When you're out of options, the best option is to do nothing. Play dead. The possum option.
— Rick Yancey - the 5th Wave
Lorsqu'on est à court d'options, la meilleure solution est de ne rien faire. Faire le mort. La solution de l'opossum.
— Rick Yancey - the 5th Wave
Chapitre 25 : The Possum Option
Le Ministère avait des allures de ville fantôme.
Scrimgeour avait déclaré l'état d'urgence. Seul les Aurors et les Chefs de Départements étaient autorisés à accéder au Ministère pour l'instant. Les commerces demeureraient fermés jusqu'à nouvel ordre et les gens étaient invités à rester chez eux, à l'abri derrière autant de protections qu'ils le jugeraient nécessaire. Sainte Mangouste et Poudlard étaient les deux seules exceptions à cette règle et la sécurité avait été augmentée sur les deux sites. Le Ministre s'était adressé à la communauté magique dès huit heures du matin au travers à la radio. Il avait appelé au calme.
Comme Tonks aurait pu le prédire, c'était raté.
La nuit et la matinée avaient été éreintantes, passées à tenter d'enrayer la panique des habitants de l'Allée des Embrumes et du Chemin de Traverse, tout en offrant protection et soutien aux équipes de secours qui tentaient de trouver des survivants sous les décombres. À cela s'ajoutaient le manque criant d'Aurors dont le nombre avait encore diminué la nuit dernière, la peur d'une nouvelle attaque et le fait que la plupart des familles Sang-Pur influentes du pays qui s'étaient déclarées neutres avaient soudain décidé de plier bagages.
Elle n'avait pas eu le temps d'échanger beaucoup avec McGonagall lors de son détour par Poudlard mais il était clair que la sorcière avait dû, elle aussi, faire face aux sorciers terrifiés qui préféraient abandonner leurs domaines et risquer perdre une partie de leur fortune plutôt que de braver les Mangemorts.
Elle traina les pieds jusqu'à l'étage du Département des Aurors, peu surprise de le trouver quasiment désert. Tous leurs agents disponibles étaient sur le terrain, une partie protégeait le premier Ministre Moldu et le reste servait d'escorte aux membres influents de la communauté magique.
Personne ne la héla sur le chemin alors elle n'eut aucun scrupule à s'enfermer dans son bureau et à se laisser tomber sur sa chaise. Elle appuya les coudes sur les piles de dossiers qui recouvraient son bureau et enfouit le visage dans ses mains.
Elle avait l'impression d'avoir vieilli de dix ans. Voire vingt.
Fol'Œil…
Non. Ce n'était pas le moment de penser à Fol'Œil. Il y avait plus urgent.
Elle prit une profonde inspiration et se redressa, passant machinalement la main dans ses cheveux d'un châtain terne. Elle était sur le point de partir à la recherche de Kingsley lorsqu'il y eut un bref coup frappé à la porte. Celle-ci s'ouvrit sans attendre de réponse.
La tête de Percy Weasley apparut dans l'embrasure. Il avait d'énormes cernes sous les yeux et ne paraissait pas bien plus en forme qu'elle. Cela dit, elle n'était pas certaine que qui que ce soit présent au Ministère ce jour là soit en grande forme.
« Ah, tu es là. Parfait. » soupira-t-il, avec un soulagement palpable. « Il y a une réunion de crise dans le bureau du Ministre. Il aimerait que tu y assistes. »
Elle fronça les sourcils mais suivit Percy sans protester. Preuve que les miracles existaient, il ne tenta pas de la convaincre qu'un rapide sortilège pour réparer son jean soigneusement troué aux genoux serait une bonne chose.
Elle nota toutefois que s'il frappa à la porte du bureau ministériel, il attendit que Scrimgeour l'y autorise avant de pousser la porte.
La pièce était conforme à ses souvenirs : imposante et impersonnelle. La fenêtre magique offrait un panorama de Londres à couper le souffle. Elle surplombait le pont de Westminster et laissait deviner, au loin, la silhouette du Tower Bridge. Il s'était mis à pleuvoir un plus tôt dans la matinée et le crachin ne semblait pas vouloir cesser, rendant le ciel gris morne et les eaux de la Tamise plus opaques encore qu'à l'accoutumée.
La vue ne retint toutefois son attention que quelques secondes. La présence d'Amelia Bones ne la surprit pas étant donné qu'elle était à la fois Chef du Département de la Justice Magique et la présidente du Magenmagot, celle de Kinglsey était naturelle, celles de Sirius et Dumbledore en revanche…
Elle pressa le pas tandis que Percy fermait la porte derrière elle, remarquant à peine que la surface de l'énorme bureau en bois avait été débarrassée pour permettre d'étaler des cartes et des plans de bâtiments. Elle attrapa le bras du Directeur parce qu'il était le plus près, son cœur battant trop vite et beaucoup trop fort.
« Severus ? » s'enquit-elle du bout des lèvres, s'attendant déjà à entendre le pire. Sirius avait dit qu'il la tiendrait au courant de nouveaux développements et voilà qu'elle le retrouvait dans le bureau du Ministre de la Magie au lieu d'auprès de son filleul. Quant à Dumbledore… N'avait-il pas été occupé à tenter de sauver son espion lorsqu'elle s'était rendue à Poudlard ce matin là ?
Le regard bleu du vieux sorcier était morne mais il sembla se remettre à pétiller l'espace d'un moment. Il couvrit la main qui agrippait son bras de la sienne et la tapota gentiment. Son sourire bien que se voulant rassurant était quelque peu triste, incertain peut-être.
« Son état est stable pour l'instant. » déclara-t-il. « Il n'est, cependant, pas encore tiré d'affaire. Votre mère et Poppy veillent sur lui et Harry est à son chevet. Je n'aurais pu le laisser à des mains plus compétentes. »
Elle hocha la tête, un peu trop consciente que si Sirius, Amelia Bones et Kingsley étaient absorbés par leur conversation, Scrimgeour, lui, avait les yeux rivés sur elle.
« Severus Snape ? » demanda le Ministre, la fixant du regard presque avec désapprobation. « Le Mangemort ? »
« Notre espion. » corrigea-t-elle sèchement.
« Il n'était pas notre espion lorsqu'il a pris la Marque, n'est-ce pas ? » riposta Scrimgeour, sur le même ton.
« Severus Snape… » commença Dumbledore.
Tonks ne le laissa pas terminer.
« Il a suffisamment risqué sa vie pour racheter sa faute. » cingla-t-elle. « Ou bien pensez-vous que nous devions juger un homme toute sa vie pour une folie commise à seize ans, Monsieur le Ministre ? Quant bien même il n'a fait qu'agir en héro depuis ? »
Scrimgeour l'étudia quelques secondes puis accepta l'argument d'un revers de main. « Fort bien. »
Pendant que le Ministre rappelait les autres à l'ordre afin de commencer la réunion, Dumbledore se pencha vers elle, parlant suffisant bas pour que sa voix ne porte pas.
« Je constate avec plaisir que Severus s'est trouvé un champion bien plus redoutable que moi… » murmura le vieil homme.
« Il n'en a pas qu'un. » rétorqua-t-elle.
« Non… » acquiesça le Directeur. « En effet. »
À la manière dont il prononça ces mots, Tonks comprit que ce n'était pas forcément une bonne chose pour l'homme.
« Jusque là nous avons paré à l'urgence mais il est temps de regarder le véritable problème en face. » déclara Scrimgeour, en désignant d'un geste les cartes et plans étalés sur son bureau. « Azkaban. » Il ménagea une pause dans son discours et, lorsque personne ne prit la parole, il poursuivit. « Peut-être certains d'entre vous sont-ils surpris par les personnes que j'ai choisies pour cette réunion de crise. La présence d'Albus, autant qu'il m'en déplaise, s'explique d'elle-même. Nous n'avons pas le loisir de nous passer de son conseil. »
« Et j'en suis honoré. » répondit Dumbledore, sans la moindre trace d'amertume mais avec suffisamment d'amusement pour que Tonks comprenne que l'ironie de la situation ne lui échappait pas. Scrimgeour avait été particulièrement réticent lorsque le Directeur lui avait proposé de travailler en collaboration avec l'Ordre et à présent…
« J'en suis certain. » lâcha le Ministre, pince-sans-rire. « Kingsley et Amelia sont là parce que, quoi que nous décidions, leurs départements seront les premiers concernés. Sirius Black est la seule personne connue à s'être échappée d'Azkaban et à avoir survécu, ce qui fait de lui notre expert sur la question. Quant à Nymphadora Tonks, elle est une de nos meilleurs Aurors actuellement et a su faire preuve récemment d'un esprit d'initiative et d'une ingéniosité que je ne peux qu'admirer. »
Le compliment la fit légèrement rougir.
« Quelles sont nos options ? » demanda Mrs Bones, en tirant un des plans de la prison vers elle.
« Eh bien, étant donné que l'île est envahie par les Détraqueurs et probablement protégée de tous un tas de sortilèges visant à la rendre impénétrable, je ne suis pas certain que nous ayons énormément d'options, Amelia. » soupira Dumbledore, en pinçant les lèvres. « Le but de Voldemort était très certainement de se mettre hors de portée et cela est réussi. Une attaque se solderait immanquablement par un massacre. Les Détraqueurs seuls auraient raison des troupes que nous pourrions envoyer. »
« Il doit bien y avoir quelque chose à faire. » protesta Scrimgeour. « Nous ne pouvons pas rester là à attendre qu'il attaque à nouveau. Nous devons offrir des garanties à la communauté magique. Ce n'est… »
« De combien de Détraqueurs parlons-nous ? » intervint Tonks. « Et combien d'Aurors peuvent produire un Patronus corporel ? »
« Pas assez. » offrit Kingsley, en secouant la tête. « Il nous faudrait l'aide des membres de l'Ordre. En supposant qu'ils puissent tenir tête aux Détraqueurs suffisamment longtemps pour que… »
« Pour qu'on se retrouve bloqués par les protections que Tu-sais-qui a mis en place ? » termina-t-elle, lorsqu'il hésita.
« Les protections, aussi puissantes soient-elles, bloquent rarement les Animagus. » remarqua Sirius, son regard rencontrant brièvement celui de Dumbledore. « Autant que je sache, c'est encore le seul moyen de s'échapper d'Azkaban. »
« Donc il nous faut rassembler autant d'Animagus que possible pour une mission d'infiltration ? » reformula Mrs Bones, non sans sarcasme. « Savez-vous combien d'Animagus déclarés figurent sur nos fichiers de nos jours ? Et combien d'entre eux sont aptes aux combats ? Je peux vous le dire. Vous, Mr Black, Minerva McGonagall et Rupert Kinsglove qui est en ce moment même en mission au fin fond de l'Amazonie pour le Département de Contrôle et de Régulation des Créatures Magiques. Les autres, je vous le garantis, ne seront d'aucune aide. »
Sirius ne protesta pas.
« Même si on passe les protections. Ça nous laisse face à une armée de Mangemort et à Voldemort. » lâcha le Sang-Pur. « Qui va se charger de l'arrêter, lui ? »
Tous les regards se tournèrent immédiatement vers Dumbledore qui garda les yeux rivés sur les plans étalés sur le bureau.
« Une attaque serait prématurée. » conclut le vieux sorcier, en croisant le regard du Ministre. « Vous vouliez mon avis, le voilà. Attaquer Azkaban serait du suicide. Nous n'avons pas les moyens de l'emporter pour l'instant. »
Un lourd silence suivit cette déclaration.
« Nous ne pouvons pas rester sans rien faire. » insista Scrimgeour. « D'un point de vue politique… » Sirius laissa échapper un bruit moqueur et fit face à un regard noir. « Moquez vous, Mr Black. Je ne suis pas en train de me lamenter sur mes chances de réélection. Si la communauté magique pense que nous n'agissons pas, nous courrons au désastre. Combien de temps pensez-vous qu'il faudrait à un sympathisant de Voldemort bien sous tout rapport pour s'emparer du Ministère ? »
C'était un argument tout à fait recevable selon Tonks.
« Recrutez. » conseilla Dumbledore. « Recrutez et formez vos troupes. Ce ne sont plus d'Aurors dont nous avons besoin mais de soldats. »
Ce n'était pas une pensée réjouissante.
°O°O°O°O°
La cuisine du petit cottage sentait bon le pain perdu et Remus ne pouvait s'empêcher d'humer régulièrement l'air. L'assiette que Laura avait posée devant lui était déjà vide et il n'avait pas particulièrement faim mais l'odeur seule était suffisante pour le faire saliver.
Il observa la sorcière vaquer d'un bout à l'autre de la pièce, occupée à ranger les provisions qu'il avait apportées avec lui. Les consignes qu'elle avait reçues étaient strictes, elle ne devait pas quitter la protection du cottage. La chaumière appartenait à l'Ordre, l'un des nombreux lieux sûrs dont Dumbledore avait fait l'acquisition ces dernières années, en prévision d'une nouvelle guerre à venir. Ils n'étaient pas sous Fidelitas et, bien que particulièrement bien protégés, ces endroits n'étaient pas les plus sûrs du pays.
Laura aurait été plus en sécurité au QG. Il en avait fait la requête et elle avait été rejetée. Seuls étaient autorisés au Square Grimmaurd les personnes à qui Dumbledore faisait une confiance absolue – et, très visiblement, si l'on en croyait Severus, cela était surfait. Refuser l'asile à Laura avait moins à voir avec une possible traitrise de sa part qu'avec le manque d'utilité que le vieux sorcier lui trouvait, cependant, Remus en était conscient.
Laura ne voulait pas se battre et Lunard ne l'y forcerait pas.
Il la défendrait au contraire.
La protégerait.
Tendresse et devoir enflèrent dans sa poitrine, le chant de la meute devenant presque un deuxième battement de cœur. Laura cessa de fredonner pour lui sourire par-dessus son épaule.
Remus sourit en retour.
Lunard ronronnait de plaisir.
Il n'aimait pas savoir Laura si loin de lui au quotidien. Une meute n'était pas faite pour être séparée, une meute survivait ensemble. Leur meute, en l'état, était déjà en train de se désintégrer et cela lui donnait envie de hurler et, peut-être, de distribuer quelques claques jusqu'à ce que chacun retrouve sa place.
Que Sirius s'oppose à lui ouvertement, passe encore. Sirius n'avait jamais reconnu son autorité comme celle d'un Alpha. James avait été l'Alpa des Maraudeurs et Remus n'avait même pas été son second.
Mais Dora ? Dora s'éloignait davantage chaque jour et le loup en lui grondait et tournait en rond, hurlant à la lune, toutes griffes dehors, parce qu'elle était sa compagne.
Et voilà que tous deux se regroupaient autour de Severus. Or, Severus n'appartenait pas à la meute. Il y aurait eu sa place. Peut-être. Il considérait qu'Harry en faisait partie et si Harry considérait réellement Severus comment un parent… Si Sirius était désormais si déterminé à faire du Maître des Potions un allié… Si même Dora avait trouvé en lui un ami… Remus n'avait aucun ressentiment personnel contre Severus. Il aurait pu l'accueillir dans la meute.
Lunard se rebellait complètement contre cette idée.
La pensée même était à présent suffisante pour le faire gronder de colère.
Severus agissait comme un Alpha rival. Il lui volait sa meure, lui avait peut-être déjà volé une partie de sa meute et…
« Qu'y a-t-il ? » demanda doucement Laura, en fronçant les sourcils.
La jeune femme posa sa main sur son épaule et Remus la couvrit de la sienne, trouvant dans ce contact entièrement innocent un réconfort sans bornes. Il avait les idées plus claires lorsqu'il était près de Laura, une autre des raisons pour lesquelles il aurait aimé l'avoir au Square Grimmaurd, c'était la magie de la meute – une magie à laquelle Sirius et Tonks échappaient car ils ne portaient pas véritablement sa Marque. Laura l'avait choisie et l'avait acceptée, elle avait reconnu son autorité, elle lui avait accordé sa confiance, avait sciemment fait de lui sa famille.
Elle pouvait sans doute sentir son agitation à travers le lien qui les reliait.
« Trop de problèmes. » soupira-t-il.
Était-ce charitable d'en vouloir à Severus pour une chose dont il n'était pas responsable ? Severus avait les loups en horreur, leurs codes et leurs valeurs lui échappaient complètement. De plus, l'homme était actuellement entre la vie et la mort…
Lunard pouvait gronder tout ce qu'il voulait… Il y avait plus urgent.
« Un de nos amis est mort. » expliqua-t-il. « Je dois trouver un endroit sûr pour ses funérailles. » Ses pensées retournèrent vers Severus et il ferma brièvement les yeux, fatigué par avance des jours sombres qui s'annonçaient. « Il y en aura peut-être davantage. »
Il ne serait pas question d'enterrer qui que ce soit, pas avec tant de Mangemorts rôdant dans le Royaume-Unis, prêts à voler des cadavres pour en faire des Inféris – une crainte qu'ils partageaient tous. Il faudrait un bûcher funéraire, comme ils l'avaient fait pour Arthur, selon les anciennes traditions.
« Tu veux faire ça ici ? » proposa-t-elle, avec une hésitation perceptible.
Mis à part Sirius, Laura n'avait jamais rencontré aucun des autres membres de l'Ordre.
À vrai dire, il y avait pensé. Toutefois, l'emplacement n'était pas idéal. Le cottage se situait à l'orée d'un bois, non loin d'une plage de galets, elle-même près d'un village moldu. Il ne souhaitait pas attirer l'attention plus que nécessaire.
« Non. » répondit-il, avec reconnaissance, tapotant gentiment sa main. « Il y a d'autres lieux sûrs. Je vais aller en visiter quelques uns. »
Laura pinça les lèvres avec détermination.
« Je vais t'accompagner. » déclara-t-elle.
Il secoua la tête.
« Ce n'est pas nécessaire. Tu… » commença-t-il.
« Je veux t'aider. » coupa-t-elle. Il sentit son besoin d'être utile au travers du lien qui les liait. Elle voulait contribuer, aider la meute, l'aider lui. « Laisse-moi t'aider, Remus. »
Il hésita puis approuva d'un hochement de tête purement égoïste.
Sa présence apaisait Lunard, lui rappelait qu'au-delà de l'Ordre et des possibles traîtres, il y avait davantage. Il n'y avait aucune place pour la traîtrise ou la duplicité entre Laura et lui. Il était son Alpha, elle était sa meute.
C'était presque terrifiant de simplicité.
°°O°°O°°O°°O°°
Snape délirait.
Sirius s'était perché sur le lit voisin du sien, observant avec les autres tandis que l'espion se tordait de douleur. Ils l'avaient sanglé au lit pour ne pas qu'il se blesse accidentellement et le voir si vulnérable déplaisait quelque peu à l'Animagus. Une part de lui s'en serait réjouie, fut-un temps, réjouie de le voir souffrir, de le voir mourir… Il n'était pas à l'aise avec cette part de lui-même.
Andy lui avait redonné une dose d'antidouleur qui n'était très clairement pas suffisamment efficace. Snape était fiévreux, ce que les Médicomages craignaient être un symptôme d'infection, et marmonnait sans cesse. Elles parlaient entre elle, à voix basse, un peu plus loin.
Ses yeux gris se déplaçaient de temps en temps vers l'horloge qui trônait au fond de l'infirmerie et désespérait en voyant l'heure. Il ne s'était même pas encore passé vingt-quatre heures depuis la bataille de la veille.
Il vivait dans l'angoisse d'une nouvelle attaque.
Que faisait Voldemort ? Se jouait-il de leurs nerfs ou était-il trop occupé à trôner dans son nouveau fief ? Ou bien Snape avait-il réussi à causer quelques dégâts en s'enfuyant ?
Pas pour la première fois ce jour là, il se demanda s'il avait eu raison de soutenir Dumbledore plus tôt dans le bureau du Ministre. Attaquer Azkaban n'était pas réaliste, la pure vérité était là. Pas encore, du moins. Et quand bien même une attaque serait viable…
Voldemort ne mourrait pas.
Voilà une autre chose qu'il craignait.
Que Snape vende accidentellement la mèche en déblatérant sur les horcruxes dans son délire.
Harry, toutefois, il ne put s'empêcher de le noter, était réactif. Dès que le Professeur s'aventurait à marmonner sur un terrain un peu trop personnel, le garçon l'entraînait soit sur un autre sujet soit jetait un sort qui les isolait tous les deux brièvement du reste de l'infirmerie. Égoïstement, Sirius préférait cette dernière option. Les gémissements de douleur étaient plus qu'il ne pouvait en supporter. Cela lui rappelait trop Azkaban.
« Pas la ceinture… » marmonna Snape, de manière incongrue.
La plupart de ce qu'il racontait n'était que du charabia.
« Il n'est pas là. » contra aussitôt Harry, à voix basse. « Sev… Sev, tout va bien. »
Il n'entendit pas le reste, ce fut couvert par la bulle de silence dont Harry entoura le lit. Il en profita pour détailler son filleul, les cernes, et la panique sourde mais latente qui brillait dans son regard. Il était encore tôt pourtant Sirius brûlait de l'envoyer se reposer. Cela aurait été en pure perte, cependant.
Un élève de Poufsouffle se présenta à la porte et Pomfresh tira hâtivement le rideau de séparation, l'entrainant dans une autre pièce pour s'occuper de lui.
Sirius sauta du lit et s'approcha d'Andy qui, elle aussi, avait l'air épuisée. La semi-dispute de la nuit dernière laissait à l'Animagus un arrière-goût amer et il préféra agir comme si elle n'avait jamais eu lieu.
« Est-ce qu'il ne serait pas mieux à Sainte Mangouste ? » s'enquit-il, tout de go.
« C'est ce que j'ai dit à Albus. » avoua-t-elle. « Et il est d'accord. Seulement… »
« Seulement quoi ? » gronda-t-il.
« Seulement, personne ne peut garantir sa sécurité à Sainte Mangouste. » offrit-elle, en baissant la voix. « Pas comme ici. Albus dit que sa tête est forcément mise à prix dorénavant. Et il ne pense pas que le Ministère se pliera en quatre pour s'assurer qu'il ne se fasse pas capturer ou assassiner par des Mangemorts. Même s'ils avaient les ressources nécessaires. Ce qu'ils n'ont pas. »
Au fond de lui, Sirius savait que ce serait la réponse qu'il obtiendrait. Et c'était probablement la plus logique.
« Attendre comme ça, ça me tue. » soupira-t-il.
Andy secoua la tête, lui tapotant gentiment l'épaule. « C'est tout ce qu'i faire pour le moment. »
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« Remus pense avoir trouvé un endroit suffisamment isolé et sûr pour les funérailles. » déclara Minerva, s'efforçant de garder un ton professionnel. Ses nerfs avaient été mis à rude épreuve durant ces dernières vingt-quatre heures et, en vérité, si le luxe de se retirer dans ses appartements lui avait été accordé, elle se serait probablement écroulée dans son fauteuil favori avec une bouteille de bourbon.
Devoir planifier les funérailles d'Alastor Maugrey…
Elle avait enterré bien trop de gens dans son existence. Des parents, des amis, des anciens élèves… Cela ne devenait jamais plus aisé.
Et la situation actuelle ne l'aidait en rien à accepter la mort de l'ancien Auror. Trop de choses se déroulaient en parallèle, il y avait trop de menaces possibles.
Elle avait déjà vécu une guerre.
Elle connaissait la musique.
Et, pourtant, elle ne pensait pas qu'elle s'habituerait jamais à la mélodie.
« Très bien. » approuva Albus, pressant l'allure sans se rendre compte qu'elle peinait à suivre. Il ajustait habituellement son pas sur le sien.
Le vieux sorcier était préoccupé, distrait. Les événements de la veille l'avaient secoué lui aussi, songea-t-elle. Son manque de sérénité apparent troublait les élèves qui s'écartaient automatiquement de leur chemin, les regardant passer avec des yeux ronds. Plus d'une fois, elle dut en rappeler certains à l'ordre, leur ordonnant de rejoindre leur salle commune ou la Grande Salle pour le diner.
Quelques uns, plus téméraires, demandèrent des nouvelles de l'homme qui gisait à l'infirmerie, possiblement sur son lit de mort. Severus n'était pas le professeur le plus populaire mais les nouvelles circulaient vite à Poudlard, la rumeur avait enflée dès l'aube, dès que les hiboux avaient commencé à arriver, appuyée par les départs précipités de certains élèves que les familles voulaient mettre à tout prix en sécurité – les familles refusaient d'entendre ses affirmations répétées que Poudlard était l'endroit le plus sûr du Royaume-Unis à l'instant. La rumeur courrait, se propageait, se déformait, s'embellissait…
Severus Snape était un espion.
Severus Snape avait affronté le Seigneur des Ténèbres.
Severus Snape était l'homme de Dumbledore.
Harry Potter était au chevet de Severus Snape.
Severus Snape était un héros.
Elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il apprécierait l'ironie lorsqu'il se réveillerait. S'il se réveillait.
« Il y a un espion au sein de l'Ordre. » lâcha-t-elle, espérant le faire réagir. Severus lui en voudrait peut-être de cet écart mais, franchement, elle ne voyait pas l'intérêt d'agir dans leur coin plus longtemps. Après la bataille de la veille… Il était évident qu'il y avait un espion parmi eux.
« Oui. » confirma gravement Albus. « J'avais espéré que Severus parvienne à le démasquer. »
« N'avez-vous donc aucune idée de qui il s'agit ? » s'enquit-elle, sourcils foncés. Cela la préoccupait depuis le départ. Albus savait toujours tout. Il avait un don pour tout découvrir sur une personne et user de ce savoir plus ou moins librement en fonction de ce qu'il désirait obtenir.
« J'ai peur de ne pas être omniscient, Minerva. » répliqua-t-il, avec une irritation palpable. Il soupira, pressant brièvement son bras. « Pardonnez-moi. La journée et la nuit… »
« Ont été longues. » termina-t-elle, balayant ses excuses d'un geste de la main. « J'ai demandé à Filius de rechercher des sortilèges supplémentaires pour protéger le domaine. En cas d'attaque… Je veux être certaine que l'école puisse tenir. »
« Poudlard tiendra. » jura-t-il, avec une foi qu'elle ne partageait pas. « Et pour répondre à votre question… Cet espion est particulièrement doué pour effacer ses traces. Je n'ai aucune idée de qui il pourrait s'agir. Pour être tout à fait franc… »
Un elfe de maison à la peau grise apparut devant eux, le bruit faisant sursauter un tableau sur leur droite. Il s'inclina.
« Jiggy. » sourit-elle. « Qu'y a-t-il ? »
Cela n'était probablement pas correct de sa part d'avoir un elfe favori parmi le contingent de Poudlard et, pourtant, elle avait une affection particulière pour Jiggy. C'était toujours à lui qu'elle s'adressait lorsqu'elle avait besoin de quelque chose et il était toujours l'émissaire lorsqu'il y avait un problème au sein du château. En l'occurrence, les elfes voulaient savoir s'ils devaient ou non préparer les lits des élèves qui avaient quitté l'école dans la journée.
Le temps qu'elle règle ces questions logistiques, Albus venait d'avoir une idée.
Elle le connaissait suffisamment pour le savoir.
C'était évident à la manière dont il fixait l'elfe tout en caressant distraitement sa barbe.
« Trouvons Sirius. » ordonna-t-il, dès que Jiggy eut disparu.
Elle acquiesça sans discuter. Les papiers qu'elle voulait lui faire signer pouvaient attendre.
Sirius ne fut pas bien difficile à trouver. Il était toujours à l'infirmerie, tentant de remonter le moral de Potter sans véritablement y parvenir.
La première chose qu'ils firent fut de demander des nouvelles à Andromeda. Minerva se sentit découragée lorsque la Médicomage leur apprit qu'il n'y en avait aucune. L'état de Severus était stationnaire, ce qui n'était ni une bonne, ni une mauvaise chose.
La seconde fut d'attirer Sirius dans le bureau de Poppy. Elle observa Albus jeter une dizaine de sortilèges garantissant que personne ne pourrait surprendre leur conversation, échangeant de temps à autre des coups d'œil confus avec l'Animagus.
« Sirius, avez-vous, à aucun moment, donné un ordre à Kreattur qu'il aurait pu mal interpréter ? » demanda-t-il calmement.
Minerva détecta tout de même la pointe d'excitation dans sa voix, comme s'il venait de résoudre le mystère.
« Mal interpréter ? » répéta Sirius, sans paraître comprendre. « Comme quoi ? »
« Un ordre qui aurait pu lui permettre de quitter la maison. » insista Albus. « De rapporter des informations ailleurs, à Bellatrix par exemple. »
L'Animagus se passa une main sur le visage, tentant de chasser sa fatigue. La conclusion à laquelle il parvint le mit en colère.
« Ce sale petit rat. » grinça-t-il. « Je vais monter sa tête en trophée et l'accrocher au mur avec les autres. Kreattur ! »
L'elfe apparut immédiatement.
La taie d'oreiller dont il était vêtu était crasseuse et la grimace perpétuellement gravée sur son visage lui donnait un air mauvais en dépit de la posture digne et fière qu'avaient en commun tous les elfes de maison d'un certain âge.
Kreattur s'inclina autant qu'il était de rigueur de le faire, sans aucun plaisir ou surprise pour la baguette dont Sirius le menaçait.
« Le Maître a appelé Kreattur. » lâcha la créature magique avec un ennui certain, avant de marmonner pour lui-même. « Maître indigne. Honte à la grande lignée des Black. »
« Qu'es-tu aller rapporter à cette chère Bella ? » siffla l'Animagus, sans s'embarrasser de prendre de gants.
L'espace d'une second Kreattur parut surpris, puis décontenancé.
« Kreattur, as-tu quitté le Square Grimmaurd récemment ? » intervint Albus, plus posément. « As-tu divulgué certaines de nos informations à quelqu'un qui n'appartiendrait pas à l'Ordre ? »
« Réponds. » ordonna Sirius. « Et ne mens pas. »
La bouche de l'elfe de maison se contracta dans un rictus.
« Le Maître a ordonné à Kreattur de ne jamais quitter la maison. » cracha Kreattur. « Kreattur obéit au Maître même si le Maître ne mérite pas Kreattur. Kreattur est un bon elfe. Maîtresse a toujours dit que Kreattur était un bon elfe. Maîtresse ne méritait pas un fils comme Sirius Black. Maîtresse… »
« Tais-toi. » grinça l'Animagus.
L'elfe tomba immédiatement dans le silence mais ses yeux brillaient d'une haine qu'il assumait pleinement.
« Tu n'as donc rien rapporté à Bellatrix Lestrange ? » insista Albus, l'air presque déçu. « Ou aux Malfoy ? »
« Kreattur n'a pas vu Maîtresse Bella ou Maîtresse Cissy depuis que les amateurs de Sang-de-Bourbes ont gagné la guerre. » grommela l'elfe. « Kreattur fait ce qu'on lui dit. »
« Et nous t'en sommes très reconnaissants. » déclara Minerva, décidant qu'un minimum de reconnaissance ne serait pas perdue. Après tout le Square Grimmaurd était grand et l'elfe était non seulement seul mais aussi très âgé. Elle était sûre qu'il faisait de son mieux mais étant donné le contexte et l'animosité de Sirius…
Kreattur l'étudia quelques secondes, tâchant visiblement de déterminer si elle se moquait de lui ou non, puis inclina la tête en signe de remerciement. C'était l'attitude la plus respectueuse dont il avait fait preuve pour l'instant.
« Merci, Kreattur, ce sera tout. » le congédia Albus.
Sa déception était palpable.
« Retourne à la maison. » cracha Sirius. « Et restes-y. »
Kreattur serra les dents, s'inclina et disparut.
« Autant pour ma brillante idée. » soupira le Directeur.
« Il fallait vérifier. » le consola Minerva, tapotant brièvement son épaule avant de retourner dans l'infirmerie même.
Rien n'y avait changé. Potter était toujours auprès de Severus, l'air abattu. Il leva à peine la tête lorsqu'elle approcha du lit. Elle dégagea, avec une moue attristée, les mèches éparses qui collaient au visage de son collègue, notant sa respiration hachée et les paupières qui papillonnaient. Ses yeux voyaient sans voir.
« Mr Potter, peut-être devriez-vous aller diner dans la Grande Salle. » suggéra-t-elle doucement.
« Je ne le laisse pas. » grommela le garçon, avec une détermination qu'elle serait bien en peine de faire flancher.
Elle soupira discrètement, prête à hausser le ton s'il le fallait, lorsque les portes de l'infirmerie s'ouvrirent, laissant passer Horace Slughorn et Nymphadora Tonks. Le Maître des Potions avait dû répondre à l'appel aux grilles qu'elle n'avait pas senti, trop prise par les possibles révélations de Kreattur.
La fatigue commençait à se faire durement sentir.
Après un dernier regard hésitant pour l'adolescent, elle se porta à la rencontre du Professeur et de la jeune femme.
« L'Auror Tonks était aux grilles depuis un petit moment. » lui apprit Horace.
Minerva le remercia d'un hochement de tête. Elle tapota l'épaule de la jeune femme avec un certain embarras. « Ma chère, il n'y a pas de changement. Je vous aurais avertie si… »
« Je ne suis pas là pour ça. » l'interrompit fermement Tonks, le visage dur et les traits creusés par la fatigue. Ses yeux gris dérivèrent tout de même vers le lit du fond mais revinrent très vite vers la sous-directrice. « J'étais à Edinburgh, au Passage des Trois Sorcières pour être précise… »
Minerva fronça immédiatement les sourcils. Le Passage des Trois Sorcières était un quartier magique d'Edinburgh. Plus petit que le Chemin de Traverse et peu intéressant en soi. Toutefois…
« Y-a-t-il eu une nouvelle attaque ? » s'inquiéta-t-elle.
Il n'aurait pas été étonnant que les Mangemorts frappent ailleurs qu'à Londres.
« Certaines personnes ont déclaré avoir vu des Détraqueurs. » soupira Tonks. « Il n'y avait aucune trace de leur passage quand je suis arrivée. En revanche… Le Passage des Trois Sorcières est désert. Ils sont tous partis. Les maisons et les commerces sont vides. »
La Directrice des Gryffondors ouvrit et referma la bouche avant d'échanger un regard avec Horace. L'homme avait croisé les bras sur son ample bedaine, l'air soucieux.
« Nous allons faire face à un exode. » observa l'ancien Directeur de Maison.
Tonks approuva d'un hochement de tête las.
« Nous ne savons pas s'il y avait effectivement des Détraqueurs ou non. Je penche plus pour un mouvement de panique… » expliqua la jeune Auror. « Mais dans le doute, le Ministre souhaiterait s'assurer que l'école est aussi protégée que possible. Le problème est que nous n'avons pas suffisamment d'Aurors pour y attacher davantage qu'un seul. »
Minerva hocha la tête, incapable de retenir un sourire. « Et je suppose que vous vous êtes portée volontaire ? »
Une nouvelle fois, les yeux gris dérivèrent vers le lit du fond, la trahissant bien davantage que son expression fermée.
« Nous n'avons pas suffisamment d'Aurors confirmés sur le terrain. » déclara-t-elle avec un regret évident. « Je vais vous envoyer Albert. Il est jeune mais il sait écouter les conseils. De toute manière, Poudlard ne manque pas de personnes capables de mener une bataille le cas échant. Je pensais… Peut-être devrions-nous effectuer un roulement au sein de… » Elle s'interrompit brusquement, jetant un coup d'œil à Slughorn. L'homme avait un don pour faire oublier sa présence pourtant massive. « Vous savez quoi. »
« Je doute que l'Ordre reste secret bien longtemps. » contra-t-elle, balayant ses inquiétudes d'un revers de main. « Cela me semble une bonne idée. Sirius est déjà sur place. »
« Faites venir Charlie et Anthony. » conseilla Tonks. « Ils travaillent ici, ils peuvent tout aussi bien s'y installer. »
« Très bien. » approuva-t-elle. « Je vais en informer Albus. Restez-vous un peu ? »
Tonks s'humecta les lèvres, la tentation évidente sur son visage.
« Je pense que je peux rester une heure ou deux. » hésita l'Auror. « La situation s'est un peu calmée et… Scrimgeour sait où je suis. »
« Une heure ou deux de repos ne vous ferait pas de mal, mon enfant. » s'empressa-t-elle de la rassurer. « Et tant que vous y êtes… Peut-être pourriez-vous convaincre Mr Potter d'aller dîner en compagnie de ses amis. Il n'a pas quitté l'infirmerie de la journée, une pause lui ferait le plus grand bien. »
Tonks se frotta le visage et hocha docilement la tête.
« Je vais essayer. » promit-elle, avant de se diriger d'un pas assuré vers le lit où reposait Severus.
Horace se racla doucement la gorge, rappelant un peu trop à Minerva la toux appuyée d'Ombrage. Le Maître des Potions observa l'Auror s'éloigner avec un intérêt manifeste.
« Aurais-je raté un développement dans la vie de notre cher Severus ? » demanda-t-il, avec le ton qu'il prenait toujours lorsqu'il était question de glaner quelque potin.
« Souhaitiez-vous me voir, Horace ? » répondit-elle, sans rien laisser transparaitre. Il ne serait pas dit qu'elle trahirait les secrets de ses collègues.
Les lèvres du Professeur de Potions tressautèrent avec un amusement qui tourna court et se transforma en réelle inquiétude.
« J'aurais aimé des nouvelles. » offrit-il sincèrement. « Et… Eh bien, les Serpentards sont agités. Certains sont inquiets, d'autres… Je crains que la Maison ne tombe dans l'anarchie si nous ne comblons pas immédiatement le vacuum de pouvoir. »
« Naturellement. » soupira-t-elle. Elle n'avait pas songé à cela. « Pourriez-vous… »
« C'est déjà fait. » coupa Horace. « Ne m'en veuillez pas d'avoir pris les devants, Minerva, mais je ne voulais pas vous déranger davantage. Je me suis réinstallé dans le bureau du Directeur de Maison. À titre provisoire, cela va sans dire. Lorsque Severus… Je me ferai un plaisir de lui rendre son poste. Tout ça n'est plus de mon âge. »
Elle acquiesça, incapable de déterminer s'il était honnête sur ce point ou non.
« Gardez un œil sur Malfoy. » lui recommanda-t-elle. « Il est une cible évidente. »
Pour une fois, Horace avait l'air de prendre la chose au sérieux.
« Autre chose… » ajouta-t-il. « Certains élèves de Serpentard m'ont demandé s'il était possible de rendre visite à Severus. Pour autant que je puisse dire, ces jeunes gens étaient réellement inquiets. »
Elle secoua immédiatement la tête.
« Dites-leur d'envoyer une carte. » répliqua-t-elle. « Cartes et vœux de bon rétablissement sont les bienvenus mais, mis à part Mr Potter, aucun élève ne sera autorisé à voir Severus dans cet état. »
« Très bien. » accepta-t-il sans mal, avant de jeter un coup d'œil curieux en direction du lit du fond.
Tonks et Potter étaient en grande discussion. La jeune femme avait une main sur l'épaule du garçon. Il secouait la tête mais l'expression de l'Auror était déterminée quoi que douce. À un moment, elle fit un geste de la main vers Severus et sembla plaider sa cause. Minerva brûlait d'aller mettre son grain de sel dans la conversation. Horace, cependant, n'en avait pas terminé.
« Puis-je savoir pourquoi Mr Potter est l'exception qui confirme la règle ? » s'enquit-il. « Je n'avais pas conscience que lui et Severus étaient… proches. »
« Je suis certaine que vos serpents attendent des nouvelles avec impatience. » coupa-t-elle court à la discussion.
Horace hésita puis accepta ce congé un peu âpre sans paraître s'en offenser. Elle jeta un coup d'œil dans le bureau de Poppy où Sirius et Albus s'entretenait toujours, probablement de l'espion qui ne cessait de leur glisser entre les doigts. Andromeda et Poppy avaient disparu dans la réserve de potions. Minerva s'apprêtait à aller prêter main forte à Tonks lorsqu'elle aperçut – miracle – Potter se lever et se diriger vers elle en trainant les pieds.
« Je vais diner dans la Grande Salle. » marmonna l'adolescent, avec une moue agacée. « Tonks vas rester là. Je reviens aussi vite que possible. »
« Rien ne presse, Mr Potter. » le gronda-t-elle gentiment. « Prenez un moment pour vous. »
Le garçon la dévisagea comme si elle était folle.
Ce n'était pas si loin de la vérité, songea-t-elle, en quittant l'infirmerie pour retourner au bureau directorial et vers tous les hiboux de parents d'élèves qui l'attendaient certainement.
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« Je n'arrive pas à croire qu'on s'inquiète pour Snape. » marmonna Weasley, en poignardant une pomme de terre d'un coup de fourchette.
Ron était bien le seul de leur groupe qui avait encore de l'appétit. Draco n'avait presque pas touché à son assiette, le fumet du ragout lui mettait l'eau à la bouche et les légumes étaient cuits à point mais son estomac était noué. À sa droite, Blaise n'avait pas davantage terminé son repas. Quant à Daphné, de l'autre côté de la table, elle tapotait nerveusement le bout de sa fourchette sur la table depuis un bon quart d'heure. À côté d'elle, Granger avait avalé la moitié des légumes mais n'avait touché ni à la viande, ni à la sauce. Ginny observait les places vides le long des grandes tables d'un air morose et Luna paraissait absorbée par son livre.
« À qui le dis-tu. » se moqua Londubat.
Draco leva les yeux au ciel, sans toutefois offrir de commentaire.
Les conversations étaient, de toute manière, rares ce soir là. On entendait davantage le bruit de couverts que l'habituel brouhaha de voix. Une étrange atmosphère planait sur la Grande Salle, la même atmosphère tendue qui avait étouffé le château toute la journée.
C'était presque comme si Poudlard retenait sa respiration.
Ce n'était pas seulement à propos de Snape, bien que le sort du Professeur ait alimenté bon nombre de conversations ce jour-là, c'était tout le reste. Le Seigneur des Ténèbres, Azkaban, les Mangemorts, toutes ces familles qui fuyaient le pays, les élèves que leurs parents étaient venus chercher…
Les cinquième année avaient passé un court entier de Sortilèges à se faire sermonner à propos des B.U.S.E.s et Draco, lui, s'était tout du long demandé quel était l'intérêt de prétendre encore que les examens avaient une quelconque importance dans le contexte actuel.
« Harry. » lâcha Granger, en agitant la main pour attirer l'attention de l'adolescent qui venait d'entrer dans la Grande Salle. Le Gryffondor lui rendit son salut et se dirigea vers eux. Des murmures suivirent sa progression mais Potter les ignora ou bien ne les remarqua même pas. Il avait le visage fermé et l'air préoccupé.
Il n'y avait pas énormément de place où s'asseoir et, avec un soupir résigné, Draco se décala vers Blaise, laissant Potter se glisser entre lui et Weasley.
« Alors ? » demanda immédiatement Ron.
Le Survivant haussa les épaules d'un geste morne.
L'atmosphère se fit d'autant plus pesante.
« Je suis certaine que ça va s'arranger. » offrit Ginny, avec un sourire légèrement forcé.
« Merci. » marmonna Potter, éloquent à son habitude.
Le lion paraissait sur le point de s'évanouir d'épuisement. Draco poussa son assiette encore intacte devant lui et lui fourra la fourchette dans les mains, évitant le regard vert. Il ne poussa pas la gentillesse jusqu'à réchauffer le ragout d'un sort.
Granger lui adressa un sourire radieux avant de verser du jus de citrouille dans son propre verre et de le poser devant l'assiette.
Pendant un moment, ils observèrent Potter manger en silence.
« Slughorn. » avertit Daphné, une poignée de secondes avant que le Maître des Potions n'atteigne leur table.
Écouter le Professeur déblatérer était épuisant. Blaise et Granger firent de leur mieux pour soutenir la conversation qui n'avait pour seul but de tenter de découvrir pourquoi Potter se souciait tant de Snape – une question qui, il fallait l'avouer, intriguait également Draco.
Le Gryffondor ne lâcha rien.
Même lorsque Slughorn tenta de l'appâter en déclarant qu'il avait prit la décision de rouvrir le « club de Slug » et qu'il serait ravi de compter Potter parmi ses membres.
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La chaise était inconfortable au possible et Tonks aurait préféré s'installer sur un des lits environnants, s'allonger et peut-être même s'octroyer une petite sieste amplement méritée, mais à présent qu'elle était là, elle se rendit compte qu'il faudrait probablement un hippogriffe sauvage pour la déloger du chevet de Severus.
Elle se percha en tailleur sur le siège, imaginant sans mal le regard agacé qu'il lui aurait jeté face à ce manque de décorum.
La peau de Severus était si pâle qu'elle pouvait suivre la toile d'araignée que formaient ses veines par endroits. La transpiration collait certaines mèches sombres à son visage, son torse se soulevait vite, par à-coups, et ses mains se crispaient régulièrement. La fièvre et la douleur le rendaient incohérent. Il marmonnait sans qu'elle parvienne à bien comprendre ce qu'il disait.
Harry lui avait dit de ne pas y prêter attention.
Harry… Elle avait dû ruser pour convaincre l'adolescent d'aller faire un tour, lui rappeler que Severus n'aurait sans aucun doute pas apprécié de le voir dépérir à ses côtés et promettre d'attendre son retour pour retourner au Ministère.
Au moins, il est vivant, songea-t-elle.
Elle jeta un coup d'œil alentours mais ils étaient seuls dans ce coin de l'infirmerie. D'un geste hésitant, elle effleura son index du bout des doigts, pas certane d'avoir encore le droit de s'octroyer cette familiarité.
« Je suis désolée. » murmura-t-elle, cillant pour chasser les larmes traitresses qui lui brûlaient les yeux. « Tellement désolée. »
S'il l'entendit ou comprit ce qu'elle disait, il n'en laissa rien paraître. Sa tête roula sur le côté, sa respiration sifflante s'interrompit suffisamment longtemps pour qu'il répète encore et encore les mêmes syllabes. Un prénom.
Lily.
Sa propre respiration se coinça dans sa gorge alors que, brusquement, tout s'éclairait d'un jour nouveau. Tout s'expliquait.
Elle avait senti plus ou moins confusément que Severus n'était pas tout à fait libre dans sa tête, prisonnier d'un passé qui refusait de le libérer, exactement comme elle était prisonnière des griffes de Remus.
Mais Lily Potter ?
Vous n'êtes pas la première à arborer le Patronus d'un amour à sens unique. Ce n'est, certes, pas agréable mais personne n'en est encore mort, lui avait-il dit le jour où il l'avait aidé à débloquer ses pouvoirs de Métamorphomage.
« Nymphadora… » siffla-t-il, et elle sursauta, son regard dérivant immédiatement jusqu'à son visage, s'attendant presque à le trouver en train de la fixer avec cette intensité qu'il mettait à toute chose. Ses paupières étaient closes. Il délirait. Elle attrapa tout de même sa main plus fermement, notant sans vraiment les voir, les liens qui l'attachaient au lit pour l'empêcher de se blesser.
« Je suis là. » promit-elle. « Je suis avec toi. »
Et j'y resterai cette fois, rajouta-t-elle en silence. Elle n'aurait jamais dû douter de lui. Jamais.
« Dora ? » appela doucement sa mère.
Elle sursauta une nouvelle fois, manquant tomber de la chaise dans son mouvement de surprise. Elle jeta un coup d'œil plein de reproche à Andromeda et se réinstalla un peu plus stablement, omettant de tenir à nouveau la main de Severus. Elle se racla la gorge, sentant le rouge lui monter stupidement aux joues.
Une gêne s'était installée entre elle et sa mère, une gêne qui n'avait jamais véritablement existé auparavant. Le rôle qu'Andromeda avait joué dans sa rupture avec Remus et le fait que ses parents se soient retranchés derrière un Fidelitas, lui interdisant un accès quotidien à la maison familiale ne contribuaient pas à rectifier la situation.
« Il t'a réclamé plusieurs fois dans son délire. » observa sa mère avec prudence. « Je n'avais pas conscience que… »
« Nous sommes amis. » coupa-t-elle froidement.
Andromeda lui adressa un léger sourire, agitant distraitement sa baguette au-dessus du corps de Severus, afin de vérifier ses constantes.
« Il n'a jamais été ton professeur préféré. » remarqua la Médicomage.
« Subtil. » lâcha-t-elle avec un bruit amusé. Ou comment lui rappeler qu'elle avait un jour été son élève ainsi que la différence d'âge qui les séparait… Tonks ne préféra pas rentrer dans son jeu.
« Comment va Remus ? » s'enquit Andromeda, changeant le sujet.
Elle leva les yeux au ciel.
« Encore plus subtil. » cracha-t-elle. « Je ne vois plus Remus. Quant à Severus et moi, nous travaillons ensemble pour l'Ordre depuis qu'il est rentré. Il m'a sauvé la vie hier. Tu peux arrêter avec tes questions qui n'en sont pas. Je tiens à lui, c'est tout ce que tu as besoin de savoir. »
Elle redressa le menton, défiant sa mère de tenter d'en savoir davantage.
Andromeda la dévisageait, sourcils froncés.
« Nymphadora… » hésita sa mère.
« Ne m'appelle pas comme ça. » grinça-t-elle, tirant sur l'élastique qui retenait ses cheveux en queue de cheval avec agacement. Elle ébouriffa les mèches courtes par réflexe.
Andromeda ouvrit et referma la bouche avant de se racler la gorge et de reporter son attention sur son patient.
« Tu as retrouvé tes pouvoirs. »
Un instant, Tonks demeura interdite avant de tirer sur une mèche et de pousser un grognement en la trouvant d'un rouge sombre.
Était-il encore utile de garder le secret, cependant ? L'espion savait qu'ils étaient après lui à présent, et, bien que ses pouvoirs puissent constituer un avantage non négligeable, Tonks était fatiguée de les dissimuler. N'en déplaise à Severus, elle n'était pas une Serpentard. Elle appartenait à Poufsouffle et elle n'avait aucun goût pour les machinations et autres manipulations.
« Oui. » répondit-elle, dans un haussement d'épaules. Grâce à Severus, aurait-elle voulu rajouter. Elle garda le silence. Un jour, peut-être, expliquerait-elle tout à Andromeda mais pas ce jour là.
Sa mère n'insista pas. Elle se contenta de presser un baiser au sommet de son crâne en passant et la laissa tranquille.
Le temps avait parfois des propriétés étranges. Il sembla s'étirer comme un élastique
« Tu n'as pas intérêt à mourir. » chuchota Tonks avec un agacement certain. « Je te jure que si tu meurs, je vais te botter le cul. »
« C'est exactement ce que j'ai dit. »
Pour la troisième fois, ce soir là, elle sursauta. Quelle fantastique Auror elle faisait.
Harry lui adressa une grimace d'excuse et alla se percher au pied du lit de l'espion, prenant garde de ne pas le secouer.
« Enfin, je ne l'ai pas dit comme ça. » plaisanta le garçon. « Il peut dire ce qu'il veut, je ne suis pas suicidaire. »
Il était clair qu'il faisait un effort et Tonks se força à sourire en réponse.
« Il est un peu ridicule avec ça. » admit-elle. « Il parle comme s'il sortait d'un roman de Jane Austen. Il s'habille comme s'il sortait d'un roman de Jane Austen. »
« Je n'ai jamais lu Jane Austen. » avoua l'adolescent.
« Moi non plus. » répondit-elle avec un clin d'œil. « J'ai vu les films. Bien plus intéressants. »
Harry sourit mais cela ne dura pas longtemps. Il baissa les yeux, gardant le regard rivé à ses chaussures. « S'il meurt… »
« Il ne va pas mourir. » jura-t-elle. Elle sentit sa magie crépiter en elle sous la force de cette promesse et elle se pencha pour agripper la main du Gryffondor. « Harry, regarde-moi. » Elle attendit qu'il lève les yeux pour sourire avec assurance. « Il ne va pas mourir. »
L'adolescent pressa sa main, son sourire s'affirmant quelque peu.
