Oh, taisez-vous, Severus. » coupa-t-elle, avant de se tourner vers Harry. « Et, vous, Potter, effacez-moi ce sourire de votre visage. Pensiez-vous réellement réussir à vous transformer ? C'est une chance que vous ne vous soyez pas blessé ! Je n'arrive pas à croire que vous ayez été aussi irresponsable, Severus. Autoriser un enfant… »

« Je ne suis pas un enfant et ce n'est pas vraiment la faute de Severus et arrêtez de crier, s'il vous plait. » grinça soudain Harry, en portant la main à ses oreilles.

Le Maître des Potions claqua la langue avec désapprobation à cette familiarité qu'il n'avait pas autorisée sans toutefois parvenir à l'interdire.

Ce fut à peine si l'adolescent lui accorda un regard.

« Je n'arrive pas à récupérer mes oreilles normales. » geignit le Gryffondor, en fixant Minerva de son regard de chien battu le plus convainquant. « Je ne sais pas où je me suis trompé parce que le reste fonctionne comme d'habitude. Regardez. »

Le garçon leva les bras et, au bout de quelques secondes, ce n'était plus un bras mais l'immense patte d'un tigre qui prolongeait son épaule.

La sous-directrice dut ressentir le besoin soudain de s'asseoir puisqu'elle se laissa soudain choir sur son fauteuil, les yeux rivés sur l'énorme patte. Elle n'avait sans doute pas compris qu'Harry était aussi avancé dans la transformation Animagus. À n'en pas douter, elle avait pensé que les oreilles n'étaient que le fruit d'une tentative malheureuse…

Lorsque la patte redevint un bras, sans que cela ne semble demander au garçon davantage qu'un simple effort de concentration, Minerva avait recouvré son calme et observait à présent l'adolescent avec une lueur intéressée dans les yeux. Severus connaissait ce regard pour l'avoir aperçu maintes fois lorsqu'elle se tenait face à James Potter ou Sirius Black. Il l'avait probablement eu, lui aussi, quelques fois dans sa carrière. C'était le regard dont un professeur couvait un élève qui pouvait se révéler grandiose dans leur domaine.

Severus ne fut pas autrement étonné de se voir invité à prendre la porte.

« Êtes-vous certaine de pouvoir l'aider ? » s'enquit-il toutefois, s'obstinant à rester planté là où il l'était.

L'expression de Minerva était si condescendante qu'il leva les yeux au ciel.

« Très bien. » capitula-t-il. « Je m'incline. Bien que cela serait certainement une leçon durable si tu devais supporter toute ta vie des oreilles de félin. »

Encore que, cet idiot aurait pu en tirer une sorte de fierté…

Il frappa l'oreille la plus proche d'une pichenette qui ne dut pas faire bien mal à l'adolescent mais qui lui valut un regard noir. Il leva les sourcils en un avertissement tacite. Très clairement, ces semaines loin de lui avaient suffi à ce qu'Harry retrouve ses mauvaises habitudes et, pourtant, Severus en était presque soulagé. Il préférait cent fois voir le gamin bouder pour une remarque cassante que de le voir errer dans le château avec un air mélancolique qui ne lui allait pas.

« Je préfèrerai que ceci reste entre nous, Minerva. » exigea-t-il.

Cela déplut à la sorcière. « Il existe des lois sur les Animagus et… »

« Et nous sommes en guerre. » contra-t-il sèchement. « Et Harry n'est pas n'importe qui. »

« Je devrais vous enregistrer quand vous dites des choses comme ça. » lança l'adolescent avec bien trop de morgue.

« Puisque retirer des points à ta Maison n'a pas eu l'effet escompté, peut-être qu'une retenue avec Mr Rusard calmera ton arrogance. » répliqua-t-il.

Le gamin mourrait d'envie de répondre, c'était évident, pourtant il parvint à tenir sa langue avec une moue boudeuse.

« Minerva ? » insista-t-il.

La sous-directrice soupira, devinant sans mal ce qu'il entendait par entre nous.

« Cela fait beaucoup de secrets, Severus. » remarqua-t-elle. « Et, malgré tout, il reste mon ami… »

Un ami qui l'aurait sacrifiée sans ciller sur l'autel du plus grand bien.

C'était là, supposait-il, les risques que l'on courrait lorsqu'on se prenait d'affection pour des êtres d'exceptions. Les êtres d'exceptions faisaient toujours le choix juste et le choix juste impliquait souvent de laisser mourir un être cher pour sauver la masse.

« Dans l'intérêt de votre élève. » pressa-t-il, sa main venant se poser sur l'épaule d'Harry. Ce n'était pas simplement une manière de donner davantage de poids à ses paroles, c'était également une façon de lui rappeler qu'Albus n'avait pas toujours fait les bons choix.

La lionne soutint son regard avec une telle intensité qu'il dressa instinctivement ses boucliers, prêt à affronter une attaque qui ne viendrait pas. Minera n'était pas versée dans la magie de l'esprit.

« Soit. » céda-t-elle.

Il la remercia d'un bref hochement de tête et se tourna vers Harry.

« Peux-tu prendre le contrôle de mes protections et les maintenir ? » demanda-t-il avec une certaine curiosité.

Ils ne l'avaient jamais tenté. Toutefois, il avait enseigné à l'adolescent chacune des protections anti-espionnage et anti-détection qu'il utilisait généralement et ils étaient suffisamment proches pour connaître parfaitement l'empreinte magique de l'autre.

« Vous lui en demandez trop. » le rabroua Minerva. « Ce genre de choses n'est pas enseigné avant la septième année. »

Sans lui prêter attention, Harry tira sa baguette et ferma les yeux.

Severus sentit la magie du garçon tâtonner maladroitement autour de la sienne, puis, après quelques secondes, il sentit les protections se détacher de lui délicatement. Deux profondes inspirations plus tard, le Survivant rouvrit les yeux avec un sourire extatique.

« Vous voyez, c'est pour ça que vous êtes mon professeur préféré. Vous ne dites jamais que je suis trop jeune. » déclara le garçon.

Le Maître des Potions ressentit l'envie idiote de lui ébouriffer les cheveux. Il se retint, non seulement parce que ce n'était pas très digne mais, surtout, parce que le nid d'oiseau sur sa tête n'avait pas besoin d'être mis davantage en désordre.

« Tu es trop jeune pour beaucoup de choses. » riposta Severus. « Cesses donc de te mettre en danger inutilement. »

Le gamin leva les yeux au ciel. « On a vécu pire que des oreilles de tigre… »

« Quand bien même. » siffla-t-il. « Prétendons-donc qu'il s'agit là de expérience de mort imminente de ce mois ci. Cela m'épargnera quelques cheveux blancs. »

Un peu trop conscient que Minerva les observait avec une émotion contenue qui ne demandait qu'à s'exprimer, Severus quitta la pièce dans un claquement de cape qui aurait probablement été plus impressionnant si ses spectateurs avaient eu le tact d'avoir l'air intimidé.

°°O°°O°°O°°O°°

« Le soleil va se coucher. »

L'avertissement de Sirius était bien inutile.

Remus sentait l'appel de la lune dans chacun de ses muscles. Avec une prière silencieuse pour que la nouvelle version de la potion Tue-Loup fonctionne, il avala le contenu de la fiole, rejetant la tête en arrière dans un effort dérisoire pour échapper au goût répugnant. Il devrait demander à Severus s'il n'y avait pas moyen de l'aromatiser.

Il pouvait d'ors et déjà imaginer l'expression du Maître des Potions.

Sans un mot, il se débarrassa de ses vêtements et, nu comme un ver, frissonna dans l'air du soir.

« Tout va bien se passer, Lunard. » déclara Sirius, sans que Remus ne parvienne à déterminer lequel d'eux deux il cherchait à rassurer.

« Transforme toi. » ordonna-t-il. « Et au moindre problème… »

« Je me souviens. » le tranquillisa son meilleur ami. « J'ai l'habitude. »

Quand bien même, l'Animagus en ait eu l'habitude, Remus ne se détendit que lorsque l'humain céda la place à l'énorme chien noir. Patmol garda ses distances mais couina lorsque le soleil disparut totalement derrière les buttes d'herbes sèches.

Remus eut quelques minutes de répit, le temps que son corps réagisse aux premiers éclats de la lune, puis, la douleur qui ne l'avait pas quitté de la journée, qui lacérait de ses griffes chacun de ses os, de ses muscles, devint agonie.

Sa bouche s'ouvrit dans un cri de souffrance qu'il ne put retenir.

Loin, trop loin de sa conscience, un chien gémit.

Remus n'était déjà plus là pour l'entendre. Dans des craquements terribles, ses os changeaient de forme, ses muscles s'allongeaient, ses organes se compressaient pour mieux tenir à l'intérieur de l'énorme loup au pelage argenté qui hurla à la lune.

Lunard s'ébroua, testant les limites de ce nouveau corps, sentant la puissance de ses muscles, passant la langue sur le tranchant de ses crocs, jouant avec les longues griffes qui prolongeaient ses pattes.

Remus avait toujours craint le loup.

Le loup avait toujours voulu imposer sa vision à Remus.

Lunard était le parfait alliage des deux.

Il était Remus mais il était le loup.

Il était le loup mais il était Remus.

L'angoisse viscérale qui avait toujours accompagné les transformations ne lui tordait pas le ventre. Il n'y avait pas d'angoisse à avoir.

Pour la première fois de sa vie, Lunard goûtait au bonheur parfait.

Il fit quelques pas en avant, bondit sur un rocher, courut jusqu'au sommet de la butte la plus proche…

Indépendance.

Liberté.

Harmonie.

Lunard était un.

Lunard était loup.

Il hurla son bonheur à la lune.

L'aboiement ne le prit pas par surprise parce qu'il avait senti la présence de l'autre animal dès sa transformation. Le chien n'était, toutefois, pas une menace. Moins puissant, moins dangereux. Moins.

Lunard l'observa avec attention de ses yeux jaunes, cherchant à le ranger dans une des deux catégorie qui régissait son monde : proie ou prédateur.

Puis le souvenir, lui vint, ténu. Une image. Un sentiment. Plus puissant que tous les autres.

Meute.

Dans un bond puissant, Lunard sauta sur le chien, l'immobilisa et referma délicatement sa mâchoire sur son cou. Patmol demeura immobile, lâcha à peine un gémissement de peur. Lunard sentit sa peur mais c'était bien, c'était dans l'ordre des choses. Patmol était son second. Un second devait avoir peur du chef de meute. Il relâcha son cou et attrapa son oreille entre ses crocs, sans appuyer suffisamment pour percer la chair – Patmol n'avait, après tout, rien fait pour provoquer son courroux – et la tira dans un geste affectueux avant de lui rendre sa liberté.

Ils avaient beaucoup à faire et pourraient jouer plus tard.

Lunard n'aimait pas vraiment ces contraintes qui semblaient peser sur lui mais la mission était limpide dans son esprit : il devait agrandir la meute qui manquait singulièrement de femelle.

Et il savait qui il devait trouver.

Il avait encore son odeur plein la truffe.

Lentement, le loup-garou se mit en chasse.

°°O°°O°°O°°O°°

Draco Malfoy aurait volontairement sacrifié un de ses membres plutôt que d'avouer envier quoi que ce soit à Harry Potter.

Il était cependant bien inutile de se mentir à soi-même et, seul dans les couloirs, Draco pouvait admettre envier au Balafré cette Carte des Maraudeurs qui était, somme toute, bien pratique.

Non pas que Draco aurait également avoué être perdu.

Un Malfoy ne se perdait pas.

Certainement pas à Poudlard dont il arpentait les couloirs depuis cinq ans.

Il fallait toutefois reconnaître que c'était étrange.

Il avait emprunté le chemin qu'il prenait toujours pour retourner aux cachots depuis la Tour des Gryffondors – grommelant encore de la claque monumentale que Weasley lui avait mise en remportant leur partie d'échecs – un chemin qu'il connaissait désormais par cœur, un chemin qu'il aurait pu suivre de nuit, les yeux fermés, sans lumos pour guider ses pas.

Il était donc pour le moins suspect qu'il se soit retrouvé dans une partie du château relativement isolée, dans laquelle il n'avait absolument aucune intention d'aller. Pire, il était certain de ne pas avoir raté d'embranchement à aucun moment.

Son mouvement du poignet était totalement nonchalant mais, lorsqu'elle fut tombée dans sa main, la prise qu'il avait sur sa baguette ne l'était pas.

Il continua d'avancer avec une bonne humeur feinte qui masquait sa méfiance croissante.

Il ne croyait pas plus aux coïncidences qu'au père noël.

Il ne fut donc pas surpris lorsque les torches s'éteignirent brusquement.

« Trop d'effets de manche. » jugea-t-il avec mépris. « Seuls les amateurs s'embarrassent de ce genre d'artifices. »

Qui que ses adversaires soient, ils n'étaient pas censé savoir que l'obscurité le mettait mal à l'aise. Il n'aimait pas Poudlard la nuit, le château lui paraissait hostile, dangereux… Et ils étaient loin des murs extérieurs où les fenêtres et meurtrières auraient laissé filtré la lumière laiteuse de la lune… Les couloirs, à l'intérieur de l'école, étaient d'un noir d'encre lorsqu'on soufflait les torches.

Le souvenir des boyaux ténébreux qui serpentaient sous le Manoir Malfoy lui revinrent une nouvelle fois en mémoire. Il se reprit vite, cependant. Il n'avait plus sept ans, il n'avait plus de fidèle dragon en peluche pour le rassurer et il n'était pas perdu. De plus, sa mère n'apparaitrait pas comme par magie pour venir le secourir tel un ange salvateur.

Il se refusa à jeter un lumos.

Ils auraient pu prendre ça pour une marque de faiblesse.

« Tu es une honte pour la Maison des Serpentards. » lança une voix masculine sur sa gauche, malheureusement plus proche que Draco ne l'avait escompté.

« Tu es une honte pour la Maison des Malfoy ! » corrigea une autre voix sur sa droite, elle aussi dangereusement proche.

« C'est tout ? » s'enquit-il, d'un ton où l'ennui se disputait à la lassitude.

« On va t'apprendre à fréquenter des Sang-de-Bourbe ! » déclara la dernière voix, juste en face de lui.

« Comme c'est original. » soupira Draco. Il était partagé entre l'offensive et la défensive, un stupefix ou un sortilège du bouclier, se battre ou fuir… Non, non, ce dernier choix n'existait pas. L'honneur de sa Maison était en jeu, son honneur personnel était en jeu, et il ne pouvait fuir sans perdre la face. Non, il lui faudrait…

Sa seconde d'indécision lui fut fatale.

Le coup de poing qui le cueillit à l'estomac le prit par surprise, lui coupant sa respiration.

De la part de puristes, on se serait attendu à tout sauf à des méthodes aussi moldues.

Il eut à peine le temps de jeter maléfice vers sa droite, un maléfice qui n'atteignit pas sa cible, avant que sa baguette lui soit arrachée violemment des mains. Il entendit le cliquetis du bois contre la pierre lorsqu'elle heurta le sol quelques mètres plus loin.

Trois secondes plus tard, ce fut sa tête qui heurta le mur de pierre.

Plus nombreux, plus grands, plus lourds, plus musclés, ses attaquants avaient l'avantage.

Et Draco était dans un sacré pétrin.

°°O°°O°°O°°O°°

Sirius n'était pas rassuré.

L'énorme chien qu'il était se glissait d'ombre en ombre, tâchant d'imiter de son mieux la démarche souple et puissante du loup-garou sans y parvenir. Il finissait toujours par perdre le loup de vue au bout de quelques minutes. Il était un poids plus qu'une aide, supposait-il, puisqu'il ralentissait Remus.

Si tant est qu'il s'agissait bien de Remus.

Le loup-garou avait certainement eu l'air moins sauvage qu'à l'accoutumée et moins drogué que lors des nuits de pleine lune passées sous potion Tue-Loup ordinaire. Il n'était pas, toutefois, persuadé que c'était bien son meilleur ami qui ouvrait le chemin devant lui.

Ça ne ressemblait pas beaucoup à Remus de presque l'égorger ou de manquer lui arracher l'oreille en guise de jeu.

Il huma l'air, soudain plus attentif à son environnement. Loups-garous, déduisit-il, beaucoup de loups-garous.

Ils avaient trouvé la meute.

Oh, oh, songea-t-il, avant qu'une masse écrasante ne lui saute dessus et ne le plaque au sol avec un grognement rageur.

°°O°°O°°O°°O°°

Harry se hâta le long des couloirs, impatient de rejoindre la salle commune.

C'était un soulagement de retrouver une ouïe normale, les oreilles de sa forme Animagus étaient bien plus sensibles et, si cela lui avait paru génial au début, cela avait vite tourné au calvaire. Un calvaire qui n'avait eu d'égal que le sermon que McGonagall lui avait passé dès que Severus l'avait lâchement abandonné à la sous-directrice.

Une fois qu'elle avait eu terminé de le traiter de crétin inconscient, cependant, McGonagall s'était très vite intéressée à la méthode qu'il avait employée, à ses progrès, à son niveau de difficulté… Elle avait refusé de le laisser sortir de son bureau avant qu'il soit parvenu à retransformer ses oreilles et qu'il lui ait prouvé qu'il pouvait les changer de forme à loisir sans rester bloqué, avec la même facilité qu'il transformait son bras. Deux heures.

Il était épuisé mais extatique et il avait quitté le bureau de McGonagall avec un nouveau cours particulier de plus inscrit dans son emploi du temps.

La sorcière avait également promis qu'elle s'occuperait de lui arracher elle-même les oreilles s'il s'avisait de s'entraîner sans sa supervision – le Professeur Snape, avait-elle insisté, n'était pas habilité à superviser des transformations Animagus.

Puisque personne n'était censé savoir que le Maître des Potions était lui-même un Animagus, Harry avait tenu sa langue.

Il avait presque atteint les étages supérieurs lorsqu'un bruit étrange lui fit froncer les sourcils. Il s'arrêta, aux aguets, le cœur battant, sondant le silence. Juste au moment où il allait conclure avoir rêvé, le bruit revint. C'était un écho, l'écho d'un cri et, sans hésiter, Harry suivit le son, s'enfonçant dans les couloirs jusqu'à atteindre une partie du château qu'il avait rarement explorée.

Les bruits de bagarre se firent plus distincts et il accéléra le pas, sa baguette brandie devant, prête à l'emploi. Il ne tarda pas à tomber sur un couloir totalement plongé dans les ténèbres. Harry s'y engagea, grinçant des dents lorsqu'il entendit les premières insultes.

« Toujours aussi friand de Sang-de-Bourbe ? »

« Traître à ton sang ! »

Harry se mit en colère, très, très en colère…

« Lumos. » lâcha-t-il froidement.

Toutes les torches du couloir s'enflammèrent, révélant trois brutes qui ne pouvaient être qu'en septième année, deux Serpentards et un Serdaigle, et Malfoy, le visage en sang qui profita de la distraction subite de ses assaillants pour décocher un coup de genou bien placé. Un des garçons se plia en deux, le deuxième fut propulsé en arrière par un sort d'Harry.

Le Serdaigle lança vers le Survivant un sort d'eau bouillante qui s'évapora sur le bouclier d'air chaud que dressa instinctivement le Gryffondor. La vapeur qui en résultat limita sa vision l'espace d'une seconde, ce fut suffisant pour qu'un des Serpentards plaque à nouveau Malfoy contre le mur et lui flanque son poing dans la figure. Harry entendit distinctement quelque chose craquer et ne put retenir une grimace.

« Stupefix ! » cria-t-il vers le septième année qui brutalisait le Serpentard.

Un bouclier hâtif dévia son sort, Malfoy glissa au sol où il resta prostré. Rien, en revanche, n'aurait pu arrêter le deuxième serpent qui se jeta sur Harry avec un hurlement guerrier. Le plaquage était digne d'un joueur de rugby. Harry se surprit à regretter ne pas avoir une batte sous la main, il aurait volontiers utiliser la tête de cet idiot comme un cognard.

Le poing du Serpentard s'écrasa sur sa joue mais Harry était préparé à la douleur et ne laissa pas cette maigre considération l'arrêter. Sans réfléchir, il mordit à pleines dents le bras qui le maintenait au sol, arrachant à son adversaire un hurlement de douleur.

« C'est Potter ! » s'exclama le Serdaigle.

Observateur, ne put-il s'empêcher de se moquer mentalement.

« On devrait les emmener dans la Forêt Interdite. » suggéra le Serpentard qui ne l'écrasait pas de son poids.

À l'incompréhension générale, Harry éclata de rire.

« Incarcerem. » siffla soudain Malfoy.

Stupides gorilles, songea le Survivant, qui abandonnaient leur proie pour une plus grosse sans plus s'en préoccuper. Il avait vu Dudley agir de même pendant des années.

Aucun des trois Mangemorts en herbe n'avaient vu Malfoy ramper vers sa baguette.

L'adolescent qui l'avait plaqué au sol s'envola, prisonnier d'épais liens de cuir.

« Expelliarmus ! » s'écrièrent en même temps les deux cinquième année.

Les baguettes du Serpentard et du Serdaigle s'envolèrent.

« Qu'en dis-tu, Potter ? » s'enquit Malfoy, la voix rauque et le souffle court. Il essuya d'un revers de manche le sang qui lui coulait du nez. « Je suis certain qu'il y a suffisamment de recoins par ici où cacher leurs cadavres. »

Il feignit d'y réfléchir, espérant que le Serpentard était simplement en train de plaisanter. Encore que, les yeux gris qui fixaient leurs prisonniers ne flanchaient pas.

°°O°°O°°O°°O°°

Le chat se glissa silencieusement d'une pièce à l'autre, prenant garde de rester dans l'ombre bien que la grande demeure soit supposément vide.

Severus serait déçu.

La réserve de potions lui avait paru tout à fait normale. Elle n'avait certes pas la science du Mangemort dans ce domaine mais elle se targuait de pouvoir reconnaître une potion mal préparée lorsqu'elle l'avait sous le nez. Severus l'avait de toute manière avertie que cela aurait dû être flagrant et lui sauter aux yeux.

Rien ne lui avait sauté aux yeux.

La réserve était soigneusement organisée, l'inventaire était clair et net, rédigée de la main sûre de Remus, rien ne manquait à l'appel, rien ne mettait la puce à l'oreille.

Elle ne croyait pas une seule seconde que Remus puisse être leur espion.

Toute à ses considérations, elle décida qu'un tour dans le laboratoire lui en apprendrait davantage. Le chat se coula donc dans l'escalier menant à la cave, prenant soin d'esquiver les marches qui craquaient plus par jeu que par réelle nécessité.

Elle s'en félicita lorsqu'elle réalisa que la maison n'était pas aussi vide qu'elle l'avait cru.

Travaillant à l'abri d'un sort de silence, leur espion suait à grosses gouttes au-dessus d'un chaudron.

Elle se tapit dans un coin obscur et observa.

°°O°°O°°O°°O°°

Le grondement enfla dans le ventre de Lunard mais il ne le laissa pas passer sa gorge, conscient du danger.

Le danger était partout.

Sa truffe le démangeait, assaillie par une centaine d'odeurs différentes. Et une entre toutes l'attaquait, musquée, sauvage.

L'odeur d'un Alpha.

L'odeur de Greyback.

Il retroussa silencieusement ses babines, regrettant de ne pouvoir partir en chasse, de ne pouvoir défier l'autre loup à la silhouette imposante qu'il devinait au loin. De ne pouvoir planter ses crocs dans sa chair et le déchiqueter. Attaquer jusqu'à ce que le sang chaud et poisseux lui couvre le museau et que son ennemi ne s'écroule dans la poussière, vaincu. Alors, la meute serait à lui. Et il serait vengé.

Une part de lui en mourrait d'envie.

L'instinct lui dictait de rester immobile, de protéger de sa masse le chien qu'il plaquait au sol. Sa meute passait avant le reste. Sa meute était sa priorité, sa responsabilité.

Il y avait trop de loups-garous autour d'eux pour qu'ils soient repérés mais Lunard n'osait pas bouger tant que Greyback était dans les parages.

Patience.

Il attendit que le gros de la meute soit passé avant de s'ébrouer, rendant finalement sa liberté à Patmol. Il restait quelques autres loups-garous qui les fixèrent de leurs yeux ambrés mais Lunard montra ses crocs et mordit le vide deux fois en guise d'avertissement, le poil hérissé.

Il huma l'air, retrouva l'odeur qu'il pistait depuis le début de la nuit, renversa la tête en arrière et poussa un long hurlement à la lune avant de s'élancer.

Patmol était trop lent, il le rabroua d'un coup de patte qui l'envoya rouler au sol et se remit à courir, prenant garde à ne pas trop distancer le chien. Il n'aimait pas l'idée que sa meute soit éparpillée.

La louve-garou avait un pelage gris foncé, presque noir.

Elle couina de détresse lorsqu'elle le vit foncer sur elle mais aucun des autres retardataires ne s'arrêta pour lui porter secours. L'instinct prenant le dessus, elle tenta de le mordre, de le griffer…

Peine perdue.

Lunard était bien plus fort, plus féroce.

En deux coups de pattes, il la plaqua au sol et referma ses mâchoires sur sa nuque avec un grognement possessif. Elle se débattit et il resserra sa prise jusqu'à ce qu'elle ne cède dans un gémissement qui ressemblait presque à un soupir, reconnaissant sa supériorité.

Sa meute venait de gagner un nouveau membre.

À présent, il était temps de vraiment chasser.

Il n'y avait pas énormément de gibier aux alentours mais il y en avait bien assez pour les occuper tous les trois.

La lune l'appelait.

°°O°°O°°O°°O°°

« Tu crois qu'il leur faudra combien de temps pour sortir de cette armoire ? » demanda Potter avec un sourire amusé.

« Entassé comme ils sont ? Quelques heures. » se moqua Draco. « Et ils peuvent s'époumoner, j'ai jeté un sort de silence. »

« Bonne idée. » commenta le Gryffondor, avant de lui jeter un coup d'œil inquiet. « Tu es sûr que tu ne veux pas aller à l'infirmerie ? »

Le premier réflexe du Serpentard fut de l'envoyer paître mais il se ravisa très vite. Qu'il le veuille ou non, le Balafré venait de le sauver d'une situation épineuse. Même s'il serait certainement venu à bout de ces trois imbéciles seul… Au bout d'un moment.

« Je suis mort, cette année, Potter. » déclara-t-il tranquillement, avec un haussement d'épaules qu'il regretta aussitôt. Son épaule gauche était meurtrie, sa lèvre fendue, il n'était pas tout à fait certain que sa pommette ne soit pas fracturée et il était, par contre, tout à fait certain de s'être fêlé une côte. « J'ai vécu pire. »

« Si tu le dis. » soupira Potter, en ralentissant tout de même le pas.

Draco avait voulu retourner directement à sa salle commune, sachant d'avance que se réfugier chez les lions affaiblirait sa position. Il devait rentrer à Serpentard la tête haute, en vainqueur. Curieusement, le Survivant avait semblé comprendre la nécessité politique d'une telle action sans qu'il n'ait besoin de la lui expliquer et avait proposé de l'accompagner. La portée d'un tel geste ne semblait pas non plus perdue pour le Gryffondor.

Il n'était pas rare désormais pour les élèves de visiter les salles communes d'autres Maisons mais, chez Serpentard, cela se limitait à quelques Sang-Purs de Serdaigle ou Poufsouffle. Les élèves respectant toujours la Trêve paraissaient conscient qu'il aurait été dangereux de s'aventurer dans les cachots. Draco ne les en blâmait pas, c'était comme se jeter dans la gueule du loup.

La tête de certains Serpentards lorsqu'il introduirait Harry Potter dans leur salle commune vaudrait sans doute le déplaisir de ces moments passés en sa compagnie.

Il refusait de remercier l'autre garçon pour son aide.

Son éducation et son honneur ne cessaient de se rebiffer à ce manque crucial de bonnes manières.

« Malfoy… » hésita le Gryffondor, alors qu'ils atteignaient finalement le hall d'entrée. Il leur faudrait encore plusieurs minutes pour rejoindre la salle commune. « C'est peut-être une question bizarre mais… Quand tu dis que tu es mort… Eh bien… Je suis mort aussi dans le passé et… »

« Si tu es en train de me dire que ce rêve complètement loufoque n'était pas un rêve, tu ferais mieux de te taire. » l'avertit-il. « Je n'ai aucune envie d'en parler. »

Les limbes…

Il en faisait encore des cauchemars.

Ses souvenirs étaient plus ou moins flous, à la fois clair et insaisissables. Le moment d'horreur de l'Avada se transformait soudain en une quiétude trompeuse dans sa mémoire. Le pré, Pomme, la terreur de ne pas parvenir à revenir et Potter.

Potter qui avait déjà trouvé le chemin pour revenir à la vie mais qui restait stupidement assis sur son banc dans une réplique de la gare de King Cross.

« Je n'étais pas sûr que tu n'aies pas choisi de mourir. » murmura-t-il, si bas que les mots ne portèrent pas beaucoup plus loin que Potter. « Tu disais… »

« Je sais. » lâcha le Gryffondor. « Enfin, je crois que je sais. Je ne me souviens pas bien. » Ils marchèrent en silence pendant quelques instants puis Potter haussa les épaules. « C'était tentant de… continuer. »

Ce n'était pas une tentation que Draco pouvait comprendre. À la seconde où il avait compris être dans les limbes, il avait cherché la porte de sortie.

« Pas pour moi. » rétorqua-t-il.

Potter déglutit avec difficulté et força un pauvre sourire sur ses lèvres.

« Tu as de la chance. » offrit le Survivant, laconique.

Le Serpentard aurait aimé pouvoir prétendre qu'il s'agissait simplement d'une de ses crises d'arrogance dont il avait le secret.

« J'en rêve encore. » admit-il avec difficulté.

Toutes les nuits depuis la Nuit des Ténèbres, il faisait le même cauchemar. Toutes les nuits, il se réveillait en nage, un cri de détresse ou un gémissement aux lèvres et fixait pendant de longues minutes les lourdes tentures vertes qui entouraient son lit à baldaquin, priant pour que le silencio qu'il jetait tous les soirs ait tenu bon et que ses camarades de dortoir n'aient rien entendu.

« Moi pas. » répondit Potter. « Ça ne me fait pas peur, je crois. Mourir, je veux dire. »

Draco leva les yeux au ciel, se sentant étrangement trahi.

Blaise était son meilleur ami et, pourtant, il ne parvenait pas à lui parler de son expérience dans les limbes ou de la terreur sourde qui l'étreignait de temps en temps à l'improviste. Blaise n'aurait pas compris. Blaise n'était jamais mort.

Il ne connaissait personne qui soit déjà mort.

Mis à part Potter.

« Évidemment. Où ai-je la tête ? Le grand Harry Potter n'a pas peur de la mort… » cingla-t-il.

En vérité, il lui enviait cette sérénité apparente. Il aurait aimé, lui-aussi, balayer ce qui lui était arrivé d'un revers de main et s'accorder le luxe de ne plus y penser. Sans doute n'y était-il pas suffisamment habitué. Recevoir un Avada Kedavra en pleine poitrine ? Rien d'autre qu'un jour ordinaire dans la vie du Garçon-Qui-Avait-Survécu-Pour-Faire-De-Sa-Scolarité-Un-Enfer.

« J'ai peur de la mort. » corrigea doucement Potter. « Simplement pas de la mienne. »

Draco l'étudia discrètement, du coin de l'œil, et décida que c'était finalement peut-être plus triste que de se réveiller en tremblant chaque nuit, tellement terrifié que, l'espace d'une seconde, il était tenté d'appeler sa mère.

Où était sa mère ?

Il n'avait plus de nouvelles.

Juste la promesse de son père qu'elle était en sécurité.

Ils passèrent le dernier détour avant le couloir qui menait à la salle commune et Draco se rendit compte qu'au lieu de guider le Gryffondor, il avait calqué son pas sur le sien. Potter savait très visiblement où il allait – peu étonnant, il avait passé les derniers mois à Serpentard, après tout, bien que cela ne cesse jamais de perturber le Sang-Pur – et semblait impatient d'y être.

Potter s'arrêta devant le pan de mur qui abritait la salle commune et attendit que Draco donne le mot de passe, ce qu'il fit sans se soucier d'être entendu. Une fois à l'intérieur, le Gryffondor balaya la pièce du regard puis une ombre peinée, presque douloureuse, passa sur son visage avant que son expression ne devienne aussi lisse qu'un masque poli. Le Sang-Pur aurait pu jurer avoir vu briller, l'espace d'un instant, le reflet d'une flamme dans les yeux verts.

Rien sur le visage de Potter ne trahissait ses pensées et, si c'était là son côté Serpentard, Draco se dit qu'il lui serait peut-être nécessaire de reconsidérer certaines choses.

« Draco ! » s'exclama Daphné, attirant l'attention générale sur les deux adolescents. Avant qu'il n'ait pu la rassurer, la jeune fille avait bondi du fauteuil sur lequel elle était blottie. Son livre glissa de ses genoux et tomba au sol, oublié.

Les conversations qui s'étaient tues reprirent soudain, tout en murmures. Draco n'eut pas le loisir d'essayer de saisir quelques mots à la volée, Daphné avait attrapé son visage entre ses mains et observaient attentivement ses blessures.

En d'autres circonstances, il en aurait joué et se serait fait plaindre et dorloter.

Les temps n'étaient plus à ça, cependant, et il était nécessaire désormais de faire état de force.

« Je n'ai rien, Daphné. » déclara-t-il haut et fort. « Tu devrais voir les autres, ils sont en miettes. La Maison des Malfoy ne plaisantent pas avec ceux qui les attaquent. »

« Pas plus que celle des Potter. » rajouta le Gryffondor, avec tout le détachement étudié qu'y aurait mis un Sang-Pur.

Draco ne savait pas à quoi Potter s'était amusé en soixante-quinze mais, clairement, le garçon cachait bien son jeu.

Les chuchotements augmentèrent, prenant la déclaration pour ce qu'elle était : la proclamation déguisée d'une alliance et d'une protection. Certes, cela faisait grincer des dents à Draco de devoir se placer sous la protection d'Harry Potter mais c'était la seule chose à faire et il était trop conscients qu'il lui fallait ravaler sa fierté.

Daphné tourna son regard vers le Survivant, grimaça en voyant l'hématome violacé sur sa joue, et lâcha finalement Draco en secouant la tête.

« Attendez qu'Hermione voit ça. » gronda-t-elle. « Vous êtes bon pour vous faire étriper. Tous les deux. »

Blaise arriva sur ses entrefaites, émergeant du couloir qui menait au dortoir sans réelle précipitation mais d'un pas vif qui trahissait son inquiétude. Il fallait que le Serpentard soit inquiet pour sortir dans la salle commune en pyjama et robe de chambre.

« Que s'est-il passé ? » s'enquit son ami, en fronçant les sourcils. Comme Daphné l'avait fait, ses yeux sombres passèrent du visage tuméfié de Draco à l'hématome que Potter arborait sur la joue et un pli mécontent barra son front. « Si vous vous êtes battus, j'espère que vous êtes conscient que Granger va vous noyer dans le lac. »

« Les étriper, Blaise. » corrigea Daphné avec un sourire indulgent, en lui tapotant l'épaule. « Les étriper. »

Draco échangea un coup d'œil exaspéré avec Potter.

« Je ne crains pas Granger. » mentit-il.

« Moi si. » avoua le Survivant, sans complexe aucun, retrouvant son comportement habituel de Gryffondor trop avenant. « Mais, là, ce n'était pas vraiment notre faute. »

Le temps qu'ils réquisitionnent les fauteuils autour de la cheminée, qu'ils s'installent et que Potter ait terminé de résumer leur histoire, Blaise avait fait ce qu'il avait pu avec les maigres sorts de soin qu'il connaissait. Les quelques coupures que Draco avait récoltées s'étaient refermées. Pour les hématomes et ses os douloureux, il n'y avait qu'un remède et c'était Pomfresh.

Potter mit un point d'honneur à trainer un bon moment dans la salle commune, à discuter publiquement avec lui, Blaise et les sœurs Greengrass. Les rares Serpentards membres de l'A.D. vinrent également lui parler ainsi que quelques autres qui marquèrent ainsi leur position face au conflit qui faisait rage à l'extérieur.

Tout ça était très politique, bien qu'il soit essentiellement question de Quidditch, et Draco fut plus que soulagé lorsque Potter décida qu'il était temps pour lui de regagner la tour des lions. Ses yeux le brûlaient de fatigue et tout son corps lui faisait mal.

Nott, Crabbe et Goyle était déjà couché mais ni Blaise, ni lui, ne se soucièrent de ne pas faire de bruit lorsqu'ils descendirent finalement dans le dortoir. Son meilleur ami le suivit dans la salle de bain et jeta tout un tas de sorts destinés à garder leur conversation secrète dès que la porte fut refermée.

« Voilà qui risque de lancer des rumeurs. » plaisanta-t-il, tout en bataillant avec le nœud de sa cravate.

« Tu te jettes sous des sorts de morts, tu te fais tabasser dans les couloirs… Je ne suis pas certain que fréquenter des Gryffondors te réussisse. » remarqua Blaise avec une fausse nonchalance.

Le regard de son ami s'assombrit encore lorsque Draco ôta sa chemise. Il ne put lui-même retenir une grimace lorsqu'il vit l'état de son torse dans le miroir. Sa peau si blanche était bariolée de bleu-vert tirant sur le jaune ou le violet.

« Es-tu certain de ne pas vouloir voir Madame Pomfresh ? » insista Blaise.

« Je ne vais certainement pas leur faire ce plaisir. » rétorqua-t-il.

« Qui était-ce ? » exigea de savoir son ami.

Draco l'avait rarement entendu aussi dur et froid.

Il lui jeta un coup d'œil, puis se passa de l'eau sur le visage, espérant que cela lui éclaircirait les idées.

Il pesa ses mots avec prudence, comme il le faisait rarement, parce qu'il ne voulait pas vexer Blaise mais que certaines choses se devaient d'être dites.

« Ma guerre n'est pas obligatoirement ta guerre. » offrit-il.

« Cette guerre est à nous tous. » riposta le Serpentard. « Et si trois idiots décérébrés de septième année s'en prenaient à moi tu observerais en silence, peut-être ? » La main de son meilleur ami s'abattit sur son épaule, presque brutale. « Je ne le répéterai qu'une seule fois, Draco. Je ne t'ai pas attendu pour choisir mon camp dans cette guerre, j'ai simplement attendu que tu comprennes pourquoi ce camp était le bon. Mais il y a la guerre, et il y a toi et moi. »

« Blaise, tu es en train de me confondre avec Daphné et j'ai peur. » railla-t-il, plus touché qu'il ne voulait l'admettre.

L'héritier des Zabini le dévisagea en silence, avec cette force tranquille qui le caractérisait, refusant de s'abaisser à accepter ses sarcasmes sur un sujet aussi sérieux.

« Que veux-tu ? » siffla-t-il, mal à l'aise lorsqu'il était question d'exprimer des choses qui lui semblaient évidentes. « Que je prête un serment inviolable ? Bien entendu que ton amitié passe avant leur guerre. Je suis un Serpentard, pas un Gryffondor. Si tu penses que je sacrifierai n'importe lequel de mes amis, ou moi-même d'ailleurs, pour le plus grand bien, c'est bien mal me connaître. Je ne suis pas un héro. Pour ça, il faut s'adresser à Potter. »

Potter qui semblait tellement en paix avec l'idée de mourir…

Il se mit rapidement en pyjama et attrapa sa brosse à dents, ignorant soigneusement le regard lourd de sens que son meilleur ami lui jetait. Blaise eut le tact de ne pas lui rappeler qu'il s'était justement fait tuer en se plaçant sur le chemin d'un sort de mort destiné à Luna.

« Parlant de Potter… » lâcha-t-il, en couvrant la brosse de dentifrice. « Depuis quand possède-t-il un côté Serpentard secret ? L'as-tu vu tout à l'heure ? Depuis quand Harry Potter est-il doué en politique ? Et, bien sûr, il faut toujours qu'il soit au centre d'attention, c'est plus fort que lui. »

Le sourire amusé de Blaise ne lui disait rien qui vaille mais Draco avait la bouche pleine de dentifrice et ne pouvait décemment pas lui demander ce qu'il avait sans en mettre partout.

« Je vois que ton obsession pour Potter est revenue. » commenta simplement l'autre garçon, pince-sans-rire. « Je commençais à croire que ces rumeurs étaient infondées… »

Draco manqua s'étouffer avec le dentifrice – certainement la pire mort du monde.

°°O°°O°°O°°O°°

Sirius observait, impassible, les deux loups-garous gambader gaiment dans la lande comme s'il n'y avait pas eu une meute d'autres loups-garous nettement moins gais et nettement moins portés sur le plaisir de gambader quelques kilomètres plus loin à peine.

Depuis qu'il s'était trouvé une nouvelle compagne de jeu, Remus faisait à peine cas de lui, ne se retournant plus que de temps en temps pour vérifier qu'il suivait – et, pour être tout à fait honnête, Patmol commençait à fatiguer – lui intimant parfois d'un coup de tête, parfois d'un coup de patte d'accélérer l'allure. Toute l'attention de son ami était rivée sur la louve-garou qui, elle, n'avait aucun problème pour suivre ses courses effrénées, ses jeux un peu trop violents ou les chasses intempestives.

Ils en étaient déjà à leur troisième lapin, un repas que Sirius avait à chaque fois décliné avec une politesse prudente, peu enclin à insulter accidentellement un loup-garou.

Remus ne semblait pas apprécier son manque d'appétit.

L'Animagus n'était pas suffisamment inquiet au point de se forcer à manger du lapin cru.

Lorsque le ciel commença à s'éclaircir, Patmol aboya pour attirer l'attention des deux loups qui se sautaient dessus et s'amusaient comme des chiots à la taille démesurée.

Il lui fallut insister mais à force d'aboiements et de coups de tête – même si ceux-ci lui valurent plus d'une bourrade moins qu'amicale – il parvint à rabattre Remus et son amie vers le campement.

Chien de berger pour loup-garou, pensa-t-il, non sans ironie.

Lorsqu'ils atteignirent la tente et le reste de leurs affaires, l'aube n'était plus loin et les loups étaient très visiblement épuisés. La langue pendante, ils se laissèrent tomber en un tas informe et s'endormirent à même le sol. Lunard rouvrit un œil doré et laissa échapper un grognement qui ressemblait à s'y méprendre à un ordre.

Soit il voulait que Sirius les rejoigne, soit il voulait qu'il monte la garde.

Étant donné la manière dont la louve-garou s'était enroulée autour de son ami, Sirius décida qu'il était de garde.

Être de garde lui allait très bien.

Il ignorait jusqu'à quel point le loup était toujours humain. Remus était très visiblement toujours là, un certain degré d'humanité était toujours décelable dans les yeux jaunes du loup mais l'instinct animal semblait prédominer.

Quant à la louve-garou…

Il n'y avait rien de Laura Flemmings chez elle. La louve était un animal sauvage, étonnante de passivité pour une créature aussi puissante. À aucun moment elle n'avait essayé d'établir sa dominance sur Sirius bien que cela soit l'instinct chez la plupart des prédateurs. Elle avait accepté la hiérarchie de la meute avec placidité.

Si l'animal agissait ainsi, la sorcière ne pouvait pas avoir un caractère plus prononcé.

Or, eux, ce dont ils avaient besoin c'était d'une espionne qui serait capable de voler une dose de la potion.

Il ne se voyait pas forcer une pauvre femme terrifiée à faire ça.

Et, songea-t-il, en jetant un nouveau coup d'œil pelotonnés l'un contre l'autre, ça risquait de ne pas être le seul problème…