Hello!
Bon j'ai rien dit ces deux derniers chapitres parce que... quoi dire après deux ans sans nouvelles, hein? J'ai préféré me faire toute petite ;) Mais bon on a réussi trois updates plus ou moins d'affilé alors je passe une tête histoire de dire coucou et aussi pour faire un petit point avec vous, au niveau de certaines questions qui reviennent, une petite piqure de rappel, petit moment émotion tout ça tout ça. Donc, sans ordre bien précis, voilà l'info dump de l'année:
° Si je ne dis rien en début de chapitre c'est pas parce que je m'en fiche, les gens, c'est parce que je vous aime trop haha. Je suis ébahie du nombre de gens qui continuent à lire cette histoire après tout ce temps (et cette riquiqui absence qu'on ne mentionnera pas) et je vous suis tellement reconnaissante d'être toujours au rendez-vous, toujours présent avec vos commentaires et votre enthousiasme. Le truc, c'est que j'ai trop tendance à me mettre la pression avec cette histoire parce que vous êtes tellement géniaux que je veux vraiment que ce soit parfait. Mais après on se retrouve bloqué mille ans sur un chapitre donc... XD Bref, il se peut que je ne dise rien en tête des chapitres les prochaines publications, ne pensez pas que c'est de l'indifférence, j'essaye juste de garder un peu de distance, de me rappeler que ça n'a pas à être parfait (et que j'ai finalement vaincu ce foutu horcruxe de la bague qui m'a coincée pendant environ un millier d'années) XD En tout cas un gros merci de votre présence et de votre bienveillance.
° Question technique: je sais que les alertes ne partent plus ou du moins pas chez tout le monde. Malheureusement je ne peux pas y faire grand chose de mon côté. Moi non plus je ne reçois plus rien, je checke régulièrement les reviews directement sur le site mais je n'ai plus aucun mail de ff. Ma solution pour ça c'est que j'annonce la parution et autres updates sur twitter donc si vous voulez me suivre par là bas c'est toujours EllanaSan (ce réseau me stressait tellement durant le covid que je n'y mets quasi plus les pieds ou juste pour regarder des comptes spécifiques donc ne vous inquiétez pas je ne vous inonderai pas de tweets, je ne m'en sers pratiquement plus que pour LDS). Vous pouvez aussi me trouver sur tumblr, toujours à ellanainthetardis mais je publie moins les update du dernier secret là bas vu que c'est moins French.
° Niveau updates: je ne veux pas promettre un emploi du temps ou une régularité ou quoi. Je sors d'une sale années, je me suis un peu trop mis la pression pendant des années dans un autre fandom et je retrouve du plaisir à écrire au fur et à mesure, à suivre mes envies, avec LDS. Pour le moment, j'avance bien donc je publierai les chapitres au fur et à mesure. JK a dit beaucoup de conneries dans sa vie mais quand elle disait que Poudlard serait toujours chez nous, elle ne mentait pas.
° Un gros grand beau merci à Artfan_EH sur twitter (que je vous invite tous à aller voir) qui m'a fait cadeau d'un magnifique fanart Snape Tonks pile au moment où j'étais en plein doute sur pas mal de trucs, ce qui m'a ramenée vers LDS et c'était pile ce dont j'avais besoin au moment où j'en avais besoin. Un gros beau merci donc (et allez tous voir parce qu'il est sublime)
° Question récurrente: est-on proche de la fin de l'histoire? La réponse courte est non. La réponse longue est non. On est environ, à peine, avant le milieu, d'après mes estimations. La bonne nouvelle c'est que je sais précisément la trame donc on arrivera à bon port (dans 30 ans peut-être mais on y arrivera). Je ne vais même pas vous dire que je sais précisément ce qui attend les personnages après la fin de l'histoire et que je me tâte un peu à faire un recueil une fois que ce sera terminé comme si on était proche de la fin et comme si, vraiment, c'était réaliste. Mais, hey, on peut rêver.
° Les personnages sont devenus OOC: oui. Grave. Carrément, même. Mais bon, on a deux fics juste avant qui posent les bases donc... Je ne vais pas trop obséder sur ça et continuer sur mon idée parce que je pense (j'espère) avoir justifié toutes les évolutions.
° Remus. Je sais je sais. L'ironie c'est que c'est un de mes persos préférés et j'étais vraiment au premier degré quand j'ai écris la romance avec Tonks dans l'armée. Le Tonks Severus c'est vraiment LE truc que je n'avais pas prévu. Après pour être franche, je n'aime pas le Remus Tonks dans le livre, je trouve que Remus est un peu bully dans la romance à la fin du 6 et honnêtement le coup où il se barre pendant la grossesse... Pour moi cette romance était déséquilibrée du départ dans le canon. Pour ce qui passe dans LDS, jusqu'où va-t-il devenir exécrable, je me pose la question moi aussi. A chaque fois que j'essaye de le ramener dans le rang, Monsieur Lunard nous fait un caca nerveux (vous savez que les personnages vivent dans ma tête, je ne les contrôle pas, je les aiguille). Un mot sur Severus aussi concernant la romance: pour moi Severus n'a jamais eu de relation amoureuse (sérieuse ou tout court) du coup il a zéro expérience et émotionnellement parlant il est quand même beaucoup en retard ce qui gomme un peu la différence d'âge / maturité avec Tonks. Tonks aussi a beaucoup changé depuis l'armée mais bon... On fait le compte de tout ce qu'elle a traversé? La pauvre je ne l'ai pas ménagée. ça fait grandir tout ça.
° On voit moins les ados. Oui, aussi. Est-ce que c'est parce que je n'ai définitivement plus l'âge? Est-ce que c'est parce qu'on est à un moment de l'histoire où les adultes sont plus acteurs que les enfants coincés à Poudlard? Peut-être un peu des deux. Ne vous inquiétez pas, ils ont leur rôle à jouer, ils ne vont pas disparaître mais pour le moment c'est vrai qu'on dans une partie de l'histoire où il se passe plus de choses chez les adultes et où Severus et Sirius sont peut-être plus moteur pour faire avancer l'intrigue.
° Petit rappel concernant les soeurs Black: je m'étais trompée dans les Cicatrices et j'ai continué sur cette lancée du coup Andromeda est la plus agée, Narcissa au milieu et Bella la plus jeune. Je pense que c'est l'inverse dans le canon mais on va faire avec ce qu'on a. Il me semble également que j'avais vaguement vieilli Tonks et Charlie d'un aou deux mais comme je ne me souviens plus et que je n'arrive pas à retrouver le passage spécifique on va considérer qu'ils ont entre 22-24 ans suivant leur anniversaire, fourchette laaaarge. C'est timey-whimey de toute manière vu qu'on a quand même voyagé dans le temps. Non ça n'a aucune importance sauf pour moi mais quand je vous dis que j'obsède sur des détails parce que je veux garder une cohérence globale et qu'ensuite je reste bloquée toute seule comme une idiote... Si quelqu'un a la référence exacte, je suis preneuse haha.
° On me demande régulièrement des résumés en début de chapitres. Je suis désolée je ne ferai pas. Je sais que c'est chiant et je m'en excuse mais si je commence à faire ça, je me connais, je vais avoir la flemme et ensuite je vais me bloquer et procrastiner et pouf on sera en 2024. Alors à moins qu'une âme charitable ait du temps à perdre à nous pondre un résumé des deux fics précédentes, ce n'est pas prêt de voir le jour.
° Autre question récurrente et celle là est importante: J'ai commencé cette fic il y a très très longtemps. On en était au film 7 partie 2. En conséquence, tout ce qui est sortie après, je ne le prends pas en compte. La pièce dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, la saga des Animaux Fantastiques (le 3 était plutôt pas trop mal d'ailleurs, au passage, discutons), tous les livres pseudo officiels et autres. On reste sur le canon des livres/films de base et le fanon pré-établi dans les Cicatrices et l'Armée. Je dis ça principalement pour Dumbledore et Grindelwald. Pour l'arc d'Albus, je savais ce que je voulais déjà au début de l'Armée et je n'ai pas changé d'idée, je ne veux pas réécrire pour prendre en compte les films donc dans mon univers il n'y a jamais eu de pacte de sang ou de Credence ou quoi que ce soit d'autre. Abelforth et Albus ne sont pas en excellent termes, Albus et Gellert ont pris des chemins différents après la mort d'Arianna (je laisse à votre appréciation de penser ou non qu'elle est un obscurial), et il n'y a pas de Dumbledore caché, on s'en tient là.
° Séquence émotion qui ne concerne que moi mais il y a dans ce chapitre une scène entre Sirius et Severus que j'ai pensé en 2012 à Londres, à 10h du soir, dans un bus à deux étages avec ma meilleure amie et je sais que c'est bête mais d'être finalement arrivée au point où j'ai pu l'écrire c'était wow. Donc, voilà. Ne désespérons pas comme quoi.
° Anecdote: c'est le plus long chapitre à date. Peut-être le plus long de la trilogie tout court. J'ai semé des easter eggs. Et des indices. Clin d'oeil, clin d'oeil.
° Je crois que j'oublie des trucs mais c'est pas grave, on repassera. Un dernier mot pour vous redire merci avec tout pleins de coeurs. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, vos théories, tout ça, tout ça! J'adore lire vos commentaires.
Enjoy & Review!
"The most important things are the hardest to say. They are the things you get ashamed of, because words diminish them - words shrink things that seemed limitless when they were in your head to no more than living size when they're brought out. But it's more than that, isn't it? The most important things lie too close to wherever your secret heart is buried, like landmarks to a treasure your enemies would love to steal away. And you may make revelations that cost you dearly only to have people look at you in a funny way, not understanding what you've said at all, or why you thought it was so important that you almost cried while you were saying it. That's the worst, I think. When the secret stays locked within not for want of a tellar but for want of an understanding ear."
Stephen King - Different Seasons
« Les choses les plus importantes sont les plus difficiles à dire. Ce sont les choses dont on a honte, parce que les mots les amoindrissent – les mots affaiblissent des choses qui paraissaient démesurées lorsqu'elle étaient dans votre tête, les réduisent à du terre à terre une fois exprimées. Mais c'est plus que ça, n'est-ce pas ? Les choses les plus importantes reposent trop près d'où votre cœur secret est enterré, comme une piste menant à un trésor que vos ennemis adoreraient vous voler. Et il se peut que vous fassiez des révélations qui vous coûteront énormément uniquement pour que les gens vous regardent bizarrement, sans comprendre du tout ce que vous venez de dire, ou pourquoi vous pensiez que c'était si important que vous avez presque pleuré en le disant. C'est le pire, je crois. Lorsque le secret demeure coincé pas parce qu'on ne veut pas le révéler mais parce qu'on a personne à qui le confier.
Stephen King – Different Seasons
Chapitre 37 : Secret Heart
Tomber sur quelqu'un par accident à Poudlard était plus difficile qu'il n'y paraissait. Cela impliquait un minimum de préparation et une légère embuscade. Bien heureusement pour lui, il ne manquait pas d'entraînement grâce à sept années passées avec les Maraudeurs. Surtout, il ne manquait pas d'entraînement lorsqu'il était question de tomber sur Snape 'par hasard' à Poudlard.
C'est pourquoi Sirius resta appuyé contre le mur du couloir du deuxième étage pendant dix bonnes minutes avant d'enfin voir la gargouille se déplacer. Il se mit à marcher comme s'il n'avait pas attendu là pendant plusieurs minutes et interpella l'homme dès qu'il descendit la dernière marche de l'escalier qui menait au bureau du Directeur dans un claquement de cape qui laissait présager sa mauvaise humeur.
« Ah, Servilus ! » s'exclama-t-il. « Justement l'homme que je cherchais. »
Snape lui jeta un regard noir – à cause du surnom désobligeant, supposa Sirius sans s'en tracasser outre mesure – mais ne ralentit même pas, visiblement contrarié.
Sirius lui emboîta naturellement le pas. « C'est Dumbledore qui t'a convoqué si tôt un dimanche ? »
La plupart des élèves étaient encore dans la Grande Salle à prendre leur petit-déjeuner. Il avait croisé Ron, Hermione et Harry qui arrivaient à peine lorsqu'il en était parti, non sans un clin d'œil à son filleul pour assurer qu'il n'avait pas oublié la mission qu'il lui avait confié la veille.
« Non. J'avais besoin de son accord. » répondit le Maître des Potions, ponctuant chaque mot en enfonçant sa canne dans le sol. « Harry est d'excellente volonté mais je n'avancerai pas sur la potion des loups-garous sans mains expertes pour remplacer les miennes. »
Sirius fit mentalement le tour des membres de l'Ordre qui se débrouillaient correctement en potions et en vint à la conclusion logique qui expliquait le mieux l'expression renfrognée de l'autre homme. « Slughorn ? »
Ce n'était pas un membre de l'Ordre mais Dumbledore paraissait lui faire suffisamment confiance pour lui avoir confié la confection des potions durant l'absence de Snape. Et il avait été le premier à plancher sur la question des loups-garous…
« Slughorn. » cofnirma Snape avec mauvaise humeur. « Si tant est qu'Albus ait écouté un traître mot. Il semblait bien pressé de me mettre à la porte. »
« Incompréhensible. » plaisanta-t-il. « Tu es de si bonne compagnie. »
Ça lui valut un autre regard noir. « Tu disais me chercher. Que me veux-tu ? »
Ils arrivaient en vue des escaliers et Sirius le détourna habilement en direction de ceux qui menaient vers les étages supérieurs avant qu'il ait pu s'engager en direction des cachots. « Je voudrais que tu jettes un œil sur un exercice que j'ai préparé pour la réunion de l'A.D. ce soir. »
Snape pila net. « Dans la Salle Va-et-Vient ? »
« Les gamins appellent ça la Salle sur Demande. » le corrigea-t-il. « Il faut rester à la page. Et, oui. »
Le Maître des Potions s'appuya de manière plus marquée sur sa canne. « Et pourquoi exactement grimperais-je jusqu'au septième étage pour te rendre service ? »
Sirius répondit joyeusement au salut de deux troisièmes années qui montaient l'escalier, peu surpris que Snape choisisse de les ignorer, avant de baisser la voix. « Parce que je voudrais aussi qu'on parle de tu-sais-quoi et que c'est un bon endroit pour être tranquille. »
Ce n'était pas tout à fait un mensonge, il comptait bien parler des horcruxes. Une fois qu'il se serait assuré, pour Harry, que l'homme n'était pas à nouveau à deux doigts de péter les plombs et de détruire son laboratoire ou autre. S'il fallait en passer par un autre duel pour en arriver là… Un peu d'action ne lui ferait pas de mal.
Il s'encroûtait à Poudlard.
Snape soupira, lui lança un dernier regard mauvais, puis entama l'ascension des escaliers d'un pas un peu plus lent que d'ordinaire. Sirius calqua son allure sur la sienne et tâcha d'être discret alors qu'il surveillait la jambe de son ancien rival. Il ne devait pas être assez discret cela dit.
« Je suis parfaitement capable de monter des escaliers. » cingla l'homme. « Tu peux cesser de m'observer comme si j'allais m'effondrer. »
« Que veux-tu, je ne veux pas risquer de manquer le fou rire de la décennie au cas où tu tomberais vraiment. » rétorqua-t-il. « Tâche juste de ne pas te rompre le cou. Ce ne serait pas une mort très héroïque. »
« Je te hais tellement. » lâcha Snape avec une sincérité qui poussa Sirius à placer une main sur son cœur comme s'il était extrêmement ému.
« Servilus, personne ne me dit ces choses-là comme toi. »
Snape leva les yeux au ciel si fort que ça devait en être douloureux.
« En plus, on sait tous que c'est un mensonge. » ajouta-t-il. « Je suis ton Maraudeur préféré. »
Un silence pesant suivit sa déclaration alors qu'ils atteignaient le palier supérieur. Ils s'écartèrent pour laisser passer un groupe de cinquièmes années qui les saluèrent tous les deux poliment. Ce coup-ci, Snape leur répondit d'un hochement de tête, probablement parce que Zabini et Greengrass se trouvaient parmi eux et qu'il était physiquement incapable d'ignorer ses serpents.
Sirius attendit patiemment jusqu'au palier suivant mais aucune protestation outragée ne survint.
« Je m'attendais à un déni un peu plus virulent. » commenta-t-il finalement. « Des cris, des hurlements… Un ou deux impardonnables… »
« Nous avons une trêve. » grommela Snape de sa voix traînante. « Par ailleurs, Pettigrow est un Mangemort. Lupin… Mieux vaut ne pas évoquer le sujet. Tu n'es pas exactement en tête de ma liste de Maraudeurs à assassiner pour l'instant. »
Il avait presque envie d'insister jusqu'à lui faire dire qu'il avait fini par apprendre à l'apprécier puis décida que c'était vraiment trop étrange. Il avait déjà suffisamment de mal à se dire qu'il passait volontairement son temps avec l'autre homme, inutile de l'entendre retourner le couteau dans la plaie.
Et puis…
« C'est quoi le problème entre toi et Remus ? » demanda-t-il curieusement.
Remus avait longtemps fait tampon entre eux. Lorsque Sirius avait de sérieuses envies de meurtre envers Snape, c'était le loup-garou qui s'interposait, le convainquait de se détourner, lui rappelait que l'ancien Serpentard avait ses raisons de les détester…
Les relations entre Remus et Snape, à sa connaissance, n'avaient jamais été cordiales. Snape l'avait, après tout, fait renvoyer du poste de Défense lorsque Sirius s'était échappé d'Azkaban, mais depuis quelques temps l'hostilité entre eux atteignait des records qu'elle n'avait jamais atteint même durant leur scolarité.
« C'est un loup-garou. » répondit platement le Maître des Potions, comme si ça expliquait tout.
Sirius garda le silence un moment, tiraillé entre une envie de lui jeter ses préjudices au visage et une culpabilité qu'il avait fait de son mieux pour ignorer jusque là – parce que c'était Snape, qu'ils avaient un passif très chargé et que s'il commençait à se sentir coupable de tout ce qui s'était passé durant leur jeunesse…
« Ce n'est pas pour ça que tu le détestes. » contra-t-il, ralentissant automatiquement le pas quand Snape en fit de même. L'autre homme était légèrement essoufflé et utilisait librement la rampe pour mieux monter les marches. « Dans les souvenirs que tu m'as montré… Quand tu as cru qu'Harry avait été mordu, tu as dit… »
« Harry est Harry. » cingla l'ancien espion. « Il est l'exception à énormément de règles. » Il prit une profonde inspiration et jeta un regard peu aimable à Sirius. « Un loup-garou est dangereux. Franchement, que tu persistes à confondre Lupin avec une peluche après toutes ces années est alarmant. »
« Je n'ai jamais pensé qu'il n'était pas dangereux durant la pleine lune. » rétorqua Sirius.
« Oh, s'il te plait. » cracha Snape. « Vous êtes devenus Animagus juste pour lui tenir compagnie. C'était un jeu pour vous. Potter et toi n'avez jamais rien pris au sérieux. »
« C'est faux. » s'agaça-t-il. « Et ce n'était pas un jeu. Remus avait besoin de nous. »
Ils arrivaient à peine au cinquième étage. Snape montrait des signes de fatigue et d'irritabilité et Sirius devait se faire violence pour ne pas dire quelque chose qu'il regretterait.
Peut-être qu'il n'aurait pas dû promettre à Harry de s'en mêler.
Lui et Snape, ce n'était jamais une bonne combinaison. Surtout quand…
« Lupin est instable. » insista l'homme, d'un ton qu'il s'efforçait visiblement de garder calme.
Sirius n'était sans doute pas le seul à avoir des envies de meurtre.
« C'est ma faute, hein ? » demanda-t-il pourtant, en grimaçant. « Si tu détestes les loups-garous. C'est ma faute. Les souvenirs que tu m'as confiés… Celui dans la Cabane Hurlante… »
« Je n'ai aucune intention de discuter de ça avec toi. » l'interrompit Snape. « Je t'ai confié ces souvenirs pour expliquer le comportement d'Harry envers toi, pas pour que tu les dissèques. »
« Et l'autre jour au Square Grimmaurd, quand il était sous sa forme de loup… » continua-t-il, cependant. « Tu étais paniqué. »
« Certainement pas. » siffla le Maître des Potions, en s'immobilisant au beau milieu des marches.
Sirius s'arrêta machinalement pour lui faire face, grimaçant toujours. « Je ne pensais pas que tu irais aussi loin, ce soir là. Je pensais… Je pensais que tu aurais une bonne frayeur et voilà. James et Remus ont refusé de m'adresser la parole pendant des semaines, tu sais. »
Snape le foudroyait du regard.
Sirius se passa une main dans les cheveux, plus gêné qu'il aurait aimé l'être. « C'était con, comme blague. »
« Non, penses-tu ? » commenta l'homme, non sans sarcasme.
« J'essaye de m'excuser, là. » bougonna-t-il.
« Est-ce là ce que tu essayes de faire ? Ce n'était pas évident. » répliqua le Maître des Potions.
Sirius leva les yeux au ciel. « Je suis désolé. Voilà. Tu es content, maintenant ? »
« Généralement pas mais je suppose qu'il me faudra m'en contenter. » grinça Snape, avant de recommencer à monter les escaliers. « Et je maintiens que Lupin est instable. »
Il lui emboîta le pas avec un temps de retard et dût monter les marches quatre à quatre pour le rattraper, ce qui contribua d'autant plus à l'agacer.
« Et, moi, je maintiens que ta potion Révèle-Loup n'a fait qu'empirer les choses. » répliqua-t-il. Qu'importait combien Remus clamait haut et fort qu'elle avait changé sa vie.
Snape laissa échapper un bruit légèrement amusé. « Je note que tu n'essayes pas de me convaincre qu'il est tout à fait saint d'esprit. »
Il haussa les épaules, enfouissant ses mains dans ses poches. « Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il est instable mais je n'approuve pas tout ce qu'il fait en ce moment. Ces histoires de meute, la manière dont il agit avec Tonks, c'est… » Il laissa échapper un soupir. « Bref. »
Le Maître des Potions accepta sa requête tacite de mettre un terme à cette conversation et aurait sans doute été heureux de poursuivre en silence mais Sirius n'avait jamais été très doué pour garder sa langue dans sa poche.
« Je croyais que tu ne voulais pas utiliser la canne tout le temps ? » remarqua-t-il parce que la question l'intriguait. Snape avait été un peu plus présent au sein de l'école la semaine passée et à chaque fois qu'il l'avait aperçu, le Maître des Potions avait la canne en main. Or, jusque là, il était plus enclin à vous la balancer au visage si vous suggériez qu'il s'en serve…
« Suite à notre sortie scolaire de vendredi dernier, j'ai reconsidéré la chose. » L'homme jeta un coup d'œil alentour pour vérifier qu'ils étaient seuls et qu'aucun n'élève ne risquait de les interrompre. Ses yeux sombres s'attardèrent sur les portraits mais il parut résister à ses tendances paranoïaques car il ne jeta aucun sort de protection. Au lieu de ça, il frappa brièvement la canne contre la rambarde de l'escalier de deux coups secs et précis. Une lame jaillit du bout, transformant la simple canne en une lame acérée. Un autre coup tout aussi précis et elle reprit sa forme initiale. Snape paraissait très content de lui. « Filius l'a enchantée pour moi. »
Sirius laissa échapper un sifflement pour le coup sincèrement admiratif. « Pas mal. Tu pourrais aussi cacher une deuxième baguette dans le pommeau. »
« Très Lucius Malfoy. » se moqua Snape.
Sirius haussa les épaules. « C'est un connard mais un connard rusé. »
« Étant donné la disparition d'Ollivanders, il semble peu probable que je mette la main sur une baguette de secours. » commenta-t-il.
Ils n'étaient plus bien loin de la Salle sur Demande. Sirius ralentit légèrement le pas, ce qui lui valut un autre regard agacé mais aucune protestation. Lorsqu'ils s'arrêtèrent devant le mur de briques, Snape était parvenu à reprendre son souffle.
Sirius ouvrit la porte et le précéda dans la pièce qui avait, pour l'occasion, prit des proportions gigantesques. Il était plutôt fier de lui, à vrai dire. Une fois la porte refermée derrière Snape, l'illusion était pratiquement parfaite. Le Maître des Potions fit quelques pas sur les pavés inégaux, observant les alentours avec intérêt.
« Londres ? » s'enquit-il.
Sirius acquiesça, surveillant son œuvre d'un œil confiant. La Salle sur Demande avait reproduit, à l'échelle, une intersection de plusieurs rues et ruelles qui formaient un dédale urbain géant. L'illusion avait ses limites, le plafond demeurait une voûte au-dessus de leur tête, mais une fois la lumière tamisée pour simuler l'obscurité d'une nuit sans lune, cela ne devrait pas faire grande différence.
« Quel est l'objectif de cet exercice, exactement ? » demanda Snape, sa curiosité apparemment piquée.
« Tu vois les mannequins ? » répondit Sirius, en désignant du doigt celui le plus en évidence au deuxième étage d'une des étroites maisons à leur gauche.
Snape hocha la tête. « Il y a cinq dans cette rue. »
L'Animagus haussa les sourcils, impressionné malgré lui. Celui qu'il lui avait montré était exposé à dessein afin qu'il puisse expliquer aux adolescents, plus tard, ce qu'il attendait d'eux. Tous les autres étaient si bien dissimulés que s'il n'avait pas passé des heures à les cacher, Sirius aurait eu du mal à les trouver.
« Ils sont enchantés pour cibler les participants. » expliqua-t-il. « Je compte les lâcher au milieu des rues deux par deux. Le but, c'est qu'ils s'en sortent tous les deux sans être touchés. Je veux qu'ils se concentrent sur la protection, aujourd'hui. Se protéger eux-mêmes mais aussi leur coéquipiers. Ils commencent à se débrouiller lorsqu'il s'agit de se battre mais ils ne font pas toujours attention à ce qui se trouve autour d'eux. J'ai perdu le compte du nombre de fois où Neville a accidentellement dévié un sort sur un autre gosse avec un simple protego. »
« Londubat n'est pas exactement un exemple. » ironisa le Professeur.
« Neville est excellent lorsqu'il a confiance en lui. » rétorqua-t-il, sur la défensive. « Et c'est également arrivé à Draco et Harry. »
Qu'Harry ait pu commettre ce genre d'erreur semblait être un affront personnel pour l'ancien espion qui se redressa, piqué. « Cela fait des mois que le loup le cantonne à des exercices inutiles. Il est peu étonnant qu'il ait pris de mauvaises habitudes. Il n'a jamais fait ce genre d'erreurs auparavant, pas même lors de vraies batailles. »
Sirius haussa les épaules. « Peut-être parce qu'il fait plus attention quand c'est toi et pas Malfoy. Je ne lui jette pas la pierre. Mais on ne peut pas être sûr de toujours se battre avec des gens qu'on apprécie comme soutien. »
Leur propre situation en était un exemple flagrant.
Snape pinça les lèvres mais choisit de ne pas relever. Il avança de quelques pas dans la ruelle, étudiant la position des mannequins. « Comment vas-tu simuler les sortilèges ? Si le but est de les placer dans une situation suffisamment stressante pour qu'ils aient à contrôler leurs réactions… »
« Ah, mais c'est là que tout mon génie s'exprime ! » triompha-t-il, avant de lui expliquer le système.
Plutôt que d'utiliser des sortilèges, les mannequins cracheraient des jets de peintures enchantés. Le jaune représenterait un sort mineur et légèrement handicapant, si l'élève était touché il ne ressentirait qu'une sensation de chaleur désagréable. Le rouge représentait une blessure grave, la peinture ferait momentanément perdre à l'adolescent toute sensation dans la zone de sorte que s'il était touché au bras ou à la jambe, il ne pourrait plus s'en servir. Et le vert… Le vert était là pour représenter le sort de mort.
La peinture servirait à analyser, après-coup, leurs erreurs.
« Aucun sort ne peut arrêter la peinture verte mais il y a suffisamment d'objets et de renfoncements sur le chemin pour se protéger d'une autre manière. » termina Sirius.
« Cela leur apprendra à utiliser leur environnement à leur avantage. » approuva Snape. « Cela me semble un excellent exercice. »
Le compliment était si clairement délivré à contrecœur que Sirius ne put s'empêcher d'en rire. « Inutile d'être jaloux, tu sais. Harry continue à me répéter que tu es le meilleur Professeur de Défense qu'il ait jamais eu. »
Un rictus satisfait étira les lèvres de l'homme mais il ne commenta pas.
« Une fois qu'ils maîtriseront cet exercice, il serait judicieux de les entraîner à riposter. » suggéra Snape. « À vrai dire… Tu devrais le proposer à toutes tes classes de quatrièmes au septièmes années, pas seulement à un club de Défense plus ou moins officiel. »
Sirius fronça les sourcils. « Ce sont tes classes. Et c'est toi qui décides du programme, je te rappelle. »
Snape détourna la tête, inspectant avec une attention un peu trop soutenue le carrefour central. « J'ai informé Minerva que je comptais décharger Slughorn de ses premières et deuxièmes années. Je te laisse la Défense. »
L'Animagus secoua la tête. « C'est ridicule. Je sais me battre mais je n'ai pas la moitié de ton expérience ou de tes connaissances. »
Et cela lui coûtait autant de l'admettre que cela avait couté à Snape de le complimenter sur son exercice.
« Mon expérience et mes connaissances ne m'ont pas sauvé du Seigneur des Ténèbres ou de Bellatrix. » lâcha l'autre homme platement. « Certains jours, je peux à peine tenir ma baguette. »
Sirius l'observa un moment puis laissa échapper un bruit dédaigneux. « C'est des conneries, ça. C'est juste ta tendance à t'apitoyer sur toi-même qui parle. »
Snape se tourna vers lui dans un claquement de cape menaçant. « Fais attention, Black. »
Sirius leva les yeux au ciel. « Attention à quoi ? Tu peux à peine tenir ta baguette, c'est toi qui vient de le dire. »
L'ironie mordante déplut très visiblement à Snape. C'était comme agiter un foulard rouge devant un taureau.
L'ancien prisonnier ne fut même pas surpris lorsque le premier sort fusa droit sur lui.
Il le para d'un revers du bras, baguette déjà levée pour répliquer…
Il n'était pas entièrement certain de si l'ex-Mangemort était sérieux ou pas mais la plupart des sorts qu'il déviait ou repoussait n'était pas exactement amicaux. N'étant pas de nature à ignorer un défi, cependant, il plongea derrière le mur d'une ruelle et activa la simulation. Les lumières baissèrent immédiatement, de sorte que s'il n'avait pas su qu'il était à Poudlard, il aurait pu se penser à Londres. Les mannequins commencèrent automatiquement à tenter de les viser avec leur jets de peinture.
Les rues plus ou moins étroites formaient un labyrinthe dans lequel Sirius s'élança, pressé de mettre une certaine distance entre lui et Snape.
« Tu as conscience qu'on est censé s'entraider, pas se battre ? » lança-t-il à la cantonade. « C'est le total opposé de mon exercice ! »
Cela dit, cela lui donnait des idées.
Un sortilège le toucha dans le dos, entre les deux omoplates, lui arrachant un cri de douleur. La sensation était déplaisante, une démangeaison intense qui lui fit se mordre la langue, mais disparut rapidement. Il pivota immédiatement, un bouclier bien en place.
Snape le regardait avec mépris, faisant tourner sa canne de la main qui ne tenait pas sa baguette. « As-tu conscience que trahir ta position ainsi car tu ressens le besoin d'apostropher tes ennemis est stupide ? »
« Excuse-moi de penser que tu allais jouer dans les règles. » râla-t-il. « J'oubliais que Monsieur le grand méchant Serpentard… »
L'homme leva brusquement sa baguette, poussant Sirius à renforcer son bouclier au maximum, mais au lieu du maléfice auquel il s'attendait, un couvercle de poubelle s'envola pour s'interposer entre lui et le jet de peinture verte qui filait droit sur sa tête.
« Le mannequin dans la troisième ruelle est mal placé. » lâcha simplement Snape.
« Et c'est pour ça que je voulais qu'on le teste. » grinça Sirius, pince-sans-rire. « Sauf qu'on était censé coopérer. »
« Nous coopérons bien assez comme ça. » rétorqua l'homme. « Le premier à vaincre l'autre et à sortir 'vivant' de la zone gagne. Pas de règles. »
Et avec cet avertissement pour le moins menaçant, le sorcier disparut dans une brume qu'il fit apparaitre et qui ne tarda pas à recouvrir toute la zone, diminuant d'autant leur visibilité.
Encore une autre bonne idée que Sirius comptait lui voler.
Bien sûr, il savait où était placé tous les mannequins mais la brume amoindrissait grandement cet avantage et, au demeurant, Sirius avait tous les sens aux aguets. Il était moins inquiet des jets de peinture que de l'ancien Mangemort qui le pourchassait.
Après cinq minutes passées à avancer prudemment le long des ruelles sans voir ou entendre l'ombre de l'autre sorcier, Sirius décida que Patmol serait plus efficace que lui et il se fondit dans sa forme canine, rampant aussi près du sol qu'il le pouvait pour ne pas trahir sa position.
Sous cette forme, il ne lui fallut qu'une minute ou deux pour repérer l'odeur de Snape et en suivre la trace. Il était impatient de faire ravaler ses mots à son rival. Très impatient. Si impatient qu'il ne sentit le piège qu'une fois qu'il fut engagé dans l'impasse qui débouchait sur le mur de pierre de la Salle-Sur-Demande.
Comprenant immédiatement le piège – et son erreur – il redevint humain juste à temps pour sauter en arrière et éviter le jet de peinture rouge qui alla s'écraser contre le mur à sa droite.
« Si prévisible. » commenta Snape en sortant de l'ombre, à l'entrée de l'impasse, laissant tomber son sortilège de désillusion.
Le temps que perdit Sirius à mettre hors d'état de nuire le mannequin qui le bombardait de traits rouge permit au Maître des Potions de se mettre en position de combat et de commencer à lancer sortilège sur sortilège.
Et aucun d'entre eux était inoffensif.
Sirius répliqua en conséquence, gêné par l'étroitesse des lieux qui l'empêchait d'esquiver physiquement comme il l'aurait souhaité. Snape, en revanche, avait l'avantage de la rue derrière lui – il avait dû s'occuper des mannequins de la zone au préalable – et paraissait déterminé à lui faire mordre la poussière.
Un sort mauve passa son bouclier, laissant une estafilade brûlante sur son épaule, alors Sirius répliqua en tordant son poignet, envoyant un jet de flammes droit sur l'homme, mettant malencontreusement le feu à une benne à ordure.
Snape créa immédiatement un tourbillon d'air qui dirigea les flammes droit sur lui…
La fumée le prit à la gorge et, coincé comme il l'était dans la ruelle, il jeta un sortilège qui l'aida à respirer mais lui fit baisser la garde juste assez longtemps pour que le sortilège du Maître des Potions l'atteigne en pleine poitrine, à peine ralenti par son bouclier.
Sirius se sentit soulevé dans les airs par la cheville et il eut beau se débattre, il se savait entièrement à la merci de son adversaire.
« Voilà qui me rappelle des souvenirs… » plaisanta-t-il.
Lorsque Snape le fit tourner sur lui-même suffisamment longtemps et rapidement pour lui donner la nausée, il ne sentit plus d'humeur à rire.
« Ça va, ça va… On a compris ! Tu as gagné ! » capitula-t-il.
Il fût soudain immobilisé dans les airs mais n'eut pas le temps de prendre ses repères avant de sentir le coup le cueillir au plexus. La force de l'impact lui coupa brièvement la respiration. Lorsqu'il baissa la tête pour voir ce qui l'avait percuté, il vit l'énorme fleur de peinture verte qui s'étalait sur sa poitrine.
Il eut à peine le temps de fusiller l'homme du regard que le sorcier mettait un terme à son sort et le laissait choir brutalement sur le sol dur. Sonné, il écouta les bruits de pas s'éloigner.
Une minute plus tard environ, la lumière se ralluma, la benne à ordure qui flambait encore s'éteignit et redevint comme neuve, pas une seule marque de suie. Les différentes traces de peinture avaient, elles, aussi disparu.
Sirius en déduisit que Snape avait atteint une des sorties et avait, par conséquence, terminé l'exercice.
Il se remit debout avec quelques difficultés et se traina jusqu'à l'entrée de la Salle-sur-Demande où l'attendait son éternel rival avec un rictus bien trop satisfait aux lèvres.
« Tricheur. » accusa-t-il, avec mauvaise foi avant de hausser les épaules. « Mais, à part ça, tu ne peux pas reprendre les cours de Défense. Bien sûr. »
Le plaisir qui brillait jusque là dans le regard noir disparut d'un coup. « C'est différent. »
Sirius poussa un long, long soupir. « Pourquoi est-ce qu'on ne se partagerait pas le travail ? J'adore m'occuper de l'A.D. et j'aime bien la pratique mais je déteste devoir monologuer pendant des heures, je déteste leur donner des devoirs ou les corriger et je déteste devoir leur mettre des notes. »
Snape le dévisagea avec sa plus belle expression sarcastique. « Donc, tu apprécies la partie agréable mais tu ne veux pas avoir à gérer les désagréments. Comme je suis surpris. »
« Tout ce que je dis, c'est que si tu ne te sens pas de tout gérer tout seul, on pourrait trouver un terrain d'entente. » rétorqua-t-il. « Je peux m'occuper de la pratique et toi de la théorie. »
« Des désagréments, autrement dit. » marmonna le Maitre des Potions.
« C'est toujours mieux que les cours de potions des premières et deuxièmes années, non ? » insista-t-il.
« Tu as conscience que cela implique que nous travaillons ensemble ? » Snape fit la grimace. « De manière plus poussée que nous ne le faisons déjà, s'entends. Cela signifierait nous parler tous les jours, nous coordonner, nous mettre d'accord avec un tant soit peu de courtoisie, passer des heures de nos journée en compagnie l'un de l'autre, et… »
« Severus. » l'interrompit-il. Utiliser son prénom était toujours une manière certaine de le faire taire, principalement parce que cela le choquait trop pour qu'il continue à s'écouter parler. « Ça pourrait marcher. Et rien ne nous empêche d'au moins essayer. Si c'est un désastre… » Il haussa les épaules. « McGonagall nous assassinera probablement tous les deux parce qu'elle n'en peut plus de devoir gérer les changements de professeurs et on n'aura plus à se soucier des horcruxes, de la guerre et du reste. »
Snape le dévisagea longtemps, l'air méfiant mais tenté, puis inclina finalement la tête. « Très bien. »
Sirius hocha la tête en retour puis claqua dans ses mains pour dissiper la gêne qui s'installait et se tourna vers le dédale de ruelles. « Okay… Faisons le tour des mannequins. J'en ai repéré trois qui seraient mieux ailleurs… »
Un quart d'heure plus tard, ils émergeaient de la Salle-sur-Demande, en échangeant des idées pour améliorer l'exercice. La conversation était presque plaisante si l'on exceptait les remarques acerbes que le Maître des Potions ne semblait pouvoir s'empêcher d'asséner, de sorte que Sirius n'hésita pas à attraper la manche de ses sur-robes avant qu'il ne s'éloigne de trop.
Faire trois allers-retours devant le mur fût l'affaire de quelques secondes et il poussa la lourde porte, la tenant ouverte pour Snape qui pénétra à l'intérieur avec un soupir agacé. « Qu'y a-t-il encore qui ne puisse pas… » L'homme s'interrompit brusquement. « Black. »
Sirius laissa la porte se refermer lourdement et louvoya entre les tables pour atteindre l'impressionnant bar au fond de la pièce qui était à présent la réplique parfaite des Trois Balais. Il ne manquait que Rosmerta.
S'il avait eu le choix, il aurait trainé l'homme directement à Pré-au-Lard et l'aurait arrosé d'assez d'alcool pour qu'il se confie – ça avait été sa première idée quand Harry lui avait demandé son aide – mais même lui savait que c'était trop dangereux. Il était peu probable que des Mangemorts ne les attaquent au village mais ce n'était pas une raison pour tenter le diable.
« Tu ne m'as toujours pas raconté ce qui s'est passé quand vous êtes allés chercher l'horcruxe. » lui rappela-t-il, sans lui laisser le temps d'arguer qu'il n'avait pas le temps de prendre un verre. « Autant le faire confortablement installé. »
Snape s'approcha du bar, son boitement légèrement plus prononcé qu'avant leur entraînement improvisé, et s'installa sur un des tabourets, non sans une moue désapprobatrice. « Il n'est même pas midi. »
« Il est midi quelque part. » répliqua-t-il, en inspectant le stock de bouteilles. « Et tu sais comme moi que la réunion de ce soir va être insupportable donc autant s'y préparer bien en avance. »
« En s'enivrant ? » se moqua Snape. « Non merci. »
Loin de se laisser décourager, Sirius porta finalement son choix sur une bouteille de cognac d'un âge respectable et plaça deux verres sur le comptoir.
« Je ne bois pas. » lui rappela l'homme avec agacement.
Sirius lui en servit tout de même un verre, avant de tirer son paquet de cigarettes de sa poche.
« Vas-y. » l'invita-t-il d'un geste impatient de la main avant d'allumer sa cigarette. « Raconte. »
La mâchoire du Maître des Potions se contracta. « Je t'ai déjà résumé l'essentiel. »
Il leva les yeux au ciel. « Tu m'as dit que les protections étaient fortes mais pas aussi efficaces que tu l'aurais pensé. Tu m'as dit que l'horcruxe avait poussé un cri lorsque vous l'avez détruit avec l'épée de Gryffondor, ce qui a perturbé Harry. Tu m'as dit que Dumbledore avait récupéré la bague mais que tu avais pu y jeter un œil sur le moment et que tu n'avais rien vu d'utile. » Snape leva un sourcil qui signifiait très clairement que c'était là l'essentiel. Sirius se fit violence pour ne pas l'envoyer se faire voir. « Dans quel état était la bague ? »
La question dût lui paraître pertinente parce que l'homme se pencha un peu au-dessus du comptoir, attrapant le verre qu'il lui avait servi sans toutefois le porter à ses lèvres. « Intacte mise à part l'endroit où la lame l'a frappée. Tous les livres semblaient indiquer que détruire l'horcruxe détruisait le vaisseau… J'en avais conclu qu'il s'agissait d'une destruction totale mais j'avais visiblement tort. »
« Ça veut peut-être simplement dire que le vaisseau ne peut plus être enchanté. » suggéra-t-il, en tirant sur sa cigarette. « Il faut qu'on en trouve un pour nous, sans Dumbledore. J'ai discuté avec Bill de l'idée de déplacer l'horcruxe, il a des idées qu'on pourrait essayer… Si on y arrive et que, en plus, le vaisseau n'est pas aussi à risque qu'on le pensait… »
« Albus semble penser que la clef se trouve dans le passé du Seigneur des Ténèbres. » déclara Snape. « Il a montré à Harry plusieurs souvenirs mais rien que je n'ai trouvé concluant, toutefois des souvenirs de souvenirs sont toujours moins précis que les originaux. Le Seigneur des Ténèbres est très porté sur les symboles… Si je devais m'y hasarder, je dirais que les horcruxes sont cachés à des endroits qui ont une importance pour lui. »
« Il faudrait pouvoir enquêter sur lui. » Il tapota la cigarette pour faire tomber la cendre à même le comptoir, ce qui lui valut un regard réprobateur. La seconde suivante, un cendrier apparaissait devant lui. Il regarda Snape ranger distraitement sa baguette. « Tom Jedusor… Il doit bien y avoir des archives quelque part à Poudlard… »
« Je doute que nous trouvions quoi que ce soit dans les archives de Poudlard. » rétorqua Snape avec un amusement amer. « Nous aurions plus de chances en fouillant le bureau d'Albus mais nous n'y parviendrons jamais sans nous faire prendre. » Sirius ouvrit la bouche pour argumenter le contraire mais l'homme l'interrompit d'un geste. « Non, Black. Je ne m'y risquerai pas moi-même et j'ai bien davantage confiance en mes capacités qu'en les tiennes, Maraudeur ou pas. »
Il fallait admettre que les chances que Dumbledore n'ait pas un million d'alarmes et sortilèges autour de ses affaires, particulièrement ses recherches, étaient faibles.
Mais Poudlard n'était pas le seul endroit où trouver une mine d'informations…
« Bonne chose que ma cousine soit la meilleure Auror de sa génération, hein ? » lança-t-il, très content de lui-même. Voilà qui était une excellente idée.
Snape parut surpris, puis intrigué, puis renfrogné. « Encore faut-il qu'elle accepte. »
Il haussa les épaules. « Elle ne me refuserait pas un service. Et puis, elle t'a à la bonne, non ? J'avais l'impression que vous vous entendiez bien. »
Le Maître des Potions porta le verre de cognac à ses lèvres et en sirotant une gorgée lentement, ses yeux noirs rivés au bois patiné du comptoir, la mâchoire contractée à l'extrême.
« Eh ben voilà. » se moqua-t-il. « Je croyais que tu ne buvais pas. »
« Je ne raffole pas de l'activité. » grinça Snape. « Mettons-le sur le compte de mauvaises expériences. »
Une part de Sirius voulait continuer à le taquiner mais il y avait une gravité sur le visage de l'homme qui lui fit dire que le sujet était sensible.
« Et les protections autour des horcruxes, alors ? » demanda-t-il, décidant de changer de sujet. « Tu as parlé d'un sort de repousse… »
« La malédiction sur la bague elle-même était la protection la plus dangereuse. » répondit le Maître des Potions. « Si Albus l'avait touchée… » Il secoua la tête. « Je ne comprends toujours pas ce qui lui a pris d'agir de la sorte. L'espace d'un instant, j'ai cru qu'il était envoûté. »
« On est sûr qu'il ne l'est pas ? » s'inquiéta l'Animagus. « Parce que je ne l'ai pas vu de la semaine et McGonagall n'arrête pas de se plaindre qu'il ne l'écoute même pas… »
« Il était parfaitement maître de lui-même ce matin. » contra Snape. « Distrait, certes, mais maître de lui-même. Non… » L'homme s'interrompit un moment, semblant réfléchir, puis émit un bruit peu convaincu. « Peut-être le sortilège qui protégeait la bague l'a-t-il affecté différemment d'Harry et de moi. »
« Le fameux sortilège dont tu ne veux pas parler. » commenta Sirius, pince-sans-rire. « Toi ou Harry, d'ailleurs. » Il lui laissa le temps de répondre mais Snape prit une autre gorgée de cognac sans rien dire. Sirius termina sa cigarette, puis soupira. « Bon, cartes sur table, Servilus. Tu es imbuvable depuis ce soir là, à peu près autant qu'avant ton petit séjour dans le passé. Harry s'inquiète pour toi. »
« Harry ferait mieux de se mêler de ses affaires. » siffla le Maître des Potions.
« Je suis désolé de devoir te l'expliquer mais ce sont ses affaires. » cingla-t-il. « Ce sont devenu ses affaires au moment où tu as décidé de l'adopter. »
Snape sursauta légèrement, ses yeux noirs trouvant brutalement les siens. « Je comptais t'en parler avant qu'il ne le fasse. Je n'ignore pas que… »
« On règlera ça quand j'aurais sa tutelle. » le coupa-t-il. « Et ne cherches pas à noyer le poisson. Dis-moi ce qui s'est passé ce soir là. C'était quoi ce sortilège ? »
L'espace d'une seconde, la tension fût telle que Sirius s'attendit très sérieusement à ce que l'ancien Mangemort ne sorte en trombe avec toute l'indignation dont il pourrait faire preuve. Lorsqu'il n'en fit rien, lorsqu'il se contenta de rester assis là à fixer Sirius du regard et à respirer un peu trop vite, L'Animagus le prit un peu en pitié.
« Écoute, je sais que tu ne comprends pas bien comment ça marche, mais on est amis maintenant. » lâcha-t-il, parvenant à peine à contrôler une grimace lorsqu'il prononça ces mots. « Ça veut dire que quand tu as des problèmes, on en parle et on trouve une solution. Je sais que c'était il y a longtemps mais Lily devait bien… »
« Ne te compare pas à Lily. » somma Snape avec juste assez de réelle hostilité dans la voix pour que Sirius lève les deux mains en signe d'apaisement.
Il jeta la cigarette encore allumée dans le cendrier et se frotta la bouche, peu certain de comment procéder. Remus était parfois réticent à se confier mais jamais comme ça. Snape était un cactus et…
« Nous ne sommes pas amis. » maugréa le Maître des Potions, à peine plus aimablement. « Cesse de répéter ça à tout va, cela devient gênant. »
« Gênant pour moi. » ricana-t-il, sans grand amusement.
Il commençait à croire qu'Harry avait vu juste et qu'il y avait vraiment un problème autre que la disposition naturelle de Snape.
Le Maître des Potions avala une nouvelle gorgée de cognac d'un geste un peu saccadé qui n'avait rien à voir avec les tremblements de ses mains.
Sirius attendit une autre longue minute avant de descendre la moitié de son propre verre d'un coup, perdant patience. « D'accord. Tu n'es pas obligé de m'en parler à moi mais tu devrais trouver quelqu'un à qui… »
« Le sortilège créait des illusions extrêmement réalistes. » l'interrompit froidement Snape. « Ce n'était pas des spectres mais cela y ressemblait. »
Il s'accouda au comptoir pour mieux prêter à l'autre homme sa pleine attention. L'ancien Mangemort ne le regardait pas en face, cependant, il tournait et retournait son verre, observant le mince filet de liquide qui y restait.
« Le sortilège jouait sur le sentiment de culpabilité. » ajouta le Maître des Potions après une poignée de secondes. « Harry a vu Diggory ainsi que Potter et Lily. Encore qu'il soit possible que Potter et Lily aient été là pour moi ou Albus… »
Sirius n'était peut-être pas un Serpentard mais il savait lorsque quelqu'un essayait de détourner la conversation. « Et toi ? »
« Je ne suis pas exactement étranger au sort de mort, Black. » railla l'homme. « Ni à la culpabilité. » Il termina son verre d'un geste sec. « Si j'ai paru perturbé à Harry c'est qu'il y avait quelqu'un dans la masse dont la présence m'a pris de court. Je n'éprouve aucune culpabilité vis-à-vis de sa mort. À vrai dire, à une époque, je l'aurais volontiers tué de mes mains. Je ne parviens pas à comprendre ce qu'il faisait là. »
Il comprenait un peu mieux la réticence de son rival à s'expliquer désormais. Sirius n'était pas sûr qu'il aurait mieux réagi à un sort lui renvoyant ses plus gros échecs ou erreurs au visage. Il ne savait pas combien de gens Snape avait déjà tué, que ce soit pour Voldemort ou Dumbledore, mais il pouvait deviner sans mal qu'il y en avait un certain nombre. Ce n'était pas comme si lui n'avait jamais tué personne, non plus. Il n'abusait pas des sorts de mort mais, à l'époque, durant la première guerre, il en avait jeté plus qu'à son tour.
Et, outre les Avada, il y avait différentes manières de tuer les gens. Un sort malheureusement plus fort que ce qu'on ne le désirait et…
« Qui c'était ? » demanda-t-il, avant d'avoir pu s'en empêcher.
Snape repoussa son verre vide, son expression pas aussi neutre et lisse qu'à l'accoutumée – ou, plutôt, pas aussi neutre et lisse qu'avant son séjour dans le passé. Ils n'avaient jamais discuté de l'Occlumencie, l'homme lui avait intimé de rafraichir ses bases puis l'avait testé inlassablement jusqu'à être satisfait de ses progrès et cela avait été la somme de leur échange sur le sujet. Il semblait à Sirius que Snape était passé de Maître Occlumens à…
« Mon père. » murmura l'homme, presqu'à regret.
Sirius écarquilla les yeux, légèrement choqué par cet aveu, mais se reprit bien vite. Il ne savait pas exactement pourquoi il était si étonné. Ce n'était pas comme si Snape avait jamais eu l'air particulièrement heureux durant leur adolescence.
Et il s'y connaissait lui-même sur la question.
Ce n'était pas pour rien que les Potter l'avaient pratiquement adopté.
Il leva son verre en un toast un peu ironique. « Aux parents merdiques. »
Snape trinqua avec son verre vide, laissant à Sirius le soin de terminer le sien. Il attrapa la bouteille et s'en servit une nouvelle rasade. Lorsqu'il voulut faire de même avec le verre de l'autre sorcier, celui-ci le couvrit de sa main.
« Tu bois beaucoup trop. » lui reprocha le Maître des Potions.
« Et c'est pour ça que tu vas adopter Harry et que je vais me contenter d'être le parrain sympa. » constata-t-il. « J'ai passé douze ans à Azkaban, je ne suis pas prêt à abandonner mes vices tout de suite. »
Pour mieux ponctuer cette affirmation, il s'alluma une deuxième cigarette – pour ça et pour le seul plaisir de voir Snape froncer le nez de dégout.
« Parlant de vices… » rebondit l'autre sorcier. « Ton amourette avec ta vampire… Est-ce sérieux ? »
Sirius prit le temps d'avaler une gorgée d'alcool avant de répondre, principalement parce qu'il n'appréciait pas la désapprobation dans la voix de l'ancien Mangemort.
« Plus ou moins. » offrit-il finalement. « Plus que moins. »
« Ne t'est-il pas venu à l'esprit qu'elle pourrait être notre espionne ? » questionna l'homme, non sans condescendance.
« Comme c'est drôle, elle m'a demandé la même chose à ton sujet. » Il lui jeta un regard vaguement amusé avant de porter sa cigarette à sa bouche. « Vous devriez peut-être avoir une petite conversation tous les deux. »
Le bruit qu'émit Snape laissait présager que la chose n'était pas à l'ordre du jour. L'homme semblait toutefois un peu gêné d'un coup. Son regard se fit fuyant et ses doigts pianotaient impatiemment sur le bois du comptoir. « Black… Si tu étais à ma place… Lui aurais-tu dit pour la Marque ? »
Il haussa les épaules. « Je n'en sais rien. Pourquoi ? »
Snape leva les yeux au ciel. « Je ne comprends pas pourquoi il serait nécessaire de divulguer des informations qui ne serviraient qu'à causer de la détresse sous-prétexte que la personne partage notre vie. »
Sirius avait eu le malheur de prendre une nouvelle gorgée d'alcool juste à ce moment là et manqua s'étouffer. Il toussa et crachota tout en dévisageant Snape, les yeux grands ouverts embués de larmes.
« Servilus… » Il déglutit avec difficulté, la gorge douloureuse. « Est-ce que tu es en train de me dire que tu as une petite-amie secrète ? Pas gonflable, ça ne compte pas si elle est gonflable. » Si les regards pouvaient tuer, Sirius serait probablement tombé raide mais il ne parvenait pas à s'en préoccuper parce que Snape avait l'air bien trop coupable. « Oh, Merlin ! Mais qui ? La seule femme que tu fréquentes un minimum c'est McGonagall. » Il s'interrompit, bouche ouverte, un air qu'il savait être horrifié sur le visage. « Dis moi que ce n'est pas McGonagall. »
« Minerva et moi entretenons une liaison torride depuis des années. » cracha le Maître des Potions.
Sirius ne releva même pas sa mauvaise humeur évidente. « Je sais que tu es plus que probablement sarcastique, là, tout de suite, mais il va me falloir une vraie confirmation qu'elle et toi vous n'êtes pas… »
« Évidemment que je suis sarcastique, espèce de crétin. » le coupa l'homme.
L'Animagus se mit à respirer un peu plus facilement. « Merlin, Severus, ne me mets pas ce genre d'images en tête. Même pour plaisanter. » Il se frotta les yeux comme pour mieux effacer les dites images. « Qui alors ? »
« Personne. » marmonna Snape, le visage fermé. « Je pensais à Harry. Il m'est apparu que s'il découvrait que ma Marque est si dangereuse… »
« Ne lui dis pas. » le conseilla Sirius, en secouant la tête. « C'est sous contrôle pour le moment. Si ça change… Si ça change, c'est autre chose, mais pour le moment, il n'a pas besoin de savoir. »
Snape hocha la tête, l'air soudain un peu plus satisfait. « Voilà exactement mon raisonnement. »
« Oui, mais là on parle d'Harry. » contra Sirius. « Ce serait différent si on parlait… de quelqu'un d'autre. »
L'ancien Mangemort fronça les sourcils. « En quoi ? La situation est la même. »
« La situation n'est pas la même parce que j'ose espérer que la personne en question est majeure et pas sous ta responsabilité. » corrigea Sirius, en se penchant pour mieux l'étudier. « Est-ce que je la connais ? »
« Il n'y a personne. » répéta sèchement Snape.
Il était trop bon menteur.
Sirius ne savait pas s'il devait le croire ou non.
Il passa rapidement en revue les femmes de leur âge qui gravitaient autour d'eux…
« Sinistra ? » devina-t-il. La Professeur d'Astronomie était une ancienne Serpentard, après tout, ça devait leur faire des points communs.
« Black, ne m'oblige pas à te jeter un sort. » grinça Snape.
« Oh… Tu n'as pas encore conclu, c'est ça ? » s'exclama-t-il, avec entrain. « Je peux t'aider. J'ai des années d'expérience dans ce… »
Il eut à peine le temps d'esquiver ce qui, il en était à peu près sûr, était un sort noir qui lui aurait valu une jolie brûlure. Plusieurs bouteilles éclatèrent derrière le bar. Il nettoya le tout d'un coup de baguette distrait.
« Ça va, ça va… » bougonna-t-il. « J'ai compris, je me tais. » Il lui jeta un coup d'œil amusé. « Mais si tu as besoin de conseils… »
La manière dont Snape leva sa baguette était si visiblement une menace que Sirius éclata de rire. « Tu sais, je te préfère comme ça que quand tu es déprimé. C'est beaucoup plus drôle. »
« Personnellement, je préférais quand je n'étais pas obligé de te côtoyer. » maugréa l'ancien espion, avant de soupirer. « Parlant de conseils, cependant… »
« Des fleurs. » déclara immédiatement Sirius. « Et puisqu'elle est Professeur d'Astronomie, quelque chose en rapport avec les étoiles ou… »
« Pour l'amour de Merlin, Black, je ne m'intéresse pas à Aurora ! » s'emporta l'homme, avant de se renfrogner. « Je voulais parler de transformations Animagus. »
« Dommage que tu ne sois pas vraiment avec McGonagall, alors. » plaisanta-t-il. « Ça ferait de fantastiques conversations sur l'oreiller… » Snape attrapa sa canne et fit mine de se lever. « D'accord, d'accord ! J'arrête. Mais tu ne peux pas me tendre des perches pareilles et t'attendre à ce que je ne dise rien, aussi… » Sirius jeta la cigarette qui s'était consumée toute seule et termina son verre. « Qu'est-ce que tu veux savoir sur les Animagus ? D'après ce que nous a raconté Harry, tu te débrouilles très bien tout seul, Nox. »
Snape fit la grimace. « Ce garçon n'est pas doué pour nommer les animaux. »
« Oh, je ne sais pas, c'est plutôt sympa comme surnom pour un Maraudeur honoraire. » commenta-t-il, juste pour le plaisir de voir son visage virer au rouge cramoisi.
« Ne répète jamais ça. » gronda Snape, outragé.
Sirius avait l'impression de suffisamment avoir poussé sa chance ce jour là. « C'est quoi le problème exactement ? »
« Il n'y a pas de problème. » marmonna le Maître des Potions. « Je m'interrogeais simplement… T'es-tu déjà transformé en étant blessé ? »
« Bien sûr. » Il hocha la tête. « Je me sers souvent de Patmol quand je me bats. »
Snape acquiesça pensivement puis fit tourner sa canne entre ses doigts. « Qu'en est-il d'une blessure plus grave ? Comme une fracture ou… »
« Des nerfs endommagés ? » suggéra-t-il, comprenant où le Professeur voulait en venir. Il contourna lentement le bar pour aller s'asseoir sur le tabouret à côté de celui de Snape. « Tu n'as pas réessayé depuis... »
Il laissa sa phrase en suspend.
Snape, pour sa part, gardait les yeux rivés sur sa canne. « Non. Je ne suis pas persuadé que cela fonctionnerait ou que le sombral serait d'un quelconque avantage désormais. Étant donné l'état de mes mains, quelles sont les chances que mes ailes fonctionnent ? »
« Tu ne le sauras pas tant que tu n'auras pas essayé. » remarqua-t-il avec un petit haussement d'épaules. L'autre sorcier resta silencieux un moment de trop. Sirius l'observa attentivement, avant de se détourner légèrement, sachant d'avance que ce qu'il allait dire serait mal pris. « Il n'y a pas de honte à avoir peur de… »
« Je n'ai pas peur de quoi que ce soit. » cingla Snape, sans lui laisser le temps de terminer. « J'aimerai simplement être certain que cela soit sans danger. »
« Rien n'est sans danger dans la vie, Servilus. » soupira-t-il, mais s'il se laissait aller à penser à cette nuit là où Snape avait été présumé mort… « Harry nous a dit que Dumbledore et McGonagall t'avaient forcé à te retransformer. »
« Nous ? » releva Snape dans un froncement de sourcils.
« Nyssa, Remus et moi. » clarifia-t-il. « Dumbledore l'a envoyé au Q.G., très certainement pour ne pas l'avoir dans les pattes, il refusait de te laisser… Il était en état de choc quand il est arrivé Square Grimmaurd. Il ne nous a pas passé les détails. Ce qu'il a décrit… Ca avait l'air douloureux et traumatique. »
Le Maître des Potions resta silencieux suffisamment longtemps pour que Sirius pense qu'il allait détourner la conversation une nouvelle fois.
« Je n'en garde que des bribes de souvenirs. » admit pourtant l'ancien espion. « La douleur, cependant… Elle était omniprésente et la transformation n'a rien arrangé. Que ce soit lorsque je me suis transformé en sombral en premier lieu ou lorsque Albus et Minerva m'ont forcé à reprendre forme humaine. »
« Je suis resté coincé à moitié-chien à moitié-homme, une fois, au début. » offrit Sirius. « James a dû me jeter le sort pour forcer la transformation… C'était une des pires sensations que j'ai jamais ressenti. »
« Étant donné mes dons en Métamorphose, il n'est pas impossible que cela arrive. » railla Snape. « Ce qui est une autre bonne raison de m'abstenir. »
« C'est une bonne raison de t'abstenir d'essayer seul. » rétorqua-t-il. « Une chance pour toi que je sois non seulement disponible mais je sache également comment te retransformer le cas échéant. »
Snape ne bougea pas de son tabouret, les yeux perdus dans le vague. « Ils m'ont poursuivi. J'ignore quand ils ont renoncé… Tout ce dont je me souviens c'est de m'être répété de continuer à battre des ailes. C'est un miracle que je sois parvenu à regagner l'école. »
« Je n'aurais jamais dû te laisser partir. » soupira Sirius.
Les yeux noirs trouvèrent les siens, sérieux et froids. « Il restait une chance de sauver ma couverture. Il me fallait essayer. »
« Non. » Il secoua la tête. « C'était stupide et j'aurais dû te retenir. Je savais que c'était une connerie avant même que tu partes. »
« Ce qui est fait est fait. » décréta l'homme, en balayant l'air d'une main tremblante.
Sirius l'étudia un moment puis écarta d'un coup de baguette les tables et chaises rassemblées dans la pièce avant de lui désigner l'espace libre de la main. « Allez, essaye. Qu'est-ce que tu risques ? »
« Souhaites-tu la liste exhaustive ou celle plus détaillée ? » grinça Snape. Il se leva pourtant lentement, laissant la canne appuyée contre le comptoir. « Es-tu certain de maîtriser la formule ? Si Minerva doit à nouveau me venir en aide sous ma forme Animagus, j'ai peur de terminer en retenue avec ses élèves. »
« Je ne veux pas entendre parler de vos jeux coquins. » plaisanta Sirius, en ayant la présence d'esprit de jeter un bouclier qui s'avéra utile lorsque le sort de lévitation s'écrasa dessus. Il rit face à l'expression agacée de son rival. « Allez, transforme-toi. Plus tu attendras, pire ça sera. »
Snape le foudroya du regard puis ferma les yeux et prit une profonde inspiration.
Pour lui, se fondre en Patmol et inversement était aussi facile que de respirer, la transformation ne lui prenait qu'une demi-seconde, à peine une arrière pensée.
Ce fût plus long pour Snape. Moins d'une minute mais d'avantage qu'une poignée de secondes.
Tout amusement dissipé, Sirius se tint aux aguets, prêt à intervenir si le Maître des Potions restait coincé.
Pourtant, lentement mais sûrement, l'homme laissa place à un sombral qui gigota maladroitement sur place comme s'il n'était pas tout à fait à l'aise dans ce corps. Ça lui rappela les premières fois où James avait réussi à se transformer et où les bois étaient si lourds que son meilleur ami peinait à lever la tête ou à faire trois pas sans perdre l'équilibre. Sirius avait tellement ri à l'époque…
« Essaye de déplier tes ailes. » ordonna-t-il, s'efforçant de se concentrer sur le présent. L'animal était couvert de cicatrices plus ou moins anciennes qui se fondaient dans l'aspect spectral de la créature, ce qui lui fit dire que le corps de l'homme devait être similairement marqué.
Lentement, prudemment, Snape écarta les ailes jusqu'à ce qu'elles soient étirées de chaque côté de son dos.
Sirius sauta de son tabouret et approcha, tendant la main vers celle de droite.
« Je peux ? » demanda-t-il avant de toucher, peu enclin à prendre un coup de sabot.
L'animal renâcla mais baissa la tête ce qu'il prit comme une permission. La membrane de l'aile était extrêmement fine sous ses doigts, il passa la main sur son ossature suivant la courbe jusqu'à son dos où le tremblement était évident. Comme si l'aile était trop lourde et qu'il peinait à en supportait le poids.
« Je ne suis pas expert en sombrals mais je pense qu'il y a peut-être un problème ici. » Il tapota l'endroit en question. L'aile de Snape s'abattit d'un coup et il ne dût qu'à ses réflexes de se baisser juste à temps. « Hey, doucement ! » Le bruit que fit le sombral n'était pas aimable. « Oui, eh bien, j'en ai autant à ton service. » Il ne se laissa pourtant pas distraire, s'écartant légèrement et plaçant ses mains sur les hanches pour mieux appréhender la situation. « On pourrait voir avec Hagrid. » Nouveau bruit agacé. « Très bien, alors mis à part aller dans le parc et essayer de te faire voler pour voir si cette aile fonctionne ou pas, je n'ai pas d'autre idée. Tu me diras, si tu voles au-dessus du lac, au pire tu te noieras au lieu de t'écraser… »
Il recula de deux pas lorsque le sombral disparut lentement pour laisser place à un sorcier fort peu amusé.
« Tu es le pire enseignant au monde. » décréta Severus Snape.
Venant de lui, Sirius décida de le prendre comme un compliment.
°O°O°O°O°
Il n'y avait pas de mots pour décrire la joie qu'Albus ressentait à cet instant précis, la joie qui ne l'avait pas quitté ces derniers jours alors qu'il observait Arianna déambuler dans son bureau.
Elle n'était, certes, que l'ombre de ce qu'elle avait été, incapable de basculer pleinement dans la réalité, mais cela lui suffisait.
Voir sa sœur, si jeune, si frêle, se poster à la fenêtre ou s'asseoir dans un coin pour quelque jeu qui lui était propre…
Elle n'interagissait pas avec lui malgré toutes ses tentatives mais il s'y était préparé.
Le conte des Trois Frères était un avertissement suffisant sur le sujet. Elle était là sans être là.
Peut-être, songea-t-il, ignorant la voix de Minerva qui était depuis longtemps devenue un bruit de fond, peut-être que s'il était véritablement le Maître de la Mort, la pierre réagirait différemment et permettrait à Arianna d'être plus… vivante ? S'il demandait à Harry de lui prêter momentanément la cape, le garçon accepterait très certainement, et alors…
Mais c'était cette certitude qui le retenait tout aussi fermement que cet alors.
Le temps et l'expérience lui avait prouvé qu'il n'était pas digne de posséder les trois reliques. Il ne se faisait pas confiance. Oui, leur pouvoir conjugué lui permettrait peut-être de détruire plus facilement les horcruxes et Tom Jedusor, oui… Toutefois saurait-il s'arrêter là ou se mettrait-il en tête de redresser d'autres torts de la communauté magique jusqu'à ne devenir qu'un tyran drapé de bonnes intentions ?
Pour le plus grand bien.
Il faisait déjà des choix difficiles, bien sûr, au nom de ce plus grand bien.
Un plus grand bien différent de la vision de sa jeunesse mais…
« Albus. »
Ce fut la main qui frappa à plat sur le bureau qui le fit sursauter davantage que l'appel réprobateur de son prénom.
Sa sous-directrice se tenait droite sur son siège, un parchemin oublié dans sa main libre, la bouche pincée et l'air désapprobateur des grands jours. « Voulez-vous bien me dire ce qui ne va pas ? Voilà une semaine que vous êtes distrait au possible. Je ne suis pas la seule à l'avoir remarqué. »
Distrait, il l'était.
Trop, il le savait.
Il n'accordait ni à Poudlard, ni à l'Ordre l'intérêt qu'il leur devait.
Mais après toutes ces années de bons et loyaux services… N'avait-il pas gagné le droit de ces instants volés avec sa sœur ? Le simple plaisir de la revoir, de prétendre, l'espace d'un instant, qu'elle était encore vivante ?
La nostalgie, le regret, la culpabilité… Autant d'émotions avec lesquelles il vivait depuis près d'un siècle.
Il fit pourtant un effort pour se concentrer sur la discussion, détournant les yeux d'Arianna qui était allée s'asseoir sur le rebord de la fenêtre et dont le regard s'était perdu dans le lointain.
« Mes excuses, Minerva. » offrit-il platement, passant une main dans sa barbe pour mieux la lisser. « Vous disiez ? »
La moue réprobatrice ne disparut pas immédiatement, le regard de son amie s'était fait un peu trop perçant. « Désirez-vous en parler ? »
Il n'aurait pas su par où commencer.
Il aurait fallu tout lui expliquer et ça…
Il viendrait un temps sans doute où ses secrets seraient révélés au grand jour mais ce moment n'était pas venu.
« Une simple fatigue passagère, ne vous inquiétez pas. » réfuta-t-il poliment. « Vous me parliez du plan d'évacuation de l'école ? »
Elle l'étudia une demi-seconde de plus avant de soupirer. « Severus, et je suis bien d'accord avec lui, souhaiterait savoir qui vous avez choisi pour être la clef de voûte du sortilège afin de s'assurer que cette personne en est capable et saura comment faire le moment venu. De plus, il serait sans doute plus sage de la garder à portée. »
« C'est en cours. » répondit-il. « J'espère qu'il devrait arriver sous peu. »
Minerva fronça les sourcils. « Je pensais qu'Abelforth… »
« Abelforth protégera Pré-au-Lard et nous fournira un soutien si nécessaire. » expliqua-t-il « Mais il n'a pas l'expérience pour ce genre de magie. »
Trop complexe, trop subtile…
Non, il n'y avait qu'une seule personne autre que lui-même qui aurait pu tenir le rôle de la clef de voûte. Les hiboux étaient partis et revenus puis repartis… Les négociations étaient difficiles mais il avait bon espoir de triompher. Il ne permettrait pas qu'il en soit autrement.
'J'espère que vous savez ce que vous faites' lui avait dit Scrimgeour et il était resté d'un calme impassible lorsqu'il avait répondu par l'affirmative mais Albus aurait menti s'il avait affirmé ne pas ressentir une pointe d'excitation à l'idée ce qui était, au fond, un plan stupidement risqué.
Il aurait été plus simple de convaincre Severus d'endosser le rôle. Certes, le Maître des Potions n'était pas aussi puissant que lui mais il avait une maîtrise de sa magie qu'Albus avait rarement vue ailleurs et, il le soupçonnait, son ancien espion aurait parfaitement pu tenir le sortilège au moins quelques temps.
Severus était plus sage que lui, cependant, et connaissait ses limites.
Et, au demeurant, cela l'arrangeait.
À présent qu'il avait les trois Reliques à disposition…
Cela semblait un trop gros signe pour être ignoré.
« Viendrez-vous à la réunion ce soir ? » s'enquit Minerva, d'une voix plus douce.
Il secoua la tête en signe de dénégation. « Non, Remus me remplacera. Il n'y a, de toute manière, pas grand-chose à dire. »
« Alors pourquoi s'embarrasser d'une réunion ? » soupira-t-elle. « Tant que nous n'aurons pas identifié l'espion… »
« Il est impératif que l'Ordre tienne, espion ou pas. » l'interrompit-il. « Si nous nous ne nous voyons plus, si nous laissons nos liens s'étioler… »
La sorcière hocha la tête avec compréhension mais ne put s'empêcher une grimace. « Vous réalisez que la situation est d'ors et déjà tendue, n'est-ce pas ? Les divisions sont telles… »
Oui, il était plus qu'au fait de ces divisions et bien que cela l'ai arrangé pendant un temps, à présent que Severus n'espionnait plus… Remus était un excellent coordinateur et gérait admirablement leurs ressources humaines et autres, néanmoins son obsession pour les loups-garous était un point qui inquiétait Albus. Et puis, au demeurant, si Remus était plus apte à gérer directement les troupes, Severus, lui, avait la vision nécessaire à un meneur.
Si jamais Albus devait tomber, si l'Ordre devait se rassembler autour de quelqu'un d'autre…
Severus aurait été le meilleur candidat. Il saurait faire les choix qui s'imposaient, quelque soit les sacrifices qui en découleraient.
Remus était trop tendre.
« Tout ira bien, Minerva. » lui promit-il. Cela sonnait peut-être un peu creux mais c'était tout ce qu'il pouvait offrir pour l'instant. « Tout ira bien… »
Son regard suivant les allées et venues d'Arianna, il refusait de croire autre chose.
°O°O°O°O°
La poudre de cheminette n'avait jamais été son moyen de transport favori mais plus il le pratiquait depuis la nuit où il avait été capturé, plus Severus en venait à le détester.
Il lui était devenu quasiment impossible de faire une entrée un tant soit peu digne. Sa jambe le faisait légèrement souffrir, conséquence de son duel avec Black et des heures qui avaient suivies, et, propulsé hors du réseau de cheminées, il trébucha avec inélégance sur le tapis fort mal placé du salon du Square Grimmaurd et manqua heurter la table basse.
Il se redressa rapidement et épousseta ses robes, heureux que le salon soit vide mis à part pour Minerva qui venait très visiblement d'arriver par le même biais et s'abstint de tout commentaire. Ils échangèrent un hochement de tête poli et se dirigèrent vers la cuisine d'où ils pouvaient entendre des voix, celle de Black s'élevant plus forte que les autres.
Severus avait déjà la migraine.
Il blâmait le verre de cognac que l'Animagus l'avait poussé à avaler avant même le déjeuner et les heures qu'ils avaient passées dans le parc à essayer de déterminer s'il pouvait ou non risquer de voler vu l'état dans lequel étaient les ailes du sombral. Severus aurait préféré s'en assurer seul pour éviter précisément le genre de moqueries qu'avait lancées Black sans discontinuer mais l'autre sorcier avait refusé de le laisser, arguant qu'il était stupide qu'il s'isole en sachant qu'il pouvait avoir besoin d'aide.
Il n'avait pas eu besoin d'aide, au final.
Toutefois, Nox n'avait jamais été très à l'aise avec le vol et il était évident que les dommages causés à ses nerfs n'avaient pas amélioré la situation. Severus, sous sa forme de sombral, était parvenu à décoller plusieurs fois mais n'était pas arrivé à maintenir ni son allure ni l'altitude plus d'une dizaine de minutes consécutives. Il avait fait plus d'un atterrissage précipité, raison pour laquelle il utilisait la canne moins de manière décorative ce soir là que par réel besoin. La patte arrière du sombral était tout aussi peu fiable, désormais, et, à chaque fois qu'il avait heurté le sol un peu trop violemment, la douleur était remonté jusque dans sa hanche.
« Es-tu donc incapable de t'exprimer à un timbre normal, Black ? » lança-t-il, en pénétrant dans la pièce tout en se pinçant l'arrête du nez.
Fletcher et Shacklebolt étaient assis à la table de la cuisine, chacun avec une tasse de thé fumante devant eux la vampire leur faisait face et il sentit son regard se river sur lui mais il ne lui prêta, en apparence, aucune attention Lupin se tenait debout appuyé contre le mur et Black fouillait dans les placards, une cigarette coincée au coin de la bouche.
Le cabot se tourna pour lui jeter un regard agacé qui se transforma immédiatement en amusement lorsqu'il avisa Minerva juste derrière lui. « Vous êtes venus ensemble ? Quelle coïncidence… »
Severus prit une profonde inspiration, devinant que la soirée allait être difficile. Il appréhendait déjà la présence de Nymphadora, peu certain de comment il était censé agir avec elle. Elle avait dit avoir besoin de réfléchir mais elle l'avait également embrassé en partant et, certes, elle n'avait pas cherché à le contacter depuis plus d'une semaine mais…
Il occluda rapidement un train de pensées qui lui donnait l'impression d'avoir à nouveau quinze ans.
« En quoi est-ce une coïncidence ? » demanda Minerva, avec une certaine méfiance, sentant certainement le coup fourré. « La réunion est à sept heures et il est sept heures. Nous sommes tous deux ponctuels… »
« Vous avez tant de points communs. » remarqua innocemment Black avec cette étincelle dans les yeux que Severus avait appris à craindre durant leur première année.
« As-tu terminé ou dois-je, à nouveau, te rappeler qui de nous deux est supérieur en duel ? » grinça-t-il, conscient que tout le monde les regardait désormais avec curiosité, si ce n'était suspicion.
Black n'avait aucun instinct de survie. « Je dis juste que vous feriez un beau couple, c'est tout. »
« Mais de quoi parlez-vous ? » s'insurgea Minerva, s'étouffant à moitié dans son outrage.
Il y eut plusieurs rires autour de la pièce.
« Ne l'encouragez pas en posant des questions, je vous en prie. » la supplia Severus dans un soupir. « Black n'a jamais appris que les plaisanteries les plus courtes étaient les meilleures. »
« Ce n'est pas moi qui rêve de retenues avec notre estimée sous-directrice. » rétorqua Black, dans un éclat de rire. Le regard qu'il posa sur Minerva était toutefois affectueux. « Je suis un peu jaloux, je dois dire. Si j'avais su que vous aimiez les hommes plus jeunes, j'aurais tenté ma chance. »
Minerva rougit violemment, ne sachant apparemment pas comment répondre. Elle se racla la gorge, tira une chaise et s'assit en pressant ses mains sur ses joues en feu. « Oh, taisez-vous, Sirius. Vos flatteries ne fonctionnent pas sur moi. »
Severus leva les yeux au ciel face à l'attachement manifeste dans sa voix.
Il n'avait jamais compris l'engouement de la sous-directrice pour ses lions. Surtout ceux-là.
« Si nous en avons terminé avec ces âneries… » marmonna-t-il.
« Ça va, ça va… Je plaisante. » répondit Black, en balayant ses objections de la main. C'était une preuve d'à quel point leur relation s'était améliorée ces derniers mois qu'aucun sortilège n'ait déjà fusé. Une chose que Severus reconsidéra sur le champ lorsque l'Animagus ajouta avec un clin d'œil : « On sait tous que Minerva peut trouver mieux que toi. »
« Ce n'est pas comme si Minerva s'intéresserait jamais à un de ses anciens élèves, de toute manière. » intervint Lupin d'un ton calme, légèrement moqueur, parfaitement normal. « Elle a, après tout, un certain sens de l'éthique. »
La pique était ciblée et, s'il avait envisagé une coïncidence, l'œillade prononcée que le loup lui jeta l'aurait détrompé. Elle passa loin au-dessus de la tête de Black et de Fletcher qui rirent de bon cœur, la vampire se contenta de lever les sourcils sans offrir de commentaires et, si Minerva comprit l'allusion, elle ne le laissa pas paraître.
« Allons, allons, les garçons. » les gronda-t-elle, comme s'ils étaient encore à l'école.
Shacklebolt, en revanche, avait tiqué et le dévisageait à présent sans en avoir l'air.
Severus choisit de ne pas relever mais détermina qu'il ne survivrait pas à la réunion sans une tasse de thé. Il s'approcha du plan de travail où quelqu'un avait laissé une théière fumante et une collection de tasses dépareillées. Il s'en servit une et l'agrémenta à sa convenance.
Black avait recommencé à fouiller dans le placard du bas. « Bon, sérieusement, où est passée ma bouteille de Whiskey Pur-Feu ? »
« Désolé, c'est ma faute. » répondit Lupin. « Tonks et moi nous sommes un peu laissés emporter hier soir. Je t'en rachèterai une. »
Severus renforça mentalement tous ses boucliers avant de pouvoir dire ou faire quelque chose qu'il allait regretter.
« Tonks et toi ? » releva immédiatement Black, en se redressant.
Le loup haussa les épaules, les mains dans les poches et un petit sourire horripilant aux lèvres. « Elle est passée hier soir. Elle voulait qu'on parle. »
Il était évident que Lupin cherchait à provoquer Severus ou, tout du moins, à susciter une réaction qu'il ne lui ferait pas le plaisir de lui donner. Quant à la véracité de ses propos… Il supposait qu'il était possible que Nymphadora ait vu le loup, la veille, en passant au Q.G., mais pour le reste… Elle demeurait si profondément marquée par l'épisode du loup-garou qui avait manqué lui arracher la gorge – et il aurait été bien mal placé pour lui jeter la pierre… Il doutait que l'entrevue ait été aussi amicale que Lupin se plaisait à le laisser entendre.
Il fouilla ses poches à la recherche d'une potion antidouleur avec des mains qui n'étaient pas aussi stables qu'il l'aurait souhaité. Il trouva néanmoins ce qu'il cherchait et en versa une généreuse rasade dans sa tasse de thé. Cela aurait le mérite d'atténuer la crispation des muscles de sa jambe et de faire disparaître sa migraine.
« Je croyais que c'était fini ? » demanda Fletcher. « Faut que je passe plus souvent, je rate tous les bons ragots. »
Il était bien le seul à manifester un minimum d'enthousiasme autour de la table.
Severus prit soin de garder son attention sur le plan de travail et le thé qu'il ne se décidait pas encore à risquer de transporter à table, pas avec des mains qui tremblaient tant. Black avait froncé les sourcils, un déplaisir évident sur le visage. La vampire et Shacklebolt semblaient plus gênés qu'autre chose. Et Minerva le regardait, lui, avec une telle transparence qu'il se promit de lui rappeler, dès qu'ils seraient seuls, qu'un minimum de subtilité n'avait jamais tué un Gryffondor, contrairement à ce que tous les lions semblaient penser.
Le bruit de la lourde porte d'entrée retentit à ce moment là, suivi des hurlements du portrait qui trônait toujours dans le hall, d'un Silencio jeté avec impatience, et des rires joyeux de jeunes gens qui ne tardèrent pas à débarquer dans la cuisine au pas d'une horde d'hippogriffes enragés.
Nymphadora avait les bras autour des épaules de Charlie Weasley et de son compagnon, de sorte que les trois amis formaient une sorte d'unité compacte. Leur bonne humeur parut fondre comme neige au soleil lorsqu'ils se retrouvèrent confrontés au silence gêné qui fit suite à leur entrée tonitruante.
Le regard de Severus passa des bottes épaisses en cuir de dragon au pantalon jaune et noir à carreaux retenu à la taille par un ceinturon noir, remonta le long du tee-shirt à peine suffisamment court pour laisser entrapercevoir un ventre plat malgré la lourde veste en cuir qui le plombait, glissa sur le ras de cou noir, et finit par rencontrer le regard gris qui avait immédiatement cherché le sien. Le sourire fût lent mais radieux et contribua largement à ce que Severus se détende.
Il se détourna pourtant vers sa tasse de thé, avec nonchalance, feignant d'ajouter un autre sucre.
« Alors comme ça, toi et Remus avez dévalisé ma réserve de Whiskey ? » lança Black, plus agressivement qu'il ne l'avait probablement voulu.
« Je plaide non coupable ! » répondit Weasley.
« Remus dit que vous avez vidé la bouteille hier soir, Tonks. » insista l'Animagus.
Severus leur tournait désormais le dos mais il suivit la scène du coin de l'œil, dans le reflet de la vitre au-dessus de l'évier. Nymphadora lâcha ses amis, son sourire s'effaçant peu à peu pour laisser place à de l'agacement.
« Si c'est sa version des faits. » railla-t-elle, sa couleur de cheveux s'assombrissant de seconde en seconde. « Remus aime bien réécrire l'histoire. »
L'un dans l'autre, détermina-t-il, ce fût une bonne chose que Bill Weasley arrivât sur ces entrefaites avec Delacour et Molly.
C'était la première fois que Molly assistait à une réunion depuis longtemps et toutes les personnes dans la pièce se précipitèrent sur elle, heureux de la revoir.
Severus resta sagement où il était, en retrait, peu surpris lorsqu'il sentit la présence familière se glisser à ses côtés. Nymphadora attrapa une tasse vide, se servit du thé…
Sa main frôla accidentellement la sienne, s'attarda…
Severus étira ses doigts autant qu'ils voulaient bien coopérer, prolongeant le contact.
Elle se détourna la première, non sans un sourire complice, pour aller rejoindre les autres. Il éprouva une certaine satisfaction à voir que ses cheveux avaient à nouveau viré au rose.
Ce plaisir disparut pourtant sous le coup de la panique lorsque Molly se mit en tête de l'enlacer avec gratitude, à la stupéfaction de tous excepté Minerva.
« Sans vous… » murmura la sorcière, la gorge nouée d'émotions.
L'aîné des Weasley dût lire sur son visage à quel point ces effusions lui étaient pénibles car il s'empressa d'éloigner sa mère et de la guider jusqu'à un siège.
Comme si cela avait signalé le début de la réunion, ils prirent tous place autour de la table. Severus ne pouvait nier un certain sentiment de soulagement lorsque Nymphadora s'accapara la chaise à sa droite, comme elle en avait pris l'habitude. Elle était à peine assise qu'il sentit sa jambe presser contre la sienne dans un geste qui semblait trop délibéré pour être un accident. Il lui rendit le contact avec maladresse, ayant l'impression désagréable que tout le monde autour de la table devait savoir à quel jeu ils jouaient.
Lui n'était jamais dupe lorsque ses élèves s'adonnaient à ce genre de choses dans sa salle de classe.
Toutefois, personne mis à part Lupin ne leur prêtait attention et, étant donné que Nymphadora semblait déterminée à ignorer le loup, Severus décida d'en faire de même.
Le sujet de la réunion lui passa un peu au-dessus de la tête, s'il devait être honnête. Il but son thé, écoutant d'une oreille distraite les informations partielles que débitait Lupin – rien qu'ils ne sachent tous déjà à l'exception peut-être de Molly – plus intéressé par la manière dont Nymphadora jouait avec le bout de sa queue de cheval. Elle enroulait et déroulait les mèches autour de ses doigts distraitement… Ou d'une manière qui se voulait distraite, plutôt.
Il n'était pas dupe du sourire qui flottait sur ses lèvres.
Ce sourire signifiait généralement qu'elle désirait capturer sa pleine attention et il ne pouvait nier que…
La quinte de toux soudaine de Minerva le ramena brutalement à la réalité.
Tous les regards étaient rivés sur lui.
Il ne dût qu'à toute sa maîtrise de l'Occlumencie de rester de marbre.
« Des progrès sur la potion des loups-garous ? » répéta charitablement Nymphadora, l'amusement clairement perceptible dans sa voix.
Il lui jeta un regard noir qui manquait singulièrement d'hostilité, se promettant silencieusement de lui faire payer ça plus tard. Sa bouche s'étira davantage, comme si elle savait pertinemment ce à quoi il était en train de penser.
« Pas pour l'instant. » lâcha-t-il. « J'en ai discuté avec Albus, ce matin. »
« Peut-être que si tu te dispersais moins, tu avancerais plus vite. » commenta sèchement Lupin.
Severus reporta son attention sur lui, avec un agacement franc qu'il ne s'embarrassa pas d'enrober de politesse ou te diplomatie. « Si tu penses pouvoir faire mieux, je t'en prie. »
« On a du nouveau sur Ollivanders ? » intervint Bill Weasley avant que la conversation ne puisse dégénérer.
« Rien de concluant. » soupira Shacklebolt.
Cette réunion était une complète perte de temps.
Au moins, se réconforta-t-il, la potion avait fait effet et sa migraine avait disparu. Sa jambe demeurait douloureuse mais ce n'était rien qu'il était incapable d'occluder.
« Et pour l'espion ? » lança la vampire, alors qu'ils se mettaient enfin d'accord pour mettre un terme à la réunion entièrement inutile. « Ou, est-ce qu'on va continuer de marcher sur des œufs à ce sujet et prétendre qu'il n'y a pas de loup dans la bergerie ? Si tu me passes l'expression, Remus. »
Elle balada son regard vert et perçant sur chacun d'entre eux, s'attardant sur Severus et Nymphadora davantage que sur les autres.
Personne ne lui répondit mais la majorité d'entre eux gigotèrent sur leurs chaises avec embarras.
« Il y a une solution toute trouvée. » insista-t-elle. « Quelques gouttes de Veritaserum et une simple question. »
« Et qui posera cette question ? » railla Severus, dans le silence qui suivi cette suggestion. « Vous ? »
Il n'était pas entièrement opposé à l'utilisation du Veritaserum, à vrai dire, mais il y avait trop de gens dans cette pièce qui gardaient ses secrets. Les horcruxes, sa relation avec Nymphadora, les cicatrices sur son corps… Il ne pouvait se permettre de risquer exposer Nymphadora, Black, Bill ou Minerva à un philtre de vérité.
« J'était sûre que vous seriez le premier à protester. » triompha la vampire, cherchant le regard de l'Auror à ses côtés. « Et toi, Tonks, qu'est-ce que tu en dis ? »
« Tonks n'est pas une traître. » intervint Charlie Weasley. « Qu'est-ce qui te prend, Nyssa ? »
« Laisse-tomber. » répondit calmement Nymphadora, en se redressant légèrement – pour mieux pouvoir sortir sa baguette le cas échéant. « Non, je ne prendrai pas de Véritaserum. J'ai des responsabilités au Ministère que je ne veux pas trahir. »
« Je suis d'accord avec elle. » ajouta Shacklebolt, en lui adressant un signe de tête. « Et je devrais refuser pour les mêmes raisons. »
« On ne peut pas être sûr de démasquer qui que ce soit avec du Véritaserum. » trancha Lupin. « Il se peut que la situation soit plus compliquée qu'il n'y parait. Il peut s'agir d'un accident ou d'un envoutement. »
« Ou d'un besoin maladif de rallier de nouveaux loups à sa meute ? » siffla Severus, avant d'avoir pu s'en empêcher.
« Snape. » cingla Black, l'avertissement perceptible dans sa voix.
« Black. » répliqua-t-il sur le même ton.
« Ne joue pas au con. » insista l'Animagus.
« Oh, je ne pense pas qu'il joue au con… » gronda Lupin.
« Non, ça c'est plutôt ton secteur. » plaisanta Nymphadora, sans aucun amusement.
L'hostilité dans la pièce augmenta d'un cran.
« Je pense que nous pouvons nous en tenir là, pour ce soir. » déclara Minerva. Elle fût la seule à se lever. « Cela suffit. Cette réunion est terminée. »
Il y avait suffisamment d'autorité dans sa voix pour que les plus jeunes obéissent instinctivement. Delacour et Charlie furent les premiers à se lever, rapidement imités par Bill, Anthony et Nymphadora… Il fallut plus longtemps pour que Severus et les autres en fassent de même.
Comme à l'accoutumée, de petits groupes se formèrent mais personne ne semblait tenté de s'attarder. Nymphadora prit congé rapidement, laissant le portrait de la matriarche Black hurler dans son sillage. Severus lui donna environ une minute d'avance avant de lui emboîter le pas vers la porte d'entrée.
C'était sans compter sur Black qui lui agrippa le bras dans le couloir. « Où tu vas ? »
« J'ignorais que je te devais des comptes. » riposta-t-il, dans un sifflement irrité. Il se dégagea de la poigne de l'Animagus. « Je désire marcher un peu, si tu veux tout savoir. »
Black croisa les bras avec mécontentement. « Tu as oublié qu'il y a une prime sur ta tête ? »
« Je ne compte pas passer ma vie à me cacher. » grinça-t-il.
Un air compatissant passa sur le visage de l'ancien fugitif. « Crois-moi, je comprends, mais tu as pensé à Harry ? S'il t'arrive un truc, il ne s'en remettra pas. Si tu as envie de marcher, va te promener dans le parc une fois rentré à Poudlard. Par la cheminée. »
Il était d'autant plus agaçant que Black ait raison. Il était stupidement risqué d'aller se balader dans Londres alors que tous les Mangemorts voulaient sa tête.
Toutefois…
« Je serais prudent. » promit-il avec réticence.
Il n'aimait pas l'idée de devoir rendre des comptes, encore moins au Maraudeur.
Il comprenait néanmoins pourquoi c'était nécessaire. Si leurs situations avaient été inversées, pour le bien de Harry, il aurait insisté pour que Black ne prenne pas de risques.
Black l'étudia longtemps puis finit par soupirer. « Envoie-moi un Patronus lorsque tu es en sécurité. Si je n'ai pas vu Bambi d'ici quinze minutes, je préviens Dumbledore. »
Severus était agacé mais accepta tout de même le compromis d'un hochement de tête. Il se hâta à l'extérieur, aussi bien parce qu'il avait désormais un compte à rebours que parce qu'il craignait avoir pris trop de temps…
Il était étrange de traverser seul le petit square à l'extérieur du Q.G.. Il aurait été incapable de dire quand il avait été seul, à l'extérieur de Poudlard, pour la dernière fois. Il lui vint à l'esprit que cela jouait probablement aussi sur ses moments de déprime. Il était foncièrement indépendant et avait besoin de solitude, ne pas pouvoir aller où il voulait quand il le voulait, sans avoir à se soucier de prévenir quelqu'un, lui pesait.
Il se dirigea à pas aussi vifs que sa jambe le lui permettait vers la ruelle que les membres de l'Ordre utilisaient généralement pour transplanner.
Elle était déjà vide.
La déception laissa vite place à de la colère puis à de la méfiance. Peut-être s'était-il s'agit d'un jeu pour elle… Une manière de le punir ou de l'humilier.
Il manqua presque repérer le mouvement incongru sur sa gauche.
Il anticipa l'attaque, vit le corps qui se jetait sur lui et lâcha sa canne pour mieux tirer sa baguette. Sachant que sa jambe l'handicaperait, il ne chercha pas à esquiver mais utilisa le poids de son adversaire pour renverser la situation et le coincer contre le mur crasseux. Il enfonça le bout de sa baguette dans la gorge de…
Ce n'était pas un Mangemort.
Évidemment que ce n'était pas un Mangemort.
Le sourire de la jeune femme était moins confiant que durant la réunion. Elle enroula ses doigts autour de son poignet et écarta gentiment la baguette de sa carotide.
« Toi, moi, et le mur d'une ruelle… Ça faisait longtemps. » plaisanta-t-elle, un peu nerveusement.
« Si je ne me trompes pas, la dernière fois, tu m'as suggéré de t'offrir un verre avant tout autre chose. » répondit-il, sans pourtant s'écarter.
Si elle avait voulu le repousser, elle était plus que capable de le faire.
« Je peux me passer du verre… »
Elle approcha son visage du sien lentement, comme pour lui laisser le temps de s'éloigner.
Comme si s'éloigner d'elle était encore une option.
Il n'avait pas la patience pour ce genre de danse, ce soir là. Il réduisit la distance entre eux au néant, capturant sa bouche dans un baiser sans doute un peu trop possessif.
Ce n'était pas ainsi qu'il avait imaginé leurs retrouvailles après leur dispute.
Cela semblait un peu trop facile.
Mais il n'allait certainement pas s'en plaindre.
°O°O°O°O°
Harry fourra la Carte des Maraudeurs dans la poche arrière de son pantalon et tourna le coin du couloir, interceptant Sirius alors qu'il sortait de ses appartements. Le visage de son parrain se fendit immédiatement d'un sourire.
« Hey, Harry. » lança-t-il, avec une bonne humeur un petit peu forcée. « Prêt pour l'A.D. ? »
Severus avait laissé échapper qu'il y aurait une réunion de l'Ordre ce soir là et Harry avait depuis longtemps compris que ces réunions avaient davantage tendance à semer la discorde qu'à trouver des solutions. Il ne s'alarma donc pas de l'humeur bizarre de son parrain.
« Je me suis porté volontaire pour t'avertir… Hermione est en boucle sur les examens. » plaisanta-t-il, en lui emboîtant le pas. « Prépare-toi à être assailli de questions sur si tu penses qu'ils vont annuler les B.U.S.E.s ou les reporter. »
Sirius fit la grimace. « C'est une question pour un Directeur de Maison, ça. »
Il s'apprêtait à répondre que ça n'arrêterait pas Hermione – rien n'arrêterait plus Hermione à ce stade, Malfoy, Ron et lui avaient passé la journée à tenter de lui rappeler qu'il y avait plus urgent là-dehors – lorsqu'un Patronus apparut juste devant eux.
Le faon n'était pas aussi familier que la biche l'avait été mais il le reconnut immédiatement.
« C'est celui de Sev. » s'inquiéta-t-il, ayant déjà fait deux pas dans la direction opposée, baguette à la main. « Il… »
« Du calme. » lui ordonna gentiment Sirius, en attrapant son épaule. « Il va bien. C'était juste un code entre nous. »
Harry s'immobilisa, légèrement hésitant. « Un code ? »
Son parrain leva les yeux au ciel. « Il a insisté pour transplanner après la réunion. Je voulais juste être sûr qu'il était revenu à l'école sain et sauf. »
L'adolescent n'était toujours pas tranquille et, il le savait, ne le serait pas tant qu'il ne se serait pas assuré que Severus était en un seul morceau. Il pêcha la Carte des Maraudeurs dans sa poche mais ne résista pas lorsque Sirius, sa main toujours sur l'épaule, le poussa gentiment en avant.
« Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises. » marmonna-t-il. L'encre se déploya jusqu'à former la carte familière du château. Il plia le parchemin pour mieux isoler la zone des cachots, ses yeux scannant le parchemin.
« Mission accomplie, au fait. » lâcha Sirius. « J'ai eu une discussion avec lui, ce matin. Tu n'as pas besoin de t'inquiéter pour lui. »
Le jour où il cesserait de s'inquiéter pour Severus serait le jour où Voldemort serait mort et enterré – et encore.
Le Professeur pouvait bien clamer haut et fort qu'Harry n'avait aucun instinct de conservation et une tendance marquée à se jeter dans la gueule du loup mais, en ce qui le concernait, Severus n'était pas mieux. Il avait une noblesse qu'il refusait d'admettre et qui lui avait joué plus d'un tour.
Il finit finalement par repérer le point libellé Severus Snape dans une alcôve d'un couloir des cachots.
Rougissant jusqu'à la racine des cheveux lorsqu'il vit le second nom et la proximité manifeste des deux points, il replia rapidement la carte, jetant un coup d'œil à Sirius pour s'assurer que l'homme n'avait rien vu.
« Tu l'as trouvé ? » demanda son parrain, trop négligemment pour avoir repéré ce qu'Harry avait aperçu sur la carte. Il semblait plus préoccupé par la sangle de son étui à baguette qui s'était desserrée au niveau de son poignet.
Harry l'étudia une seconde sans avoir l'air, juste pour être sûr qu'il ne jouait pas la comédie, mais Sirius était trop Gryffondor pour ce genre de faux-semblants.
« Oui, oui… » marmonna-t-il, en se raclant la gorge. Il fit un effort pour occluder l'embarras avant que son parrain ne s'en aperçoive. « Méfait accompli. »
La carte disparut et il l'enfonça à nouveau dans la poche arrière de son pantalon, sans se préoccuper de ne pas la froisser.
Il allait devoir s'assurer d'être le seul à y toucher, ce soir là.
C'était suffisamment gênant qu'il ait accidentellement épié ce genre de choses, il savait que Severus n'aurait pas apprécié que qui ce soit d'autre soit au courant.
« Je pense que tu vas aimer l'exercice de ce soir. » déclara Sirius, avec entrain. « Ça devrait être sympa. »
Harry ne put que répondre à l'enthousiasme de son parrain avec un sourire encourageant.
°O°O°O°O°
Draco resserra encore son étreinte et Hermione se tendit légèrement, peu dupe de son manège, avant de se forcer à se détendre en poussant un long soupir.
Le Serpentard avait le dos appuyé contre le mur du couloir du septième étage, un peu à l'écart des autres adolescents rassemblés devant la Salle sur Demande, et l'avait attrapée dès qu'elle et Ron étaient arrivés. Elle avait été à mi-discours à ce moment là, mais ça n'avait pas empêché son meilleur ami de s'enfuir lâchement en direction de Blaise et Daphné avec un air soulagé.
Draco n'avait pas encore prononcé un mot. Il l'avait laissée terminer son monologue sans aucun commentaire.
Petit à petit, elle se détendit suffisamment pour appuyer la tête sur son épaule, respirant à plein poumon l'odeur désormais familière de l'eau de Cologne qu'il utilisait toujours avec juste assez de parcimonie, contrairement à d'autres garçons de leur année qui s'en aspergeaient.
« Veux-tu bien me dire ce qui ne va pas, à présent ? » murmura-t-il à son oreille.
Elle observa leurs amis rire et chahuter ensemble avec bonne humeur, comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Elle observa Ginny, clairement offensée par quelque chose que venait de dire son frère, sauter à moitié sur le dos de Georges en guise de punition. Elle observa Daphné et Astoria échanger un sourire complice.
« S'ils annulent les examens ou s'ils les reportent à l'année prochaine… » expliqua-t-elle, à contrecœur. « Les vacances ne sont plus si loin. »
L'étreinte se fit plus tendre alors qu'il déposait un léger baiser sur le haut de son crâne. « Je suis certain que les Weasley t'offriront de rester chez eux. »
Elle supposait que ce serait effectivement le Terrier ou le Square Grimmaurd. Elle était bien certaine que les Professeurs ou l'Ordre en avaient déjà discuté et avaient décidé pour elle. Elle savait que personne ne la laisserait à la rue.
Mais ça n'empêchait pas cette douleur sourde dans sa poitrine, la panique qui l'avait prise par surprise alors qu'elle pensait s'être préparée au fait qu'elle ne reverrait peut-être jamais sa famille. Le manque l'avait cueillie soudain au plexus, comme un coup de poing.
« Et toi ? » s'enquit-elle, en levant la tête vers lui. « Est-ce que tu vas aller chez Tonks ? »
Il haussa les épaules en signe d'ignorance.
« Il se peut que je demande s'il est possible de reste à Poudlard et je ne serais probablement pas le seul. » offrit-il. « Nous sommes loin d'être les seuls qui n'avons pas d'endroit où passer l'été, Granger. Je suis certain que Dumbledore a sans doute une idée en tête. »
Le rappel lui fit l'effet d'une douche froide.
Évidemment, avec la guerre là-dehors et les attaques répétées visant la communauté magique… Beaucoup d'élèves avaient quitté Poudlard mais beaucoup d'autres avaient perdu des membres de leur famille si ce n'était leurs parents. Les pertes étaient…
« Il y a pire que possiblement passer l'été ensemble… » répondit-elle, alors qu'Harry et Sirius arrivaient.
Le sourire de Draco était malicieux, comme s'il avait d'ors et déjà tout plein d'idées de comment ils pourraient s'occuper. Il captura sa bouche, une seconde plus tard, dans un baiser qui lui coupa le souffle.
Elle était vaguement consciente de la voix amusée de Sirius qui leur demandait de rentrer dans la Salle sur Demande mais ce n'était qu'un bruit de fond.
Lorsque Draco recula finalement, il s'humecta les lèvres, une étincelle espiègle dansant dans ses yeux gris.
« En effet, il y a pire. »
°O°O°O°O°
Severus tentait de ne pas somnoler mais son corps était lourd et les ongles qui allaient et venaient le long de son avant-bras dans une caresse hypnotique l'incitaient à fermer les yeux et à se laisser emporter par le sommeil. Il n'avait guère trouvé de repos durant la semaine qui avait précédé et même l'Occlumencie ne l'avait pas aidé à se vider l'esprit.
Il fit un effort pour rester éveillé, toutefois.
Nymphadora était allongée contre lui, le dos contre son torse, le drap pudiquement remonté sur sa poitrine, et était trop méthodique dans ses caresses pour être sur le point de basculer dans le sommeil. Ses doigts courraient de l'intérieur de son coude à la limite du bandage enroulé autour de son poignet. Elle était prudente et ne touchait jamais la bande de gaze.
Il n'était pas suffisamment stupide pour penser que ce qui s'était passé entre eux serait balayé sous le tapis aussi facilement, pas même s'ils avaient échangé davantage de baisers que de paroles sur le chemin qui les avaient amenés à terminer dans son lit.
Avec un soupir, il leva sa main droite et fit disparaitre le bandage d'un sortilège informulé. Sa baguette était… quelque part dans ses appartements, avec le reste de ses vêtements. Il aurait sans doute dû aller la chercher au cas improbable mais néanmoins possible où un Mangemort parvienne à infiltrer Poudlard et ses protections en particulier. Il ne bougea pas pour autant. Il y avait un poignard dans le tiroir de la table de nuit, sa baguette à elle était tombée quelque part dans la chambre, si ses souvenirs étaient exacts, et, s'ils se retrouvaient effectivement en danger, il les pensait plus que capable, à eux deux, de se défendre.
Elle étouffa une exclamation dans sa main libre lorsqu'elle aperçut la Marque.
L'idée de l'exposer à cet amas de magie noire lui déplaisait toujours autant mais il supposait qu'elle avait gagné le droit de… de constater les dégâts par elle-même.
« Putain, Severus… » murmura-t-elle, choquée.
Ce n'était pas joli à voir, il fallait l'admettre.
Elle effleura prudemment le contour de la Marque qui paraissait de plus en plus s'enfoncer dans sa chair.
« Tu dois souffrir le martyre… » s'horrifia-t-elle, en tournant le cou pour le regarder en face.
Ses yeux gris étaient légèrement brouillés de larmes.
Il n'aimait pas l'idée de lui causer de la peine mais une partie de lui… Il n'était pas certain que, mis à part Harry, quiconque ait jamais eu envie de pleurer parce qu'il avait été blessé. Cela le fit se sentir… reconnaissant. Et un petit peu plus humble, peut-être.
« J'ai une haute tolérance à la douleur. » tenta-t-il maladroitement de la rassurer. « Le sortilège de Bill Weasley fonctionne plutôt bien pour l'instant et me soulage beaucoup. L'Occlumencie me permets de gérer le reste. Il m'arrive même d'oublier que la douleur est là, je t'assure. »
Elle secoua la tête, supportant tendrement le dos de son avant-bras de sa main pour mieux étudier la chose. « Tu ne devrais pas avoir mal du tout. Ce n'est pas juste. »
C'était une bonne chose qu'elle ait détourné les yeux, décida-t-il, cela lui évita d'apercevoir la petite grimace que Severus ne parvint pas à contrôler. Autant de tics nerveux que ses anciens boucliers auraient stoppés.
« Je ne suis pas exactement quelqu'un de bien, Nymphadora. » lui rappela-t-il lentement.
Elle se redressa légèrement pour mieux se tourner vers lui, posant une main sur son torse pour garder l'équilibre. Son expression était très contrariée. « N'essaye même pas de me dire que c'est une punition cosmique. Et puis, peut-être que tu n'as pas toujours été quelqu'un de bien, mais maintenant tu l'es et c'est tout ce qui compte. »
Il y avait tant d'outrage dans son regard, pour lui, qu'il sentit son cœur s'emballer quelque peu. Elle réveillait des choses en lui qui…
« Je fais de mon mieux pour l'être. » nuança-t-il. Mais il n'y parvenait pas toujours. Il n'était pas au-dessus de tuer ou voler pour parvenir à ses fins. Pas si cela signifiait la différence entre victoire ou défaite. Pas si la vie de son fils était en jeu. Il baissa les yeux, les laissèrent s'attarder sur la Marque qu'il évitait autant que possible de regarder d'ordinaire… « Ce que tu m'as reproché la semaine dernière… »
« Je suis désolée. » offrit-elle, le prenant de court.
Il fronça légèrement les sourcils, rencontrant à nouveau son regard. « J'aurais dû te mettre dans la confidence. »
« Oui, tu aurais dû. » confirma-t-elle, avec un petit bruit amusé, avant de se réinstaller dans sa position initiale, calant l'arrière de sa tête dans le creux de son épaule. « Mais j'aurais pu te laisser t'expliquer au lieu de réagir comme je l'ai fait. »
Il laissa sa tête rouler sur l'oreiller, juste assez pour que son nez soit presque enfoui dans les cheveux roses qui s'étalaient sur son épaule.
« Tu dois comprendre… » hésita-t-il, d'une voix un plus rauque que d'ordinaire. « Mis à part Harry, et c'est très différent, je n'ai jamais laissé entrer personne dans ma vie. Certainement pas aussi intimement. Il y a des choses qui peuvent te sembler évidentes que je ne… Je n'ai aucune expérience dans ce domaine, Nymphadora. Avec la meilleure volonté du monde, il est plus que probable que j'accumule les erreurs. »
Et cela lui coûtait beaucoup de l'admettre car il était généralement trop fier pour admettre ses faiblesses.
Elle lui prit la main mais il résista, inquiet à l'idée qu'elle effleure accidentellement la Marque – pas parce qu'il craignait la douleur mais parce qu'il refusait de la voir souillée par ses erreurs passées.
« Accio baguette. » marmonna-t-il.
Le sort était vague et ce fut la baguette la plus proche qui vola vers eux, celle de la jeune femme. Elle tenta de l'attraper au vol, la manqua de peu et pouffa lorsqu'elle cogna Severus en plein visage. Elle la récupéra et, sachant ce qu'il voulait, fit apparaître une nouvelle bande de gaze autour de son poignet. Elle jeta ensuite sa baguette sur la table de nuit de son côté du lit.
« Je ne suis parfaite non plus, tu sais. » déclara-t-elle, un peu abruptement. « Je veux juste… Je veux qu'on soit honnête l'un envers l'autre, c'est tout. »
Être honnête n'avait jamais été son forte.
Cette fois-ci, il la laissa entrelacer leurs doigts bien que les siens tremblaient de manière incontrôlable.
« Je ne peux pas te livrer tous mes secrets. » l'avertit-il. « Certains ne m'appartiennent pas. »
Elle tourna la tête juste assez longtemps pour déposer un baiser rapide contre sa peau.
Il aurait pensé s'habituer à la facilité avec laquelle elle dispensait toujours sa tendresse mais il paraissait pourtant incapable de cesser de s'en émerveiller. Il était tellement conditionné à appréhender les contacts physiques, à s'attendre à de la douleur ou à une menace…
« Je sais. » promit-elle. « C'est pareil pour moi. Mais les choses qui nous concernent, nous… Je ne dis pas que tu dois tout me dire, Severus, juste… t'ouvrir un peu. »
S'ouvrir un peu.
Ça ne lui avait jamais été si facile.
« Je n'ai jamais eu de véritable exemple de félicité conjugale. » expliqua-t-il, un peu à contrecœur.
Le sous-entendu devait être évident car elle se tendit légèrement.
« Est-ce que je peux te poser une question ? » demanda-t-elle doucement. « Ce n'est pas grave si tu ne veux pas me répondre, d'accord ? Si tu ne veux pas en parler, je comprends, et tu n'es pas obligé. »
Il savait de quoi elle voulait parler.
La fureur et la panique l'envahirent immédiatement, comme à l'accoutumée dès lors qu'il s'aventurait à y penser, mais il se força à prendre une profonde inspiration, à occluder sa réaction viscérale.
« Mon père était Moldu. » lâcha-t-il. Il occludait si profondément que sa voix manquait d'intonation. « Il était également porté sur la boisson. »
Elle se tourna sur le côté, se blottit un peu plus contre lui. Du pouce, elle retraça une des cicatrices à demie-effacées sur son torse. Celles de son dos étaient les pires, même après toutes ces années.
« Il était violent. » avança-t-elle et ce n'était pas vraiment une question.
« Oui. » confirma-t-il, gardant les yeux rivés au plafond. « Il a tué ma mère. »
« Severus. » murmura-t-elle, une douleur sourde dans la voix.
Pour lui.
Pour ce qu'il avait traversé.
Il ferma les yeux, ressentant le besoin de visualiser plus précisément ses boucliers, de se retrancher aussi loin derrière eux qu'il le pouvait.
« Si je lève jamais la main sur toi… Si j'esquisse seulement le moindre geste agressif… » déclara-t-il. « Je veux que tu me quittes. Je veux que tu partes aussi loin que tu le peux et que tu ne te retournes jamais. Ne me laisses pas m'excuser. Ne me laisses pas te convaincre de me donner une seconde chance. Pars. Et si tu parviens à jeter un Impardonnable ou deux avant de le faire, ce serait pour le mieux. »
Elle secoua la tête, envoyant voler dans tous les sens les mèches roses qui encadraient son visage. « Tu n'es pas le genre d'homme qui… »
« Jure-le moi. » l'interrompit-il.
Cela semblait capital à cet instant là.
Il était lentement parvenu à maîtriser cette crainte là avec Harry, à se persuader qu'il ne se transformerait pas en Tobias, mais la terreur demeurait, pourtant, insidieuse. Et s'il ne voulait pas être le genre de père qui tapait sur son fils, il désirait tout autant ne pas être le genre d'homme qui battait sa femme pour se sentir puissant.
Nymphadora était amplement capable de se défendre mais elle avait trop bon cœur. Sa loyauté, une fois acquise, faisait honneur à sa Maison. Il savait qu'elle lui pardonnerait s'il suppliait assez, s'il lui promettait la lune.
Et il ne voulait jamais courir ce risque.
Elle croisa son regard, presque en une invitation tacite. Son esprit effleura le sien, juste assez pour sentir sa détermination…
« Je te le jure. » offrit-elle, avec suffisamment de conviction pour qu'il sente sa magie se lier à la sienne.
Il se détendit à nouveau, lentement, un peu trop conscient que cela n'aurait pas dû demander tant d'effort de cesser d'être sur ses gardes lorsqu'on était allongé dans un lit avec une femme qu'on…
« Tu m'as également fait remarquer que je ne t'avais jamais expliqué ma relation avec Harry. » déclara-t-il, décidé à éclaircir les zones d'ombres dont elle lui avait fait le reproche.
Le pouce de la jeune femme retraçait distraitement une autre de ses cicatrices, une plus récente qui était encore boursoufflée et rougeâtre.
« Je dois avouer que je suis curieuse. » admit-elle.
« C'est mon fils. » annonça-t-il.
Sa main se figea sur son torse. « Biologique ? »
« Non. » réfuta-t-il. « Cependant, cela ne fait aucune différence pour moi. À terme, j'espère pouvoir l'adopter. Toutefois, si c'est impossible… Il demeura mon fils de toutes les manières qui comptent. »
Il chercha son regard mais elle avait reposé sa tête sur son épaule et il ne pouvait véritablement apercevoir son visage.
« Vous devez avoir vécu de sacrées aventures dans cette réalité parallèle. » remarqua-t-elle avec un bruit amusé. « Parce que vous n'étiez vraiment pas en bons termes avant la tempête magique… »
« C'est un peu plus compliqué que cela. » nuança-t-il. « Mais… je ne peux nier que sans la tempête, nous ne nous serions certainement pas rapprochés. »
Et ça aurait été son tort, songea Severus, parce qu'Harry avait changé sa vie.
« Compliqué comme… Tu étais amoureux de sa mère ? » demanda-t-elle, en levant légèrement la tête pour l'observer.
Trop choqué pour répondre, Severus la dévisagea en silence.
Elle eut une grimace d'excuse. « J'ai additionné un plus un quand tu étais à l'infirmerie. Désolée. »
Son instinct et plus de deux décennies passées à dissimuler ses sentiments sur le sujet lui intimaient de la repousser, lui hurlaient qu'elle venait de franchir une limite… La colère, l'humiliation, le désespoir, la rancœur, la jalousie… Autant d'émotions qui lui étaient intimement familières et qui s'agitaient en lui en un mélange dangereux.
Il prit une profonde inspiration et s'efforça d'occluder.
Sa vie était différente désormais, se remémora-t-il. Il n'était plus l'homme qui avait passé des années à se noyer dans ce marasme. Il avait un fils à présent, une raison de se lever le matin, une raison de vivre au lieu de simplement attendre que l'un ou l'autre de ses Maîtres ne finisse par l'assassiner.
« Lily… » murmura-t-il, s'étranglant légèrement sans le vouloir sur ce prénom qu'il ne prononçait que rarement. « Pendant longtemps Lily était… tout ce que j'avais. »
Nymphadora l'observait en silence. Son regard gris brillait de curiosité mais il savait qu'elle n'insisterait pas s'il déclarait le sujet hors-limite.
Ce fût peut-être la raison pour laquelle il persévéra.
« Elle a été ma meilleure amie mais je n'en étais pas digne. » continua-t-il. Elle fronça les sourcils alors il drapa son bras autour d'elle dans une étreinte lâche, sachant que si elle l'interrompait, il n'irait pas au bout de son récit. « Je l'ai traitée de Sang-de-Bourbe. J'étais déjà bien trop intéressé par le pouvoir et la magie noire. Elle savait que j'étais une cause perdue. »
L'expression de l'Auror se durcit. « Ne le prends pas mal mais elle n'avait pas l'air d'être une si bonne amie que ça. »
Il refusait de l'entendre.
Harry avait plus ou moins insinué la même chose, avait réussi à convaincre l'adolescente de pardonner à son jeune double, mais dans la réalité des faits…
« Elle était faite pour le bonheur. » contra-t-il, en détournant la tête dans la direction opposée. « Je n'avais rien à lui donner que des ténèbres. »
Nymphadora glissa la main jusqu'à sa joue, le força à tourner à nouveau la tête vers elle, à croiser son regard un peu trop perçant. « Ce n'est jamais aussi noir et blanc. »
Peut-être pas.
Peut-être que son retour dans le passé lui avait fait ouvrir les yeux sur certaines choses, néanmoins…
« Tu ne m'as jamais demandé pourquoi j'avais trahi le Seigneur des Ténèbres. » remarqua-t-il.
C'était pourtant une question, jetée telle une accusation, dont il était extrêmement familier.
« Parce que je sais que tu es de notre côté. » répondit-elle calmement. « Tu ne dois d'explications à personne. »
Non, néanmoins, pour la première fois peut-être, il désirait en donner.
« J'ai suivi Albus un soir, j'ai surpris une partie d'une prophétie et j'ai couru la rapporter au Seigneur des Ténèbres. » confia-t-il.
« Ah, la fameuse prophétie qu'on a passé la moitié de l'année à protéger. » devina-t-elle.
Celle qui avait coûté la vie d'Arthur Weasley.
Il confirma d'un hochement sec de la tête. « Le Seigneur des Ténèbres en a déduit que la prophétie concernait les Potter. J'ai supplié Albus de la sauver, j'aurais donné n'importe quoi en échange, ma vie était un faible prix à payer. Nous sommes liés par un serment inviolable. Tu vois, je n'ai pas changé de camps par conviction… »
Sa main était toujours sur sa joue, elle caressa sa pommette avec une tendresse qu'il ne méritait pas.
« Tu crois en toutes ces conneries ? » se moqua-t-elle, sans hostilité. « Tu crois que mon père vaut moins que ma mère parce qu'il est Né-Moldu ? Que je suis inférieure aux Malfoy ou aux Weasley ? »
Elle connaissait déjà la réponse à sa question.
« Je n'y ai jamais cru, pas même à l'époque. » confessa-t-il. « Ce n'était pas ce qui m'attirait. »
« Non… » soupira-t-elle. « Tu n'étais qu'un gosse pommé et probablement solitaire qui n'a jamais connu la sécurité. Tu voulais être puissant parce que tu ne voulais plus que qui que ce soit puisse à nouveau te faire du mal. » Ses yeux gris brillaient à nouveau de larmes contenues. « Tu n'as pas inventé cette histoire, Severus, et tu ne seras malheureusement pas le dernier à la réécrire. »
« Cela n'excuse rien. » cracha-t-il.
« Peut-être pas, mais ça explique beaucoup de choses. » contra-t-elle dans un demi-haussement d'épaules. « Est-ce que tu l'aimes encore ? Lily ? »
Si elle lui avait posé cette questions quelques mois plus tôt…
« Elle m'a pardonné. » murmura-t-il, en détournant le regard. « Lors de notre séjour dans le passé. Ce n'était pas réellement elle, bien sûr, toutefois j'aime à penser qu'elle en aurait fait de même. » Il s'humecta nerveusement les lèvres. « Je n'avais jamais accepté sa mort. Je m'accrochais à ma culpabilité comme si cela avait pu garder une part d'elle vivante. »
« Et maintenant ? » insista-t-elle.
« À présent, je me sens toujours coupable de sa mort. » déclara-t-il. « Mais je l'ai acceptée. »
Ce fût au tour de la jeune femme de fuir son regard. « Tu n'as pas vraiment répondu à la question, tu sais. Si tu es toujours amoureux d'elle… » Elle fit la grimace. « Hey, je sais ce que c'est. J'ai probablement été la dernière personne à comprendre que Charlie était gay et je n'étais vraiment pas subtile lorsque j'avais le béguin pour lui. Et on ne va même pas parler de ce qui s'est passé avec Remus. »
Il lui paraissait presque sacrilège de comparer ses sentiments pour Lily à une amourette d'adolescent.
Quant au loup, en effet, mieux valait ne pas le mentionner.
« Lily était la seule lumière dans un océan de ténèbres. » objecta-t-il. « Ce n'était pas un béguin ou… Nous étions enfants lorsque nous nous sommes rencontrés, c'était bien avant Poudlard. Elle… » Il se tut, incapable d'en dire davantage. S'il y parvenait jamais, ces souvenirs là appartenaient de toute manière à Harry, pas à Nymphadora. « Cela allait bien au-delà de sentiments romantiques mal avisés. Néanmoins, je ne serais pas ici avec toi si cela était toujours un problème. » Elle avait l'air un peu trop vulnérable, à son goût. « Nymphadora, je ne joue pas à ce genre de jeux. Si je n'avais pas désiré davantage qu'une relation charnelle, je te l'aurais dit. »
Elle se détendit lentement. « Je sais. »
Il caressa son bras avec hésitation, jamais très à l'aise lorsqu'il était question d'exprimer son affection.
« Cela étant dit, si tu désires réellement envisager un avenir commun, il faudra que tu composes avec Harry. » ajouta-t-il.
« J'adore Harry. » répondit-elle. « Et je te rappelle que, pour le moment, j'ai aussi un ado à charge. Je sais que ce n'est pas la même chose mais c'est probablement à prendre en considération. » Elle soupira. « Tu sais que je n'ai aucune idée de ce que je vais faire de Draco cet été ? Il n'y a qu'une chambre dans mon appartement… Je suppose que je peux le faire dormir sur le canapé mais ce n'est pas très sympa, hein ? »
« Je suis certain qu'Albus a déjà une solution à ce problème. » contra-t-il. Il y avait trop d'élèves qui se retrouveraient sans parents ou dans une situation précaire. Severus était prêt à parier que la décision serait prise de garder l'école ouverte durant l'été pour ceux qui le souhaitaient.
« Probablement. » marmonna-t-elle, avant de se redresser à nouveau avec une autre grimace. « J'adore Harry mais je ne suis pas prête à jouer les belles-mères et je suis heureuse que tu veuilles envisager un avenir communmais je ne suis pas prête à me mettre en ménage tout de suite, non plus. »
Elle le dévisagea avec crainte, appréhendant visiblement sa réaction.
Il ne put retenir un léger rire qui le prit par surprise, comme à chaque fois. Avant soixante-quinze, il ne se souvenait plus de quand il avait ri pour la dernière fois.
« Je ne m'apprêtais pas à te demander ta main, Nymphadora. » la taquina-t-elle.
« Tant mieux. » Elle poussa un soupir de soulagement. « Ne le fais pas, s'il te plait. Enfin, un jour peut-être mais dans un long, long moment. »
Il secoua la tête, amusé malgré lui.
Il était plus facile de s'amuser de la conversation que de s'en alarmer parce que le mariage… Ce n'était pas quelque chose qu'il avait jamais envisagé.
« Tant qu'on en est à s'avouer des choses… » reprit-elle, avec un petit air coupable. « J'aurais probablement dû te le dire la semaine dernière mais le Mangemort qu'on a capturé nous a avoué autre chose… »
Tout amusement disparut immédiatement. Il se redressa légèrement, s'adossant à l'oreiller pour mieux l'observer. « Qu'y a-t-il ? »
« Apparemment, ils ont ordre de me capturer morte ou vive. Préférablement, vive. » Elle leva les yeux au ciel. « Tu-sais-qui est un idiot qui pense que tu te précipiteras à mon secours s'ils m'attrapent. C'est un plan débile, je me demandes si c'est une idée de Tante Bella. »
« Stupide, en effet. » marmonna-t-il, agacé. « Tu aurais dû m'en parler. »
Elle leva les sourcils, non sans ironie.
Il eut la grâce d'admettre son hypocrisie d'un soupir.
« Pourquoi ? Tu comptes me demander de me cacher au Q.G. ou à Poudlard parce que c'est trop risqué pour moi de sortir ? » le défia-t-elle, en s'asseyant.
Elle ne s'embarrassa pas de retenir le drap et il fût momentanément distrait par ce que le tissu ne dissimulait plus.
« Non. Tu es bien plus utile à l'extérieur que tu ne le serais enfermée ici. » répondit-il finalement. Cela ne lui plaisait pas mais il ne serait pas Lupin, il ne l'enfermerait pas dans une cage juste pour la protéger. « J'ose espérer que tu redoubleras de prudence, cependant. »
Il avait dû dire ce qu'il fallait parce que, soudain, elle l'embrassait à pleine bouche.
Et il était loin de s'en plaindre.
Plusieurs minutes et plusieurs baisers plus tard, cependant, alors qu'il passait la main dans ses cheveux colorés, il recula juste assez pour croiser son regard.
« Pour clarifier les choses… S'ils te capturent, je ne me précipiterai pas à ton secours. » annonça-t-il.
« Je serais très en colère si tu étais aussi stupide. » commenta-t-elle, en attaquant son cou avec ses dents.
Il perdit momentanément le fil de ses pensées mais l'Occlumencie avait plus d'un avantage.
« Je prendrais le temps de rassembler Black, Lupin et Charlie Weasley. » déclara-t-il. « Et pendant qu'ils rempliront leur rôle de chair à canon, là, je viendrais à ton secours. »
Elle éclata de rire.
Il aimait l'entendre rire.
Il l'embrassa, simplement parce qu'il en avait envie. Parce qu'il en avait le droit.
Le baiser était plus tendre que les précédents, plus doux.
« Tu m'as manqué… » murmura-t-elle contre sa bouche.
« Tu as hanté beaucoup trop de mes pensées cette semaine. » se força-t-il à admettre, avant d'effacer cette confession d'un autre baiser.
°O°O°O°O°
« Désolé, Roméo, mais le but c'était d'atteindre une zone de sortie vivants, tous les deux, pas de se sacrifier pour sa partenaire ! » se moqua Sirius, non sans un rire amusé.
Ron ne pouvait pas voir l'Animagus de là où il se tenait appuyé contre le mur de la Salle sur Demande, attendant son tour, mais il aperçut très bien Harry et Ginny sortir de l'illusion du dédale de rues Londoniennes. Son meilleur ami avait une grosse tache de peinture verte au milieu du torse.
Il observa Harry et Ginny plaisanter de loin avec un mauvais pressentiment au creux du ventre. Harry semblait souvent rechercher la compagnie de sa sœur, en ce moment, et…
« Tu aurais pu en faire de même. » râla le Serpentard à sa gauche. « Ou faut-il avoir de jolies jambes pour que les Gryffondors se sacrifient pour vous ? »
Ron leva les yeux au ciel, choisissant de passer outre la remarque sur les jambe de sa petite sœur, sachant que Draco ne cherchait qu'à le provoquer – ce qui était légèrement compréhensible étant donné les diverses taches de peintures que l'autre garçon arborait. Ron n'était pas mieux servi, cependant. Ils n'étaient pas parvenus à atteindre une zone de sortie non plus.
Pour l'instant, les seuls qui y étaient arrivés étaient Hermione et Daphné, Blaise et Astoria et les jumeaux.
« J'ai déjà donné cette année. » répondit-il, du tac au tac.
Il regretta l'allusion voilée à ce qui s'était passé au Ministère au moment où les mots quittèrent sa bouche. Les cicatrices sur bras parurent le brûler à nouveau, comme si elles étaient fraiches. Elles semblaient reprendre vie à chaque fois qu'il s'aventurait à penser à ces cerveaux nacrés qui…
Draco se tendit légèrement, son visage se ferma et il plana entre eux un silence inconfortable.
Ils ne parlaient pas du Ministère. Ils ne parlaient pas du fait que le Serpentard les avait suivis à contrecœur, ils ne parlaient pas du fait que Draco s'était jeté devant Luna pour la protéger d'un Avada Kedavra qu'il avait pris de plein fouet, ils ne parlaient pas du fait que Draco était mort ou que Ron avait failli y passer lui aussi…
« Est-ce que ça ne te perturbe jamais de penser que tout ceci… » L'autre garçon désigna la reproduction de Londres d'un geste vague. « … n'a pour seul but que de nous préparer à nous battre réellement dans cette guerre ? »
La Salle sur Demande semblait étroite ce jour là, principalement car le décors que Sirius avait créé prenait beaucoup de place. Les adolescents s'étaient plus ou moins alignés contre le mur en petits groupes, attendant leur tour. Draco et lui se tenaient suffisamment loin des autres pour que leur conversation ne porte pas, toutefois, Ron prit soin de garder la voix basse.
« Si on avait su la moitié de ce que Sirius nous a appris cette nuit là, on s'en serait mieux sortis. » remarqua-t-il. « Je vois ça comme de la prévention. »
Draco secoua la tête. « Je n'ai même pas seize ans, je refuse de servir de chair à canon. »
« Personne n'a dit qu'on devait servir de chair à canon. » objecta Ron, avec un léger malaise.
Fût un temps, quelques mois auparavant, où il aurait été beaucoup plus impatient de rejoindre l'Ordre, de faire sa part, de se battre… À présent, tout paraissait différent. Peut-être parce qu'il avait perdu son père, peut-être parce qu'il était passé si près de la mort au Ministère, peut-être parce qu'il s'était retrouvé nez à nez avec Voldemort et qu'il était persuadé que le mage noir n'était pas prêt d'oublier qu'il l'avait désarmé, peut-être parce que passer des mois sans Harry l'avait obligé à ouvrir son cercle d'amis, à se comporter davantage comme un adolescent normal qui n'était pas obligé de résoudre un mystère car des vies pesaient dans la balance… Il aimait Harry comme un frère et il ne regrettait rien, il n'hésiterait pas à risquer sa vie pour lui ou à le suivre vers le danger à l'avenir mais… Il ne pouvait nier non plus qu'il n'était plus aussi pressé de grandir.
« Quelles sont les chances qu'on survivent tous à cette guerre ? » murmura Draco, presque à regret, comme s'il avouait une crainte qu'il n'osait pas totalement formuler. Les yeux gris du Serpentard suivaient Hermione alors qu'elle se déplaçait d'un groupe de leurs amis à l'autre, l'air un peu moins stressée que tout à l'heure.
Les chances qu'ils survivent tous à cette guerre, Ron le savait, n'étaient pas bonnes.
La guerre était aux portes de Poudlard et, tôt ou tard, elle les rattraperait.
Et ils le savaient tous les deux.
Draco ne devait, de toute manière, pas attendre de réponse parce qu'il soupira. « As-tu remarqué la nouvelle bague de Potter ? »
Ron fronça les sourcils, cherchant automatiquement son meilleur ami dans les petits groupes d'adolescents mais il devait être de l'autre côté de la pièce parce qu'il ne le vit pas. Pas plus que Ginny, ne put-il s'empêcher de constater.
Il haussa les épaules. « Pas vraiment, pourquoi ? »
Harry n'avait eu pas l'habitude de porter des bijoux mais Harry était également très différent du garçon qu'il avait été avant la tempête magique. Cette tempête les avait tous changés.
« C'est un sceau. » lança le Serpentard, avec une certaine excitation contenue.
« Un sceau. » répéta Ron, avant de comprendre ce que Draco voulait dire. « Le sceau des Potter ? »
Il n'avait pas été élevé dans la tradition Sang-Pure et ses parents ne se souciaient pas du tout des coutumes mais ce n'était pas pour ça qu'il était entièrement ignorant de ce qui se faisait chez les autres. Si les Weasley avaient jamais eu un sceau, il n'avait aucune idée d'où il était passé. Peut-être chez une autre branche ou peut-être Bill en avait-il hérité lorsque…
« Non. » contra immédiatement Draco, les lèvres étirés dans un sourire satisfait. « C'est bien ce qui est intéressant. »
Ron ne savait pas pourquoi Harry se serait soudain préoccupé du sceau des Potter. Certes, son séjour à Serpentard l'avait changé, mais de là à arborer les armoiries de sa famille comme Draco ou Blaise le faisaient quelques fois…
« Celui des Black ? » devina-t-il, car cela aurait expliqué l'intérêt qu'y portait l'autre garçon. Après tout, techniquement parlant, avant le pardon de Sirius, sa mère avait probablement été la dernière héritière des Black. Ou non… Sirius avait été renié mais pas déshérité, contrairement à la mère de Tonks – ou du moins c'est ce qu'il avait compris de l'histoire.
Draco secoua la tête, les yeux brillants de plaisir. Rien ne lui plaisait plus que de connaître une information que les autres n'avaient pas et des les faire se languir de l'entendre. Cela le faisait se sentir supérieur.
Bien au fait de la chose, Ron ne lui donna pas ce plaisir. Il attendit patiemment, bras croisés, nonchalamment appuyé contre le mur, pendant que Lee Jordan et Cassiopée Jones sortaient victorieux de l'exercice. Lee leva la main pour un tope là que la Serpentard ignora royalement. Neville et Luna s'élancèrent à leur tour.
« Il porte le sceau des Prince. » souffla Draco, au bout de deux minutes, ne tenant visiblement plus.
« Les Prince ? » répéta-t-il, confus.
Le Serpentard leva les yeux au ciel. « Tu fais vraiment un piètre Sang-Pur. Les Prince étaient une famille puissante, quasiment autant que celle des Malfoy, mais elle s'est éteinte. »
« Pourquoi Harry porterait-il le sceau d'une Maison qui n'existe plus ? » riposta-t-il, légèrement moqueur. « Tu débloques, mon vieux. Tu as dû mal voir. »
Draco avait pris son air supérieur des grands jours. Le blond leva un sourcil. « Parce que, Weasley, la dernière de leur lignée s'appelait Eileen Prince. »
Eileen Prince…
Le nom lui disait quelque chose…
Il claqua des doigts lorsque ça lui revint. « Elle était capitaine de l'équipe de Bavboules. Elle a gagné un trophée ou un truc du genre… »
Il connaissait malheureusement le contenu de la Salle des Trophées sur le bout des doigts, il les avait suffisamment astiqués en retenues avec Rusard.
Le Serpentard lui jeta un regard amusé. « Tu ne connais pas les différentes Maisons Sang-Pures qui ont joué un rôle important ces cent dernières années mais tu connais le nom de la président du club des bavboules d'il y a cinquante ans ? »
S'il se souvenait correctement des dates, on était plus prêt des soixante…
« Je suis plein de surprise. » rétorqua-t-il, dans un haussement d'épaules. « Bon, c'est quoi l'histoire avec Eileen Prince, alors ? »
« Oh, trois fois rien… » ironisa Draco. « Mis à part le fait qu'elle a épousé un Moldu qui s'appelait Snape. »
Le regard de Ron se braqua sur lui. Il ne se sentait soudain plus du tout amusé. « Quoi ? »
Harry Prince.
Merlin, ce qu'il pouvait être stupide. Évidemment qu'il savait qui était les Princes. Harry ne leur avait-il pas résumé tout son séjour en soixante-quinze ? N'avait-il pas vu son nom d'emprunt sur de nombreuses copies lorsque son meilleur ami sortait les notes qu'il avait prise dans le passé ?
Il aurait dû faire le lien immédiatement.
« Le vieux Prince a préféré laisser sa Maison mourir plutôt que de transmettre le titre à un Sang-Mêlé. » résuma le Serpentard. « Bien que je crois que le Professeur a quand même hérité de la fortune familiale… Elle devait être maigre à ce moment là, cela dit. » Il balaya l'air de la main. « Bref, la question est : pourquoi est-ce que Potter porte soudain le sceau des Prince ? »
« C'est peut-être une babiole qu'il a ramené de soixante-quinze… » hasarda Ron, sans y croire vraiment.
Draco n'était pas plus dupe. Il laissa échapper un bruit amusé. « Le sceau d'un Chef de famille ? C'est loin d'être une babiole, titre ou pas. Je te garantie que cette bague était en possession de Snape et, même si Potter était suffisamment stupide pour la lui voler, il ne la porterait pas sauf s'il a des tendances suicidaires. Non, non… La conclusion logique c'est que Snape la lui a offerte. Tu sais à qui on offre ce genre de choses ? »
Il n'était peut-être pas un Sang-Pur modèle mais, oui, il savait.
Et il n'était toujours pas certain de s'être fait une opinion à ce sujet.
Le Serpentard s'impatienta de son manque apparent de réaction. « Cela signifie qu'il a fait de Potter son héritier, Ron. Cela signifie que Snape va l'adopter. Suis-je le seul à penser que le monde marche sur la tête ? »
Ron avait l'impression d'avoir pris un coup de massue.
Ce n'était pas si surprenant, au demeurant, pas étant donné tout ce qui s'était passé ces derniers mois, mais…
C'était Snape.
Snape qui, à en croire Harry, était davantage digne de confiance que Dumbledore. Snape qui ne souhaitait pas que le Directeur entraîne Harry dans la chasse aux horcruxes ou lui laisse endosser le rôle d'Élu. Snape qui avait manqué mourir et laissé Harry dans un état de dépression duquel, Ron en était sûr, ils auraient du mal à le sortir. Snape qui avait été un Mangemort. Snape qui…
« C'est son père. » lâcha-t-il, un peu maladroitement, parce qu'en dépit de ses réserves il savait qu'Harry avait fait son choix et tout ce que, lui, pouvait faire était de le soutenir.
Draco le dévisagea soudain avec le masque de politicien neutre qu'il se plaisait à cultiver. « Es-tu en train de me dire que Snape et Lily Potter… »
« Non. » l'interrompit-il brusquement, jetant un coup d'œil alentour pour s'assurer que personne ne les écoutait. « Non. » Il se racla la gorge. « C'est juste qu'Harry l'a plus ou moins adopté. » Ce n'était pas vraiment un secret, pas depuis que le Survivant avait passé des semaines à l'infirmerie à son chevet. Certes, les rumeurs allaient bon train sur pourquoi Harry se tracassait de l'ancien Professeur de Potions mais… Ce n'était plus tellement un secret. Néanmoins… « Garde le pour toi. »
Le Serpentard pinça les lèvres avec un déplaisir évident. « Il t'en avait parlé, donc. »
Non.
Non, Harry ne lui avait pas du tout parlé du fait que Snape avait apparemment décidé de l'adopter ou, du moins, lui avait offert un bijou qui était, pour les sorciers, extrêmement symbolique. Le sceau en lui-même n'avait peut-être aucune valeur légale mais l'intention, elle, était explicite.
Dans tous les cas, non, Harry ne lui en avait pas parlé.
Et il doutait qu'il en ait parlé à Hermione non plus.
Ce que cela signifiait pour leur amitié, ça…
« Comment ça se passe dans ta salle commune ? » changea-t-il de sujet.
Draco se rembrunit immédiatement. « Ce n'est rien que je ne puisse gérer. »
Ron n'aimait pas l'idée qu'il puisse être en danger dans les cachots. Blaise et les autres ne pouvaient pas toujours être avec lui.
« Tu sais que la porte est ouverte, si tu as besoin. » insista-t-il. « On peut te faire une place dans notre dortoir. Tous les autres sont d'accord et McGonagall ne dira pas non. »
L'autre garçon poussa un soupir. « Je ne suis pas encore prêt à devenir un lion honoraire. »
Mais il n'en était pas loin, devina Ron, parce que ce ne devait pas être très drôle de se méfier de son ombre dans les dortoirs.
Il parvenait peut-être à cacher à Hermione la plupart des hématomes mais Ron était plus attentif qu'il n'y laissait paraître.
°O°O°O°O°
La main de Severus se baladait distraitement le long de l'épine dorsale de la jeune femme lovée contre son torse.
« Qu'y a-t-il ? » demanda-t-il, au bout de quelques minutes.
Il était évident qu'autre chose la tracassait.
« Je suis allée voir Remus, hier soir. » avoua-t-elle après un court silence.
Il ne s'en alarma pas. Il était évident, au vu de leurs interactions durant la réunion, qu'ils ne s'étaient pas réconciliés, au contraire. Certes, il ne pouvait faire taire une certaine suspicion instinctive mais la maigre jalousie qu'il éprouva fût facilement balayée. Le sentiment d'insécurité était plus difficile à faire taire mais il s'y employa.
Il refusait de provoquer une nouvelle dispute à peine la précédente réglée. Surtout pas à propos de Lupin. Il ne lui ferait pas ce plaisir.
« Ah… Vais-je découvrir ce qui est réellement arrivé au Whiskey Pur-Feu de Black ? » plaisanta-t-il.
Elle laissa échapper un bruit qui était plus amer qu'amusé. « Vu l'état dans lequel il était quand je suis partie, soit il l'a bu, soit il l'a fait exploser. »
Severus fronça les sourcils, moins enclin à la taquiner étant donné le sérieux dans sa voix. « S'est-il montré agressif ? » Elle ne répondit pas immédiatement, ce qui ne fit que l'inquiéter davantage. « Nymphadora. »
Si le loup avait seulement fait mine de la toucher, il allait le dépecer et s'en faire un tapis de fourrure.
Il importait peu qu'elle soit parfaitement capable de se défendre. Il y avait des démons contre lesquels on était impuissants, il ne le savait que trop bien.
« Pas plus que d'habitude. Ça m'inquiète qu'il ne se rende même pas compte que… » Elle s'interrompit et soupira. « C'était ma faute de toute manière. Je voulais mettre certaines choses au clair et… Ce n'était pas forcément une bonne idée. Ça s'est plutôt bien passé jusqu'à ce que je lui répète que c'est fini pour de bon et qu'il ne me jette au visage que les loups s'accouplent pour la vie. »
« Si cela tourne à l'obsession, cela pourrait devenir un problème. » la mit-il en garde. « Ce qui s'est passé lorsqu'il a bu cette potion… »
« Je sais, je sais… » le coupa-t-elle. « Mais je ne peux pas croire qu'il me ferait vraiment du mal. »
Il émit un bruit dubitatif. « Accepter l'animal en lui l'a rendu moins enclin à sombrer dans la folie par certains côtés, mais il démontre quand même une certaine instabilité dès qu'on touche à ce qu'il considère étant en rapport avec sa condition. Toi, sa pseudo meute, Greyback… »
Elle demeura silencieuse un long moment. « Il sait pour nous. Je suis désolée. »
Severus pinça les lèvres mais contrôla son agacement. « Il le soupçonne depuis un moment et il y a suffisamment de personnes au courant, de toute manière, pour que le secret ne tienne plus bien longtemps. »
Il devait en parler à Harry avant que quelqu'un d'autre ne le fasse et il en était bien conscient. Simplement, il n'était pas certain de comment aborder le sujet ou de comment l'adolescent réagirait.
Tout entier à sa préoccupation de comment il allait l'annoncer à son fils, il ne remarqua pas immédiatement qu'elle s'était à nouveau enfoncée dans un silence trop lourd.
Songeant qu'il n'avait sans doute pas dit ce qu'il fallait, il soupira. « Si je tenais à de la discrétion, ce n'est pas par honte ou par manque d'implication. Simplement… »
« Il a dit qu'on n'était qu'un fantasme. » cracha-t-elle, avec une colère rentrée qui dissimulait mal une certaine tristesse.
Severus s'en retrouva sans voix l'espace d'une seconde. « Pardon ? »
« Remus. Hier. » murmura-t-elle, en se recroquevillant légèrement sur elle-même – et sur lui, accessoirement, mais il avait depuis longtemps renoncé à dormir confortablement lorsqu'elle occupait son lit. C'était une contrepartie qu'il était prêt à payer. « Il a dit que, toi et moi, ce n'était qu'un fantasme. Tu sais, le goût de l'interdit ou un truc du genre. »
Ce qui expliquait sa réflexion sur Minerva qui aurait eu trop d'intégrité pour coucher avec un ancien élève.
De là, à parler de fantasme… Ce que cela impliquait…
« Nous ne sommes pas un fantasme. » siffla-t-il, avec dégoût. « Je n'ai jamais eu ce genre de penchants. »
« Je sais. » promit-elle.
« Non. » contra-t-il. « J'ai besoin que tu l'entendes. Je n'ai jamais, pas une seule seconde, pensé à aucune élève comme… Je ne t'ai jamais prêté aucune attention de ce type lorsque tu étais dans ma classe. » Il fit la grimace. « Si je dois être honnête, c'était une des raisons qui m'ont tant fait hésiter lorsque… »
« Je sais. » répéta-t-elle, plus fermement. « Je n'étais pas attirée par toi, non plus, à l'époque. »
« Inutile de le préciser. » se moqua-t-il, pince-sans-rire.
« Oh, ça va… Je suis sûre que tu as ton compte d'admiratrices. » plaisanta-t-elle. « Ta voix, tes mains… Et ce n'est pas comme s'il y avait beaucoup d'autres professeurs aussi jeunes que toi à Poudlard. Tu es le seul qui n'a pas encore de cheveux blancs. Encore que Sirius doit te faire concurrence maintenant… »
Il préférait ne pas penser à ce genre de choses.
Ce qui rendait le commentaire de Lupin doublement offensant.
« Il ne sera probablement pas le seul à faire ce genre de remarques désobligeantes. » grinça-t-il.
« Ça m'est égal. » répondit-elle, dans un haussement d'épaules. « Enfin, ce n'est pas vrai… Ça m'embête pour toi. Est-ce que tu auras des ennuis si… »
« Minerva est au courant. Albus aussi. » l'interrompit-il. « S'ils avaient désapprouvé d'une quelconque manière, ils m'en auraient déjà fait part. »
Elle tendit le cou pour pouvoir le regarder en face sans bouger. « Je n'ai rien prévu de ce qui s'est passé entre nous, tu sais, mais je ne regrette rien non plus. »
Sans rien avoir prévu, elle en avait pourtant été l'entière instigatrice. Peut-être avait-il été conscient, à un certain degré, de l'ambigüité entre eux après la tempête magique, peut-être s'était-il pris un peu au jeu des regards qui s'attardaient, peut-être l'avait-il encouragée sans y prendre garde… Il n'avait, certes, jamais protesté les baisers sur la joue qui atterrissaient toujours à la commissure de ses lèvres… Mais il n'aurait jamais franchi la ligne, jamais fait le premier pas.
Et ce qui avait commencé comme une passade, une manière pour elle d'oublier le loup et pour lui d'évacuer le stress constant… Cela était devenu tellement plus.
Il n'aurait pas parié dessus.
Et il aurait eu tort.
Il ignorait si ce qu'ils partageaient survivrait hors du contexte de guerre et dans la banalité du quotidien mais il aurait aimé la chance de le découvrir.
« Il n'y a rien à regretter. » déclara-t-il. Il n'eut pas à se pencher beaucoup pour l'embrasser brièvement, toujours légèrement hésitant lorsqu'il s'agissait d'initier ce genre de contact. « Quant à Lupin, il ne cherchait probablement qu'à te blesser. »
« Je sais. » soupira-t-elle. « C'est juste que… J'ai beaucoup réfléchi après qu'on se soit disputés, la semaine dernière. »
Severus fronça les sourcils. « Si tu t'apprêtes à m'annoncer que tu souhaites rompre, tu t'y es certainement pris d'une manière un peu particulière… »
Son rire le rassura plus qu'un long discours ne l'aurait fait. « Non. À Remus et à moi, je veux dire. À pourquoi ça n'a pas marché. À pourquoi je ne voulais pas faire les mêmes erreurs avec toi. »
« Et à quelle brillante conclusion es-tu parvenue ? » s'enquit-il. « Mis à part le fait que le loup est un crétin de t'avoir laissée partir, s'entend. »
Il laissa reposer sa main au creux de ses reins, s'efforçant de tracer des cercles réconfortants sur sa peau avec son pouce. Le résultat était approximatif car ses mains étaient loin d'être stables.
« Il m'accusait toujours de ne pas savoir ce que je voulais, au début, de ne pas avoir conscience de ce qu'être avec lui impliquait. Comme si je n'étais qu'une gamine tout juste sortie de Poudlard au lieu d'une Auror qui avait terminé sa formation. » expliqua-t-elle lentement, avec hésitation. « Et je pensais que j'étais si mature et qu'il avait tort mais… Peut-être que j'étais vraiment trop naïve. » Elle se frotta le visage. « Ces derniers mois… Il s'est passé tellement de choses, j'ai vu tellement de mes amis mourir… J'ai l'impression d'avoir pris dix ans. »
La guerre faisait cet effet là.
Et elle ne parlait jamais des collègues qu'elle avait perdus mais le bureau des Aurors avait été entièrement décimé le jour de l'attaque du Chemin de Traverse. Outre le fait que sa charge de travail et ses responsabilités s'en étaient trouvées décuplées, elle avait forcément perdu des amis ce jour là. Des amis dont elle n'avait sans doute jamais eu le temps de faire le deuil. Sans parler de la mort de Fol'Œil qui, il le savait, avait été un mentor pour elle ou de celle d'Arthur Weasley. Elle était amie avec Charlie depuis suffisamment longtemps et à un degré d'intimité tel qu'il était impossible qu'elle ne l'ait pas bien connu. Connaissant l'hospitalité des Weasley, elle avait sans doute passé une certaine partie de ses étés au Terrier dans son enfance.
Il était indéniable qu'elle avait changé. L'impact de tant de morts… Il ne lui avait pas prêté tant d'attention avant la tempête magique mais il était certain qu'elle lui paraissait plus adulte, plus mûre, n'en déplaise à ses tenues un peu excentriques.
« La différence d'âge entre nous et la même qu'entre toi et Lupin. » remarqua-t-il.
« Elle te gêne ? » demanda-t-elle avec incertitude. « Parce que Remus la rabâchait tout le temps mais tu ne la mentionnes jamais… »
Il prit un moment pour y réfléchir mais, au demeurant, la réponse était évidente au vu des derniers mois. « Moins que je l'aurais cru. Moins que le fait que j'ai été ton Professeur, si je suis honnête. » Il caressa son bras pour adoucir cette dernière remarque, espérant qu'elle ne sonnait pas comme un reproche. « Tu es une excellente Auror, Nymphadora. Tu es intelligente. Tu es belle. Tu es loyale. Je suis le plus chanceux des deux, en ce qui me concerne. Cependant… La différence d'âge, le fait que tu ais été mon élève… Si cela te donne l'impression que je suis en position de force… »
« Non. » l'interrompit-elle, en se redressant pour secouer la tête. « Pas tant que tu me traites en égale. Tant qu'on est sur une position d'égalité, nous n'aurons pas de problèmes. Remus… » Elle chercha son regard puis grimaça. « Je lui ai tellement couru après, je lui ai donné tous les pouvoirs. Ce n'était pas entièrement sa faute, j'ai ma part de responsabilité. Mais je l'ai laissé me faire me sentir… moindre. »
Il l'observa longtemps, pesa le pour et le contre, puis finit par se décider à poser la question qui le démangeait, bien à l'abri derrière un masque neutre. « As-tu toujours des sentiments pour lui ? »
Il ne l'aurait pas blâmée si tel était le cas. Il aurait été mal placé pour le faire étant donné les longues années qu'il avait passé à se languir de Lily. Les sentiments ne se contrôlaient pas, il était bien placé pour le savoir.
Son expression s'adoucit. « Non. » C'était ferme et définitif. Il aurait aimé s'y fier pleinement, toutefois il craignait un peu qu'elle soit en train de lui dire ce qu'elle pensait qu'il voulait entendre. Ses boucliers mentaux n'étant définitivement plus ce qu'ils étaient, elle dût lire ses doutes dans ses yeux car elle caressa sa joue et l'attira à elle pour un nouveau baiser. « Non, Severus, je n'ai plus aucun sentiment pour lui. »
Pour quelqu'un qui s'enorgueillissait d'être capable de se contrôler en toute circonstance, il avait un problème certain à résister à ce genre d'arguments. Le baiser se transforma en un deuxième, puis un troisième…
« C'est là où la différence d'âge se fait sentir. » murmura-t-il contre ses lèvres.
Il éprouva une immense satisfaction lorsqu'elle rit à sa plaisanterie douteuse.
°O°O°O°O°
Sirius ne s'embarrassa pas de discrétion lorsqu'il émergea de la cheminée du salon du Square Grimmaurd pour la deuxième fois ce soir là. Après tout, il était toujours propriétaire des lieux et il était passablement contrarié.
Bien que son agacement fondit légèrement lorsqu'il entra dans la cuisine et qu'un sourire heureux naquit sur les lèvres de Nyssa.
Elle posa rapidement la tasse fumante qu'elle tenait entre les mains et se repoussa du plan de travail contre lequel elle avait été appuyée pour venir vers lui. Chaque geste dénotait d'une fluidité surnaturelle qui ne cessait de l'impressionner.
« Je ne pensais pas que tu reviendrais cette nuit… » l'accueillit-elle, en jetant ses bras autour de son cou.
Revenir cette nuit là n'avait pas réellement fait partie de ses projets. Nyssandra lui manquait et il aurait souhaité avoir davantage de temps libre à lui consacrer, néanmoins il était plus difficile qu'il ne l'aurait cru d'assumer un poste de Professeur à Poudlard. Il savait qu'il regretterait le manque de sommeil le lendemain, comme il l'avait toujours regretté en classe, lorsque lui et le reste des Maraudeurs avaient passé la nuit à chahuter plutôt qu'à dormir. La chose la plus sage à faire aurait été de rester à l'école et de laisser couler le problème jusqu'au lendemain soir, d'y faire face à tête reposée…
Pourtant Sirius n'avait cessé de ressasser la scène de la fin de la réunion tout au long de la session de l'A.D. et il savait qu'il passerait la nuit à se tourner et se retourner dans son lit s'il ne mettait pas les choses au clair.
C'est pourquoi il recula légèrement la tête lorsque Nyssa voulut l'embrasser et posa les mains sur ses hanches pour la tenir à distance, au lieu de l'enlacer comme il en avait envie.
« C'était quoi ce cinéma, tout à l'heure ? » demanda-t-il. « Du Véritaserum ? Et puis quoi encore ? »
Certes, il comprenait la logique de la démarche et, s'il n'avait pas eu son compte de secrets à préserver, peut-être aurait-il même été d'accord avec cette idée mais…
Quelque part dans la maison, les lattes du parquet grinçaient, preuve que les lieux étaient occupés et qu'ils n'étaient pas les seuls insomniaques. Il se demanda brièvement s'il s'agissait de Remus ou si quelqu'un d'autre avait décidé de rester au Q.G. ce soir là. Il n'était pas tout à fait certain de vouloir faire face à son meilleur ami, à l'instant. Il ne savait pas trop ce qui se passait entre lui et Tonks mais il était bien certain qu'il n'appréciait pas la tension entre eux.
Il avait toujours considéré Andy comme une grande sœur et, en conséquence, il se sentait responsable de sa fille. Ça avait été une chose lorsque Remus et elle avaient été amoureux mais il était évident que la jeune femme ne voulait plus rien avoir à faire avec lui.
Cela ne lui avait pas échappé que Tonks avait pris soin de rester loin du loup-garou toute la soirée, quitte à ne pas lâcher Snape d'une semelle – sans doute car elle pensait que Remus ne s'approcherait pas de lui, étant donné l'hostilité grandissante entre eux. L'ancien espion était également prompt à s'interposer sans avoir l'air dès que son meilleur ami cherchait à entamer la conversation avec sa cousine. Pour ça, Sirius se sentait légèrement redevable. Il aurait dû être celui à s'assurer que Tonks n'était pas mise mal à l'aise par son ex, pas son ancien professeur de Potions, mais le fait qu'il s'agisse de Remus rendait la situation compliquée pour lui. Sa propre relation avec Remus était suffisamment compliquée en ce moment sans qu'il en rajoute.
« Ce n'est pas une si mauvaise idée. » contra-t-elle immédiatement, se rembrunissant face à ce qui devait ressembler à une douche froide. Elle retira ses bras d'autour de son cou pour mieux les croiser devant sa poitrine et fit deux pas en arrière, rétablissant entre eux un certain espace. « Tu as remarqué qui a protesté en premier, j'espère ? »
Sirius leva les yeux au ciel. « Snape n'est pas le traître. »
Nyssa le fixa du regard un long moment, la mâchoire contractée et l'air butté. « Ce n'est pas ce que pensait Alastor. »
Le prénom parut raisonner dans la cuisine.
Il dût faire un sérieux effort pour ne pas perdre son calme, pour ne pas céder à la jalousie qui lui tordait les tripes. L'autre sorcier était mort, ça aurait été non seulement stupide mais un peu pathétique d'en être jaloux.
« Fol'Œil était parano, Nyssa. » lui rappela-t-il, aussi calmement qu'il le put. « Et un peu cinglé. Et, au cas où tu l'aurais oublié, il refusait de te considérer comme une personne parce qu'il était bourré de foutus préjugés ! »
Autant pour garder la tête froide, se morigéna-t-il immédiatement.
« Ne t'avise pas de me crier dessus. » l'avertit-elle, révélant des canines impressionnantes. Elle s'éloigna pour récupérer sa tasse sur le comptoir, en descendit avidement deux gorgées d'affilée en prenant soin de lui tourner le dos.
Elle détestait se nourrir devant lui, habituellement. Elle ne le faisait que lorsqu'elle était à cran.
Depuis quand n'avait-elle pas quitté le Q.G. ? Depuis quand Remus ne lui avait-il pas assigné une mission qui assouvirait ses besoins de chasser ?
« Nyssa… » soupira-t-il.
« Je comprends comment il a ferré Tonks. » lâcha-t-elle. « Je suis quasi sûre que Bill a une dette quelconque envers lui. Mais toi… je ne comprends pas comment on est passé de 'je veux le tuer' à 'je le défendrai jusqu'à la mort. »
Elle ne s'était pas retournée.
Il franchit prudemment la distance entre eux, un peu trop conscient qu'elle aurait pu le tuer si elle l'avait voulu. Cela ne l'effrayait pas. Pas totalement. Cet aspect là n'avait pas perdu ce qu'il avait d'excitant pour lui.
Il posa les mains sur ses épaules mais elle ne se détendit pas, pas même lorsqu'il tenta de vaincre la tension en la massant gentiment.
« Est-ce que tu me fais confiance ? » murmura-t-il, par prudence plus que par besoin de créer un sentiment d'intimité. Il y avait de légers bruits dans le placard que Kreattur s'était attribué qui lui faisaient dire que l'elfe de maison rôdait dans les parages et il ignorait qui se trouvait à l'étage.
Les murs avaient des oreilles dans cette maison et il n'était pas prêt de l'oublier.
« Tu sais bien que oui. » soupira-t-elle.
« Il considère Harry comme son fils. » expliqua-t-il. « Et Harry le considère comme son père. »
Elle posa doucement la tasse sur le plan de travail et se retourna finalement pour lui faire face, l'air toujours contrarié.
« Ce qui te rendait fou de rage, il n'y a pas si longtemps, si je ne m'abuse. » rétorqua-t-elle.
« C'était avant. » répliqua-t-il, agacé. « Écoute… Je ne peux pas te dire ce que je sais. Je ne peux pas. Mais il m'a convaincu. S'il y a une personne sur cette terre à qui je fais confiance pour protéger Harry, pour faire tout ce qu'il faut et davantage encore pour le garder en vie coûte que coûte, c'est Snape. Et, crois moi, j'en suis le premier surpris. » Il se passa une main sur le visage. « Il est… différent depuis qu'ils sont revenus. Il est toujours aussi chiant mais il est aussi beaucoup plus humain. »
Nyssa le dévisageait avec une suspicion évidente.
Il encadra son visage de ses mains et se pencha jusqu'à ce que leurs fronts se touchent.
« Nyssa, tu le soupçonnes, il te soupçonne… » chuchota-t-il, en plantant son regard dans les siens. « Et moi je sais que ce n'est ni toi, ni lui, alors ça m'arrangerait si vous pouviez régler ça entre vous une bonne fois pour toute parce que je n'ai vraiment pas envie d'être au milieu. »
« Remus est d'accord avec moi. » insista-t-elle. « On trouve tous les deux qu'il manipule son monde, la moitié des membres du Conseil sont dans sa poche, toi inclus. »
« Remus n'est pas exactement lui-même, en ce moment, et il en veut à Snape de ne pas le fournir en potion Révèle-Loup. » rétorqua-t-il. « Nyssa, s'il te plaît, fais moi confiance. »
Elle claqua la lange avec agacement mais finit par se détendre et passer ses bras autour de sa taille.
« Je veux bien lui parler. » capitula-t-elle. « Mais si on se fait tuer parce qu'il a joué sur ta corde sensible, je vais te botter le cul. »
Sirius ne chercha pas à museler son éclat de rire. Il l'attira plus fermement à lui et déposa un baiser dans ses cheveux. « Ça marche. »
« Dis-moi que tu restes ce soir. » exigea-t-elle, en levant la tête vers lui.
Il l'embrassa pour toute réponse.
Plus tard, bien plus tard, alors qu'il commençait à s'endormir, leurs corps toujours enlacés entre les draps froids, elle cala son menton dans le creux de son épaule.
« Si ce n'est pas lui… Qui ? » murmura-t-elle.
« Je ne sais pas. » marmonna-t-il, en se frottant les yeux. Serait-il plus intelligent de retourner à Poudlard dès à présent ou bien d'espérer parvenir à se lever à temps pour ne pas être en retard à son premier cours ?
« C'est le coupable idéal. » insista-t-elle. « Personne ne l'aime. Enfin… Personne ne l'aimait avant qu'il se fasse prendre dans une tempête magique qui lui a apparemment greffé une nouvelle personnalité… »
« Je n'irais pas jusque là. » se moqua-t-il. « C'est toujours un emmerdeur de première catégorie. Mais… il a ses moments. »
Elle balaya l'air de la main. « C'est malin, si tu y penses… Pendant que tout le monde surveille Snape… Qui surveille le véritable espion ? » Elle marqua une pause. « Ou alors il joue double jeu depuis le début et c'est un coup de maître. Je vais trouver dans tous les cas, tu sais. »
Il n'en doutait pas vraiment.
Rien n'arrêtait une vampire en chasse.
« Je veux ma vengeance. » conclut-elle, un éclat mauvais dans le regard.
Cette fois-ci, le frisson qui parcourut son échine était plus alarmé qu'excité.
Elle ne plaisantait pas, il le savait.
Lorsqu'ils aurait déniché l'espion… Cela finirait dans un bain de sang.
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Tonks venait juste de terminer de verser du café dans chacune des deux tasses sur le plan de travail lorsque une main se posa sur sa hanche. Elle pouvait en sentir la chaleur à travers le coton de la chemise qu'elle avait volée d'à même le sol et elle se laissa prudemment aller en arrière jusqu'à trouver le corps qui se tenait derrière elle. La main glissa de sa hanche à son ventre dans une étreinte légèrement maladroite, comme toujours, alors qu'il tendait l'autre vers une des tasses.
Sa main s'immobilisa à moitié chemin lorsqu'il apparut évident qu'il n'était pas en mesure d'agripper quoi que ce soit et il marmonna un juron avant de serrer le poing.
Elle attrapa sa main avant qu'il ait pu la laisser tomber et la porta à ses lèvres, déposant un léger baiser sur les phalanges bardées de minuscules cicatrices gagnées au fil des longues années à expérimenter avec des potions.
Elle le sentit se détendre légèrement et compta comme une victoire qu'il n'ait pas simplement disparu pour bouder dans une autre pièce. Il détestait être incapable de masquer ses faiblesses physiques et ça n'aurait pas été la première fois qu'il se serait drapé dans une fierté froissée plutôt que de la laisser le réconforter.
« Il est tard. » se plaignit-il, car c'était elle qui avait faire taire son réveil un peu plus tôt. Ils n'avaient, de toute manière, pas la même définition de tard. Elle était certaine que le petit-déjeuner était toujours en train d'être servi dans la Grande Salle. « Ne travailles-tu pas, ce matin ? »
« Non, je suis d'astreinte, aujourd'hui. » répondit-elle, en se tournant pour passer les bras autour de son cou. Il fût lent à lui rendre son étreinte mais pas par manque d'envie. Il était toujours un peu hésitant lorsqu'il s'agissait d'exprimer son affection, incertain de ce qui était permis et de ce qui ne l'était pas.
Après ce qu'il lui avait confié la nuit dernière…
Elle avait toujours su que les cicatrices cachaient plus que certainement un drame familial mais le cauchemar qu'il avait dû vivre… Elle ne pouvait pas l'imaginer. Elle ne voulait pas l'imaginer.
Même si elle était actuellement en plus ou moins mauvais termes avec sa mère, elle savait avec une certitude absolue qu'Andromeda l'aimait, que ses parents remueraient ciel et terre pour elle. Ne pas avoir ce genre de convictions…
Elle avait toujours perçu, plus ou moins consciemment, qu'il lui accordait un privilège spécial en lui ouvrant ses appartements. Chaque baiser qu'il initiait, chaque caresse qu'il offrait… Parfois, il la regardait comme s'il s'attendait à tout moment à ce qu'elle transforme la tendresse de ses gestes en agression, comme s'il était incapable de ne pas se méfier alors même qu'un simple acte de gentillesse paraissait le toucher plus que de raison…
Elle mesurait maintenant à quel point tout cela lui était étranger.
Et pourtant ses yeux noirs étaient doux lorsqu'ils plongèrent dans les siens, sa bouche s'étira en ce qui n'était pas tout à fait un sourire mais qui trahissait tout de même une certaine satisfaction, et ses bras ne tardèrent à se resserrer autour d'elle.
L'instant était si parfait, la bulle de bonheur si complète, que ça en était presque douloureux. Elle savait que si elle devait produire un Patronus sous peu, ce serait vers ce souvenir-ci que s'orienteraient ses pensées.
Et cela la terrifiait autant que cela l'enthousiasmait.
« Severus… Je suis en train de tomber amoureuse de toi. » avoua-t-elle, dans un murmure. Elle parvint presque à voir les boucliers mentaux descendre brusquement derrière ses yeux pour maîtriser la panique instinctive qui y avait brillé l'espace d'un instant. Il ouvrit la bouche mais elle plaqua une main sur ses lèvres avant qu'il ait pu dire quoi que ce soit, soutenant son regard. « Ne me réponds pas maintenant. Je ne veux pas… Je n'ai pas besoin que tu en sois au même point. Juste… Si jamais tu te rends compte, à un moment, que tu ne pourras jamais me rendre mes sentiments, j'aimerais que tu me le dises. » Elle fit la grimace, se forçant à lui faire un clin d'œil, à prendre le ton de la plaisanterie. « De préférence : pas avant une grosse bataille et pas parce que tu penses que c'est ce qu'il y a de mieux pour moi. »
Il repoussa les mèches roses qui lui tombaient sur le visage de sa main qui tremblait le moins, la laissa s'attarder sur sa joue. Elle retira la sienne lentement, lui rendant la parole, retenant légèrement sa respiration juste au cas où il s'apprêtait à lui briser ce cœur qu'elle avait mis si longtemps à recoller…
« Tu me rends heureux. » murmura-t-il, un peu mal à l'aise.
Il n'ajouta rien mais, de sa part, c'était déjà une telle confession qu'elle se retrouva à sourire au point d'en avoir mal. Sachant qu'il n'apprécierait pas davantage d'effusions, elle l'embrassa peut-être un peu trop fougueusement, se racla la gorge et le lâcha pour placer les deux tasses de café sur la table de la cuisine.
La pièce n'était pas bien grande mais elle supposait que les cuisines dans les appartements des Professeurs étaient là davantage pour dépanner que pour être utilisées. Severus était probablement le seul qui était trop paranoïaque pour autoriser les elfes de maison à pénétrer dans son antre.
Elle avait à peine bu une gorgée de son café qu'une assiette de toasts lévitait jusqu'à la table, suivie de beurre et de confiture.
Il n'avait pas pris la peine d'utiliser sa baguette bien qu'elle l'ait vu la glisser dans la manche de sa robe de chambre un peu plus tôt.
« Frimeur. » l'accusa-t-elle, avec amusement.
« Simple question d'entraînement. » répondit-il, un peu trop humblement pour être sincère.
« Ou de puissance magique. » contesta-t-elle.
Il leva un sourcil, un coin de sa bouche s'étirant légèrement en un demi-sourire de défi. « Ce dont tu ne manques pas. »
Elle leva les yeux au ciel et avala une deuxième gorgée de café brûlant. « Crois-moi, je suis suffisamment maladroite avec une baguette. »
« Tu n'es maladroite que lorsque tu es anxieuse. Je ne t'ai jamais vue trébucher lors d'une bataille. » commenta-t-il, appelant à lui d'un accio, informulé et sans baguette, une fiole de potion qu'il avala en retenant sa respiration.
« Tu es arrivé à perfectionner la formule ? » s'enquit-elle, changeant le sujet.
Il lui répondit d'une légère secousse de la tête, poussa la fiole désormais vide loin de leur petit-déjeuner. « Je ne peux demander davantage à Granger et Draco qu'ils ne sont capable de donner. Ils suivent mes instructions à la perfection mais il m'est difficile d'expliquer des nuances qui me viennent instinctivement. » Il leva la main qui le gênait particulièrement ce matin là, la laissa dans les airs quelques secondes, le temps de jauger le niveau de tremblements. « Il est extrêmement peu probable que mes nerfs se régénèrent jamais entièrement, toutefois le résultat est encourageant. »
La Marque des Ténèbres ne devait pas aider.
Elle repoussa cette pensée à peine l'eut-elle formulée. Il était évident qu'il ne voulait pas en parler, ou ne savait pas comment en parler, plutôt, et elle ne voulait pas remettre le sujet sur le tapis.
Il détourna de toute manière la conversation, utilisant son autre main pour attraper la tasse de café et la porter à ses lèvres. « Tu ne m'as jamais dit ce que tu avais découvert sur la vampire, la semaine dernière. »
« La vampire a un nom, tu sais. » le sermonna-t-elle gentiment. « Peut-être que ça se passerait mieux entre vous si tu l'utilisais de temps en temps. »
« Peut-être devrais-je également prendre une dose de Véritaserum avec mon petit-déjeuner. » ironisa-t-il, impassible.
Elle attrapa un toast qu'elle beurra distraitement. « Oui, ça, ce n'était pas vraiment subtil. Mais je ne pense pas que ce soit elle l'espionne. » Elle lui résuma la soirée du vendredi de la semaine précédente. « Elle pense que c'est toi. Et moi par extension. Que tu m'as ensorcelée ou fais boire un philtre d'amour… »
« Car un philtre d'amour est évidemment le moyen le plus simple de garder quelqu'un sous sa coupe. » se moqua-t-il.
« Ça l'est si tu veux coucher avec, je suppose. » plaisanta-t-elle, avant de grimacer. « Cette conversation devient glauque. Bref, je suis quasiment certaine que ce n'est pas elle. »
« Je préfèrerai me reposer sur des faits ou des preuves que sur ton instinct. » déclara-t-il.
Tonks secoua la tête et finit son café d'un trait. « Tu ne l'as pas vue après la mort de Fol'Œil… »
« Ils ne se supportaient pas de son vivant. » objecta-t-il.
« Ça ne veut pas dire qu'elle ne l'aimait plus. » insista-t-elle, en beurrant un autre toast qu'elle lui tendit. « Elle veut le venger. Et puis… Elle sort à peine du Q.G. Et, avant ça, elle a vécu chez moi pendant des semaines… Quand est-ce que les Mangemorts auraient eu le temps de l'approcher et de la retourner ? »
Il fusilla le morceau de pain du regard puis finit par le saisir.
Il n'avait rien avalé depuis qu'ils s'étaient assis et elle était prête à parier que c'était parce qu'il se savait incapable de se servir d'un couteau.
« Rien ne dit qu'ils n'ont pas pris contact avec les vampires avant que l'Ordre ne le fasse. » contra-t-il.
« Non, c'est moi qui suis allée tenter de recruter les vampires. » répondit-elle. « Leur reine a été très claire sur le fait qu'ils ne prendraient pas partie. À part ça et prophétiser des histoires de tigres… »
« De tigres ? » releva-t-il, reposant le toast sur la table après une simple bouchée. « Les vampires vous ont révélé une prophétie à propos d'un tigre ? »
Elle haussa les épaules, intriguée par l'intérêt prononcé qu'il y prêtait. « Leur reine semblait persuadée qu'un enfant nous sauverait tous. Harry, je suppose. Elle a dit un truc à propos de cicatrices et d'un tigre… Je ne m'en souviens pas très bien. Ça n'avait aucun sens. »
Clairement, ça en avait pour lui.
Il se pencha légèrement en avant, capturant son regard avec un insistance à la limite de la Legilimencie. « Puis-je voir ? »
Elle soupira. « Si ça t'amuse. »
Elle ne lui opposa aucune résistance quand elle sentit son esprit pénétrer le sien, pourtant elle dût se faire violence pour ne pas dresser ses boucliers. Depuis la fois où Dumbledore avait effacé ses souvenirs… Elle n'avait peut-être jamais mentionné la chose au Directeur mais elle n'avait pas oublié pour autant et elle comptait bien le lui faire payer à un moment donné.
« Aussi fascinants que tes projets de meurtres soient… » railla Severus. « Pourrais-tu te concentrer sur les vampires de sorte que je n'ai pas à fouiller dans tes souvenirs et accidentellement voir des choses que je ne suis pas supposé voir ? Comme ces multiples fantasmes d'assassiner Albus, par exemple. »
Elle le fusilla du regard, plus amusée qu'agacée, et se concentra davantage.
Elle sentit sa présence s'accroître brusquement alors que le souvenir lui revenait en mémoire. Elle se revit dans la forêt avec Fol'Œil, leur rencontre avec Sanguini, le comportement limite de son mentor avec le vampire… Puis la clairière, la reine qui paraissait à peine quinze ans…
« Son destin est écrit dans les étoiles. » déclara la vampire, la tête tournée vers le ciel, le visage triste. « Tant de sacrifices sont exigés de lui... Jusqu'au dernier, le plus grand d'entre eux. »
« De qui parlez-vous ? » demanda-t-elle doucement. Les yeux gris s'ancrèrent aux siens. Hypnotiques. Elle n'aurait pas pu détourner le regard si elle l'avait voulu.
« Les cicatrices du temps s'ouvriront pour le recracher. » murmura la Reine. « Le vent chante son nom à qui sait écouter, le tigre a entamé son voyage avec la mort comme gardien. »
Elle sentit comme un écho la déception de Severus. Il se retira de son esprit un moment plus tard.
« Cette prophétie s'est déjà réalisée. » marmonna-t-il. « Nous sommes revenus de soixante-quinze. »
Elle ne put cacher sa surprise. « Tu penses que le tigre, c'est Harry ? Un lion, ça aurait été plus logique, non ? Et puis la mort comme gardien… »
Le Maître des Potions la dévisagea quelques secondes avant de contracter la mâchoire comme s'il se préparait au combat. « Il est possible que j'ai omis de te révéler quelque chose d'important que je comptais t'avouer la nuit dernière. À ma décharge, tu paraissais déterminée à me distraire. »
Elle inclina la tête mais elle était résolue à rester calme quoi qu'il en soit. « Je t'écoute. »
« Il se pourrait, hypothétiquement s'entend, que je sois un Animagus non déclaré. » avoua-t-il.
Elle parvint à ne ciller que deux fois. « Tu sais que je devrais t'arrêter pour ça. Hypothétiquement. »
« Tu peux toujours essayer. » la défia-t-il, les yeux brillants de…
Refusant de se laisser distraire aussi facilement, elle croisa les bras devant sa poitrine, un peu trop consciente qu'elle n'avait pas l'air aussi sérieuse qu'elle l'aurait voulu dans la chemise trop grande qu'elle lui avait volée. « Et quelle serait hypothétiquement ta forme Animagus ? »
« Un sombral. » avoua-t-il.
« Oh… » lâcha-t-elle, oubliant de faire semblant d'être contrariée. « La mort comme gardien… »
« Précisément. » Il se pinça l'arrête du nez, les yeux fermés. « Cela ne nous avance donc en rien. Encore une impasse. »
« Je ne pense vraiment pas que c'est Nyssa. » insista-t-elle. « Le truc… c'est que je ne vois pas qui d'autre. »
« Nous ne manquons malheureusement pas de suspects. » soupira-t-il, en récupérant ce qui restait de son toast.
« Ça, c'est ce que tu dis. » contra-t-elle, fatiguée rien que d'y penser. « J'ai filé Fleur une partie de la semaine sur mes heures de repos et je n'ai strictement rien vu de suspect, à part son goût en matière de fringues. Charlie et Anthony sont hors de tout soupçon… »
« Personne n'est hors de soupçon, Nymphadora. » l'interrompit-il.
« Charlie ne trahirait jamais l'Ordre du Phoenix. » gronda-t-elle. Elle savait, sans avoir besoin de vérifier, que ses cheveux menaçaient de virer au rouge. « Je le connais aussi bien que moi-même, tu vas devoir me faire confiance sur ce point là. Et, à cause du sort qui a mal tourné, ils ne peuvent pas s'éloigner l'un de l'autre de plus de quelques mètres donc, tu vois, si Anthony était un Mangemort ou espionnait pour eux, Charlie s'en serait aperçu. »
« Et t'aurait-il averti ? » ironisa-t-il. « Certains sont prêts à l'impensable par amour. Changer de camp n'est pas si inimaginable. »
L'allusion aux raisons qui l'avaient poussé à quitter les Mangemorts pour l'Ordre était impossible à rater.
Il avait été nettement plus facile d'aborder le sujet la nuit dernière dans l'obscurité.
En plein jour, à la table du petit-déjeuner, elle ne se sentait pas la force d'inviter le spectre de Lily Potter à se joindre à eux.
« Je lui confierai ma vie les yeux fermés. » insista-t-elle.
Severus pinça les lèvres avec agacement. « Voilà toute la différence entre nous. Je ne confierai jamais ta vie à qui que ce soit, encore moins les yeux fermés. »
C'était une sorte de déclaration, supposait-elle, et ça la toucha plus qu'elle ne voulait l'admettre.
« Tu es agaçant. » râla-t-elle, sans s'empêcher de sourire. « Il faut toujours que tu ais le dernier mot. »
« Crois le ou non, tu n'es pas la première à m'en faire le reproche. » répondit-il, non sans un certain amusement. « Néanmoins, je vais te laisser le plaisir d'avoir le dernier mot, aujourd'hui, car j'ai besoin d'une faveur et de tes talents d'Auror. »
Elle envoya la vaisselle sale dans l'évier d'un coup de baguette. « Dis-moi. »
Si elle avait été chez elle, elle s'en serait tenue là mais Severus étant archi-maniaque, elle fit l'effort de marmonner le sort qui laverait les tasses et les assiettes.
« J'ai besoin que tu trouves toutes les informations que le Ministère possède sur Tom Jedusor. » demanda-t-il.
« Et qu'est-ce que j'y gagne ? » plaisanta-t-elle, en croquant dans un bout de pain juste pour se donner contenance.
Il soutint son regard, soudain un peu gardé, aucune trace de jeu sur son visage. « Quel est ton prix ? »
Il n'avait pas saisi la plaisanterie, comprit-elle, parce que son esprit était trop Serpentard ou parce qu'il était trop habitué à un monde où personne ne faisait rien sans rien, même la personne qui était sensée vous soutenir en dépit de tout. Cela lui brisa un petit peu le cœur.
« Un truc coquin. » Elle profita de la surprise qui s'inscrivit sur son visage pour se lever et faire le tour de la table. Elle posa la main sur son épaule et se pencha pour murmurer à son oreille ce qu'elle avait très exactement en tête.
Lorsqu'elle recula et alla s'adosser au plan de travail avec un sourire amusé, il se racla la gorge, les joues légèrement rouges. « Cela me semble une contrepartie acceptable. »
Elle se mordit la joue pour ne pas pouffer de rire.
Il ne l'aurait probablement pas bien pris.
« Marché conclu. » déclara-t-elle. « C'est qui ce Tom Jedusor ? »
Il lui jeta un regard indéchiffrable. « Le Seigneur des Ténèbres. »
Il lui fallut une bonne seconde pour digérer cette information.
« Ok… » lâcha-t-elle. « On va dire deux trucs coquins, alors. »
Parce que, si elle connaissait le Ministère et son penchant à enterrer les informations qui fâchent, ça n'allait pas être une partie de plaisir.
