Enjoy & Review!


And you call me up again just to break me like a promise
So casually cruel in the name of being honest
I'm a crumpled up piece of paper lying here
'Cause I remember it all, all, all
Too well

All Too Well –Taylor Swift

Et tu me rappelles uniquement pour me briser comme une promesse
Tellement cruel sous prétexte d'être honnête
Je suis un bout de papier froissé jeté là
Car je me souviens de tout
Trop bien

All Too Well – Taylor Swift


Chapitre 36 : Break Me Like A Promise


« Le mouvement doit être plus précis, je te l'ai déjà dit. Fais davantage attention. » le rabroua le Maître des potions.

Harry prit une profonde respiration et s'appliqua à corriger son geste. Il remua lentement la potion dans le sens des aiguilles d'une montre, tâchant de faire de son mieux de ne pas trahir son irritation.

Mais ça devenait difficile.

Cela n'aidait pas que le laboratoire personnel de Severus soit si profondément enfoncé sous les cachots qu'il n'y avait pas le moindre bruit. L'atmosphère n'était pas seulement pesante, elle était étouffante – et elle ne les aidait sans doute pas à contenir leur agacement respectif. Sans distraction, il était difficile de se concentrer sur autre chose que sur la tension qui régnait dans la pièce.

« La couleur est correcte bien qu'elle me semble trop aqueuse. » marmonna le Professeur, en lorgnant dans le chaudron par-dessus son épaule. « Tu as mal nettoyé les yeux de triton. Je t'avais pourtant bien indiqué… »

« Que s'il restait ne serait-ce qu'un millimètre de membrane sur les yeux de tritons alors la potion serait fichue. » termina-t-il impatiemment. « Oui, vous me l'avez dit hier. Et avant-hier. Et avant-avant-hier. »

« On aurait pu alors penser que cela te serait resté en tête. » rétorqua immédiatement l'homme avec agacement. « En l'état… »

Harry en avait assez.

Il posa avec un peu trop de force la louche en argent pur sur la table.

« Je ne t'ai pas demandé d'arrêter de remuer. » gronda Severus. « Si tu… »

« Vous ne faites que me critiquer. » l'interrompit Harry. « Si vous n'êtes pas content, trouvez-vous un autre assistant. Je suis sûr qu'Hermione sera ravie de vous aider. »

Mais ce n'était pas si simple que ça. Parce que Hermione n'était pas un membre de l'Ordre ou au courant de tout alors qu'Harry, lui, en savait juste assez pour être utile. Malheureusement, il n'avait pas le niveau nécessaire en potions pour satisfaire les exigences de Severus. D'un autre côté, les exigences de Severus étaient si exagérées qu'il en venait à penser que même Slughorn ou un autre Maître des Potions ne les aurait pas remplies.

Ce n'était jamais assez bien coupé ou assez précis ou le geste était trop rapide ou trop lent ou bien les quantités n'allaient pas…

Harry s'échinait à la patience car il savait à quel point Severus était frustré de ne pas pouvoir le faire lui-même et il connaissait l'importance de percer le secret de la potion qui permettait aux loups-garous de se transformer en dehors de la pleine lune.

Mais il avait ses limites.

« Surveille ton ton. » siffla le Professeur, en le fusillant du regard. « Je t'autorise une certaine souplesse mais je ne tolère pas l'insolence et tu le sais très bien. »

La mâchoire contractée, Harry prit une nouvelle inspiration et se força à occluder une grosse partie de son irritation.

Il savait à quel point Severus était pénible lorsqu'il était question de potions – l'adulte comme l'adolescent – toutefois cela avait été gérable lorsqu'il avait commencé à lui apporter son aide après son hospitalisation. Cependant, depuis une semaine…

Harry pouvait comprendre.

L'excursion où ils avaient détruit l'horcruxe n'avait pas été une partie de plaisir pour lui non plus.

Mais tout de même… Depuis ce soir là, Severus était…

« Ça fait une semaine que vous êtes d'une humeur de chien. » lâcha-t-il, grinçant un peu des dents. « Et ça m'énerve. On sait tous les deux comment ça finit dans ces cas là alors autant que j'aille prendre l'air et que vous… »

Il ravala le reste de sa phrase avant d'avoir pu lui conseiller d'avaler une potion calmante. Malheureusement, il n'avait pas meilleur conseil à prodiguer et donc il laissa sa voix en suspens.

Le regard de Severus se fit plus dur mais, progressivement, l'irritation et la frustration disparurent de son visage au profit d'un masque lisse et froid.

Fût un temps où le Maître des Potions lui aurait arraché la tête avant de penser à occluder – ou après d'ailleurs – preuve qu'ils faisaient des progrès.

« Cinq points en moins pour Gryffondor pour ton manque de respect. » lâcha le Professeur. Ses yeux noirs rencontrèrent brièvement les siens avant de se détourner vers la potion. « Toutefois… J'entends. »

Harry le regarda jeter un sort de stase, bras croisés, peu préoccupé par les points qu'il venait de perdre. Personne ne se préoccupait plus de la Coupe désormais, pas depuis la Trêve.

« L'homme dans la brume, ce soir là, celui avec la… » hésita-t-il.

« Cela ne te regarde pas, Harry. » cingla Severus.

S'il avait eu besoin d'une confirmation qu'il s'était s'agit de Tobias Snape, elle était là. Severus était renfrogné depuis ce soir là, trop prompt à prendre la mouche, déterminé à tout prendre comme une attaque personnelle… Harry connaissait ses mécanismes de défense presque aussi bien que les siens. Ils avaient tous les deux une certaine tendance à repousser les personnes qui les aimaient lorsqu'ils en avaient le plus besoin.

D'un geste qui était devenu presque un réflexe ces derniers jours, il retraça du pouce l'épaisse bague passé à son majeur gauche. Il portait le sceau des Prince comme un talisman, le symbole de la vie qu'il pouvait avoir si… Mais il savait, même si Severus ne voulait pas l'accepter, que cette vie était hors de portée. Voir un horcruxe de près, le détruire, n'avait fait que renforcer cette conviction.

« Sev… » hésita-t-il une nouvelle fois, peu certain de comment aborder la question de Tobias.

« Ne me confonds pas avec mon double. » gronda l'homme, en se détournant dans un claquement de cape pour aller inspecter un bocal sur l'une des étagères. « Il se plaisait peut-être à s'épancher auprès de toi mais ce n'est pas mon cas. »

Harry profita qu'il avait le dos tourné pour lever les yeux au ciel.

Personne n'aurait jamais pu accuser Severus Snape, jeune ou vieux, de s'épancher sur qui ce soit.

« Très bien. » lâcha-t-il sans chercher à dissimuler davantage son agacement. « J'ai des trucs à réviser et on n'avance pas de toute manière, donc… »

« Très bien. » répéta Severus sur le même ton.

Harry récupéra son sac au fond de la pièce et s'éclipsa sans un regard en arrière.

Il aimait cet homme comme un père mais Merlin savait qu'il pouvait être insupportable.

Il lui fallut dix bonnes minutes pour sortir des cachots et, une fois dans le hall d'entrée, il renonça à l'idée de monter les étages jusqu'à la bibliothèque. Ron lui avait dit qu'il allait y rejoindre Lavande et quelques autres mais il savait aussi qu'Astoria, Ginny et Luna avaient décidé de profiter du beau temps, tout relatif qu'il soit.

Toujours un peu agacé et plus que frustré par le comportement de l'ancien espion, il s'aventura dans le parc, prenant la direction du lac lorsqu'il n'aperçut pas les quatrième année dans la masse d'élèves qui s'étaient appropriée la pelouse humide.

Il tomba sur Malfoy, appuyé à un arbre, les mains dans les poches et la chemise retroussée jusqu'aux coudes, qui observait Hermione faire les cent pas un peu plus loin. Un simple regard à sa meilleure amie indiqua à Harry qu'il valait mieux la laisser tranquille. Elle marmonnait tout en marchant, ses yeux jetaient des éclairs et ses cheveux, rassemblés à la vite en un chignon lâche sur le haut de sa tête, semblait s'échapper un peu plus à chaque pas, évoquant à Harry l'image d'une gorgone.

« Qu'est-ce qu'il lui arrive ? » demanda-t-il, rajustant la bandoulière de son sac sur son épaule. Il était trop lourd, il aurait dû laisser quelques livres dans sa chambre, dans les appartements de Severus.

« Elle est allée voir McGonagall pour savoir pourquoi nous n'avions toujours pas les dates des examens. » soupira Malfoy.

Harry fit la grimace. « Laisse-moi deviner… »

« Le Ministère n'a toujours pas communiqué à ce sujet. » confirma Malfoy. « Et cela la rend folle. »

Hermione ne semblait pas l'avoir aperçu, tout entière à son monologue selon lequel il était honteux de laisser les élèves dans une telle incertitude, et que ce se passerait-il si les examens finissaient par être annulés ? Harry décida de battre en retraite.

« Bonne chance. » se moqua-t-il, en faisant un pas en arrière.

Il n'alla pas plus loin.

Malfoy attrapa son poignet et, parce que sa main retenait la bandoulière de son sac, il ne parvint pas immédiatement à échapper à sa poigne. Le Serpentard le lâcha avant qu'Harry ait put faire quoi que ce soit pour se débattre.

« Ce n'est pas le sceau des Potter. » remarqua l'autre garçon, avant de reporter son attention sur sa petit-amie comme si rien ne s'était passé.

La bague, réalisa Harry, il avait juste voulu mieux voir la bague sur laquelle il avait lorgné toute la semaine. Ron et Hermione y avaient à peine prêté attention mais tous les Serpentards de leur groupe d'amis – et quelques Sang-Purs des autres Maisons – avaient, eux, tous fait preuve d'un certain intérêt. Aucun aussi ouvert que celui de Malfoy, cependant.

« Non. » grinça-t-il. « Je ne sais pas où il est. »

Probablement dans son coffre à Gringott.

Ça n'avait pas grande importance, de toute manière, il ne portait pas le sceau parce qu'il voulait que tout le monde sache qu'il était le Chef de famille ou quelles que soient les raisons pour lesquelles les Sang-Purs faisaient toujours des effets de manches pour mieux exposer leurs armoiries.

« Ce n'est pas celui des Black non plus. » insista Malfoy d'une voix calme, presque lasse, comme s'il ne venait pas d'à moitié lui tordre le bras pour mieux assouvir sa curiosité.

« Non. » répondit-il encore, tout aussi laconique.

Severus n'avait pas dit que c'était un secret et il n'avait pas fait un seul commentaire de la semaine sur le fait qu'Harry portait la bague, bien qu'il soit trop attentif à tout – contrarié ou non – pour ne pas l'avoir remarqué. Toutefois, c'était devenu tellement une seconde nature pour le Survivant de toujours cacher la vérité…

Le Serpentard observait à présent ouvertement la bague à son doigt avec un air pensif, concentré. Son expression s'éclaircit soudain avec satisfaction. « Ce sont les armoiries des Prince. »

Harry ne doutait pas que Lucius ait obligé son fils à apprendre par cœur toutes les armoiries de toutes les familles Sang-Pures – après tout, Snape l'avait plus ou moins contraint à en faire de même au début de leur séjour dans le passé.

« Malfoy, mêle-toi de tes affaires. » grinça-t-il.

« Ce sceau n'a aucune valeur, la lignée des Prince s'est éteint. » continua pourtant le Serpentard de ce même ton songeur, comme s'il réfléchissait à voix haute. « La Maison a disparu lorsque le vieux Prince a refusé de passer le titre à… » Le garçon s'interrompit brusquement et lui jeta un regard perçant. « Ce sceau n'a aucune valeur, Potter. »

Harry supposait que Malfoy n'ignorait pas qui était le dernier descendant de la lignée des Prince.

« Peut-être pas pour toi. » rétorqua-t-il avant de s'éloigner à grandes enjambées.

Il tourna et retourna la bague autour de son doigt tout en marchant vers le château.

Ce sceau n'avait peut-être aucune valeur légale mais, à ses yeux, il était l'une de ses plus précieuses possessions, au même titre que les dessins de sa mère, la cape ou la carte des Maraudeurs.

Le sceau était une promesse.

Avec un soupir rageur parce qu'il aurait aimé se draper de sa fierté mal placée plus longtemps, il traversa le hall d'entrée et monta les marches quatre à quatre jusqu'à atteindre la Salle de Défense.

Il n'était pas certain d'y trouver son parrain. Après tout, c'était le week-end et Sirius avait sans doute mieux à faire de son temps libre que de s'enfermer dans sa salle de classe. Il entra sans frapper mais s'immobilisa sur le seuil en apercevant l'Animagus assis derrière le bureau au fond de la pièce. Le sorcier leva la tête, alarmé par son entrée fracassante, et lui sourit immédiatement avec un plaisir évident.

« Harry ! » s'exclama-t-il, reposant sa plume dans l'encrier. « Dis-moi que tu viens me sauver de la paperasse ! McGonagall a menacé de me transformer en carpette si je ne commençais pas à noter ces copies mais je suis sûr qu'elle comprendrait si j'avais une urgence familiale. »

Harry laissa échapper un petit rire parce qu'il était un peu drôle de voir son parrain être contraint d'agir en enseignant responsable. Le rôle lui allait bien, cependant, et, pour l'instant, bien qu'il aille mieux, Severus n'avait pas émis le souhait de reprendre son poste. Tout son temps libre, il le passait le nez dans les grimoires, à essayer de résoudre l'énigme des loups-garous ou à chercher à en apprendre plus sur les horcruxes.

Ce qui, étant donné qu'il était dans l'impasse autant sur projet que sur l'autre, n'améliorait probablement pas son humeur, réalisa Harry.

« J'ai un service à te demander. » déclara-t-il, en s'approchant du bureau. Il se percha sur une des tables au premier rang, hésitant un peu à aller jusqu'au bout de son idée loufoque.

« Tout ce que tu veux. » répondit immédiatement Sirius. « Quoi que je ne suis pas sûr que Snape approuverait que je t'achète un nouveau balais de course si c'est ça ton plan. »

Harry se força à sourire mais ça ressemblait plus à un rictus et la plaisanterie tomba à plat.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? » demanda son parrain lorsqu'il tarda un peu trop à s'expliquer. Le sorcier se leva de sa chaise pour venir s'appuyer de l'autre côté du bureau. Cela réduisit la distance entre eux et lui donna l'impression que la discussion était devenue plus personnelle. « Harry, tu sais que tu peux tout me dire. »

L'adolescent tourna et retourna le sceau autour de son doigt.

Cela lui avait paru une bonne idée quelques minutes auparavant mais, à présent, il doutait du génie de son plan. Severus verrait-il ça comme une trahison ? D'un autre côté, si l'homme refusait de lui parler à lui, vers qui d'autre allait-il se tourner ? Il ne faisait plus confiance à Dumbledore, ne se laissait probablement pas aller aux confidences avec McGonagall et Tonks… Harry n'aurait pas su comment seulement aborder la question avec Tonks. Il n'allait pas écrire à la jeune femme pour lui demander si elle voulait bien sauver le Maître des Potions de son entêtement à toujours tout vouloir garder pour lui.

« C'est le sceau des Prince ? » s'enquit Sirius, d'un ton un peu trop détaché.

Sans doute que lui aussi avait dû étudier des blasons dans sa jeunesse, grimaça intérieurement Harry.

« Oui. » confirma-t-il, avant de se racler la gorge. « Severus… Il m'a proposé de… Euh… »

Il n'était pas certain de comment terminer sa phrase. Sirius vouait un tel culte à James qu'il ne voulait pas le blesser ou l'offenser.

« Il t'a proposé de t'adopter. » devina son parrain après quelques secondes de silence. Le ton du sorcier était délibérément neutre mais il n'y avait aucune véritable surprise sur son visage, à peine de la résignation qui disparut rapidement lorsqu'il se força à sourire. « Si tu voulais me demander mon autorisation… Une fois que les papiers de tutelle seront passés et que tu seras officiellement sous ma garde… Je ne sais pas exactement quelles sont les démarches mais je suppose que Snape se sera renseigné. » Sirius détourna brièvement les yeux. « J'aimerais que tu passes quelques semaines chez moi l'été. Si tu le souhaites, bien sûr. Et puis… Je voudrais que tu m'aides à choisir une maison quand tout ça sera fini, je veux acheter quelque chose qui te plaise, où tu te sentiras bien. Snape est d'accord, je lui ai déjà demandé. »

Harry resta assis là, un peu choqué.

Il n'avait pas prévu de demander à Sirius son autorisation, à vrai dire, mais c'était bon de l'entendre dire qu'il ne comptait pas si opposer ou rendre la chose difficile.

« James… » Sirius fit la grimace puis soutint à nouveau son regard, son sourire un peu plus sincère. « James aurait voulu ce qu'il y a de mieux pour toi et je sais… »

Il haussa les épaules sans terminer sa phrase.

« Merci. » offrit-il, parce qu'il aimait à penser que James – un James plus mature que celui qu'il avait rencontré dans le passé – aurait approuvé tout ça mais il était bon de se l'entendre confirmer de la bouche de son parrain.

Un parrain un peu trop perspicace et qui le regardait avec un peu d'amusement. « Mais ? »

Harry se frotta la nuque, un peu gêné. « Mais ce n'est pas de ça que je voulais te parler. »

« Ah. » grimaça Sirius. « Eh bien… »

« Mais j'apprécie ce que tu as dit. » promit-il. « Ça compte pour moi, ce que tu penses. »

Peut-être pas autant qu'avant mais il ne pouvait pas nier que Sirius faisait des efforts.

Son parrain hocha la tête, força un sourire qui n'atteignit pas ses yeux, et s'efforça de prendre un ton enjoué qui sonnait un peu faux. « Alors que puis-je pour toi ? »

Harry était de moins en moins persuadé que c'était une bonne idée.

Néanmoins…

« Severus et toi, vous êtes amis maintenant ? » demanda-t-il, d'un ton hésitant.

Sirius leva les yeux au ciel. « Est-ce qu'il sait seulement ce que c'est d'avoir des amis ? On est alliés, si tu l'écoutes, mais tu n'as pas besoin de t'inquiéter. Je tiens trop à toi pour faire quoi que ce soit qui… »

Harry fit un geste de la main pour interrompre ce qui ne serait qu'une nouvelle promesse de ne pas tout gâcher entre eux. Il le croyait sur ce point là.

« Admettre que tu es son allié, c'est déjà énorme pour lui. » expliqua-t-il. Et, à nouveau, il avait l'impression de le trahir rien qu'en admettant si peu. « Écoute… Il ne veut pas me parler, mais je sais qu'il y a quelque chose qui ne va pas. »

C'était frustrant mais d'un autre côté…

Lui et Snape-Prince n'avaient jamais eu la même relation que lui et Severus.

Il savait avec certitude que Severus ne se confierait pas à lui parce que, dans son esprit, il était responsable de lui. Il était son père, pas son ami. Et c'était normal, supposait-il.

Seulement, Harry restait persuadé qu'il avait tout de même besoin d'un ami.

Sa relation avec Dumbledore était trop compliquée, celle avec Tonks… Harry ne voulait même pas essayer de s'en mêler… Sirius était ce qui s'approchait de plus d'un ami, pour l'instant, aussi improbable que cela semble.

« Il est têtu comme un hippogriffe. » soupira Sirius. « Mais je veux bien essayer. »

°O°O°O°O°

« Impensable. » décréta Severus, en ressemblant en un tas méticuleux les parchemins qu'ils venaient d'étudier. « Autant envoyer directement un hibou au Seigneur des Ténèbres pour l'informer de nos intentions. »

Derrière son imposant bureau, la sous-directrice fit la moue.

Severus n'était pas aussi inconscient de ses regards noirs qu'il s'efforçait de le paraître. La réunion avait été rapide et efficace car ils étaient toujours rapides et efficaces lorsqu'il était question de la gestion de l'école mais Minerva était bien plus agacée à présent qu'elle ne l'avait été lorsqu'il s'était présenté à la porte de son bureau à l'heure convenue.

« Il me semble optimiste de penser que nous pouvons évacuer l'école avec un minimum d'efficacité sans préparer les élèves à l'avance. » insista-t-elle. « Et ce sans parler du corps professoral chargé de les escorter. Ce ne seront pas nos professeurs les plus capables en cas de crise, Severus. » Elle claqua la langue avec agacement et se resservit une tasse de thé après avoir réchauffé la théière d'un coup de baguette. « J'aurais presque préféré qu'Horace décide d'évacuer avec eux. Il n'est peut-être pas le plus fiable dans une salle de classe mais je lui fais davantage confiance qu'à Sybil Trelawney pour mener cette opération à bon port. »

Il devait admettre qu'elle marquait un point. Il hocha la tête lorsqu'elle plaça la théière au-dessus de sa tasse vide en guise de question tacite.

Ses mains étaient relativement stables lorsqu'il attrapa la hanse de la tasse et la porta à ses lèvres, réfléchissant au problème. Minerva et Flitwick avaient fini de renforcer le tunnel sous les cachots qu'ils prévoyaient d'utiliser pour évacuer l'école le cas échéant et il était temps d'envisager sérieusement les choses.

Les Mangemorts continuaient leurs attaques éclairs qui ne paraissaient avoir pour but que de semer le trouble, la peur et la confusion dans le pays mais il semblait bien trop optimiste de penser que cela allait durer encore longtemps.

Le Ministère et Poudlard étaient les deux prochaines cibles évidentes.

« Utilisons la Grande Salle comme point de rassemblement. » suggéra-t-il, après avoir pris une gorgée de thé un peu trop sucré à son goût. « Cela suffira à entraîner les élèves à se regrouper et elle est suffisamment près des cachots pour qu'il soit facile de les y guider le moment venu. » Il réfléchit un moment avant de soupirer. « Il serait toutefois prudent de s'assurer que Sybil et les autres soient en mesure de naviguer ces tunnels les yeux fermés. Il faudra également prévoir que l'un d'entre nous se charge de la supervision globale… Si l'école est attaquée vous et moi devrons immédiatement rejoindre nos positions et il en va de même pour Filius et Pomona. »

« Albus devrait pouvoir s'en charger. » décida Minerva. « Après tout, il voulait pouvoir être mobile, autant qu'il se rende utile. »

Severus étouffa un bruit amusé avant de reposer sa tasse de thé dans un cliquètement de faïence trop prononcé. Les tremblements de ses mains n'étaient peut-être pas aussi évidents ce jour là mais cela ne signifiait pas que le problème avait disparu – comme en attestait la canne qu'il avait appuyée contre le bureau.

Il fit un effort pour ne pas fixer l'objet trop longtemps du regard.

L'emmener lorsqu'il se déplaçait, que sa jambe le gêne ou non, était une décision logique. Ou, du moins, c'était ce dont il tentait de se convaincre depuis leur chasse à l'horcruxe. S'il n'en avait pas besoin, tant mieux, mais si sa jambe recommençait à lui faire défaut… Et puis, il lui avait apporté de petites modifications qui, le cas échéant, pourraient s'avérer utiles.

« Vous a-t-il informé de l'identité du mystérieux personnage qui est censé servir d'ancre à sa place ? » s'enquit-il.

Minerva secoua la tête, l'observant par-dessus ses lunettes carrées. « Je présume qu'il s'agit d'Abelforth. »

« N'oubliez pas de conseiller à Hagrid de rentrer ses chèvres. » ironisa-t-il.

« Severus, voyons. » gronda Minerva, sans parvenir à cacher un certain amusement. « Plaisanteries mises à part, je ne vois pas qui d'autre cela pourrait être. »

« Est-on sûr qu'il a la puissance magique nécessaire ? » insista-t-il. Il n'avait jamais beaucoup côtoyé le frère d'Albus et l'homme n'appartenait même pas à l'Ordre. Il aurait préféré plus de clarté lorsqu'il était question de la sécurité de l'école. « Il serait bon de s'en assurer. Et bon également de s'assurer qu'il sache jeter le sortilège… L'improvisation n'est pas de mise. »

Minerva agita la main en guise d'invitation un peu ironique. « Je vous en prie, posez donc la question à Albus, mais bonne chance pour obtenir une réponse. Il est particulièrement évasif cette semaine. Il n'y a pas moyen d'obtenir quelque chose de lui. Faites au mieux, Minerva semble être tout ce qu'il a à la bouche et je suis persuadée qu'il n'écoute rien de ce que je dis. »

Frustré, Severus leva les yeux au ciel. « Se souvint-il seulement qu'il est censé diriger cette école ? Je pensais pourtant que le Ministre préférait se passer de ses services autant qu'il le puisse… »

« Quoi qu'il fabrique dans son bureau, je ne pense pas que cela ait un rapport avec le Ministère. » répondit-elle. « Car si c'était le cas, je saurais quoi dire à mes élèves à propos des examens. »

Il se frotta le visage. « Ah, vous aussi… Je ne peux pas faire un pas hors de mon bureau sans être assailli par des septièmes années. »

« Ou Hermione Granger. » ironisa-t-elle, tout en prenant une nouvelle gorgée de thé. « Cependant, je ne peux pas les blâmer. Nous devrions déjà avoir des dates. Nous devrions déjà avoir commencé au moins les A.S.P.I.C.s. »

« Vous savez comme moi que le Ministère ne va pas organiser les examens cette année. » objecta-t-il. « Tout du moins, pas avant l'été. »

La situation était bien trop précaire, requérait l'attention et la collaboration de la plupart des Départements, et les examens étaient loin d'être la priorité. Il n'était plus question de donner le change et de préserver les apparences. Severus n'était même pas certain qu'ils aient assez d'examinateurs. Entre les victimes de la guerre, ceux qui avaient préféré fuir le pays et les gens qui avaient choisi de faire profil bas… Sans compter que Pouldard avait perdu une bonne part de ses effectifs dans l'exode qui frappait le Royaume-Uni.

« Dans ce cas, ils devraient tout simplement l'annoncer officiellement. » rétorqua la sous-directrice. « Ou nous autoriser à les organiser en interne. »

L'avis de Severus n'était pas aussi tranché sur la question. « Se préparer aux examens donne une occupation aux élèves, ce qui n'est pas plus mal. »

« Les vacances d'été approchent. » remarqua-t-elle.

Il préférait ne pas y penser.

Black n'avait toujours pas reçu de réponse officielle du Ministère et Severus refusait tout simplement d'imaginer devoir renvoyer Harry chez les Dursley, dut-il le kidnapper pour éviter la chose. Il s'attendait toutefois à ce qu'Albus lui mette des bâtons dans les roues à ce sujet.

Une préoccupation de plus qui devrait néanmoins attendre pour être adressée.

« Y avait-il autre chose ? » s'enquit-il, soudain las.

Minerva l'observa un moment, avant de se racler la gorge. « Comptez-vous reprendre votre poste d'ici à la fin de l'année ? Ne vous méprenez pas, je sais que vous travaillez pour l'Ordre et Sirius fait de l'excellent travail bien qu'il ne paraisse pas avoir compris que les évaluations ne sont pas optionnelles. S'il vous faut davantage de temps… »

Encore une autre question à laquelle Severus évitait de penser.

Physiquement, il était aussi remis qu'il était susceptible de l'être. Sa jambe continuerait à lui donner du fil à retordre pour le reste de sa vie et les nerfs de ses mains avaient des jours meilleurs que d'autres. Sa magie, elle, en revanche, était pleinement sous contrôle et rien ne l'empêchait donc de retourner en classe.

En théorie, rien ne lui interdisait de reprendre son poste. Il avait d'hors et déjà soulagé Slughorn de son rôle de Directeur de Maison et avait, plus d'une fois, débarrassé Minerva de la paperasse qui s'accumulait au cours des derniers jours.

En pratique…

En pratique, il estimait son temps mieux employé à plancher sur le problème des horcruxes et des loups-garous.

Bien que, sur la question des loups-garous, ses progrès soient très, si ce n'était trop, lents.

S'il n'avait pas eu besoin de l'assistance d'Harry… S'il avait pu se débrouiller seul

« Severus ? » insista Minerva.

Ses yeux noir se reportèrent sur la sorcière.

Combien de temps s'était-il perdu dans ses pensées ?

« Je pourrais décharger Horace de ses cours de premières années et deuxièmes années. » suggéra-t-il. Cela devrait être faisable. Il y avait plus de théorie que de pratique à l'enseignement des potions, après tout, surtout au plus faible niveau. Il ne serait pas obligé de démontrer quoi que ce soit.

« Vous voulez reprendre les cours de Potions ? » s'étonna-t-elle. « Je pensais plutôt à la Défense. »

Il ne savait pas comment lui expliquer qu'il n'était pas certain d'en être capable. Il pouvait encore se battre, il pouvait se défendre… Mais boiter dans une salle de classe, avoir à utiliser une baguette qu'il ne pouvait empêcher de trembler, affronter les regards d'adolescents qui l'avaient craint et qui le regardaient désormais avec pitié…

Il serait moins exposé assis derrière le bureau de sa vieille salle de potions.

Et les plus jeunes élèves se tiendraient plus facilement cois.

« À quoi d'autre suis-je bon ? » railla-t-il avec rancœur.

Il détourna la tête car il ne voulait pas voir la pitié sur son visage.

« Severus. » le sermonna-t-elle sans aucune douceur.

« Il n'y a rien d'autre à en dire, Minerva. » l'avertit-il, en se levant. Il ignora la canne et traversa la pièce jusqu'à la fenêtre, le boitement à peine perceptible ce jour là. Il faisait beau à l'extérieur ou, du moins, le temps était plus clair qu'il ne l'avait été jusque là. Le parc était pris d'assaut par les adolescents.

« Que s'est-il passé vendredi dernier ? » exigea-t-elle de savoir, sans aucune trace de subtilité.

« J'ignore ce dont vous parlez. » mentit-il.

Dans le reflet de la vitre, il la vit lever les yeux au ciel.

« Albus vous a entrainés, Potter et vous, dans quelque aventure et depuis que vous êtes revenus, vous êtes tous les trois très revêches. » accusa-t-elle. « Albus a passé le plus gros de la semaine enfermé dans son bureau, Potter a son air mélancolique des grands jours, et vous… Lorsque vous n'êtes pas de fort méchante humeur, ce qui est la plupart du temps, pour votre gouverne, vous broyez du noir. »

Il laissa échapper un bruit faussement amusé. « Je vais parfaitement bien. »

Le regard de la sous-directrice était si intense qu'il lui brûlait la nuque.

« Nous n'avons pas parlé de la protection des Aurors autour du château. » déclara-t-elle un peu brusquement. « D'ordinaire, Tonks me consulte une ou deux fois par semaine pour mieux organiser la chose mais je ne l'ai pas vue de la semaine. »

Subtile, la Directrice de Gryffondor ne l'était pas.

Il garda sagement le silence, occludant rapidement les émotions dérangeantes avant de perdre son calme.

Il n'avait guère apprécié l'impertinence d'Harry un peu plus tôt mais il ne pouvait non plus nier que le garçon avait raison. Il avait été exécrable toute la semaine malgré ses efforts pour protéger l'adolescent du pire et ce n'était certainement pas la faute d'Harry si…

« Auriez-vous une idée de quand Tonks reviendra à Poudlard ? » insista Minerva.

« Je n'y compterais pas. » cracha-t-il.

Il renforça d'autant plus ses boucliers mentaux mais ne put cacher un mouvement d'humeur.

Il n'avait reçu ni message, ni visite de la jeune femme or il était inhabituel qu'elle reste si longtemps sans donner de nouvelles. Il savait, pour avoir discrètement soutiré l'information à Black, qu'elle allait bien donc la conclusion logique était qu'elle ne voulait pas lui parler.

Le soupir de la sous-directrice était plus déçu qu'autre chose. « Severus, qu'avez-vous fait ? »

« Qu'ai-je fait ? » répéta-t-il, perdant momentanément le contrôle de ses émotions. Il se tourna vers elle dans un claquement de cape, laissant libre cours à la colère qui couvait depuis une semaine. Tout n'était pas à cause de Nymphadora, non… Il y avait Tobias et ses anciennes victimes… Et les cauchemars qui… « Pourquoi conclure si vite que je suis en tort, Minerva ? »

La vieille sorcière se contenta de s'enfoncer un peu plus dans son fauteuil et de lever un sourcil qui en disait long.

Serrant la mâchoire pour ravaler des mots qu'il ne pourrait effacer, il se retourna vers la fenêtre et se replia à nouveau derrière ses boucliers mentaux.

Tout avait été tellement plus simple avant, lorsqu'il pouvait s'abriter derrière des boucliers qui le protéger de sentiments bien trop compliqué à gérer…

« Je suis certain que l'Auror Tonks ne négligerait pas ses responsabilités. Si vous lui envoyez un hibou, elle vous fera sans doute parvenir un planning mis à jour. » déclara-t-il, plus posément. « Elle a sans doute oublié. »

Minerva, cependant, n'avait visiblement pas véritablement grand-chose à faire des Aurors.

Il n'était pas particulièrement étonné.

« Severus… » avança-t-elle doucement. « Pardonnez-moi d'être franche mais quoi qu'il se soit passé… »

« Il ne s'est rien passé. » la coupa-t-il sèchement.

« Elle a fait le trajet tous les soirs lorsque vous étiez à l'infirmerie. Je vous ai vus ensemble, mon garçon. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir votre attachement mutuel. » rétorqua-t-elle.

Il réprima un nouveau mouvement d'humeur mais s'enfonça dans sa colère.

La colère était une amie familière.

Et elle était bien plus simple à gérer que la tristesse qui se cachait sous la couche épaisse de ses boucliers, que l'impression de gâchis.

« Rien n'est irrémédiable que la mort, Severus. » le réprimanda-t-elle. « Je suis certain que… »

« Dites-moi… » l'interrompit-il dans un sifflement. « En quoi est-il mal de dissimuler à quelqu'un une information qui vous concerne personnellement et qui ne ferait que lui causer de la détresse ? »

Minerva resta silencieuse un long, long moment et il eut la sensation désagréable que la réponse à sa question était si évidente qu'elle cherchait à la formuler sans l'offenser davantage.

« Cela dépend de la nature de la relation en question. » déclara-t-elle finalement. « Quelqu'un de très proche pourrait le prendre comme une trahison ou un manque de confiance. »

Il se pinça l'arrête du nez, fatigué et toujours aussi perdu qu'il l'avait été une semaine auparavant.

« Je vous connais trop bien pour vous demander de me confier de quoi il s'agit… » continua la sous-directrice. « Mais mettez vous une minute à sa place. Si elle vous avez caché la même information. Comment auriez-vous réagi ? »

Mal.

Très mal, certainement.

Cependant, il aimait à se penser rationnel et la grande partie de sa colère serait venue du fait qu'il aurait pu l'aider de par son expertise.

Nymphadora ne pouvait rien contre la Marque.

Logiquement, il n'y avait rien à gagner à l'informer de la chose mis à part de l'inquiétude.

Néanmoins, il se laissa également aller à imaginer l'espace d'une seconde qu'Harry lui cache quelque chose de similaire 'pour le protéger' comme il aurait été bien capable de le faire et.. Certes, il n'aurait pas mieux réagi que la jeune femme, qu'importe qu'il ait été en mesure d'agir ou non.

Bien entendu, cela lui fit également se rendre compte que si Harry apprenait la vérité sur la Marque, l'adolescent lui ferait certainement les mêmes reproches que Nymphadora.

Apparemment, il importait peu qu'il s'agisse de sa propre vie et, qu'en conséquence, il aurait dû être décisionnaire d'à qui il révélait l'information et quand.

Il entendit la sorcière se lever et se rapprocher mais ne bougea pas de la fenêtre, observant sans s'y intéresser les adolescents en contrebas. Ça ne l'empêcha pas de se tendre lorsqu'elle tapota son épaule en guise de réconfort.

« Allons, tout va s'arranger. » offrit-elle. « Ce n'est qu'une dispute sans conséquence. Certes, il vous faudra peut-être vous excuser platement et nous savons tous à quel point vous raffolez de présenter vos excuses mais… Vous survivrez, Severus. »

Il doutait que ce soit aussi facile que de présenter de simples excuses.

Des excuses n'avaient jamais suffi.

Selon son expérience, le pardon ne s'obtenait que chèrement.

°O°O°O°O°

Plus le repas avançait, plus Harry se disait qu'il aurait peut-être mieux faire d'aller dîner dans la Grande Salle avec les autres, quitte à affronter Malfoy et ses remarques sur les Prince.

Cependant, lui et Severus avaient leur habitudes le week-end et, s'il connaissait le Maître des Potions, ce dernier aurait pris son absence comme une déclaration de guerre – ou tout du moins un signe qu'il lui en voulait davantage qu'en réalité.

La soupe, au moins, était bonne. Qu'ils aient passé une demi-heure à la préparer en silence, un silence qui continuait à s'étirer inexorablement entre eux, gêné et gênant, n'enlevait rien à ses qualités. Néanmoins, à chaque rondelle de carotte, que Severus avait passé de longues minutes à minutieusement couper en tranches égales, qui atterrissait dans sa cuillère, Harry se demandait jusqu'à quand ils pourraient ignorer l'éléphant au milieu de la pièce.

Cinq minutes de plus et il décida que s'il n'était pas le premier à s'exprimer, ils finiraient sans doute le repas en silence, s'installeraient au salon dans ce même silence, et que cela pourrait durer des jours – ou, avec un peu de chance, jusqu'à ce que Sirius tienne sa promesse et n'essaye de lui faire cracher le morceau.

« Je suis désolé pour tout à l'heure. » offrit-il, les yeux rivés sur sa soupe. Il emprisonna le reste de son irritation derrière un mur de flammes et fit de son mieux pour que ses excuses sonnent sincères.

Il ne releva pas le regard lorsqu'il entendit Severus soupirer. « Je te dois également des excuses pour mon comportement. »

Harry leva des sourcils surpris mais garda bien sagement le silence et avala une nouvelle cuillerée de soupe. Il ne s'était pas attendu à ce que le Professeur admette ses torts. Lorsqu'il était de ce genre d'humeur, généralement…

« Je te suis reconnaissant de ton aide. » continua l'homme de sa voix trainante. « Mais j'ai également conscience de t'en demander trop. »

Le garçon posa hâtivement sa cuillère et leva les yeux vers le Maître des Potions qui l'observait avec embarras. « Ça ne me dérange pas de vous aider. »

C'était une bonne manière de passer du temps ensemble.

Et trouver du temps libre qu'ils pouvaient partager, entre ses divers cours particuliers avec Sirius, Remus et McGonagall, et les recherches du Maître des Potions n'était pas si simple.

« Je le sais. » acquiesça Severus. « Et il est indéniable que tu as fais d'énormes progrès en Potions depuis le début de l'année. Toutefois… A ce niveau de recherches, le travail serait délicat pour quelqu'un ayant ses A.S.P.I.C.s. »

C'était une manière bien polie et serpentarde de lui faire comprendre qu'il n'avait pas le niveau.

Harry ne put s'empêcher de se renfrogner. « Je peux faire plus d'efforts… »

« Le problème ne vient pas de toi mais de moi, Harry. » contra l'homme avec un nouveau soupir. « Tu pourrais être le potioniste le plus compétent du monde et je suis certain que je serais tout de même contrarié par ta performance. » Severus secoua la tête. Sur la table, sa main se referma plusieurs fois en un poing dans un geste qui paraissait inconscient mais reflétait certainement sa frustration au sujet des tremblements. « Il est sans doute temps d'admettre la défaite. »

Harry fronça les sourcils, choqué. « Avec la potion ? »

Ils avaient besoin de la potion. Tant que Voldemort avait l'avantage des loups-garous…

« Avec la méthode. » le corrigea le Professeur, comme si les mots lui arrachaient la bouche. « Il me faut l'assistance d'un autre Maître des Potions. »

Oh.

Harry en grimaça.

Voilà qui n'allait pas être drôle, surtout après que Severus lui ait arraché le souvenir des horcruxes par Legilimencie.

« Slughorn ? » demanda-t-il, quand même. Juste pour être sûr.

« Slughorn. » confirma Severus d'un ton dépité.

°O°O°O°O°

Tonks survola du regard une énième lettre qui accusait quelqu'un d'être un Mangemort et, avec un soupir, la posa sur la pile qu'elle estimait valoir une enquête un peu plus approfondie.

Elle s'était installée dans la salle de réunion car son bureau n'avait pas de fenêtre et lui donnait une impression de claustrophobie.

Tout, ces derniers jours, lui donnait une impression de claustrophobie.

La lumière avait suffisamment décliné cependant pour qu'elle ait allumé, d'un coup de baguette distrait, les torches et bougies parsemées ça et là dans la pièce. Il était tard, elle avait écouté ses collègues quitter peu à peu les lieux en lançant des 'au-revoir' et des 'à demain' il y avait déjà quelques heures, sans vraiment leur répondre.

Elle attrapa un autre parchemin, le parcourut rapidement et le jeta sur la pile des lettres qui seraient classées sans suite.

La communauté magique ne manquait ni de rancœurs, ni de personnes qui souhaitaient se venger de telle ou telle supposée offense. Les lettres de délations reçues par le Ministère se comptaient en centaine. Certains accusaient leur voisin, d'autres leur collègue, d'autres encore un membre de la famille qui leur avait sucré un héritage sous le nez… Séparer le vrai du faux était épuisant.

« N'avons-nous pas des gens pour ça ? »

Elle sursauta, refermant la main sur sa baguette et pivotant vers l'intrus avant même d'avoir reconnu le son de sa voix. Elle la reposa sur la table lorsqu'elle aperçut Scrimgeour dans l'entrebâillement de la porte vitrée et força un sourire poli.

« Monsieur le Ministre. » le salua-t-elle d'un hochement de tête.

L'ancien Auror dût prendre ça pour une invitation car il pénétra dans la salle de réunion et s'assit sur le siège voisin du sien, avant d'attraper une des lettres qui attendaient d'être étudiées. Il n'y jeta qu'un goût d'œil vaguement dégoûté.

« La nature humaine… » se lamenta-t-il.

Elle ne put qu'acquiescer. « Ce n'est pas joli, joli. »

« Non, et c'est pourquoi nous avons décidé de laisser les jeunes recrues trier ces courriers plutôt que de perdre le temps d'un Auror expérimenté. » remarqua le vieil homme, en reposant la lettre pour mieux l'observer elle. « Surtout lorsqu'il s'agit du numéro deux de mon Département. »

Elle rougit légèrement, sans savoir si c'était sous le coup du compliment ou du reproche sous-jacent.

« Il n'y a pas d'urgence pour le moment et j'étais en poste à Downing Street toute la journée. » se défendit-elle. « Et puis, justement, vous l'avez dit.. Nous n'avons pas assez d'Aurors expérimentés. Il se peut qu'il y ait quelque chose d'important dans ces lettres et… »

« Et, hier, vous avez passé en revue tous les rapports d'incidents qui n'avaient pas de rapport avec l'activité des Mangemorts. » l'interrompit-il. « Avant-hier, si je ne m'abuse, vous avez relevé un de nos nouveaux Aurors de sa patrouille sur le Chemin de Traverse en dehors de vos heures de service. Le jour d'avant, vous avez fait le tour de vos contacts au cas improbable où ils aurait une quelconque information utile… Dois-je continuer ? »

Qu'était-elle censée faire d'autre ? L'Ordre n'avait pas cru bon de lui confier une mission et, si d'habitude elle se rendait à Poudlard une à deux fois dans la semaine… Elle ne savait pas si elle y serait encore la bienvenue et, même si elle avait prit son courage à deux mains, elle n'était pas certaine de quoi dire. Et puis… Severus n'avait pas cherché à la joindre. Pas de hibou, pas de messages… Certes, ils n'avaient jamais échangé de lettres auparavant mais…

Elle n'était pas certaine de comment interpréter son silence.

Attendait-il qu'elle le contacte ? Le silence était-il un signe qu'il était lui aussi fâché ?

Elle n'était même pas sûre de ce qu'elle lui reprochait, au demeurant, ou de pourquoi elle avait réagi de la manière dont elle l'avait fait. Qu'il lui ait caché que sa Marque était un problème l'avait mise en colère mais qu'il en ait informé d'autres personnes avant elle l'avait blessée. Sur le coup, elle avait eu l'impression de ne pas compter autant pour lui qu'il comptait pour elle. Elle avait eut l'impression de…

C'était ridicule mais elle n'avait pu s'empêcher de repenser à la Nuit des Ténèbres, à la scène dans sa cuisine lorsqu'elle avait avoué ses sentiments à Remus uniquement pour s'entendre dire que c'était fini entre eux.

Au fond, elle était morte de trouille à l'idée que cela se reproduise, d'ouvrir son cœur uniquement pour le voir à nouveau réduit en bouillie.

« Je ne comptais pas faire passer ça en heures supplémentaires. » plaisanta-t-elle, pince-sans-rire, chassant de son esprit toute pensée de Severus. Elle supposait qu'elle le verrait le lendemain à la réunion de l'Ordre. Elle n'était pas certaine de comment elle aborderait la chose mais c'était un problème qui devrait de toute manière attendre. Le vendredi et le samedi, Harry passait généralement la soirée dans les appartements du Professeur, elle doutait qu'il apprécie qu'elle choisisse précisément ce jour là pour le contacter.

Ça arracha un ricanement au Ministre qui ajusta sa position sur le siège inconfortable, étirant sans manière la jambe qui l'handicapait parfois.

Elle fit un gros effort pour ne pas penser à un autre homme qui devait se faire à l'idée que son corps ne serait jamais aussi agile qu'autrefois. L'Occlumencie était un peu mais à chaque fois qu'elle occludait, elle se souvenait également de qui lui avait appris cette discipline et…

« Vous êtes une excellente Auror, Tonks. » déclara le Ministre. « Alastor était dithyrambique à votre sujet, vous savez. »

Elle détourna le regard, préférant le reposer sur les piles de lettres pour ne pas qu'il aperçoive les larmes dans ses yeux. Ce n'aurait pas été très professionnel.

« J'aurais dû… » lâcha-t-elle, sans trop savoir comment terminer sa phrase.

Scrimgeour attendit quelques secondes puis sembla avoir pitié d'elle. Son expression s'était faite compatissante mais il y avait toujours cette dureté dans son regard, cette force qui faisait dire à Tonks que de tous les Ministres qu'ils auraient pu avoir, l'ancien Auror n'était pas le pire. « Le sauver ? »

Elle serra les dents pour contrôler ses émotions, sachant pourtant que ses cheveux l'avaient déjà trahis. De violet, il avait sans doute tourné au brun terne qui était leur couleur naturelle.

« Je sais que ce n'est pas ma faute. Je ne me tue par à la tâche par culpabilité mal placée. » lâcha-t-elle. « Cette nuit là, c'était… Vous savez. Vous y étiez. »

Elle n'aurait pas été capable de décrire la bataille. Elle se souvenait juste avoir combattu chèrement pour sa peau. Tout le reste était flou.

Même ce qui s'était passé juste après était flou.

La seule chose dont elle se souvenait avec précision était le regard trahi de Severus lorsqu'elle avait, elle aussi, levé sa baguette vers lui, emportée par l'élan général de suspicion. Et puis la panique, après coup, lorsque Dumbledore avait dit…

« Il y a tant à faire. » soupira-t-elle, sans lui laisser le temps de répondre. Elle se frotta le visage, refusant d'admettre que ses yeux la piquaient de fatigue, qu'elle avait un peu trop tiré sur la corde dernièrement.

« Et trop peu de gens qualifiés pour le faire. » lui accorda Scrimgeour. « Néanmoins, vous ne pouvez pas continuer à travailler sur vos heures de repos. Vous ne tiendrez pas la distance, Tonks. » Le regard du Ministre s'était fait scrutateur. « Les bons Aurors ne comptent jamais leurs heures mais il doit y avoir une limite. » Il prit appui sur la table pour se relever, non sans une certaine souplesse, et se dirigea vers la porte. « Un conseil de la part d'un ancien Auror qui a sacrifié deux mariages à sa carrière… Vous noyez dans le travail ne solutionnera rien de vos problèmes personnels. Qui que ce soit qui vous attende, là-dehors, allez le retrouver. Les regrets ne sont pas de bonne compagnie. » Il s'arrêta sur le seuil et lui jeta un dernier regard, celui-ci un peu plus amusé. « Bien sûr, vous pouvez m'ignorer et peut-être qu'un jour vous finirez Ministre de la Magie et passerez vos nuit à étudier les plans d'Azkaban jusqu'à ce qu'ils soient imprimés sur vos rétines. »

Elle ne put s'empêcher de rire.

Mais lorsqu'il eut quitté la pièce, elle attrapa une nouvelle lettre et… Le cœur n'y était pas. Si elle était honnête avec elle-même, il n'y avait jamais été.

Scrimgeour avait raison sur un point : les regrets pesaient lourds.

Mais il était facile d'y remédier.

°O°O°O°O°

« Albus ? » appela Remus, non sans un certain agacement.

Le vieux sorcier avait été distrait tout le long de leur entrevue et ce n'était pas la première fois que le loup-garou avait prononcé son nom sur ce ton exaspéré. L'attention du Directeur se détourna du fond de la pièce pour se reporter sur lui mais il ne cessa pas pour autant de jouer, sans sembler y penser, avec une pierre noire qu'il tournait et retournait entre ses doigts.

Remus avait la désagréable sensation qu'ils n'étaient pas seul dans la pièce. Il y avait un courant d'air froid qui lui avait donné la chair de poule au moment où il avait pénétré dans le bureau, pourtant aucune fenêtre n'était ouverte et, certes, Poudlard était un vieux château où il ne faisait jamais très chaud mais il y avait des sortilèges pour ça et le feu ronflait dans la cheminée… Ce courant d'air ne lui semblait pas très naturel.

Il avait inspecté la pièce du regard une dizaine de fois au moins depuis qu'il avait pris place dans un des fauteuils qui faisaient face au bureau du Directeur mais n'avait rien remarqué d'inhabituel si ce n'était la pensine qui trônait sur une étagère, apparemment pleine. Fumseck était sur son perchoir, calme.

Et pourtant, en lui, Lunard s'était tapis comme prêt à bondir, sentant quelque chose que Remus ne pouvait percevoir.

« Faites au mieux, Remus. » déclara soudain Dumbledore et Remus eut la sensation très nette qu'il n'avait pas écouté un seul mot de ce qu'il venait de dire.

« Vous êtes donc d'accord pour séparer les élèves en petits groupes une fois qu'ils auront été évacués et les envoyer dans différents lieux sûrs ? » répéta-t-il, juste pour vérifier que le vieil homme avait bien entendu.

Il n'avait pas été certain qu'Albus approuverait son plan.

L'Ordre n'avait plus tant d'abris que cela et y envoyer les enfants en bloquerait plus d'un.

« Oui, oui… » Albus eut un geste agacé de la main. « Si c'est tout, Remus… »

Le loup-garou fronça les sourcils. « Êtes-vous certain que tout va bien ? Vous êtes… très distrait, ce soir. »

« J'ai beaucoup à l'esprit. » répondit le vieux sorcier, un peu plus sèchement que nécessaire. Ses yeux bleus se perdirent à nouveau vers le fond de la pièce et son expression s'adoucit…

Remus jeta à nouveau un regard discret dans cette direction mais n'aperçut rien qui sortait de l'ordinaire.

« Je ne pense pas qu'il serait bon de communiquer l'emplacement exact de ces abris lors de la réunion de l'Ordre demain. » insista-t-il, quand même. « Tant que nous ne saurons pas d'où viennent les fuites… »

Il laissa sa phrase en suspend, espérant l'encourager à rebondir sur la question de l'espion. Cela faisait des semaines depuis la mort de Fol'œil et ils n'avaient pas avancé d'un iota. Remus n'avait même pas l'impression que Dumbledore s'intéressait sérieusement à la question. Sirius non plus ne paraissait pas prendre la chose au sérieux…

En attendant, un climat de suspicion régnait au Conseil de l'Ordre et tout ceux qui transitaient par le QG se regardaient en chiens de faïence, avec une méfiance évidente. Des clans s'étaient formés, par ailleurs. Snape avait son petit cercle. Quant à Remus, il préférait encore la compagnie de Nyssa, Charlie et Anthony.

Rien de tout ça n'était bon, cependant. S'ils étaient divisés…

« Je vous fais confiance pour gérer ça au mieux, mon garçon. » Le vieux sorcier se leva et avança d'un pas lent vers l'étagère où était posée la pensine. « Malheureusement, je ne pourrais pas assister à la réunion demain. Vous présiderez à ma place. »

Remus l'observa porter le bout de sa baguette à sa tempe et en retirer un filament argenté qu'il fit tomber dans la pensine d'un geste sec.

« Des nouvelles de la potion ? » demanda-t-il, car il savait qu'Albus était sur le point de le congédier.

« Severus y travaille. » répondit le Directeur.

Remus ne fit aucun effort pour réprimer sa moue dubitative ou l'agacement qui le fit ajuster sa position sur le siège, somme toute, confortable. « Êtes-vous sûr qu'il fait son maximum ? Cela fait des mois. Et, si je ne me trompe pas, il n'avait que ça à faire ces dernières semaines, non ? Il n'a toujours pas repris les cours. »

Et Remus était un peu impatient qu'il le fasse, ne serait-ce que parce que Sirius serait forcé de quitter Poudlard et de revenir au Square Grimmaurd. Lunard détestait l'idée de n'avoir aucun membre de sa Meute sous la patte. Partager cette grande maison glauque avec Nyssa n'était pas bon pour lui. Il ne comptait plus le nombre de soirs où il avait préféré se rendre au cottage de Laura. Il avait besoin de la présence de sa Meute, pas d'une vampire.

Albus se tourna vers lui, une expression contrariée sur le visage, et, pour la première fois ce soir là, Remus eut l'impression que le Directeur lui prêtait sa pleine attention. Malheureusement, elle s'accompagnait d'une évidente contrariété. « L'état physique de Severus ne lui permet pas d'avancer aussi vite qu'il le souhaiterait. »

Remus ne tenta pas de ravaler un bruit amèrement amusé. « Il n'avait pas l'air si mal à chaque fois que je l'ai croisé ses dernières semaines. »

Il avait été suffisamment bien, en tout cas, pour raccompagner Tonks au portail malgré la longue marche que cela représentait la semaine précédente, après la réunion du corps professoral. Et il n'avait pas paru à l'agonie lorsqu'il s'était immiscé entre eux comme il avait pris la désagréable habitude de le faire.

« Il y a des conséquences à une exposition prolongée à l'endoloris, Remus, je ne vous l'apprend pas. » cingla Dumbledore, sans plus aucune amabilité. « Je vous prierai de ne pas soulever les sujets qui fâchent à la réunion, demain soir. J'ai toute confiance en Severus et je sais qu'il fait tout ce qu'il peut pour nous apporter des réponses. » Le vieil homme l'observa par-dessus ses lunettes en demi-lunes avec un regard un peu trop entendu. « Ne laissons pas nos querelles personnelles entacher le bon fonctionnement de l'Ordre. »

Dûment réprimandé, bien que pas convaincu et passablement irrité de se voir gronder comme un troisième année qui aurait fait une bêtise, Remus prit congé.

Il émergea de la cheminée du salon au Square Grimmaurd et envisagea immédiatement l'idée de sortir, aller marcher malgré l'heure tardive, s'éclaircir un peu les idées… Lunard était toujours moins agité après une petite promenade nocturne.

Trois pas dans le salon et il sut qu'il n'en ferait rien.

C'était sa part animale qui avait senti sa présence mais ce fût l'homme qui se réjouit de la chose et se hâta jusqu'à la cuisine.

Il s'attendait à la trouver sur le départ, ayant peut-être déposé un mot ou un rapport à son intention pour l'Ordre, mais elle était assise derrière la grande table, la bouteille poussiéreuse de whiskey pur-feu que Sirius gardait généralement dans le placard bien en évidence devant elle. Avec deux verres.

« Dora… » l'appela-t-il doucement, pour ne pas l'alarmer.

Elle sursauta quand même, son regard quittant le sol de la cuisine près du poêle pour venir se planter dans le sien.

En lui, le loup hurla à la lune, heureux et impatient de… Il voulait la prendre dans ses bras, respirer son odeur, l'embrasser… Sa compagne lui manquait.

Remus resta bien sagement immobile sur le seuil de la cuisine, trop conscient qu'il ne fallait pas l'effrayer. Depuis l'épisode de la potion volée à Greyback… Elle empestait la peur à chaque fois qu'ils se retrouvaient dans la même pièce.

Ça ne l'empêcha pas de la dévorer avidement du regard. Ses cheveux étaient bruns et encadraient son visage en mèches éparses, elle portait un jean déchiré et un tee-shirt rose fané avec un logo d'un groupe de rock sorcier underground…

Elle était si belle que…

« Qu'est-ce que tu fais là ? » demanda-t-il, non sans curiosité, lorsqu'elle ne lui rendit pas son bonjour. Elle l'évitait depuis des semaines – des mois.

Elle prit une profonde inspiration et poussa l'un des verres en direction de la chaise la plus proche. « Il faut qu'on parle. »

Saisissant l'invitation, il s'assit et la laissa lui verser une généreuse dose de whiskey. Son propre verre, nota-t-il, avait déjà servi mais ça ne l'empêcha pas d'y verser un peu plus d'alcool.

Ce n'était pourtant pas sur l'alcool que Remus se concentra mais sur son odeur. Ou plutôt sur l'odeur qu'il ne sentait pas. Certes la peur qui émanait d'elle par vagues couvrait beaucoup mais elle avait exhalé les herbes et autres ingrédients de potions si fort à chaque fois qu'il l'avait vue ces derniers temps qu'il était impossible de ne pas remarquer leur absence.

« Je veux m'excuser. » ouvrit-il tout de go. « Pour ce qui s'est passé avec Lunard. »

Elle déglutit et avala une petite gorgée de whiskey. Ses doigts pianotèrent impatiemment sur le verre lorsqu'elle l'eut reposé. Ses ongles étaient courts mais peints en violet foncé, cela le fit sourire. Son sourire s'effaça bien vite, en revanche, lorsqu'elle le regarda droit dans les yeux.

« Ce qui s'est passé une fois sous ta forme de loup n'était pas ta faute. Mais boire cette potion était stupide. » l'accusa-t-elle.

Il avait entendu ce refrain d'à peu près tout le monde.

Il savait qu'ils n'avaient pas tort.

Mais une part de lui savait aussi que s'ils pouvaient reproduire le philtre, le coupler à la potion Révèle-loup, cela pourrait changer drastiquement le cours de la guerre. Il avait passé des dizaines d'années à craindre Lunard alors il comprenait leur scepticisme mais maintenant que lui et le loup ne faisaient qu'un…

Il aurait pu tenter de le lui expliquer mais il était trop conscient que sa présence était inespérée et qu'il devait choisir ses batailles. « De quoi voulais-tu me parler ? »

Il y avait une chance pour qu'elle veuille discuter de l'espion ou d'autre chose ayant trait à l'Ordre et pas…

Mais à nouveau elle planta ses yeux gris dans les siens. Ils étaient si gardés, si distants… Il détestait ce nouvel état de fait. Elle était si franche avant, un vrai livre ouvert, et à présent… Même sa voix manquait d'intonation, comme si elle s'efforçait de refouler toute émotion. « De nous. »

Nous

Un si petit mot pour tant de bonheur.

Il sourit, plus heureux qu'il n'aurait pu l'exprimer, et tendit la main vers la sienne.

Elle la retira si brusquement qu'elle manqua renverser son verre.

« Non. » Elle fit la grimace, détourna le regard. « Désolée, je ne voulais pas dire ça comme ça. »

« Peut-être est-ce un lapsus révélateur, alors ? » tenta-t-il de plaisanter, cherchant son regard. « Nymphadora… »

« Ne m'appelle pas comme ça. » cingla-t-elle. Son regard retrouva le sien sans douceur ou affection. Ses cheveux avaient pris un reflet rouge.

« Il y en a d'autres qui t'appellent comme ça et tu ne leur dis rien. » remarqua-t-il méchamment, refusant de cacher la jalousie dans sa voix. Ce n'était qu'un soupçon, bien sûr, il n'avait pas de preuves…

Du moins jusqu'à ce qu'elle grimace.

« C'est différent, Remus. » lâcha-t-elle.

« Oui. » acquiesça-t-il, tentant de contrôler la colère dans sa voix. Lunard était très agité et cela rendait la chose difficile. « Oui, c'est différent parce que ce n'est qu'une passade que je suis prêt à te pardonner. Tout est ma faute, Dora, je le sais, mais… »

« Pardon ? » s'étouffa-t-elle à moitié. « Non, mais pour qui tu te prends ? Tu n'as rien à me pardonner parce que, moi, je n'ai rien fait de mal. »

Il ravala les accusations et le ressentiment, ravala le besoin de lui jeter sa trahison au visage, ravala le tout et s'efforça de ne pas se laisser emporter par la jalousie brûlante qui lui dévorait les tripes et donnait des envies de meurtres à Lunard.

Elle avait raison. Ils avaient rompu. Ce qu'elle faisait et avec qui… Il ne pouvait pas le lui reprocher.

« Je n'ai jamais dit que tu avais fait quelque chose de mal. » grinça-t-il.

Son rire était amer, furieux. Elle avala une nouvelle gorgée de whiskey. « Tu ne l'as jamais dit mais tu l'a suffisamment sous-entendu. Comme si je te trompais. » Elle secoua la tête. « C'est terminé, Remus. C'est toi qui l'a décidé, tu te souviens ? »

« Et c'était la plus grosse connerie de ma vie. » répliqua-t-il, en levant les mains avant de les laisser retomber lourdement en un geste d'impuissance. « Il ne s'est pas passé un jour sans que je le regrette. Si je pouvais revenir en arrière… »

« Mais on ne peut pas. » le coupa-t-elle froidement. « On ne peut pas revenir en arrière. »

« Et pourquoi pas ? » lança-t-il, d'un ton de défi. « Pourquoi pas ? Je t'aime. »

Elle secoua à nouveau la tête, refusant de le regarder en face, ses cheveux virant du rouge au noir. « Ne dis pas ça. Je t'interdis… »

« Je t'aime. » répéta-t-il, cherchant à nouveau à attraper sa main. Il fût plus rapide cette fois et ses tentatives pour se détacher étaient passives. « Je t'aime. Je t'aime. Tu peux m'interdire de te le dire autant que tu veux, ça ne changera rien à… »

« Mais moi je ne t'aime plus. » murmura-t-elle doucement, presque à regret.

Et le regret n'était pas là car elle aurait aimé retourner ses sentiments, comprit-il, mais parce qu'elle ne voulait pas lui faire de mal.

Et, oh, comme cela faisait mal

« On peut recoller les morceaux. » contra-t-il. « Ça prendra peut-être un peu de temps mais… »

« Non, Remus. » objecta-t-elle calmement. Elle serra sa main avec gentillesse. « Je ne suis pas venue pour ça. J'aimerai qu'on soit amis mais il faut… Il y a des choses qu'il faut que je te dise, des choses dont j'ai besoin de me débarrasser pour avancer. »

Il l'observait sans vraiment la voir, son cœur battant trop fort, paniqué et un peu désespéré. Il avait la sensation de se trouver au bord d'un précipice, que s'il ne trouvait pas les mots pour la convaincre, il allait définitivement la perdre.

« On a eu d'excellents moments. » continua-t-elle avec un soupir. « J'étais bien avec toi. J'étais… J'étais très amoureuse. Mais la manière dont tu m'as traitée… »

« Je regrette… » chuchota-t-il d'une voix étranglée. « Si tu savais comme je… »

« Tu regrettes d'avoir rompu avec moi. » l'interrompit-elle. « Ou la manière dont tu l'as fait. Tu ne regrettes pas le reste. »

Il fronça les sourcils. « Quel reste ? »

Elle retira sa main lentement. Lorsqu'il s'y accrocha, elle se dégagea d'un petit coup sec du poignet, pour mieux croiser les bras sur sa poitrine en une parodie d'étreinte.

« Même quand on était ensemble… Tu m'as toujours traitée comme une gamine, comme si je n'étais pas capable de comprendre le poids de mes propres décisions. » déclara-t-elle. « Tu me rabaisses à chaque fois que tu en as l'occasion. Tu es condescendant. Tu me traites comme… »

« C'est faux. » cingla-t-il. Il voulait bien admettre qu'il avait ses torts mais ça… « C'est faux. Je dis juste des choses que tu ne veux pas forcément entendre et, j'en suis désolé, mais ce n'est pas être condescendant que de te dire que tu n'as aucune chance contre Bellatrix ou Greyback. C'est la vérité. Je suis désolé mais c'est la vérité. »

« Et critiquer mes décisions à chaque fois qu'on parle du Bureau des Aurors, c'est la vérité aussi, peut-être ? » rétorqua-t-elle.

Il grimaça. « Tu oublies parfois que tu n'as pas l'expérience de… »

« Oh, oui, bien sûr… L'expérience. » se moqua-t-elle. « Tu es au courant que je me suis battue contre Greyback et Bellatrix plusieurs fois et que j'ai survécu à chaque fois ? Tu es au courant que le Ministre de la Magie, en personne, pense que je peux aller loin ? Est-ce que ça t'est venu à l'esprit que tu avais tort ? Que je n'étais pas… »

« J'ai vu l'arrogance coûter la vie de plus d'un sorcier. » la coupa-t-il. « Tu n'était pas assez grande durant la première guerre mais… »

« Et revoilà la condescendance. » grinça-t-elle, en repoussant sa chaise. Un instant il eut peur qu'elle ne parte en claquant la porte mais elle se contenta d'aller et venir dans la cuisine. Ses cheveux étaient couleur charbon à présent. « Tu sais tout mieux que moi, hein, Remus ? D'ailleurs, c'est pour ça que tu m'as brisé le cœur, je me trompe ? Parce que tu avais décidé que tu savais ce qui était le mieux pour moi ? »

« Pour quelqu'un qui affirme que c'est terminé entre nous, je trouve que tu es bien obsédée par notre rupture. » répliqua-t-il, sans mesurer ses paroles.

Il suivait ses allées et retours des yeux, souhaitant en son fort intérieur qu'elle s'asseye à nouveau. Ses mouvements répétés réveillaient le prédateur en lui et Lunard n'était pas des mieux disposé envers elle à l'instant.

Non pas qu'il lui ferait jamais du mal, non… Mais c'était plus difficile de contrôler les instincts du loup quand…

« Si je suis obsédée par notre rupture, comme tu dis, c'est parce que, à cause de toi, je suis incapable de ne pas me méfier dès que quelqu'un dit vouloir faire quelque chose dans mon intérêt. » cingla-t-elle. « Je n'ai pas besoin qu'on me protège. Je n'ai pas besoin qu'on… » Elle s'interrompit et prit une profonde inspiration avant de se tourner vers lui. Elle avança jusqu'à pouvoir poser les mains bien à plat sur la table et le fusiller du regard. « Tu m'as fait du mal et je continue à te laisser m'affecter comme si… » Sa mâchoire se contracta. « C'est fini entre nous et j'ai besoin que tu prennes tes distances. J'ai besoin que tu me laisses tranquille. J'ai besoin d'arrêter de penser que tous les hommes vont me traiter comme toi tu l'as fait. »

« Oh, et Snape te traite mieux que moi, c'est ça ? » cracha-t-il. « J'ai tous les torts et il est parfait ? »

« Non. » répondit-elle lentement, plus calmement, comme si elle soupesait chacun de ses mots. « Il est loin d'être parfait. Il est difficile à vivre, il a un caractère de merde et il peut se fermer comme une huitre sans prévenir. Mais il me soutient et il m'encourage. Il ne m'a jamais dit que je ne pouvais pas faire quelque chose, au contraire. Il croit en moi. »

Remus était furieux. Furieux au point de taper du poing sur la table. Furieux au point de perdre le contrôle de sa magie.

Le verre plein de whiskey se fendit sur toute la longueur.

« Il faut dire que c'est un peu son métier d'encourager ses élèves, non ? » persiffla-t-il dans un rictus. « Après tout, il t'a eue suffisamment longtemps dans sa salle de classe pour que… »

« Tais-toi. » cingla-t-elle.

Il ne comptait pas se taire.

Il se leva brusquement, ne prêtant aucune attention à la chaise qui bascula dans son dos. « Tu crois que ce que tu as avec lui, c'est sérieux, Dora ? Ce n'est qu'un fantasme. »

Il n'avait jamais vu une telle expression sur son visage, c'était au-delà de la fureur, c'était…

« Tu me dégoûtes. » cracha-t-elle.

« Moi, je te dégoûte ? » Il rit sans trouver ne serait-ce qu'une once d'amusement dans la conversation. « Il couche avec ses élèves et c'est moi qui te dégoûte ? »

« Ça fait un bail que je ne suis plus son élève. » riposta-t-elle. « Et il n'y a jamais, jamais rien eu d'inapproprié quand je l'étais. Ce que tu insinues, c'est… » Elle secoua la tête sans se départir de son expression furibarde. « Et de toute manière, ce ne sont pas tes oignons, Remus. Ce que je fais et avec qui, ça ne te regarde pas. »

« Tu es ma compagne ! » rugit-il d'une voix qui n'était plus tout à fait la sienne. Il savait que ses yeux avaient perdu leur couleur naturelle, que le loup était si proche de la surface…

« Non. » nia-t-elle froidement. « Non, je ne le suis plus, alors tu vas arrêter de me tourner autour ou on va vraiment avoir un problème. Si tu veux qu'on reste amis, Remus, il va falloir que tu changes d'attitude. »

Elle se détourna et s'éloigna à grandes enjambées vers la sortie.

Il dût se faire violence pour ne pas s'élancer à sa poursuite. Il avait peur de ce qu'il aurait pu faire.

Lunard hurlait à la mort dans sa tête, raclait des griffes dans sa poitrine. Le loup voulait sortir mais ne le pouvait pas et…

« Une fois qu'un loup a choisi sa compagne, c'est pour la vie. » lança-t-il.

Elle s'arrêta sur le seuil mais ne se retourna pas.

« Je ne suis pas un loup. » lui rappela-t-elle. « Et si tu es essayes encore de me Marquer comme tu l'as fait l'autre jour, loup-garou ou pas, je te promets que tu le regretteras. »

Elle disparut dans le couloir.

Remus écouta l'écho de ses pas jusqu'à ce qu'elle claque la porte et que le portrait de la mère de Sirius ne se mette à hurler.