Enjoy & Review
« Younger witches always thought they wanted adventure. They dreamed of bloody battles, secret missions, and noble sacrifices. They were never prepared for what came after—injuries that ached more every year, nightmares that never ended, and the guilt, festering like a wound, fed by memories of friends killed in an act of mercy because the healers always arrived too late or never at all. »
The Ones We Burn – Rebecca Mix
« Les jeunes sorcières pensaient toujours vouloir partir à l'aventure. Elles rêvaient de batailles sanglantes, de missions secrètes et de nobles sacrifices. Elles n'étaient jamais préparées à ce qui venait ensuite : les blessures qui faisaient davantage souffrir d'année en année, les cauchemars qui ne disparaissaient jamais, et la culpabilité qui s'envenimait comme une plaie, nourrie par les souvenirs des amis achevés dans un acte de compassion parce que les guérisseurs arrivaient toujours trop tard ou pas du tout. »
The Ones We Burn – Rebecca Mix
Chapitre 56 : What Came After
Sirius cherchait à rejoindre Harry qui peinait lui-même à se frayer un chemin à travers les combats lorsque, tout à coup, les Mangemorts refluèrent comme sous un ordre silencieux.
Il ne se donna pas l'opportunité de s'étonner ou de s'inquiéter. Du coin de l'œil, il avait vu Dumbledore relayer McGonagall avec les armures or ces armures avaient faits plus de dégâts qu'il n'y paraissait. Au loin, Hagrid et son demi-frère achevaient de nettoyer le parc à grands coups de bras ou de parapluie rose, Molly et ses troupes paraissaient être parvenues à repousser les Détraqueurs, le château ne crachait plus de Mangemorts…
Aussi fou que cela puisse paraître, aussi improbable, il semblait que la victoire leur était acquise.
Mais le silence qui tombait lentement sur le champ de bataille…
Le silence était effrayant et peu naturel.
Sans perdre Harry des yeux, il vit Dumbledore avancer au centre, devant tout le monde…
« Eh bien, Tom, nous voilà dans une impasse. » lâcha le Directeur, avec davantage de haine rentrée qu'il ne lui en avait jamais entendue.
Et soudain…
Dans ce silence…
« Papa ! » hurla Harry avec un déchirement évident, la voix rauque et brisée.
Sirius sprinta plus vite et parvint à l'attraper juste au moment où le garçon allait s'élancer à travers le no man's land qui s'était formé entre les deux armées.
Droit sur Voldemort.
Et sur Severus qui flottait dans les airs juste derrière lui, prisonnier d'un quelconque sortilège.
« Papa ? » répéta le mage noir, d'un ton moqueur, en jetant un coup d'œil à son ancien Mangemort par-dessus son épaule. « M'aurais-tu caché d'autres informations importantes, Severus ? Cela expliquerait pourquoi tu étais si désespéré de me voir épargner ta Sang-De-Bourbe, à l'époque… »
« Papa ! » s'égosilla à nouveau Harry, visiblement fou d'inquiétude.
« Il va vraiment falloir m'expliquer ce développement. » plaisanta Voldemort. « Mais si tu veux récupérer ton… père, Harry, tu sais où me trouver. Je suis tout disposé à faire un échange et je ne compte pas le tuer tout de suite. Ce sera une longue, longue agonie pour lui… On ne trahit pas impunément Lord Voldemort. »
Le Gryffondor se débattait si fort que Sirius peinait à le retenir mais il se laissa pas fléchir, ne se laissa pas prendre par surprise ce coup-ci. Malgré les coups, malgré les tentatives de l'adolescent pour ruer ou mordre, il garda les bras fermement crochetés autour de sa taille.
« Harry, calme-toi… » supplia-t-il. « Harry… »
Et puis quelqu'un les rejoignit, se plaça devant le garçon, aida Sirius à le maîtriser. Harry se débattit d'autant plus mais l'Animagus croisa le regard éteint de Minerva McGonagall avec reconnaissance. La sorcière était échevelée, épuisée et avait visiblement vécu des jours meilleurs.
Harry, en revanche, était comme possédé, il se débattait, criait, et Sirius n'entendit rien du petit échange entre Dumbledore et Voldemort, n'en comprit rien…
Tout ce qui comptait, c'était empêcher son filleul de faire quelque chose de stupide.
Même à deux, ils peinaient.
Ce fût la raison pour laquelle il fût si heureux de sentir la présence familière dans son dos, de sentir d'autres bras venir enlacer l'adolescent… Il rencontra le regard déterminé de Remus, s'autorisa à relâcher légèrement ses muscles crispés en sachant que le loup-garou compenserait…
« Sirius… »
C'était un sifflement, à peine un murmure, qui ne porta que par miracle.
Il leva la tête vers Severus qui était dans un état… Couvert de boue, de sang et d'il ne savait quoi d'autre, les robes déchirées par endroits… Il était évident que le Maître des Potions avait vendu chèrement sa peau.
La gorge nouée par un étau, peinant à croire que quelques heures plus tôt à peine ils avaient plaisantés ensemble comme des gamins, Sirius se força à rester fort. Pour Harry. Tout pour Harry. « Sur ma vie. »
Cela sembla suffire à son ami.
Mais pas à Harry qui s'époumonait comme un dément.
°O°O°O°O°
Albus était gelé.
Ce n'était pas l'eau glacée qui ruisselait sur le domaine et trempait tout le monde jusqu'aux os, c'était le trou qu'avait laissé l'âme de Gellert en passant le voile. C'était l'absence d'Abelforth sur le champ de bataille. Il n'avait pas encore aperçu son frère, ne savait pas si… Kingsley avait laissé entendre que… Mais tant qu'il ne l'aurait pas vu, ce ne serait pas réel.
Alors Albus se contentait d'être gelé, de jouer le rôle que la communauté magique attendait de lui.
Lorsque les Mangemorts refluèrent sous l'ordre silencieux de Lord Voldemort, il avança au-devant de ses propres troupes pour l'échange attendu de phrases cinglantes et de mots d'esprit.
Mais lorsqu'il atteignit la limite du no man's land qui s'était formé entre les deux armées, ce fût pour apercevoir un Voldemort à l'air heureux – trop heureux pour quelqu'un qui venait de perdre une bataille. Et derrière lui, flottant dans les airs, trop faible pour seulement lutter contre le sort qui le retenait prisonnier…
Comme quoi, son cœur n'était pas encore tout à fait brisé parce qu'il se serra à exploser à la seconde où il vit Severus, sachant d'avance que c'était cause perdue, que l'homme avait beau toujours respirer, il était déjà mort. Parce qu'ils ne pourraient pas partir à son secours.
« Eh bien, Tom, nous voilà dans une impasse. » lâcha-t-il, sans parvenir à y mettre le flegme qu'il l'aurait souhaité.
« Dumbledore. » répondit le mage noir, avec bien trop de jubilation. « C'est gentil à toi de cesser de te cacher dans ton château pendant que tes hommes meurent pour le défendre… »
Quelque part sur sa droite, quelqu'un fusa comme un boulet de canon, s'avançant dans le vide entre les deux armées…
« Papa ! » hurla Harry, uniquement pour être trainé en arrière par Sirius. L'Animagus peina à le retenir, alors même que Voldemort s'esclaffait.
« Papa ? » se moqua Tom, non sans un regard vers son ancien espion. « M'aurais-tu caché d'autres informations importantes, Severus ? Cela expliquerait pourquoi tu étais si désespéré de me voir épargner ta Sang-De-Bourbe, à l'époque… »
De mal en pis, songea Albus.
« Papa ! » s'égosilla à nouveau Harry, en se débattant comme un beau diable pour échapper à son parrain.
Plus inquiétant, Severus réagissait à peine.
Il croisa brièvement le regard d'Albus, semblait déterminé à ne pas regarder vers Harry…
Le vieux sorcier comprenait.
Il voulait rester digne, garder un dernier souvenir de son fils qui ne soit pas celui-là, offrir une image calme au garçon…
Alors il soutint son regard aussi longtemps qu'il lui fût donné, pendant que Tom monologuait, tâchant de lui transmettre courage, force et calme, lui-même.
« Il va vraiment falloir m'expliquer ce développement. » ricana Voldemort. « Mais si tu veux récupérer ton… père, Harry, tu sais où me trouver. Je suis tout disposé à faire un échange et je ne compte pas le tuer tout de suite. Ce sera une longue, longue agonie pour lui… On ne trahit pas impunément Lord Voldemort. »
Albus sentit plus qu'il ne vit Minerva se détacher du groupe derrière lui, aller prêter main forte à Sirius pour retenir le garçon qui hurlait et hurlait…
Chaque cri transperçait le cœur d'Albus comme une flèche acérée.
Peut-être parce que lui aussi aurait voulu hurler avec autant d'abandon.
« Je pense qu'il est temps que tu partes, Tom. » déclara-t-il froidement. « Il me semble que nous avons prouvé que Poudlard ne tomberait pas aussi facilement entre tes mains. »
Il s'attendait à ce que son égo soit froissé, à ce qu'il réplique… Au lieu de ça, des petits rires résonnèrent dans les rangs des Mangemorts et Voldemort inclina la tête sur le côté, ses yeux rouges brillant d'un amusement plein de morgue.
« Tu te fais vieux, Dumbledore. » répondit gaiment le mage noir. « Si j'avais voulu Poudlard, je l'aurais prise. Cela viendra mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, j'ai déjà gagné la guerre. »
Et ce fût à ce moment là que l'évidence lui sauta au visage.
Greyback se tenait près du mage noir, Pettigrow n'était pas loin…
Mais Lucius ? Bellatrix ? Les autres Mangemorts plus âgés ? Il voyait bien Crabbe Senior mais…
Il pâlit soudain.
Il avait fait une erreur.
Une terrible, terrible erreur…
Le sourire de Voldemort était effrayant.
« Black… » murmura Severus, dans le silence qui s'ensuivit, uniquement brisé par les hurlements d'Harry.
« Sur ma vie. » répondit Sirius, à peine audible à travers les cris du garçon.
« Amuse-toi bien à tenter de sauver ce qu'il reste, Dumbledore. » se moqua Voldemort. « Mais sache que vous ne survivez que parce que je l'autorise. Ma magnanimité aura un terme, cependant. Un jour ou l'autre, je reviendrai vous écraser du talon. Vous avez perdu. » Il tourna la tête vers l'adolescent qui criait à s'en arracher la gorge. « Harry, tu sais où me trouver si tu veux être un peu plus courageux que ton Directeur et tenter ta chance. »
Et puis, dans une série de craquements, les Mangemorts disparurent, le laissant à la tête d'une armée défaite et blessée.
« Kingsley ! » appela-t-il immédiatement.
Le Chef du Département des Aurors claudiqua jusqu'à lui. Il aurait davantage eu sa place à l'infirmerie mais…
« Rassemblez tous les Aurors toujours en état de se battre. » ordonna-t-il. « Au Ministère ! » Il n'attendit pas de voir si l'homme obéissait à ses ordres, il rejoignit l'endroit où Harry était tombé à genoux, toujours retenu par ses geôliers bienveillants. Il aurait voulu avoir le temps de dispenser réconfort et compassion mais… « Minerva ! » Sa sous-directrice leva la tête, des larmes silencieuses se mêlant à la pluie qui ruisselait sur son visage. « Trouvez les autres Directeurs de Maisons, rétablissez les protections de Poudlard. Ne fignolez pas, l'important c'est qu'elles soient actives, je m'occuperai de les ajuster en revenant. Remus, veillez à rassembler les blessés et organisez des patrouilles en attendant que les protections soient à nouveau fonctionnelles. Sirius, prenez tous les membres de l'Ordre encore vaillants, faites le tour du château, retournez chaque pierre et retrouvez-moi nos élèves. Ah, l'espion… »
« Anthony. » répondit Sirius, d'un ton plat. « Capturé. Charlie était sous Impérium, je ne sais pas où il est. »
« Charlie est à l'infirmerie. » ajouta Remus. « Mais, Albus… »
« Faites ce que je vous ai dit. » rétorqua-t-il. « Minerva, quand vous aurez dressé les protections, faites le tour du château, assurez-vous que la structure est stable au niveau des explosions et que tous les incendies sont éteints. »
Il se détourna, ne s'autorisant pas à s'attarder, sachant qu'ils sauraient gérer en son absence.
Kingsley avait déjà transplanné avec ses Aurors, nota-t-il.
Il savait déjà ce qu'il allait trouver.
Il savait.
°O°O°O°O°
Sa gorge était à vif et ses cris se turent mais ils résonnaient toujours à ses oreilles.
Il était à genoux, dans la boue, des bras autour de lui mais aucun qu'il ne désirait vraiment.
Il tremblait. De froid, de…
McGonagall fût la première à le lâcher, puis Remus…
Sirius l'avait attiré plus près, comme si…
Dumbledore avait terminé de parler mais Harry n'en avait pas entendu un mot. Il le vit se détourner, le vit…
D'un coup d'épaule dans le plexus de Sirius – un mouvement que lui avait appris Tonks en plaisantant, un matin, après le petit-déjeuner Tonks qui était morte – il se détacha et, glissant et trébuchant à moitié sous les exclamations de ceux qui voulaient le retenir, il courut à la suite du Directeur, attrapant à pleines mains ses robes bariolées.
« Il faut partir à leur poursuite ! »
Il avait voulu crier mais sa gorge ne le permettait plus. Chaque mot était douloureux, comme s'ils râpaient sur du papier de verre.
Dumbledore le regarda avec compassion et tristesse.
La réponse était dans ses yeux bleus.
Il n'eut pas le temps de supplier davantage. Sirius était à nouveau dans son dos, si près, comme s'il craignait qu'Harry ne s'échappe… Il n'avait pas tort.
Le Directeur plaça une main sur son épaule et serra. « Sois courageux, Harry. C'est ce qu'aurait voulu Severus. »
Le temps employé fût une claque en plein visage.
« Il n'est pas encore mort. » siffla-t-il.
Dumbledore croisa le regard de Sirius par-dessus lui, comme s'il n'était qu'un enfant qui ne valait pas d'être écouté, et, sans un mot, s'éloigna à nouveau pour transplanner.
Autour d'eux, les gens commençaient à ramasser les blessés, à…
Il se tourna vers Sirius. « On peut… »
« Non. » le coupa l'Animagus, en secouant la tête, l'air triste. « Je suis désolé, Harry. Non, on ne peut pas. »
« Il le ferait pour nous et tu le sais très bien ! » rétorqua-t-il.
Sirius prit une profonde inspiration puis s'agenouilla à même le sol boueux pour mieux lui attraper les épaules, pour mieux le forcer à le regarder en face. « Il le ferait pour toi. Parce que c'est ton père et qu'il t'aime. Mais il ne le ferait pas pour moi parce qu'il sait très bien que je préfèrerai mourir plutôt que de te laisser seul sans personne pour veiller sur toi. Il a été très clair avec moi, Harry. Et je suis désolé… Je suis tellement, tellement désolé. Crois-moi, s'il y avait une chance… Mais Azkaban est imprenable, je le sais mieux que personne. Une mission de secours ne se terminerait qu'en plus de morts pour nous. »
Harry secoua la tête. « Tu as entendu Voldemort ! Il ferait un échange ! Il… »
« C'est ça ton plan ? » se moqua tristement Sirius. « Échanger ta vie contre celle de Severus ? C'est la dernière chose qu'il voudrait. On ne peut rien faire pour lui, Harry… Mais on peut aider les gamins qui sont perdus ou blessés. Tu veux m'aider à les aider ? »
L'adolescent tourna la tête vers l'endroit où Severus s'était tenu quelques minutes plus tôt, prisonnier du sort. « Je veux… Non, je… »
« Je ne te laisse pas vraiment le choix. » soupira son parrain. « Je ne te fais pas confiance pour ne pas t'enfuir. Tu restes avec moi. Si je dois te jeter un sort comme à un gamin de trois ans pour m'assurer que tu ne t'éloignes pas, je le ferai, alors… Évitons-ça, d'accord ? »
Un regard à Sirius prouva qu'il allait le faire pour de vrai.
Quel autre choix avait-il ?
Il hocha la tête.
Jouer le Gryffondor ne l'aiderait pas là tout de suite.
Non…
Là, tout de suite, il devait être un Serpentard.
°O°O°O°O°
Albus arriva sur les lieux quelques minutes après Kingsley et le rejoignit au bord de ce qui s'apparentait à un cratère. Le pâté de maison entier semblait s'être écroulé. De la poussière volait encore dans l'air, recouvrant tout et tout le monde… Les Aurors étaient déjà au travail mais les premiers secours et les forces de l'ordre Moldus aussi. Et…
« Nous ne pouvons pas contenir ça… » lâcha Kingsley, son œil gauche fermé par la plaie qui le barrait. Il pressait une main contre son flan. Il aurait sans doute dû voir un Médicomage. « Je n'ai plus assez d'Aurors… J'ignore où sont les Langues-de-Plombs… Je ne peux pas… Le nombre d'Oubliettes qu'il faudrait jeter… »
Après Cardiff…
Était-ce un mal pour un bien ? S'ils écrivaient aux Ministères de la Magie étrangers, les convainquaient que Voldemort était un danger pour le statut du secret… Mais ce serait la fin de la communauté magique du Royaume-Uni. Si les puissances étrangères venaient se mêler de leur politique, ils mettraient un pantin à leur tête et…
« Concentrons-nous sur les survivants. » répondit Albus. « Fouillons les décombres, camouflons les artefacts magiques que nous ne pouvons récupérer… »
Pratiquement tout avait été déplacé à Gringotts. Tout ce qui pouvait quitter le Ministère, du moins. Et ce qui ne le pouvait pas…
« Il n'y a pas de survivants. » murmura Kingsley.
Albus tourna la tête vers lui. « C'est impossible. Il y avait… »
« Des centaines d'employés. » termina le Chef des Aurors pour lui. « Un de ceux qui sont parvenus à se sauver vient de me contacter. Les seuls qui ont survécu sont ceux qui sont parvenus à transplanner. »
« Rufus ? » s'enquit-il, en portant une main à son front.
Il ne pleuvait pas, à Londres, mais, en un sens, Albus aurait presque préféré.
Cela aurait un peu voilé la détresse sur le visage de son ami.
« Le Ministre aurait été le dernier à partir. » annonça Kingsley. « Il n'aurait jamais accepté de se sauver tant qu'il restait des innocents à l'intérieur. » Le sorcier déglutit avec difficulté. « C'est ma faute. Je l'ai laissé seul avec un nombre ridicule de gardes inexpérimentés. C'est ma faute. »
« Ce n'est pas votre faute. » protesta immédiatement Albus, en lui tapotant l'épaule. « J'aurais fait le même choix et je suis certain que Rufus aussi. » Il se racla la gorge, s'efforça de garder l'esprit clair. « Fouillons les décombres et… »
« Vous ne trouverez pas de corps, Albus. » l'interrompit l'Auror. « Le Ministère était le point central de l'explosion. Ils ont dû poser des dizaines de bombes pour obtenir ce résultat. Il a été oblitéré. Il n'y aura ni corps, ni survivants. Je doute même que quoi que ce soit dans les sous-sols ait survécu. »
« Fouillons quand même. » ordonna-t-il. « Par acquis de conscience. » Il se tourna en direction de là où s'était tenu le Ministère. « Trouvez-moi Amélia Bones. »
Amélia était à présent la Ministre de la Magie et il refusait de la laisser tomber aux mains des Mangemorts.
Il avait perdu suffisamment d'amis ce jour là.
Il repéra le Moldu qui avait l'air le plus important parmi la foule de premier secours et fit un pas vers lui uniquement pour être retenu par une main ferme sur son bras. « Vous n'allez nulle part seul, Albus. Si Bones ne s'en est pas sortie… »
« Alors, vous voilà Ministre, Kingsley. » répondit-il calmement.
Sans surprise, Kingsley secoua immédiatement la tête. « N'allez nulle part seul. » Il regarda autour de lui, sourcils froncés. « Où est Tonks ? Ça m'étonne que… »
Albus grimaça. « Elle était très mal en point la dernière fois que je l'ai vue. Je ne suis pas certain qu'elle ait survécu. »
Les yeux sombres de l'Auror s'éteignirent un peu plus mais il fit signe à une femme d'âge mûr en robes bleues. Une ancienne Auror à la retraite qu'il avait eu le plaisir d'avoir dans sa salle de classe à une époque très lointaine. « Bertha. Voulez-vous garder un œil sur le Professeur Dumbledore ? Ne le lâchez pas d'une semelle quoi qu'il dise, fasse ou ordonne. »
« Ce n'est vraiment pas nécessaire. » grommela-t-il. « C'est vous qu'il faudrait… »
« Albus. » cingla Kingsley, perdant son calme pourtant d'habitude inaltérable.
L'homme avait combattu Voldemort pendant un long moment, ce matin là, et en gardait les séquelles. Sans compter le poids des décisions à prendre duquel Albus était particulièrement familier.
Il capitula et accepta l'escorte d'un hochement de tête.
°O°O°O°O°
Emmener Harry dans les cachots avait été une idée idiote qu'il regretta à la seconde où ils trouvèrent le premier corps, non loin de la salle commune des Serpentards.
« C'est Colin. » lâcha Harry, lorsque Sirius eut retourné le petit corps qui était tombé sur le ventre.
Il chercha un pouls par acquis de conscience mais le quatrième année était déjà froid.
« Est-ce que tu peux lancer un patronus ? » demanda-t-il, en levant les yeux vers son filleul. Question idiote qu'il regretta aussitôt.
Harry haletait, les yeux dans le vague…
Crise de panique.
Il avait vu le garçon en avoir plusieurs mais…
Il se releva, enjambant Colin pour lequel il ne pouvait plus rien et attira l'adolescent dans une étreinte ferme. Que faisait Severus dans ces cas là déjà ?
Sirius n'était pas fait pour ça.
Il n'était pas fait pour…
« Respire. » exigea-t-il, en posant une main à l'arrière de la tête d'Harry. « Respire avec moi, d'accord ? De grandes inspirations. »
Mais ça ne fonctionnait pas.
Harry s'étouffait, pleurait…
Il ne fallut pas longtemps avant que Sirius ne doive l'aider à s'asseoir…
Il ne savait pas quoi faire.
Severus gérait ce genre de choses avec un tel calme, une telle facilité…
Severus était un bon père.
Sirius n'était pas fait pour la paternité.
S'il y avait eu une chance, une seule chance, qu'ils puissent récupérer le Maître des Potions… Il l'aurait tentée. En dépit de ce qu'il avait affirmé à Harry, en dépit de ce qu'aurait voulu Severus, il l'aurait tentée.
Mais il n'y avait aucune chance qu'une mission de secours aboutisse en autre chose qu'un nouveau massacre. Aucune.
°O°O°O°O°
Albus venait à peine de convaincre le responsable Moldu, à grand renfort de Legilimencie et de sortilèges, qu'il y avait eu une fuite de gaz et que lui et son équipe étaient des spécialistes à qui il fallait laisser le champ libre lorsqu'il entendit le bruit du transplannage en plein milieu de la rue.
Si le Code International du Secret Magique survivait à cette journée, ce serait un miracle.
Et il était à peine treize heures passées.
Il repéra Molly à sa chevelure rousse et la rejoignit, Bertha sur les talons.
« Molly ! » l'arrêta-t-il, en attrapant son bras. « Il vaudrait mieux… »
Mais la femme se dégagea et avança droit vers le cratère, les yeux ronds, la peau pâle. Il marcha avec elle, se tenant près… Il tâcha de la rattraper au mieux lorsque ses jambes cédèrent et qu'elle tomba à genoux dans la poussière.
« Percy ? » gémit-elle.
Albus s'accroupit auprès d'elle et l'attira contre lui sans plus s'embarrasser de pudeur. Elle s'agrippa à ses robes et enfouit son visage contre son torse, pleurant à sanglots.
Croisant le regard compatissant de Bertha, il soupira. « Voulez-vous bien vous renseigner, s'il vous plait ? S'il est parvenu à s'enfuir, il est peut-être retourné au Terrier ou chez sa petite-amie… »
« Percy Weasley, c'est ça ? » demanda-t-elle, gardant la voix basse pour que Molly ne l'entende pas par-dessus ses sanglots. Elle grimaça tristement. « Il n'aurait pas quitté le Ministre. Brave gars. »
« Renseignez-vous tout de même. » insista-t-il.
« La pendule. » marmonna Molly, en reculant légèrement sans le lâcher. « La pendule, elle me le dira si… » La sorcière s'humecta les lèvres, hocha la tête. « Je vais… Je vais au Terrier. »
« Pas seule. » contra Albus. « Ce n'est pas prudent. Demandez au moins à Bill… »
« Remus a dit que Bill et Charlie étaient à l'infirmerie. » l'interrompit-elle. « Je… Je vais au Terrier. »
Il refusait de la laisser partir seule. « Bertha, accompagnez la. »
« Mes ordres… » protesta-t-elle.
« Nous savons tous les deux que je n'ai pas besoin d'escorte. » rétorqua-t-il. « De plus, je vais rejoindre les autres et fouiller les décombres. Je ne serai pas seul. »
Bertha hésita puis capitula. « C'est vous le chef. »
La phrase avait été jetée sans y penser mais elle heurta Albus en pleine poitrine.
Il avait un peu peur qu'elle soit prophétique.
°O°O°O°O°
Harry ne voyait plus rien.
Entre les larmes, la panique et ses yeux irrités, sa vue s'était troublée. Il avait fermé les paupières, pressait les paumes de ses mains contre elles, mais cela n'aidait pas. Il voyait toujours le visage de Colin, figé dans un rictus terrifié.
C'était sa faute.
Tout était sa faute.
Malfoy l'avait bien dit : s'il avait été en bas…
Mène les en sécurité, avait exigé Severus et il n'avait pas obéi.
Et il n'avait pas réussi à le sauver non plus.
Tout le monde était mort ou allait mourir et c'était sa faute.
Il ne pouvait plus respirer.
Il sentait les mains de son parrain sur ses épaules mais…
« Circée… » murmura une voix.
« Professeur ! » s'exclama Sirius avec soulagement. « Aidez-moi ! Je ne sais pas… D'habitude, Severus… Je ne sais pas quoi faire. »
D'autres mains couvrirent celles de Sirius, le tournèrent de force. « Potter. Potter, buvez ça. »
Le goulot d'une fiole fût pressée contre ses lèvres et il avala automatiquement le contenu, reconnaissant la potion calmante au goût peu ragoûtant. Elle fit effet immédiatement et sa respiration ralentit suffisamment pour qu'il reprenne contenance mais ce n'était qu'un pansement sur une plaie béante.
Temporaire.
McGonagall, agenouillée devant lui, l'air échevelée comme il ne l'avait vue qu'une fois – une fois alors qu'elle roulait dans la poussière, la robe légèrement relevée sur ses jambes, sa dignité volée par la mort, le chat de Dumbledore – effleura sa joue de la main.
« Potter, je sais que tout ceci est très, très difficile. Croyez-moi, je sais. » déclara-t-elle, sa voix se brisant légèrement sur la fin. Elle se racla la gorge. « Mais il va falloir être courageux un petit peu plus longtemps, mon garçon. Il y a des blessés là-dessous, d'autres qui se cachent. Avez-vous cette fameuse Carte dont je fais d'ordinaire semblant de ne pas connaître l'existence ? »
Il cilla plusieurs fois puis hocha la tête, extirpant de sa poche arrière la Carte des Maraudeurs, froissée plus que de raison.
Elle la lui prit des mains. « Bien, c'est très bien. Voilà ce que vous allez faire, Potter : vous allez guider votre parrain et l'aider à sauver ceux qui peuvent encore l'être. Cela vous semble-t-il faisable ? »
Lentement, il hocha à nouveau la tête.
« Bien, très bien. » approuva-t-elle, avec un sourire forcé, en lui tendant à nouveau la carte. « Pourriez-vous me dire où est le Professeur Flitwick ? »
« Les protections ? » demanda Sirius.
Elle grimaça. « J'ai besoin des autres Directeurs de Maison. Horace et Pomona sont à l'infirmerie mais Filius ne répond pas à mes patronus. »
Harry ouvrit la Carte, dans un état second, incapable de véritablement suivre la conversation. Colin était toujours allongé là. Personne ne lui avait fermé les yeux.
McGonagall et Sirius se penchèrent sur le parchemin, en passant méthodiquement chaque coin en revue…
« Il y a trop de monde dans le château ! » râla la Directrice de Maison. « Je ne le vois pas… »
« Bill saurait peut-être… » suggéra Sirius.
L'infirmerie était le pire : un amas de points noirs où il était impossible de distinguer quelque nom que ce soit. Beaucoup bougeaient, beaucoup étaient immobiles, certains disparaissaient d'un coup…
La vieille femme secoua la tête. « Je vais tâcher de le trouver. » D'un coup de baguette, elle fit léviter le corps de Colin. « Nous avons établi une morgue temporaire dans la Grande Salle. Si vous avez besoin… Appelez un elfe. » Elle jeta un regard discret vers le garçon puis baissa la voix. « Gardez-le occupé et, pour l'amour de Merlin, Sirius, ne le perdez pas des yeux. Severus… » Elle s'interrompit, se racla à nouveau la gorge. « Vous êtes responsable de lui, à présent. »
Non, aurait voulu protester Harry, Sirius n'était pas responsable de lui parce que Severus n'était pas mort et il n'allait pas mourir, pas s'il avait son mot à dire. Mais il resta silencieux et reprit la Carte lorsque son parrain la lui tendit, en l'encourageant à se remettre à marcher.
Il se concentra sur la partie des cachots et les mena vers là où plusieurs points semblés cachés dans une salle de classe abandonnée.
Et tout en ce faisant, il s'efforça de patiemment reconstruire ses boucliers mentaux qui s'étaient écroulés.
Il n'avait pas renoncé.
Il n'allait pas renoncer.
Un Serpentard ne faisait pas de choix.
Il attendait simplement une opportunité.
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Bill avait cédé son lit à un Auror plus blessé qu'il ne l'était, refusant d'écouter les avertissements du Médicomage qui l'avait examiné. Il n'avait toutefois pas protesté la chaise que Ron lui avait trouvée et sur laquelle il l'avait forcé à s'asseoir. Lui, son frère et Hermione s'agglutinaient au chevet de Charlie, observant le chaos qui régnait à l'infirmerie. Les blessés ne cessaient d'affluer, sur leurs deux pieds ou portés par d'autres… Il y avait beaucoup d'élèves dans le tas.
La bataille avait pris fin et ils avaient, semblait-il, gagné mais des rumeurs couraient que ça n'avait été qu'une distraction pour… autre chose. Quoi, ça…
Sa tête lui faisait mal et rien que de se tenir assis lui demandait un effort – peut-être que le Médicomage n'avait pas eu tort, après tout – il n'avait pas la force d'aller demander des explications ou d'offrir son aide. Il n'était pas en état de le faire.
Ron, lui, ne cessait de se trémousser comme s'il se faisait violence pour ne pas partir en courant. Faire quoi ? Chercher leurs frères, leur sœur ou leur mère, peut-être. Bill lui avait ordonné d'attendre là avec lui, avait intimé à Hermione d'en faire de même lorsqu'elle avait déclaré qu'elle voulait aller chercher Malfoy ou Harry… Ils n'avaient pas été faciles à convaincre mais ils avaient fini par admettre que, logiquement, l'infirmerie était un bon endroit où se regrouper et que Charlie aurait peut-être à nouveau besoin qu'on lui jette un stupefix en attendant qu'un Médicomage se libère pour rompre l'Imperium et qu'il n'était pas en état de le faire.
Ron ne les aurait pas abandonnés à leur sort.
Et Hermione n'aurait pas abandonné Ron.
« Bill… »
Il leva la tête, sourit automatiquement à Andromeda avant de se souvenir…
« Tonks. » lâcha-t-il, sa voix se brisant légèrement. « Je suis… »
« Elle est là, elle a reçu un vilain coup de couteau. » s'empressa de le rassurer la sorcière, en écartant déjà d'autorité Ron pour venir agiter le bout illuminé de sa baguette devant ses yeux. « On t'a examiné ? »
« Elle est vivante ? » demanda Hermione avec espoir. Des larmes lui échappèrent et Ron l'attira contre lui, sans sembler y penser, déposant un baiser rassurant sur le haut de sa tête.
Andromeda adressa un sourire tendu à le jeune fille. « Elle n'est pas encore sauvée. Elle a perdu beaucoup de sang mais elle est en bonne voie. »
« Charlie ne voulait pas. » intervint son plus jeune frère, la voix tremblante. « Il était sous Imperium. Ce n'est pas sa faute. »
La Médicomage marqua un temps d'arrêt, son regard dérivant vers le meilleur ami de sa fille, étendu sur le lit. « Charlie ? »
« C'est Charlie qui l'a poignardée. » expliqua Bill, en s'humectant les lèvres. « Mais il n'était pas en contrôle de lui-même, Mrs Tonks. Son fiancé le tenait sous Imperium. »
La sorcière déglutit péniblement, ferma les yeux une seconde, puis prit une profonde inspiration avant de jeter sur lui un sort de diagnostic. « Tu as un joli traumatisme crânien. Tu devrais être dans un lit, Bill. »
« Charlie… » protesta-t-il, en attrapant la main de son frère. Il avait empoché sa baguette, par plus de sûreté.
« Très bien. » soupira-t-elle, en jetant un coup d'œil à la jeune fille. « Hermione, c'est ça ? Veux-tu aller me chercher une potion de Sommeil-sans-rêve, s'il te plaît ? Et une dose de Poussos, tant que tu y est. »
Hermione acquiesça et partit en direction de la réserve à potions d'où entraient et sortaient un ballet de Médicomages.
Ron se rapprocha de Bill jusqu'à se tenir pratiquement collé à son flanc. Ils observèrent Andromeda jeter différents sortilèges…
« Il est sous influence depuis un bon moment. » marmonna-t-elle, en grimaçant. « Il y a des traces répétées d'Imperium, des tas de sorts de confusion… »
« Mais si on jette le contre-sort, ça va aller, hein? » demanda Ron, avec une naïveté un peu trop poussée, comme s'il n'aurait pas pu supporter une réponse négative.
Bill croisa le regard d'Andromeda et passa le bras autour de son frère cadet.
« On ne sait pas ce qu'Anthony lui a fait faire, Ron. » lui rappela-t-il.
« Mais ce n'était pas sa faute ! » insista l'adolescent.
« Non. » confirma la Médicomage, avec gentillesse. « Ce n'était pas sa faute mais il se peut qu'il ne voit pas la chose comme ça. Il se peut aussi qu'on lui ait fait des choses contre son grès. Il ne faut pas que tu penses que briser l'Imperium sera un remède miracle. On a violé son esprit, ce n'est jamais sans conséquences. Il va devoir s'en remettre et pas que physiquement. »
Merlin savait depuis quand Anthony lui avait volé son libre arbitre, songea Bill avec dégoût.
« Mais ce n'est pas sa faute… » répéta Ron, presque avec désespoir.
« On va l'entourer. » promit Bill, en se forçant à sourire. « Ça va aller, ne t'inquiète pas. »
Comme pour lui donner raison, les jumeaux débarquèrent à l'infirmerie avec pertes et fracas, soutenant une jeune fille entre eux et suivis par plusieurs autres adolescents traînant des battes de Quidditch derrière eux. Ils furent pris en charge par des septièmes années. Mais Fred et George les repérèrent et se précipitèrent vers eux.
Plus d'un « Tu n'as rien ? » ou d'un « Qu'est-ce qui s'est passé ? » furent échangés.
Hermione revint avec les potions bien avant que Ron ait terminé de résumer leur côté de la bataille. Bill le laissa faire, un œil sur Andromeda qui avait commencé à désenvoûter Charlie, l'autre sur la porte, au cas où…
« Vous savez où est Maman ? » demanda-t-il aux jumeaux.
Fred secoua la tête. « Elle était en haut d'une tour. »
« Et on sait d'où Ginny tient ses dons pour les chauves-furies maintenant. » ajouta George.
« Elle était en pleine forme à la fin de bataille. » enchaîna Fred. « Je l'ai vue partir de la tour mais le temps qu'on atterrisse et qu'on récupère les blessés… »
« Peut-être qu'elle est allée chercher Ginny ? » suggéra Hermione.
George hocha la tête. « Remus m'a dit que certains élèves s'étaient réfugiés dans la salle commune de Serpentard. Ils ont été attaqués en s'enfuyant, je crois ? »
« Et Draco ? Est-ce que… » s'inquiéta la jeune fille.
« Et Fleur ? » coupa Bill, n'y tenant plus. « Vous avez vu Fleur ? »
« Oui, elle est en bas, en train de terrifier les prisonniers. » plaisanta Fred, sans trop d'humour. Le regard qu'il posait sur Charlie était hanté. « Malfoy, je ne sais pas. Il y a autre chose… »
George hésita. « On a entendu Remus dire que… »
« La bataille n'était qu'une distraction. » enchaina Fred.
« Dumbledore a emmené les Aurors au Ministère. » conclut George.
Au Ministère ?
Merde.
Merde, merde, merde…
Percy.
« Au Ministère ? » répéta Ron, faisant écho à ses pensées. « Percy. »
Bill voulu se lever mais un regard noir d'Andromeda le fit se rasseoir sagement. Son regard noir ou le fait que ses jambes ne voulaient pas le soutenir…
Les jumeaux échangèrent un coup d'œil puis se tinrent un peu plus droit dans le même mouvement. « On peut aller le chercher, nous. »
« Je viens. » offrit immédiatement leur frère.
« Moi aussi. » proposa Hermione.
« Personne ne va nulle part. » intervint Andromeda. « Je ne pourrais pas regarder Molly en face si je laisse ses enfants partir risquer leur vie. La potion de Sommeil-sans-rêve, Hermione. » Elle prit la fiole que lui tendit la jeune fille et força Charlie à en avaler une généreuse rasade alors qu'il rouvrait à peine les yeux. Il sombra immédiatement. Elle se tourna ensuite vers Bill. « Toi, tu as le crâne ouvert et je ne sais pas où tu penses que tu peux aller mais tu ne feras pas trois pas avant de t'écrouler. Au lit, et pas de discussion. Le Poussos ? »
Hermione lui tendit l'autre fiole. Elle fit apparaître un flacon, en mesura une dose et le passa au Briseur de Sorts. Ce fût son tour de l'avaler sans tergiverser.
« Je reste avec Charlie. » s'entêta-t-il pourtant.
Andromeda leva les yeux au ciel, marmonna entre ses dents que cette génération était trop têtue pour elle, et donna sa pleine attention aux jumeaux. Fred avait un hématome violacé sur la pommette et George tremblait. Ce fût à George qu'elle s'adressa. « Détraqueur ou doloris ? »
« Euh… Un peu des deux ? » grimaça l'adolescent.
« Au lit. » décréta-t-elle. « Toi, Ronald, c'est ça ? Aide-moi à trouver un endroit où parquer tous tes idiots de frères. Un miracle qu'ils ne se soient pas faits tuer. Et je pensais que Nymphadora était difficile… »
« Mais, et Percy ? » s'inquiéta Fred, avant qu'ils aient pu faire un pas. « On ne peut pas… S'il y a une bataille au Ministère, on doit aller le chercher. On ne peut pas le laisser tomber maintenant qu'il a arrêté d'être con. »
« Bah, c'est Percy… » plaisanta Ron, sans trop y croire. « Il s'est probablement enfui dès que ça a commencé… »
« Ou il leur a jeté l'agenda du Ministre à la tête. » renchérit George, mais il n'y croyait pas non plus. Il sembla attendre que Fred se joigne à la blague mais, lorsqu'il ne le fit pas, il termina pour lui. « Ou il leur a récité toutes les lois qu'ils étaient en train d'enfreindre… »
Fred soutenait le regard de Bill avec un peu trop de forces. « Il faut qu'on aille chercher Percy. »
Bill tenta à nouveau de se mettre debout, chancela…
Ron le rattrapa de justesse.
Andromeda prit un air entendu mais pointa sa baguette sur Fred. « Ne crois pas une seconde que j'hésiterai à te jeter un stupefix. »
L'espace d'un instant, Fred parut hésiter à tenter sa chance quoi qu'il en fût mais un coup d'œil à George, qui tremblait toujours, et ses épaules s'affaissèrent. « D'accord, mais je veux au moins m'assurer que Ginny est en sécurité. Elle doit bien être… »
« Je suis là ! »
Leur sœur apparut soudain derrière eux, comme un miracle. Un miracle sale, trempé de pluie, avec plusieurs égratignures et une vilaine coupure au mollet qui laissait des gouttes de sang dans son sillage.
« Andy ! » s'exclama Ted Tonks, sur ses talons.
Les Weasley et Hermione accueillirent Ginny avec des étreintes soulagées tandis que Ted Tonks attrapait les bras de sa femme avec un désespoir marqué.
« J'ai croisé Remus. » souffla le sorcier. « Il a dit… »
« Elle n'est pas sortie d'affaire mais elle est vivante. S'il n'y a pas de complications, elle va se remettre, je ne supporterai pas le contraire. » l'interrompit Andromeda, en agrippant ses coudes. « Elle est vivante, Ted. »
Par-dessus l'épaule de Ginny qu'il étreignait avec force, Bill observa le dos du sorcier s'affaisser avec soulagement. Il lâcha sa sœur, laissant les autres résumer une nouvelle fois ce qui était arrivé à Charlie…
« Peut-on la déplacer ? » demanda immédiatement Ted. « Il faut la ramener à la maison. »
« La déplacer ? » répéta Andromeda, surprise. « Je suppose, mais… »
« La rumeur court que le Ministère est détruit. » la coupa son mari. « Et… Tu-sais-qui a capturé Snape. Il l'a emmené à Azkaban avec lui. »
Bill encaissa le double choc.
Le Ministère détruit ?
Percy.
Où était Percy ?
Son frère aurait-il eu la présence d'esprit de s'enfuir ? En avait-il eu le temps ?
Et Severus.
La tête lui tournait.
Ce n'était pas juste le fait que sans le Maître des Potions, les chances de trouver une solution à l'horcruxe qui campait en Harry étaient moindres, c'était… Severus était devenu un ami.
Severus était condamné.
Si le mage noir l'avait capturé alors l'homme serait mort dans quelques heures.
Et Percy…
« Non… » murmura Andromeda, choquée, en se couvrant la bouche de la main. « C'est tout ce que j'ai pu tirer d'elle… La seule chose qu'elle ait dite c'est son nom… Elle l'a réclamé, Ted, et… Remus était censé le ramener mais il est tombé sur un loup-garou et… » Elle secoua la tête. « Elle va être dévastée. »
« C'est pour ça que je veux la ramener à la maison. » insista Ted. « D'abord, nous y serons tous plus en sécurité. Et puis… Nous pourrons contrôler comment elle l'apprend, alors qu'ici… J'ai peur qu'elle fasse quelque chose de stupide. »
« Oui… » murmura-t-elle. « Oui, elle en serait bien capable. »
À gauche de Bill, Ginny était en train de faire campagne pour une sortie au Ministère.
Hermione et Ron voulaient trouver Harry, parce que s'il savait pour Severus…
« Il y a autre chose… » soupira Ted, en baissant la voix. « Encore que je ne compte pas le lui dire… Remus m'a dit… Apparemment, Snape la croyait morte. »
Bill laissa tomber sa tête dans ses mains.
Il allait être malade.
C'était… trop.
Cela ne suffisait pas que Severus doive mourir, il devait en plus croire que la femme qu'il aimait était également morte ?
Il manqua un bout de la conversation, trop certain qu'il allait rendre le contenu de son estomac. Puis il se souvint qu'il n'avait plus rien à vomir.
« Et pourquoi est-ce que personne ne m'a dit qu'il avait un fils ? » râla Ted.
« Un fils… Tu veux dire Harry Potter ? » hésita Andromeda. « Il l'a appelé papa plusieurs fois quand je le soignais pour le doloris mais je ne pensais pas que c'était… »
« Il l'a adopté. » offrit Bill, par-dessus le brouhaha de ses frères et sœur qui se chamaillaient à propos de ce qu'il fallait faire maintenant. « Harry. » précisa-t-il, lorsque le regard de la Médicomage se tourna vers lui. « Il l'a adopté. Veut l'adopter. Voulait l'adopter. »
Merlin, ce gamin avait déjà trop perdu.
« Pauvre gosse. » marmonna Ted, avec une compassion sincère. « Et… Draco ? »
Andromeda secoua la tête en signe d'ignorance.
Mais Hermione se remit à proposer avec véhémence de partir à sa recherche.
°O°O°O°O°
Ils durent esquiver un sort qui fit exploser un bout de mur lorsqu'ils poussèrent la porte de la cachette que s'étaient attribués les trois élèves.
Le Serpentard de sixième année avait une vilaine coupure au sourcil droit mais semblait déterminé à en découdre. Il ne baissa pas sa baguette lorsqu'il vit que c'étaient Harry et Sirius à la porte.
« Je veux parler à Snape. » lâcha le garçon. « Je veux négocier. Oui, je savais, mais ils m'ont abandonné et j'ai protégé ces deux là. Il peuvent témoigner. »
Ces deux là étaient un Serdaigle de troisième ou quatrième année et une Poufsouffle de deuxième année.
Harry laissa Sirius passer d'abord, main et baguette levées en signe de paix.
« On n'en est pas encore à déterminer qui savait quoi. » soupira l'Animagus. « Pour l'instant, ce qui compte, c'est que tu es blessé et que tu n'as attaqué aucun gamin. »
« Elias nous a sortis du tunnel. » confirma la Poufsouffle, des larmes roulant sur ses joues, en leur montrant sa main – ou ce qu'il en restait. « J'étais tombée par terre. Tout le monde me marchait dessus. »
« C'était… » Le Serpentard déglutit puis rangea finalement sa baguette. « C'était l'horreur. »
« Quelqu'un a fait exploser le tunnel. » offrit le Serdaigle.
« Malfoy. » contra le sixième année, en secouant la tête. « Malfoy a fait exploser le tunnel mais, à sa décharge, il visait les Mangemorts et ceux qui étaient à l'avant était déjà tombés sous les avada. Ce n'était pas la pire idée et ça nous a donné du temps. »
« Fais voir ta main, Amira. » exigea Sirius, en s'accroupissant devant la Poufsouffle.
Harry se tint en retrait, baguette en main. Juste au cas où. Il ne connaissait le Serpentard que de vue mais il savait qu'il était dans la clique qui avait tourmenté Malfoy dernièrement. Il ne pensait pas qu'il ait miraculeusement changé d'opinion, plutôt qu'il s'était retrouvé coincé du mauvais côté et avait décidé d'aider deux élèves plus jeunes parce qu'il savait que cela jouerait en sa faveur.
« Kreattur. » appela Sirius, en se redressant.
L'elfe apparut dans un craquement et chancela. Harry eut à peine le temps de lâcher carte et baguette et de se précipiter pour le rattraper avant qu'il ne s'effondre. Il l'allongea au sol avec précaution, levant un regard inquiet vers Sirius qui venait de s'agenouiller à côté de lui.
« Oh, Kreattur, tu me fais quoi là ? » s'inquiéta son parrain.
« Kreattur va très bien. » marmonna l'elfe.
« Oui, ça se voit tout de suite. » marmonna l'Animagus.
Il y eut un second craquement puis Dobby apparut, des chaussettes sur les oreilles et les pieds.
« Harry Potter, Monsieur ! » s'exclama l'elfe avec bonne humeur. « Dobby peut aider Harry Potter. »
« Maître Harry appartient à Kreattur ! » rétorqua l'autre elfe, en essayant de se redresser. Mais même assis, il tanguait sur lui-même… « Sale elfe à chaussettes… Disgrâce… Voleur de maîtres… »
« On peut savoir ce qui se passe ? » intervint Sirius, avant que ça ne dégénère. « Kreattur, qu'est-ce qui t'arrive ? »
« Kreattur est un bon elfe. » grommela ce dernier.
« Le grincheux est vieux. » se moqua Dobby. « Le grincheux a fait trop de grosse magie. Le grincheux n'est plus bon à rien. »
Un rictus haineux étira les lèvres de Kreattur et il se serait probablement jeté sur Dobby si Harry n'avait pas anticipé. « Reste assis, Kreattur. »
L'elfe avait visiblement beaucoup donné durant la bataille. Sa taie d'oreiller était déchirée, il avait des petites plaies un peu partout et, surtout, son teint était très grisâtre.
« Kreattur peut encore donner une correction à l'elfe à chaussettes qui veut lui prendre son maître. » marmonna Kreattur, d'un ton boudeur.
« L'elfe à chaussettes n'a peut-être pas tort. » contra Sirius, un brin taquin. « Tu as beaucoup donné et tu n'es plus tout jeune. »
Kreattur le foudroya du regard. « Kreattur servira jusqu'à sa mort. Et quand Kreattur sera mort Maître Sirius montera sa tête au mur avec les ancêtres de Kreattur. Ce sera un grand honneur. Oui ? »
Sirius fit la grimace. « S'il le faut. »
L'elfe soupira et se rallongea lentement. « Gentil Maître Sirius, bon garçon. »
« Mais tu ne vas pas mourir tout de suite. » déclara Harry. « Je t'interdis de mourir aujourd'hui. C'est un ordre. Tu m'entends ? »
« Harry Potter est si gentil ! » commenta Dobby. « Harry Potter se soucie toujours des elfes de maison ! »
« Maître Harry est un bon maître. » marmonna Kreattur, en fermant les yeux. « Kreattur ne va pas mourir. Kreattur est juste un peu fatigué. »
« Kreattur va aller dans mes appartements et se reposer. » ordonna Sirius, en lui tapotant l'épaule avec embarras. « Et c'est un ordre. Tu te reposes jusqu'à ce que tu ais récupéré, compris ? Je n'ai pas le temps de t'empailler, là tout de suite. Mange, dors… Fais ce qu'il faut mais je t'ordonne de prendre soin de toi. »
« Oui, Maître Sirius. » capitula l'elfe, en disparaissant dans un craquement.
Dobby se fit un plaisir de transporter les trois élèves à l'infirmerie.
Mais Harry avait beau se retrancher derrière ses boucliers, il ne parvenait pas à se défaire de son inquiétude. « Il va se remettre, hein ? »
Il s'était attaché au vieil elfe depuis qu'il avait cessé de marmonner des insultes.
« Il est solide. » promit Sirius. « Tu vois d'autres noms sur la carte, dans les parages ? »
Harry inspecta la Carte des Maraudeurs. Il y avait beaucoup de monde chez les Serpentards, presque trop pour que ce soit lisible, comme à l'infirmerie. Il repéra tout de même Neville. Quant au reste des cachots…
« Là. » Il pointa du doigt une zone à la lisière de la Carte. Quelques centimètres de plus et elle aurait été hors de Poudlard. « Trelawney. »
« Elle a dû être prise dans cette fameuse explosion… » supposa son parrain. « Draco a l'air d'avoir fait des dégâts. »
Sans un mot de plus ils se mirent en route.
Mais plus ils s'enfonçaient dans les cachots, plus ils trouvaient de corps.
Harry avait perdu le compte du nombre de fois où ils durent appeler Dobby pour emmener un corps vers la morgue de fortune.
C'était sa faute.
Il avait été censé les mener en sécurité et au lieu de ça…
C'était sa faute.
Le tunnel n'était plus qu'un tas de gravas dont dépassait un bras ou une jambe de manière aléatoire. Une des manches appartenait à un Mangemort pour sûr, mais la jambe portait un uniforme.
« Merde… » murmura Sirius, lorsqu'il vit l'ampleur des dégâts. « Harry… J'ai besoin d'un Patronus. On ne peut pas… Il va falloir plusieurs personnes pour dégager les corps sans tout faire s'écrouler. »
Harry n'essaya même pas. Il secoua la tête. « Dobby. »
L'elfe réapparut, perdant immédiatement son sourire lorsqu'il vit où ils étaient. « Dobby et les elfes de Poudlard ont déjà sorti tous les enfants encore en vie d'ici. »
« Il reste un Professeur. » contra-t-il. « Trelawney. » Il lui montra la Carte. « Elle a l'air d'être plus loin… »
L'elfe hocha la tête. « Dobby va aller voir. Harry Potter et le Professeur Black restent ici. Trop dangereux. »
Il fallut plusieurs minutes avant que l'elfe ne réapparaisse avec le Professeur de Divination. Trelawney était inconsciente et sa jambe était en bouillie.
Harry dût réprimer un haut le cœur.
« Dobby l'emmène à l'infirmerie. » déclara sobrement l'elfe.
Quand il fût parti, Sirius soupira. « On ne peut plus rien pour eux. »
« On ne peut pas les laisser. » protesta Harry.
Encore. Les laisser encore. Il n'aurait jamais dû partir, en premier lieu.
Sa faute.
C'était sa faute.
Il était censé les mener en sécurité et au lieu de ça…
« On reviendra. » promit Sirius, en lui posant une main sur l'épaule. « Il nous faut des renforts. Allons voir la salle commune des Serpentard, ils doivent s'inquiéter. Tu connais le chemin mieux que moi, passe devant. »
°O°O°O°O°
À court de mots, Remus osa poser la main sur l'épaule de son ancienne Directrice de Maison.
La sorcière se tendit davantage encore alors qu'elle faisait un effort évident pour ravaler ses larmes.
La pluie s'était finalement arrêtée mais la petite cours était boueuse et avait subi le contrecoup lorsque la sphère de Troie avait implosé. Le corps à moitié recouvert par un buisson déraciné n'était pas indemne. Ou alors sa mort n'avait pas été paisible.
C'était surréaliste de se dire que Filius Flitwick était parti.
« Minerva. » osa-t-il.
« Je sais. Je sais. » répondit-elle, en prenant une inspiration tremblante. Un petit bruit qui ressemblait à s'y méprendre à un sanglot lui échappa mais elle le ravala comme le reste. « Jiggy. » L'elfe apparut dans la seconde, l'air bien moins peigné que d'ordinaire, et s'inclina devant eux. « Veux-tu bien transporter le corps du Professeur Flitwick dans la Grande Salle ? »
Jiggy regarda le corps avec tristesse puis s'inclina à nouveau. « Les elfes pensent avoir récupéré tous les enfants encore en vie, Professeur, mais le château est dans un tel état que c'est dur d'être sûr. »
« C'est bien. C'est très bien. » offrit-elle, avec un sourire de façade.
« Y-a-t-il d'autres ordres ? » insista l'elfe.
Sentant que les elfes souhaitaient se rendre utiles, Remus se racla la gorge. « Peut-être des collations pour les Médicomages ? Et il va falloir prévoir de quoi loger du monde. » Au regard interrogateur de Minerva, il haussa les épaules. « Si les rumeurs sont vraies et que le Ministère… Les Aurors vont probablement s'installer ici. Sans parler du Ministre, que ce soit Scrimgeour, Bones ou Kingsley… Certains Médicomages vont également vouloir rester au moins quelques jours, sans doute. »
« Il faut d'abord renforcer les protections avant tout autre chose. » murmura-t-elle, avant de secouer la tête. « Mais vous avez raison, ce n'est pas un travail pour les elfes. Fais-ce que dit le Professeur Lupin, Jiggy, s'il te plait. Des collations pour ceux qui en ont besoin, du thé à profusion et préparez autant d'appartements que vous le pouvez. »
Jiggy s'inclina et disparut avec le corps de Filius.
« Les protections… » hésita Remus.
« J'ai fait ce que j'ai pu. » avoua-t-elle. « Mais seul Albus pourra les renforcer jusqu'à ce qu'elles soient à nouveau impénétrables… Enfin… Je dis impénétrables… »
« Nous les avons repoussés. » chercha-t-il à la consoler, sans y croire lui-même.
Les yeux de la sorcière retombèrent vers là où avait été couché le corps du Professeur de Sortilèges. « À quel prix ? »
°O°O°O°O°
Emmener Harry dans la salle commune des Serpentards avait été une aussi mauvaise idée que de le traîner dans les cachots.
Sirius avait espéré que sauver des élèves lui aurait remonté le moral ou l'aurait aidé à faire sens de tout ce qui s'était passé mais… Ils avaient trouvé plus de cadavres que d'élèves encore en vie et il n'y avait aucun sens à trouver à toute cette violence gratuite.
Seulement, il ne pouvait pas perdre Harry de vue. Il le connaissait trop bien. Et il se connaissait trop bien. Il savait ce qu'il aurait fait à quinze ans si Voldemort lui avait volé James. Il savait ce que James aurait fait si Voldemort lui avait pris son propre père. Et il savait pertinemment ce qu'attendait Harry : une opportunité de s'enfuir.
Assailli par ses camarades au moment où ils mirent un pied dans la salle commune, Harry eut un mouvement de recul auquel Sirius dût se battre pour ne pas faire écho.
Astoria Greengrass et Pansy Parkinson furent les premières à se jeter sur lui, la première voulant savoir s'ils avaient vu sa sœur, la seconde demandant après Draco…
Draco.
Il espérait que le garçon était en sécurité quelque part.
« Il cherchait Hermione. » leur glissa Luna.
Évidemment qu'il cherchait Hermione, soupira intérieurement Sirius. Ça aussi il aurait pu le prédire.
Excepté qu'il ne savait pas où étaient Hermione ou Ron.
Il était étonné qu'Harry n'ait pas demandé après eux plus tôt mais, lorsque son filleul se tourna brusquement vers lui avec un air coupable, il grimaça. « Prochaine étape, l'infirmerie, je suis sûr qu'ils sont tous là bas à nous attendre. »
Mais il lui fallut d'abord faire le tour des élèves. Simpson et Neville avaient eu la présence d'esprit de faire une liste de noms de tous les élèves présents dans la salle commune…
« Vous devez rester là un peu plus longtemps. » déclara Sirius, au bout d'un moment, parce que la majorité des élèves voulaient partir. « Certaines parties du château ne sont pas sûres. »
Et le parc était sans doute encore jonché de cadavres.
Il ignora les protestations et entraîna Harry avec lui.
Ils n'échangèrent pas un mot.
L'adrénaline était en train de retomber et Sirius commençait à trembler, bien qu'il fit de son mieux pour le cacher à son filleul. Son corps était fourbu, les plaies laissées pas les griffes du loup-garou le lançaient, sa chemise lui collait au torse, et sa cheville le faisait souffrir à chaque pas. Des éclairs lui remontaient jusque dans le mollet à chaque fois qu'il posait le pied par terre. Ce n'était pas une fracture mais c'était probablement une belle entorse.
Ce n'était pas juste son corps qui commençait à lâcher, cependant.
Son esprit s'était mis à rejouer certains moments de la bataille en boucle.
Et ma mère elle le méritait ? hurlait Anthony dans sa tête.
Il ne voulait pas penser à ça. Il ne voulait pas…
Lily et James avaient peut-être voulu le protéger mais qu'ils lui aient caché quelque chose d'aussi énorme… Cela lui laissait un goût de trahison en bouche.
Et quant à ce dont l'accusait Anthony.
Il ne pouvait pas y penser.
Il ne pouvait pas.
« Sirius ? » s'inquiéta Harry, sourcils froncés. « Ça va ? »
Il n'y avait qu'une seule réponse à donner alors il se força à sourire. « Juste un peu fatigué. Je n'ai plus l'âge de toutes ces conneries. »
L'adolescent ne le crut pas une seule seconde mais il ne chercha pas à insister.
Sirius le regarda s'enfoncer davantage derrière ses boucliers mentaux, seconde après seconde, sans savoir s'il devait l'en empêcher.
Il détestait lorsque Severus faisait ça, ce n'était pas sain, mais, à l'instant, s'il en avait été capable…
Pour lui l'Occlumencie était un bloc, une muraille, pas quelque chose qu'il pouvait manipuler à loisir comme Severus ou Harry le faisait.
Il laissa faire.
Plus tard, il serait temps d'avoir une discussion avec Harry. Lorsqu'ils auraient récupéré Draco et qu'ils pourraient s'asseoir quelque part au calme.
C'était ce qu'aurait fait un adulte responsable, non ?
C'était ce qu'aurait fait Severus.
Merlin, Severus.
Il ne voulait pas penser à ce que l'homme était en train de subir à cet instant précis.
°O°O°O°O°
Andromeda était une force de la nature et personne ne pouvait lui résister, pas même le clan Weasley.
C'est comme ça que Bill se retrouva allongé sur un lit dans le fond de l'infirmerie, Charlie sur celui de gauche et George sur celui de droite qui pestait qu'il n'avait pas besoin de s'allonger mais qui n'avait pourtant pas cessé de trembler. Il était inquiet pour son frère, ses frères, mais sa tête le lançait tellement… Le chaos s'était un peu calmé et l'infirmerie avait pris un semblant d'ordre sous l'égide de Pomfresh mais le bruit était toujours assourdissant et les conversations du reste de sa famille n'aidaient pas.
Fred était perché au bout du lit de George, Hermione était assise entre les jumeaux et lui, Ron était debout, appuyé contre le mur près du lit de Charlie, et Ginny s'était calé au bout du sien, sa jambe désormais soignée et bandée étalée vers lui sur la couverture râpeuse. Bill lui avait demandé si elle était sûre qu'elle ne voulait pas s'allonger elle aussi mais la jeune fille avait décliné, arguant que d'autres avaient plus besoin d'un lit qu'elle. Ce qui n'était, au demeurant, pas faux.
Leur mère n'avait toujours pas fait son apparition.
Bill commençait à soupçonner qu'elle avait fait ce que lui et Charlie n'étaient pas en état de faire et qu'elle était partie au Ministère.
Ce n'était pas rassurant, particulièrement vu ce qui se murmurait de lit en lit dans l'infirmerie.
Les gens semblaient convaincus que le Ministre était entièrement détruit.
Entre eux, les Weasley ne parlaient que d'une seule chose et c'était Percy.
Ginny se rongeait les ongles. Bill plaça une main sur sa cheville pour la rassurer mais les yeux bruns qui croisèrent les siens étaient hantés.
Il savait à quoi elle pensait.
Leur père.
Bill n'avait pas arrêté d'y penser non plus depuis que les premières rumeurs à propos du Ministère l'avait atteint. Il ne pouvait pas perdre quelqu'un d'autre, pas si tôt après Arthur.
« Maman. » lâcha Ron, en se repoussant du mur.
Fred fit volte face sur le lit de George alors que le reste d'entre eux, Hermione incluse, se tournaient vers Molly Weasley qui venait de passer les doubles portes grandes ouvertes de l'infirmerie.
L'infirmerie était très grande, bien qu'elle soit surpeuplée à l'instant. Il fallut plusieurs minutes à leur mère pour traverser la pièce.
Plusieurs minutes que Bill passa à guetter les portes, attendant que Percy entre à son tour, l'air hagard et peut-être blessé, mais…
Ginny se mit à pleurer bien longtemps avant que Molly ne les rejoigne.
Bill ne protesta pas lorsqu'elle se traina jusqu'à lui et s'allongea contre son flanc pour mieux enfouir son visage dans son épaule. Il referma le bras sur elle, lui caressant distraitement les cheveux alors que son corps était secoué de sanglots.
Non.
C'était tout ce qu'il pouvait penser.
Non.
Percy allait passer les portes d'une seconde à l'autre et leur faire à tous la morale.
Percy allait…
Ron se laissa glisser en bas du mur et entoura ses jambes de ses bras, ses sanglots complètement audibles par-dessus le brouhaha. Sans un mot, des larmes silencieuses coulant sur ses joues, Hermione fit le tour du lit et vint le prendre dans ses bras.
Fred et George restèrent stoïques mais leurs mains se trouvèrent sur la couverture.
Non.
Percy allait arriver.
« Mes chéris… » murmura leur mère, la voix nouée, lorsqu'elle les rejoignit finalement.
Bill refusa de détourner les yeux des portes de l'infirmerie.
« Est-ce que c'est sûr ? » demanda Fred, le ton sombre.
« Non. » C'était lui avait répondu, pas Molly. « Non. Il est juste… Il est quelque part. Il suffit de… »
Son regard vint enfin se poser sur elle et il aurait préféré être inconscient comme Charlie.
« Oh, Bill… » souffla-t-elle, ses traits se tordant sous le coup de la douleur. Ses yeux étaient rougis et il y avait des traces de larmes hâtivement essuyées sur ses joues. Elle fit très visiblement un effort pour ravaler celles qui voulaient couler à cet instant précis. « Je suis rentrée à la maison. La pendule… »
« La pendule peut se tromper. » s'entêta-t-il, en serrant Ginny plus fort contre lui.
« Non, Bill, chéri… Elle ne peut pas. » répondit gentiment leur mère, en approchant davantage pour passer un bras autour des épaules de Fred qui venait de se mettre à pleurer. George se couvrit le visage des deux mains dans la seconde qui suivit.
Bill était le seul qui avait encore les yeux secs.
« Non. » répéta-t-il.
Non.
Ils avaient déjà perdu Arthur.
Charlie était…
Merlin savait s'ils parviendraient à récupérer Charlie et même si leur frère s'en sortait il ne serait plus jamais le même alors…
Non.
Molly déposa un baiser sur la tête de Fred puis se rapprocha de son lit, frottant rapidement le dos de Ginny mais venant écarter les cheveux roux qui lui tombait sur le visage, à lui, caressant ses joues. Il était l'ainé. Ce n'était pas lui qu'elle aurait dû consoler en premier.
« Où… Où est-ce qu'il est ? » balbutia-t-il.
Molly s'humecta les lèvres, les yeux humides de larmes.
Il se demanda combien de temps elle était restée au Terrier à pleurer avant de venir leur annoncer la nouvelle.
Il se demanda combien de temps il allait se passer avant qu'elle ne replonge dans les potions calmantes.
Il se demanda si Severus…
Et puis il se souvint que Severus allait plus que certainement mourir dans les prochaines heures, lui aussi, probablement dans d'atroces souffrances.
Ce n'était pas juste.
« Il n'y a pas de corps. » expliqua-t-elle calmement. « Le Ministère… Il ne reste plus rien. »
« Alors on ne peut pas être sûr… » contra George, avec espoir.
« La pendule ne ment pas. » répéta Molly, d'un ton fatigué. « Son aiguille a disparu. »
Bill ferma les yeux, rajustant son étreinte sur sa sœur que les sanglots secouaient. Il entendait les murmures entrecoupés de sanglots d'Hermione à côté de lui qui cherchait à consoler Ron…
« Audrey… » lâcha-t-il. « Il faut prévenir Audrey. »
C'était ce que Percy aurait voulu.
C'était…
Ses larmes le prirent de cours.
Il ne les avait pas senties arriver.
°O°O°O°O°
Minerva achevait de dégager les débris qui bouchaient le hall d'entrée lorsqu'elle sentit la présence sur sa droite. Elle pivota automatiquement, levant sa baguette d'une main tremblante, un sort offensif aux lèvres qu'elle ne suspendit qu'à la dernière seconde en reconnaissant Kingsley. Ses robes étaient déchirées, sales et encore humides de la pluie qui s'était abattue sur eux plus tôt mais plus alarmantes étaient la plaie qui striait son œil gauche et la jambe qu'il semblait le faire souffrir.
Kingsley qui n'aurait pas dû pouvoir pénétrer sur le domaine étant donné qu'elle avait à nouveau dressé les protections…
« Albus m'a donné la permission d'aller et venir. » expliqua le chef du Département des Aurors, avant qu'elle ait pu poser la question.
Elle ne baissa pas sa baguette. Parce qu'elle était épuisée et s'endormirait au moment précis où elle se laisserait aller sur une chaise mais qu'elle ne pouvait se le permettre parce que quelqu'un devait superviser la bonne marche du château et… Pourquoi n'avait-elle pas baissé sa baguette ? Elle…
« J'étais si mauvais en Métamorphose qu'il vous a fallu me donner plusieurs devoirs supplémentaires pour me permettre de passer dans votre classe d'A.S.P.I.C.s. » ajouta Kingsley, avec la même fatigue qu'elle éprouvait.
Elle baissa finalement sa baguette. « Le Ministère ? »
L'Auror avait pris dix ans depuis la dernière fois qu'elle l'avait vu.
Il secoua la tête. « Il ne reste rien. »
Elle ne retint pas son glapissement choqué. « Rien ? Mais… »
« Rien d'autre qu'un cratère fumant en plein milieu de Londres. » confirma le sorcier, se frottant le visage, évitant la zone blessée sur son côté gauche.
« Mais il y a des survivants ? » insista-t-elle, dressant immédiatement la liste de ses amis qui travaillaient au Ministère, des anciens élèves à qui elle avait écrit une lettre de recommandation ou…
« Une poignée. » soupira-t-il. « Ceux qui sont parvenus à s'enfuir avant l'explosion. Nous n'avons pas trouvé Scrimgeour et il semble improbable qu'il se soit sauvé. Nous n'avons pas trouvé Amelia Bones non plus. »
Elle fit rapidement le calcul. « Alors vous êtes… »
« Chef des Aurors. » l'interrompit-il, avec lassitude. « Il est encore tôt. Peut-être Scrimgeour ou Bones sont-ils quelque part en lieu sûr… » Il secoua la tête. « Des parents d'élèves ont commencé à se rassembler à la limite des protections. Je leur ai dit que nous allions leur donner des nouvelles rapidement mais ils insistent pour rentrer… Et, pardonnez-moi, car je sais que vous avez fait plus que votre part dans la bataille, mais les protections sont très faibles… »
« Nous avons fait au mieux. » avoua-t-elle. « Mais je n'ai plus grand-chose à donner, Horace a accusé le coup de la sphère de Troie et des sorts de soins qu'il a jeté sans discontinuer, et Pomona, seule, ne pouvait pas faire beaucoup plus. Il nous faut Albus. »
« Albus, malgré mes protestations, est resté à Londres pour être absolument certain qu'il n'y avait pas de survivants, Moldus ou sorciers. » lui apprit-il. « Je lui ai laissé un contingent d'Aurors, j'ai envoyé les autres à Sainte Mangouste et sur le Chemin de Traverse voir ce qu'il en était… » Il fronça les sourcils. « Vous n'avez pas mentionné… »
« Filius nous a quitté. » annonça-t-elle.
Kingsley eut l'air sincèrement peiné mais se reprit vite. « Les parents d'élèves… »
« Je vais aller les voir. » promit-elle, puis hésita. « Devons-nous les laisser entrer ? Certaines parties du château son endommagées et je préfèrerais que tout le monde demeure dans des zones désignées tant que nous n'avons pas réparé les dégâts… »
Filius allait manquer.
Filius était le meilleur lorsqu'il s'agissait de ce genre de sortilèges.
Elle…
C'était le genre de décisions que le Directeur aurait dû prendre.
Le genre de décision qu'elle discutait d'ordinaire avec Severus et…
« Je préfèrerais qu'il n'y ait pas plus de gens vadrouillant à Poudlard qu'il n'y en a déjà pour l'instant. La Grande Salle ? » s'enquit Kingsley.
« Nous y avons placé les morts. » murmura-t-elle, en jetant un œil vers les grandes portes derrière lesquelles s'alignaient les corps.
L'Auror acquiesça puis haussa les épaules. « J'ai aperçu Rosmerta à l'extérieur. Si elle veut bien aider, envoyez les parents d'élèves aux Trois Balais pour l'instant et dès que vous aurez une liste des survivants et des pertes… Que s'est-il passé sous les cachots exactement ? J'étais dehors, je ne sais pas… »
« Une embuscade. » le coupa-t-elle. « Le traître était Anthony, semble-t-il. Ce qui me rappelle… Tous les prisonniers ont été assommés à coups de stupefix et ligotés si étroitement qu'ils ne bougeront pas de sitôt mais il nous faut trouver un meilleur endroit où les détenir que la salle des professeurs. »
« Je vais m'en occuper. » promit Kinsley. « Il vous faut recenser vos élèves, moi mes Aurors. »
Elle hocha la tête et le laissa partir en direction de la Grande Salle. Elle ne lui enviait pas la tâche d'aller voir lesquels de ses hommes étaient morts. Elle avait cessé d'aller vérifier il y avait un moment. Trop de corps en uniformes. Trop d'amis aussi.
Elle s'apprêtait à prendre son courage à deux mains lorsque Sirius et Potter émergèrent des cachots. Elle les rejoignit immédiatement, inquiète de la pâleur de son ancien élève et de la manière dont il tentait – mal – de dissimuler des tremblements.
« La liste des élèves dans les cachots. » offrit Sirius, en lui tendant un bout de parchemin.
« Merci. » Elle empocha le papier sans céder à la tentation de le lire. « Potter, veillez à ce que votre parrain atteigne l'infirmerie en un seul morceau et se fasse soigner. » Sirius tenta de protester mais Minerva le fusilla du regard. « Vous auriez dû me dire que vous aviez été soumis au doloris. » Elle se tourna vers l'adolescent qui avait toujours l'air perdu, désespéré et trop prêt à faire une bêtise. « Veuillez demander au Professeur Chourave d'établir une liste de tous les élèves à l'infirmerie ainsi que de leurs blessures puis de me rejoindre à l'extérieur, s'il vous plait. »
Potter hocha la tête pour indiquer qu'il avait compris puis entraîna Sirius vers les étages.
Elle prit une grande inspiration puis alla rejoindre Kingsley dans la Grande Salle pour établir sa propre liste.
Ensuite, elle irait affronter les parents d'élèves et devrait leur annoncer le pire.
°O°O°O°O°
Rosmerta accepta immédiatement la requête de McGonagall et Remus ne put qu'approuver le plan. Il était plus intelligent de garder les parents d'élèves à l'extérieur du domaine pour l'instant, du moins ceux qui n'avaient pas immédiatement rejoint la bataille en entendant la rumeur. Ils pourraient toujours évacuer les élèves que les parents souhaiteraient récupérer par cheminette, le cas échéant… Quant à ceux qui souhaiteraient potentiellement trouver refuge au château ou rendre visite aux enfants à l'infirmerie…
C'étaient des décisions pour Albus, se mirent-ils d'accord.
Le loup-garou surveilla une dernière fois le parc… Ils l'avaient parcouru de long en large avec Hagrid et une poignée de volontaires, ils pensaient avoir trouvé tous les blessés – et tous les corps, amis ou ennemis.
« Si vous le permettez, je voudrais aller voir mon petit-fils. » l'approcha Augusta Londubat, après avoir conféré avec Minerva qui avait consulté une de ses listes.
« Bien sûr. » approuva Remus avec un sourire un peu forcé. « Si ce n'est pas trop vous demander, puisque vous descendez… Cela vous gênerait-il de rester avec les élèves ? Je ne crois pas qu'il y ait d'adulte avec eux… »
« Non, bien entendu. » accepta immédiatement la sorcière.
« Je vais descendre aussi. » proposa Sinistra. « Je ne serais bonne à rien à la protection du domaine, de toute manière, mais je peux réconforter les enfants. »
« Ne te sous-estime pas. Tu t'es bien battue. » offrit-il.
La Professeur d'Astronomie secoua la tête. « J'ai eu de la chance et j'ai surtout couvert Minerva. »
Remus ne discuta pas, il n'en avait pas le temps. Il dépêcha la moitié des membres de l'Ordre qu'il lui restait en patrouilles, autorisa Hagrid à aller s'occuper de son frère et de ses créatures, puis entreprit de faire lui-même le tour du champ de bataille une dernière fois.
En lui, le loup était silencieux comme il ne l'avait pas été depuis longtemps.
Abattu.
Il n'y avait plus de corps ou de blessés mais il y avait beaucoup de baguettes dans l'herbe que les survivants voudraient sans doute récupérer. Et que les familles des défunts voudraient probablement conserver.
Au plus près du château, la pelouse était jonchée de débris. Des briques, des poutres, des bureaux fracassés là où la façade avait été éventrée… Il y avait des manuels aussi, des livres… Tout était trempé, piétiné…
Il ne sut pas pourquoi le carnet attira son attention mais il le ramassa avant de bien comprendre pourquoi. Ce ne fût que lorsqu'il l'eut en main qu'il détermina pourquoi il était si familier : c'était le genre de carnets que Severus traînait partout. Gorgé d'eau et de boue, il était au-delà du réparable mais il l'ouvrit tout de même, juste au cas où il se serait s'agit de la somme des recherches sur la potion Révèle-Loup.
Cependant, ce n'était pas des recherches.
L'encre avait bavé, était illisible par endroit… Il ne lui fallut pourtant que quelques secondes pour identifier les deux écritures qui se répondaient, pour comprendre ce qu'il tenait en main. C'était un sort commun de transfert, Nymphadora devait posséder un carnet similaire. Ce qui expliquait pourquoi une grosse portion des pages étaient noircies d'encre – pas d'encre mais du sang qu'elle avait perdu lorsqu'elle avait été poignardée, plus que probablement.
Il restait des passages pourtant déchiffrables et il eut beau se dire d'empocher le carnet, de ne pas le lire, que c'était indiscret, il le parcourut tout de même.
Et au lieu de ressentir de la fureur ou de la jalousie, il eut envie de pleurer.
Parce que s'il subsistait un seul doute que sa compagne en aimait un autre…
Il n'y avait pas de grandes déclarations dans les conversations qu'il parvint à déchiffrer. Elles étaient anodines, généralement badines, parfois pleines de sous-entendus fripons qui le firent grincer des dents… Mais ce qui transparaissait de ce qu'il parvint à lire…
Il n'y avait aucun je t'aime, du moins dans les pages encore lisibles. Reviens-moi, lui écrivait souvent Severus, le plus souvent quand elle partait en mission, semblait-il. C'était là la limite de son épanchement. Nymphadora était plus expressive. Tu me manques, avait-elle souvent griffonné sur les dernières pages. Ou J'ai envie de te voir.
Mais c'était l'affection qui se dégageait des échanges qui frappa Remus au cœur.
Il avait promis de ne plus se mêler de leur relation, de la laisser suivre son cours, s'était inquiété de sentir leurs odeurs se mêler tellement jusqu'à devenir unique ces derniers temps et pourtant il avait persisté à imaginer… Peut-être pas quelque chose de sordide mais une liaison plus basée sur le sexe que…
Ils s'aimaient.
Ils s'aimaient et il n'arrivait même pas à se mettre en colère parce qu'il était juste… Il était juste triste.
Severus serait sans doute mort bientôt si ce n'était déjà fait.
Et Nymphadora…
Nymphadora allait en souffrir.
Parce qu'elle l'aimait.
Et que le Maître des Potions l'aimait en retour.
Ça transparaissait de chacune de ses phrases, chacune de ses taquineries…
Et lui dans tout ça…
En lui, Lunard poussa un petit gémissement.
Avec un soupir et une énorme sensation de gâchis, le loup-garou mit le carnet à l'abri à l'intérieur de sa veste. Il le rendrait à la jeune femme plus tard. Elle voudrait sans doute le conserver, peu importait l'état dans lequel il était.
°O°O°O°O°
« Nous sommes presque à court de potions, Horace. » grimaça Poppy, en venant le rejoindre dans une annexe de l'infirmerie où des lits de fortune avaient été installés. « La réserve s'épuise et j'ai déjà pioché dans celle de Severus… »
Il prit le temps d'adresser un sourire rassurant à la petite Poufsouffle dont il venait de soigner la main aussi bien qu'il l'avait pu, puis se redressa pour mieux faire face à l'infirmière.
« Sybille ? » s'enquit-il.
Poppy se rembrunit, la fatigue alourdissant ses traits. « Nous n'avons pas pu sauver sa jambe. »
Horace hocha la tête. « Il n'est peut-être pas encore trop tard. Je peux préparer du Poussos… »
« Ce n'est pas la priorité. » contra la sorcière avec regret. « Des antidouleurs. Des potions de régénération sanguine. Et la potion de Severus contre le doloris. »
Il tiqua et baissa la voix. « Il y a un chaudron en bas. Je suppose que le pauvre n'en aura plus l'usage mais elle n'est pas encore légale et… »
« Le Ministère est détruit, Horace, et Sainte Mangouste avait décidé d'accélérer ses accréditations de toute manière, il ne restait que la paperasse. » l'interrompit Poppy. « Cette potion fonctionne. J'ai des patients qui montrent des signes de dégénérations. Si on l'avait donnée immédiatement à Severus… »
« Oui. » acquiesça-t-il. « Très bien. Je descends préparer ce que je peux. » Il songea un instant à emprunter la cheminée puis soupira, se maudissant intérieurement de développer une conscience professionnelle. Les reproches de Severus et de Minerva l'avaient touché plus durement qu'il ne l'aurait souhaité. « J'en profiterai pour jeter un œil aux parties endommagées du château en chemin. Et je lancerai tout de même un chaudron de Poussos… On ne sait jamais… Il sera peut-être toujours temps de faire repousser la jambe de Sybille lorsqu'il sera prêt… »
« Pas à moins de garder la plaie ouverte. » contra Poppy. « Et je n'ai pas assez de potions de régénération sanguine pour ça. Elle ne sera pas la seule à avoir perdu un membre aujourd'hui malheureusement. »
Horace voulait bien le croire. Ses robes habituellement immaculées étaient tâchées de sang.
Avec un salut de la tête, il prit congé.
Les alentours immédiats de l'infirmerie étaient une ruche mais à mesure qu'on s'en éloignait, un silence pesant tombait sur les couloirs.
Le Maître des Potions garda sa baguette à la main. Rien ne garantissait, après tout, qu'un Mangemort blessé ne se cachait pas dans un recoin sombre, attendant une opportunité de fuir.
Il jeta plusieurs sorts en chemin, là où la façade extérieure semblait avoir été ébranlée par un maléfice ou une potion… En conséquence, il n'avait pas pris le chemin le plus direct.
Mais ce fût toutefois un choc de tomber sur un trou en plein milieu du couloir.
Une fissure importante lézardait le mur de droite, qui donnait sur la falaise. Une crevasse s'était ouverte dans le plancher, un bout du mur d'une salle classe s'était lui aussi effondré… Il ne s'approcha pas, sachant que son poids aurait peut-être suffi à faire s'effondrer le tout davantage. Il jeta deux sorts qui indiqueraient à chaque extrémité du couloir que la zone était dangereuse…
Et ce fût là qu'il entendit les halètements.
Et les bruits de rochers qu'on déplaçait.
Il ne se hasarda pas à approcher du trou mais il se dépêcha de rejoindre l'étage inférieur.
Quiconque était coincé là-dessous risquait de voir un bout de plafond lui tomber sur la tête.
°O°O°O°O°
Un septième année de Serdaigle au visage fermé et au tablier tâché de sang leur sauta presque dessus à la seconde où ils passèrent les portes de l'infirmerie. Un coup d'œil à Sirius et il lui attrapa le bras pour l'entraîner vers un lit d'appoint malgré ses protestations. Tous les autres étaient occupés.
« Combien de temps avez-vous été soumis au doloris, Professeur Black ? » demanda l'adolescent, en jetant déjà toute une panoplie de sorts de diagnostic.
Harry se dit qu'ils pouvaient être très utiles puis se rappela qu'il n'en aurait probablement jamais l'usage de toute manière.
Il ne serait jamais Médicomage.
Il ne vivrait pas assez vieux.
Et cela ne lui faisait aucune peine.
Il était loin derrière ses boucliers, son esprit bien à l'abri derrière les marécages et les barrières de flammes, ses émotions cadenassées entre les deux couches de défense de sorte qu'il pouvait réfléchir sans se laisser influencer par la colère ou la tristesse.
Il avait atteint un état d'apathie comparable à celui de Severus lorsqu'il utilisait l'Occlumencie comme un bouclier contre le monde et il commençait à comprendre pourquoi le Professeur favorisait cette méthode.
C'était beaucoup plus simple.
Lorsqu'il fût certain que Sirius allait laisser le septième année le soigner, Harry se racla la gorge. « Je vais chercher Chourave. »
Son parrain s'alarma immédiatement. « Ne quitte pas l'infirmerie et reste là où je peux te voir. »
Il occludait trop profondément pour lever les yeux au ciel.
La Professeur de Botanique fût facile à trouver même s'il dût s'éloigner beaucoup du lit de Sirius et qu'il doutait d'être toujours dans son champ de vision. Chourave avait l'air éreinté mais hocha immédiatement la tête une fois qu'il lui eut transmis les ordres de McGonagall, tapotant distraitement son épaule avant de se diriger vers l'infirmière.
« Je suis désolée pour Severus, Potter. » offrit la Directrice des Poufsouffles.
Je suis désolée pour Severus.
Comme s'il était déjà mort.
Comme si…
Il se recula encore un peu plus profondément dans son esprit.
« Harry ! » appela soudain quelqu'un du fond de l'infirmerie.
Il se tourna pour voir Hermione lui faire des signes. Le soulagement était distant mais bien présent. Il se dirigea vers le coin occupé par les Weasley, faisant mentalement le compte… Hermione, les joues baignées de larmes, Ron qui avait l'air défait et était assis sur un lit qu'occupait Charlie, Fred et George dans un autre lit, Mrs Weasley assise entre eux, Bill Weasley dans un troisième lit, Ginny recroquevillée contre lui…
Il n'eut pas le temps de les rejoindre que la quatrième année avait fusé comme une flèche et s'était jetée dans ses bras, en sanglots.
« Percy… » hoqueta-t-elle. « Percy est mort. »
La douleur était lointaine. Elle ne passa pas la barrière des marécages, coulant tout au fond de l'eau avant de pouvoir l'atteindre. Il laissait tout couler au fond de l'eau. C'était plus simple.
Il fallut un moment à Ginny pour réaliser que quelque chose n'allait pas.
Il lui fallut plus longtemps, à lui, pour se rendre compte qu'il aurait dû l'enlacer en retour.
Elle s'écarta, l'air blessé, mais il n'avait pas les mots pour lui expliquer que…
« Harry… » murmura Hermione, en le prenant brièvement dans ses bras avant de l'encourager à parcourir les derniers mètres qui le séparaient du reste des Weasley. Ginny s'était détournée et était retournée auprès de ses frères, comme un automate.
Il aurait voulu tendre la main, l'attraper, lui dire…
Il n'avait pas la place pour les émotions.
Tout coulait fond de l'eau.
« Harry… » souffla Mrs Weasley, avec un soulagement évident. Elle tenta un sourire mais cela tenait plus de la grimace. Ses yeux étaient rougies, elle avait des traces de larmes sur les joues… « J'ai appris pour Severus. Je suis désolée. »
Ce mot encore.
Désolée.
Il n'était pas encore mort.
Il n'était pas…
°O°O°O°O°
Les mains de Draco étaient en sang mais il continuait à creuser.
Il ne sentait même pas la douleur.
Le bourdonnement dans ses oreilles avait cessé mais il devait s'arrêter de temps en temps pour essuyer le sang qui coulait de son front et lui piquait les yeux. Ou peut-être était-ce de la sueur.
Il ne savait pas depuis combien de temps il était là.
Il ne savait pas depuis combien de temps il creusait.
« Draco ! » appela soudain une voix inquiète, au loin.
Il l'ignora, dégageant un bout de roche particulièrement lourd qui entraina la chute d'autres gravas avec lui.
L'appel fût répété, avec urgence, avec inquiétude, et puis, une main sur son épaule.
Il se dégagea violemment mais ne sortit pas sa baguette – sa baguette, où était sa baguette ? – et ne chercha pas à se défendre. Tout ce qui comptait était de continuer à creuser.
Il n'avait pas sauvé les autres dans le tunnel mais il pouvait sauver Daphné et Blaise.
« Draco. » insista une voix que son cerveau finit par identifier comme appartenant à Slughorn. Le vieux Professeur de Potions lui dit autre chose. Quelqu'un chose à propos d'un plafond qui pourrait s'écrouler, de danger…
Il continua à creuser.
Et lorsque l'homme chercha à l'attraper, à l'éloigner de force, Draco se libéra d'un coup d'épaule et retourna inlassablement à sa tâche.
« Mais qu'essayez-vous de faire à la fin ? » s'agaça le sorcier. « Oh, Merlin soit loué ! Auror Shacklebolt, par ici ! »
Il n'écouta pas le reste.
Quelqu'un d'autre venait d'arriver mais malgré les suppliques de Slughorn, le sorcier ne chercha pas à l'arracher à sa mission. Au lieu de ça, Shacklebolt s'accroupit auprès de lui. « Draco ? J'ai parlé à plusieurs personnes qui m'ont dit que tu avais été héroïque aujourd'hui. »
Il tiqua, ses mains s'immobilisant sur les rochers. Il regarda le sang qui les recouvrait et eut envie d'hurler.
« Je les ai enterrés dans le tunnel. » lâcha-t-il.
Ça n'avait rien eu d'héroïque.
Il avait voulu sauver tout le monde et au lieu de ça…
Il était certain que des gens s'étaient retrouvés coincés dans le tunnel à cause de lui.
Qu'ils étaient peut-être morts à cause de lui.
« Les Mangemorts ? » demanda calmement l'Auror.
« Nous devons sortir d'ici. » insista Slughorn. « Le plafond… »
Shacklebolt leva la main, lui faisant signe de se taire.
« Les élèves. » répondit Draco, au bout d'un moment. « Je voulais les aider mais j'ai… Je les ai peut-être tués. »
« Ce n'est pas ce qu'on m'a dit. » contra l'Auror, avec patience. « Tous les élèves à qui j'ai parlé et qui m'ont décrit ce qui s'est passé dans les cachots m'ont dit qu'ils ne s'en seraient pas sortis sans toi. »
Il secoua la tête et se remit à creuser.
« Nous ne sommes pas dans les tunnels, Draco. » reprit Shacklebolt.
Il savait qu'ils n'étaient pas dans les tunnels.
« Je dois les sauver. » marmonna-t-il, parce que peut-être que s'il s'expliquait alors ils le laisseraient tranquille. « Daphné et Blaise sont là-dessous. Je dois les sauver. »
Il entendit Slughorn laisser échapper un bruit presque douloureux. « J'ai jeté un Hominum Revelio en arrivant, mon garçon. S'ils étaient là-dessous… »
« Je dois les sauver. » s'entêta-t-il, en continuant à creuser.
Et, comme pour lui donner raison, une main apparut entre les décombres.
Fine, pâle, avec des bagues dorées abimées par les roches qui les avaient écrasées…
Il serra les doigts de Daphnée.
Ils étaient froids.
« Je dois les sauver. » répéta-t-il doucement et commença à essayer de dégager le reste de son corps.
Ni Shacklebolt, ni Slughorn ne l'aidèrent.
L'Auror se releva pour rejoindre le Professeur.
« Il faut le forcer à… » commença le Maitre des Potions.
« Il a visiblement subi un gros choc et je ne veux pas aggraver les choses. » l'interrompit Shacklebolt. « Jetons un sort de renforcement sur le plafond pour l'instant. Je sais que Tonks est sa tutrice mais y a-t-il quelqu'un d'autre que nous pourrions appeler ? »
« Severus… » répondit Slughorn avant de laisser sa phrase en suspens. « Eh bien, je suppose que je suis son Directeur de Maison à présent. »
« Non… Il nous faut quelqu'un en qui il a confiance. » contra l'Auror. « Quelqu'un qui puisse jouer le rôle de parent. »
Bon courage, songea Draco.
Il n'avait plus personne.
°O°O°O°O°
Sirius laissa Pomfresh s'agiter autour de lui et le gronder comme un enfant pour ne pas avoir rejoint directement l'infirmerie après la bataille. Il n'y avait pas assez de potion antidouleur et il n'aurait pas accepté même si elle avait essayé de lui en faire avaler une. Son corps le faisait souffrir et sa cheville le lançait mais un coup d'œil alentour suffisait à prouver qu'il était chanceux.
Elle referma les plaies qu'avaient laissées le loup de quelques coups de baguette. Le travail était grossier parce que fait dans l'urgence et il savait qu'il garderait les cicatrices.
« D'habitude, je vous dirais de reposer cette jambe autant que possible mais je sais que vous allez retourner vagabonder dans le château dès que j'aurais le dos tourné. » soupira l'infirmière avec fatigue. « Je l'ai immobilisée au mieux, si la douleur s'aggrave, revenez me voir. Quant au doloris… Je vous enverrai un Patronus dès qu'Horace sera revenu avec la potion de Severus, je veux que vous en preniez une dose au moins. Peut-être deux si les tremblements persistent. » Elle lui jeta un regard sévère. « N'essayez pas de le cacher et de souffrir dans votre coin, Sirius. Compris ? »
« Compris. » confirma-t-il, en se frottant le visage, trop fatigué pour protester.
Ils en étaient tous là, songea-t-il.
S'il prenait l'envie à Voldemort de revenir…
« Sirius ! »
Il leva la tête à temps pour voir Remus le rejoindre, l'air inquiet.
« Tu es blessé ? » demanda le loup, quêtant le regard de l'infirmière.
« Rien de grave. » le tranquillisa Pomfresh. « Il a eu de la chance. »
Elle s'éloigna sans un mot de plus.
« Ça va ? » insista pourtant son ami, en posant une main sur son épaule.
« Non. » répondit-il honnêtement. Il se décala pour pouvoir garder un œil sur Harry qui avait rejoint les Weasley à l'autre bout de l'immense salle. « Je… Est-ce que tu savais que Lily et James… »
Il n'eut pas le temps de terminer sa question.
Un lynx argenté apparut soudain à côté de lui.
« Sirius, nous aurions besoin d'aide avec Draco. Suivez le patronus. »
Sirius soupira mais se remit sur ses pieds. « Tu peux rester avec Harry ? Ne le laisse pas filer hors de ta vue. »
Le visage de Remus devint grave. « Tu penses qu'il va tenter quelque chose ? »
« Je ne sais pas. Il est… » Il secoua la tête. « Il est choqué pour le moment, il n'a pas dit grand-chose. Je ne veux pas tenter le diable. Je sais ce que je ferais si j'étais lui. »
« Je vais rester avec lui. » promit son ami. « Va t'occuper de Draco. »
« Je suppose que je suis responsable de lui aussi désormais. » soupira-t-il. Et puis il lui vint à l'esprit que… Il attrapa le bras du loup, cherchant ses mots, ne sachant pas comment lui dire que… « Lunard, Tonks est… Anthony nous a dit que… »
Sa gorge se serra.
L'expression de son meilleur ami se fit urgente. « Non, non, Sirius, elle est vivante. Gravement blessée mais vivante. »
L'air quitta ses poumons et il dût se rasseoir brusquement, fermer les yeux…
Le soulagement était immense.
Il en aurait presque pleuré.
Il l'aurait peut-être fait si le lynx ne s'était pas impatienté. Avec un effort, il se remit debout et, après une dernière recommandation de bien surveiller Harry, suivit le patronus.
Tonks était vivante.
Tonks était vivante.
C'était la première bonne nouvelle de la journée.
Mais Severus la pensait morte.
Combien de temps s'était-il écoulé depuis la fin de la bataille ? Voldemort avait-il commencé à le torturer dès leur retour à Azkaban ou…
Il se résolut à ne pas y penser.
S'il y pensait il serait peut-être tenté de faire quelque chose d'extrêmement stupide du genre qu'il avait interdit à Harry de faire.
C'était la deuxième fois qu'il était forcé d'abandonner Severus à son sort. Ça avait été suffisamment terrible la première fois et ils n'avaient pas encore été véritablement amis à ce moment là. À présent…
Le lynx disparut lorsqu'il tourna un couloir pour trouver un Slughorn nerveux et un Shacklebolt vieilli prématurément par les derniers événements et qui n'avait clairement pas pris le temps de se faire soigner. Puis il aperçut Draco qui semblait déterminé à dégager des gravas d'où pendait une main indubitablement féminine.
S'il n'avait pas aperçu Hermione à l'infirmerie…
Le plafond était béant sur l'étage du dessus, le mur extérieur n'existait plus et la salle de classe de l'autre côté était éventrée. Il était évident que l'endroit était dangereux et la zone instable.
Oubliant sa cheville et son corps las, il se hâta vers son cousin, ignorant les deux hommes qui n'avaient pas été foutus de le tirer de là.
« Draco, qu'est-ce que tu fais ? » demanda-t-il, s'agenouillant à côté de lui.
« Je dois sauver Blaise et Daphné. » marmonna le garçon.
Sirius étudia la main trop molle qui pendait entre deux rochers, pris le pouls juste pour être certain mais il était évident que… Il jeta tout de même un sort, au cas où Zabini… Mais il n'y avait aucun signe de vie, là-dessous.
Il fit au mieux pour ravaler son soupir fatigué. « Draco… »
« Non. » cingla l'adolescent.
Il leva les yeux vers Slughorn et l'Auror.
« Il refuse d'entendre raison. » expliqua le Professeur de Potions.
« Je ne voulais pas le traumatiser davantage. » commenta Kingsley, dans un haussement d'épaules. « Si tu as la situation en main… »
Avait-il l'air d'avoir la situation en main ?
Parlant de mains, celles du Serpentard saignaient abondement. Tout comme son front.
Sirius attrapa fermement ses poignets avant qu'il puisse se blesser davantage. Draco chercha à se dégager mais l'Animagus ne se laissa pas faire. Il l'obligea à se tourner vers lui, le gardant prisonnier.
« Je dois les sauver ! » protesta le garçon, s'agitant davantage encore.
Combien de fois son cœur pouvait-il se briser dans sa poitrine, ce jour là ?
« Tu ne peux plus rien pour eux. » contra-t-il, avec autant de douceur qu'il le pouvait. Son cousin secoua la tête et voulut se retourner vers la tombe de gravas. « Draco. Draco, écoute-moi, tu ne peux plus les sauver. »
« Non ! » cria le garçon, sans aucune once du calme qui le caractérisait d'ordinaire. « Tu dis n'importe quoi ! Tu… »
« Draco, ils sont morts. » le coupa-t-il.
Il regretta immédiatement sa brusquerie mais, au moins, son cousin cessa de se débattre pour croiser son regard, la respiration trop hachée, les yeux trop humides.
« Non… » insista l'adolescent.
« Je suis désolé. » murmura-t-il. « Je suis désolé, ils sont morts. »
Les traits du garçon se contorsionnèrent de douleur et des larmes s'échappèrent pour rouler sur ses joues. Sirius lâcha ses poignets, le laissant les essuyer rageusement. Sa respiration était bruyante, hachée, à la limite du sanglot ou du gémissement de détresse, mais, après plusieurs secondes, il parut se contrôler.
Il se tendit lorsque l'Animagus lui toucha l'épaule mais ne protesta pas lorsqu'il l'aida à se remettre debout et l'entraîna vers une zone plus sûre du couloir.
« Il faut… Je dois le dire à Astoria. » marmonna l'adolescent, frottant à nouveau son visage contre sa manche.
« Je vais le faire, mon garçon. » offrit Slughorn. « Il est urgent que vous voyez un Médicomage. »
« Non. » insista Draco. « Astoria… »
« On va à l'infirmerie. » décréta Sirius, d'un ton qu'il espérait suffisamment ferme. Son cousin ouvrit la bouche pour protester mais il ne lui en laissa pas le temps. « Je comprends, je te promets que je comprends, mais ta main gauche m'a l'air salement amochée, cette plaie sur ta tête n'est vraiment pas jolie et je suis sûr qu'il y a pire sous ton uniforme. On va à l'infirmerie. »
Le garçon hésita mais il avait l'air suffisamment confus, suffisamment perdu, pour ne pas trop lui causer de difficultés lorsqu'il le guida vers l'antre de Pomfresh.
« J'ai… Je crois que j'ai tué des gens. » marmonna Draco, sur le chemin. « Dans le tunnel. J'ai fait exploser le tunnel. Il y avait des élèves coincés sous les rochers. Ils étaient morts. Je crois que j'ai tué des gens. »
« Ce n'est pas toi qui les a tués. » contra Sirius. « Ce sont les Mangemorts. »
« C'est moi qui ait détruit le plafond. » insista l'adolescent. « Je visais Greyback mais je… Ils étaient morts dessous, Sirius, et ça ne les a même pas arrêtés… Ils ont continué à jeter des sorts de mort sur tout le monde et… »
« Draco, tu n'as tué personne. » l'interrompit-il, en passant un bras autour de ses épaules, autant pour le réconforter que parce que son cousin semblait sur le point de s'écrouler. « Je te promets que tu n'as tué personne. »
Si c'était un mensonge, tant pis. Il s'assurerait que ça devienne la vérité. Si quelqu'un allait s'intéresser à comment étaient morts les élèves dans le tunnel… Il convaincrait bien Dumbledore que ça ne rimerait à rien.
Et il allait s'assurer que Draco n'apprenne pas que Trelawney s'était retrouvée coincée sous les gravas.
« Je veux rentrer chez moi. » murmura l'adolescent faiblement, plus comme un enfant que comme un jeune homme.
C'était un vœu qui n'avait aucune chance de se réaliser et le gamin devait le savoir.
Sirius raffermit son étreinte. « L'infirmerie, d'abord, et ensuite tu peux retourner dans nos appartements, d'accord ? Dormir un peu. »
« Dormir. » répéta Draco, mollement.
« Oui, dormir. » confirma-t-il. « Ou manger. Ou te laver. Ce que tu veux. »
Il espérait juste que ses appartements ne faisaient pas partie d'une zone du château qui n'était pas sûre. Et puis, quand bien même, si c'était le cas, il ramènerait les garçons au Square Grimmaurd. Ce serait mieux que rien.
Et Nyssa devait mourir d'inquiétude.
S'il avait pu jeter un patronus…
°O°O°O°O°
Harry ne comprenait pas tout à ce que les Weasley lui expliquaient.
Percy mort, Charlie sous Imperium qui avait poignardé Tonks – c'était donc comme ça qu'elle était morte mais il ne voulait pas y penser, ne pouvait pas y penser…
Il savait qu'il ne faisait pas, ne disait pas ce qu'il fallait.
Mrs Weasley ne cessait de se forcer à lui sourire exactement de la même manière qu'elle se forçait à sourire à ses propres enfants pour mieux les consoler, les rassurer… Ginny le fixait du regard, attendant…
Attendant quelque chose qu'il n'était pas en mesure de lui donner.
Hermione, de même, semblait vouloir le faire parler, lui faire dire…
Il ne savait pas.
Lorsque Remus arriva silencieusement dans son dos et plaça une main sur son épaule, ce fût presque un soulagement. Il se laissa attirer à l'écart, dans une partie un peu plus calme de l'infirmerie.
Cela n'avait même pas d'importance qu'il n'ait pas revu Remus seul à seul depuis l'incident où le loup-garou avait si violemment perdu son calme. Cela n'avait aucune importance. Rien n'avait d'importance.
« Tu tiens le coup, Harry ? » demanda son ancien Professeur de Défense.
Là encore, le garçon n'avait pas les mots, pas l'énergie de mentir ou de faire semblant de…
« Oui. » soupira Remus, sans attendre de réponse. « Je suppose que c'est une question idiote. » Il sembla hésiter un moment puis avec une petite grimace, tira un objet de la poche intérieure de sa veste. « Je l'ai trouvée dehors. »
Harry lui arracha la baguette d'aubépine des mains avant même qu'il ait terminé son explication et la serra contre son torse. La vague d'émotions menaça de balayer ses boucliers. Il y avait une estafilade sur le manche qui n'avait pas été là avant aujourd'hui. Il passa et repassa nerveusement le pouce dessus comme si cela avait pu la gommer.
Logiquement, il avait su que Voldemort n'aurait pas laissé sa baguette à Severus de toute manière mais qu'il soit entièrement désarmé, sans possibilité de la récupérer sur un garde ou…
« J'ai pensé qu'elle te revenait. » offrit Remus gentiment.
Comme un legs, déduisit-il. Parce que, comme tant d'autres, Lunard considérait que Severus était déjà mort.
« Merci. » se força-t-il à marmonner.
Le loup-garou lui serra l'épaule, non sans compassion. « Je sais que c'est difficile… »
Harry ne répondit pas.
Pas plus que lorsque Chourave s'arrêta près d'eux pour toucher le bras de Remus. « Minerva a besoin de vous pour parler aux parents d'élèves de Donnovan et de Brown. J'aimerai aussi que vous jetiez un coup d'œil à Pritchard. Il était dans la salle commune et nie toute blessure mais Aurora vient de nous l'emmener, il semble cacher une morsure. »
L'ancien Professeur de Défense acquiesça immédiatement mais parut hésiter un instant. « Retourne avec les Weasley, tu veux ? »
À nouveau, Harry se laissa faire sans protester.
Il ne dit rien non plus quand Remus prit discrètement Mrs Weasley à part.
« Je suis désolé de te demander quoi que ce soit en un moment aussi pénible mais pourrais-tu garder un œil sur Harry le temps que Sirius revienne ? »
Il ne fit même pas signe d'avoir entendu ou vu le regard lourd de sens que les adultes échangèrent.
Harry n'était pas stupide.
Il n'allait pas s'enfuir de l'infirmerie alors que tout le monde s'attendait à ce qu'il le fasse. Il ne faudrait pas plus de quelques minutes avant qu'ils ne le rattrapent.
Non…
Voldemort ne tuerait pas Severus tout de suite.
Il allait faire durer le plaisir, il était sadique comme ça.
Et Severus…
Severus pouvait endurer quelques heures de souffrance.
Severus…
Harry n'avait pas le droit à l'erreur.
Bien à l'abri derrière ses boucliers, il prenait son mal en patience.
Et il utilisait ce temps là pour peaufiner son plan.
°O°O°O°O°
Draco avançait comme dans le brouillard.
Il avait vaguement conscience du bras que Sirius avait passé autour de ses épaules mais ne trouvait pas l'énergie de le repousser.
C'était comme si la scène ne cessait de se rejouer devant lui. Blaise qui relevait la tête. Le monde qui explosait.
Il cilla et le couloir laissa place à l'infirmerie.
Il cilla et Sirius le guidait jusqu'à un lit.
Il cilla et un Médicomage aux robes de Sainte Mangouste agitait sa baguette autour de sa tête.
Son cousin lui parlait. Un flot de paroles continu qui ne parvenait pas jusqu'à ses oreilles.
Le Médicomage aussi posait des questions mais Draco ne connaissait pas les réponses. Il se contentait de regarder l'homme comme un idiot sans rien comprendre.
Blaise relevait la tête.
Le monde explosait.
Il levait sa baguette.
Le tunnel s'écroulait.
Blaise relevait la tête…
« Draco. »
Sirius avait encadré son visage de ses mains, le forçait à le regarder en face.
Il aurait dû se dégager, protester le contact…
Il cilla, se concentra un peu plus.
« Est-ce que tu as mal quelque part ? »
Est-ce qu'il avait mal quelque part ?
« Partout. » murmura-t-il. Mais ce n'était pas vraiment de la douleur, si ? Juste… « Nulle part. » Il voulut se frotter les yeux mais le Médicomage attrapa son poignet avant qu'il ait pu toucher son visage. « Je ne sais pas. »
Le Médicomage n'avait pas l'air heureux mais il referma la plaie sur son front et disparut juste assez longtemps pour revenir avec un bol dans lequel il guida ses mains. Essence de dictame, lui dirent ses connaissances en Potions. Ça ne l'empêcha pas de siffler de douleur.
« Il a des hématomes et des coupures superficielles sur le reste du corps. » expliqua l'homme à son cousin. « Veillez bien à ce qu'il les désinfecte après s'être lavé. »
« Je ne suis pas un enfant. » grommela-t-il, pour la forme.
« Personne n'a dit que tu étais un enfant. » soupira Sirius, en lui tapotant prudemment la jambe.
Il n'osait pas demander où était Tonks ou pourquoi c'était lui qu'on avait appelé.
Il avait peur de deviner.
Quant à Snape…
Slughorn avait dit qu'il était à nouveau Directeur de Maison.
« Snape est mort ? » demanda-t-il.
« Capturé. » corrigea l'ancien fugitif comme si ça faisait vraiment une différence.
Draco ferma les yeux.
Cela semblait absolument ahurissant que le Professeur lui ait donné une série de retenues injustes il y avait quelques heures à peine.
Quelques heures.
Blaise levait la tête.
Le mur explosait.
Blaise levait la tête.
Le mur…
« Blaise a tué le père de Goyle. » marmonna-t-il. « Je crois qu'il avait tué Daphné. »
« Alors Blaise a bien fait. » répondit Sirius.
« Ça n'a pas ramené Daphné. » remarqua-t-il. Et ça n'avait pas sauvé Blaise. Ça n'avait pas… « Est-ce que tu sais si… Est-ce que… » Il déglutit avec difficultés, voulu étouffer une légère quinte de toux dans sa main mais le bol d'essence de dictame… Il hésita… « Est-ce que… »
« Hermione est quelque part par là. » offrit l'Animagus, en étirant le cou pour voir par-dessus le ballet de soignants qui allaient et venaient.
Ils étaient dans une des alcôves, réalisa Draco avec un temps de retard, à l'abri des regards indiscrets, sur un lit métamorphosé à la va-vite.
Hermione.
Penser à Hermione lui faisait mal.
Je t'aime.
Trop facile.
Trop facile…
Elle était partie.
Elle…
« Mon père. » lâcha-t-il. « Est-ce que tu sais si… »
« Oh. » Sirius cessa de chercher la jeune fille des yeux pour se tourner vers lui. « Je ne sais pas. »
Il s'humecta les lèvres. « Est-ce que tu peux… Est-ce que tu peux demander ? »
C'était délicat, il le savait. Lucius était l'ennemi. Lucius…
Blaise levait la tête.
Le mur explosait.
Blaise levait la tête.
Il levait sa baguette.
Le tunnel…
« Oui. » offrit son cousin, dans un soupir. « Oui, je vais me renseigner. Reste là, d'accord ? Laisse tes mains dans le bol. Je reviens tout de suite. »
Draco hocha la tête, s'enfonçant un peu plus dans l'alcôve.
Blaise levait la tête…
°O°O°O°O°
Albus rencontra sa sous-directrice sur le chemin qui menait au château.
Il venait à peine de revenir de Londres et était passablement agacé d'avoir dû lui-même réparer les grilles de l'école en chemin, sans mentionner la sécurité générale qui…
« Minerva, pourquoi n'avez-vous pas relever les protections ? » attaqua-t-il, sans même lui laisser le temps de dire quoi que ce soit.
Un éclat de colère passa dans son regard et il regretta de ne pas avoir modéré son ton. Il n'était, après tout, pas le seul à avoir eu une journée difficile.
« Et comment étais-je censée relever les protections, Albus ? » cracha-t-elle. « Je ne suis pas la Directrice, au cas où cela vous serait sorti de la tête. Je ne peux pas, à moi seule, protéger Poudlard ! »
Il leva les mains en signe d'excuses. « Pardonnez-moi, Minerva. Je… Pardonnez-moi. »
L'irritation de sa vieille amie perdura plusieurs secondes puis disparût, remplacée par une profonde lassitude. « Albus, votre frère… »
« Je sais. » lâcha-t-il. Kingsley le lui avait dit en des termes on ne pouvait plus clairs alors qu'ils déblayaient des débris au Ministère. Et la douleur ne s'était toujours pas évanouie.
« Mes condoléances. » offrit la sorcière, en lui attrapant la main. Elle la serra fort une seconde puis la laissa tomber avant de se racler la gorge. « Il est dans la Grande Salle avec les autres. »
Les autres.
« Est-on allé chercher le corps de Gellert ? » s'enquit-il, s'efforçant de garder un ton neutre mais échouant lamentablement à masquer son émotion.
« Gellert… Grindelwald ? » demanda-t-elle. « Non, ma foi, je ne crois pas. J'ignorais même qu'il… Personne ne m'a dit en détails ce qu'il s'était passé là haut. » Elle secoua la tête. « J'enverrai quelqu'un. Il nous faut aussi décider quoi faire avec les élèves et les parents. La majorité ne semblent pas savoir s'ils veulent partir ou rester, c'est… » Elle s'interrompit, soupira et leva les mains en signe d'impuissance. « Il y a beaucoup de pertes chez les élèves, Albus. »
« Je sais. » répéta-t-il. Ou, du moins, il l'imaginait sans mal au récit que lui en avait fait les enfants qu'il avait secourus. « Pour l'instant, l'urgence est aux protections. Les Directeurs de Maisons… »
« Quels Directeurs de Maisons ? » l'interrompit-elle, avec amertume. « Je suis épuisée, je n'ai même plus assez de forces pour un pauvre sort de lévitation. Severus… Horace a à nouveau pris le relais mais Poudlard ne semble pas le reconnaître comme Directeur de Serpentard et, quant bien même l'école se déciderait à le faire, entre son rôle d'ancre et l'énergie qu'il a dépensé à l'infirmerie, il est presque aussi vidé que moi. Pomona n'a pas la puissance nécessaire pour les redresser seule et quant à Filius… » Elle ferma les yeux. « Filius a été assassiné par Charlie Weasley qui était sous Imperium. »
Il accusa le coup.
Encore une autre perte.
Encore un autre ami.
Si tôt après celles, immenses de Gellert et Abelforth, de Severus…
Il ferma son esprit.
Il aurait tout donné pour avoir accès à sa pensine à cet instant, pour se débarrasser de tous ces souvenirs qui l'empêchait de réfléchir, de…
« Je vois. » parvint-il à déclarer. « D'autres pertes notables ? »
Elle ne se formalisa pas de la formulation, probablement parce qu'elle devinait qu'il cherchait à cacher sa peine.
« Charity et Septima sont mortes dans les tunnels. » annonça-t-elle. « Mais le reste du corps professoral est en vie à défaut d'être en un seul morceau. L'infirmerie est bondée et le Directeur de Sainte Mangouste m'a fait savoir qu'il voulait vous parler au plus vite. Poppy a parlé d'évacuer certains blessés vers l'hôpital mais les Médicomages freinent des quatre fers. » Elle pinça les lèvres. « Je soupçonne que le Directeur compte mettre l'hôpital sous Fidelitas afin de protéger les patients permanents. »
Cela ne l'étonnerait pas outre mesure.
« C'est avec Kingsley qu'il devrait discuter, dans ce cas. » commenta-t-il. « C'est une décision pour le Ministre. »
« Rufus et Amelia ? » devina-t-elle tristement.
Il secoua la tête. « Tout indique qu'ils ont péris dans l'attaque. Le sort d'Amelia est moins clair mais qu'elle ne se soit pas encore manifestée me fait dire qu'elle ne s'en est pas sortie non plus. Elle n'est pas sorcière à se cacher. »
« Je ne suis pas certaine que Kingsley veuille endosser la responsabilité du Ministère, Albus… » remarqua-t-elle prudemment.
« Je crains qu'il n'ait pas le choix. » soupira-t-il.
« Vraiment ? » se moqua-t-elle. « Il ne l'a pas ? »
Il préféra ne pas relever le sous-entendu et soupira à nouveau. « Les protections d'abord. Le reste ensuite. Gérez au mieux les parents d'élèves pour le moment, dites leur que nous accueillerons ceux qui souhaitent rester au château. Poudlard n'est plus une école désormais, c'est un symbole. Le dernier lieu de résistance. Et nous aurons besoin de toutes les baguettes possibles. Soyez claire cependant, s'ils restent, ils pourront être amenés à se battre. »
Il s'éloigna vers le lac, là où il serait seul et pourrait se connecter à Poudlard aussi intimement qu'un Directeur pouvait le faire.
°O°O°O°O°
Remus avait à peine transplanné à la lisière de la forêt que Laura sortait du cottage et se précipitait vers lui.
Il ouvrit les bras et la serra fort contre lui, respirant profondément son odeur familière.
Meute.
Lunard s'apaisa quelque peu.
« Tu empestes le sang et la mort, Alpha. » gronda la louve, pas avec agressivité mais avec détresse.
Il ferma les yeux, laissa tomber sa tête sur son épaule, s'abandonnant au réconfort de son étreinte.
Il n'avait quitté l'école qu'une fois certain que les protections étaient à nouveau opérationnelles et qu'Albus avait la situation en main. Non pas qu'il y ait grand-chose de plus à faire pour l'instant mis à part notifier les familles des décès, renforcer les zones du château qui avaient été touchées , prodiguer du réconfort aux uns et consoler les autres, et…
Très bien, il y avait beaucoup à faire mais la priorité de Remus allait à sa meute or…
« Prépare tes affaires, je te ramène à Poudlard. » déclara-t-il, en la relâchant. « J'ai besoin de toi là bas. »
Laura hésita. « Tu as promis que je n'aurais pas à me battre… »
« Ce n'est pas pour ça. » soupira-t-il. « Greyback et ses loups… Ils ont mordu des enfants. »
Elle fronça les sourcils. « Ce n'est pas la pleine lune. »
« Mais ils étaient sous forme de loups. » contra-t-il. « Et je sens la malédiction sur eux. »
Et la conversation qu'il avait eu avec les parents de Bowen Donnovan avait vite tourné en rond. Ils avaient accueilli la nouvelle de la lycanthropie de leur fils avec colère et… Remus avait préféré se retirer lorsque le père avait dit ouvertement qu'il aurait préféré le voir mort. La mère de Lavande avait simplement été soulagée qu'elle soit vivante, au contraire, mais avait également eu l'air de s'enfoncer dans le déni lorsqu'il avait tenté de lui expliquer qu'elle avait été mordue. Quant à Graham Pritchard, le Serpentard de quatrième année refusait toujours d'admettre qu'un loup l'avait attaqué, il persistait à dire que sa blessure venait d'une mauvaise chute, et ses parents ne s'étaient pas encore montrés, probablement parce qu'ils n'étaient pas du bon bord, comme le lui avait glissé Chourave.
Graham n'était pas le seul enfant de Mangemorts que Greyback avait échoué à ramener à bon port, comme il en avait visiblement eu la mission. Il en avait compté au moins trois dont un sixième année de Serpentard qui avait débité tout le plan à Kingsley dès qu'il l'avait aperçu dans l'espoir de se voir épargné.
Épargné quoi, ça…
Ils ne savaient déjà pas ce qu'ils allaient faire de leurs prisonniers alors envisager des répercussions pour des gamins qui avaient, au demeurant, suivi les instructions de leurs parents…
« Ils ont peur et ils sont perdus. » continua-t-il tristement. « Cela n'aide pas que tout les Médicomages les regardent comme des monstres de foire… J'ai pensé… »
« Oui. » déclara-t-elle immédiatement, son attitude ayant changé du tout au tout maintenant qu'elle était certaine qu'il ne s'agissait pas de l'envoyer au combat. « Ils sont à nous ? »
« Ils ne sont certainement pas à Greyback. » gronda-t-il, du ton grave qui trahissait la présence de Lunard. « Oui… Oui, ils sont à nous. »
Sa meute était principalement formée de loups vulnérables et ce n'était pas l'idéal.
Mais il mourrait pour les protéger comme tout bon Alpha se le devait.
°O°O°O°O°
Blaise levait la tête.
Le mur explosait.
Il levait sa baguette.
Le tunnel explosait.
Blaise levait la tête.
« Draco ! »
Il sursauta, renversa le bol d'essence de dictame qui se brisa sur le sol dans un bruit trop brutal qui alarma tous les occupants des lits environnants et lui valut plus d'un regard noir de la part des Médicomages. Il voulut nettoyer, ne trouva pas sa baguette…
Sa baguette.
Il levait sa baguette.
Le tunnel explosait.
Quelqu'un lui rentra dedans comme un boulet de canon. Des bras autour de son torse, pressant sur des hématomes qui le firent siffler de douleur. Des larmes chaudes qui roulaient contre sa gorge. Des cheveux en boucles désordonnées qui lui chatouillaient les narines.
Granger.
Une part de lui se détendit.
Une autre…
Il la repoussa.
Ses mains lui firent mal lorsqu'il lui attrapa les bras.
Elle avait l'air…
Elle n'avait pas l'air trop mal en point. Certainement moins que lui. Mis à part les larmes sur son visage, elle semblait tout à fait indemne.
« Draco. » souffla-t-elle. « J'étais si inquiète… »
« Peut-être que tu n'aurais pas dû m'abandonner dans ce cas. » siffla-t-il, ses yeux gris captant le regard vert par-dessus son épaule.
Potter et Weasley se tenaient derrière elle. Comme toujours. Parce que, au final, ce serait toujours ainsi : Potter, Granger et Weasley contre le reste du monde. Et lui… Lui ne comptait pas. Ni pour elle, ni pour Ron avec qui il pensait pourtant avoir lié une amitié sincère.
La colère le submergea.
Parce qu'il était seul, à présent. Plus de Blaise pour plaisanter avec lui, se moquer de ses obsessions pour le Balafré ou lui faire remarquer à voix basse que la manière dont il regardait Granger n'était pas subtile. Plus d'amis, plus d'alliés, plus rien.
Lorsqu'elle voulut le toucher à nouveau, il repoussa ses mains.
« Tu t'es bien amusée ? Tu t'es bien amusée à jouer les héros pendant qu'on se faisait tailler en pièces ? » cingla-t-il.
Elle fit un pas en arrière comme s'il l'avait frappée.
Arrête, murmura une petite voix dans sa tête, peut-être celle de la raison. Ce n'est pas sa faute.
Mais c'était sa faute.
Sa faute et celle de Potter et…
« Draco, calme toi. » exigea Ron, d'un ton plus fatigué que ferme.
« Que je me calme ? » répéta-t-il, en élevant la voix. « Tu veux que je me calme ? »
Il tourna les yeux vers Potter mais le Survivant paraissait étrangement muet. Il regardait la scène se dérouler avec un calme olympien, presque comme si cela ne le concernait pas…
« Draco… » murmura Granger, en esquissant un nouveau geste vers sa main.
Il eut un mouvement de recul. « Blaise et Daphné sont morts. »
Elle laissa échapper un glapissement de surprise plein de douleur. Weasley ferma les yeux.
Potter…
Potter ne tressaillit même pas.
« C'était ton idée. » cracha-t-il. « L'A.D., c'était ton idée. »
« Hermione ne leur a pas demandé de nous suivre. » la défendit Ron. « Tu sais très bien qu'ils… »
« Ce que je sais c'est qu'ils sont morts. » cingla-t-il. « Comme tous les gosses dans les cachots. Comme… »
Blaise levait la tête.
Le mur explosait.
Il levait sa baguette.
Le tunnel…
Il s'interrompit. Secoua la tête.
« Tu m'as dit je t'aime. » reprit-il, tout en continuant de secouer la tête. Rien n'avait de sens. Tout était confus. Tout… « Tu m'as dit je t'aime et tu es partie te faire tuer. Tu ne m'as même pas laissé répondre. Tu… Qui fait ça ? Tu ne m'as même pas laissé le choix de venir avec toi. Tu… »
« La dernière fois, tu m'as suivie et tu es mort. » le coupa-t-elle, entre deux sanglots. « Tu as été très clair, tu ne voulais pas… Je ne t'aurais jamais forcé à te battre, tu as dit… »
« Tu m'as dit je t'aime et tu es partie te faire tuer ! » hurla-t-il, suffisamment fort pour que la moitié de l'infirmerie se tourne vers eux.
Potter ne disait toujours rien.
Ron ne semblait pas savoir s'il voulait s'en mêler.
Granger continuait à pleurer. « Je t'aime. »
« Non. » ricana-t-il froidement, sans aucun amusement. « Non, tu ne m'aimes pas. Certainement pas assez pour rester avec moi. Certainement pas autant que ta guerre sainte. »
« Draco… » gémit-elle. « S'il te plait, tu… »
« Blaise et Daphné sont morts ! » la coupa-t-il, criant à nouveau.
Il n'en fallut pas plus pour que Pomfresh fonde sur eux tel un rapace.
« Voulez-vous bien baisser la voix, Mr Malfoy ? » le gronda-t-elle, sans hostilité réelle. « Vous êtes bouleversé et ça se comprend mais il y a ici des gens gravement blessés. Certains qui ne s'en remettront probablement pas. »
« Merci, Madame Pomfresh. Je suis là maintenant. » intervint sèchement Sirius, en réapparaissant derrière elle. L'infirmière ne parut pas heureuse de se faire chasser mais son cousin savait obtenir ce qu'il voulait. « Bon, il se passe quoi, ici ? »
« Je veux qu'ils s'en aillent. » lâcha-t-il. « Je ne veux pas les voir. »
Granger voulut protester mais Weasley lui passa un bras autour des épaules.
« Viens. » l'encouragea Ron. « Tu lui parleras plus tard. Là, c'est… C'est trop tôt. Il ne sait pas ce qu'il dit, tu vois bien. Laisse-lui le temps, d'accord ? »
Les sanglots de la jeune fille lui faisaient mal et une part de lui voulait la rattraper, s'excuser d'être un idiot, la serrer fort contre lui, l'embrasser jusqu'à oublier son propre nom…
Il ne bougea pas.
Blaise levait la tête.
Le mur explosait.
Il levait sa baguette.
Le tunnel…
Potter n'avait pas bougé et le fixait du regard avec trop de compassion.
« Tout ça c'est ta faute. » siffla-t-il.
« Draco, ça suffit. » asséna Sirius. « Ce n'est pas plus la faute d'Harry que la tienne ou celle d'Hermione. On a tous eu une journée de merde. Venez, tous les deux, je vous ramène dans mes appartements. »
Mais alors que le Serpentard se remettait difficilement debout, Potter lui glissa, en aparté, sans aucune intonation du tout. « Je sais. »
Et Draco sut qu'ils n'en avaient pas terminé avec son acte de martyr.
Bien sûr que non.
Snape avait été capturé.
Quelles étaient les chances qu'il n'aille pas se faire tuer en tentant de le sauver ?
Et Granger et Weasley suivraient bien entendu, comme toujours…
Pourquoi était-il allé s'attacher à des gens qui…
Mettre un pied devant l'autre était beaucoup plus difficile qu'il n'y paraissait. Il était complètement à plat, si fatigué… Les couloirs semblaient interminables, aucun ne semblait avoir été épargné par la bataille et…
« Tu m'entends ? »
Il sursauta, tourna la tête vers son cousin qui le regardait avec inquiétude, sourcils froncés. « Pardon ? »
« Je disais que si ton père était là, il n'est pas parmi les… victimes. » répéta Sirius.
Le soulagement ne fût pas aussi intense qu'il l'aurait voulu. Il ressentait un certain conflit à…
« Merci d'avoir vérifié. » marmonna-t-il.
Son cousin lui adressa un hochement de tête.
Potter continua de les ignorer plus ou moins tous les deux.
Le chemin jusqu'aux appartements de Sirius fût long, pénible et se passa dans un silence tendu, mais à la seconde où le portrait bascula, Draco voulut aller droit vers la chambre qu'il avait occupée la veille uniquement pour se voir stoppé net dans son élan par une main sur son épaule qui le tourna en direction de l'unique salle de bain.
« Douche-toi d'abord, tu t'écrouleras ensuite. » conseilla Sirius. « Et n'oublie pas de désinfecter les plaies. Il y a des potions dans l'armoire à pharmacie. »
Dans un état un peu second, il obéit, fermant la porte derrière lui sans la verrouiller parce que… Parce qu'il n'était pas sûr qu'il n'aurait pas besoin d'aide, s'il était honnête. Il ôta machinalement le sceau des Malfoy et le posa sur le bord du lavabo avant de se débarrasser de son uniforme dégoûtant. Il y aurait mis le feu s'il avait eu une baguette.
Sa baguette.
Où était-elle passée ?
Il levait sa baguette et le tunnel…
Il augmenta la température de l'eau jusqu'à être pratiquement ébouillanté.
Cela lui fit du bien.
Il perdit la notion du temps sous le jet d'eau chaude. Il appuya le front contre les tuiles bleutées de la douche, ferma les yeux et…
Sursauta lorsque des coups furent frappés à la porte.
« Draco ? Tout va bien là dedans ? »
Se frottant le visage, grimaçant à cause de sa main gauche qui, en plus d'être lacérée par les rochers qu'il avait déplacés, avait été écrasée pendant la bousculade, il coupa l'eau. « Oui ! »
Il y eut un silence puis son cousin se racla la gorge. « Tu es sûr ? Ça fait un moment que tu es dans la salle de bain. »
Il hésita puis soupira, attrapant une serviette propre pour s'essuyer. « Je me suis endormi. »
Un autre silence puis un soupir las qui fit écho au sien. « Essaye de ne pas te rendormir de nouveau, d'accord ? J'ai fait apparaître ton pyjama sur le bord du lavabo. »
Son corps était couvert d'hématomes et de coupures. Il trouva les potions dans l'armoire à pharmacie et en badigeonna généreusement les plaies mais n'essaya même pas de se contorsionner pour atteindre son dos. Il n'avait plus suffisamment de dignité ou de fierté pour se préoccuper de ce dont cela aurait l'air lorsqu'il enfila le pantalon à la va-vite et sorti de la salle de bain torse-nu, après avoir empoché le sceau des Malfoy qu'il ne put se résoudre à remettre à son doigt. Il ne se préoccupa pas non plus de ce que cela signifiait que Sirius traîne près de la porte avec un air inquiet, il se contenta de lui tendre la fiole de potion et de lui tourner le dos.
Il y eut deux sifflements derrière lui.
Potter adossé au cadre de la porte du salon semblait enfin s'être souvenu que les êtres humains avaient des émotions.
« Merde, ce n'est vraiment pas joli. » commenta son cousin, en appliquant prudemment la potion sur les plaies. « Attends, laisse-moi jeter un sort de diagnostic… C'était un guignol ce Médicomage, il aurait dû te garder à l'infirmerie… »
« Tu es sûr qu'il n'y a rien de cassé ? » demanda Potter. « Son omoplate. C'est très… »
« Le couloir a explosé. » marmonna-t-il.
Blaise levait la tête.
Le mur…
Il ferma les yeux, se força à prendre une profonde inspiration. « Ma baguette. J'ai perdu… »
« C'est moi qui l'ait. » répondit Sirius, en la lui rendant. « Slughorn l'a trouvée par terre. »
Draco se sentit mieux lorsqu'il eut sa baguette en main. Il laissa même l'ancien fugitif jeter un sort de diagnostic.
« Rien de cassé. » soupira Sirius. « Mais tu es salement amoché, cousin. On ne peut pas mettre de baume sur les hématomes à cause des plaies… »
Il haussa les épaules et se tourna vers eux. « Je ne sens rien. »
« Tu le sentiras demain. » remarqua Potter.
Sirius se racla la gorge et désigna la salle de bain du pouce. « Ton tour, Harry. »
Le Survivant secoua la tête. « Je n'ai pas mes affaires. Écoute, je peux très bien rentrer à la maison et… »
« Oui, c'est ça. » grinça le Professeur de Défense. « Bien essayé. Je vais te passer de quoi dormir. »
« J'ai besoin de mon nécessaire à lentilles et… » contra à nouveau Harry.
« Je ne vais pas te laisser te lancer à sa poursuite. » cingla Sirius. « Alors tu peux arrêter tout de suite d'échafauder des plans pour me fausser compagnie. La cape d'invisibilité, donne la moi. »
Draco enfila son haut de pyjama, n'ayant que peu à faire de si Potter s'enfuyait ou pas. Il voulait juste… Il voulait juste dormir. Il voulait juste…
« Je ne l'ai pas. » protesta Potter. « Elle était dans mon sac et il est resté dans la Grande Salle. Tout ce que j'ai, c'est la Carte et des potions. »
« Vide tes poches. » ordonna Sirius.
Le Survivant eut l'air trahi mais, avec un soupir agacé, fit exactement ce que lui demandait son parrain et extirpa la Carte des Maraudeurs et quelques fioles de ses poches.
Draco décida que le drama familial ne l'intéressait pas et fit quelques pas vers la chambre qu'il avait occupée la veille.
« Attends, attends… » exigea Sirius, en lui attrapant le bras, sans toutefois serrer assez pour lui faire mal. « Le salon. Bois une tasse de thé, au moins. »
« Je veux juste dormir. » grogna-t-il .
Potter, semblait-il, avait cessé de protester et avait disparu dans la salle de bain.
« Oui, je sais. Mais tu n'as rien avalé de la journée. » contra son cousin. « Crois-moi, tu te sentiras mieux quand tu auras bu et mangé. »
Il n'avait pas suffisamment d'énergie pour protester.
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Les vêtements propres apparurent sur le bord du lavabo quelques secondes après qu'Harry ait verrouillé la porte de la salle de bain derrière lui.
Sirius n'avait confisqué ni la Carte, ni les potions que Severus lui avait ordonné de garder sur lui en permanence. Ses poches pendaient toutes à l'envers, retournées, ce qui n'empêcha pas Harry de sourire légèrement lorsqu'il déboutonna sa chemise et que le tissu fluide de la cape d'invisibilité apparut, collé à sa peau par un sort de glue.
Il avait su qu'il faisait le bon choix lorsqu'il avait supplié Mrs Weasley de lui laisser utiliser les toilettes, plus tôt.
Il avait su que son parrain réclamerait la cape.
Severus se serait méfié.
Mais Sirius ne réfléchissait pas comme un serpent.
°O°O°O°O°
Les vitraux de la Grande Salle avaient été brisés pendant la bataille et le crépuscule qui tombait lentement sur le domaine jetait des ombres changeantes sur les défunts qui semblaient dormir là, bien alignés. Albus avait parcouru les allées de corps la gorge nouée, avant de s'arrêter devant celui de son frère. Sa gorge avait été tranchée et si quelqu'un avait fermé ses yeux, il devinait…
Quelqu'un avait couché son bâton près de lui.
Arianna, d'abord. Abelforth, maintenant.
Il avait échoué.
Si lamentablement échoué.
Il était l'ainé. Il aurait dû…
Des bruits de pas l'arrachèrent à sa tristesse, le poussèrent à repousser les émotions qui lui étranglaient la gorge. Il se tourna vers le Chef du Bureau des Aurors dont le boitement semblait s'être aggravé depuis le début de l'après-midi.
« Vous n'avez toujours pas vu de Médicomage. » lui reprocha gentiment Albus.
« Pas le temps. » répondit Kingsley, en balayant l'air de la main. « Mes Aurors sont revenus de Sainte Mangouste et du Chemin de Traverse. Rien à signaler si ce n'est que le Chemin de Traverse est encore plus désert que ces derniers mois. J'ai organisé une surveillance du domaine mais ils sont épuisés. »
« Comme nous tous. » soupira-t-il.
Il avait envoyé Minerva se coucher lorsqu'elle avait manqué s'évanouir directement dans ses bras. La sous-directrice en avait fait plus que ce qu'il pouvait lui demander.
« Justement. » contra l'Auror. « S'ils reviennent… »
« Ils ne reviendront pas tout de suite. » déclara-t-il, en secouant la tête. « Ce n'est pas ainsi que Tom réfléchit. Il va s'amuser un moment de nous voir paniquer et tenter de nous réorganiser, comme un enfant donne un coup de pied dans une fourmilière pour le simple plaisir de torturer les insectes. »
Et puis il avait Severus pour l'occuper.
Sa mâchoire se contracta lorsqu'il imagina ce que son ami était en train de subir à cet instant précis. Il s'inquiétait des horcruxes, de ce que son ancien espion pourrait avouer sous la torture, mais lui faisait trop confiance pour douter. Severus Snape mourrait avant de trahir.
« Plusieurs enfants manquent à l'appel, de ce qu'on m'a dit. » remarqua Kingsley.
« Oui. » Encore une raison de grincer des dents, de céder à cette colère qui… « Une bonne partie des absents se sont échappés avec les Mangemorts. Remus pense que Greyback en a mordus et kidnappés certains mais il n'est pas exclu que nous n'ayons simplement pas encore trouvé leurs dépouilles. »
Il avait, après tout, fallu plusieurs heures pour stabiliser la zone endommagée du château avant de pouvoir dégager les corps de Blaise Zabini et de Daphné Greengrass, de ce qu'on lui avait dit. Les Greengrass se trouvaient désormais avec leur fille cadette quelque part dans le château. Ils n'étaient pas les seuls parents à avoir exprimé le souhait de demeurer là pour la nuit. Ou davantage. D'autres avaient attrapé leur enfant rescapé et avait décampé, probablement pour l'autre bout du monde. Albus ne pouvait pas le leur reprocher mais les avait mis en garde : il y avait de la sécurité au nombre.
« Je vais faire à nouveau le tour de l'école. » déclara l'Auror. « Je trouverai peut-être… »
« Vous allez aller à l'infirmerie et vous faire soigner. » l'interrompit-il fermement. « Puis vous demanderez à un elfe de vous conduire à une chambre libre et vous dormirez quelques heures. »
« Est-ce un ordre ? » demanda le sorcier, avec un sarcasme dont il faisait rarement preuve.
Albus l'observa longtemps, cataloguant les blessures que son ami semblait avoir accumulées, la plus terrible étant, sans conteste, la vilaine plaie qui lui barrait la moitié du visage et semblait l'empêcher d'ouvrir la paupière gauche.
« Je ne suis plus en mesure de vous donner des ordres. » lui rappela-t-il calmement. « Cette plaie est en train de s'infecter, Kingsley. » Des heures passées à fouiller les décombres du Ministère, la poussière et la sueur, le manque de soin… Elle s'envenimait méchamment. « Votre œil… »
« Est crevé. » lâcha le sorcier, sa voix trahissant une certaine frayeur. « Du moins, je le crois. »
Était-ce pour ça qu'il avait résisté à l'idée de se faire soigner ? Parce qu'il en craignait la confirmation ? Albus pouvait le comprendre mais…
« Il y a des potions régénératives. » le consola-t-il. « Et, dans tous les cas, il vaut mieux un diagnostic clair qu'une septicémie. Allez voir Pomfresh, mon ami, nous aurons besoin de vous dans les jours à venir et vous ne nous serez d'aucune utilité au fond d'un lit d'hôpital parce que vous aurez laissé une blessure s'envenimer. »
Kingsley soupira. « Je suppose que tant que Tonks n'est pas en état de me seconder… »
Le visage d'Albus s'éclaira un peu. « Elle a donc survécu ? »
L'Auror se détendit, laissant ses lèvres s'étirer en un sourire soulagé. « Oui. Les Tonks l'ont ramenée chez eux mais Andromeda m'a contacté pour me dire qu'elle était hors de danger, à présent. Elle voulait aussi des nouvelles de Draco Malfoy… » Il ne doutait pas qu'Andromeda voulait des nouvelles de son neveu mais il supposait que l'inquiétude venait principalement d'une autre personne. « Le pauvre a été secoué. Pourtant, tous ceux à qui j'ai parlé m'ont dit… »
« Kingsley, infirmerie. » le coupa-t-il, peu dupe de son manège.
Les épaules du sorciers s'affaissèrent légèrement. « Une dernière chose… Rusard a été suffisamment aimable pour nous guider jusqu'aux anciennes geôles… J'y ai fait transférer les prisonniers et ils sont sous bonne garde. Cependant… Anthony a exhibé des signes de détresse physique lorsque nous avons essayé de le descendre dans les cachots et on m'a confirmé que Charlie était similairement affecté… »
« Le sort qui les lie est donc toujours actif. » commenta-t-il. « J'avoue que je me posais la question. »
« Il est actif bien que la distance qu'ils puissent mettre en eux désormais semble importante. » confirma Kingsley. « Je l'ai fait enfermer en haut d'une tourelle, plus près de l'infirmerie. Il est sous bonne garde mais je n'anticipe pas vraiment de problèmes… Il semble… défait. Il n'a pas tenté de résister ou de se défendre. »
« Quand comptez-vous l'interroger ? » s'enquit-il.
L'Auror leva les mains. « Dès que vous m'en donnerez l'ordre. »
« Kingsley, Rufus et Amelia sont très certainement morts. » insista-t-il. « Si quelqu'un doit donner les ordres… »
« Nous savons tous les deux qui doit prendre leur suite. » l'interrompit l'Auror.
Albus laissa son regard dériver vers le corps de son frère et ressentit tout le poids des dernières heures. « Disputons-nous à ce sujet demain, après une nuit de sommeil. Vous voulez un ordre, le voilà : allez faire soigner cet œil. Et le reste, tant que vous y êtes. »
Le sorcier marmonna quelque chose à propos d'une phobie qui touchait aux yeux… Albus l'écoutait à peine, du moins jusqu'à ce que Kingsley se racle la gorge.
« Je suis désolé pour Abelforth. » offrit l'homme. « Il m'a sauvé la vie. Voldemort m'aurait achevé trois fois sans lui. »
« C'était un sorcier exceptionnel, mon frère. » commenta-t-il. « Il menait une vie simple et beaucoup confondent ça avec un aveu de faiblesse mais il était le plus fort des Dumbledore. »
Et ils s'étaient quitté fâchés.
Ils avaient passé tellement d'années fâchés.
« Je connais d'avance la réponse mais je dois poser la question… » hésita Kingsley. « Pour Snape… »
Sa phrase resta en suspens.
Albus ferma les yeux. « Nous ne pouvons malheureusement rien faire pour lui. Nous ne sommes pas en état d'attaquer Azkaban. »
« Un petit groupe infiltré… » proposa l'Auror et l'estime que le Directeur lui portait augmenta d'autant pour avoir offert la chose.
« Et qui mènera ce groupe, Kingsley ? » contra-t-il. « Vous, qui devez vraiment faire soigner cet œil et n'avez plus aucun droit de vous trouver en première ligne car, que vous le souhaitiez ou non, vous êtes légalement le Ministre de la Magie ? Tonks, qui se vidait de son sang il y a quelques heures à peine et ne peut probablement pas tenir debout ? Moi, ce qui laisserait Poudlard sans défense ? Sirius ? Remus ? Nous sommes tous épuisés, nous sommes tous… » Il secoua la tête. « Nous n'aurions aucune chance de réussir et il ne nous remercierait pas de nous faire tuer pour lui. Severus est… Severus est l'homme le plus courageux qu'il m'ait été donné de connaître. Il connait son devoir. Il sait les sacrifices qui… Il sait. »
Et ce n'était pas une consolation du tout.
Cela ne voulait pas dire qu'il n'avait pas l'impression de le trahir.
Cela ne signifiait pas que ce qui restait de son cœur ne saignait pas à l'idée de le perdre.
Aussi irritant et exaspérant que le Maître des Potions pouvait l'être parfois, Albus l'aimait comme un fils. Après Lily, il l'avait récupéré dans un tel état de détresse…
Kingsley se retira sans un mot de plus.
Il lui en fût gré.
« Je suis désolé. » murmura-t-il à Abelforth. « J'aurais dû être un meilleur frère. »
Il se recueillit là plusieurs minutes supplémentaires puis s'éloigna jusqu'à trouver l'autre personne à qui il devait des excuses, à qui il devait tant.
Personne n'avait pris le temps de fermer les yeux de Gellert mais quelqu'un avait jeté sa baguette sur son torse comme… Il s'agenouilla, rangea la baguette dans sa propre poche avec soin en attendant de pouvoir la replacer dans le coffret.
Mein Herz in einem Sarg, avait-il dit à Gellert. Son cœur dans un cercueil.
C'était si littéral, à l'instant.
Lentement, la mâchoire contractée pour lutter contre les larmes qui lui brûlaient la gorge, il passa la main sur le visage du sorcier qui avait été plus craint que Voldemort en son temps, ferma ces yeux bleus dans lesquels il s'était tant de fois perdu.
Sa peau était froide.
Ce n'était qu'une coquille vide.
Son âme s'était envolée.
« Attends-moi derrière le voile. » murmura-t-il, caressant sa joue du bout des doigts. « J'aurais dû t'épouser. J'aurais dû t'épouser il y a quatre-vingts dix-huit ans. J'aurais dû t'épouser il y a cinquante ans. J'aurais dû t'épouser le mois dernier. J'aurais dû t'épouser. Je suis un crétin trop têtu et il faut toujours que j'ai le dernier mot. Tu vois, me voilà bien déconfit maintenant que je l'ai eu. » Les larmes étaient trop dures à ravaler et il ne s'y essaya pas. Il les laissa couler, les laissa tomber sur le corps de son ancien amant. « J'aurais dû brûler le monde plutôt que de les laisser nous séparer. J'aurais dû… » Il ferma les yeux. « Ich liebe dich. Ça aussi j'aurais dû te le dire. »
Du regard, il retraça tendrement les traits qu'il connaissait si bien.
« Je t'aime. » répéta-t-il. « J'ai passé près d'un siècle à t'aimer et je continuerai tant que j'aurais un souffle dans mes poumons. » Il s'humecta les lèvres. « Je donnerai n'importe quoi pour t'entendre m'appeler Liebling encore une fois. Pour… » Sa voix se brisa. « Attends-moi derrière le voile, Gellert. Peut-être pourrons-nous enfin y être unis. »
Il se releva aussi souplement qu'il le pouvait avec son grand âge et la fatigue de la journée, prit une profonde inspiration puis, après un dernier regard pour l'homme qu'il avait aimé toute sa longue vie, se détourna, le menton haut, pour aller faire ce qu'il fallait.
Pour le plus grand bien.
Et à son annulaire gauche brillait désormais une alliance de métal, frappée du discret sceau des reliques, du symbole de Gellert Grindelwald.
Elle venait trop tard mais elle ne quitterait plus son doigt.
Il l'emporterait partout avec lui jusqu'à ce qu'il puisse le retrouver dans la mort.
