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« But if a hero isn't ready to lose everything for a greater cause, is that person really a hero? »
The Tower Of Nero – Rick Riordan
« Mais si un héros n'est pas prêt à tout perdre pour une grande cause, est-ce que cette personne est vraiment un héros? »
The Tower Of Nero – Rick Riordan
Chapitre 45 : A Greater Cause
C'était un jeu d'équilibriste.
Nymphadora avait perfectionné l'art de caricaturer nombres de leurs Professeurs pour amuser la galerie durant sa cinquième année. Pourtant, il y avait une différence majeure entre imiter quelqu'un pour faire rire et l'incarner avec suffisamment de justesse pour se faire passer pour lui.
Au demeurant, son avantage était qu'elle connaissait tous les tics de Severus, même les plus intimes. Elle était loin de l'égaler en Occlumencie, pourtant, son propre niveau était suffisant pour garder ses traits tirés en une expression neutre qu'elle s'assurait parfois de laisser glisser pour mieux que ses interlocuteurs aperçoivent son agacement et son impatience. La dictaplume lui évitait de trahir son écriture mais elle s'était assurée de les laisser voir le tremblement de ses mains avant de les cacher subrepticement comme si elle en avait honte. Sa voix lui demandait le plus de concentration : garder la bonne cadence, la bonne intonation…
Severus lui avait demandé au moins deux heures et elle arrivait au bout de ce temps imparti et de sa liste de questions.
À leur décharge, Remus et Laura y avaient répondu avec candeur et à peine une trace d'hostilité rentrée de la part de l'Alpha.
Remus avait été aussi poli que distant dès le moment où « Severus Snape » était apparu à la limite du cottage bien qu'il soit évident qu'il n'appréciait pas son intrusion sur son territoire.
Jusque là, pourtant, il n'y avait pas eu d'esclandre ou de dispute.
Nymphadora posait les questions sur sa liste les unes après les autres, les loups y répondaient, et la plume transcrivait leurs réponses. Elle évitait de les regarder autant que possible.
Elle n'aimait pas Laura, ce qui était probablement injuste et venait sans conteste de l'avoir vue échanger un baiser avec Remus alors que la rupture était encore fraîche, le jour où ils avaient récupéré l'échantillon de la potion – le jour où elle avait attiré Severus dans son lit, en partie par vengeance, en partie par désir. Elle n'aimait pas la manière dont Remus la rassurait d'un geste tendre, auquel il ne paraissait même pas prêter attention, dès qu'elle trahissait le moindre signe de nervosité.
Ce n'était pas de la jalousie.
Elle n'était pas jalouse.
À vrai dire, il lui était venu à l'idée que si Remus choisissait de se mettre avec elle, cela lui simplifierait certainement la vie.
Ce n'était pas de la jalousie, c'était juste que la manière dont il se comportait avec sa louve était cent fois plus respectueuse, cent fois plus affectueuse que la manière dont il se comportait avec elle qui était censée avoir compté pour lui. Et cela l'agaçait de ne pas avoir droit à ce genre de respect ou d'égards, de devoir faire face à sa condescendance.
Au final, décida-t-elle, en observant la plume consigner par écrit ce que Remus disait, c'était une femme comme ça qu'il lui faudrait : timide, gentille et qui avait besoin de sa protection.
Comment, alors, avait-il pu développer des sentiments pour elle ?
Avait-elle était comme ça au début ?
Timide, certainement pas. Elle l'avait poursuivi de ses assiduités avec détermination. Gentille, sans doute. Avait-elle quêté sa protection ?
Peut-être, admit-elle silencieusement.
Et cela avait été son erreur.
Elle savait pouvoir se reposer sur Severus lorsqu'elle doutait ou souffrait sans que cela n'influence son opinion sur elle. Elle savait que ce n'était pas parce qu'elle avait exprimé des doutes ou parce qu'elle était rentrée blessée qu'il allait tenter de la garder prisonnière de Poudlard pour mieux la protéger ou l'étouffer d'attentions comme si elle avait besoin d'être enveloppée de papier bulle.
Or Remus…
Remus semblait avoir pris son besoin d'affection, de soutien, pour une carte blanche visant à lui donner tout pouvoir sur elle.
Et elle était encore en train de les comparer, se reprit-elle, en se raclant la gorge.
Ce n'était pas juste pour Severus, même si ses conclusions penchaient toujours en sa faveur. Jamais il n'avait seulement sous-entendu qu'il étudiait leur relation avec Lily à l'esprit. Ils étaient tous deux adultes, avec leur passé respectif et on ne pouvait pas gommer leurs anciens amours mais elle avait conscience que le sien était un peu trop présent entre eux.
En grande partie parce que Remus prenait trop de place dans leur présent.
« Tu as tout ce qu'il te faut ? » demanda ce dernier, lorsqu'elle referma le carnet d'un geste du poignet.
La magie sans baguette ne lui venait pas naturellement mais Severus avait sans cesse recours à ce genre d'effets de manche, surtout depuis que ses mains n'était plus aussi coopératives qu'il l'aurait voulu. Elle n'était pas certaine si sa magie compensait instinctivement sa faiblesse physique ou s'il s'agissait davantage de prouver au monde qu'il était tout aussi dangereux qu'avant.
« Oui. » répondit-elle sèchement.
« Et ? » pressa Remus, couvrant la main de Laura sur la table. « Ta décision ? »
« Je dois y réfléchir. Consulter Horace. » lâcha-t-elle, laconique. Elle empocha le carnet et la plume, attrapa la canne qu'elle avait posée contre la table et feignit une légère difficulté à se lever.
Visiblement, ce n'était pas la réponse que le loup-garou voulait entendre. « Je te raccompagne. »
« Inutile. » répliqua-t-elle. « Je ne risque guère de me perdre. »
« Je te raccompagne. » insista-t-il.
Elle prit soin de contracter sa mâchoire pour laisser percer son agacement non-feint, et martela le sol du bout de sa canne comme Severus en avait pris l'habitude lorsqu'il était mécontent. Elle prit également soin de trahir un léger boitement, faisant semblant d'ignorer les regards qui s'attardèrent sur sa jambe.
L'air frais nocturne, après l'étroitesse du cottage surchauffé dans lequel le loup-garou gardait Laura, lui fit du bien.
« Dumbledore m'a fait la leçon. » lâcha Remus, à peine avait-il fermé la porte derrière lui. « Il m'a demandé d'être mature, de ne pas te provoquer indument… »
« Et tu y parvenais si bien jusque là… » railla-t-elle, pressant légèrement le pas.
Le sentier qui menait à la lisière de la forêt, où se terminait le sort de Fidelitas, n'était pas bien long.
« Je la sens sur toi. L'odeur est si forte, comme si tu l'avais dans la peau… » murmura le loup-garou, presque trop bas pour être entendu. Nymphadora choisit de ne pas répondre et continua à marcher, la tête haute. « Est-ce que tu l'aimes ? »
Comment aurait réagi Severus face à cette question épineuse qu'ils n'avaient toujours pas abordée ensemble ?
Malgré tout ce qu'en disait Anthony, malgré ses propres sentiments naissants ou ceux que le Maître des Potions avaient exprimés avec hésitation et pudeur, elle savait que c'était trop tôt pour en parler, qu'il y avait trop de choses en jeu, trop de choses en suspens, pour s'y pencher pour l'instant.
« Ce ne sont pas tes affaires. » cingla-t-elle. Une formulation qui lui était davantage propre qu'à Severus et elle se morigéna, s'exhortant à rester dans le personnage.
Remus, miraculeusement, ne parut rien remarquer d'étrange. « C'est ma compagne. Ce sont mes affaires. »
Ils arrivaient au bout du sentier lorsque le loup-garou attrapa son bras. Elle se dégagea d'un coup sec et tira sa baguette dans le même temps. L'illusion n'était pas parfaite mais Remus ne baissa pas les yeux sur le bois, préférant lever les deux mains en guise d'apaisement.
Le loup rôdait dans ses yeux mais il paraissait plus maître de lui-même qu'il ne l'avait été récemment.
« Elle mérite d'être aimée. » lâcha-t-il. « Je lui ai dit… Je lui ai dit que je ne me mettrais plus entre vous. Je sais qu'elle tient à toi. Beaucoup. Trop. » Sa voix glissa lentement vers un grondement. « Mais je suis décidé à respecter ses choix. Cela étant dit, si elle sous-entend seulement jamais que j'ai une chance… »
« Tu n'as plus aucune chance. » l'interrompit-elle, irritée.
« Nous la laisserons être juge de ça. » rétorqua le loup-garou, son regard peu aimable. « Mais si tu t'amuses simplement avec elle… »
« Je n'ai pas à me justifier, Remus. » le coupa-t-elle froidement.
Ils restèrent tous les deux figés alors qu'ils mesuraient son erreur.
Severus ne l'appelait jamais par son prénom. Ou très rarement. Et certainement pas récemment.
Elle se força à retrousser les lèvres dans un rictus méprisant, à reprendre le bon ton, le bon rythme. « Je ne m'attends à ce qu'un loup le comprenne mais ce qu'il y a entre Nymphadora et moi ne regarde que nous. »
Remus la dévisagea longtemps et elle se replia derrière l'Occlumencie, le fusillant du regard, tâchant de ne pas se trahir davantage…
Finalement, le loup-garou détourna les yeux. « Tant que tu la rends heureuse, tant que tu la traites bien, nous n'aurons plus de problèmes. »
Elle dût prendre sur elle pour ne pas lui rappeler qu'elle était adulte, majeure et vaccinée et n'avait pas besoin de sa permission pour quoi que ce soit.
« Tu m'en vois ravie. Puis-je partir, à présent ? » siffla-t-elle, non sans ironie, en esquissant un pas vers la forêt.
« Une dernière chose. » grinça le loup-garou, avec un déplaisir évident. « Je te dois des excuses. »
Oh, Severus allait regretter d'avoir raté ça.
« Garde les. » décréta-t-elle, parce qu'elle était quasiment certaine que cela aurait été sa réponse. Elle fit quelques pas de plus vers la forêt, jusqu'à sentir la limite des protections devant elle…
« Lily ne parlait jamais de toi. » lança-t-il dans son dos, juste avant qu'elle ne les franchisse. Elle s'arrêta. « J'ai menti, l'autre jour. Lorsque ton nom était prononcé devant elle, elle avait toujours l'air triste, pas dégoûté. Je voulais simplement te blesser. » Nymphadora resta silencieuse et ne se retourna pas. « Je ne pense pas non plus que tu sois pourri jusqu'à la moelle. Tu n'es pas… On ne peut pas dire que tu sois quelqu'un de bien mais tu as fait de ton mieux pour rattraper tes erreurs, tu as payé pour tes crimes, et ce n'était pas juste de ma part de… » Remus se tut, attendant une réaction qui ne vint pas. Il se racla la gorge. « Cette potion, elle pourrait changer la vie de tous les loups-garous. Tu as vu Laura… Elle n'a pas été affectée négativement. Et moi, non plus. Si je suis honnête… Je devenais déjà plus loup bien avant que tu me la fasses boire. Tout ce que la potion a fait, c'est me stabiliser, m'empêcher de devenir fou. »
Elle ne savait pas quoi répondre alors elle se remit à marcher.
Il ne tenta plus de la retenir.
Elle transplanna dès qu'elle eut franchi les protections, sans un regard en arrière.
°O°O°O°O°
« Enervate ! » beugla Severus, entre deux autres sorts qui firent apparaître des langues de feu qu'il lança directement sur les cadavres qui se trainaient hors du lac et sur la terre ferme. Leur chance était que les Inféris soient lents. Lents mais déterminés. « Enervate ! »
Finalement, alors qu'il s'apprêtait à véritablement céder à la panique, le corps de Black s'arcbouta et il inspira une bouffée d'air dans un râle, ses paupières s'ouvrant sur un regard fiévreux.
Severus ne perdit pas de temps avant de lui faire avaler la coupe d'eau qui leur avait coûté si cher. L'Animagus bût goulument, sans sembler respirer…
« Ignis ! » hurla Bill, non loin, et soudain, l'îlot fût entouré d'un mur de flammes qui brûlaient haut et suffisamment fort pour que de grosses gouttes de transpiration roulent sur les joues du Maître des Potions. La chaleur était suffocante, l'air presque irrespirable.
Il repoussa les quelques Inféris qui avaient réussi à avancer avant que le piège de feu ne se referme puis, le danger momentanément écarté, s'autorisa à souffler, baissant à nouveau les yeux vers Black qui paraissait lucide, à défaut d'être en forme.
Un sort de diagnostic le fit grincer intérieurement.
Le bézoard qu'il gardait dans sa poche intérieure ne le sauverait pas mais atténuerait les effets ou, du moins, l'espérait-il. Tout temps gagné était bon à prendre. L'Animagus ne protesta pas lorsqu'il le lui enfonça dans la bouche, se contentant de le mâcher mollement avec une grimace.
« Nous devons sortir d'ici au plus vite. » déclara-t-il, davantage pour Weasley que pour son rival.
« Je suis tout à fait pour. » rétorqua le Briseur de Sorts, non sans ironie. « Des idées ? »
Les Inféris s'amassaient en périphérie du cercle de flammes, attendant que le sorcier fléchisse. Bill tenait bon mais maintenir le sort demandait concentration et puissance…
La barque était exclue, décida Severus. Il y avait fort à parier qu'elle ne leur obéirait plus et ils ne tiendraient, de toute manière, pas tous à l'intérieur. Il était également hors de question de tenter des allers-retours en solo.
Ils auraient vraiment dû emporter des balais, songea-t-il, en grimaçant.
« Une seule. » lâcha-t-il.
Et il n'était pas certain qu'elle soit bonne.
« Peux-tu te lever ? » demanda-t-il à Black qui paraissait peiner à rester conscient. Un hochement de tête las fût tout ce qu'il obtint. Il le remit sur ses pieds d'autorité, le soutenant maladroitement jusqu'à Bill qui l'attrapa automatiquement mais pas sans cracher un juron.
« Merde, Professeur. Je ne peux pas maintenir le sort et… » Il s'interrompit lorsqu'il vit qu'il était en train de se transformer et ne parut pas plus enchanté que ça par son idée. « Vous êtes sûr que vous pouvez nous porter tous les deux ? »
Non, Severus n'en était pas certain. Nox avait bien transporté Dumbledore mais c'était dans l'urgence et Dumbledore était plus léger que deux sorciers à la carrure relativement musclée. Et c'était également avant que son état physique soit réduit à ce qu'il était désormais.
Avait-il une meilleure idée, cependant ? Non.
Ce qui ne l'empêcha pas de manquer renoncer une fois que Bill eut jeté Black en travers de son dos comme s'il était un vulgaire cheval de trais. Et avec le poids cumulé de Weasley…
« Je ne peux plus maintenir le sort beaucoup plus longtemps… » l'avertit le Briseur de sorts, à bout de souffle.
Severus recula jusqu'à sentir le mur de flammes lui chauffer l'arrière train, sachant qu'il aurait besoin de tout l'élan disponible pour seulement décoller. On ne parlait pas d'un vol plané dans des conditions moins qu'idéales mais d'un vol maîtrisé.
Il ne s'autorisa pas à penser à cet après-midi passé en compagnie de Black à tenter de maîtriser à nouveau sa forme Animagus et pendant lequel il avait passé plus de temps à s'écraser au sol qu'à voler.
Il prit son élan, battit des ailes, ignora sciemment la tension dans son aile gauche, la sensation de tiraillement au niveau des articulations qui reliaient les membranes fines à son dos… Le sol se déroba sous ses pieds et il prit péniblement son envol, trop alourdi par les deux sorciers pour véritablement aller bien haut… Il parvint à passer par-dessus le mur de flammes mais en sentit le souffle lui brûler le ventre et les pattes…
Weasley relâcha le sortilège dès qu'ils furent véritablement dans les airs, s'affalant un peu trop sur lui. Severus dût ajuster son vol, surpris par le mouvement incontrôlé…
« Trop bas… » marmonna Black.
Et, oui, en effet, ils étaient trop bas mais il ne parvenait pas à prendre plus d'altitude.
Les Inféris jaillissaient du lac, sous eux, pour tenter de les attraper, le danger suffisamment proche pour qu'ils soient éclaboussés par les remous. Severus força, ignorant la douleur…
Le vol fût chaotique, il parvenait à gagner un peu d'altitude uniquement pour la perdre dans la seconde suivante, chutant et ne se rattrapant qu'au dernier moment…
Ses yeux étaient rivés sur la rive.
S'ils pouvaient atteindre la rive…
Bill avait dû récupérer parce qu'il frappait les Inféris qui sautaient suffisamment haut pour les menacer de langues de feu qui lui chauffaient un peu trop le pelage…
La rive, se répéta Severus, bats des ailes jusqu'à la rive…
Il tenta de toucher le sol proprement mais l'atterrissage n'était pas son point fort et sa patte arrière, celle qu'il avait désormais tendance à garder repliée sous sa forme Animagus, se déroba sous lui. Ils roulèrent tous les trois dans la poussière.
Bill fût le seul à se relever immédiatement, prêt à les défendre.
Mais les Inféris ne tentèrent pas de sortir du lac.
Au loin, la barque s'enfonça lentement dans l'eau, la lumière verdâtre de la potion qu'ils avaient vidée se remit à briller faiblement comme si elle s'était auto-régénérée…
Le temps que Severus ne redevienne humain ce fût comme s'ils n'avaient jamais pénétré à l'intérieur de la grotte. Il attendit, fébrile, la baguette à la main, puis la baissa lentement.
« Les protections se sont remises à zéro. » commenta Bill, traduisant sa pensée.
« Vous avez l'horcruxe ? » demanda-t-il, par acquis de conscience, en s'accroupissant près de Black qui n'avait pas esquissé un geste pour se relever.
« Dans le sac. » confirma Weasley. « Le coffret est prévu pour contenir indéfiniment la magie noire. Je m'en sers pour des objets maudits, d'habitude. »
« Toujours vivant, sac-à-puce ? » s'enquit-il, en posant la main sur le bras de son rival.
L'Animagus se fendit d'une grimace mais ne parvint pas à se forcer à plaisanter. « Je ne me sens pas bien du tout… »
Il tremblait et était beaucoup trop pâle.
Severus se tourna vers Bill. « Sortons d'ici. »
Ce fût plus facile à dire qu'à faire. Il leur fallut trainer Black tout le long du tunnel jusqu'à l'ouverture dans la falaise sans le noyer – lui, ou Severus. À l'extérieur, la mer ne s'était pas calmée et les rochers glissaient d'autant plus…
« Transplannez au Square Grimmaurd. » ordonna-t-il à Bill qui soutenait plus ou moins Black d'un bras passé autour de sa taille. « Utilisez la cheminée pour rejoindre directement ses appartements à Poudlard. Si quelqu'un vous voit, dites qu'il est saoul. » Black avait l'air suffisamment dans les vapes pour que ça passe, décida-t-il. « Il va me falloir quelques heures pour préparer l'antidote. Faites-le boire de l'eau autant que possible. Contactez-moi si son état s'aggrave. »
Weasley se dépêcha de hocher la tête. « Il y a des signes alarmants ? »
Il hésita une seconde puis décida que toute la discrétion du monde ne valait pas la vie de Black. « Il va sans doute cracher du sang dans une heure ou deux. S'il s'étouffe, emmenez directement à l'infirmerie sans attendre. »
« Je te déteste. » grommela Black, apparemment suffisamment conscient pour suivre le gros de la conversation.
Encore une fois, Severus n'était pas loin de partager ce sentiment.
°O°O°O°O°
Tonks faisait les cents pas à l'abri dans l'ombre de la Cabane Hurlante, depuis plus de quinze minutes, rongeant son frein. L'envie de retourner trouver Remus pour lui flanquer son poing dans la figure la démangeait fortement depuis qu'il lui avait présenté – ou plutôt présenté à Severus – ses excuses.
Ainsi, c'était donc ça qui avait si profondément perturbé le Maître des Potions qu'il avait manqué provoquer une dispute stupide. Remus avait joué la carte de Lily, avait osé lui dire qu'il était pourri jusqu'à la moelle… Elle devinait facilement que ça ne s'en était sans doute pas tenu là.
Et cela la mettait en rage.
Il ne parlait jamais de son enfance et c'était probablement déjà un miracle qu'il lui en ait dit autant qu'il l'avait fait mais les quelques allusions qu'il laissait échapper parfois… Cela le hantait toujours, elle le savait. Et s'entendre dire qu'il était pourri jusqu'à la moelle… Ce n'était pas si étonnant qu'il ait essayé de la convaincre qu'il était quelqu'un de mauvais au fond ou qu'il ait soudain semblé terrifié à l'idée qu'elle ait une épiphanie à son sujet et le quitte. Qui, mis à part Harry, lui était jamais resté fidèle au bout du compte ? Personne. Et Remus avait osé…
Mieux valait se concentrer sur sa colère envers le loup que sur l'inquiétude qui lui rongeait le ventre. Severus avait dit deux heures. Il était en retard.
Elle avait déjà repris sa véritable apparence, métamorphosé les vêtements d'emprunt en un jean et un chemisier noir…
Elle s'apprêtait à jeter un nouveau Tempus lorsqu'elle entendit le bruit caractéristique du transplannage.
Elle eut à peine le temps de se tourner que Severus était là, trempé jusqu'aux os, empestant l'iode et l'algue, ses robes brûlées par endroits…
« Qu'est-ce que… » commença-t-elle, surprise.
Elle n'eut pas le temps de poser sa question. Il attrapa ses avant-bras et la tira vers le chemin de terre battue qui serpentait devant la Cabane Hurlante.
Elle se dégagea, faisant tomber sa baguette dans sa main d'un coup de poignet, par réflexe. « Severus, que… »
« J'ai besoin de tes mains. » déclara-t-il, attrapant à nouveau son bras. « Vite. »
Il était évident à la manière dont il boitait de manière prononcée que sa jambe le gênait mais la canne n'était nulle part en vue. Trop choquée par le tour qu'avait pris la soirée, elle se laissa entraîner sur quelques mètres avant de reprendre ses esprits. La première chose qu'elle fit – parce que vraiment… – fût de le sécher d'un coup de baguette.
Il lui jeta un regard surpris, comme s'il n'avait pas réalisé dans quel état il était, et bien qu'il ne ralentisse pas l'allure ou refuse de la lâcher, il la remercia d'un hochement de tête.
« Qu'est-ce que tu veux dire, tu as besoin de mes mains ? » demanda-t-elle.
« Pas ici. » refusa-t-il, tout net.
Elle l'étudia avec méfiance, se demandant s'il était bien qui il paraissait être. Après tout ce genre de déclarations n'auraient pas détonnées dans la bouche de Greyback et…
« Quand nous sommes-nous embrassés pour la première fois ? » grinça-t-elle, empoignant sa baguette plus fort.
La prise qu'il avait sur son bras se desserra légèrement.
« Cela dépend de ce que tu considères un baiser. » répondit-il, en lui jetant un coup d'œil coupable. Probablement parce qu'il venait de se rendre compte de ce que la situation pouvait avoir de suspect. « Tu m'as embrassé lorsque que je t'ai aidée à retrouver tes pouvoirs. »
« C'est toi qui a tourné la tête. » l'accusa-t-elle. « C'était tout à fait innocent. »
Ses lèvres tressautèrent mais son amusement ne perça pas véritablement. Son expression était fermée, inquiète. « Très bien, dans ce cas, tu m'as embrassé dans mon laboratoire, après que je t'ai repoussée dans les couloirs. »
« Imagine le temps qu'on aurait gagné si tu n'avais pas tenté de me résister. » plaisanta-t-elle, rassurée quant à son identité.
Mais pas quant à ce qu'il se passait.
« Nous sommes trop lents. » pesta-t-il, en s'arrêtant. La main qui tenait son bras se fit plus pesante, probablement parce que sa jambe ne voulait pas soutenir son poids. « Au point où j'en suis… Monte. »
Elle fronça les sourcils. « Monte où ? »
Mais la réponse devint évidente lorsque le sorcier à côté d'elle laissa place à un sombral. C'était une chose de savoir qu'il était secrètement un Animagus, ça en était une autre d'être confrontée à la chose. Surtout lorsque la forme Animagus était si… Elle embrassa l'animal du regard, n'ayant pas souvent eu l'occasion d'en voir un autrement qu'en illustrations dans un livre. Il était étrangement élégant malgré son aspect squelettique. Sa tête ressemblait davantage à celle d'un dragon que celle d'un cheval. Elle se hasarda à caresser la bande de peau à l'aspect un peu rugueux entre ses yeux et se vit recadrée d'un bruit impatient.
De la tête et du cou, il la poussa vers son dos.
« Niveau rendez-vous galant, on fait mieux. » marmonna-t-elle, en obéissant à son injonction.
Elle décida immédiatement qu'elle préférait le balai à toute autre forme de transportation dans les airs.
Le sombral ne paraissait pas capable de tenir une allure continue et s'élevait dans les airs uniquement pour perdre subitement de l'altitude et remonter quelques secondes plus tard. Comme un yo-yo. Il ne lui fallut pas plus de deux minutes avant d'avoir la nausée.
Elle s'accrocha à son encolure et s'efforça de se convaincre qu'elle n'allait pas rendre le contenu de son estomac, rassurée, au moins, de voir les grilles de Poudlard se dessiner au loin. Ils passèrent au travers des protections sans mal…
Seulement Severus fonçait maintenant vers le sol avec beaucoup trop de rapidité et à un angle légèrement inquiétant.
Si elle avait été sur un balai, elle aurait tiré sur le manche de toute sa force pour redresser la barre.
Là, elle put à peine ravaler un cri.
°O°O°O°O°
Albus sentit les protections de l'école s'agiter alors qu'il montait lentement le grand escalier, l'informant que Sirius Black et Bill Weasley venaient de revenir sur le domaine. Un simple effort de concentration et Poudlard lui indiqua qu'ils étaient dans les appartements du Professeur de Défense adjoint. Il se désintéressa de la chose, sachant que s'il y avait eu un problème, l'un ou l'autre l'aurait déjà contacté.
La gargouille qui gardait son bureau s'écarta sur son passage sans qu'il ait besoin de dire un mot, les marches le portant vers les étages, sentant sans doute son humeur maussade.
Minerva leva la tête dès qu'il eut franchi le seuil du bureau avec un soulagement palpable. « Ah, Albus, vous revoilà. »
« Me revoilà. » confirma-t-il d'un ton morne, non sans jeter un coup d'œil vers le fond du bureau où Gellert était en train de passer en revue les ouvrages sur les étagères, à la recherche d'une nouvelle lecture. Fumseck était perché sur son épaule et il caressait de temps en temps le phœnix d'un geste distrait.
Minerva paressait très déconcertée par le manège du phœnix.
Albus ne parvint même pas à s'en étonner. Non, Fumseck n'aurait pas dû être enclin à s'approcher d'un sorcier qui avait si longtemps pratiqué la magie noire, mais Fumseck avait également toujours été d'une symbiose presque parfaite avec lui.
« Wilkommen züruck. » lança Gellert, sans même se retourner. Ses doigts courraient sur la tranche des grimoires…
Le Directeur se força à détourner le regard, se concentrant sur Minerva qui rassemblait déjà ses affaires, visiblement impatiente de s'en aller.
« Quelque chose à signaler ? » demanda-t-il.
« J'ai terminé les emplois du temps pour les examens. » annonça-t-elle. « Je vous préviens, je compte vous mettre à contribution. »
Comme s'il avait véritablement du temps à perdre avec tout cela…
Il s'efforça pourtant de sourire aimablement à son amie. « Vous êtes une perle. »
Minerva rougit légèrement sous le compliment trop rare mais le regard qu'elle lui jeta lui laissa pleinement entendre qu'elle ne comptait pas se laisser prendre par ses flatteries. Elle ne tarda pas à quitter le bureau et il alla se planter à la fenêtre, lissant sa barbe d'une main distraite, le regard perdu à l'extérieur.
« Qu'y a-t-il ? » demanda Gellert, dans son dos.
Peut-être n'avait-il feint d'étudier les rayonnages que pour échapper à une conversation déplaisante avec Minerva. Ces deux là ne s'entendaient pas.
Il sentit l'homme approcher, mu par un sixième sens qui ne s'était jamais estompé, et ferma les yeux.
« Le mythe d'Albus Dumbledore comme un parangon de vertu est un tel mensonge… » murmura-t-il, fatigué.
Lucius avait-il déjà glissé le poison à Ollivanders ou bien cela devrait-il attendre le matin ?
Était-il encore temps de changer d'avis ?
« C'est le mensonge en lequel il leur faut croire. » riposta Gellert. Il sentait son regard peser lourd sur sa nuque. « Toute vérité n'est pas bonne à dire. Tu peux davantage de ton piédestal que s'ils connaissaient la vérité. »
C'était tout à fait vrai.
Et pas du tout ce qui le préoccupait tout au fond.
Et Gellert devait en être tout à fait conscient parce qu'il sentit sa main hésitante se poser sur son épaule.
« Liebling. »
Le mot doux venait de si loin dans le temps qu'Albus sentit son souffle se serrer dans sa gorge.
Il rata presque les protections l'avertissant du retour de Severus, ne songea pas à être surpris qu'il soit accompagné alors qu'il était parti seul. Tonks passait le plus clair de son temps à Poudlard, ou, du moins, c'était l'impression qu'il avait et la raison pour laquelle il avait choisi de l'ajouter à la liste des personnes qui pouvaient aller et venir de l'école comme elles le souhaitaient. Une concession pour Severus, à qui il devait tant.
« Abelforth. » répondit-il, de manière laconique.
Il sentit presque l'animosité qui irradiait de l'homme qui se tenait derrière lui, trop proche pour les convenances. Il lui aurait été facile de le pousser par la fenêtre s'il l'avait voulu.
Mais ce n'était pas son meurtre que Gellert avait en tête.
« Qu'a-t-il dit ? » grinça le mage noir, d'un ton qui trahissait tout le dédain qu'il éprouvait pour son frère.
S'ils avaient su mettre de côté leur inimité à l'époque…
« Il semble penser que nous avons repris précisément où nous nous sommes arrêtés. » confia-t-il, non sans un soupir.
Or rien n'était plus faux.
Oui, Albus s'était laissé aller à un fantasme de domesticité. Oui, il discutait parfois des heures le soir avec Gellert au coin du feu. Oui, ils partageaient ses appartements en partie parce qu'il voulait perpétuer le mensonge et en partie parce que c'était le choix pragmatique lorsqu'il était question d'avoir le mage noir à l'œil. Oui, leurs mains se frôlaient plus que de raison. Oui, plus d'une fois ils s'étaient endormis au beau milieu d'une discussion, sur le sofa, et s'était réveillés blottis l'un contre l'autre et perclus de rhumatismes parce qu'ils n'avaient plus l'âge pour ce genre de choses. Oui, une part de lui avait finalement trouvé la paix à avoir Gellert auprès de lui…
Mais il n'avait pas franchi la ligne.
Il n'avait pas…
Gellert fit un pas de plus et cette fameuse ligne parut se brouiller considérablement.
Son front se cala à l'arrière de son épaule, ses bras, après une légère hésitation, s'enroulèrent autour de sa taille…
Albus garda résolument les yeux fermés, se retint même de respirer.
Si longtemps…
Cela faisait si longtemps…
« Ist er falsch ? » murmura le sorcier.
Abelforth avait-il tort ? Peut-être pas, au fond. Peut-être un peu.
Mais Albus était si fatigué d'avoir à lutter contre ses sentiments. De toute sa vie, il n'avait véritablement voulu qu'une seule chose. Une chose que, s'il était honnête, il aurait pu arracher de force à Nurmengard. Qui l'aurait arrêté ? Le Ministère ? La Chancellerie Allemande ? Autrichienne ? Un des autres gouvernements magiques d'Europe ? Personne. Parce que la vérité, la vérité nue, était que personne n'aurait pu le battre s'il avait été suffisamment déterminé, certainement pas avec la baguette de sureau à sa disposition. Et une fois Gellert libéré… Seul, il aurait été très difficile à interpeller, ensemble…
Ensemble, qui aurait eu une chance ?
Ils auraient pu vivre comme des dieux. Prendre le pouvoir. Le garder. Façonner le monde comme ils l'entendaient.
Mais c'était là les délires d'un adolescent pris par les affres de son premier amour, se rappela Albus, ce n'était pas ce qu'il avait choisi d'être.
Et pourtant, il aurait pu.
Qu'Abelforth continue à lui reprocher une chose qu'il s'était interdit toute sa vie par pur principe…
Un grésillement dans le bureau précéda de peu une musique familière et, malgré lui, il sourit au souvenir que la chanson évoquait.
« Tu n'es pas supposé faire de magie. » gronda-t-il, par réflexe plus que par conviction.
« Je ne suis pas censé toucher de baguette. » corrigea Gellert, alors qu'une voix s'imposait lentement sur la mélodie.
« Tu n'as jamais eu besoin de baguette. » murmura-t-il. Pas plus que lui. Peut-être était-ce pour ça qu'il n'avait jamais pu passer à autre chose : parce que lui et Gellert étaient égaux dans un monde où il était bien plus puissant que la norme.
« Ce que tu savais très bien avant de me faire venir ici. » remarqua son ancien ami.
Ils dansaient sans danser, désormais. Oscillant au rythme lent de la chanson d'une manière qui aurait sans doute dû être ridicule étant donné leurs âges respectifs.
Sans prévenir, la lumière des torches baissa d'un cran, voilant le bureau d'un semblant d'intimité.
Albus aurait probablement dû s'alarmer de la facilité avec laquelle Gellert se faisait obéir de Poudlard mais, pour être tout à fait honnête, une part de lui se réjouissait de sentir l'empreinte magique de l'autre sorcier. Ses propres pouvoirs crépitaient en lui, comme s'ils se souvenaient eux aussi des sorts et enchantements qu'ils avaient créés ou lancés ensemble par le passé.
De la belle magie.
Terrible parfois, mal avisée souvent, mais toujours de la belle magie…
Et, non contente d'avoir tamisé les lumières et fait tourner le vieux gramophone dans le coin de la pièce, la magie de Gellert était maintenant occupée à réordonner les titres de sa bibliothèque, simplement, il en était certain, pour prolonger un peu plus cet instant où leurs magies se mêlaient avec naturel.
« Essaierais-tu de me séduire ? » s'enquit-il, d'un ton qu'il aurait voulu posé mais qui était très loin de l'être.
Le rire de Gellert était familier, légèrement étouffé par l'épaisse robe qu'Albus portait…
« Est-ce que cela fonctionne ? » rétorqua le mage noir.
Y avait-il une seule fois où cela n'avait pas fonctionné ?, aurait-il voulu répliquer.
« Arianna. » murmura-t-il, comme un bouclier, comme une supplique.
La ligne était là. Elle portait le nom de sa sœur.
Son plus grand crime.
Et Gellert l'avait toujours respectée, cette frontière invisible.
Toujours.
Excepté cette fois-ci.
« Albus, c'était il y a si longtemps… » soupira l'autre sorcier. « Et il ne te le pardonnera jamais. Que nous soyons amis, amants ou ennemis, il ne te le pardonnera jamais. Ton frère… »
« Est tout ce qu'il me reste. » l'interrompit-il, rouvrant les yeux, brisant ce moment suspendu.
Malgré son ton définitif, malgré la musique qui s'était brusquement interrompue et les torches qui flambaient à nouveau haut, Gellert ne le lâcha pas, ne s'écarta pas…
« Pas tout, non. » contra le sorcier. « Que tu le veuilles ou non, nous sommes liés. Nous le resterons jusqu'à la fin, je le suspecte. » C'était l'évidence pour lui depuis des dizaines et des dizaines d'années, mais l'entendre de sa bouche fût un soulagement. Peut-être n'était-ce pas tant de la folie si… « Il n'est pas tout ce qu'il te reste. Et quand bien même tu ne serais pas disposé à me croire, il y a là-dehors une école entière qui serait sans doute prête à discuter la chose.
« Ce jour là… » hésita-t-il, après un long silence. Et s'il se laissa aller à s'appuyer légèrement contre Gellert, si les bras qui l'étreignaient se resserrèrent d'autant… « Sais-tu lequel de nous trois… »
« Nein. » le coupa immédiatement Gellert. « Willst du gar nicht wissen. »
Tu ne veux pas savoir.
Mais il savait déjà.
Au fond de son cœur, il savait.
« Nous n'avions pas une bonne influence l'un sur l'autre. » lui rappela-t-il, à défaut d'un autre argument. « Nous étions d'horribles personnes. »
Gellert resta silencieux un moment puis poussa un soupir de regret. « Liebling, c'est toujours le cas. Nous avons toujours été d'horribles personnes, ensemble ou séparément. Nos motivations n'effacent pas nos actes. Le plus grand bien est toujours pavé de victimes. »
Albus aurait voulu protester, pour la forme, mais ne venait-il pas de commanditer l'assassinat d'un homme ? Un homme brillant, qui plus était, dont la perte ébranlerait la communauté magique.
Albus manipulait, mentait, sacrifiait et se dédouanait comme le meilleur Serpentard. Certes, il le faisait pour la Lumière, mais cela n'effaçait pas les faits.
D'un certain point de vue, Gellert était plus honnête que lui.
Il y avait une vérité qu'il aurait aimé avouer. Une simple vérité. Trois petits mots qui pesaient sur sa conscience depuis des années et des années.
Il n'y parvenait pas.
Le poids de la culpabilité les retenait.
« Tu sais, il m'est passé par l'esprit que si tu souhaitais me trahir, manipuler mes sentiments serait la manière la plus facile de m'atteindre. » remarqua-t-il.
« Ne t'ai-je pas prêté serment de ne pas chercher à m'enfuir ? » rétorqua Gellert avec agacement, sans pour autant mettre un terme à l'étreinte.
« Peut-être ne veux-tu pas t'enfuir… » répondit-il. Sous contrôle, Poudlard était après tout la meilleure des places-fortes… Tactiquement parlant…
Cette fois-ci, les bras se retirèrent et le mage noir s'écarta avec un mouvement d'humeur. Albus se retourna finalement pour lui faire face, presque surpris de se retrouver face au sorcier amoindri par l'âge et non au souvenir qu'il gardait de leur jeunesse.
« T'ai-je déjà trahi, Albus ? » cracha presque Gellert, vexé. « Toutes ces années… Ai-je jamais trahi une promesse ? Un seul serment ? »
La réponse était non.
Pas au sens littéral.
Si l'un d'eux était revenu sur des serments ou des promesses, c'était lui.
« Toujours nous revenons au même point. » continua le mage noir. « Toi et moi et Abelforth entre nous qui te retient, qui t'arrache à moi. Par jalousie. Par… » Les mots semblèrent lui faire défaut et il marmonna une longue phrase en allemand qu'Albus ne comprit pas, avant de secouer la tête. « Laisse-moi te poser la question, Liebling, était-ce moi que ton frère désapprouvait, à l'époque, ou le fait que je ne sois pas une femme ? Était-ce nos recherches, nos projets, qui le dégoûtaient ou ce que nous faisions dans ta chambre derrière une porte close ? »
Les questions sonnaient un peu comme un ultimatum, un coup de semonce, mais tombèrent à plat parce qu'Albus s'était maintes fois interrogé sur le sujet.
La conclusion à laquelle il était arrivé ne lui plaisait pas mais il n'avait jamais ouvertement osé aborder la question avec Abelforth. C'était à peine s'ils parvenaient à avoir une conversation courtoise, en temps normal, alors…
Autres temps, autres mœurs.
Ils étaient nés dans un autre siècle, avec d'autres morales et d'autres préjugés.
Ils étaient vieux, se redit Albus pour ce qui semblait être la centième fois ces derniers jours. Lui, Gellert, Abelforth… Ils étaient trop vieux.
Il lui arrivait d'envier la liberté de Charlie Weasley.
« As-tu seulement jamais cessé de te cacher, Albus ? »
Gellert dût comprendre qu'il n'obtiendrait pas de réponse à sa question parce qu'il poussa un long soupir et se détourna, disparaissant sans un mot par la porte dérobée qui menait à ses appartements.
Resté seul, Albus ferma les yeux.
Et se traita d'idiot.
°O°O°O°O°
« Plus jamais ! » jura Nymphadora pour la dixième fois, en entrant à la suite de Severus dans son laboratoire.
« Crois-moi, ce n'est pas plus plaisant pour moi. » grinça le Maître des Potions, en claudiquant jusqu'à un des plans de travail qu'il débarrassa d'un coup de baguette.
Elle observa les divers objets s'envoler pour trouver une autre place sur une étagère ou dans un coin, observa un chaudron de cuivre venir remplacer celui en fonte, observa divers bocaux et fioles quitter les étagères…
« Tu veux bien m'expliquer maintenant ? » râla-t-elle. « Et qu'est-ce que ça veut dire : tu as besoin de mes mains ? »
À le voir s'agiter, elle avait peur de comprendre.
« Black a bu du poison. » lâcha-t-il.
« Quoi ? » s'exclama-t-elle.
« J'ai besoin que tu m'aides à préparer l'antidote. » continua-t-il, avec un calme de façade. Il inspecta une des étagères, remua plusieurs fioles, ne dût pas trouver ce qu'il cherchait parce qu'il marmonna quelque chose dans sa barbe. « Il faut que j'aille à la réserve. Commence à broyer les pattes de tarentules. Broyer pas écraser, Nymphadora. Je veux de la poudre, pas de la purée. »
Et, juste comme ça, elle eut un affreux flashback de ses cours de Potions.
« Non. » refusa-t-elle tout net. « Je ne suis pas… »
« Tu as tes A.S.P.I.C.s et c'est tout ce qu'il me faut. » l'interrompit-il. « Avec mes instructions, tu t'en sortiras très bien. »
Elle n'eut pas le temps de s'énerver ou de l'envoyer se faire voir parce qu'il était déjà parti, la jambe trainant derrière lui sans même s'en rendre compte. Serrant la mâchoire et ravalant sa contrariété, elle rassembla ses cheveux en un chignon aussi brouillon que hâtif et se plaça devant la paillasse et son chaudron de cuivre, la boule au ventre.
D'abord Severus lui soutirait un service quelque peu suspect en lui demandant de lui servir d'alibi pour elle ne savait quel projet… Ensuite, il revenait dans un état lamentable et la trainait jusqu'à Poudlard pour mieux lui avouer que Sirius avait non seulement été de la partie mais s'était empoisonné…
Elle inspecta les différents bocaux jusqu'à trouver celui qui contenait les tarentules et entreprit d'en ôter les pattes avec précaution avant de les aplatir à l'aide du burin.
« En poudre, pas en purée. » grommela-t-elle entre ses dents. « C'est ta tête qui va finir en purée. »
« Heureux de l'apprendre. » rétorqua Severus, en déposant trois autres bocaux sur le plan de travail. « Excellent. Émiette les feuilles d'églantier dans le même bol. »
« S'il te plait. » grinça-t-elle.
« Si je dois user de politesse à chaque instruction, nous en avons pour la nuit. » riposta-t-il. « Or, Black n'a pas la nuit devant lui. »
« Et moi je ne suis pas bonne en Potions ! » s'exclama-t-elle, à moitié effrayée, à moitié énervée.
« Tu n'est pas mauvaise en Potions ou je ne t'aurais jamais admise dans mes classes d'A.S.P.I.C.s. Tu t'en sortiras très bien. » répéta-t-il, un peu trop délibérément.
Elle s'en sortirait très bien parce qu'ils n'avaient pas d'autres choix, voilà ce qu'il ne voulait pas dire.
Elle pivota vers lui, le suppliant du regard. « On peut aller chercher Slughorn. »
Il n'hésita même pas avant de l'attraper fermement par les épaules et de la tourner à nouveau vers le plan de travail. Il se positionna juste derrière elle, suffisamment près pour qu'elle sente la chaleur de son corps contre son dos.
« Cela nous coûterait beaucoup trop cher. » déclara-t-il. « Je préfèrerais d'abord essayer avant de devoir en arriver là. »
« Severus… » supplia-t-elle.
Si la vie de Sirius était en jeu…
« Fais-moi confiance. » contra-t-il, en poussant vers elle les feuilles d'églantier. « Émiette. »
Les minutes suivantes se perdirent dans une série d'instructions du même type. Il corrigeait ses gestes d'une main posée sur son poignet, la forçait à ralentir ou à accélérer selon une cadence qui n'avait aucun sens pour elle mais en avait clairement pour lui…
« Plus souple. » ordonna-t-il, en exerçant une pression sur son avant-bras alors qu'elle remuait prudemment le contenu du chaudron, exactement comme il le lui avait dit. « Ceci est un antidote extrêmement volatile, pas une vulgaire soupe de légume. »
Merlin, ce qu'elle aurait préféré ne jamais plus avoir à préparer de potions. Surtout avec lui.
Elle s'en était relativement bien passé jusque là.
« Je préférais quand tu me disais des mots doux. » râla-t-elle, sans cacher son irritation.
Ses cheveux avaient viré au rouge il y avait déjà un moment mais s'il l'avait remarqué, il n'en avait pas fait cas.
Il se tenait suffisamment près d'elle pour qu'elle le sente se crisper à cette mention d'un incident dont ils n'avaient pas discuté – et dont, à l'évidence, ni l'un ni l'autre n'était encore prêt à le faire, certainement pas au milieu d'un exercice de préparation de potions.
Après quelques secondes, ses lèvres effleurèrent sa nuque un peu trop délibérément pour que ce soit un accident.
Sa version d'excuses, supposait-elle.
« Très bien. » offrit-il, en lui indiquant de cesser de remuer. « Nous approchons de la partie délicate. »
« Ah, parce que c'était facile jusque là ? » ironisa-t-elle. Elle n'avait jamais préparé de potion plus difficile et était complètement perdue. Elle n'avait aucune idée de ce qu'ils étaient en train de faire, elle se contentait de suivre ses ordres au pied de la lettre et espérait qu'elle le faisait correctement. Deux fois déjà il avait dû rattraper une fiole qu'elle avait bousculée avant qu'elle ne se renverse.
Sans relever, il lui indiqua d'ajouter deux autres ingrédients au chaudron à précisément trente secondes d'intervalle. Ensuite, il lui faudrait remuer trois fois dans le sens contraire des aiguilles d'une montre et deux fois à l'opposé.
« Souplement. » lui rappela-t-il.
« Je vais t'enfoncer la louche souplement là où je pense si tu n'arrêtes pas de prendre ce ton condescendant. » menaça-t-elle.
« Tu te débrouilles très bien, Nymphadora. » contra-t-il.
« Tu peux arrêter de me flatter pour me faire plaisir. » marmonna-t-elle.
Elle n'avait pas besoin de le voir pour savoir qu'il était en train de lever les yeux au ciel.
« Si je t'instruis, tu me menaces si je te complimentes, tu m'accuses de flagornerie… » soupira-t-il. « Y a-t-il quelque chose que je fasse correctement ce soir ? »
« Non. » répondit-elle, tout à fait franchement.
Sans plus hésiter, elle jeta la poignée d'anémones séchées, compta jusqu'à trente et, lorsqu'il ne fit aucun geste pour la stopper, ajouta le deuxième ingrédient, avant de remuer exactement comme il le lui avait dit. Elle avait à peine fini le premier tour que sa main revient se poser sur son poignet, la guidant gentiment mais fermement.
« Et maintenant ? » demanda-t-elle, lorsqu'ils eurent fini de remuer.
« Maintenant, nous laissons la potion à feu vif pendant vingt minutes. Si l'antidote est réussi, un précipité blanc devrait se former à la surface. » déclara-t-il, avec un soulagement palpable. « Pour ce que cela vaut, je pense que le résultat est excellent à défaut d'être parfait. Black devrait s'en sortir. »
Il recula d'un pas, lui rendant finalement sa liberté de mouvement. Elle se retourna pour mieux le dévisager. « Devrait ? »
« Rien n'est jamais certain en matière de poison. » répondit-il, le visage fermé. « Mais je suis confiant. »
Elle leva les yeux au ciel. Il ne s'était pas suffisamment éloigné pour qu'elle ne puisse pas lui taper le torse d'un index accusateur. « Tu n'as jamais dit qu'il y aurait du poison. Ou que tu emmenais Sirius. »
« Je l'ignorais. » se défendit-il, écartant sa main d'un geste. Il ne résista pourtant pas lorsqu'elle entrelaça leurs doigts. « Et, je réitère, je ne peux rien te dire de spécifique tant que tes boucliers… »
« Oui, oui, ça va… J'ai compris. » bougonna-t-elle.
Elle voulut retirer sa main mais il résista, l'attirant à lui avec à peine une légère hésitation. Elle accepta l'étreinte parce qu'elle avait la sensation qu'il en avait plus besoin qu'elle.
Il sentait la mer et le brûlé.
La curiosité était un très vilain défaut.
« Le truc que je ne peux pas savoir… Ça n'aurait pas un rapport avec Tom Jedusor, par hasard ? » s'enquit-elle.
Parce qu'il y avait une raison pour laquelle il lui avait demandé de faire ces recherches. Or, de manière intéressante, dans les carnets de la directrice de l'orphelinat, les archives mêmes par lesquelles elle lui avait conseillé de commencer, il était plusieurs fois fait mention d'une sortie à la mer…
« Je me suis retrouvé confronté, ce soir, à l'une de mes anciennes créations dont j'avais entièrement oublié l'existence. » avoua-t-il, sans qu'elle puisse déterminer si c'était une manière de changer le sujet ou juste une confirmation détournée. « Un poison fourbe et extrêmement violent. »
Malgré elle, elle frissonna. « Et pourquoi est-ce que Sirius a décidé de le boire exactement ? »
« Nous n'avions pas le choix. L'un de nous devait le prendre. » souffla-t-il, en la relâchant. Il ne recula pas pourtant et elle ne chercha pas à remettre une quelconque distance entre eux. « Cela me pousse à me demander combien des horreurs que j'ai créées dans ma vie sont toujours là-dehors. »
Elle ne savait pas quoi répondre à ça.
Son passé était derrière lui mais ils ne pouvaient pas nier qu'il avait existé. Ses choix, ses erreurs… Ils continueraient sans doute à le poursuivre jusqu'à ce que Voldemort soit bel et bien mort.
Elle croisa son regard mais ne put rien y lire, par contre elle devinait sans mal les boucliers mentaux qui se dessinaient derrière ses yeux.
Elle lui caressa la joue mais ravala les mots bateaux qu'elle aurait voulu pouvoir lui offrir.
Elle ne pouvait pas lui dire que ce n'était pas sa faute, elle pouvait simplement lui montrer qu'elle acceptait ses erreurs passées.
Il tourna la tête suffisamment longtemps pour déposer un léger baiser dans le creux de son poignet.
« Comment s'est déroulée l'entrevue avec Lupin ? » demanda-t-il, ensuite, d'un ton presque détaché.
« Oh, tu as raté ses excuses. » se moqua-t-elle, avant de secouer la tête. « Ce serait plus simple que tu regardes directement. »
« Es-tu certaine ? » Il quêta sa permission du regard, puis à son hochement de tête, murmura la formule. « Legilimens. »
Explorer le souvenir ne lui prit pas longtemps et il s'extirpa de son esprit avec un grommellement agacé. Et quelque peu embarrassé.
Probablement parce que Remus avait plus ou moins exposé ce qui l'avait mis dans un tel état lorsqu'elle avait été blessée. Ou peut-être parce qu'il avait posé la question à un million de gallions sur ses sentiments.
Il se racla la gorge. « Il ne soupçonnait rien, je pense. »
Ils allaient donc passer la chose sous silence, déduisit-elle.
Encore.
Au demeurant, cependant, c'était sans doute pour le mieux. Elle ne voulait pas aller trop vite. Elle voulait prendre son temps, construire… Elle ne voulait plus se précipiter comme elle l'avait fait avec…
Elle chassa cette pensée avant d'avoir pu finir de la formuler, déterminée à cesser de les comparer en permanence.
« Non, ton alibi pour ta mystérieuse mission secrète est parfait. » déclara-t-elle. « Mais ça risque de paraître suspect que je sois à Poudlard juste après… Si quelqu'un cherche véritablement à établir… »
« Ce n'était qu'une précaution. » l'interrompit-il. « Nous n'avons commis aucun crime, je ne m'attends pas à une enquête trop élaborée. Le cas échéant, Dumbledore se contentera de demander l'air de rien ce que nous faisions. Il ne serait pas si étrange que nous ayons prévu de nous retrouver, toi et moi, ensuite… »
Elle inclina la tête, fronçant exagérément les sourcils. « Tu es sûr que tu n'as commis aucun crime, Monsieur l'Animagus Non Déclaré ? »
Elle fût récompensée d'une ébauche de sourire avorté.
« Si c'est le cas, te voilà ma complice. » remarqua-t-il.
Elle feignit un grognement de compréhension. « C'était donc ça le plan… Compromettre une Auror ? »
« Exactement. » déclara-t-il, rentrant dans son jeu. « Te compromettre, te réduire à ma merci… »
« Et que vas-tu faire de moi, maintenant que tu m'as à ta merci ? » le défia-t-elle, non sans amusement.
Il lui vola un baiser, bref mais suffisamment tendre pour qu'elle se détende. Le stress de la soirée s'allégea quelque peu. Elle se blottit contre lui, lorsque leurs lèvres se séparèrent, fermant les yeux, s'autorisant, l'espace d'une seconde, le droit de souffler…
Ses mains tremblantes tracèrent un chemin hésitant de ses omoplates au creux de ses reins.
« Je ne t'ai même pas demandé comment tu allais aujourd'hui, si ? » murmura-t-il, au creux de son oreille. « Tu n'as peut-être pas tort… Je ne fais pas grand-chose correctement ce soir… »
Il n'y avait pas de véritable remord dans sa voix, probablement parce qu'il estimait que ce qui le préoccupait était plus important que les convenances.
Elle ne lui en voulait pas véritablement, non plus.
« Ça va. » mentit-elle, parce qu'il fallait bien donner le change.
Elle n'avait aucune raison de se lamenter. Elle était vivante, en bonne santé et n'avait perdu aucun proche ces dernières semaines. C'était beaucoup plus que ce que la plupart des gens pouvaient en dire récemment.
Mais, putain, ce qu'elle était fatiguée…
Il l'obligea à relever la tête d'un coup de pouce sous le menton, croisa son regard, y lut probablement tout ce qu'il avait besoin de savoir… Il n'avait pas l'air tout à fait dupe, de toute manière.
« Nymphadora… » la rabroua-t-il, avec inquiétude.
« Je ne veux pas en discuter. » le prévint-elle.
À quoi bon ?
Aujourd'hui, elle avait dû dire à l'un de ses anciens instructeurs qui lui donnait un peu trop de fil à retordre qu'il n'avait pas d'autre choix que de lui obéir, qu'il soit d'accord avec ses ordres ou pas. Elle n'y avait pris aucun plaisir, s'était sentie ridicule comme une enfant qui ferait un caprice, et le fait que Kingsley ait été obligé de régler l'affaire dans son bureau n'avait rien arrangé.
Et si seulement cela avait pu être le pire moment de sa journée…
Il allait insister lorsque son attention fût détournée par le chaudron.
« Tu vois ? » triompha-t-il, en désignant la potion d'un geste. « Un résultat pratiquement parfait. Peut-être devrais-je t'engager comme assistante. »
Elle laissa échapper un bruit amusé. « Ne le prends pas mal, mais non merci. »
Il mit l'antidote en bouteille, jeta un sort de stase sur le chaudron et l'entraîna vers son bureau. Il traversèrent la cheminée en direction des appartements de Sirius et, bien qu'elle se fût attendue à trouver son cousin en mauvaise posture, elle fût surprise de le voir recroquevillé sur le canapé, pâle et tremblant. Et sa surprise se coupla d'agacement lorsqu'elle remarqua la présence du frère ainé de Charlie, assis dans un fauteuil, qui paraissait le surveiller.
À sa décharge, Bill parut tout aussi choqué de la voir.
« Black ? » lança immédiatement Severus, en fondant sur l'Animagus. « Toujours là ? »
« À peine. » marmonna-t-il, ses yeux gris fiévreux trouvant les siens par-dessus l'épaule du Maître des Potions. « Tu as ramené Tonks ? »
« Elle m'a aidé à préparer l'antidote. » répondit le Professeur, en guise d'explication. « Elle ne sait rien, tâche de tenir ta langue. »
La réflexion agaça Tonks.
Elle comprenait sincèrement pourquoi Severus refusait de lui confier leur fameux secret mais… Bill Weasley ? Et Sirius était meilleur Occlumens qu'elle ? Vraiment ? Il était dur de ne pas faire un parallèle avec la Marque. Ces deux là paraissaient toujours au courant de ses secrets avant elle.
« Merlin préserve. » marmonna-t-elle, non sans ironie, en se laissant tomber dans le dernier fauteuil disponible.
Si Bill se pensait discret ou subtil en dissimulant discrètement, d'un geste lent du pied, le sac sous son propre fauteuil, il se fourrait le doigt dans l'œil, mais comme elle était charitable, elle se retint de faire un commentaire.
« Il a craché du sang deux ou trois fois. » expliqua Bill à Severus. « Mais ça ne me semblait pas trop grave. »
Oui, c'était sans doute tout à fait normal, songea-t-elle, non sans ironie. Severus lui jeta un tel regard que, l'espace d'une seconde, elle se dit qu'elle avait dû accidentellement parler à voix haute mais apparemment son attitude en disait tout aussi long. Elle ne bougea pas pour autant, gardant les jambes croisées, légèrement avachie, et continuant de pianoter sur les accoudoirs du fauteuil. À peine leva-t-elle un sourcil lourd de sarcasmes. Les lèvres du Maître des Potions tressautèrent mais il retourna aux sorts de diagnostic qu'il était en train de jeter à l'Animagus.
Sirius était trop dans les vapes pour remarquer quoi que ce soit.
Bill faisait un gros effort pour prétendre ne rien avoir vu.
« L'empoisonnement n'est pas trop avancé. » déclara Severus, au grand soulagement de tous. « L'antidote devrait suffire. »
Y avait-il eu une chance pour qu'il ne suffise pas ?, se demanda Nymphadora avec horreur.
Il approcha une des fioles de la bouche de Sirius mais ce dernier lui attrapa brusquement le poignet.
« Attends. » souffla l'Animagus, le regard toujours fiévreux. Il semblait à la jeune femme qu'il délirait légèrement.
« Je sais que c'est difficile pour le pois chiche qui te sert de cervelle mais nous n'avons pas le temps d'attendre. » rétorqua le Maître des Potions, en essayant de se détacher de sa poigne.
Mais Sirius s'accrochait avec force.
« Mon… Mon testament… » bredouilla-t-il.
« Nous n'avons pas besoin de ton testament. » grinça Severus, en tentant à nouveau de lui faire boire l'antidote.
Sirius secoua la tête et le Professeur dût reculer de peur de renverser la fiole.
« Il est… Il est dans le dernier tiroir de la commode… » insista Sirius. « Ma chambre. Square Grimmaurd. Remus a la copie. »
« Et il peut la garder. » rétorqua Severus, en perdant patience. « Veux-tu bien avaler cette potion ? Je n'ai pas subi de multiples menaces en la préparant pour la gaspiller. »
« Oh, ça va… » se moqua Tonks, avec amusement. « J'aurais pu les mettre à exécution, ces menaces. »
Elle et Bill échangèrent un coup d'œil et, bien que l'ainé des Weasley semble toujours déterminé à prétendre qu'il était aveugle et sourd, ses yeux pétillaient d'amusement. Qui l'avait mis au courant, se demanda-t-elle, ou bien étaient-ils si peu discrets ?
« Harry… Harry hérite de tout. » continua Sirius, pris dans son délire. « S'il ne veut pas du titre de Lord Black… Ce putain de nom peut mourir avec moi… »
« Excepté que tu ne vas pas mourir. » riposta Severus, en levant les yeux au ciel. « Inutile de dramatiser. »
« Ou, tu peux l'avoir, si tu veux… » marmonna l'Animagus, en rencontrant le regard de l'Auror.
« Lady Black. » plaisanta-t-elle. « Pas sûre que maman approuverait. »
« Ça suffit. » intervint le Professeur de Défense. « Weasley, aidez-moi. »
À eux d'eux, ils parvinrent à forcer Sirius à avaler la potion. Il n'y eut pas d'effets immédiats et, en dépit de son amusement, elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. Son cousin toussa une ou deux fois puis parut s'endormir.
« Et maintenant ? » hésita-t-elle, alors que Severus jetait un autre sort de diagnostic.
« Il faut attendre. » annonça-t-il.
°O°O°O°O°
Les sorts d'alarmes de proximité le tirèrent d'un sommeil agité qui ne lui avait accordé aucun repos.
Draco se redressa sur le coude, sa main se refermant sur sa baguette par réflexe, peinant à ouvrir les yeux malgré la décharge d'adrénaline…
Les épais rideaux de brocard étaient toujours tirés autour de son lit et rien ne semblait troubler le silence des dortoirs. Il s'assit, sourcils froncés, annulant le sort qui continuait à l'avertir d'un danger invisible. Le sortilège avait-il mal fonctionné ?
« Lumos. » murmura-t-il, malgré le risque d'avertir un potentiel assassin de son éveil.
Il attendit, le cœur battant, inspectant l'espace clos que formait le baldaquin du regard…
Et ce fût comme ça qu'il aperçut le mouvement sous l'épaisse couverture.
Quelque chose s'était glissé sous la laine.
Trop petit pour être le chat de Nott.
Trop gros pour être le crapaud de Vince.
La chose paraissait fine et se mouvait lentement, en oscillant comme…
Il blâmât l'épuisement pour sa réflexion trop lente.
Et pour la réaction totalement stupide qui suivit.
Avec un hurlement très peu viril ou aristocratique, il se repoussa hors du lit, s'emmêlant dans les épaisse tentures… Le temps qu'il tombe sur les pierres froides, le serpent avait jailli du tas de couvertures empilées sur son lit…
Il recula précipitamment jusqu'à se cogner contre le pied du lit de Greg, à peine conscient que tous les autres garçons s'était réveillés en grommelant, que Blaise avait jeté un sort pour rallumer les torches, que Nott l'insultait dans son oreiller…
Et puis, ils semblèrent tous repérer l'animal en même temps et il y eut plus d'un cri d'alarme…
On ne vivait pas à Serpentard sans devenir un peu expert en serpent. Or, celui qui glissait lentement du lit de Draco, apparemment déterminé à l'attaquer, avec son pelage noir bleuté était si facilement identifiable pour être, peut-être, le plus mortel au monde…
Un mamba noir.
Celui avait eu cette idée avait un sens de l'humour tordu.
Une seule morsure et…
Le serpent s'immobilisa face à lui, dressé, prêt à passer à l'attaque, et Draco n'osait pas bouger, sachant qu'il ne serait pas assez rapide, que…
« Protego Maxima ! » cria-t-il, dans la microseconde avant que le serpent ne se détende.
« Confringo ! » lança Blaise, au même moment.
Le sort rata le serpent d'un centimètre mais laissa un trou dans le sol.
« Ad Vincula ! » jeta Nott, dans la seconde qui suivit.
Draco avait bien inutilement placé un bras devant son visage – cela ne ferait pas de différence où le serpent le mordrait, la morsure serait mortelle quoi qu'il en fût – et il sentit les crocs se refermer à un millimètre de la manche de son pyjama alors que le sort de l'autre adolescent cueillait le mamba noir et l'emprisonnait dans une sphère lumineuse.
Il fixa la prison magique du regard quelques secondes, incrédule, le souffle court, puis s'écarta sans aucune grâce, rampant à moitié jusqu'à mettre la longueur de la pièce entre lui et le serpent.
« Tu n'as rien ? » s'inquiéta Blaise, rejetant ses couvertures pour venir le tirer sur ses pieds.
Les autres regardaient alentours avec méfiance, apparemment pas certain qu'il n'y avait pas d'autres animaux venimeux cachés dans un coin des dortoirs…
Au moins, songea-t-il, il était certain que cette tentative d'assassinat ne venait pas de l'un de ses camarades de dortoir. À voir la manière dont Nott s'était plaqué contre sa tête de lit et dont Vince et Greg scrutaient les moindres recoins sombres de la pièce au cas où il y aurait un autre danger…
« Tu trouves toujours que ta Sang-de-Bourbe vaut le coup ? » le provoqua Nott, lui épargnant par là la nécessité de le remercier – et cela lui aurait coûté. « Elle vaut ta vie ? La nôtre ? »
Ayant repris ses esprits, Draco plaqua la main sur le mur de pierre du dortoir et actionna le sort que seuls les préfets de Serpentards étaient habilités à déclencher.
« Severus Snape. »
Il n'était pas impatient de devoir expliquer à son Directeur de Maison comment il avait échoué à se défendre et ne devait sa vie qu'aux réflexes d'un garçon qui ne l'appréciait guère, en règle générale.
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Severus sortait juste de la salle de bain de Black, où il avait remis un peu d'ordre à sa tenue – il y avait peu d'intérêts d'avoir un alibi si ses robes brûlées et la forte odeur d'iode le trahissaient à la première occasion – lorsque le sort le cueillit brusquement au plexus.
Avec un juron, il retourna au salon à grandes enjambées inégales.
Bill et Nymphadora discutaient Quidditch, Black était endormi…
« Il y a un problème dans les dortoirs de Serpentard de cinquième année. » déclara-t-il.
La jeune femme fût sur ses pieds dans la seconde, un pli inquiet lui barrant le front. « Draco ? »
« Il se peut qu'il s'agisse simplement d'un enfant malade. » nuança-t-il, sans y croire.
Elle leva les yeux au ciel, traduisant exactement sa pensée. « Je viens avec toi. »
Il n'essaya pas de l'en dissuader. Peut-être n'était-ce rien, peut-être était-ce une attaque rangée et, dans ce cas là, il serait heureux d'avoir du soutien.
« Restez avec Black. » ordonna-t-il à Bill. « Nous revenons aussi vite que possible. »
Ils rejoignirent la salle commune de Serpentard en utilisant la poudre de cheminette. Se souvenant, un peu tard, de la canne réduite rangée dans la poche de sa robe, il lui rendit sa taille normale, s'appuyant dessus avec soulagement car sa jambe était extrêmement douloureuse. Cela le ralentit à peine alors qu'il se dirigeait droit vers l'escalier qui descendait dans les dortoirs, remarquant à peine la manière dont Nymphadora tourna sur elle-même au milieu de la salle commune pour mieux observer les lieux…
« C'est moins glauque que ce que j'avais imaginé. » remarqua-t-elle, en le rattrapant dans l'escalier.
Malgré le ton badin, elle avait l'air concentré, attentif, et sa baguette était levée devant elle. Elle le suivait parce qu'il savait où il allait mais il ne doutait pas qu'elle se jetterait devant lui s'ils devaient se battre. Étant donné l'état de sa jambe, il était enclin à la laisser faire.
« À toi l'attaque. » proposa-t-il, alors qu'ils approchaient rapidement des dortoirs des cinquièmes années. Tout semblait calme, il n'y avait aucun cri, aucune agitation… Mais cela ne voulait rien dire. « Je nous défendrai. »
Elle hocha la tête, lui adressant un bref sourire un peu tendu.
Il s'immobilisa derrière la porte close, n'entendit rien de suspect…
« Hominum Revelio. » murmura-t-il.
Le sort lui indiqua qu'il y avait cinq personnes à l'intérieur de la pièce. Il leva les mains en guise d'ignorance pour l'Auror puis poussa la porte, la laissant passer en premier.
Il s'attendait davantage à une bataille rangée ou, tout du moins, au résultat d'une bataille, qu'à ce qu'il trouva.
Un serpent venimeux se débattait dans les airs, prisonnier d'une sphère bleutée, et les cinq adolescents s'étaient rassemblés à l'autre bout de la pièce, baguette au poing.
Un mamba noir.
Un des serpents les plus dangereux au monde.
On ne lésinait pas sur les moyens. Malfoy aurait dû se sentir flatté.
« Draco, tu n'as rien ? » demanda immédiatement Nymphadora, en avançant de quelques pas.
Severus lui attrapa le bras de la main qui tenait sa baguette et la ramena vers le seuil, scrutant les trop nombreux recoins sombres où un second serpent aurait pu se dissimuler.
« Qu'est-ce que tu fais là ? » répondit Malfoy, presque en même temps.
S'étant probablement rendu compte que tout danger n'était pas écarté, l'Auror se retrancha dans le couloir. « J'étais… euh… en patrouille. »
Nott leva des sourcils dubitatifs, le regard rivé à la main du Directeur de Maison qui agrippait toujours le bras de la jeune femme. Zabini, lui aussi, parut le remarquer. Crabbe et Goyle n'aurait pas remarqué un hippogriffe dansant la gigue devant eux.
Quant à Draco, ses yeux gris passaient de l'un à l'autre avec suspicion…
Severus coupa court à toute élucubration en lâchant finalement la jeune femme, inspectant toujours du regard le sol du dortoir.
« Que s'est-il passé ? » exigea-t-il de savoir.
Les garçons s'entre-regardèrent, avec franche hostilité pour certains.
« Visiblement, quelqu'un a perdu un animal de compagnie exotique. » expliqua Draco, non sans sarcasme. « Dans mon lit. »
Le visage du Maître des Potions se durcit. « Je présume qu'aucun de vous n'a été blessé ? »
« Non. » confirma Zabini. « Encore que ce n'est pas grâce à Draco. Un protego maxima, vraiment ? »
« Oh, parce que confringo était une meilleure idée, peut-être ? » rétorqua ce dernier, vexé.
Merlin le préserve des adolescents…
« Qui a eu l'idée du sort de confinement ? » les interrompit-il.
« Moi. » se rengorgea Nott.
Il n'était pas surpris.
« Dix points pour Serpentard. » le récompensa-t-il. « L'un de vous, idiots, a-t-il songé à jeter un sort de détection ou bien est-il possible que vous vous teniez tous au milieu d'un vivier de serpents mortels ? »
« Je ne détecte rien. » intervint Nymphadora, l'air crispé. « Mais ce ne serait pas très difficile d'interférer avec ce genre de sorts… »
Il inspecta les visages des cinq adolescents regroupés à l'autre bout de la pièce, prenant son temps pour les toiser tour à tour. « Lorsque j'aurais trouvé le coupable, il regrettera amèrement cette petite… plaisanterie. J'espère donc qu'il n'est pas dans cette pièce. »
Crabbe et Goyle étaient trop bêtes. Zabini trop attaché à Malfoy. Quant à Nott…
Nott n'était pas assez idiot pour lâcher un animal sauvage et venimeux dans son propre dortoir.
Il fit apparaître un Patronus, peu enclin à envoyer Nymhadora seule jusqu'à la cheminée dans la salle commune au cas, certes improbable, où il y avait bel et bien d'autres animaux, et prévint Dumbledore qu'il avait besoin d'aide.
Ils allaient devoir fouiller la salle commune et les dortoirs.
Le temps que Nymphadora et lui aient terminé d'examiner chaque centimètre carré de la pièce – et si elle s'amusa visiblement beaucoup de la collection de magasines que Goyle gardait sous sa table de nuit, il trouva la chose beaucoup moins drôle et lui enjoignit une retenue simplement pour lui apprendre à mieux cacher sa contrebande – ainsi que la salle de bain attenante, Albus débarquait avec Charlie et Anthony.
Le Directeur ne paraissait pas plus heureux que lui d'être tiré du lit pour ce genre d'incident et ne manqua pas de le faire sentir.
Il leur fallut des heures pour s'assurer que l'endroit était entièrement sûr.
Ils fouillèrent la salle commune puis y rassemblèrent les garçons de cinquième année avant de procéder minutieusement, dortoir par dortoir, envoyant les élèves grossir le groupe dans la salle commune au fur et à mesure.
Il fallait vérifier chaque recoin, les canalisations, les creux dans le mur là où les pierres humides s'effritaient…
Et chercher des indices.
L'aube pointait lorsqu'ils s'estimèrent tous satisfait.
Anthony et Charlie avaient depuis longtemps évacué le mamba noir.
Albus achevait d'apposer de nouvelles protections visant à tenir hors de la salle commune tout animal possiblement venimeux.
Draco se tenait très à l'écart de ses camarades, appuyé contre le chambranle de la cheminée, les bras croisés, toisant le reste de leur Maison avec dédain, l'effet à peine diminué par la robe de chambre épaisse qu'il avait enfilé. Zabini, les sœurs Greengrass, les jumeaux Sywent et Jones s'étaient plus ou moins regroupés autour de lui. Le contingent Serpentard de la fameuse Armée de Dumbledore, devina-t-il.
La ligne de démarcation entre ces élèves et les autres était nette.
Et Severus était on pouvait plus furieux.
Il fit les cents pas devant ses serpents, frappant le sol de sa canne à chaque pas, fusillant du regard ceux dont il soupçonnait la présence d'une Marque sur leur avant-bras.
« Ce qui s'est passé cette nuit ne se reproduira pas. » cingla-t-il, finalement, brisant le silence hostile qui était tombé sur la pièce. « Les Serpentards ne se déchirent pas entre eux. »
Quelqu'un ricana.
Un garçon.
Mais Severus ne repéra pas qui.
Il ouvrit la bouche, décidé à leur rappeler pourquoi il était le Professeur le plus craint de Poudlard, lorsque Nymphadora perdit visiblement le peu de calme qu'il lui restait. Il l'avait vue se faire violence pour ne pas examiner Draco elle-même, afin, certainement, d'épargner sa dignité, mais il l'avait aussi vue se mettre progressivement en colère lorsqu'ils avaient inspecté les dortoirs des premières années et que les enfants avaient eu l'air, de manière très justifiée, terrifiés à l'idée de finir en nourriture pour serpent venimeux.
La jeune femme le dépassa pour mieux se camper devant ses élèves, mains sur les hanches. Ses cheveux d'un noir de jais tombaient sur ses épaules et ses yeux gris semblaient lancer des éclairs.
« On n'envoie peut-être plus les criminels à Azkaban. » lâcha-t-elle. « Mais, croyez-moi, les oubliettes qu'on a remises en service sous le Ministère ne sont pas beaucoup plus agréables. Certes, il n'y a pas de Détraqueurs, mais il y a tout un tas de sortilèges aux effets… intéressants. Le Ministère froncerait les sourcils sur l'utilisation de ce genre de magie, d'habitude, mais nous sommes en guerre et, en temps de guerre, on utilise toutes les ressources à notre disposition. Et devinez qui décide quel criminel a la chance d'aller dans ces cellules ? » Elle attendit une seconde une réponse qui ne vint pas. « Le Chef du Département des Aurors et son adjoint. Vous savez qui je suis ? »
Les élèves s'agitèrent légèrement.
« Sang-de-Bourbe. » chuchota quelqu'un dans la foule.
Pas suffisamment bas et pas suffisamment discrètement.
Severus leva sa baguette et un des septièmes années décolla de son fauteuil pour mieux se retrouver plaqué au mur par le col de son pyjama, ses jambes battant le vide.
« Qu'avez-vous dit, Rowle ? » siffla-t-il, de son ton le plus dangereux. Il approcha lentement de son élève, sans manquer la manière dont tous les autres s'empressèrent de s'écarter de son chemin. « Comment l'avez-vous appelée ? »
Rowle le défia du regard une dizaine de secondes puis détourna sagement les yeux, perdant de sa morgue. « J'ai dit qu'elle est une Auror. »
« Est-ce là ce que vous avez dit ? » railla-t-il. « Je vous conseille de surveiller votre langage en ma présence. Vous vous apercevez que je suis moins tolérant que par le passé de certaines tendances. »
Traître.
Personne n'eut besoin de prononcer le mot pour qu'il flotte dans l'air.
Il abaissa sa baguette, laissant Rowle tomber lourdement au sol, pour mieux faire face au reste de sa Maison. « À titre indicatif, Miss Tonks n'est pas seulement une Auror, elle est l'une des deux Aurors qui peuvent décider de vous jeter dans une des oubliettes du Ministère et de faire en sorte que personne ne se souvienne de votre existence. La contrarier serait… mal avisé. »
Loin de protester, Nymphadora tapota sa baguette contre la paume de son autre main, ignorant les étincelles qui s'en échappèrent. « Je suis aussi la tutrice de Draco Malfoy. »
« Oh Merlin, achevez-moi. » marmonna l'ingrat en question.
Zabini et l'ainée des Greengrass, au moins, semblaient amusés par le spectacle.
L'Auror l'ignora, se contentant d'adresser au reste de la Maison Serpentard un de ses sourires habituellement chaleureux. Celui-ci manquait singulièrement de douceur toutefois. Il était plutôt carnassier.
« S'en prendre à lui, c'est s'en prendre à moi. » termina-t-elle, très sérieusement.
Severus se demanda s'il pouvait convaincre Black de véritablement lui abandonner son titre.
Elle aurait fait une fabuleuse Lady Black.
Narcissa aurait probablement été fière.
Elle les toisa tous avec une condescendance que lui aurait envié un Sang-Pur.
Ce n'était pas une part de sa personnalité qui ressortait souvent mais il ne pouvait nier que cela lui faisait un certain… effet.
« Je pense que tout est dit. » déclara joyeusement Albus, en apparaissant dans leur dos, venu d'il ne savait où. « Je rajouterai également, si vous me le permettez, Professeur Snape, que bien que je n'ai jamais suggéré un examen approfondi destiné à déterminer si certains élèves arboraient des… tatouages condamnables, la chose n'est pas hors de question. Tant que Poudlard demeure une école, je suis disposé à garder la guerre à l'extérieur. Néanmoins, si la guerre se glisse à l'intérieur du château… » Le Directeur laissa sa phrase en suspens quelque minutes puis frappa dans ses mains. « Allez-vous recoucher, à présent, j'avertirai les Professeurs que les Serpentards sont dispensés de la première heure de cours ce matin. » Severus fût tenté de lui demander si cela valait pour les enseignants car il n'aurait, personnellement, rien eu contre quelques heures de sommeil. Il était trop tard pour ça, sans doute. « Draco, un mot, je te prie. »
Draco ne bougea pas alors que le reste des élèves retournaient dans leur dortoir respectif, dans un brouhaha de chuchotements et de protestations indignées.
À la seconde où le dernier eut disparu dans l'escalier, Nymphadora se jeta presque sur l'adolescent. « Tu es sûr que tu n'as rien ? »
« Non. » grommela le garçon. « Étais-tu obligée de faire tout un spectacle ? »
« Personnellement, j'ai trouvé la chose plus impressionnante que malvenue. » intervint Severus, avec un regard sévère. « Cela devrait donner à réfléchir à vos camarades et vous devriez lui témoigner un peu plus de gratitude. »
« Je me fiche de sa gratitude. » rétorqua Nymphadora. « J'aimerai juste qu'il reste en vie jusqu'à la fin de l'année. »
« Nous l'aimerions tous. » déclara Albus, dans un soupir. « C'est pourquoi je pense que le moment est venu de te changer de dortoir. »
« Non. » protesta immédiatement Draco. « Non, je refuse de les laisser gagner. »
Severus se pinça l'arrête du nez.
Parfois, il se demandait si lui et Harry avaient conscience de se ressembler autant.
« Préférez-vous leur donner la satisfaction de vous tuer ? » ironisa-t-il.
« Je ne suis pas sans défense. » rétorqua le gamin, avec arrogance.
Secouant la tête, il se tourna vers le Directeur. « Albus. »
Dumbledore observa Draco un long moment, la bouche pincée, l'air pensif puis soupira. « Soit. »
« Albus. » répéta-t-il, avec un agacement certain.
« Je ne suis pas d'accord. » contra Nymphadora. « Severus a raison. Ça devient trop dangereux et… »
« Draco est parfaitement capable de déterminer par lui-même s'il est ou pas à même de gérer la situation. » l'interrompit le Directeur.
Severus ne cacha pas un bruit irrité. « Draco a seize ans et, comme tous les adolescents de seize ans, se croit beaucoup plus fort qu'il ne l'est. »
Le garçon s'outragea mais personne ne lui prêta attention.
« Vous êtes à portée de main, au besoin, Severus. » contra Albus. « Et si la situation évoluait défavorablement ou si Draco changeait d'avis, nous réévaluerons. » D'un geste du menton, il désigna l'escalier qui s'enfonçait dans l'obscurité. « Va te coucher, à présent. »
Trop heureux d'obtenir ce qu'il voulait, le gamin ne se fit pas prier.
Nymphadora et Severus emboitèrent le pas au Directeur par réflexe alors qu'il les menait hors de la salle commune, restant sourd à leurs arguments.
« Je suis certain que Miss Tonks les a effrayés pour un petit moment. » finit-il par couper court, alors qu'ils quittaient les cachots. « C'était très impressionnant, ma chère. »
Elle leva les yeux au ciel. « Ma mère est une Serpentard, vous vous souvenez ? J'ai grandi avec ce genre de discours grandiloquents. Et puis, certaines personnes ont une mauvaise influence. »
Il fallut plusieurs secondes à Severus pour comprendre qu'elle parlait de lui. Et plaisantait. Sans doute.
« Ou une excellente influence, au contraire. » riposta-t-il, peut-être un peu sur la défensive. « Je te ferais remarquer que tu es beaucoup moins maladroite depuis que tu assumes pleinement ta puissance au lieu de prétendre être une petite chose timide. »
Elle fronça les sourcils. « Je n'ai jamais été timide. »
« Question de point de vue. » décréta-t-il.
Timide n'était peut-être pas le bon mot. Timorée aurait sans doute été plus exact.
Elle n'avait peut-être jamais eu de problèmes à imposer sa présence ou à créer des liens avec des gens mais elle avait aussi toujours paru heureuse de suivre les ordres et s'était cantonnée à une magie basique, à des sorts étriqués et à une idée préconçue d'elle-même qui était en accord avec ce qu'on attendait d'une bonne Auror typique du Ministère.
Elle s'était auto-imposée des limites ridicules qui l'avaient empêchée d'atteindre son potentiel, tout en refusant de se conformer à ces limites en se parant de tenues exubérantes et de couleurs de cheveux improbables.
Et, peut-être y serait-elle parvenu naturellement dans plusieurs années, elle était, après tout, encore très jeune, mais il ne pouvait nier une certaine fierté à la voir s'épanouir dernièrement. Il sentait les changement à chaque fois qu'elle jetait un sort important près de lui. Sa magie était devenue plus stable, plus forte… Plus mature.
Ce qui n'était pas aussi évident de son caractère, à l'instant.
« Mon point de vue, là tout de suite, c'est que tu es grincheux. » rétorqua-t-elle.
« Et toi insupportable. » riposta-t-il, sans véritablement le penser. Elle avait simplement le don, parfois, de…
« Allons, allons, mes enfants… » intervint Albus, visiblement très amusé par leur joute verbale.
Severus fût presque surpris de le trouver encore là, tant il avait été concentré sur elle.
Se sentant pris en faute, il occluda rapidement sans parvenir à cacher son embarras.
Nymphadora, elle aussi, baissa les yeux, les joues rouges, mais pas sans lui jeter un regard en coin et un sourire un peu espiègle.
Insupportable, songea-t-il à nouveau, avec beaucoup trop d'affection.
« Je suggère d'ajouter les mêmes protections contre les animaux venimeux à toutes les salles communes. » déclara-t-il, s'efforçant de se concentrer sur ce qui était le plus important et pas la manière ridicule dont son cœur s'emballa lorsque la main de Nymphadora frôla, pas si accidentellement, la sienne alors qu'ils montaient les escaliers qui menaient au premier étage.
« J'en toucherai un mot à Pomona, Filius et Minerva au petit-déjeuner. » acquiesça Albus. « Il me semblerait également judicieux de renforcer les protections sur vos appartements et vos deux bureaux du même enchantement, Severus. »
« Je m'en occuperai tout à l'heure. » promit-il, car il était hors de question qu'Harry y soit moins qu'en totale sécurité.
« Et comment s'est passé votre entrevue avec Remus, hier soir ? » demanda le vieux sorcier, changeant complètement le sujet. « Êtes-vous parvenu à une conclusion sur la potion ? »
Il n'avait pas eu le temps de seulement jeter un œilsur le carnet que Nymphadora lui avait rendu.
« Eh bien… » commença-t-il, sans trop savoir comment il comptait terminer sa phrase.
Ce fût probablement heureux que Minerva débarque au pas de charge alors qu'ils atteignait la statue qui marquait l'entrée du bureau du Directeur.
Ou peut-être pas si heureux vu son air pâle.
« Albus, je vous cherchais partout… » lança-t-elle, de l'autre bout du couloir. « La Marque des Ténèbres… »
« Où ça ? » demanda le vieux sorcier.
« Devant Poudlard. » murmura la Directrice des lions, la voix nouée. « Devons-nous sonner l'alarme ? »
S'ils déclenchaient le plan d'évacuation sur une fausse alerte, les Mangemorts en déduiraient la teneur et ils perdraient l'effet de surprise de la sphère de Troie, aurait voulu contrer Severus. Toutefois… C'était peut-être un sacrifice nécessaire pour s'assurer que les enfants soient en sécurité.
« Ce n'est pas une coïncidence. » lâcha Nymphadora, sourcils froncés. « Une attaque dans les cachots et maintenant la Marque ? »
« Une attaque dans les cachots ? » releva Minerva, en examinant le Maître des Potions des pieds à la tête avec inquiétude.
« Un serpent venimeux dans les dortoirs des cinquièmes années. » expliqua-t-il rapidement. « Très grossier stratagème. »
« Mais qui aurait très bien pu se finir en drame. » insista l'Auror.
« Severus, Tonks, avec moi. » décréta soudain le Directeur. « Minerva, rassemblez les Professeurs et tenez-vous prêts à lancer l'évacuation si je vous l'ordonne par Patronus. Pour l'instant, verrouillez les salles communes et assurez-vous que tous les élèves soient où ils doivent être. »
Severus emboîta le pas au Directeur, tentant au mieux de le pas se laisser distancer, et espéra que Black avait suffisamment récupéré pour donner le change.
Encore que, si une armée de Mangemorts était à leur porte, le secret était le dernier de leur soucis.
