Bon ce chapitre a pris un peu de temps mais il est là! J'espère que tous mes lecteurs Belges sont sains et saufs. On pense à vous!
Une simple note, j'ai reçu deux ou trois reviews qui trouvaient dommage que certains personnages aient trop de connaissances Moldues. Just pour clarifier, il est établi dans le canon (livre 5 au moins) que Sirius a eu une "phase" moldue avec posters et compagnie en guise de rébellion contre sa famille. A mon sens, il a une culture Moldue assez étendue. Severus est un Sang-Mêlé qui vivait dans une ville Moldue, qu'il le veuille ou non, il a également un culture du monde Moldue. Ce que Draco connait du monde Moldu, il l'a appris à travers Hermione (il est resté chez elle un certain temps à Noel dans l'Armée de L'Ombre). Quant à Nymphadora, j'ai choisi d'écrire le personnage comme une Sang-Mêlée qui s'intéresse et aime les deux branches de sa famille. Elle a des cousins Moldus, elle a connu ses grands-parents moldus... Elle est complètement à l'aise avec la technologie aussi bien qu'avec la magie et son mode de vie est une combinaison des deux. Ce sont, bien sûr, des interprétations personnelles qui ont, pour la plupart, été établies dans l'Armée.
On m'a aussi dit que les persos fumaient beaucoup... Je n'y peux rien, je vois Sirius comme un fumeur compulsif XD Pour les autres (Tonks, Charlie et Anthony, je suppose) ce sont malheureusement ce que font la plupart des jeunes. Beaucoup fument en soirée ou occasionnellement, à défaut de tous les jours. Soyons clair je ne fais pas l'apologie du tabac, je suis non fumeuse, mais les gens fument, c'est une réalité de la vie, c'est comme ça. Et pour ce qui est de remplacer la cigarette par la pipe pour faire "plus sorcier", peut-être les sorciers "sang-purs" fument-ils la pipe mais je vois mal Sirius, Anthony, Tonks ou Charlie avec une pipe au bec pour être franche. Encore une fois, c'est évidemment ma vision des choses et je ne force personne à la partager mais... C'est comme ça que je le vois =)
Enjoy & Review
It is not biology that determines fatherhood. It is love.
Kristin Hannah, The Nightingale
Ce n'est pas la génétique qui fait d'un homme un père. C'est l'amour.
Kristin Hannah, The Nightingale
Chapitre 21: Fatherhood
Cela faisait longtemps que Remus n'avait pas vu le Square Grimmaurd aussi bondé. À l'exception notable de Molly Weasley, tous les membres du Conseil étaient présents, dispersés dans différentes pièces, attendant que la réunion commence.
La cuisine était pour l'instant relativement déserte si l'on exceptait Severus qui trainait dans un coin en compagnie de Bill – cela l'intriguait quelque peu à vrai dire, ces deux là n'avaient pas véritablement pour habitude de discuter et encore moins entourés d'une bulle de silence que ses oreilles de loups-garous ne pouvaient percer. Remus ne chercha, toutefois, pas à creuser la question, se contentant de disposer sur la table les différentes cartes de Londres et plus précisément celles détaillant le quartier de l'Allée des Embrumes… Tout ce sur quoi ils avaient pu mettre la main.
Il venait de terminer sa tâche et s'apprêtait à rejoindre le salon où le gros de l'Ordre était réuni lorsqu'il bouscula par mégarde la personne qui cherchait à entrer. Il attrapa les épaules de la jeune femme par réflexe pour la stabiliser, tanguant lui-même. Il aurait probablement perdu l'équilibre si elle n'avait pas enfoncé ses doigts dans ses avant-bras, cherchant à le rattraper. Ils demeurèrent prisonniers de cette valse incertaine l'espace de quelques secondes avant de finalement parvenir à se maintenir debout.
Tonks le lâcha immédiatement mais il ne fut pas aussi rapide, heureux et soulagé de l'avoir enfin à portée. L'Auror avait un don certain lorsqu'il était question de l'éviter.
Il l'étudia longtemps du regard, notant les signes évidents de fatigue sur son visage. Ses cheveux, toujours châtain terne, s'échappaient par mèches d'un chignon fait à la va-vite, la coiffure négligée contrastant avec le formel du pantalon droit noir et de la veste assortie, fermée sur un chemisier blanc dont les trois premiers boutons étaient défaits. Il devina qu'elle venait directement de Downing Street et n'avait pas pris le temps de se changer. Elle était toujours vague sur les mesures qu'elle avait prises pour la protection du Premier Ministre Moldu lors des réunions mais les responsabilités, bien que pesantes, semblaient l'aider à s'épanouir.
« Comment va ton épaule ? » s'enquit-il prudemment, frottant, presque par réflexe, l'épaule sur laquelle elle avait atterri deux jours plus tôt. Il avait tenté de la contacter depuis mais sa cheminée était toujours bloquée et elle ne semblait jamais être chez elle. Ou bien si elle l'était, lorsque son visage apparaissait dans l'âtre, elle avait pris le parti de rester hors de vue dès lors qu'il n'était pas question de l'Ordre.
« Bien. » lâcha-t-elle, se dégageant sans délicatesse. Une lueur de culpabilité s'alluma dans son regard et elle croisa les bras devant sa poitrine, fixant le sol plutôt que de le regarder en face. « Merci pour ton aide. »
Le ton était froid, presque cassant. Elle irradiait toujours de colère et de vulnérabilité dès qu'ils se retrouvaient face à face. Remus regrettait cette situation sans parvenir à déterminer comment y remédier.
« Je serais toujours là pour te rattraper, Dora. » promit-il, un sourire affectueux naissant sur ses lèvres.
Cela ne lui plut pas. Son expression s'assombrit et elle leva brièvement les yeux vers lui avant de les reposer sur ses chaussures.
« Tu dois arrêter de dire ce genre de choses. » décréta-t-elle.
« Pourquoi ? » demanda-t-il. « Je le pense. »
Les mains fines de la jeune femme agrippaient ses propres biceps comme pour mieux se raccrocher à quelque chose. Il effleura les doigts qui laisseraient sans aucun doute des hématomes sur sa peau pâle. Elle recula d'un pas.
Remus laissa échapper un léger soupir.
« Tu es fâchée. » grimaça-t-il. « Je sais. J'ai été maladroit l'autre fois mais… »
« Tu es entré dans mon appartement sans ma permission et tu as refusé de t'en aller alors que je te l'ai demandé à plusieurs reprises. » le coupa-t-elle froidement. « Tu n'arrêtes pas de me rabaisser. »
« Non. » protesta-t-il, en secouant la tête. « Je m'inquiète pour toi, c'est tout. C'est toi qui ne cesses de tout prendre de travers. Il faut… »
« Évidemment. » cingla-t-elle. « Ce n'est jamais ta faute, n'est-ce pas ? Pauvre petit loup-garou opprimé. »
Elle tourna les talons et il attrapa son bras par réflexe. Les occasions d'avoir un tête-à-tête avec elle étaient trop rares pour qu'il laisse l'opportunité s'évaporer.
« Dora… » insista-t-il.
Elle fit à nouveau volte-face et il se retrouva nez-à-nez avec le bout de sa baguette. La cuisine s'était quelque peu remplie depuis le début de leur conversation et il sentit plus d'un regard se tourner vers eux. Charlie fit un pas vers eux, uniquement stoppé par Anthony qui secoua la tête.
« Lâche-moi. » ordonna-t-elle.
Il ôta sa main et la leva, paume vers l'avant, pour prouver qu'il n'avait aucune intention belliqueuse.
« Dora, je suis désolé. » déclara-t-il, suffisamment bas pour que leur conversation demeure privée. « Je n'ai jamais souhaité qu'on en arrive là. Tu dois bien comprendre… Tout ce que j'ai fait… Je l'ai fait pour toi. »
Elle baissa lentement sa baguette, la tristesse se disputant à l'agacement sur son visage. Sans un mot, elle secoua la tête et le laissa là, rejoignant Severus qui étudiait distraitement une des cartes. Elle se plaça à sa droite et se pencha sur la carte qu'il regardait. Ils échangèrent quelques mots à voix basse que le brouhaha ambiant ne permit pas à Remus de saisir.
Ils discutaient certainement du débat qui animerait la réunion de ce soir là, de quoi d'autre ? Et pourtant, Remus ne put s'empêcher de noter qu'elle se tenait près, bien trop près, et que Severus, qui avait toujours détesté que l'on empiète sur son espace, ne protestait pas. Pire, après quelques minutes de messes basses, Tonks lui lança un sourire éclatant et rétorqua quelque chose qui fit lever les yeux au ciel du Professeur. Elle s'éloigna ensuite en direction de Charlie et d'Anthony qui l'accueillirent avec une joie évidente.
En lui, il sentit Lunard s'agiter et ne parvint qu'avec peine à ravaler son grognement agacé.
Remus étudiait Severus avec une insistance telle que l'homme dût forcément sentir le poids de son regard. Il ne leva pourtant pas la tête.
« Qu'est-ce que ce bon vieux Servilus t'a fait ? » s'enquit Sirius avec amusement, en se glissant à côté de lui.
« Rien. » marmonna-t-il. « Rien du tout. »
Il avait appris à se fier à l'instinct de Lunard et, pourtant, à l'instant, il choisit de l'ignorer. C'était ridicule. Absolument ridicule.
Elle lui manquait trop et il s'inventait des fariboles pour mieux s'expliquer cette froideur qu'elle lui témoignait car il refusait de voir la vérité en face. Il l'avait blessée trop profondément pour que de simples excuses y remédient.
Et il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même.
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« Tu es sûr de tes informations, cette fois ? » maugréa Fol'Œil, lorsque Severus eut terminé ses explications.
S'exhortant à la patience, l'espion tourna le regard vers Albus. Le vieux sorcier présidait et balaya la question de l'Auror d'un revers de main.
« L'Œil de Salem est un artéfact unique et puissant. » confirma le Directeur.
« Un caillou. » commenta Black, en faisant glisser le livre contenant l'illustration, que Severus avait pris soin d'apporter, au centre de la table.
« Un fort joli caillou. » contra Fletcher, faisant sauter au creux de sa paume la pièce avec laquelle il ne cessait de jouer depuis qu'il était arrivé. Il la faisait parfois disparaître d'un coup de poignet comme un magicien Moldu uniquement pour mieux la faire réapparaître ailleurs. Un tour de passe-passe qui commençait à irriter Severus.
« Joli parce qu'il coûte cher, je suppose ? » se moqua Nymphadora.
Cela lui valut un sourire édenté et un clin d'œil de la part de Fletcher.
« En partie, chérie. En partie. » lâcha ce dernier dans un petit rire gras.
« Pourrions-nous revenir aux faits. » intervint Minerva, d'un ton qui ne souffrait aucune réplique. « Bien. L'Œil de Salem est un réceptacle de magie notoire. Il permet d'augmenter son propre pouvoir, cela est acquis pour quiconque ayant écouté en cours d'Histoire de la Magie… »
Plusieurs grognements se firent entendre de part et d'autre de la table – des grognements que Severus se retint à peine de joindre – personne n'écoutait en cours d'Histoire de la Magie pour la bonne et simple raison que Binns préférait rabâcher la même révolution Gobeline plutôt que d'explorer les sujets intéressants. Severus avait parcouru son manuel mais il était probablement un des rares et il n'avait pas poursuivi la matière après les B.U.S.E.s.
La sous-directrice leva les yeux au ciel tandis que les plus jeunes échangeaient des coups d'œil amusés.
« Il n'est pas donné à tout le monde d'en tirer un résultat exceptionnel. » reprit Minerva.
« Le Seigneur des Ténèbres n'est pas le premier venu. » rétorqua Severus.
« La question est, de toute manière, réglée. » déclara Albus. « Mondingus ? »
Avec un soupir empli de regret, Fletcher fit sauter une dernière fois la pièce dans sa main avant de l'emprisonner au creux de sa paume. Il tourna son poignet et rouvrit la main sans que la lumière des lampes ne se reflète sur le galion. Et pour cause… Une pierre noire avait remplacé la pièce, rappelant étrangement à Severus l'amulette des Peverells.
Fletcher lança la pierre en direction d'Albus qui l'attrapa au vol avec des réflexes qui auraient probablement fait pâlir d'envie n'importe quel attrapeur.
« Vous-savez-qui ferait mieux d'engager des professionnels. » fanfaronna Fletcher.
Severus se retint à grand peine de faire un commentaire.
« Pouvons-nous poursuivre, à présent ? » s'enquit-il d'un ton où l'ennui se disputait à l'impatience.
« Pourquoi ? Tu as plus urgent à faire ? » cingla Maugrey avec un rictus mauvais.
Le Professeur préféra l'ignorer.
« Bien que je n'ai pas été mis dans la confidence de ce qu'il compte en faire, il est apparu évident que le Seigneur des Ténèbres désire grandement se servir de l'Œil de Salem pour avancer ses plans. » poursuivit-il, sans se laisser perturber.
« Des plans dont on ne sait pas grand-chose. » remarqua Anthony, en tournant distraitement sa tasse de thé entre ses mains.
« Pour ne pas dire rien du tout. » renchérit Black. « Tu ne sais pas ce qu'il veut faire de cette pierre mais tu ne sais pas non plus ce qu'il compte faire à long terme. Il s'est tenu bien tranquille ces derniers temps… »
« Est-ce qu'il ne sait pas ou est-ce qu'il fait de la rétention d'information ? » insista Fol'Œil.
Albus demeura étrangement silencieux, lissant sa barbe d'un air distrait.
« Oh, assez, Alastor. » siffla Minerva, en fusillant l'Auror du regard. « Severus en a fait tout autant pour notre cause que vous si ce n'est plus. »
« Plus ? » releva Maugrey, son œil magique tournant dans tous les sens. « C'est certain qu'il en a fait plus ! Comme tuer des innocents, massacrer des Moldus… »
« Arrête. » ordonna Nymphadora, se levant à moitié de son siège.
Severus plaça une main sur son bras et secoua brièvement la tête. Elle se rassit avec un air bougon. Sa spontanéité était rafraichissante mais il aurait préféré qu'elle s'abstienne. Il n'avait besoin de personne pour mener ses batailles à sa place, son ego ne le supportait pas. L'amitié de Lily n'y avait pas résisté et il ne tenait pas à faire les mêmes erreurs deux fois.
« Elle a raison. » déclara Black, s'attirant des regards estomaqués. « Ce n'est pas le sujet, de toute manière. »
« C'est un peu le sujet, quand même. » objecta Charlie Weasley, en fronçant les sourcils. « On ne peut pas nier que les informations que le Professeur Snape rapporte… »
« Il rapporte ce qu'il peut et il risque sa vie à chaque fois. » grinça Nymphadora. « Si tu penses que tu peux faire mieux, je t'en prie. »
Maugrey laissa échapper un long sifflement.
« Dis donc, Snape… Tu as un sacré fanclub. » se moqua l'Auror.
La mâchoire du Maître des Potions se contracta d'irritation.
« Si le consensus du Conseil conclut à ma traitrise, j'ignore ce que je fais encore ici. » rétorqua-t-il. « Des copies attendent ma correction depuis presque une semaine. Peut-être souhaiteriez-vous voter afin de décider à qui je suis loyal? Ainsi je serais libre soit de terminer mes explications soit de faire mon travail. »
L'ironie mordante qui suintait de chacun de ses mots échappa à beaucoup mais d'autres se tortillèrent de gêne. Il balaya la table des yeux, certains évitèrent son regard, d'autres l'affrontèrent sans ciller, soit ouvertement accusateurs soit confiants.
« Ne soyez pas ridicule, Severus. » s'agaça Minerva avec un claquement de langue réprobateur en direction d'Albus qui se refusait toujours à intervenir. Le vieux sorcier n'était pas aussi distrait qu'il voulait le faire croire, supposait-il, il devait s'agir de quelque nouveau plan dont il ne savait rien.
« Continue. » l'encouragea Lupin.
« Ce matin, j'ai rapporté au Seigneur des Ténèbres que Fletcher allait voler la pierre sur ordre d'Albus. » lâcha-t-il, déclenchant une salve de murmures. « Je Lui ai également rapporté qu'il comptait procéder à un échange demain soir, à minuit. Ici. » Il tira à lui une des nombreuses cartes qui recouvraient la table et pointa une taverne du doigt. « Quelqu'un récupérera la pierre auprès de Fletcher, filé par une seconde personne en couverture, et empruntera, cette route-ci. » Il retraça un chemin du doigt avant de s'arrêter à une intersection aux limites de l'Allée des Embrumes, dans un quartier relativement désert. « Bellatrix et les deux frères Lestrange attaqueront à cet endroit. McNair se chargera de supprimer quiconque sera en couverture. »
Un silence succéda à cette déclaration.
« D'accord, et c'est quoi le plan ? » demanda Black, en fronçant les sourcils. « Se faire massacrer ? »
« Capturer Bellatrix Lestrange, son époux et son beau-frère. » répliqua Severus. « Priver le Seigneur des Ténèbres de son bras droit lui porterait un coup dur. Sans compter que les informations que possède Bellatrix sont inestimables. »
« Donc on leur tend un piège. » conclut Nymphadora, en attirant la carte à elle pour mieux repérer les lieux. « On les encercle. »
« Il est impératif que McNair s'échappe et voit son adversaire avertir l'Ordre par patronus. » avertit Severus. « Dans le cas contraire, je ne donne pas cher de ma couverture. Pour la même raison quiconque transportera la pierre devra tenir face à Bellatrix et aux Lestrange pendant quelques minutes afin que la charade soit crédible. »
« J'irai. » suggéra Nymphadora.
« Non. » furent-ils quatre à protester, à la fois.
Elle les fusilla tous du regard. Charlie Weasley, grimaça, Fol'Œil haussa les épaules, Lupin lui adressa un petit sourire d'excuse et Severus demeura impassible.
« Je transporterai la pierre. » décréta Alastor, d'un ton qui ne souffrait aucune réplique. « Les Lestrange et moi n'en sommes pas à notre première danse. Je peux les contenir cinq minutes. Tu peux me couvrir, gamine. »
La jeune femme accepta d'un hochement de tête bref mais vexé. Ce fut sur Severus que son regard s'attarda le plus longtemps mais il refusa de se sentir coupable ou de s'expliquer. Bellatrix était avide de revanche et elle voulait la tête de l'Auror pour la trahison de sa sœur. Le fait que la mort de Nymphadora puisse le blesser à lui serait la cerise sur le gâteau. La sorcière avait plus de raisons qu'il n'en fallait pour redoubler de zèle face à sa nièce.
La mission serait délicate – même à dix contre quatre, rien ne garantissait qu'ils parviennent à maîtriser Bellatrix.
Il leur laissa le soin de finaliser l'opération sous la direction d'Albus. Black, Lupin, Delacour, Nyssandra, Shaklebolt et Bill Weasley se positionneraient autour de l'intersection où Fol'Œil serait attaqué tandis que les deux dragonniers se tiendraient prêts à prêter main forte à Nymphadora en cas de besoin. Minerva, malgré ses protestations, fut exclue de la mission – quelqu'un devait rester en sécurité au cas où ils auraient besoin de renforts.
À les regarder débattre des meilleures tactiques et positionnements, Severus n'était pas certain qu'ils se rendent compte de l'ampleur de la tâche. Quatre contre dix semblait facile mais en sachant que Bellatrix comptait pour deux si ce n'était trois… De plus… Il ne fallait pas oublier l'espion. Sans doute Bella et les Lestrange seraient-ils préparés à un comité de réception plus large que prévu. Il estimait toutefois les chances acceptables.
Des rires fusaient de temps à autre. Il donna parfois son avis, principalement pour critiquer les décisions idiotes.
La réunion se termina sur une note d'espoir. Capturer Bellatrix marquerait une victoire décisive.
« Et si l'on ne peut pas la prendre vivante ? » s'enquit Lupin, après s'être raclé la gorge.
« Bellatrix doit sortir de l'échiquier d'une manière ou d'une autre. » répondit Albus.
Personne ne lui demanda de clarifier.
La réunion se termina dans le brouhaha habituel. Nymphadora se tourna immédiatement vers lui mais Minerva attrapa le bras de l'Auror avant qu'elle n'ait pu dire quoi que ce soit il n'avait, de toute manière, pas particulièrement envie d'écouter les reproches qu'elle n'aurait pas manqué de lui jeter. Il se glissa parmi les différents groupes qui s'étaient formés, stoppé à l'entrée de la cuisine par Black.
« J'ai besoin d'un service. » lâcha le Sang-Pur, en coinçant une cigarette entre ses lèvres. L'Animagus jeta un rapide coup d'œil alentours. « Tu peux occuper Dumbledore dix minutes? »
Severus fronça les sourcils. « Pour ? »
« Je veux atteindre Poudlard avant lui. » expliqua Black, en levant les yeux au ciel.
« Les protections actuelles du domaine étant ce qu'elles sont, il saura que tu es à l'école au moment où tu franchiras la porte. » rétorqua-t-il, dans un rictus. « Qu'il soit ici ou là-bas. »
« Oui mais, Poudlard, c'est grand. Le temps qu'il rapplique je serais dans la Salle sur Demande et bonne chance à lui pour me trouver. » triompha son rival.
C'était le plan le plus idiot et mal conçu que Severus ait jamais entendu mais de la part du Maraudeur, cela ne l'étonnait pas.
« Que veux-tu faire dans la Salle sur Demande ? » l'interrogea-t-il, soupçonnant d'ors et déjà qu'il n'apprécierait pas la réponse. Minerva lui avait tout dit de ces réunions auxquelles se livraient les adolescents. Il n'avait rien contre un club de Défense – un club de Défense lui semblait, au contraire, une excellente idée – simplement il aurait préféré que ce club n'ait pas lieu de nuit, sans supervision. Et, non, il ne comptait pas Black comme une supervision fiable…
« Rien que tu n'approuverais. » rétorqua Black, en allumant sa cigarette avec un sourire presque canin. « Mais tu ne désapprouverais pas non plus et j'ai promis à Harry de ne rien dire. Alors ? Tu me couvres ? »
Severus pinça les lèvres, n'appréciant guère la familiarité avec laquelle l'homme s'adressait à lui. Alliés ne voulait pas dire amis. Pourquoi les Gryffondors et les Poufsouffles avaient-ils tant de mal à comprendre ce que tout bon Serpentard ou Serdaigle aurait accepté en un instant ?
Il jeta un coup d'œil à Dumbledore. Albus était accaparé par Fol'Œil et hochait patiemment la tête. Le vieux sorcier en était probablement quitte pour un long moment passé à écouter les élucubrations de l'ancien Auror.
« Service pour service. » offrit-il. « J'ai moi aussi besoin d'une faveur. »
« Maintenant ? » grimaça Black, ses yeux s'attardant sur la pendule accrochée au mur.
« Ce ne sera pas long. » insista-t-il. « Attends-moi dans la bibliothèque. » Il tourna les talons sans attendre de réponse, interrompant Minerva en posant une main sur son bras. « Puis-je vous emprunter quelques secondes ? »
Nymphadora semblait toujours partagée entre lui demander de s'expliquer et se mettre en colère. Il l'ignora. Il y avait plus urgent pour l'instant.
« Naturellement. » offrit la sous-directrice. « Si vous voulez bien m'excuser… »
La jeune femme accepta ses excuses d'un hochement de tête poli.
« Assurez-vous qu'Albus n'aille nulle part pour l'instant, voulez-vous ? » exigea-t-il, parvenant à instiller suffisamment de douceur dans sa voix pour que cela sonne comme une question plutôt qu'un ordre. Il était certain que s'il la poussait trop loin ce soir là, elle ne tarderait pas à exploser et il ne tenait ni à causer une scène, ni à subir une série de remontrances.
Nymphadora le foudroya du regard mais acquiesça.
« Je veux une explication plus tard. » siffla-t-elle entre ses dents, suffisamment bas pour que Minerva qui s'était éloignée puisse prétendre ne pas avoir entendu.
« Je veux tout un tas de choses que je ne peux pas avoir. » rétorqua-t-il sur le même ton. « Nous n'obtenons malheureusement pas tout ce que nous désirons dans la vie. »
« Severus. » grinça-t-elle. Un avertissement, supposait-il.
« Nymphadora. » cracha-t-il, peu enclin à se faire sermonner.
Il lui aurait très certainement fourni une explication si elle n'avait pas agi comme s'il se devait de lui en donner une. Il n'appréciait pas qu'elle agisse comme s'il devait lui rendre des comptes. Il avait deux Maîtres, cela lui suffisait amplement.
Sans ajouter un mot, il rejoignit Minerva et la guida jusqu'à la minuscule bibliothèque où attendait impatiemment Black, ignorant leurs questions. Il tira de l'intérieur de ses robes trois parchemins auxquels il rendit leurs véritables tailles d'un coup de baguette. Les deux Animagus cessèrent brusquement toute interrogation lorsqu'ils en aperçurent l'intitulé : Dernières Volontés et Testament de Severus Snape.
« Severus… » souffla Minerva. « Je ne crois pas… »
« Les parchemins sont magiques, comme vous le savez. » l'interrompit-il, n'étant pas d'humeur à l'écouter. « Nous n'avons donc pas besoin d'un notaire assermenté. Albus a l'ancienne version en sa possession, elle ne me convenait plus. » D'un coup de baguette, il fit apparaître plume et encrier. « Vous savez tous deux comment cela fonctionne, je présume, ou dois-je vous faire un cours sur la question ? »
« Inutile d'être désagréable. » le rabroua sa collègue, tentant visiblement de garder un ton neutre.
« Vas-y. » lâcha plus sobrement Black.
Le testament devait être lu à haute voix pour que la magie s'active.
La lecture fut courte, le testament n'était pas long. Son patrimoine était confortable mais pas extensif : son coffre personnel à Gringotts, la maison de Spinner's End et tout ce qu'elle contenait, ses effets personnels dans ses appartements à Poudlard, et le sceau de la Maison des Prince qui n'avait guère de valeur puisqu'il avait hérité du domaine mais pas du titre de Lord Prince – son grand-père n'avait pas souhaité souiller la lignée davantage qu'elle ne l'était déjà sans pour autant se résoudre à le laisser sans rien – l'argent qu'il avait tiré de la vente du domaine dormait sur un autre compte à Gringotts avec la maigre fortune des Prince. Le tout irait à Harry, c'était la clause du testament qu'il modifiait. Ses recherches en cours iraient à Albus qui, il l'espérait, saurait en faire bon usage.
« Moi, Severus Snape, déclare être saint de corps et d'esprit à la rédaction de ce testament. » conclut-il, avant de signer les trois parchemins, de s'entailler le pouce d'un coup de baguette et de laisser tomber une goutte sur sa signature. Il tendit la plume à Minerva, elle parapha les trois copies, les livres pincées. Black l'imita, l'air grave.
À la seconde où le Sang-Pur leva la plume, les trois parchemins se mirent à flotter dans les airs, auréolés d'une aura bleutée, avant de se replier sur eux-mêmes et de se sceller magiquement.
« Pourquoi trois copies ? » demanda Black, alors que Severus empochait deux des parchemins.
« La première est pour Albus, la seconde est pour moi. » répondit-il laconique.
« Et la troisième ? » insista l'Animagus, sourcils froncés.
Severus frotta son pouce sur la dernière copie, se concentrant sur la sensation rugueuse du parchemin plutôt que de braver les regards trop intenses qui le fixaient. Sans un mot, il la lui tendit.
Black écarquilla les yeux.
« À moi ? » s'exclama le Maraudeur avec une incrédulité bien compréhensible. « Tu veux me confier, à moi, tes dernières volontés ? »
« Non. » contra-t-il sèchement. Les yeux noirs affrontèrent les yeux gris, refusant de flancher. « C'est Harry que je te confie. » Il haussa légèrement les épaules. « Albus veillera à ce que mon testament soit respecté, pour cela je lui fais confiance. À ce moment là, ma relation avec Harry n'aura plus d'importance, je ne serais plus une menace à son influence. Ce sera ton tour. » Son regard voyagea jusqu'à Minerva avant de revenir vers Black. « Votre tour. Je dois être certain que s'il m'arrivait quelque chose… »
« Ne t'inquiète pas de ça. » coupa l'Animagus, en lui assenant une claque maladroite sur l'épaule qui le fit grimacer de douleur. Il n'avait pas complètement récupéré de sa dernière séance de torture. Black grimaça. « Désolé. »
« Severus… » supplia Minerva, avec une douleur sourde qui n'avait pas encore lieu d'être. « Si vous pensez être véritablement en danger de mort, je vous en conjure… »
« Nous avons tous nos devoirs. » l'interrompit-il. « Et ceci n'est qu'une précaution. »
Ni Black, ni Minerva n'eurent l'air convaincu mais ils ne tentèrent pas d'insister, sachant probablement qu'il n'y avait rien à dire qui n'ait déjà été dit.
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« Est-ce une manie chez vous, les Gryffondors, d'arriver en retard ? » soupira Draco, en agitant distraitement sa baguette dans les airs, laissant des volutes de fumée argentée dans son sillage.
Allongé sur le dos sur les tapis d'entraînement empilés dans un coin de la Salle sur Demande, le Serpentard fixait les voutes au-dessus de leurs têtes et tentait d'évaluer la hauteur du plafond. C'était une manière comme une autre de passer le temps.
Des petits groupes s'étaient naturellement formés à divers endroits de la pièce. Certains plaisantaient et chahutaient gentiment, certains, plus sérieux, avaient sorti leurs notes de cours et révisaient anxieusement leur prochain examen – Granger, en autres – et d'autres encore s'étaient retirés dans un coin sombre. Daphné et Blaise, par exemple, semblaient penser que personne ne pouvait les voir simplement parce qu'ils s'était mis à l'écart ce qui était non seulement idiot mais faux.
Potter avait bien tenté de lancer la réunion de l'A.D. en dépit de tout mais ils avaient annoncé aux autres un entraînement spécial avec Sirius Black et l'enthousiasme que suscitait d'habitude le Survivant n'était pas parvenu à motiver les adolescents en comparaison de ce qu'il leur avait été promis.
Son cousin était désormais la coqueluche du monde magique. Les filles se pâmaient devant ses interviews dans les magasines et la plupart des garçons lui vouaient une admiration sans bornes. Draco était prêt à concéder qu'il aurait pu être bien plus dément qu'il ne l'était après douze années passées à Azkaban mais il ne comprenait pas pour autant l'engouement pour le look Sirius Black que certains adolescents tentaient stupidement d'imiter – trop de cuir, trop de tatouages et trop débraillé.
« Très drôle. » répondit platement Weasley.
Draco baissa les yeux vers les deux Gryffondors assis par terre, adossés à la pile de tapis sur laquelle il était allongé. Il aimait bien l'idée que ces deux là lui soit symboliquement inférieur – ou tout du moins Potter.
« Je sais bien que tu ne lis pas vite, mais cela fait bien vingt minutes que tu es penché sur cette lettre. » remarqua-t-il. Weasley lui jeta un regard agacé, celui de Potter était noir. Il leva les yeux au ciel. « Un peu d'humour. »
« Si tu étais drôle, ça se saurait. » rétorqua Weasley, avant de hausser les épaules. « C'est de ma mère. »
« Elle va bien ? » s'enquit immédiatement Potter, en arrachant ses yeux de la Carte des Maraudeurs qu'il scrutait depuis presque une demi-heure.
« Oui. » confirma son meilleur ami. « Je la trouve… mieux. »
Il y avait une sorte de soulagement incertain dans la voix du Gryffondor, comme s'il n'était pas tout à fait certain de pourquoi il était tant rassuré par une simple missive.
« Elle se remet sûrement de… Tu sais. » offrit maladroitement Potter.
Weasley acquiesça d'un hochement de tête sec et se tordit le cou pour dévisager Draco. « Et toi ? Des nouvelles de ta mère ? »
« Mes parents m'ont renié, tu te souviens ? » lui rappela-t-il froidement.
Il n'attendait pas de nouvelles, ni de son père, ni de sa mère. Il espérait simplement que Narcissa était en sécurité et que Lucius ne prenait pas des risques inconsidérés. Il espérait…
« La guerre finira un jour. » déclara Potter calmement. « Je suis sûr qu'à ce moment là, ta mère… »
« Que valent tes certitudes ? » se moqua-t-il amèrement.
La guerre finirait un jour, certes. Le lendemain ou dans dix ans, personne ne pouvait le dire avec précision. Personne ne pouvait garantir non plus qu'ils y survivent tous. Et quand bien même… Quelle victoire devait espérait Draco ? Celle de Dumbledore et Potter qui scellerait à coup sûr le sort de ses parents ? Ou celle du Seigneur des Ténèbres qui scellerait le sien et celui de Granger ? Qu'espérer lorsque les deux options paraissaient tout aussi insurmontables l'une que l'autre ?
« Pas grand-chose. » admit Potter. « Mais, écoute… Ta mère… Ce n'est pas une Mangemort. Elle n'a pas de Marque. Si je peux faire quelque chose pour elle quand le moment sera venu… »
Voilà à quoi il en était réduit. Compter sur la pitié et le bon vouloir du Survivant.
« Merci. » lâcha-t-il, et cela lui arracha la bouche.
Weasley donna un coup de coude à son ami et pointa du doigt la Carte. « Sirius. »
« Enfin ! » soupira Draco, en se redressant.
Il ne fallut pas bien longtemps pour Black passe la porte de la Salle sur Demande, l'air frondeur et un sourire arrogant aux lèvres.
« Désolé pour le retard. » lança l'homme à la cantonade. « Mission top secrète. »
« Peut-être devrait-il se vanter plus fort dans ce cas. » marmonna Draco à Blaise et Daphné qui l'avaient rejoint.
Black ne perdit pas de temps en présentation. À peine salua-t-il Potter, Granger et la fratrie Weasley qu'il les mit tous au travail.
Après une petite heure et malgré le fait que la nuit était bien entamée et que son lit l'appelait à grands cris, Draco dut admettre qu'ils auraient pu trouver pire instructeur. Sa méthode ressemblait beaucoup à celle que Snape employait dans sa classe de Défense et il se demanda quelle aurait été l'issue d'un duel entre les deux. Black n'était pas extraordinairement puissant et il manquait de discipline mais il compensait cela par une maîtrise irréprochable des sorts de combats et un esprit vif.
À regret, il dut reconnaître qu'il en avait appris beaucoup lorsque le repris de justice déclara qu'ils allaient procéder à une session de duel au centre de la pièce.
« Trouvez-vous un partenaire. » ordonna Black.
Comment Draco se retrouva avec Potter, c'était un mystère. Blaise et Daphné se rapprochèrent immédiatement, Granger et Weasley se mirent ensemble après un bref regard échangé et un haussement d'épaules, Ginny et Luna firent de même… Il leva un sourcil en guise de défi et Potter y répondit d'un geste presque amusé, trop sûr de sa victoire prochaine. Le Serpentard mourrait d'envie de lui faire ravaler ce sourire plein de morgue.
« Bien. » lança Black pour rétablir le silence. « Maintenant vous et votre partenaire allez affronter un autre binôme. Le but est d'apprendre à travailler en équipe. C'est différent de se battre seul et de se battre à deux. Harry, tu veux commencer ? »
Son cousin grimaça légèrement lorsqu'il vit qui le Survivant avait choisi comme partenaire mais, vraiment, cela aurait été davantage à Draco de grimacer.
« Essaye de me pas gêner. » grommela-t-il en direction de Potter.
« C'est plutôt moi qui devrait dire ça. » répliqua le Gryffondor.
Il leva les yeux au ciel face à tant d'absurdité.
Fred Weasley leva la main pour se porter volontaire.
Il échangea un regard avec Potter, soudain moins tranquille.
« Un chacun ? » suggéra Potter, à voix basse.
« Je prends celui de gauche. » répondit-il sur le même ton.
Ce fut un massacre.
Fred et George se battaient comme une seule et même personne. Draco comprit rapidement qu'ils n'étaient pas plus puissants que Potter et lui, simplement mieux organisés. Là où ils peinaient à ne pas se rentrer dedans et ne pas envahir l'espace de l'autre, les jumeaux bougeaient avec fluidité, sans avoir besoin de se consulter du regard.
Draco et Potter tinrent dix minutes avant de perdre tout contrôle. À un moment, seul le bouclier que le Survivant dressa à la hâte en face de lui sauva le Serpentard d'un stupefix en pleine poitrine. Il le remercia d'un hochement de tête quelque peu amer mais s'appliqua à être plus attentif non seulement à lui-même mais à la sécurité de Potter.
« C'est mieux ! » encouragea Black, après deux autres minutes.
Le duel se termina lorsque un trait bleu – un sortilège qu'il n'identifia pas – fusa vers Potter qui avait laissé son flanc dégagé pour mieux parer une attaque de George. Il jeta toute sa magie dans un sortilège de bouclier pour protéger le Survivant. Ce fut instinctif. Et cela lui valût de prendre un sort en pleine poitrine qui le propulsa deux mètres plus loin.
L'atterrissage lui coupa le souffle.
Il entendit à peine Black mettre fin au duel.
« Oh mon dieu, Draco… » s'inquiéta Granger, en s'agenouillant près de lui. « Ça va ? Combien de doigts ? »
Question idiote, songea-t-il, en fixant les trois doigts qu'elle avait presque collés contre son visage. Il écarta sa main avec une irritation teintée d'affection et se redressa en position assise. « Je ne pas suis encore mort, Granger. »
Assommé, peut-être, remarqua-t-il pour lui-même, la respiration toujours sifflante. La tête lui tournait légèrement. Non pas qu'il ne l'aurait jamais admis, pas avec la pièce entière qui le dévisageait. Une main apparue dans son champ de vision, attachée au bras de Potter… Il l'attrapa et laissa le garçon le tirer sur ses pieds. Granger se releva également, ses doigts enserrant son coude pour prévenir une éventuelle chute.
« Ça va, cousin ? » demanda Black avec un sérieux inhabituel.
« Comme un charme. » riposta-t-il, les lèvres pincées.
Le sorcier l'étudia quelques secondes puis parut satisfait de ce qu'il voyait, il lui asséna une claque sur l'épaule qui manqua le renvoyer au sol, et appela un nouveau couple de binômes au centre de la pièce.
« Pourquoi, pourquoi, faut-il toujours que les Gryffondors soient si violents ? » grinça-t-il, en se massant l'épaule.
« C'est une marque d'affection. » répondit Granger, un sourire amusé aux lèvres.
« C'était du bon travail. » renchérit Potter. « Et… merci. »
Draco passa le reste de la session à grommeler dans son coin qu'il avait fait ce qu'on avait requis de lui et que ça n'avait rien à voir avec Potter parce qu'il se serait sacrifié pour n'importe qui d'autre, cela ne signifiait pas lui et Potter étaient amis ou quoi que ce soit.
Blaise finit par lui dire de se taire avant que cela ne relance toutes ces méchantes rumeurs.
°O°O°O°O°
« J'espère que vous savez ce que vous faites. »
Albus ravala un bref soupir, quelque peu agacé. Cette question était désormais récurrente et il commençait à en avoir assez d'y répondre. Son regard passa du visage de Lucius sur le miroir au domaine qui s'étendait en contrebas. Il guettait l'apparition du chien noir. Si Sirius pensait qu'il pouvait s'inviter sur le domaine sans qu'il n'en soit conscient, il se trompait.
« Toute intervention de ma part mettrait votre position en danger. » répondit-il. « Vous êtes un atout précieux, Lucius. Je ne vous risquerai pas. »
« Voilà qui est rassurant pour moi. » se moqua le Sang-Pur avec un amusement quelque peu amer. « Et qui l'est bien moins pour Severus. Vous vous rendez compte, sans doute, qu'il sera blâmé pour ceci, n'est-ce pas ? Non seulement vous envoyez la totalité de votre Ordre dans un piège de grande envergure mais vous vous assurez que votre espion ne survivra pas à la prochaine réunion. Où est-ce là votre plan ? Vous débarrasser d'un élément gênant ? »
Albus lissa sa barbe d'un geste distrait, baissant les yeux vers le miroir qu'il tenait de sa main libre.
« Vous inquiétez-vous pour Severus ? » s'enquit-il, légèrement surpris. Il savait que Lucius et Severus s'affichaient volontiers comme alliés et amis, mais il n'avait pas eu conscience que cela dépassait la simple amitié de façade. De plus, Severus ayant dénoncé les nouvelles allégeances de Draco à Voldemort…
Le visage de Lucius resta de marbre.
« Je m'inquiète simplement de la manière dont vous traitez vos partisans. » rétorqua l'homme. « Pourquoi seulement organiser un plan pareil en sachant qu'un espion siège à votre table ? Un espion qui, si vous me permettez de donner mon avis, en a personnellement après Severus. Pourquoi d'autre serait-il allé rapporter au Seigneur des Ténèbres ce à quoi il s'aventure avec Nymphadora ? » Un éclair de contrariété passa sur le visage du Sang-Pur. « À ce sujet, par ailleurs… Assurez-vous qu'il n'arrive rien à ma nièce durant cette mission suicide, voulez-vous ? Grâce à Severus et à la rancune tenace de Bellatrix, je ne donne pas cher de sa peau. »
Tant de questions, songea Albus.
Pourquoi avait-il pris la peine d'organiser une mission en sachant qu'un espion trônait à la table ? Justement parce qu'un espion trônait à la table. Voldemort ne pouvait soupçonner qu'Albus savait. Il ne pouvait soupçonner non plus qu'il avait connaissance de ce que Lucius venait de lui rapporter: l'attaque était un piège qui se refermerait sur l'Ordre.
Il fallait décider de quelles informations utiliser et de quand feindre un coup perdant.
Il prétendrait donc composer avec les informations que Severus avait rapportées, ce qui endormirait la méfiance de l'espion comme celle du Seigneur des Ténèbres. Il faisait confiance aux membres de l'Ordre pour se sortir de ce guêpier sans trop de casse, après tout ils étaient tous de formidables duellistes.
Certes, cela mettait la position de Severus sur la sellette. Il serait impossible pour le Professeur de nier être à la source de la fuite – que ce soit auprès de Voldemort ou de l'Ordre d'ailleurs, mais Albus avait décidé qu'il était temps pour l'homme de ranger la casquette d'espion. La situation était désormais trop précaire et il lui fallait un second, Severus ne retournerait pas auprès de son autre Maître après la mission du lendemain. Il espérait que la confiance que certains membres de l'Ordre témoignait à Severus vacillerait suffisamment pour qu'Albus puisse reprendre le plein contrôle. Il espérait également que voir Severus élevé en position de second raviverait certaines rancunes entre le Maître des Potions et les Maraudeurs. Enfin, il espérait que Severus cesserait de le voir comme une menace et l'envisagerait à nouveau comme son mentor. Cela, Albus le devinait, lui permettrait de remettre la main mise sur Harry à travers lui.
Diviser pour mieux régner, en somme.
Et tout le monde serait sain et sauf. La pensée que Severus avait terminé de se faire torturer était presque grisante de soulagement.
« Vous voilà inquiet pour votre nièce, à présent… » s'amusa-t-il. « Je vous ignorai si sentimental, Lucius. »
« Ma nièce est la tutrice de mon fils. » cingla le Sang-Pur. « N'oubliez pas la raison de tout ceci, Dumbledore. N'oubliez pas pourquoi je me bats. »
« Oh, je ne l'oublie pas. » répondit-il doucement.
Et c'était bien pour ça qu'il ne faisait qu'une confiance limitée à l'homme.
Il ne savait que trop bien jusqu'où on pouvait aller par amour.
Il suivit des yeux la course de Patmol vers la Forêt Interdite, le chien zigzagua entre les taillis et disparut à sa vue.
On pouvait aller jusqu'à la plus répugnante des alliances, par exemple.
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Harry ne s'habituerait jamais à voir Malfoy et Hermione main dans la main, il en était persuadé. Il emboîta le pas à ses amis en sortant de la Grande Salle après le petit déjeuner, mais ne tarda pas à les laisser le distancer. Hermione était trop occupée à se chamailler avec Malfoy, Ron souriait à ce que Lavande racontait et Neville, s'il ne se trompait pas, tentait désespérément d'inviter Luna à se promener dans le parc plus tard dans la journée.
L'orage grondait à l'extérieur et la pluie s'écrasait à grosses gouttes sur chaque fenêtre qu'Harry dépassait, donnant à la journée qui se profilait un air maussade et déprimant. Il avançait en autopilote, mettant automatiquement un pied devant l'autre, suivant les discussions lointaines de ses amis autant que le chemin familier qui menait à la bibliothèque.
« Potter. » cingla une voix inimitable.
Les couloirs, sans être bondés, étaient plein d'élèves et Harry s'immobilisa, surpris d'être interpelé devant tout le monde. Il se tourna pour faire face au Professeur qui fondait sur lui et qui lui attrapa le bras sans ménagement.
« Vous avez fouillé dans ma réserve à nouveau, n'est-ce pas ? » accusa Severus avec violence. « Dans mon bureau ! »
Harry joua le jeu, protestant à grands cris, hurlant à l'injustice, et se débâtant contre la poigne qui ne tenait pas grand-chose. Severus ne le lâcha que lorsque la porte de son bureau eut claquée derrière lui. Il attendit que l'homme ait marmonné les quelques sortilèges nécessaires pour que leur conversation demeure secrète et se fendit d'un sourire amusé.
« On devrait vraiment trouver comment communiquer plus discrètement. » déclara-t-il.
Les lèvres du Professeur s'étirèrent brièvement en un sourire indulgent sans que cela ne dure. Il semblait troublé, inquiet. Anxieux même.
Harry fronça immédiatement les sourcils.
« Est-ce qu'il y a un problème ? » demanda-t-il. « Je n'ai pas encore réussi à tirer les vers du nez à Slughorn. Malfoy essaye de le convaincre de relancer le Club de Slug. Hermione s'est dit que… »
« Cette entrevue n'a rien à voir avec les horcruxes. » l'interrompit Severus, d'un ton détaché. Il occludait, comprit Harry, et lorsqu'il occludait à ce niveau… La situation était grave. « Encore que… » Le Professeur hésita l'espace d'une seconde. « J'ai mis Black dans la confidence. Il dispose d'une copie de mes recherches et ses idées sont intéressantes. Il pourra t'aider. »
« Vous êtes là pour m'aider. » contra-t-il. « Je n'ai pas besoin d'aide… »
L'homme balaya cette objection d'un geste irrité.
« Nymphadora Tonks est digne de confiance. » lâcha le Professeur. « Ceci est important. Souviens t'en. Nymphadora, Bill Weasley, Minerva McGonagall. Ils ont tous ma confiance pleine et entière. Black, également, mais Black est impulsif… Ils ont tous leur faiblesse, ne te repose entièrement sur aucun d'entre eux, mais ensemble… Ils ont ma confiance. »
« Severus. » lâcha-t-il, l'estomac noué par un mauvais pressentiment. « Qu'est-ce qu'il se passe ? »
« Rien. » répondit le Professeur. « Rien dont je ne sois certain. Simplement… Je préfère prendre mes précautions, comprends-tu ? »
La main que l'espion posa sur son épaule ne contribua pas à le rassurer.
« Vous êtes en danger. » devina Harry, le cœur battant à cent à l'heure. « Vous… »
« Je suis perpétuellement en danger. » coupa Severus, laissant échapper un petit rire amer. Il n'aima pas la touche d'hystérie qu'il y détecta. « Je t'ai fait une promesse, je tâcherais de la tenir. Toutefois… »
« Vous n'allez pas mourir. » répliqua-t-il. « Je vous l'interdis. »
« Et je suis certain que cette interdiction arrêtera le Seigneur des Ténèbres. » rétorqua le Professeur avant de se passer une main sur le visage. « Écoute-moi, je te prie. D'une manière ou d'une autre… La situation va basculer, je le sens. Je ferais mon possible pour en réchapper néanmoins si je n'y parvenais pas… »
« Ne dites pas des choses comme ça. » gronda-t-il « Ne parlez pas comme si vous alliez mourir. Et ne me dites pas au revoir. Je ne veux pas l'entendre ! »
Une part de lui l'avertit qu'il risquait de regretter ses paroles plus tard mais Harry fit la sourde oreille. Il refusait d'envisager ne serait-ce que la possibilité que le Professeur puisse mourir. Il avait perdu trop de gens. Severus ne serait pas parmi ceux là.
« Ne fais jamais pleinement confiance à Dumbledore. » reprit Severus d'un ton ferme. « Jamais. Black… Black t'épaulera mais il n'a pas la cervelle nécessaire pour le reste. Minerva est trop intègre, elle ne fera pas tout ce qui est nécessaire pour toi, il y a des limites qu'elle ne franchira pas… Bill Weasley… Bill Weasley a sa famille à charge et y donne pleine priorité, garde ses frères près de toi si tu le peux. Et Nymphadora… » Sa phrase resta en suspens quelques secondes, il ferma brièvement les yeux et, lorsqu'il les rouvrit, ses boucliers mentaux étaient à leur maximum. « Nymphadora a le cœur tendre et cela la perdra mais elle est loyale. Aucun d'entre eux n'a l'intellect nécessaire pour contrer les plans d'Albus ou du Seigneur des Ténèbres. Eux ont toujours trois coups d'avance, souviens toi de cela. En dernier recours… Repose toi sur toi-même. Applique ce que je t'ai enseigné et suis ton instinct. Ton instinct… Bien qu'ayant tendance à te mener à des situations dangereusement impossibles, ton instinct est souvent bon. Prends garde cependant à ne pas confondre instinct et impulsions. »
Les doigts du Professeur s'enfoncèrent dans la chair de son épaule.
Harry serra les dents. Ce n'était pas la prise de Severus qui était douloureuse.
« Vous avez passé des mois à me répéter que j'avais besoin d'un adulte. » lâcha-t-il. « Et maintenant, vous me dites que je dois me débrouiller seul. »
« Pas seul, non. » nuança l'homme, la voix empreinte de chagrin. « Cela, j'en suis certain. Les gens te suivront. »
La colère flamba en lui, brutale et soudaine. « Je ne veux pas de partisans ! »
« Je le sais. » admit Severus.
« Si vous pensez être en danger, vous n'avez pas besoin d'y retourner. » s'énerva-t-il. « Dites à Dumbledore que vous arrêtez. Dites lui… »
« Je dois terminer ma mission. » l'interrompit l'homme. « Ce n'est pas à toi de me dicter ma conduite. Je ferai ce qui doit être fait. »
« Pourquoi ? » grinça-t-il. « Pour un fantôme ? Elle ne voudrait pas ça, vous savez. Lily. Elle ne voudrait pas ça. »
« Idiot. » gronda le Professeur. « Penses-tu vraiment que je fais tout ça pour elle ? J'ai fait mon deuil, Harry. J'ai fait la paix avec son souvenir. Ce n'est pas pour elle que… » Il s'interrompit et soupira. « Harry… »
« Je ne veux pas qu'on meure pour moi. » cracha-t-il, se dégageant de la poigne du Professeur d'un geste sec. « Vous croyez que j'en ai quelque chose à faire que vous mouriez pour moi ou pour quelqu'un d'autre ? Vous croyez que je vais trouver ça noble ? Vous serez toujours mort. Si vous y retournez, vous y retournez pour vous pas pour moi. Gardez-le, votre sacrifice. Je n'en veux pas. »
Il chercha à quitter le bureau, aveuglé par la colère et la terreur, mais la porte résista. Il entendit vaguement Severus l'appeler mais il n'y prêta aucune attention, canalisant sa magie jusqu'à ce que le bureau le libère. Poudlard l'avait toujours eu à la bonne et il connaissait les sortilèges de protection du Professeur par cœur.
Il arpenta les couloirs au hasard, ne sachant pas trop où il allait, le cœur battant si fort que c'était tout ce qu'il entendait. Il finit par atterrir dans l'ancienne salle de Divination avec sa couche de poussière qui le fit éternuer trois avant même qu'il atteigne la fenêtre.
Dehors, c'était le déluge mais il l'ouvrit quand même.
En lui, il sentit l'horcruxe s'agiter, nourri par les émotions négatives trop intenses. S'il l'avait pu, il se serait labouré la poitrine jusqu'à atteindre l'abomination et l'en aurait arraché. Comme pour mieux mettre cette pensée en pratique, il transforma sa main en patte encore et encore, faisant jouer les larges griffes qui auraient probablement pu tuer un homme d'un seul coup.
Ce n'était sans doute pas la conversation que le Professeur avait imaginé ou espéré mais Harry lui en voulait quand même.
Il ne lui ferait pas ses adieux.
Il refusait de lui faire ses adieux.
