Hello!
Je saisis l'occasion pour faire un nouveau petit point.
Alors, du coup, je sais que beaucoup d'entre vous sont attachés à ff mais y a eu tellement de bugs la semaine dernière sur le chapitre 43 (qui ne s'affichait pas dans le résumé, les reviews qui ne marchaient pas ou étaient mangées ou déplacées sur le 42 etc) que j'ai finalement sauté le pas et j'ai transféré la trilogie sur AO3. Je continuerai bien sûr à poster ici et à lire vos reviews (j'adore vos théories, soit dit en passant, y en a qui sont tellement brillantes, je vous jure, je suis jalouse mais pas aussi intelligente que vous apparemment haha) mais si certains veulent migrer sur ao3, c'est avec plaisir que je vous y retrouverai. Le grand avantage c'est que, là-bas, je peux répondre aux commentaires donc on peut peut-être plus échanger et que les alertes marchent, il suffit de "suscribe" à l'histoire.
Parlant des alertes, je sais que tout le monde n'est pas au courant mais récemment ff a désactivé les mails de manière automatique, il faut donc les réactiver dans vos settings si vous avez un compte et voulez continuer à les recevoir (je vous renvoie sur leur twitter pour plus d'explications du coup). Enfin, perso, j'ai essayé, je ne reçois toujours ni alerte, ni reviews, ni rien de rien. On m'a dit qu'en changeant son mail, cela réglait les problèmes d'alertes pour certaines personnes (j'avoue que je ne me hasarderai pas à essayer pour ma part, trop peur du bug de trop).
Voilà! Donc au demeurant, rien ne change, mais vous avez maintenant l'option ao3 si vous le souhaitez! Mon pseudo est EllanaSan (sans tiret, là-bas) et le lien est sur mon twitter. Au moins, si le site meurt bientôt, on aura une archive de secours ;)
J'espère que vous aimerez ce chapitre!
Enjoy & Review!
"She called it betrayal. I called it justice. A poisoned cup for a poisoned cup, a death for a death. A queen for a king."
Crown of Feathers – Nicki Pau Pretyo
« Elle qualifia ça de trahison. Je l'appelais justice. Une coupe empoisonnée pour une coupe empoisonnée, une mort pour une mort. Une reine pour un roi. »
Crown of Feathers – Nicki Pau Preyto
Chapitre 44 : A Poisoned Cup
Sirius frappa à la porte béante du bureau de la Directrice de Maison des Gryffondors, se précipitant immédiatement à l'intérieur lorsqu'il la vit lutter pour ôter d'énormes grimoires d'une étagère bien trop haute pour elle.
« Oh, merci, Sirius. » soupira-t-elle, en lui indiquant de les poser sur son bureau.
Il ne s'agissait pas de livres, nota-t-il, mais d'épais registres d'élèves. Davantage de préparations pour les examens, songea-t-il. Il avait résolu son propre problème en s'enjoignant l'aide de Charlie et d'Anthony, mais la sous-directrice devait sans doute s'occuper de la partie administrative.
« Que puis-je pour vous ? » demanda-t-elle.
À la lumière des torches et des bougies qui éclairaient généreusement son bureau, la sorcière paraissait éreintée et Sirius en nourrit un léger sentiment de culpabilité. Il savait que les autres Directeurs de Maison faisaient de leur mieux pour l'épauler mais…
« Je suis juste venu vous dire que je partais pour la soirée. » répondit-il, en se raclant la gorge.
Elle fit immédiatement la grimace. « Le devez-vous absolument ? Severus doit déjà quitter le château pour l'Ordre et Albus vient de me dire qu'il devait s'absenter quelques heures dans la soirée… Pomona et Horace travaillent sur les examens de Botanique… J'espérais que vous et Filius pourriez vous occuper des rondes, ce soir. »
De toute cette mine d'informations, il n'en retint qu'une seule. « Dumbledore doit sortir ? »
« Oui. » se rembrunit-elle. « Non, qu'il ait consenti à me dire pourquoi. Et me voilà obligée d'aller m'installer dans un bureau où rode un mage noir qui a des opinions un peu trop arrêtées sur certaines théorie de Métamorphose. »
Sirius leva les sourcils avec amusement mais, hésita. « Vous ne devriez pas rester seule avec Grindelwald. »
McGonagall pinça les lèvres, le dévisageant par-dessus ses lunettes en demi-lunes. « Je suis parfaitement capable de me défendre. Qui plus est, il est tenu par serment de ne pas chercher à s'échapper. Je n'apprécie simplement pas sa compagnie. »
« On ne peut pas vraiment vous le reprocher. » plaisanta-t-il, ses doigts pianotant nerveusement contre sa cuisse. « Ça m'embête de vous laisser comme ça mais j'ai promis à Bill… Il ne va pas très bien, vous savez. Arthur… »
Il s'en voulut de son mensonge mais savait que jouer sur sa corde sensible était le meilleur moyen d'obtenir ce qu'il voulait. Or ce qu'il voulait, c'était un alibi.
Et, de fait, l'expression sévère de la sorcière se fit plus compatissante. « Bien sûr. » Elle lâcha un soupir. « Eh bien, je suppose que nous nous débrouillerons sans vous. »
« Si je rentre assez tôt, je ferais une patrouille. » lui promit-il, ne serait-ce que pour apaiser sa conscience.
McGonagall le remercia d'un hochement de tête, mais non sans un sourire. « Vous êtes beaucoup trop laxistes avec les élèves, de toute manière. »
Il la laissa avec un clin d'œil.
Il considérait ça comme un compliment.
°O°O°O°O°
« Ah, Severus… »
Le Maître des Potions s'immobilisa au milieu du hall d'entrée, ignorant les quelques élèves qui y trainaient, pour attendre que le Directeur ne le rejoigne. Il le salua d'un hochement de tête poli. « Albus. »
« Vous partez pour le cottage ? » demanda le vieux sorcier.
Severus résista de peu au besoin de lever les yeux au ciel face à ces banalités qu'il estimait toujours nécessaire d'échanger. Une perte de temps, selon lui. Le Directeur savait pertinemment où il allait.
« Comme convenu. » répondit-il.
C'était Albus, lui-même, qui avait organisé l'entrevue entre lui, Lupin et Laura Flemmings dans le cottage où le loup gardait cette dernière sous le sceau du secret. Le loup-garou ne s'y était plié que bon gré, mal gré, d'après les retours qu'il en avait eu, mais savait que Severus avait ouvertement émis des doutes quant au bien fondé de poursuivre les recherches sur la potion et était déterminé à le convaincre que ce serait pour le mieux.
Et il n'était pas le seul.
Albus, lui aussi, l'encourageait à ne pas cesser les recherches.
Et paraissait présentement un peu gêné.
« Je sais que les tensions entre Remus et vous sont justifiées… » remarqua le vieux sorcier. « Toutefois, je sais aussi que vous pourriez être le plus mature des deux, s'il vous prenait l'envie de faire un effort. Je vous demande de faire cet effort, Severus. Nos inimités ou attachements personnels ne doivent pas rentrer en ligne de compte, étant donné le contexte. »
« Vraiment ? » ironisa-t-il. « Est-ce pour cela que Grindelwald est si confortablement installé dans votre chambre d'amis ? »
Albus ne goûta visiblement pas à la plaisanterie.
« Je ne veux pas apprendre qu'une baguette a été sortie, ce soir. » ordonna plus sèchement le Directeur.
« Je n'apprécie guère lorsque vous me parlez comme si j'étais toujours un élève. » siffla-t-il en retour.
« Tâchez de ne pas vous comporter comme tel, dans ce cas. » rétorqua le vieux sorcier, avant de se détourner.
Severus serra les dents jusqu'aux grilles du château, pilonnant le sol meuble de sa canne juste pour le plaisir de frapper quelque chose. Le sujet de Lupin demeurait sensible. Il n'avait plus abordé le sujet avec Harry mais il nourrissait une certaine rancune de la facilité avec laquelle il avait passé l'éponge alors que lui – et Black, d'ailleurs – avaient dû batailler bien plus longtemps pour son pardon. Et c'était sans compter ses sentiments plus qu'ambigus sur le lien qui subsistait entre le Maraudeur et Nymphadora. Qu'elle le veuille ou non, il exerçait toujours sur elle une influence qui le dérangeait.
Il ne transplanna pas dès qu'il eut passé les protections de Poudlard, mais continua en direction du village, attentif à ses alentours. Une embuscade était vite arrivée et, bien que les Mangemorts n'aient aucune raison d'être au courant de sa sortie de l'école, il se méfiait.
Il faisait déjà sombre et Pré-au-Lard, comme la plupart des bourgades magiques, s'était calfeutré pour la nuit.
Personne ne le vit donc se glisser vers la Cabane Hurlante.
Ce qui ne l'empêcha pas de se tourner brusquement, baguette levée, lorsqu'il entendit une brindille craquer sous un talon.
La silhouette se tenait dans l'ombre d'un arbre, à l'écart du chemin. Robes noires, épaisse cape de laine sombre, les deux mains posée sur le pommeau d'une canne, un rictus aux lèvres…
Une entrée des plus dramatiques.
« Je ne m'attends pas à ce que vous ne compreniez grand-chose à la beauté d'un chaudron qui bouillonne, ni à la délicatesse d'un liquide qui s'insinue dans les veines d'un homme pour ensorceler peu à peu son esprit et lui emprisonner les sens…. » murmura le nouveau venu, d'un ton traînant.
Loin de se laisser impressionner par l'imitation, Severus leva les yeux au ciel et avança jusqu'à se tenir devant son parfait sosie.
La ressemblance était impeccable, comme regarder dans un miroir. C'était probablement pour le mieux qu'il se soit habitué à faire face à son double, ces derniers mois, où la situation aurait eu quelque chose de vraiment très dérangeant.
« Tu changes de discours pour les premières années, des fois ? » demanda l'imposteur, perdant momentanément la cadence naturelle de sa voix.
« Pourquoi changer une entrée en matière qui fonctionne parfaitement ? » répondit-il distraitement, en l'étudiant avec attention. Le visage était parfait, l'attitude également… Toutefois… « Il te faut, au minimum, deux centimètres de plus. »
« Tu es trop grand. » râla son double, en corrigeant pourtant la chose.
« Peut-être est-ce toi qui est trop petite. » rétorqua-t-il, en tirant un épais carnet de la poche intérieure de sa cape, ainsi qu'une dictaplume qui avait connu des jours meilleurs. « Tu n'auras qu'à suivre la liste de questions. Gagne autant de temps que tu le pourras. Il me faut deux heures, au minimum. »
Nymphadora inclina la tête pour le dévisager, dans une attitude qui semblait déplacée sur son propre corps. « Tu ne veux toujours pas me dire pourquoi tu as besoin d'un alibi ? »
« Rien qui ne te poussera finalement à me mettre aux fers. Tranquillise-toi. » plaisanta-t-il. « Ta baguette. » Elle la tira de sa manche avec une main trop stable. « N'oublie pas de les laisser voir les tremblements. » lui rappela-t-il, en sortant la sienne. « Chaque détail compte. »
Échanger momentanément leurs baguettes aurait été plus simple mais il jugeait la chose trop risquée. Rien ne garantissait que la baguette de la jeune femme lui obéirait or il aurait besoin de tous les avantages ce soir là. Il préférait donc jeter un sort d'illusion qui donnerait à sa baguette l'air d'un double parfait de la sienne.
« On m'a recommandé de contenir mon mauvais caractère, ce soir. » soupira-t-il, en croisant son propre regard, ce qui était quelque peu perturbant.
« Je ferais de mon mieux. » acquiesça-t-elle. « Tu es sûr qu'il ne se rendra pas compte de la supercherie ? Les loups-garous et leur odorat… »
Severus secoua la tête. « Tu portes mes vêtements, ce qui devrait suffire et il ne s'étonnera pas de te sentir sur moi, dans tous les cas. S'il en fait la remarque, dis lui simplement que nous nous sommes vus aujourd'hui, il en déduira ce qu'il voudra. Et s'il cherche à me provoquer… »
« Je le plaque contre un mur et je susurre des menaces dans son oreille ? » railla-t-elle, en levant les sourcils.
Face à sa propre expression sarcastique, le Maître des Potions pinça les lèvres, choisissant de passer outre le choix du mot susurrer. « Peux-tu te battre aussi bien sous cette forme ? À quel point tes transformations influencent-elles ta mobilité ? »
Elle pouvait l'imiter à la perfection, cela était un fait, mais il imaginait qu'incarner une autre personne, particulièrement quelqu'un dont l'apparence physique était si différente de la sienne, impactait son poids du corps, les appuis dont elle aurait besoin pour se battre…
« Je fais toujours en sorte d'être à l'aise si je dois me battre. » répondit-elle. « Mais je préfèrerai ne pas avoir à frapper Remus, même si je ne peux pas dire que ça ne me ferait pas plaisir. »
« S'il devient trop ingérable, rappelle-lui que le sort de la potion repose sur sa capacité à me convaincre qu'il est saint d'esprit. » railla-t-il, en tirant un papier de la poche de sa cape.
Dessus, l'écriture arrondie de Lupin indiquait l'emplacement du cottage. Il lui avait fallu ruser pour subtiliser le bout de parchemin lorsqu'Albus le lui avait momentanément confié avant de le détruire.
Nymphadora en prit connaissance puis y mit le feu d'une torsion du poignet un peu théâtrale, lui arrachant un sourire.
« As-tu finalement accepté que tu étais capable de te passer de ta baguette pour ce genre de sorts ou est-ce une manière de me faire remarquer que j'ai l'air affreusement pompeux lorsque je fais ce genre de choses ? » demanda-t-il.
« Je laisse ça à ton appréciation. » répondit-elle, taquine. Son amusement ne subsista pas longtemps, toutefois. « Tu seras prudent. »
Ce n'était pas une question.
« Je serais prudent. » lui promit-il. Si elle ne lui avait pas ressemblé comme deux gouttes d'eau et si cela n'avait pas été aussi étrange, il l'aurait sans doute embrassée.
« Et tu m'enverras un patronus si tu as besoin d'aide. » insista-t-elle.
« Cela nuirait quelque peu à mon alibi… » remarqua-t-il. Elle le foudroya du regard – il constata avec plaisir que son regard meurtrier était tout aussi glaçant que le prétendaient les premières années – et il soupira. « Je serais prudent, Nymphadora. Ne t'inquiète pas. »
Elle croisa les bras devant sa poitrine, sans l'effet de manche qu'il y mettait généralement. L'expression sur son visage lui était également étrangère. « Tu sais que… Je te fais entièrement confiance mais tout ça est un peu suspect. »
Il en avait grandement conscience.
« Tes boucliers ne sont pas encore assez solides pour que je te révèle ce secret là. » contra-t-il, avec un regret sincère.
Elle lui jeta un regard de défi. « J'y travaille. »
« Bien. » commenta-t-il. Il effleura sa main malgré le bizarre de la chose. « À tout à l'heure. »
« À tout à l'heure. » répondit-elle, dans un murmure.
Elle transplanna la première.
Il en fit de même une seconde plus tard, non vers le cottage où Lupin et Flemmings l'attendaient, mais vers la côté anglaise.
Il apparut à quelques kilomètres d'un village moldu dont les lumières troublaient l'obscurité, à quelques mètres de deux silhouettes qui l'attendaient plus ou moins patiemment. Derrière lui, la falaise tombait à pic, le bruit du ressac était assourdissant et les embruns lui collèrent immédiatement à la peau, le faisant frissonner.
Le temps qu'il ait fini de contempler le mur naturel dardé de rochers acérés qui plongeait vers la mer, Black et Weasley l'avaient rejoint. La besace du Briseur de Sort battait sa hanche, apparemment bien chargée. Black, en comparaison, avait les mains dans les poches, et ne devait pas avoir beaucoup plus chaud que lui, vu la manière dont il s'engonçait dans son blouson en cuir.
« Tu savais que Dumbledore devait quitter Poudlard, ce soir ? » lança l'Animagus, en guise de salut.
Severus le dévisagea, sourcils froncés. « Pas du tout. Il ne m'a rien dit. »
« Super. » soupira Black. « Donc, on s'est débrouillé pour se fabriquer des alibis juste au cas où il lui viendrait l'envie de nous demander des comptes plus tard, et, avec la chance qu'on a, on va le croiser juste au moment où on repartira avec l'horcruxe ? »
Bill haussa les épaules. « Raison de plus pour faire ça vite et bien. »
« Pas faux. Tu es en retard. » remarqua l'ancien fugitif. « Il y a eu un problème avec Tonks ? »
« Aucun. » démentit-il.
« Et tu es sûr qu'elle ne dira rien ? » insista Black. « Ça m'étonne qu'elle n'ait pas demandé d'explications… »
Severus remarqua que l'ainé des Weasley trouvait un soudain intérêt manifeste à la sangle de l'étui de sa baguette. Une personne de plus qui devait être plus observateur que Black – ou bien avait été mis dans la confidence par son frère.
« Ma confiance en Nymphadora est absolue. » répondit-il. « Elle ne me trahira pas. »
C'était bien la première fois de sa vie qu'il exprimait autant de foi en un autre être humain. Cela aurait suffi à mettre la puce à l'oreille de n'importe qui mais l'Animagus était extrêmement obtus.
Si Harry avait été déterminé à éviter d'avoir cette conversation avec lui par gêne, Black paraissait résolu à en faire de même par stupidité.
Il soupçonnait que tant qu'il ne le forcerait pas à s'asseoir et ne prononcerait pas les mots exacts, son rival refuserait de comprendre ce qui était pourtant évident pour pratiquement tout le monde à ce stade.
Ce n'était ni pourtant ni le lieu, ni le moment pour cette conversation. Il s'approcha du bord de la falaise autant qu'il l'osa et se pencha pour mieux en détailler la base. Aucune bande de sable opportune, malheureusement. Les vagues battaient les rochers.
« Il nous faut descendre. » remarqua-t-il.
« Joie. » grommela Black.
« On peut sans doute transplanner. » proposa Weasley. « Mais je préfèrerai savoir où. Ces rochers ont l'air glissant. »
D'après ses recherches, la caverne devrait être à quelques mètres au-dessous d'eux, invisible de leur point d'observation.
« Quelqu'un doit descendre le premier. » déclara l'Animagus. « Quelqu'un qui peut observer le terrain avant d'atterrir. »
« Nous aurions dû emporter des balais. » râla Severus, se reprochant son manque de prévoyance. La prochaine fois, ils ne commettraient pas la même erreur.
« Une chance que l'un de nous puisse voler, dans ce cas. » insista Black, avec une mauvaise humeur manifeste.
Weasley fronça les sourcils mais il ne lui prêta aucune attention, jetant un regard interloqué à l'autre Gryffondor. « Tu plaisantes, j'espère ? »
Black secoua la tête. « C'est un simple vol plané. Tu t'en sortiras très bien. »
« Ou bien je m'empalerai sur un rocher et, ce, si je ne me noies pas d'abord. » riposta-t-il.
L'Animagus leva les yeux au ciel. « Il te suffit de contrôler ta descente. Tu peux le faire. »
Severus chercha activement une autre solution pendant plusieurs secondes, envisagea même de simplement transplanner à l'aveugle, puis marmonna des paroles très peu aimables avant de fourrer sa canne dans les mains de son rival et d'initier sa transformation en sombral qui, comme à l'accoutumé, fût nettement moins fluide que celle de Black en chien – un point dont sa fierté souffrait énormément.
« Oh. » lâcha Bill. « Cool. »
Son hennissement agacé résonna dans la nuit.
« Il ne trouve pas ça cool. » traduisit Black. « Il a peur de voler. »
Son hennissement suivant se passa de traduction.
Il avança jusqu'à la falaise, tâchant de contrôler ses nerfs. Sous cette forme, il lui était beaucoup plus difficile de vider son esprit, de se replier derrière ses boucliers. Il repensa au vol désespéré qui l'avait miraculeusement ramené à Poudlard, à celui qui lui avait permis de retrouver Harry en soixante-quinze… Et il refusa de penser aux divers handicaps qui lui vrillaient le corps et, n'en déplaise à Black, rendait l'utilisation de ses ailes compliquée.
Avant de s'élancer dans les airs, il eut une dernière pensée pour Harry et pour Nymphadora auxquels il avait tous deux promis d'être prudent. Sauter d'une falaise ne se qualifiait définitivement pas comme de la prudence.
Passées les premières secondes de panique, il laissa l'instinct le guider, utilisant les courants de vent pour freiner sa descente, attentif à ne pas se laisser rabattre contre la paroi de la falaise et ses saillies mortelles… Il repéra un large rocher plus plat que les autres à la surface de l'eau et s'y dirigea, non sans crainte. L'atterrissage n'était pas son point fort et ses sabots dérapèrent sur la pierre émoussée… Il parvint toutefois à se stabiliser et, après quelques instants peu glorieux où il resta figé, cœur battant et jambes tremblantes, il redevint humain et cria aux autres de descendre.
La houle était forte et il était déjà trempé le temps que Bill Weasley apparaisse à côté de lui, suivi de près par Black.
« Tu vois ? » déclara ce dernier avec bonne humeur, avant de lui asséner une claque amicale dans le dos. « Je t'ai dit que ce serait facile. »
« Je ne suis pas certain que facile soit l'adjectif approprié. » râla-t-il, en récupérant sa canne.
« Au moins, on n'est pas venu pour rien. » intervint Bill, l'air concentré. « Il y a définitivement de la magie dans l'air. »
Étant donné que c'était son domaine et qu'il connaissait des sorts bien plus spécialisés qu'eux, Severus fût heureux de le laisser prendre la tête de leur petite expédition. Leur avancée était lente et périlleuse. Ils devaient passer de rocher en rocher, les vagues leur battant les jambes et, quelque fois, le torse, sans glisser, se raccrochant souvent à la première saillie venue ou les uns aux autres.
« Par ici. » s'écria soudain l'ainé des Weasley. « Lumos. »
Ils se regroupèrent tous trois, en équilibre instable, autour de ce qui était sans conteste une faille dans le creux de la falaise.
« Il va falloir nager. » remarqua Black, l'étudiant avec inquiétude sans avoir l'air. « Peut-être que… »
« Ne t'avise même pas de suggérer que vous attende ici. » siffla-t-il. D'un reducto, il miniaturisa sa canne et la rangea dans sa poche, feignant plus d'assurance qu'il n'en possédait en réalité. Le courant semblait fort et entre le froid et les vêtements trempés, sa jambe se raidissait lentement mais sûrement, irradiant de léger pics de douleur.
« Je passe le premier. » offrit Bill. « Vous n'aurez qu'à suivre mon Lumos. »
« Je passe en dernier. » décida l'Animagus, sans lui laisser le choix.
Severus n'était pas dupe de leur manège. Une part de lui s'offusqua d'être traité comme un maillon faible, une autre, plus petite, éprouva un certain plaisir de les voir s'inquiéter avec autant de sincérité. Il n'était toujours pas habitué à ce que des gens se préoccupent de lui au-delà d'un intérêt purement intéressé.
Dans tous les cas, il ne se laissa pas hésiter lorsqu'il pénétra dans l'eau glacée, laissant le sel et la forte odeur d'algue lui emplir les narines.
°O°O°O°O°
Abelforth ne lui avait pas jeté un regard, pas même lorsque Albus s'était, d'autorité, faufilé dans la pièce du fond qu'il utilisait souvent pour des rendez-vous fortuits. Il avait conseillé plus d'un Ministre dans cet endroit, sous couvert de l'anonymat que garantissait la Tête de Sanglier.
Ce n'était pourtant pas le Ministre de la Magie qu'il attendait ce soir là et il était tiraillé quant à la teneur de l'entrevue qui allait suivre.
Sa conscience était en conflit avec sa raison.
Son cœur avec sa tête.
Sa décision était arrêtée ou il ne serait pas là, et pourtant… Pourtant il hésitait encore. Ou prétendait hésiter pour mieux se donner l'impression qu'il était meilleur qu'il ne l'était en réalité.
Gellert aurait dit qu'il était trop sentimental.
Peut-être n'aurait-il pas eu tort.
Peut-être aussi, comme il n'avait pas tardé à le lui rappeler, était-ce la raison pour laquelle il n'avait jamais franchi la ligne rouge entre éminence grise et tyran, contrairement à lui.
La porte ne tarda pas à s'ouvrir pour laisser passer une silhouette encapuchonnée qui, dans l'établissement de son frère, ne choquerait personne.
« Avez-vous été suivi ? » demanda-t-il, bien inutilement.
« Bien sûr que non. » répliqua sèchement le Sang-Pur, en rejetant en arrière le capuchon d'un geste agacé, révélant de long cheveux blonds. « Faisons-vite. Nous rencontrer en personne est trop dangereux. »
Lucius avait perdu du poids, ces derniers mois, et, bien qu'il se soit avéré un exceptionnel menteur, Albus ne put s'empêcher une pointe d'inquiétude. D'une part parce qu'il ne pouvait pas se passer d'un espion, d'une autre parce que… Il ne dirait pas qu'il s'était attaché à Lucius Malfoy, cela aurait été poussé la sensiblerie un peu trop loin, mais il lui était venu à l'esprit dernièrement que, s'il avait suivi un autre chemin, Lucius aurait pu se révéler un homme décent à défaut de bien.
Sans un mot, il lui tendit la minuscule fiole, pas plus grosse qu'un vif d'or. Il n'y avait que quelques gouttes à l'intérieur mais ces quelques gouttes feraient l'affaire.
Entièrement indétectable, à défaut d'être tout à fait indolore, sauf pour le plus aguerri des Médicomages ou Maître des Potions.
Même Horace et Poppy s'y seraient laissés prendre.
Peut-être pas Severus mais Severus avait un don inégalé.
« Vous êtes certain ? » s'enquit Lucius, en empochant la fiole.
Les yeux d'un gris acier quêtèrent les siens, insondables.
Sans doute goûtait-il à l'ironie de la situation. Elle n'était pas perdue pour lui non plus.
Pendant des années, il avait pris Lucius de haut, le jugeant pour ses actes répréhensibles et ses choix plus que discutables, se drapant dans sa bienséance… Et le voilà aujourd'hui en train de commanditer un assassinat.
« Faites au plus vite. » ordonna-t-il, sans se départir de son calme. « Cette baguette ne doit pas voir le jour. »
« Elle est pratiquement terminée. » répondit Lucius. « Je ne suis plus convaincu que le supprimer fera une quelconque différence, vous avez trop tardé. »
« Il nous quand même essayer. » contra-t-il.
Le Sang-Pur le dévisagea longtemps. « Ce sera ma main, Dumbledore, mais c'est votre décision. Êtes-vous certain de pouvoir vivre avec ? »
Albus ne retint pas un bruit amèrement amusé. « Pensez-vous vraiment que ce sera la première mort qui pèsera sur ma conscience, Lucius ? »
Le sourire qui étira les lèvres de l'aristocrate était satisfait, son coup ayant fait mouche. « Il est bon de vous voir ôter ce masque de vieil imbécile amoureux des Moldus, de temps à autre. Vous convainquez peut-être votre monde, mais vous ne m'avez jamais trompé, moi. Vous êtes un hypocrite. »
« Un hypocrite qui fait barrage entre Voldemort et votre famille, me semble-t-il. » rétorqua-t-il. « Un peu de respect ne serait pas superflu. »
Lucius ravala ses sarcasmes et sa morgue, les yeux brillants de haine, puis se détourna sans un mot.
Albus l'observa quitter la pièce, à l'abri sous le large capuchon de sa cape, et se prit à se demander lequel d'eux deux était le pire.
Lucius qui dissimulait peu ou pas assez sa nature et que la communauté magique craignait ? Ou, lui, qui s'abritait derrière de grands et beaux principes et que tout le monde adorait, mais qui frappait dans l'ombre ?
°O°O°O°O°
Sirius avait des flashbacks de son évasion d'Azkaban.
Il avait préféré se fondre dans sa forme canine pour affronter le courant, sachant d'expérience pour avoir déjà fait face à une mer déchainée, que Patmol en était capable. Pourtant, il n'avait pas été préparé à l'étroit tunnel qui s'étirait au-delà de la crevasse dans la paroi de la falaise. À marée haute, l'endroit devait être impraticable.
La marée n'était peut-être pas haute, ce soir là, mais elle n'était pas basse non plus et leurs têtes étaient si près du plafond que, plus d'une fois, il vit Snape être forcé de plonger pour éviter un rocher trop acéré.
Le lumos de Bill dansait loin devant lui, jetant des reflets changeants sur les parois lisses qui semblaient s'être refermées sur eux.
Cela n'en finissait plus.
L'eau était glacée, le courant cherchait à les entraîner vers le fond…
Sirius ne parvenait pas à empêcher son esprit de ressasser de vieux souvenirs. Et lorsqu'il parvint finalement à s'arracher à sa mémoire, ce fût pour se demander s'ils faisaient tout ça pour rien, s'ils allaient tomber droit sur Dumbledore, si…
Penser pouvoir cacher cette expédition au Directeur était ambitieux et cela aurait été typique de sa part de les attendre quelque part, les mains sur les hanches, et de leur faire remarquer qu'ils avaient pris leur temps.
Et quant bien même Dumbledore serait parti faire autre chose que chasser cet horcruxe en particulier… Toute cette histoire de se forger un alibi semblait foireuse. Certes, le vieux sorcier n'avait aucune raison de penser que Bill était dans le coup si jamais il lui venait à l'idée de soupçonner que lui et Severus voulaient voler un horcruxe mais.. Le plan du Maître des Potions était alambiqué. Demander à Tonks de prendre sa place… Remus n'ayant aucune raison de lui faire une fleur, le loup-garou était incontestablement l'alibi parfait, mais le fait qu'il y ait un intermédiaire… Et puis, il avait du mal à croire que sa cousine ait accepté de lui rendre ce service sans poser de questions ou sans contrepartie. Ils étaient peut-être amis mais…
Snape peinait.
Patmol l'entendait à ses expirations douloureuses, à la manière dont ses brasses ralentissaient peu à peu…
« Il y a des marches ! » s'écria soudain Bill.
Le Maître des Potions redoubla d'efforts et finit par s'extirper de l'eau, aidé par l'ainé des Weasley. Sirius monta rapidement les marches promises et s'ébroua, ignorant les regards noirs des deux autres sorciers lorsqu'il les éclaboussa.
Ils étaient déjà trempés de la tête au pied, un peu plus, un peu moins…
Le temps qu'il redevienne humain et se sèche d'un sort, Bill s'était déjà mis à l'œuvre, faisant le tour de la caverne dans laquelle ils avaient débouché.
L'endroit était immense mais ne semblait rien cacher de particulier. Aucune galerie dissimulée, aucun emplacement secret plus ou moins évident qui aurait crié 'horcruxe'…
« On est sûr qu'on est au bon endroit ? » demanda-t-il, après plusieurs minutes.
Bill continuait à inspecter les lieux, l'air concentré. Snape n'avait pas bougé mais avait incliné légèrement la tête, les yeux à demi-clos comme s'il écoutait une mélodie que Sirius ne pouvait pas entendre…
« Oui. » confirma ce dernier, en rouvrant les yeux. « Tu ne sens pas la magie noire ? »
Il secoua la tête. « Je n'ai jamais été très doué pour sentir la magie. »
Tous les sorciers n'étaient pas égaux sur ce plan là. Il avait une affinité pour la Métamorphose et les Sortilèges, mais il ne percevait pas la magie aussi facilement que le Maître des Potions semblait le faire. Il avait grandi dans une maison où la magie était chose commune… En vérité, il lui était peut-être plus facile de percevoir l'absence de magie que des sorts ou enchantements complexes.
« Ici. » déclara Bill, en s'arrêtant devant un pan de roche tout à fait identique à tous les autres. Le briseur de sorts l'effleura de sa baguette et une lumière aveuglante dessina une arcade qui ne tarda pas à se fondre à nouveau dans la pierre. « Il faut un sacrifice pour entrer. »
« Du sang. » suggéra Snape, avec dédain. « C'était le prix à payer pour accéder à la maison des Gaunt. »
L'ancien Mangemort fit un pas pour se rapprocher de l'endroit en question et manqua s'étaler de tout son long. Sirius le rattrapa de justesse.
« Attention, ça glisse. » plaisanta-t-il.
Severus se dégagea avec un regard embarrassé.
Parce qu'ils savaient tous les deux qu'il n'avait pas glissé mais que sa jambe n'avait pas apprécié la plongée dans l'eau glacée.
Le temps qu'ils le rejoignent, Bill avait sorti un couteau de la poche intérieure de sa veste.
« Je vais le faire. » offrit Severus, en tendant la main.
« Vous êtes sûr ? » hésita le Briseur de Sorts, cherchant le regard de Sirius par-dessus l'épaule du Professeur.
Le Maître des Potions le prit mal, interprétant correctement cet instant de doute comme un commentaire sur ses capacités physiques.
Il fallait admettre que Snape était mal en point. Il trainait la jambe, ses mains tremblaient…
Mais Sirius n'était pas assez suicidaire pour le lui faire remarquer.
« Ce ne serait pas mieux si c'était moi ? » intervint-il, avant que Severus ait pu éviscérer leur expert en mauvais sorts. « Après tout, vous avez tous les deux plus d'expérience en magie noire que moi… Autant que je me rende utile. »
Severus arracha le couteau de la main de Bill pour toute réponse.
« Nous savons déjà que mon sang fonctionne puisque cela a marché la dernière fois. » rétorqua l'ancien espion. « De plus, le Seigneur des Ténèbres est un Sang-Mêlé, comme moi. Il n'y aucune raison de tester l'effet qu'aurait celui d'un Sang-Pur sur les protections. »
Sans avertissement, il se trancha la paume. Un peu trop profondément, de l'avis de Sirius, car des gouttes de sang éclaboussèrent la roche avant même qu'il n'y place la main.
L'arcade apparut à nouveau mais ne disparut pas, cette fois-ci. La roche s'ouvrait désormais sur une obscurité totale.
« Curare. » murmura Snape, les yeux rivés sur le passage davantage que sur sa chair qui se refermait lentement. « À partir de maintenant, nous devons faire preuve de la prudence la plus absolue. »
« Ah, parce que jusque là on plaisantait, peut-être ? » bougonna Sirius, en lui emboîtant le pas lorsqu'il se glissa par l'ouverture.
Il frissonna dès qu'il se retrouva de l'autre côté, renforçant immédiatement son lumos sans que cela ne semble faire une grosse différence. Cette caverne-ci était gigantesque, la lumière qui s'échappait de leurs baguettes ne portait pas jusqu'au plafond, ni jusqu'à l'autre extrémité de l'énorme lac souterrain qui s'étendait devant eux. Il n'y avait aucune autre source de lumière si ce n'était une vague lueur verdâtre qui paraissait se situer au milieu du lac.
« Laissez-moi deviner… » lâcha-t-il. « L'horcruxe fait de la lumière verte extrêmement glauque. »
Les autres ne répondirent pas, trop concentrés sur les sorts qu'ils lançaient en rafale…
« Severus ? » s'enquit Bill, après plusieurs minutes, buttant légèrement sur le prénom qui lui était sans doute encore un peu étranger.
« Je suis d'accord. » acquiesça le Professeur.
Sirius se retint à grand peine de ne pas lever les yeux au ciel. « Et pour les sorciers non dotés de détecteur de magie noire ? »
« L'horcruxe est au milieu du lac. » déclara le Maître des Potions. « Ou, si ce n'est l'horcruxe, quelque chose d'extrêmement noir qui semble être le point culminant des enchantements. »
« Il faut traverser le lac ? » demanda-t-il, en grimaçant déjà à la perspective de se retrouver à nouveau glacé jusqu'aux os. La distance n'était pas insurmontable, du moins pas pour Patmol, mais l'eau noire ne lui donnait aucune confiance.
« Indubitablement. » marmonna Snape. « La méthode reste à être déterminée. »
« Et pourquoi pas un sort d'attraction ? » proposa-t-il. Bill et Severus le dévisagèrent tous les deux comme s'il était un idiot fini. « D'accord, d'accord, je sais, c'est stupide. Mais c'est si stupide… Qui dit que Vol… Vous-savez-qui y aurait pensé ? »
Il ne se reprit qu'au tout dernier moment, sous le regard noir de l'ancien Mangemort. Outre la douleur que le nom provoquait toujours dans la Marque, il devait admettre que ce n'était pas le lieu où l'utiliser.
« On ne perd rien à essayer. » décréta Bill.
Puisque ni l'un, ni l'autre ne s'y décidait, Sirius lança le sort. Aucun horcruxe ne vola dans leur direction. En revanche, quelque chose fendit les eaux à quelques mètres d'eux, une forme pâle et massive qui replongea immédiatement dans une gerbe d'éclaboussures…
Il n'avait pas très bien distingué ce dont il s'agissait.
Il espérait qu'il n'avait pas bien distingué ce dont il s'agissait.
Cependant, étant donné le silence qui s'étirait à n'en plus finir et l'immobilité soudaine des deux autres…
Il attendit, le cœur battant, appréhendant le moment où la surface du lac se troublerait à nouveau.
Cependant, la caverne avait retrouvé son calme.
« Bien. » lâcha finalement Snape d'une voix blanche. « Je pense que traverser à la nage est exclu. »
« Dis-moi qu'il s'agissait d'une créature magique sous-marine. » le supplia Sirius.
« Tu as très bien vu de quoi il s'agissait. » répondit froidement le Maître des Potions.
« Non, non, non… » refusa-t-il, en secouant la tête. « Je déteste les Inféris. Je n'ai jamais signé pour affronter des Inféris. »
« Les Inféris craignent le feu. » leur rappela inutilement Bill. « Et ceux-ci ne semblent pas agressifs. »
« Du moins, tant que nous n'aurons pas tenté de nous emparer de l'horcruxe. À ce moment là, ce sera une autre histoire. » commenta Snape. « Il doit y avoir un moyen de traverser. Cherchons. »
Sirius n'était pas emballé par son idée de se séparer pour mieux fouiller les alentours. L'obscurité était si pesante, si oppressante, que les deux autres lumos disparaissaient à peine s'éloignaient-ils de quelques mètres les uns des autres.
« Qu'est-ce qu'on cherche exactement ? » marmonna-t-il, se sentant de plus en plus nerveux et d'une manière qui n'était pas tout à fait naturelle. S'il avait été sous forme canine, sa fourrure se serait hérissée.
« La magie laisse toujours des traces. » répondit Severus, comme si c'était évident.
Cela devait l'être pour Bill car il ne protesta pas.
Sirius ne voyait aucune trace, lui.
Ce qu'il voyait, en revanche, c'était l'eau noire qui clapotait doucement un peu trop près de ses chaussures.
« Là ! » s'exclama soudain le Maître des Potions.
Il se hâta de le rejoindre, imité par le Briseur de Sorts.
« Je ne sens rien. » déclara Bill, les sourcils froncés. « Ou peut-être que si mais c'est très ténu. »
« Il y a quelque chose de dissimulé ici. » insista Severus. « L'empreinte magique est celle du Seigneur des Ténèbres. Reculez. »
Ils obéirent tous les deux à son ordre, le laissant avancer jusqu'à la limite de la rive…
Un centimètre de plus, songea Sirius, et il troublerait l'eau du lac. Or il n'avait aucune envie de voir ce qui arriverait si l'un d'eux effleurait la surface trompeusement calme…
Snape leva un poing tremblant, prit une longue inspiration et murmura une suite de bruits saccadés qui étaient très certainement une formule magique. Dans quelle langue, ça, Sirius aurait été incapable de le dire.
Une lourde chaine en cuivre verdie par le temps et l'exposition à l'eau apparut dans sa main. Son extrémité plongeait dans le lac…
« Oh, c'est très malin… » commenta Bill, à sa gauche, les yeux brillants d'excitation. « Seul un sorcier d'une certaine puissance magique aurait pu le percevoir. »
Et il se mit à étudier l'ancien Mangemort d'un regard neuf, comme s'il n'avait pas entièrement eu conscience que Severus était au-dessus de la norme, magiquement parlant.
Snape tapa la chaîne du bout de sa baguette et elle se mit à s'enrouler sur elle-même jusqu'à ce qu'une barque émerge lentement des flots et ne vienne s'arrimer à la berge.
« C'est une coquille de noix. » lâcha l'Animagus. « On ne tiendrait même pas à deux, là-dedans. »
« Il n'est pas fait pour deux. » répondit Bill, en s'avançant pour mieux inspecter l'embarcation. Il y jeta plusieurs sorts puis osa caresser le bois vermoulu de la main. « Il ne peut transporter qu'un seul sorcier à la fois. »
« Sublime. » soupira-t-il. « On tire à la courte-paille ? »
« N'est-ce pas toi qui voulait te rendre utile ? » railla Snape. « Pourquoi ne pas envoyer celui qui parle en permanence pour ne rien dire ? Cela nous permettra peut-être de travailler correctement. »
Sirius leva les yeux au ciel et s'apprêtait à répliquer lorsque Bill mit d'autorité un pied à l'intérieur de la barque.
« J'y vais le premier. » déclara l'ainé des Weasley. « C'est moi l'expert. »
Le Maître des Potions protesta, sourcils froncés. « Rien ne garantit que la barque voudra bien nous transporter ensuite sans déclencher les mesures de protection… Très visiblement, un seul sorcier à la fois est censé s'approcher de l'horcruxe… »
« Vous avez une autre idée ? » demanda Bill.
Severus marmonna des paroles peu aimables mais finit par reculer d'un pas. « Soyez prudent. Envoyez-nous un patronus lorsque vous aurez trouvé quelque chose. »
L'ainé des Weasley secoua la tête. « Je n'ai pas de patronus corporel. »
L'expression de Snape passa d'inquiète à la limite de l'exaspération alors pour éviter à Bill l'humiliation de devoir s'expliquer – tous les sorciers ne parvenaient pas à produire de patronus, après tout – Sirius se racla la gorge. « Moi non plus. »
Severus n'eut pas l'air enchanté. « Très bien. Tentez de renvoyer la barque lorsque vous serez arrivé et restez sur vos gardes. »
L'embarcation s'enfonça dans l'obscurité du lac dès que Bill eut les deux pieds à l'intérieur. Ils observèrent en silence le lumos s'éloigner peu à peu, pendant quelques secondes, puis Snape soupira.
« Tu étais parfaitement capable de produire un patronus corporel durant notre adolescence. » remarqua-t-il.
« Je ne peux même plus en faire apparaître un de non corporel. » avoua-t-il, sans aucun plaisir. « Le sort ne fonctionne plus pour moi. »
Parce qu'il était terrifié par les Détraqueurs à un niveau viscéral.
« Nous allons devoir travailler là-dessus. » l'avertit Snape. « C'est un trop gros handicap. Tu sais pertinemment que les Détraqueurs sont à Sa botte. »
Il secoua la tête. « Je ne peux pas. J'ai essayé. Aucun souvenir heureux ne fonctionne. » Il serra le poing plus fort autour de sa baguette. « Quant à affronter un Détraqueur… Je n'en suis pas capable. »
Severus le dévisageait ouvertement, les traits tirés dans une expression neutre mais avec un regard qui en disait long sur ses véritables pensées.
« Tu en es parfaitement capable. » rétorqua l'homme. « Tu m'as convaincu que les séquelles de l'endoloris ne signifiaient pas la fin de ma vie, je peux tout aussi bien te rendre la pareille. S'il faut te jeter devant un Détraqueur pour cela… »
Il décida que le brin d'amusement dans la voix de son rival signifiait qu'il plaisantait.
Il espérait qu'il plaisantait.
« Douze ans à Azkaban. » murmura-t-il, un peu trop sérieusement. « Je sais que j'ai l'air équilibré, comme ça, mais, crois-moi, les cicatrices sont là. »
Severus hésita, leva la main, la laissa retomber, puis lui pressa finalement l'épaule avec maladresse.
Gênés, aucun d'eux ne commenta ce geste de réconfort qui aurait paru inimaginable quelques mois auparavant.
« Personne de sensé ne t'accuserait d'être équilibré. » se moqua Snape, après quelques secondes.
Une tentative évidente de revenir sur le terrain plus familier des insultes.
Il aurait sans doute répliqué pour le pur plaisir d'avoir le dernier mot si la distante lumière qui dansait sur le lac n'avait atteinte la lueur verdâtre. « Il y est. »
Ils attendirent pendant de longues minutes, tendus, baguettes levées et prêts à faire déferler un torrent de flammes si les cadavres se décidaient à sortir du lac…
Mais tout ce qui se produisit fût le lent retour de la barque qui vint heurter la rive dans un léger clapotis.
« Au suivant, donc. » marmonna Sirius, en faisant un pas vers l'embarcation.
Severus l'arrêta d'une main posée sur son bras. « Rien ne garantit qu'elle acceptera de transporter un deuxième sorcier. Elle peut très bien te jeter dans le lac ou déclencher l'animation des Inféris… »
« Raison de plus pour que tu passes en dernier. » contra-t-il. « Je suis moins indispensable. »
La mâchoire du Maître des Potions se contracta avec irritation. « Harry serait tout aussi dévasté de te perdre, toi, que moi. »
« Pas autant, non, et on le sait tous les deux. » nuança-t-il, en posant la main sur la barque. « Rends-moi service, si ça se passe mal, assure-toi que mon corps brûle. Je ne veux pas finir là-dedans. »
Il ne pouvait rien imaginer de pire que son cadavre allant rejoindre l'armée de Voldemort. Passer l'éternité à pourrir lentement sous la surface en attendant une nouvelle victime…
« Rends-moi service et ne meurs pas. » grommela Severus.
Il sauta dans la barque qui commença lentement à s'éloigner et fit un clin d'œil au Maître des Potion qui demeurait sur la rive. « Attention, Servilus, je vais commencer à croire que tu m'apprécies. »
« Aucun risque. » répondit le Mangemort, avec une mauvaise foi manifeste, en élevant un peu la voix pour qu'il l'entende.
« Tu t'es habitué à moi ! » riposta-t-il.
« Comme un chien s'habitue à ses puces ! » rétorqua son rival, avant que l'obscurité ne l'engloutisse.
Sirius se força à rire mais n'en menait pas large.
Son lumos n'éclairait pas grand-chose, mis à part la barque, l'eau noire et les cadavres plus ou moins submergés qui l'entouraient. De temps en temps l'embarcation en cognait un et dérivait légèrement…
Il resta tendu, sur le qui-vive, incapable de penser à autre chose qu'à quel point les Inféris le dégoûtaient, attendant l'attaque qui ne manquerait pas de survenir…
°O°O°O°O°
La salle principale de La Tête de Sanglier n'était pas aussi fréquentée que d'ordinaire même si elle comportait son compte d'habitués avec leurs airs louches et leurs échanges sous cape. Albus s'approcha du comptoir derrière lequel Abelforth était occupé à essuyer une chope loin d'être impeccable, complétant le cliché du bar douteux.
Son frère l'ignora royalement jusqu'à ce qu'Albus, trop coutumier de ces petits jeux de pouvoir, ne s'assoit sur un des tabourets. Comprenant sans doute qu'il ne comptait pas abandonner si facilement, Abelforth poussa un soupir qui fit tourner la tête à plus d'un client et vint se planter devant lui.
Son regard était dur, son expression colérique et il était sans doute bon qu'il y ait un solide comptoir de bois entre eux.
« Qu'est-ce que tu veux ? » cracha son frère.
« Je ne dirais pas non à un verre de cet excellent armagnac que tu conserves dans ta réserve personnelle. » répondit-il calmement. « Et un mot en privé ? »
Il émana plus d'espoir de la question qu'il n'avait souhaité le laisser paraître.
Abelforth émit un bruit à la limite entre le ricanement et l'outrage. « Tu as du culot, Albus. »
« Ce ne serait pas la première fois que l'on m'en accuse. » acquiesça-t-il, se tendant légèrement lorsqu'il sentit la chape de silence s'abattre sur ses épaules.
Les rumeurs les plus folles courraient sur Abelforth, du fait qu'il serait un cracmol à l'amour déplacé qu'il vouerait à ses chèvres… La vérité, celle que seule une poignée de gens connaissait, c'était qu'Abelforth était un sorcier très puissant qui préférait les tâches manuelles à la magie. S'il avait pu vivre comme un Moldu, il l'aurait sans doute fait.
Le sortilège de silence qui alourdissait désormais sa langue était parfait, tout autant que la bulle qui les entourait, leur assurant une discrétion absolue.
Albus aurait pu briser le silencio mais il n'en fit rien, se contenter d'observer son petit frère et d'attendre les récriminations qui ne tardèrent pas à tomber.
« Que tu viennes ici me proposer de torturer l'esprit d'Arianna en l'obligeant à apparaître avec ta maudite Relique, c'était déjà beaucoup. » cracha Abelforth. « Mais que tu oses remettre les pieds ici pour régler tes petites affaires après avoir installé cette pourriture au château ? » Le regard de son frère se fit plus haineux et Albus, ainsi que les autres clients du bar, auraient eu du mal à ignorer la manière dont les bouteilles s'entrechoquaient derrière le comptoir. « Comment as-tu pu ? »
« C'était nécessaire. » répondit-il, sans perdre son calme.
« Nécessaire ? » répéta Abelforth, moqueur. « Pour le plus grand bien ou pour le tien ? »
L'accusation le heurta en plein cœur et il détourna la tête, sachant qu'il méritait les reproches mais incapable de le regarder en face.
« Je suis vieux, Abel. » murmura-t-il doucement. « Je n'ai plus tant d'années devant moi… »
« Et cela excuse ta trahison ? » l'interrompit son frère, avec dégoût. « N'essaye pas de prétendre que tu l'as ramené pour protéger l'école, Albus. Je devine dans quel lit il couche. »
Albus tressaillit, comme s'il l'avait frappé. Il aurait peut-être préféré la violence physique à cette attaque verbale, au demeurant justifiée. Il avait su qu'Abelforth ne lui pardonnerait pas la libération de Gellert. Évidemment, qu'il l'avait su…
« Tu l'as toujours aimé plus que nous. » ricana son frère. « Il n'y a jamais eu que lui, hein ? Qu'importe qu'il t'ait poussé à tuer ta sœur. Qu'importe les atrocités qu'il commettait. Qu'importe ce que moi j'en pense. Qu'importe que ce soit la pire des ordures. Tu n'as jamais cessé de l'aimer et tu n'arrêteras jamais. »
Albus se força à croiser à nouveau le regard de son frère, se força à baisser ses boucliers mentaux, espéra qu'il lirait la sincérité dans ses yeux…
« L'amour ne se contrôle pas. » déclara-t-il, d'une voix qui tremblait un peu. « Je ne te demande pas d'approuver mais… »
« Encore heureux. » railla Abelforth.
« Ne peux-tu pas me pardonner ? M'aimer ? » continua-t-il, sans cacher son désespoir. « Tu es mon frère et… »
« Et tu persistes à aimer un monstre. » le coupa à nouveau son frère. « Comment veux-tu que je te pardonne ? Comment veux-tu que je t'aime ? C'est toi qui aurait dû mourir, pas Arianna. Tu l'as tuée, Albus. À cause de lui. Et maintenant tu le ramènes ici pour me narguer avec votre petit bonheur tardif ridicule ? »
« Il ne s'est rien passé. » contra-t-il. « Et il ne se passera rien. Je sais que tu… »
« Oh, ne m'utilise pas comme excuse. » cingla Abelforth. « Tu l'as choisi. Encore et encore, tu l'as choisi. Assume tes choix, grand frère, mais ne me demande d'avoir quoi que ce soit à y voir. »
La bulle de silence éclata et Abelforth se détourna.
La discussion était close.
Humilié, blessé, Albus se leva et quitta la taverne d'un pas lourd.
°O°O°O°O°
Severus attendait, tendu à l'extrême, guettant la lumière du lumos de Black qui dansait à la surface du lac. Lorsque ce dernier atteignit la lumière verdâtre et rejoignit le second lumos, il s'autorisa à respirer, devinant qu'il était peu probable qu'ils déclenche accidentellement les défenses autour de l'horcruxe en utilisant une nouvelle fois la barque.
Lorsqu'elle revint vers la rive, il n'hésita pas avant de monter à l'intérieur.
Le trajet dura d'interminables minutes.
Perdu dans l'obscurité oppressante, entouré des corps qui affleuraient à la surface, il aurait été facile de paniquer. Il garda le regard rivé sur la lumière verdâtre et les lumos qui s'agitaient, dressant mentalement la liste des tous les sorts qui fonctionnaient contre les Inféris et se demandant si, le cas échéant, il aurait la puissance nécessaire pour contrôler un feudaymon.
La barque accosta finalement sur un îlot de roches guère plus grand que le bureau du Directeur de Maison de Serpentard. Un piédestal se dressait en son centre, soutenant un bassin de la taille d'une pensine. Weasley et Black l'observaient tous les deux avec d'identiques expressions frustrées sur le visage.
« Si l'horcruxe est là-dedans, je ne sais pas comment l'en sortir. » avoua Bill, en se tournant vers lui. « Je n'arrive pas à briser la protection. »
Il démontra le problème en tentant de toucher le bassin. Sa main semblait rencontrer une barrière invisible à quelques centimètres de la surface.
Severus approcha pour mieux examiner la chose et se figea lorsqu'il vit le liquide verdâtre irradiant d'une lumière menaçante dans le bassin.
« Je ne peux pas faire disparaître ce liquide, quoi que ce soit. » exposa le Briseur de Sorts. « Clairement, il y a un enchantement en place, il y a une clef pour s'en débarrasser mais laquelle… Pas du sang, à nouveau, ce serait trop grossier. »
« Il s'agit d'une potion. » murmura Severus, glacé d'effroi. « Un poison mortel, plus précisément. Unique en son genre. Il n'a jamais été répliqué. »
« Tu peux dire ça comme ça ? » demanda Black, incrédule. « Avec un simple coup d'œil ? »
« Je peux le dire car c'est moi qui l'ait créé. » répondit-il, d'une voix blanche. « Et la seule manière de s'en débarrasser et de le boire. » Les deux Gryffondors échangèrent un long, long regard mais ne dirent rien alors Severus déglutit, s'efforçant de se ressaisir. « Je terminais à peine mon apprentissage lorsque le Seigneur des Ténèbres m'a demandé de créer un poison particulier. Le défi était de taille et j'étais flatté. J'ai été… très créatif. » Il se frotta les lèvres. « Je suppose qu'il s'agit là d'une punition karmique. »
« Pourquoi le boire ? » intervint l'Animagus. « On ne peut pas… »
« Non, nous ne le pouvons pas. » coupa-t-il. « Je te l'ai dit, j'ai été très créatif. »
Bill se racla la gorge. « Vous dites que c'est mortel… Il n'y a pas d'antidote ? »
« Bien sûr qu'il y a un antidote. » rétorqua Black. « Il n'aurait jamais créé un poison de ce genre sans s'assurer qu'il pouvait s'en protéger. J'ai tort ? »
Il pinça les lèvres, appréciant peu que l'ancien fugitif le connaisse aussi bien.
« Non. » confirma-t-il. « J'ai effectivement un antidote en tête. Toutefois, je n'en ai pas de prêt et je ne l'ai jamais testé. »
« D'accord… » soupira Black, en se passant la main dans les cheveux, la laissant quelques secondes à l'arrière de sa tête pendant qu'il réfléchissait. « Alors, c'est quoi le plan ? On retourne à Poudlard chercher l'antidote et on revient une autre fois ou… »
Sa question demeura en suspension.
« Ce serait le plus sage. » commenta Severus.
« Sauf qu'on ne peut pas garantir qu'on n'a pas déclenché d'alarmes ou que Dumbledore ne nous coupera pas l'herbe sous le pied. » remarqua Bill, en grimaçant. « Ce poison… Il est rapide ? »
« Non. » Il secoua la tête. « Il causera une douleur innommable, des hallucinations et une soif irrépressible… »
« Ah, d'où le lac plein d'Inféris… » en déduisit Weasley. « La victime se traine jusqu'à l'eau et déclenche les protections… Puis elle vient grossier les rangs des cadavres. »
Severus acquiesça. « Si elle survit, elle ne tardera pas à être prise de faiblesse. La mort suivra au bout de plusieurs heures. »
« Plusieurs heures, ça nous laisse le temps de retourner à Poudlard et de préparer l'antidote. » commenta Black, en prenant une profonde inspiration. « Je vote pour qu'on le fasse maintenant. »
Il fit apparaître une coupe avec un peu trop d'effets de manche, sa bonne humeur entièrement disproportionnée.
Severus attrapa son bras avant qu'il ait pu tenter de plonger la coupe dans le bassin.
Il n'y aurait pas débat sur qui devait boire la potion. Severus était le seul capable de préparer un antidote et Bill sortait déjà un coffret bardé de runes de sa besace pour contenir l'horcruxe… Black était le seul d'eux trois qui pouvait se permettre d'être hors service pendant plusieurs heures.
« Si tu n'avales pas d'eau immédiatement après avoir fini la potion, le poison rongera ton estomac si rapidement qu'un antidote ne servira à rien parce que les dégâts seront trop importants. » lâcha-t-il.
L'Animagus soutint son regard quelques secondes, cachant mal sa frayeur malgré son air bravache. « Quand tu fais les choses, tu ne les fais jamais à moitié. »
Il refusa de se laisser distraire par la semi-plaisanterie.
« Mes mains, Black. » insista-t-il. « Rien ne garantit que je puisse… »
« Tu te débrouilleras. » contra-t-il, en se dégageant. « Et on perd du temps. Bill, tu es prêt ? »
Weasley hocha la tête.
Black plongea la coupe dans la potion avec une légère hésitation mais la barrière invisible ne le stoppa pas.
« Il est très probable que je sois forcé de t'obliger à boire. » l'avertit Severus.
« Me forcer à boire du poison ? C'est ton rêve devenu réalité. » s'esclaffa l'Animagus – ou prétendit s'esclaffer, plutôt.
Le ventre noué, ayant vaguement la nausée parce qu'il savait très bien les douleurs que la potion était censée provoquer, il se força pourtant à étirer les lèvres en un rictus familier. « Exactement. »
Black leva haut la coupe, en un toast un peu tremblant. « Santé, les amis. »
Il l'avala d'un trait puis se resservit sans un mot.
Bill et lui l'observèrent en boire une deuxième coupe, puis une troisième…
À la quatrième, sa main tremblait tellement que le liquide menaçait de se renverser. Severus lui prit le verre des mains tandis que Weasley l'aidait à s'asseoir. Il porta la coupe à ses lèvres, attendant que l'Animagus contrôle son mouvement de recul instinctif pour finalement en avaler le contenu.
Les yeux gris brillaient de haine. « Je te déteste. »
« Crois-moi, à cet instant précis, tu n'es pas le seul. » marmonna-t-il, en remplissant à nouveau la coupe.
Black commença à se débattre dès qu'il l'approcha à nouveau de sa bouche. « Non… Non… Je ne veux pas… Je… »
Severus ne se laissa pas attendrir, sachant qu'à présent qu'ils avaient commencé il aurait été idiot de s'arrêter. Black n'en demeurerait pas moins empoisonné et ils auraient échoué.
À la sixième coupe, Bill dût le ceinturer pour l'empêcher de rouler au sol. Black gémissait, suppliait… Le Maître des Potions lui agrippa le menton et vida la coupe dans sa bouche, s'interdisant de s'inquiéter de le voir tousser, de l'entendre s'étouffer…
« Non ! » s'écria Black, en luttant plus ardemment contre Weasley qui peinait à le contenir malgré sa carrure supérieure. « Non... Pas ça ! Pas ça ! Pas le Baiser ! Tuez-moi ! Tuez… »
« Ce n'est pas réel. » murmura Bill. « Sirius, ce n'est pas réel. Il n'y a pas de Détraqueurs. »
Il n'y avait pas de Détraqueurs mais…
« Spero Patronum. » lança Severus.
Le faon était translucide, bien moins solide qu'il n'aurait dû l'être, mais il eut l'effet escompté sur Black qui se calma légèrement, apparemment fasciné par le patronus.
« Les Détraqueurs ne peuvent pas t'atteindre. » lui promit-il, en collant la coupe contre ses lèvres. « Bois. »
Les yeux rivés sur le faon, l'Animagus lui obéit docilement.
Cela ne dura pas.
Le sorcier refusa de boire la huitième coupe mais il s'était affaissé contre Weasley, trop faible pour continuer à lutter.
« Tue-moi… » supplia Black, en croisant son regard. « Tue-moi… C'est moi qui aurait dû mourir… C'est moi… »
Severus n'avait pas besoin de Légilimencie pour savoir de quoi il parlait.
« Potter n'aurait pas voulu que tu meures pour lui. » lui rappela-t-il, en lui agrippant à nouveau le visage pour mieux le forcer à boire. « C'est presque terminé. »
Il apercevait presque l'ombre de l'horcruxe sous le liquide.
Ce n'était pas la coupe, ce qu'il avait déjà deviné à la taille du bassin, ce qui signifiait qu'il s'agissait soit du médaillon de Serpentard, soit d'un objet ayant appartenu à Serdaigle ou Gryffondor…
Black pleurait désormais à gros sanglots mais n'essaya pas de se débattre lorsqu'il lui fit boire la neuvième coupe.
« De l'eau… » plaida-t-il. « De l'eau… »
« Laissez-le et tenez-vous prêt à attraper l'horcruxe. » ordonna-t-il à Weasley, lorsqu'il sentit qu'il raclait le fond du bassin.
L'Animagus ne protesta pas lorsque Bill l'allongea au sol ou lorsque Severus lui souleva la tête, à peine s'agrippa-t-il à son avant-bras. « De l'eau… »
« Oui, de l'eau. » mentit Severus. « Bois. »
Black avala goulument le liquide avant de hurler comme un damné, se recroquevillant sur lui-même en se tenant le ventre.
Le Maître des Potions occluda toute émotion. Ses sentiments personnels ne feraient que saboter la mission.
« C'est la dernière. » promit Bill. « Ensuite, je pourrais l'attraper. »
« Assurez-vous qu'il n'y ait pas d'autres protections avant de le toucher. » insista Severus, tout aussi perturbé que lui par les cris et les gémissements de l'Animagus.
« Je ne compte pas le toucher à mains nues. » rétorqua Weasley, d'un ton sec.
L'ancien Mangemort préféra en finir plutôt que de répondre.
Le patronus s'était depuis longtemps évanoui et il se surprit à en regretter la présence réconfortante.
« De l'eau. » murmura-t-il à nouveau, sachant que le mensonge serait encore le plus efficace.
Black réagit à peine, se contentant de sangloter alors que Severus le contraignait à boire. Lorsque la dernière goutte de potion eut disparu, Weasley plongea une main gantée dans le peu qui restait de potion et en retira un médaillon sur lequel il jeta immédiatement une douzaine de sorts visant à contenir la magie noire avant de le caler dans le coffret bardé de runes.
Pendant qu'il rangeait le tout dans sa besace, Severus fit apparaitre de l'eau dans la coupe mais le liquide disparut avant d'atteindre les lèvres de Black. Avec un juron, il recommença uniquement pour voir l'eau s'évaporer à nouveau.
Il tenta de lui faire couler directement dans la bouche mais l'eau s'évanouissait avant de toucher ses lèvres.
Oh, le piège était parfait…
« Il lui faut de l'eau. » déclara-t-il, se tournant vers le lac sans pour autant se diriger vers les profondeurs sombres.
« Si on touche la surface… » contra Bill.
« Je sais mais c'est cela ou on le condamne. » insista-t-il.
Or il s'avérait qu'il n'était pas prêt à perdre Sirius Black.
L'ironie de la vie était parfois mordante.
Sans plus tergiverser, il se leva et s'approcha de l'eau, se questionnant sur le bien fondé de lui faire boire un liquide où barbotaient des cadavres, tout en sachant qu'il n'avait pas le choix.
« Couvrez-moi. » exigea-t-il.
« Attendez ! » s'écria Weasley, perdant un peu son sang-froid. « Comment on va sortir d'ici ? Une fois que les Inféris attaqueront… »
« Nous nous battrons. » rétorqua-t-il.
Quel autre choix avaient-ils ?
Trop inquiet pour Black, il plongea la coupe dans l'eau du lac et se précipita au chevet de l'Animagus. Le temps qu'il revienne, les gémissements avaient cessé.
Le sorcier avait les yeux clos et ne respirait plus.
Il entendit à peine Bill lancer incendio sur incendio, trop occupé à secouer le Maraudeur…
« Black ! » gronda-t-il, en frappant une fois sur son torse. « Enervate ! Black ! »
Aucune réponse ou réaction.
Il vit un éclat de chair pâle du coin de l'œil, repoussa l'Inféri d'un sort hâtif avant de lancer à nouveau un enervate sur le corps inanimé devant lui.
« Sirius ! » beugla-t-il, perdant contenance.
Ils étaient assiégés de toute part.
Black ne respirait plus.
Et Severus soupçonnait que, bientôt, le Seigneur des Ténèbres aurait trois Inféris de plus pour protéger son horcruxe…
