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"I would have come for you. And if I couldn't walk, I'd crawl to you, and no matter how broken we were, we'd fight our way out together-knives drawn, pistols blazing. Because that's what we do. We never stop fighting."
Leigh Bardugo – Crooked Kingdom
« Je serais venu te chercher. Et si je n'avais pas pu marcher, j'aurais rampé jusqu'à toi, et qu'importe que nous ayons été brisés, on se serait battus pour s'en sortir ensemble – les couteaux tirés, les revolvers fumants. Parce que c'est ce que nous faisons. On ne cesse jamais de se battre. »
Leigh Bardugo – Crooked Kingdom
Chapitre 57 : Knives Out, Pistols Blazing
Severus se souvenait d'une conversation avec Harry où le garçon lui avait reproché de toujours garder un langage trop ampoulé et où il avait répondu qu'être coincé en soixante-quinze était être dans le pétrin alors qu'être prisonnier du Seigneur des Ténèbres…
Présentement, Severus était dans la merde.
On lui avait enlevé sa chemise, ses robes et ses chaussures mais ses anciens camarades n'avaient pas poussé l'humiliation jusqu'à lui ôter son pantalon. Et, depuis, il pendait, attaché par les mains à un crochet invisible loin au-dessus du sol, que quelqu'un daigne lui prêter attention.
Cela lui convenait très bien d'être ignoré, cela dit.
Il doutait de goûter aux attentions du Seigneur des Ténèbres et des Mangemorts.
Pour l'instant, Il se délectait du récit de Bellatrix et de ses sous-fifres…
Le Ministère tombé…
Mais ce n'était plus le problème de Severus. Severus allait mourir très bientôt et, si les regards en coin que le mage noir lui adressait sans avoir l'air étaient un signe, dans d'atroces souffrances. L'ignorer était une tactique pour faire monter l'angoisse. Il sentait les yeux avides des autres Mangemorts sur lui. Le Ministère avait peut-être été un succès mais Poudlard avait été une défaite, qu'importe comment le Seigneur des Ténèbres essayait de le tourner, et ses hommes avaient envie de sang.
Son esprit était clair à défaut d'être serein.
Il avait fait le vide.
Toutes les informations capitales, tous ses souvenirs les plus précieux, il les avaient déjà placés en sécurité dans son coffre mental, aux tréfonds de son être, là où personne ne les atteindrait jamais. Le reste… Le reste, le mage noir ne tarderait sans doute pas à le mettre en pièces lorsqu'il dépècerait son esprit pour en découvrir les secrets.
Il allait mourir, il le savait.
Nymphadora.
Une part de lui était soulagé de ne pas avoir à apprendre à vivre sans elle, de ne pas être obligé de devoir surmonter sa perte comme il avait été forcé de dépasser celle de Lily.
Majoritairement, il était triste de devoir quitter Harry. Il aurait voulu le voir grandir, vieillir, le voir devenir un homme avec sa propre famille… Le protéger aussi.
Le perdre allait mettre un coup au garçon qui…
Le Seigneur des Ténèbres s'était levé et un silence d'anticipation s'était abattu sur la salle caverneuse d'Azkaban. Qu'était cette pièce à l'origine ? Un réfectoire ? Une salle des gardes ? Ils avaient réparé le plafond depuis l'envolée de Nox…
« Il est temps d'accueillir comme il se doit notre invité, ne croyez-vous pas ? » murmura le mage noir.
Un frisson d'excitation parcourut la foule.
Il repéra Nagini qui louvoyait en marge des Mangemorts…
Peut-être, si l'occasion lui en était donné, tenterait-il d'emporter le serpent avec lui dans la mort. Ce serait un horcruxe de moins, si tant était que ce soit vraiment un horcruxe, mais ce n'en était pas un que Sirius pourrait jamais capturer de toute manière. Trop dangereux.
Une main aux longs doigts fins comme des pattes d'araignée glissa sur son menton, serrant sa mâchoire, le forçant à relever la tête pour croiser ses yeux rouges.
Être pendu par les bras n'était pas drôle. Il avait déjà perdu toute sensation des mains aux épaules.
« Comment as-tu pu me trahir ? » demanda le Seigneur des Ténèbres, avec ce qui ressemblait à de la véritable peine. Un leurre, bien sûr. « Moi qui t'ai tout donné… Moi qui t'ai recueilli comme un père… »
Severus ne ravala pas son bruit à moitié amusé, à moitié dédaigneux.
Comme un père, c'était bien la vérité.
Le genre de père qu'était Tobias et qui faisait du mal à la moindre incartade ou sans la moindre raison valable, simplement parce qu'il le pouvait.
Les lèvres du mage noir s'étirèrent en un fin sourire.
Le Maître des Potions renforça ses boucliers mais c'était trop tard.
Tout le reste était au coffre, toutes ses forces étaient dédiées à les protections de ce coffre, ses boucliers… Il n'y avait plus grand-chose à cacher à l'avant de son esprit de toute manière.
« Bellatrix, l'honneur te revient pour une mission impeccablement réussie. » offrit le Seigneur des Ténèbres, en s'écartant. « Cependant, nous n'utiliserons pas d'Impardonnables ce soir… J'ai ouï dire qu'un Doloris de plus risquerait de transformer notre ami en légume et il serait triste qu'il ne soit pas en état d'apprécier longtemps notre hospitalité. »
Bella s'avança devant lui, une lueur sadique brillant dans ses yeux.
« Des suggestions, Maître ? » s'enquit-elle, ronronnant presque de plaisir.
« Oui. » répondit tranquillement le mage noir, en retournant s'asseoir sur ce qui lui servait de trône. Il agita sa baguette à l'aspect rugueux et une ceinture à boucle épaisse apparut dans les airs. « Il me semble que certaines leçons méritent d'être répétées. »
Malgré lui, malgré sa détermination à rester aussi digne que possible, Severus tressaillit.
Il aurait tout supporté : des Doloris à la torture la plus crue, mais une ceinture…
« Compte, Severus. » ordonna le Seigneur des Ténèbres. « Ou nous reprendrons au début. C'est ainsi que font ces Sang-de-Bourbes que tu affectionnes si particulièrement, il me semble ? »
La ceinture claqua.
Le bruit était si caractéristique, si violent, qu'il se tendit avant même qu'elle ne le frappe, qu'elle ne déchire sa chair.
Il ne compta rien du tout.
Il s'efforça de ne pas paniquer, de rester dans le présent, alors même que des souvenirs traîtres que les maigres boucliers qui restaient à l'avant de son esprit ne pouvaient repousser tentaient de l'attirer vers le passé, de…
La douleur n'était pas la pire qu'il ait jamais éprouvé.
Elle ne battait ni l'endoloris, ni la brûlure de la Marque.
La douleur n'était pas le plus terrible.
C'était le bruit. La sensation du cuir heurtant sa peau, du fer mordant sa chair plus ou moins profondément par endroits. Les souvenirs qui remontaient. La terreur.
Il ne savait pas combien de temps ça dura.
Il ne savait plus très bien s'il était à Azkaban ou à Spinner's End.
« Assez. » siffla brusquement le Seigneur des Ténèbres, sans crier gare.
Brusquement, le sort qui le retenait attaché et suspendu dans les airs disparut et il s'effondra au sol sans seulement faire un geste pour tenter de se rattraper. Ses genoux absorbèrent le gros du choc, la douleur irradia de sa mauvaise jambe à sa hanche, et il s'écroula, le torse poisseux de sang et de sueur, tremblant de tous ses membres.
« Bella. » ordonna le mage noir.
Quelqu'un – Bellatrix, supposait-il – lui attrapa une poignée de cheveux et tira sa tête en arrière, de sorte qu'il n'ait d'autre choix que de plonger le regard dans celui du Seigneur des Ténèbres.
Il n'y aucun avertissement.
Le mage noir maniait la Legilimencie comme un bélier. Aucune subtilité, aucune finesse.
Il s'y était attendu, bien sûr, et il tenta d'opposer une résistance mais la priorité était le coffre. Le coffre qui, tout au fond de son esprit, était enterré sous une épaisse couche de souvenirs sans importance apparente qui cachaient ses véritables boucliers.
Trop occupé à chercher des informations sur l'Ordre, le Seigneur des Ténèbres passa plusieurs fois devant sans le voir. Rageant de ne rien trouver, Il ne tarda pas à s'emparer du souvenir d'Anthony accroupi devant lui…
Il y a plus d'une manière d'arracher le cœur de quelqu'un.
Il obligea Severus à revivre ce moment encore et encore.
Il l'obligea à…
Et puis, Il en trouva un autre.
L'espoir lorsqu'il avait senti le carnet chauffer dans sa poche.
Les pages saturées d'encre.
De sang.
De trop de sang.
Nymphadora…
La morsure de la douleur était toujours aussi vive, toujours aussi terrible… Un abysse dans sa poitrine dans lequel il serait si facile de sombrer…
Et l'attaque changea à nouveau d'angle.
Dumbledore.
Des griffes dans sa tête déterrant une douzaine de souvenirs sans importance autre que sentimentale.
Albus refusant de le laisser s'enfermer dans son désespoir après la mort de Lily et persistait à lui rendre visite le soir pour bavarder devant une tasse de thé.
Albus qui lui exprimait son amitié et son affection.
Albus qui lui souriait avec amusement par-dessus un plateau d'échecs.
Albus, l'air grave, qui soignait ses blessures après une réunion de Mangemorts particulièrement dure.
Albus qui s'excusait de lui demander de devoir y retourner.
Albus…
Rien qui ne trahisse l'Ordre.
Rien qui ne trahisse Albus.
La fureur du Seigneur des Ténèbres enfla d'un cran.
La suite…
La suite était purement là pour le plaisir de le torturer, de se venger du manque d'informations qu'il avait à donner.
Des souvenirs profondément enfouis de son enfance remontèrent à la surface. Eileen se trainant sur le carrelage crasseux de la cuisine… Tobias qui le tirait du placard dans lequel il s'était caché pour mieux lever la main sur lui… Les Maraudeurs qui l'humiliaient. Le lac. Sang-de-Bourbe. Il la suppliait de bien vouloir lui pardonner et… La Cabane Hurlante.
La Cabane Hurlante.
Le souvenir changea, en appela un autre, et il n'était plus adolescent dans ce souvenir mais adulte. Il…
Harry.
Harry victime de la blague stupide de Sirius Black.
Il courrait le long du passage secret, terrifié par la perspective de se retrouver face à un loup-garou, mais Harry…
Son fils.
Le Seigneur des Ténèbres marqua une pause dans ses attaques.
Son fils.
La majorité des souvenirs étaient dans le coffre.
Mais pas tous.
Cela aurait été impossible.
Ces souvenirs là, il n'était pas malheureux de se voir forcé à les revivre.
Des scènes anodines de la vie quotidienne, des scènes sans importance autre que celle qu'il leur accordait… Mais la preuve certaine qu'Harry vivait avec lui, qu'il l'appelait papa et le traitait comme un parent que…
La fouille reprit avec une pointe d'excitation.
Lily.
Des souvenirs à la pelle parce qu'il n'en avait mis qu'un ou deux au coffre. Ce n'étaient plus les plus précieux pour lui.
Mais plus le mage noir fouillait dans ses souvenirs, plus il devenait frustré.
Finalement, Il se retira de son esprit, lui laissant l'impression que sa tête était prise dans un étau.
Severus aspira goulument une bouffée d'air, comme un noyé qui refaisait surface.
« Comment peut-il être ton fils si tu n'as jamais touché la mère ? » demanda le Seigneur des Ténèbres.
La question ne fit pas immédiatement sens puis Severus comprit. Parce qu'il ne serait jamais venu à l'esprit du mage noir que la biologie n'avait aucune espèce d'importance, que quelqu'un puisse simplement adopter un enfant sans rien avoir à y gagner…
« Parce que je l'aime. » répondit-il.
Et cette vérité simple, qu'il ne lui coûtait rien d'avouer, le recentra, lui donna de la force.
Le Seigneur des Ténèbres le dévisagea un instant, interdit, puis laissa échapper un ricanement amer. « Et c'est pour cela que tu m'as trahi ? L'amour ? Tu as passé trop d'années auprès de Dumbledore. »
« Peut-être. » admit-il volontiers. « Peut-on en finir, à présent ? »
Parce qu'il ne lâcherait rien.
Aucune des informations qu'Il avait espéré arracher à son esprit.
Et Severus s'enveloppa de tous ces souvenirs anodins d'Harry qui lui faisaient chaud au cœur et il était prêt à partir.
« Non, nous ne pouvons pas en terminer. » rétorqua le mage noir. « Vu la réaction de ton fils, tu pourrais encore m'être utile. Néanmoins… Puisque tu ne veux plus me servir… La Marque est un honneur. Un honneur que tu ne mérites plus. »
Il se tendit, sa respiration s'accélérant légèrement.
La Marque ne pouvait pas être retirée. C'était un contrat magique, un signe d'esclavage… Rien ne pouvait le briser.
Mis à part…
« Non, je ne vais pas te couper le bras. » répondit le Seigneur des Ténèbres avec un plaisir sadique, à la question qu'il n'avait pas posé à voix haute. « Encore que tu mériterais d'être démembré pour m'avoir trahi. Il sera encore temps quand j'aurais tué Potter sous tes yeux… »
Jamais.
Jamais.
« Oh si, cela arrivera. » se moqua le mage noir. « Et rapidement, si je connais le garçon… Il ne laissera pas son cher papa entre mes mains sans rien faire. Mais revenons à toi… Bien sûr, personne n'a jamais survécu à cette opération auparavant… A-t-elle seulement déjà été tentée ? Je suis tout puissant, toutefois, et toi… Eh bien, je te préfèrerais vivant mais, au demeurant, tu n'es pas indispensable. Mettons que cela te laisse aussi intelligent qu'un Inféri, cela ne fera pas grande différence. Tiens… C'est une idée. Si tu ne survis pas, peut-être que je rendrais ton cadavre réanimé à notre ami Potter… »
Le Seigneur des Ténèbres posa la main sur la Marque et si la brûlure avait jusque là été intolérable, ce contact…
C'était comme plonger son bras dans un chaudron bouillant.
Severus hurla.
Severus hurla jusqu'à ce que sa voix se brise…
« Allons, allons, Severus… » siffla le Seigneur des Ténèbres, les lèvres s'étirant en un sourire cruel. « Je n'ai pas encore commencé. »
Barbare jusqu'au bout, le mage noir le laissa prendre plusieurs inspirations saccadées avant de fermer les yeux avec délice.
Et Severus hurla encore.
Il hurla jusqu'à ce que ses cordes vocales refusent de répondre.
Parce que la douleur…
La douleur…
C'était insoutenable, c'était…
Il voulait mourir.
Il ne pouvait pas…
Il voulait mourir.
Il voulait…
Il ne pouvait pas en supporter davantage…
Il…
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Sirius détestait être l'adulte responsable, décida-t-il, en guidant son jeune cousin vers le canapé du salon. C'était Harry qu'il fallait surveiller comme le lait sur le feu mais c'était pourtant Draco qui l'inquiétait le plus, à l'instant. Le Serpentard se laissa tomber sur le sofa sans protester et attrapa le sandwich qu'il lui fourra d'autorité dans les mains sans rien dire. Mais au lieu de l'avaler, il regarda le triangle de pain de mie et la feuille de laitue qui en dépassait comme s'il n'en avait jamais vus auparavant.
« J'ai dû transformer le lit double de ta chambre en deux lits simples. » déclara-t-il, pour combler le silence. « Vous allez devoir partager ce soir. On verra comment on peut s'arranger pour le long terme demain. »
Parce que ce serait du long terme, se rappela-t-il avec un pincement au cœur.
Il n'y aurait pas de miracles, Severus ne reviendrait pas.
Il glissa un regard vers le couloir mais l'eau coulait toujours dans la salle de bain. Harry ne pouvait pas partir sans déclencher une dizaine d'alarmes, de toute manière. Il avait jeté toutes sortes de sortilèges pour s'assurer que le Gryffondor demeurerait là où il était censé être. Idéalement, il aurait demandé à Kreattur de monter la garde mais l'elfe dormait toujours, roulé en boule sur une vieille couverture, dans un coin de la cuisine.
« Mange. » encouragea-t-il Draco, au bout d'une minute.
Il ne savait pas trop comment interpréter la différence de comportement entre les deux adolescents.
Harry avait englouti trois sandwichs sans se faire prier et avait avalé deux tasses de thé – ce qui lui faisait dire qu'il reprenait des forces pour le plan irréfléchi qu'il ne manquerait pas de mettre en œuvre tôt ou tard. Draco, en revanche, était complètement amorphe.
Le Serpentard fit mine de porter le sandwich à sa bouche mais ne croqua pas dedans. Son bras retomba sur sa jambe.
« J'ai tué des gens. » marmonna le garçon.
Sirius soupira et vint s'asseoir à côté de lui sur le canapé. Il espérait qu'Harry prendrait moins de temps que lui dans la salle de bain parce qu'il avait désespérément besoin d'une douche chaude lui aussi. Il se sentit immédiatement coupable d'avoir ce genre de préoccupations alors que son cousin peinait visiblement à se remettre.
« Ce n'est pas vrai. » corrigea-t-il fermement, à nouveau.
« J'ai fait exploser… » insista Draco.
« Le tunnel. » termina-t-il pour lui, se retenant à grand peine de lever les yeux au ciel ou de trahir un quelconque signe d'impatience.
Il n'imaginait pas ce que le garçon avait traversé, ces dernières heures. Certes, ça ne devait pas avoir été plus terrible que de prendre un Avada et d'y survivre grâce à une amulette enchantée mais ça ne devait pas avoir été joli non plus. S'être retrouvé catapulté responsable de gamins plus jeunes que lui en pleine débâcle, avoir vu des camarades – des amis – mourir devant lui…
« Draco, tu n'as tué personne dans ce tunnel. » lâcha-t-il.
Le Serpentard lui jeta un regard noir et reposa le sandwich sur le plateau sans y toucher. « Tu n'en sais rien. »
Sirius accueillit le mouvement d'humeur avec un certain soulagement. La colère valait mieux que l'apathie ou que ce regard vague qui le caractérisaient depuis qu'ils l'avaient trouvé dans ce couloir.
« Tous les élèves qui étaient dans la salle commune ont dit la même chose : tu leur as sauvé la vie. » contra-t-il, en posant une main sur son épaule. Il n'osa pas l'y laisser, se remémorant trop bien les hématomes violacés qui coloraient sa peau sous son haut de pyjama. Il étira le bras sur le dossier du canapé à la place, se tournant à moitié pour mieux lui faire face. « C'était peut-être un peu radical comme méthode mais tu as sauvé des vies, aujourd'hui. »
Les yeux gris de son cousin fouillèrent les siens puis se détournèrent. « Il y avait des corps sous les débris quand on s'est enfuis. Je voulais… Je ne pouvais pas m'arrêter, pas avec les premières et deuxièmes années et les Mangemorts qui voulaient nous tuer. »
« Tu as fait ce qu'il fallait. » répéta-t-il. Il avait le désagréable pressentiment qu'il allait devoir le lui répéter encore et encore dans les jours à venir. Dire que le gamin était choqué était un euphémisme. « Bon, peut-être pas avec Hermione, par contre… Il va falloir te rattraper sur ce coup là. »
« Elle a dit qu'elle m'aimait puis elle est partie. » marmonna l'adolescent.
« Mais elle t'aime. » releva-t-il. « C'est ce qui compte, non ? »
« Je ne sais pas. » avoua le garçon, avant de baisser la tête et de serrer le poing. « C'est avec Blaise que je parle de tout ça d'habitude. »
La tristesse qu'il avait refoulé toute l'après-midi pointa son nez. « Je suis désolé pour Zabini. C'était un brave type. »
« Le couloir a explosé. » murmura Draco. Combien de fois avait-il prononcé ces mots durant les dernières heures ?
« Oui. » soupira Sirius. « Le couloir a explosé. Le tunnel a explosé. Tout a explosé. » L'adolescent lui lança un regard qui aurait probablement été plus hostile s'il n'avait pas été aussi épuisé. Sirius se pencha pour récupérer la tasse de thé qu'il n'avait pas touchée et la réchauffa d'un coup de baguette avant de la lui tendre. « Bois. »
Le Serpentard hésita quelques secondes puis obéit.
Sirius en profita pour tendre l'oreille, pour vérifier qu'Harry était toujours dans la salle de bain. Il savait que c'était le cas. Le sortilège qui le surveillait l'aurait averti s'il avait tenté une percée vers le portrait qui gardait l'entrée – et l'aurait-il fait que des alarmes se seraient déclenchées.
« Sirius… » lâcha Draco, au bout d'une longue minute de silence. Il posa la tasse sur la table basse. Il n'en avait bu que quelques gorgées. Peut-être que l'Animagus aurait dû y glisser quelques gouttes de potion calmante. « J'ai fait exploser le tunnel. »
« Oui, je crois que c'est clair pour tout le monde. » répondit-il, s'exhortant à la patience.
Ce n'était pas la faute du Serpentard.
« Ça les a à peine ralentis. » insista le garçon. « Les Mangemorts, ça les a à peine ralentis. »
« Ça les a suffisamment ralentis pour laisser le temps à beaucoup de s'enfuir. » contra-t-il.
« Ils ont abattu Vector et Burbage. » raconta l'adolescent, en s'humectant les lèvres. « Ils… Ils ont jeté des sorts de mort sur nous. Ils ne visaient même pas, ils… Les premières années, ce ne sont que des enfants. Ils les auraient… C'était une épuration. » Il secoua la tête, plongea la main dans la poche de son pantalon, en ressortit quelque chose qu'il garda serré au creux de son poing. « Je voulais rester neutre, je voulais… » Il releva la tête pour croiser son regard, des mèches blondes habituellement impeccablement peignées lui tombant dans les yeux, encore humides de la douche. « Quel genre d'homme reste neutre quand on s'en prend à des enfants ? »
Sirius ne prononça pas un mot parce qu'il sentait que son cousin ne voulait pas véritablement son opinion. Il se contenta de soutenir son regard, d'être… là.
Il n'était pas préparé à la question qui suivit.
« M'autoriserais-tu à prendre le nom des Black ? »
Il ne parvint pas à cacher un mouvement de surprise mais lorsque le Serpentard ouvrit la main et qu'il aperçut le sceau des Malfoy au creux de sa paume, il comprit.
« Ton père est un Mangemort mais… Il reste ton père. » soupira-t-il.
Il n'allait pas défendre Lucius Malfoy, décida-t-il. Il n'irait pas jusque là.
« Nous étions heureux. » offrit Draco, en détournant le regard. « Avant que le Seigneur des Ténèbres ne revienne, nous étions heureux. Mon père… C'est un bon père. Et il aime ma mère. Et il m'aime. Mais ces Mangemorts ont tué des enfants sans défense… »
« Il était avec eux ? » demanda-t-il curieusement.
« Il était ailleurs. » rétorqua l'adolescent. « En train de tuer d'autres gens. Je ne peux pas… Je ne plus rester neutre. »
« Ça ne veut pas dire que tu dois… » contra-t-il, uniquement pour se faire couper la parole.
« Tu n'as pas répondu à ma question. » remarqua sèchement Draco, en faisant disparaître l'épaisse bague dans sa poche. « Me laisserais-tu prendre le nom des Black ? »
Sirius se frotta le visage. Les plaies laissées par les griffes du loup-garou, que Pomfresh avait pourtant soignées, le démangeaient ses vêtements sales collaient à sa peau et sa propre odeur le dérangeait. Il était trop fatigué, trop moralement à plat pour gérer ce genre de crise délicate où un mot de travers pouvait déclencher un drame.
« Je n'ai pas à te laisser faire quoi que ce soit. » trancha-t-il. « C'est le nom de ta mère, si tu veux le prendre, c'est ton droit. »
« Tu es le Chef de famille. » riposta l'adolescent.
L'Animagus leva les yeux au ciel. « Si tu savais comme je me fous de ces conneries… La Famille, la Maison… Elle peut sombrer dans l'oubli, pour tout ce que ça m'importe. La Maison Black est pourrie depuis des générations. »
Draco fronça les sourcils. « Alors change les choses. Tu es le Chef de famille, c'est ta responsabilité d'ajouter ta pierre à l'édifice. C'est ta responsabilité de laisser ta Maison en meilleur état que celui dans lequel tu l'as héritée. »
« Tu te serais très bien entendu avec ta grand-tante. » se moqua Sirius, avant de secouer la tête. « Et puis, je pourrais te retourner la chose. Ou est-ce que je me trompe et tu n'es pas en train d'abandonner ton rôle de futur Malfoy en chef ? »
« C'est différent. » cingla le garçon.
Ça ne l'était pas tant que ça mais il n'insista pas. Demain serait un autre jour et il serait encore temps d'en rediscuter.
« Écoute… Black ou Malfoy, ça ne fait pas de différence pour moi. » soupira-t-il. « Je t'ai dit que je m'occuperai de toi si besoin et je le pensais. » Il hésita. « Ta mère… On a grandi ensemble. C'était comme une sœur pour moi. » L'adolescent ne dit rien, se contenta de le regarder. Sirius haussa les épaules. « S'il n'y avait pas eu Voldemort… »
Draco tressaillit. « Ne prononce pas ce nom. As-tu une seule idée du nombre de malédictions qu'il a pu y attacher ? »
Il l'ignora. « J'aurais pu être ton parrain. »
Narcissa n'aurait pas choisi Regulus. Reg avait toujours été plus proche de Bella. Et puis, cela serait allé de soi qu'elle le nomme parrain de son premier né. Les Black ne coupaient jamais les ponts avec leurs membres, qu'importe qu'ils se marient dans une autre famille Sang-Pure. Le nommer parrain aurait été une manière pour Cissy de rattacher Draco à ses racines maternelles. Lui ou Regulus auraient-ils eu une fille que quelqu'un, quelque part, aurait probablement insisté pour les fiancer au berceau.
« Oh. » lâcha le Serpentard. « Je n'ai jamais rencontré mon parrain. Il est professeur à Durmstrang… C'est une connaissance de Père dont il voulait les faveurs. »
À nouveau, il haussa les épaules. « Dans un autre monde. »
Draco se frotta la main gauche, celle où un vilain bleu noircissait le dos de sa main. « Je ne sais pas qui je suis si je ne suis pas un Malfoy. Mais je ne peux pas être un Malfoy si cela signifie être associé aux Mangemorts. »
« Alors sois un Black, si tu préfères. » l'invita-t-il, en balayant l'air d'un geste de la main. « Mais ce n'est pas une décision que tu devrais prendre maintenant. Finis ta tasse de thé, repose-toi… Remets-toi. Supplie Hermione de te pardonner de l'avoir envoyer chier… Ensuite, tu pourras décider. »
Le garçon laissa échapper un bruit amusé. Ou qui se voulait amusé. « Je pourrais toujours l'épouser et prendre son nom. Nous pourrions lancer la Maison des Granger. Créer une nouvelle dynastie. »
Sirius supposait que c'était une bonne chose qu'il ne parle pas de tout bonnement rompre avec la jeune fille. Ça tendait à prouver qu'il reprenait ses esprits.
Sans parler de l'ambition manifeste.
« Pas sûr qu'elle soit d'humeur à t'épouser après la scène de l'infirmerie. » remarqua-t-il.
« Je ne suis pas sûr de vouloir l'épouser en sachant que je passe après Potter et Weasley, de toute manière. » répondit le Serpentard, son amusement retombant comme un soufflet. Il reprit la tasse de thé qui devait être froid, à présent, et en avala deux gorgées. « Pour ce que cela vaut… Je crois que j'aurais aimé que tu sois mon parrain. »
Un sourire étira les lèvres de Sirius. « J'aurais été fier de l'être. »
Ce fût évidemment le moment où Harry regagna le salon, dans un pantalon et un tee-shirt trop larges pour lui. Son filleul se figea en entendant ces mots et le dévisagea longtemps.
L'Animagus grimaça. « Harry… »
« La salle de bain est libre. » lâcha le Gryffondor.
« Harry… » insista-t-il.
« C'est bon, ça va. » grommela son filleul, en contournant le canapé pour mieux se laisser aller dans un fauteuil.
Généralement, Sirius ne voyait que James en Harry mais, il y avait des moments, des moments comme celui-ci, où il était indéniablement le fils de sa mère. Parce que l'expression obstinée et légèrement belliqueuse sur son visage ? C'était Lily tout craché.
Et parce que Sirius avait ses propres griefs contre James et Lily à l'instant et qu'il était trop difficile d'ignorer les fantômes qui composaient les traits du Survivant, il fût lâche et accueillit les coups à la porte comme un soulagement.
Il abandonna les adolescents à un silence légèrement hostile et alla ouvrir, espérant presque que quelqu'un avait besoin de lui quelque part et qu'il pourrait les confier à un autre adulte.
Il n'eut que quelques secondes pour apercevoir le visage de Nyssa avant qu'un boulet de canon ne le force à reculer de quelques pas. Il referma les bras sur la vampire et enfouit son nez dans ses cheveux, respirant à pleins poumons son odeur un peu sauvage. Elle sentait toujours la nuit et la forêt et…
« Tu empestes. » grommela-t-elle, en s'écartant pour mieux l'observer. Ses yeux verts glissèrent sur lui et s'arrêtèrent avec précision sur chacune de ses blessures cachées sous ses vêtements. Sans doute parce qu'elle pouvait sentir le sang. « J'ai vu Kingsley. J'avais peur que tu sois en pire état. »
« Kingsley ? » releva-t-il. Il n'avait pas vraiment prêté attention à l'Auror, plus tôt, et…
« Il a perdu un œil. » répondit la vampire, en plissant le nez. « Enfin, pas perdu perdu. Mais ce n'est pas bon. »
Sirius grimaça de compassion.
Puis il l'attira à nouveau contre lui, cherchant sa bouche… Elle ne se fit pas prier pour lui rendre son baiser. L'étreinte était presque violente, un prélude à plus, et… Il désespérait d'envie de se perdre en elle, d'effacer momentanément les dernières heures, de…
Quelqu'un fit du bruit dans le salon, lui rendant ses esprits.
Avec un grognement déçu, il mit un terme au baiser et la poussa davantage vers le portrait, à l'extérieur de ses appartements. « J'ai récupéré… »
« Deux adolescents. Mâles. » termina-t-elle pour lui. À son regard interrogatif, elle haussa les épaules. « Vampire. Harry et ton cousin, je suppose ? »
Il hocha la tête. « Severus… »
« Albus me l'a dit. » soupira-t-elle. « C'est lui qui est venu me chercher. Il m'a demandé de patrouiller le parc cette nuit. Je voulais te voir avant. Je voulais être sûre… J'ai cru que j'allais mourir d'angoisse seule au Q.G. »
« J'aurais aimé que tu sois là pour chasser avec moi. » avoua-t-il. La savoir en sécurité avait été un soulagement mais sur un champ de bataille, Nyssandra était létale. « Est-ce qu'il t'a dit pour Anthony ? »
« L'essentiel. » répondit-elle, un éclat dur passant dans son regard. « Il m'a aussi fait promettre de ne rien faire d'inconsidéré. »
Ce qui ne l'arrêterait pas longtemps si elle était déterminée à se venger. « Et ? »
« Et on ne peut pas le tuer sans tuer Charlie. » gronda-t-elle. « Or si Charlie est innocent… »
« Il était sous Imperium. » lui dit-il.
« Oui, mais depuis combien de temps ? » rétorqua-t-elle. « Ça ne veut pas dire qu'il ne savait rien ou qu'il n'a rien fait. C'est lui qui nous l'a ramené après tout. »
Sirius se frotta le visage et baissa la voix. Le couloir était désert mais il prit soin de refermer davantage le portrait derrière lui pour que les adolescents n'entendent pas. « Anthony a dit qu'il avait fait ça parce que… Il a dit que j'avais tué sa mère. Que Severus avait tué son père. Je ne me souviens pas du tout de… Il a dit que Lily et James ont menti, qu'ils ont tout couvert… »
Nyssa le dévisagea longtemps puis elle secoua la tête. « Il pourrait mentir. »
« Pourquoi il mentirait ? » répondit-il. « Je… Je ne me souviens pas, Nyssa. Je… »
« Si c'est vrai, c'était un accident. » l'interrompit-elle. « Et ça ne justifie pas tout ce qu'il a fait depuis. »
Il secoua la tête. « Il n'avait pas l'air bien stable tout à l'heure. C'était… C'était comme si on avait eu un homme totalement différent en face de nous. »
La vampire lui caressa la joue, une moue dubitative sur la bouche. « On ne saura pas tant qu'on ne l'aura pas interrogé mais Albus préfère attendre demain. Il dit que personne n'est en état de faire quoi que ce soit de productif, ce soir. »
Il devait admettre que… « Il n'a pas tort. C'était… La bataille a été dure. »
« La prochaine fois on leur demandera d'attaquer la nuit pour que je puisse jouer un peu, moi aussi. » plaisanta-t-elle, sans véritable amusement. « Je dois rejoindre le parc. »
« Sois prudente. » exigea-t-il immédiatement. « S'ils reviennent… »
« Ils ne reviendront pas. Du moins, Albus ne le pense pas. » le coupa-t-elle. « Il y a une fenêtre dans ta chambre ? »
« Oui mais il y a aussi d'épais rideaux de velours. » contra-t-il. « Et je peux toujours la murer d'un sort… »
Un sourire étira les lèvres de la vampire et elle fit un pas en avant pour lui voler un baiser. « Je te reverrai à l'aube, alors. Repose-toi d'ici là… »
Il la regarda partir le long du couloir, observa ses hanches qui se balançaient avec un peu trop d'insistance pour ne pas que ce soit volontaire… Merlin bénisse les pantalons en cuir.
Puis il dût retourner à l'intérieur et toute lévité que Nyssa avait fait naître retomba comme un soufflet. Il referma le portrait, trop conscient de l'elfe de maison complètement vidé dans la cuisine, des deux garçons perdus dans son salon…
Sauf qu'apparemment, il n'y avait plus qu'un adolescent dans son salon.
Harry boudait dans un fauteuil, tournant le sceau des Prince autour de son doigt…
« Où est Draco ? » demanda-t-il, repérant immédiatement le sandwich intact et la tasse de thé que le Serpentard avait à peine touchée.
« Il est allé se coucher. » marmonna son filleul, sans le regarder.
Vu l'état dans lequel il était, ce n'était peut-être pas plus mal. S'il se réveillait plus tard et qu'il avait faim ou soif… Il saurait bien trouver la cuisine.
« Tu ne veux pas l'imiter ? » demanda l'Animagus, non sans une pointe d'ironie. Il attendait toujours la tentative d'évasion.
« Je ne suis pas fatigué. » rétorqua sèchement Harry.
Sirius ne savait pas comment faisait Severus.
Et il allait devoir le découvrir très vite.
« D'accord. » lâcha-t-il simplement. « Je serai dans la salle de bain. »
Il était évident, à l'état de la pièce, que les gamins étaient passés avant lui. Leurs vêtements sales étaient restés par terre, le sol était couvert de poussière – Draco était le responsable, sans doute – et, plus alarmant, il y avait de légères traces de sang d'une blessure ou d'une autre. La douche non plus n'était pas aussi immaculée que les elfes la laissaient d'habitude mais il ferait avec.
Il ferma les yeux et inclina la tête vers le jet d'eau chaude dès que l'eau commença à couler, avec un soulagement…
Qui ne dura pas.
Toutes ses alarmes se mirent soudain à résonner et il prit à peine le temps d'attraper une serviette avant de se précipiter hors de la salle de bain et vers l'entrée où Harry s'acharnait à vouloir ouvrir le portrait.
« Expelliarmus ! » cria-t-il, avant que le gamin puisse jeter un confringo sur l'entrée. Sa magie sans baguette n'était pas excessivement puissante mais elle le dépannait à l'occasion.
« Qu'est-ce qui se passe ? » marmonna Draco, sur le seuil de la chambre, baguette au poing.
« Rien. » grinça-t-il. « Retourne te coucher, tout va bien. »
Le Serpentard ne se le fit pas dire deux fois.
Harry donna un coup de pied frustré dans le portrait. « Tu ne peux pas me garder prisonnier ! »
« Tu crois ? » rétorqua-t-il. « Il y a des alarmes sur le portrait et il ne s'ouvrira pas pour toi. J'ai aussi bloqué la cheminée alors n'y pense même pas. »
« Peut-être que je devrais sauter par une fenêtre alors. » riposta son filleul, avec suffisamment de conviction pour que Sirius prenne peur. Ils étaient beaucoup trop haut dans les étages. Sans balai… Il utilisa la baguette d'Harry pour rajouter des alarmes sur les fenêtres et les coller de sorte qu'elles ne pourraient plus être ouvertes. « Je garde ça. » l'avertit-il, en agitant la baguette du garçon. « Tiens-toi tranquille deux minutes, s'il te plait. »
Après ça, il n'osa pas prendre son temps dans la salle de bain.
Il se lava rapidement, s'habilla tout aussi vite et, après un instant de réflexion, cacha la baguette du Gryffondor tout au fond du placard, derrière un tas de serviettes. Ce n'était pas l'idéal mais il lui faudrait chercher un moment pour la trouver.
Il avait un peu espéré qu'Harry serait parti se coucher mais ce n'était pas dans la nature du fils de James et de Lily d'abandonner la partie aussi facilement.
Il prit toutefois comme un bon signe que l'adolescent se soit assis à même le sol plutôt que sur un des sièges disponibles. C'était ce que faisait Harry quand il était à l'aise.
« J'ai refait du thé. » râla l'adolescent, en poussant une tasse pleine à ras bord vers lui.
Sirius émit un bruit amusé.
Si l'adolescent se pensait subtil…
« Tu crois que je n'ai jamais essayé de faire boire un truc répréhensible à un adulte ? Tu crois que je n'ai pas inventé cette méthode ? » se moqua-t-il, sans toucher au thé. « Tu n'y aurais pas versé la potion de Sommeil-sans-rêves qui a disparu de mon armoire à pharmacie, des fois ? »
Pris sur le fait, Harry lui jeta pratiquement la fiole vide qu'il avait gardé dans la main au visage et bondit sur ses pieds pour faire les cent pas.
« Je ne comprends pas pourquoi tu ne veux pas m'aider ! » ragea son filleul.
« À te faire tuer ? » riposta Sirius. « J'ai promis à ton père… »
« Oh, tes promesses ! » le coupa-t-il, avec un rictus mauvais. « Tu as promis à James de t'occuper de moi mais tu as préféré poursuivre Pettigrow. Tu as promis à Severus… quoi ? De me protéger ? Je n'ai pas besoin qu'on me protège, j'ai besoin que tu m'aides à sauver mon père. »
Blessé, en colère, Sirius s'intima à ne pas perdre son calme, parce que… « Harry, je comprends que tu sois bouleversé mais… »
« Non, tu ne comprends rien. » cracha le Gryffondor. « Tu préférerais que Draco soit ton filleul ? Moi, je préfèrerai avoir n'importe qui d'autre qu'un lâche pour parrain. »
« Fais attention à ce que tu dis. » rétorqua Sirius, en perdant patience. « Parce que ce n'est pas moi qui ait fait de la merde aujourd'hui. »
Harry faisait toujours les cent pas. « Tu crois que je ne sais pas qu'ils sont morts à cause de moi ? Draco a raison, si j'étais resté en bas… »
« Je ne parle pas de ça. » contra-t-il. « Tu n'as pas été foutu d'obéir à un seul ordre que je t'ai donné pendant la bataille. Dis moi, à quoi ça sert qu'on s'acharne à se débarrasser de l'horcruxe si tu fais tout pour te faire tuer ? »
Il avait trop élevé la voix et Draco était dans la pièce à côté. Il s'obligea à se maîtriser.
« Je croyais que Severus était ton ami, hein ? » riposta le garçon, sans répondre à sa question. « Si c'était vraiment ton ami, tu voudrais aller le sauver. Quoi ? Tu as peur d'Azkaban ? Tu as peur de… »
« Severus est déjà mort ! » rugit-il, perdant le contrôle.
Il le regretta immédiatement, surtout lorsqu'il vit les larmes briller dans les yeux de son filleul.
Furieux, à bout de nerfs, Sirius se tourna vers le petit placard à côté de la cheminé et en sortit un verre et sa bouteille de Whiskey Pur-Feu. Il se servit une généreuse rasade qu'il avala d'un trait puis une deuxième avant de ranger la bouteille et de se tourner vers le garçon, s'efforçant de modérer son ton, sa voix.
« S'il n'est pas déjà mort, il le sera bientôt. » lâcha-t-il. « Et si tu crois que je ne donnerai pas n'importe quoi pour être à sa place… Si tu penses que ça me plait de rester là sans rien faire alors que… » Sa gorge se serra et il avala une longue gorgée. « C'est mon ami. Et il m'a confié la chose la plus précieuse pour lui : toi. Alors le meilleur truc que je puisse faire, là tout de suite, c'est d'honorer sa confiance. » Il termina son verre puis secoua la tête. « Je suis désolé, Harry. »
« Moi aussi je suis désolé. » murmura le garçon.
Ce fût à ce moment là qu'il vit l'étincelle de satisfaction mêlée de regret dans le regard vert.
Une décharge d'adrénaline le traversa mais c'était trop tard. Sa tête tournait, ses membres étaient lourds… Il chancela, s'agrippa au dos du fauteuil…
« Qu'est-ce… Qu'est-ce que tu as fait ? »
Ses genoux cédèrent mais Harry le rattrapa avant qu'il ne s'écroule et l'aida à marcher jusqu'au canapé.
« Ce que je devais faire. » répondit calmement le Gryffondor, sans plus aucune trace de la rage qui l'avait habité quelques secondes plus tôt. Ses traits étaient neutres, détachés… Occlumencie. « Je ne pensais pas que tu boirais deux verres mais ça devrait aller si j'ai bien calculé les dosages… »
La potion n'avait jamais été dans la théière.
« Serpentard… » gronda-t-il, la bouche pâteuse, ses paupières déjà lourdes. Il lutta mais…
« Et fier de l'être. » offrit son filleul. « Je ne pensais pas un mot de ce que j'ai dit. Tu n'es pas lâche et je n'aurais pas voulu d'un autre parrain. »
« Harry… » siffla-t-il, perdant le combat contre la torpeur qui l'envahissait. « Harry, ne fais pas… »
« Tout ira bien, Sirius. » promit cet idiot comme si… « Tu vas devoir t'occuper de lui, d'accord ? Moi aussi je te confie ce que j'ai de plus précieux. »
« Kre… » tenta-t-il. « Krea… »
Harry tira une baguette de sa poche.
Pas la sienne, pas celle qu'il avait caché dans la salle de bain, mais une baguette sombre.
Celle de Severus.
Quand…
« Somnus. »
Et Sirius sombra.
°O°O°O°O°
La tempête avait finalement cessé de souffler sur l'infirmerie.
La vague de blessés s'était finalement calmée et les Magicomages ne s'agitaient plus dans tous les sens. Mis à part pour un gémissement occasionnel et quelques adultes ou septièmes années qui patrouillaient entre les lits, l'endroit était presque calme à présent. Quelques bougies étaient allumées mais très peu, somme toute, comme pour encourager les patients à dormir…
Ron n'aurait pas pu fermer l'œil même s'il l'avait voulu.
Il y avait trop de choses qui tournaient dans sa tête. Charlie qui le menaçait de sa baguette, qui le suppliait de s'enfuir, puis de le tuer… Bill qui s'interposait soudain entre eux… Et puis, surtout, Percy.
Il laissa son regard dériver vers le reste de sa famille : les jumeaux partageaient le lit de George et, dos à dos, dormaient à poings fermés, Fleur qui les avait rejoints un peu plus tôt s'était glissée contre Bill et eux aussi dormaient, quoi que d'un sommeil agité, Ginny avait fini par sombrer, épuisée, dans le fauteuil que leur mère avait fait apparaître entre les lits de George et de Bill… Molly occupait un autre fauteuil, entre Bill et Charlie. Ron et Hermione étaient assis à même le sol, dos au mur, et partageaient une couverture. La tête de la jeune fille avait depuis longtemps roulé sur son épaule. Ses larmes avaient mis un moment à se tarir et s'il en avait eu l'énergie, il aurait peut-être eu envie de casser la gueule de Malfoy pour ça.
Mais, au fond, il comprenait aussi le Serpentard.
Blaise et Daphné…
Durant la Trêve, ils avaient si souvent trainé ensemble, tous les cinq, que…
Il ferma les yeux.
Cela n'aidait pas.
Percy.
Ils n'avaient pas encore tous les détails de ce qui s'était passé au Ministère. Kingsley s'était arrêté, plus tôt, avant d'aller faire soigner son œil, pour leur présenter ses condoléances mais il était resté vague sur les circonstances de l'attaque.
Percy avait-il souffert ?
Ron espérait de tout son cœur que non.
Il espérait…
Soudain, il ne pouvait plus rester assis là, sans rien faire, à attendre que le sommeil le délivre de son chagrin. Prudemment, sans la réveiller, il allongea Hermione par terre, s'assurant que la couverture la couvrait bien, et jeta un sort pour la réchauffer, pour faire bonne mesure.
« Ron ? » murmura sa mère, dès qu'il fût sur ses pieds.
Sa voix n'était absolument pas ensommeillée.
Il n'était peut-être pas le seul Weasley qui ne parvenait pas à échapper à cette horrible réalité où ils avaient perdu quelqu'un d'autre.
Percy ne méritait pas ça.
Ils ne méritaient pas ça.
Ce n'était pas juste.
Ce n'était pas…
« J'ai besoin de faire un tour. » expliqua-t-il. « J'ai besoin d'air. »
Sa mère l'observa un moment puis força un de ces sourires qui sonnaient si affreusement faux. « Si tu veux parler… »
« Je ne veux pas parler. » l'interrompit-il, trop sèchement. Il s'en voulut immédiatement, grimaça. « Je veux juste… Je n'ai pas vu Lavande depuis la bataille. Je veux faire un tour, voir si je la trouve. »
Et si la jeune fille lui avait traversé l'esprit plus d'une fois, il n'avait pas trouvé le temps d'aller la chercher ou même de se renseigner. Pas après Charlie, pas après Percy…
« Ne sors pas de l'infirmerie sans me le dire, s'il te plait. » exigea sa mère. « Je ne suis pas sûre qu'ils aient terminé de stabiliser toutes les zones endommagées du château et… »
Et elle voulait savoir où ils étaient tous parce qu'elle venait de perdre un fils.
Il lui offrit un sourire. Un sourire tout aussi forcé que le sien et qui devait avoir l'air tout aussi faux.
« Si je ne la trouve pas, je reviendrai. » promit-il. « Avec un peu de chance, elle est encore dans la salle commune des Serpentards. Avec un peu de chance, elle n'a rien. »
Il devait quand même bien avoir un peu de chance, non ?
Parce que si Lavande était étendue dans la Grande Salle sous le plafond enchanté avec Daphné et Blaise…
« Si tu ne la trouves pas, nous demanderons au Professeur McGonagall, à la première heure demain matin. » offrit gentiment sa mère.
Il hocha la tête et s'éloigna de quelques pas puis, sur un coup de tête, revint en arrière et marcha vite jusqu'à elle pour l'étreindre. Si elle en fût surprise, elle se reprit vite et le serra fort contre elle. Elle semblait frêle dans ses bras. Elle avait perdu beaucoup de poids depuis la mort de leur père, ses rondeurs avaient fondu.
Ce n'était pas juste.
Rien n'était juste.
« Je t'aime. » murmura-t-il, un peu gêné, parce qu'il avait perdu l'habitude de le lui dire depuis que les jumeaux s'étaient moqués de lui, quelques années avant qu'il rentre à Poudlard. Mais il fallait dire ces choses là, peut-être.
Parce qu'il ne l'avait jamais, jamais dit à Percy. Pas une fois.
Et Percy…
« Oh, je t'aime aussi, Ronnie… » souffla sa mère. « Tellement. » Sa voix se brisa mais elle le lâcha, s'essuya les joues et le poussa gentiment. « Va chercher ta petite-amie. » Il hésita. « Je vais bien, Ron. »
C'était un gros mensonge.
Elle n'allait pas bien.
Aucun d'eux n'allait bien.
Aucun d'eux n'irait jamais plus bien.
Il n'imaginait même pas rentrer au Terrier. Il n'imaginait pas à quel point la maison semblerait vide sans son père et son frère. Il n'imaginait pas s'asseoir à table, en sachant que deux des chaises resteraient à jamais inoccupées, que la vieille pendule avait perdu deux aiguilles.
Mais il ne savait pas quoi dire pour consoler sa mère d'un chagrin qui semblait trop énorme, trop lourd pour jamais se résorber.
« Garde un œil sur Hermione ? » demanda-t-il, avec un dernier regard pour sa meilleure amie.
« Bien sûr. » Le sourire de sa mère était un peu plus naturel. « Elle fait partie de la famille. »
C'était vrai, comme pour Harry, mais, en même temps, à un moment pareil, c'était également un peu faux. Parce que ni Harry, ni Hermione ne ressentaient la peine de la mort de Percy comme lui ou ses frères et sœur. Ils étaient tristes peut-être – encore qu'Harry n'avait pas vraiment eu de réaction du tout – mais ce n'était pas la même chose.
Ron s'éloigna, gardant un œil ouvert au cas où des boucles couleur miel attireraient son attention, tout en espérant un peu que Lavande n'était pas à l'infirmerie, qu'elle était en sécurité chez les serpents. Certains rideaux étaient tirés autour des lits, rendant sa mission difficile.
Il croisa pourtant plus d'un camarade de classe. Il s'arrêta au chevet de certains qui étaient réveillés, se demandant s'il avait la même expression perdue qu'eux sur le visage.
Draco aussi avait eu cet air hanté.
Blaise et Daphné…
Après de longues minutes, il arriva à l'autre bout de l'infirmerie et se retrouva devant le bureau de Pomfresh. La porte était ouverte et la sorcière était assise dans un fauteuil devant la cheminée, les jambes étendues devant elle, les yeux perdus dans les flammes qui brûlaient bas dans l'âtre.
Il ne voulait pas la déranger alors qu'elle avait l'air si épuisé, si défait, alors il se détourna mais accrocha accidentellement un plateau chargé d'instruments à côté de l'entrée. L'infirmière sursauta et leva des yeux fatigués vers lui.
« Mr Weasley. » lâcha-t-elle. « Y a-t-il un problème avec l'un de vos frères ? »
Il secoua la tête. « Non. Je me demandais simplement… Est-ce qu'il y a une liste des élèves blessés ou… Ou pire ? »
Il ne voulait pas penser que Lavande puisse être dans la Grande Salle.
Il ne voulait pas y penser.
Il n'arrêtait pas d'y imaginer Percy. Sauf que Percy n'y était pas parce que Percy était enterré sous des tonnes de gravas. Il n'y aurait pas de corps. Il n'y aurait pas…
Pomfresh soupira. « Qui cherchez-vous, Mr Weasley ? »
Tellement de gens.
Il n'avait pas vu Neville même si Harry avait dit qu'il était dans les cachots et en un seul morceau. Il n'avait pas non plus vu Dean ou Seamus. Il n'avait pas vu Luna ou Susan ou Hanna ou Parvati ou la moitié des autres adolescents de leur année…
« Lavande Brown ? » s'enquit-il, espérant toujours qu'elle allait lui dire que la jeune fille n'était pas là.
Il sut que ses espoirs étaient vains lorsque l'expression de l'infirmière s'assombrit de tristesse.
Elle n'est pas morte. Elle n'est pas morte. Elle n'est pas morte.
Il se le répéta comme un mantra, comme une supplique…
S'il y avait une justice ou n'importe quelle déité dans l'univers, si le destin existait, si…
« Miss Brown est blessée mais elle se remettra. » lui dit la sorcière.
Le soulagement fût si brutal qu'il lui coupa les jambes et il dût s'appuyer contre le chambranle de la porte. Pomfresh le regarda avec compassion.
« Qu'est-ce qu'elle a ? » demanda-t-il. « C'est grave ? »
« Le secret médical existe même en temps de guerre, Mr Weasley. » le gronda-t-elle, sans méchanceté. « Elle doit être dans la petite pièce de droite. Demandez après Laura Flemmings. » Il la remercia d'un hochement de tête et se détourna pour la laisser tranquille mais elle le rappela. « Mr Weasley ? Ne soyez pas cruel. »
Cruel ?
Il s'interrogea sur cette consigne incongrue durant les quelques minutes qu'il lui fallut pour trouver la bonne des petites annexes de l'infirmerie qui servaient rarement. Ce soir là, comme la partie centrale, elle était pourtant pleine. Il y avait moins de Médicomages par ici et la plupart des rideaux autour des lits étaient tirés, il parvint tout de même à trouver un adulte qui voulut bien lui désigner la fameuse Laura Flemmings du doigt.
La femme était justement en train de sortir de derrière un des rideaux… Il approcha sans se méfier, sans même y penser à deux fois, mais lorsqu'il fût juste devant elle… Rien dans son apparence ne laissait penser qu'elle était une menace. Elle avait l'aspect frêle, elle était petite, des mèches brunes échappées d'un chignon rapide encadraient un visage banal et elle portait un cardigan à fleurs qui lui donnait l'air d'une bibliothécaire. La manière même dont elle se tenait, les épaules légèrement voûtées, la tête baissée, lui donnait des airs inoffensifs.
Et pourtant, une fois qu'il fût juste devant elle, une fois qu'il eut croisé son regard légèrement ambré, il se figea, son instinct lui hurlant que quelque chose clochait chez elle, que…
Il se racla la gorge. « Excusez-moi, je cherche Lavande. Madame Pomfresh m'a dit que vous saviez où elle était. »
De curieux, le regard ambré devint méfiant, voire hostile.
« Que lui veux-tu ? » demanda la femme, sa voix beaucoup trop proche d'un grondement.
Protecteur, peut-être, mais un grondement tout de même.
Elle n'était pas humaine.
Il aurait mis sa main au feu qu'elle n'était pas humaine. Du moins, pas entièrement.
« C'est ma copine. » expliqua-t-il. « Je veux juste… Je veux juste être sûr qu'elle va bien. »
Laura Flemmings parut hésiter puis elle désigna un des rideaux. « Elle est là-bas. Sois gentil avec elle. »
Il fronça les sourcils.
À nouveau, cette consigne un peu étrange.
Avait-il la réputation d'être un monstre avec sa petite-amie ?
Plantant là l'étrange femme, il se dépêcha de passer derrière le rideau en question, soulagé lorsqu'il put enfin poser les yeux sur Lavande. Elle ne dormait pas et son regard se remplit de larmes dès qu'elle l'aperçut. Elle étouffa un sanglot dans son poing.
« Hé, hé… » murmura-t-il, se précipitant à son chevet. « Tout va bien. Tout est fini. »
Elle secoua la tête, des larmes glissant sur ses joues.
Il eut à peine le temps de poser une main sur son épaule avant que le rideau ne soit brutalement tiré et que Flemmings n'apparaisse.
Son hostilité ne semblait viser que Ron, pourtant. Pour Lavande, son visage n'exprimait que douceur et compassion. « Tu veux qu'il s'en aille ? Tu n'es pas obligée de voir qui que ce soit. »
« Non. C'est… » s'étouffa Lavande, la voix rauque comme si elle avait trop pleuré. « Ça ira. Merci, Laura. »
La femme hésita à nouveau puis hocha la tête. « Je suis à côté si tu as besoin de moi, d'accord ? Je vais tenir compagnie à Bowen. Tu n'as qu'à dire mon nom et je t'entendrai. »
Définitivement pas humaine, songea Ron, en s'asseyant prudemment sur le bord du matelas. Il attendit que Flemmings ait tiré le rideau derrière elle pour se pencher vers Lavande et doucement caresser ses joues, effacer les larmes qui coulaient encore.
« Tu es gravement blessée ? » s'inquiéta-t-il. « Pomfresh a dit que tu irais bien mais elle ne m'a pas dit ce que tu avais. » Il fronça les sourcils. « Et c'est qui ce cerbère ? »
L'expression de Lavande se durcit. « Laura est… Elle est gentille. »
Sentant qu'il était en terrain glissant, Ron fit marche arrière. « D'accord, mais… »
« Parvati ne veut plus m'adresser la parole. » lâcha-t-elle. « Et le Médicomage… J'ai bien vu comment il me regardait. Même m'a mère a hésité avant de me prendre dans ses bras. Laura… Laura n'a même pas cillé. Elle est arrivée et… Laura est gentille. »
« Très bien. On aime Laura. » déclara-t-il, dans un haussement d'épaules. « Mais Lavande, je ne comprends rien. Pourquoi Parvati… »
Elle emprisonna ses poignets et serra fort. « Embrasse-moi. »
Cela le prit autant au dépourvu que toutes ces instructions répétées à être gentil. « Quoi ? »
« Embrasse-moi. » répéta-t-elle, faisant un effort évident pour maîtriser ses larmes. « S'il te plait. Au cas où… Juste… Embrasse-moi. »
Elle avait l'air si désespéré…
« Pousse-toi un peu. » demanda-t-il. Lorsque elle lui eut fait un peu de place sur le lit, il s'allongea face à elle, caressant patiemment son visage, attendant que ses larmes se tarissent. Mais elle ne semblait pas capable de s'arrêter de pleurer. Il y avait de la peur dans ses yeux, de la véritable peur qu'il ne s'expliquait pas parce qu'il ne lui avait jamais fait de mal, ne lui aurait jamais fait de mal et, sûrement, devait-elle le savoir, non ?
« Embrasse-moi. » murmura-t-elle, à nouveau, comme une supplique.
Il s'exécuta lentement, frottant d'abord le bout de son nez contre le sien avant de trouver sa bouche. Il se contenta de quelques baisers légers mais elle ne tarda pas à les approfondir, à passer ses doigts dans ses cheveux roux…
Ils étaient à bout de souffle lorsque leurs lèvres se détachèrent, suffisamment pour que Ron ait un peu la tête qui tournait, mais c'était pour le mieux. Cela lui permettait d'oublier que Percy…
Doucement, il repoussa les lourdes boucles blondes derrière l'épaule de la jeune fille. « Dis-moi ce qui se passe. »
Parce qu'il était évident qu'il se passait quelque chose.
Lavande ferma les yeux et baissa un peu la tête jusqu'à ce que leurs fronts soient collés l'un à l'autre.
« J'ai été mordue par un loup. » souffla-t-elle.
Il eut la sensation qu'un sceau d'eau glacé venait d'être déversé sur sa tête. Un peu comme lorsqu'il avait vu leur mère, plus tôt, et qu'il avait compris que…
« Ce n'est pas la pleine lune. » contra-t-il immédiatement, se raccrochant à la logique parce que…
Le corps de la jeune fille se tendit comme si elle se préparait au pire. « Apparemment, ça ne compte pas. Laura… Laura dit qu'elle sent le loup en moi. Le Professeur Lupin aussi. Quoi que ça veuille dire. Mais… Mais je le sens moi aussi. »
Elle éclata à nouveau en sanglots.
La première réaction de Ron fût de rester figé d'horreur parce que…
Un loup-garou était dangereux, sous forme humaine ou animale et on ne devait pas s'en approcher.
C'était ce qu'on lui avait toujours dit, du moins. Ses parents lui avaient toujours appris à faire preuve de compassion, à en avoir pitié presque, mais ils n'auraient jamais invité un loup-garou au Terrier non plus.
Et puis, il y avait eu Remus et…
Lavande était un loup-garou.
Lavande…
« Je t'aime. » s'entendit-il dire, un peu sonné.
Ça eut le mérite de la faire cesser de pleurer. Elle le regarda, l'air tout aussi choqué que lui.
Il n'avait pas vraiment prévu de prononcer ces mots dont il n'avait pas été certain avant l'examen de Potions qui semblait s'être déroulés des semaines auparavant.
Il ne le lui avait jamais dit.
Il ne le lui avait jamais…
Mais, allongé là, face à une Lavande qui tremblait de peur qu'il ne la rejette, confronté au fait qu'elle était désormais une créature plus dangereuse que bon nombre qu'il ait rencontré… C'était tout ce qui lui venait à l'esprit.
Pas qu'il aurait dû partir ou ne plus jamais s'approcher d'elle ou même qu'il aurait dû lui demander comment elle se sentait mais…
« Je t'aime. » répéta-t-il, plus fermement.
Elle était vivante.
Elle était vivante et en bonne santé relative et c'était tout ce qui comptait.
C'était aussi simple que ça, au final.
Il n'était pas sûr de comment ils se retrouvèrent à s'embrasser à nouveau ou de comment les choses s'enflammèrent au point que, lorsque quelqu'un – qui s'avéra être Remus – se racla la gorge, le haut de pyjama de Lavande était à moitié déboutonné, qu'il il avait perdu sa chemise et que la jeune fille avait pratiquement roulé sous lui. Ils se séparèrent rapidement, les joues cramoisies et remirent de l'ordre dans leurs tenues.
Leur ancien Professeur de Défense ne semblait pas savoir s'il était amusé ou désapprobateur, un éclat bizarre brillait dans ses yeux. Comme dans ceux de Flemmings.
« Je vais me coucher, Lavande, mais si tu as besoin de quoi que ce soit Laura reste à l'infirmerie, ce soir. » déclara Remus. « N'hésite pas à me faire appeler si nécessaire. »
Lavande hocha la tête, sans croiser son regard, les joues toujours rouges.
Le visage de Ron le brûlait tellement que…
« Ronald… » ajouta Remus, sa voix perdant quelques octaves, devenant presque un grondement animal. « Lavande fait partie de ma meute, maintenant. Traite-la avec respect. »
Le ou je te dévorerai à la prochaine pleine lune était parfaitement clair.
Ron grimaça. « Oui, monsieur. »
Cela faisait bien deux ans qu'il n'avait pas appelé Remus monsieur.
Cela ne lui échappa pas non plus que, lorsque le loup-garou s'éloigna, il laissa le rideau partiellement ouvert, de sorte que tous ceux qui passaient devant le lit pouvaient les apercevoir. Le message était clair et Ron reboutonna entièrement sa chemise, sans parvenir à trouver la force de regarder sa petite amie en face.
Ce qu'elle prit visiblement pour du regret.
« Je comprends si tu ne veux plus qu'on sorte ensemble. » marmonna-t-elle tristement. « Parvati ne peut même plus me regarder… »
« Parvati est une cruche. » répondit-il sèchement, en se rallongeant près d'elle. « Et… Et qu'est-ce que ça fait si tu deviens une louve une fois par mois ? Remus vit très bien avec. » Du moins il avait très bien vécu avec jusqu'à dernièrement quand, selon Harry et Hermione, il semblait avoir légèrement fondu un chaudron mais… « Je t'aime. » s'entêta-t-il. « Il en faudra plus que ça pour me faire changer d'avis. »
Rideau ouvert ou pas, elle l'embrassa à nouveau, des larmes de soulagement coulant sur ses joues. Il mit un terme au baiser pour mieux les effacer du pouce, l'attirant plus fermement contre lui jusqu'à ce qu'ils trouvent une position confortable pour se reposer.
« Tu as mal ? » s'inquiéta-t-il. Un peu tard, il était prêt à l'admettre.
« Non… Madame Pomfresh m'a soignée. » répondit-elle. « Mais elle a dit que j'allais garder les cicatrices. » Elle soupira. « Je ne pourrai plus mettre de jupes. »
Il voulut sourire à cette réflexion mais savait que ça ne lui vaudrait que des ennuis. « Les cicatrices, c'est sexy. »
« Tu trouves ? » hésita-t-elle, avec incertitude.
« Tu pourrais être couverte de cicatrices, tu serais toujours la plus jolie fille de l'école. » promit-il. Et il le pensait.
Elle n'était pas tout à fait dupe de sa manœuvre visant à la réconforter, toutefois, et nicha sa tête dans son cou. Lorsqu'elle parla, son ton était inhabituellement sérieux. « Qui est mort ? »
La formulation en disait long, songea-t-il.
Pas est-ce que quelqu'un est mort ? Pas est-ce que nos amis sont blessés ? Mais qui est mort ? Parce qu'il était évident qu'il ne pouvait en être autrement.
« Le Ministère a été détruit. » lâcha-t-il.
« Oui, ma mère me l'a dit… » soupira-t-elle, avant de brusquement se tendre. « Ton frère ? Il a pu partir à temps, hein ? Il est… »
« Il est mort. » la coupa-t-il, sa voix se brisant. Il ferma les yeux aussi fort qu'il le put, fit de son mieux pour ravaler la brûlure dans le fond de sa gorge, retint sa respiration.
« Oh, Ron… » murmura-t-elle.
Il prit une inspiration trop bruyante qui ressemblait un peu trop à un sanglot mais elle fit semblant de ne rien remarquer.
« Flitwick. Snape, probablement. » Harry. Il aurait dû s'inquiéter d'Harry parce que son meilleur ami avait eu cet air sur le visage qui lui disait qu'il s'apprêtait à faire un truc extrêmement courageux et tout aussi dangereusement stupide mais Ron avait promis à sa mère de ne pas quitter l'infirmerie et, s'il devait être honnête, il était trop épuisé pour… Sirius le garderait en sécurité, non ? Sirius… « Katie Bell a reçu le Baiser d'un Détraqueur. » continua-t-il. C'était ce qu'avait dit George, du moins. Il ne pouvait pas imaginer… « Et… » Ce serait le plus dur à annoncer. Daphné et Lavande n'avaient pas été proches, pas comme Hermione et la Serpentard qui passaient beaucoup de temps fourrées ensemble, mais c'étaient des élèves de leur année et c'était… différent. « Blaise et Daphné. C'est tout ce que je sais pour le moment. »
Elle semblait être à court de larmes.
Elle se recroquevilla un peu plus contre lui et il la serra dans ses bras aussi fort qu'il l'osa.
Qu'y avait-il d'autre à dire ? A faire ?
Il n'y avait pas de mots adéquats face à toute cette horreur.
°O°O°O°O°
Harry tourna son parrain sur le côté, en position de sécurité, au cas où il aurait une réaction négative au mélange de potion et de whiskey. Techniquement, la potion de Sommeil-sans-rêves et l'alcool ne faisaient pas bon ménage et il était fortement déconseillé de les mélanger mais il avait calculé les dosages au mieux. Certes, il n'avait pas pensé que Sirius en descendrait deux verres aussi rapidement mais il avait aussi su que s'il poussait l'ancien fugitif dans la bonne direction, l'homme se tournerait plus facilement vers l'alcool que vers le thé.
Sirius était prévisible sur de nombreux points.
Essayer de sortir en sachant qu'il déclencherait les alarmes, laisser la porte de la pharmacie entrouverte pour qu'il remarque l'absence de la potion, faire semblant de l'avoir versée dans la théière pour qu'il se tourne vers le whiskey, se laisser désarmer pour mieux endormir sa méfiance, prétendre être furieux…
À l'abri derrière l'épaisse couche de ses boucliers, si loin que ses émotions étaient à peine une nuisance, Harry était aussi froid et méthodique que Severus avait dû l'être pendant des années. Et il comprenait pourquoi l'ancien espion y avait pris goût. Il ne serait pas capable de maintenir un tel détachement éternellement mais, pour l'instant… Pour l'instant, cela lui permettait de garder un esprit impeccablement clair. Les étapes de son plan étaient évidentes et il lui suffisait de s'en acquitter les unes après les autres.
D'un accio, il récupéra la baguette qui fit de la casse dans la salle de bain en venant se loger dans sa paume. Celle de Severus ne répondait pas tout à fait aussi bien que la sienne mais il la garda pourtant en main et préféra empocher celle en bois de houx, ressentant le besoin de cette connexion entre eux, aussi ténue soit-elle. Outre avoir versé quelques gouttes de potions dans la bouteille de whiskey pendant que Sirius était sous la douche, il avait également jeté un somnus à Kreattur qui dormait déjà simplement pour s'assurer qu'il ne se réveillerait pas lorsque la dispute ne manquerait pas d'éclater.
Une fois certain que son parrain n'allait pas réagir négativement à la potion, il se dirigea vers la chambre d'amis…
Et ne fût pas surpris de ne pas trouver Malfoy couché mais assis au bord d'un des deux lits simples, baguette à la main à défaut d'être pointée vers la porte. Visiblement, le Serpentard attendait quelque chose. Ou quelqu'un.
Lui, en l'occurrence.
Malfoy avait vraiment eu des meilleurs jours, songea distraitement Harry. Le garçon avait l'air épuisé et portait les marques de la journée. Son dos, plus tôt, avait été un tableau fait de bleu, violet et jaune… Le Médicomage qui l'avait examiné aurait sans doute pu faire un meilleur travail, même dans l'urgence. Harry persistait à penser que l'hématome sur son omoplate avait la couleur d'une fracture.
« Je ne ferai pas l'effort de prétendre être étonné. » lâcha le Sang-Pur. « Tu me pardonneras. »
S'il n'avait pas été retranché si loin dans son esprit, Harry aurait pu être amusé. « J'ai besoin de contacter ton père. »
Il avait beaucoup réfléchi à cette partie du plan.
Il devait établir le contact avec un Mangemort et, entre tous les choix possibles, Lucius Malfoy était l'option qui faisait le plus sens. Déjà parce qu'il était le Mangemort qu'Harry connaissait le mieux – il avait passé suffisamment de mois à Serpentard pour avoir étudié le septième année, il savait comment Lucius fonctionnait, il savait comment le prendre pour obtenir ce qu'il voulait. Ensuite parce que c'était également celui auquel il avait un accès immédiat.
La méthode la plus Gryffondor aurait consisté à s'échapper, récupérer son balai ou, à défaut, un sombral aux écuries, puis à voler jusqu'à Azkaban où il aurait pu débarquer en force et espérer qu'une attaque kamikaze surprise aurait l'effet escompté et qu'il pourrait récupérer Severus et s'enfuir sans se faire tuer.
La méthode Gryffondor n'était pas viable. Principalement parce que, s'il ne comptait pas survivre à ce qui allait suivre, Severus, lui, devaitvivre ou rien n'avait de sens.
« Contacter mon père. Rien que ça. » railla Malfoy, en levant les mains et en les laissant retomber.
Il perdait du temps. Du temps qu'il n'avait pas à perdre.
Mais sa maîtrise de l'Occlumencie ne permit pas à la frustration de l'envahir ou de prendre le contrôle.
Froid.
Rationnel.
Logique.
C'était la seule manière de mener la chose à bien.
S'en tenir au plan.
Or le plan exigeait que le Serpentard coopère.
« Ne me dis pas que tu n'as pas un moyen de le contacter en cas d'urgence ou de retourner au Manoir, je ne te croirais pas. » déclara-t-il.
Lucius n'aurait jamais laissé son héritier sans un as dans sa manche.
Malfoy pinça les lèvres et le dévisagea plusieurs secondes. « Tu comptes emmener Granger avec toi ? »
« Non. » Il secoua la tête. « J'y vais seul. » Malgré la scène qu'il avait faite à l'infirmerie, les épaules de l'autre garçon se courbèrent légèrement de soulagement, alors Harry se sentit obligé d'ajouter : « Elle t'aime vraiment, tu sais. »
Le Sang-Pur balaya l'air de sa main libre, comme pour indiquer que ce n'était pas le sujet. « Snape est probablement déjà mort. »
« Il a un talent inégalé pour survivre contre toute attente. » contra-t-il calmement.
Et Voldemort avait trop tendance à faire durer le plaisir.
S'il s'aventurait à baisser un peu la garde, il pouvait le sentir à travers l'horcruxe qui jubilait. Non, Severus n'était pas encore mort, il en aurait mis sa main à couper.
« Admettons. » lâcha Malfoy. « C'est toi qui va te faire tuer. »
« On ne va pas prétendre que ça te chagrinerait beaucoup. » répondit-il, sans s'attendre au mouvement de colère du Serpentard qui se leva brusquement et se mit à faire les cent pas d'un bout à l'autre de la chambre. La pièce n'était pas si grande et les boucles étaient courtes, ce qui était probablement pour le mieux parce que l'autre cinquième année avait l'air à bout de forces.
« Tu crois vraiment que j'ai envie que quelqu'un d'autre meure ? » siffla le Serpentard. « Même toi ? Blaise est… » Il s'interrompit brusquement, prit une profonde inspiration, puis se tourna vers lui en pointant sa baguette comme une accusation qui passa au travers de ses boucliers mentaux comme une flèche trop affutée et se ficha en plein cœur. « Au fond, tu veux toujours monter dans ce train. »
Il n'arrivait pas à le nier.
Il n'arrivait même pas à se convaincre du contraire.
Son séjour dans les limbes était si flou mais il savait qu'il avait été dans une gare, il savait qu'il y avait eu ce train et Malfoy qui cherchait sa propre sortie alors que lui aurait voulu…
« Je veux sauver mon père. » corrigea-t-il. « Si je meurs… Les gens s'en remettront. »
Le Sang-Pur émit un bruit plus amer qu'amusé. « Va dire ça à Sirius, Granger, Weasley ou même Nymphadora… »
Oh. Personne ne lui avait dit…
Harry détourna le regard pour ne pas voir la douleur qu'il allait devoir provoquer. « Elle est morte, Sirius me l'a dit. » Malfoy inspira brusquement et puis ce fût le silence. Un long, long silence que le Gryffondor finit par briser parce que les minutes défilaient. « Je dois sauver mon père. Je sais que tu comprends. La famille, c'est tout pour toi. On est peut-être très différent mais je sais que tu ferais pareil que moi pour tes parents. »
Le Serpentard étouffa un juron puis se traina jusqu'à sa malle qui avait été poussée dans un coin de la pièce. Il souleva le couvercle et fouilla dedans un moment avant de se redresser et de lui tendre une broche finement ouvragée en forme de serpent.
« Si tu la lui montre, il saura que c'est véritablement moi qui t'envoie et que j'ai confiance en toi. » expliqua le Sang-Pur, à contrecœur. Puis il plongea la main dans la poche de son pyjama et en sortit le sceau des Malfoy qu'il soupesa dans sa paume pendant plusieurs minutes, les yeux baissés. « Tu as raison quand tu dis que la famille est tout pour moi mais… » Le garçon déglutit puis lui pressa le sceau au creux de sa main. « Si tu utilises la cheminette pour te rendre au Manoir avec le sceau au doigt, les protections te laisseront automatiquement passer. »
Le problème étant que Poudlard était plus cadenassé qu'Azkaban. Les cheminées, à sa connaissance, étaient reliées au réseau interne et certaines s'ouvraient sur le Q.G. mais c'était tout, la seule cheminée qui était entièrement ouverte au réseau de cheminette était celle du Directeur et il n'allait pas s'y risquer.
Il révisa le plan, rajouta une étape.
Il devrait aller au Square Grimmaurd, d'abord. Il y avait des chances que l'accès soit restreint là bas aussi mais c'était la meilleure option. Si la cheminée ne se connectait pas, il irait au Terrier et réessaierait de là-bas.
Harry remercia le Sang-Pur d'un hochement de tête.
« Il n'y a aucune garantie que Bellatrix et son mari ne soient pas au Manoir. » insista Malfoy. « Ou que mon père t'écoute. »
« Oh, il va m'écouter. » rétorqua-t-il, avec un sourire froid. « Je ne suis peut-être pas un Sang-Pur, mais je suis un Potter, non ? On se doit des courtoisies entre anciennes Maisons. »
« La carte Lord Potter est une bonne approche. » commenta le Serpentard. « Il traitera plus volontiers avec quelqu'un qui parle son langage. »
Lord Potter… Il ne s'y ferait jamais. Et il n'avait aucune raison de s'y faire.
« Je suppose… » soupira Malfoy, en se frottant le visage. « Je suppose qu'à défaut de te convaincre de rester, je devrais te proposer de t'accompagner. »
Harry leva les sourcils, surpris malgré lui. « Tu ferais ça ? »
« Je ne peux plus rester neutre. » lâcha le Sang-Pur. « Je ne peux plus… » À nouveau, il s'interrompit brusquement. « Tu n'étais pas dans les cachots. »
« Je sais. Je suis désolé, pour ce que ça vaut. » offrit-il sincèrement.
« Je veux qu'ils payent. » cracha Malfoy. « Alors, oui, je propose de t'accompagner. »
Il hocha la tête. « Je comprends mais tu n'es pas en état. Et, désolé d'avance, mais je vais te jeter un stupefix, dès que cette conversation sera terminée. »
L'autre garçon eut l'air plus soulagé que déçu. « Un somnus serait mieux. J'ai plus de chances de me réveiller et d'entendre Sirius s'étouffer si jamais il réagit mal à la potion mélangée à l'alcool. »
« Tu as tout entendu ? » s'enquit-il, renforçant encore ses boucliers parce que… Sirius avait mentionné l'horcruxe. Non pas que ça ait une grosse importance à présent mais…
« On va dire que non. » lâcha Malfoy.
Harry sourit. « Oui, on va dire ça. Parce que dans le cas contraire, je serais obligé de te jeter un oubliette. »
Son rival le dévisagea un moment, avant de croiser les bras devant son torse. « Le numéro d'Occlumens… C'est peut-être suffisamment saisissant pour surprendre le Seigneur des Ténèbres. Cela te donnera peut-être une chance. »
« Peut-être. » Il haussa les épaules et leva la baguette de Severus pour lui jeter le sortilège de sommeil…
« Attends. » exigea Malfoy. Soudain, il avait moins l'air d'avoir les bras croisés que de s'étreindre. « Si tu vas au Manoir… Rends-moi service et rends-lui le sceau pour moi. Dis lui… Dis lui qu'il n'a plus d'héritier et que si la Maison Malfoy meurt avec lui, tant mieux. Je préfère ne plus avoir de nom plutôt que d'être le fils d'un Mangemort. »
À nouveau, Harry trahit un mouvement de surprise. « Tu es certain ? » Malfoy n'hésita qu'une demi-seconde avant de hocher fermement la tête. « D'accord, je transmettrai. Tu prendras soin d'Hermione et Ron ? »
Le Serpentard leva les yeux au ciel. « Inutile de jouer les adieux larmoyants. Snape a peut-être un don pour survivre les situations improbables mais il n'est pas le seul. »
Peu probable.
« Tu prendras soin d'eux ? » insista-t-il.
Malfoy eut l'air agacé puis il soupira et alla s'asseoir sur le lit. Au sourcil qu'Harry leva, il grommela. « Quoi ? Je n'ai pas envie de tomber par terre lorsque tu me jetteras le sort. Et, oui, Potter, je veillerai sur tes crétins d'amis. »
« Ce sont aussi tes crétins d'amis, je te signale. Et, pour ce que ça vaut, je ne crois pas qu'Hermione nous fasse passer avant toi. C'est juste différent. » remarqua-t-il, en glissant le sceau des Malfoy à son doigt pour ne pas le perdre. Il était plus large que celui des Prince, plus lourd aussi. Ou peut-être était-ce parce qu'il n'en avait pas l'habitude. « Vois le bon côté des choses, si je meurs, Sirius aura besoin d'un autre héritier. Tu ne resteras pas un péquenot très longtemps. »
Le Serpentard l'observait avec un peu trop de discernement. « Oui, je garderai aussi un œil sur lui. Et sur Snape si tu parviens à le sauver. Après tout, je le dois à Nymphadora… »
« Si je reviens, on devrait essayer d'être amis. » suggéra-t-il, en sachant que ça ne l'engageait à rien parce qu'il ne reviendrait pas.
« Merlin préserve. » grinça Malfoy, sans autant d'hostilité qu'il l'aurait pu. « Cependant, essaye de revenir. Il y aura toujours d'autres trains. »
Harry lui sourit, puis dessina un cercle dans les airs avec la baguette de Severus. « Somnus. »
Le Sang-Pur eut à peine le temps de s'allonger avant que le sort ne prenne.
Le temps que sa tête touche l'oreiller, Harry avait disparu.
°O°O°O°O°
Nymphadora reprit connaissance par à-coups.
Elle n'avait pas mal à proprement parlé mais son corps était si lourd… Elle était si faible…
Il lui fallut un moment pour parvenir à ouvrir les yeux, plus longtemps encore pour que le décors familier ne la frappe finalement comme étant incongru. Son instinct lui disait qu'elle était en sécurité, à défaut d'en un seul morceau. Mais pourquoi était-elle dans sa chambre ? Sa chambre d'enfance avec ses posters de hard rock Moldu ou sorcier au mur, ses murs mauve parme et ses épaisses poutres qui se croisaient juste au-dessus de son lit.
Ça n'avait aucun sens.
Aucun.
Ses yeux se refermèrent pour se rouvrir de longues minutes plus tard.
Elle peinait à raisonner correctement. Ses souvenirs étaient embrouillés. Elle était si fatiguée.
Trop fatiguée.
Poudlard.
Elle était censée être à Poudlard, non ?
Elle…
Poudlard.
La bataille…
Par réflexe, elle voulut porter la main à son abdomen, là où le couteau… Le simple mouvement lui coûta.
Elle avait réparé les dégâts avec ses pouvoirs.
Oui, elle se souvenait vaguement d'avoir pensé que foutue pour foutue…
Ça expliquait la fatigue.
Poudlard.
Charlie.
Les rideaux n'étaient pas tirés et, par la fenêtre, elle vit qu'il faisait nuit.
Mais la matinée était à peine en train de se terminer lorsqu'ils avaient été appelés à Poudlard… Était-elle restée inconsciente tout ce temps ? Était-ce seulement la nuit qui suivait la bataille ? Ses pouvoirs de Métamorphomage n'étaient pas faits pour le soin et elle n'aurait pas été étonnée d'être restée inconsciente plus longtemps.
Elle avait perdu beaucoup de sang, elle s'en souvenait aussi. Il y en avait eu partout. Sur ses mains, sur le sol sous elle, sur…
Dumbledore avait été auprès d'elle, à un moment.
Mais pourquoi était-elle chez ses parents ?
Concentre-toi, murmura une petite voix à l'arrière de son crâne.
Se concentrer demandait d'énormes efforts.
Si elle était chez ses parents, c'était que quelqu'un l'y avait ramenée et ça ne pouvait pas être n'importe qui, à cause du Fidelitas. Mais pourquoi ici ? Pourquoi pas au Square Grimmaurd ou à l'infirmerie ou même à Sainte Mangouste ?
Parce qu'ils avaient perdu.
C'était la conclusion logique. Le château était perdu et… Mais pourquoi ici ? Et pourquoi…
Severus.
Severus ne l'aurait pas laissée hors de sa vue alors qu'elle était sans défense si la situation avait été désespérée. Sauf si…
La tête lui tournait mais, au prix d'un effort colossal, elle parvint à s'asseoir. Le vertige fût si violent que des papillons noirs dansèrent devant ses yeux, ce qui ne présageait rien de bon pour la suite. Elle s'entêta pourtant, repoussa la couette qui la recouvrait, notant au passage que quelqu'un l'avait changée et qu'elle portait un vieux tee-shirt et un vieux short de pyjama aux couleurs fanées de Poufsouffle qu'elle avait abandonnés là avant de déménager. Elle s'arrêta pour prendre une profonde inspiration puis sortir ses jambes du lit et les posa par terre, enfonçant ses dents dans sa lèvre inférieure lorsque l'arrière de sa tête se mit à la lancer avec obstination.
Elle savait que c'était la pire idée du monde et que si Severus était quelque part dans la maison, il n'allait pas manquer de lui passer un savon monumental pour être aussi stupide, pourtant, elle prit appui sur la table de chevet et parvint à se mettre debout.
La pièce tangua violemment et ses jambes flanchèrent mais elle fit quelques pas en avant plutôt que de se laisser retomber sur le lit, se rattrapant à la petite bibliothèque dont la peinture blanche s'écaillait depuis des années.
Elle prit le temps de respirer lentement, laissa son regard dériver sur les diverses surfaces planes de la pièce sans repérer sa baguette nulle part, ce qui n'était pas idéal. Prudemment, en s'accrochant de meuble en meuble et en s'appuyant directement au mur lorsqu'elle ne pouvait l'éviter, elle parvint à gagner la porte qui s'ouvrit sans rechigner sous sa main.
Une part d'elle s'était presque attendue à la trouver verrouillée.
C'est comme ça que commence la paranoïa, hein, Fol'Œil ?
Le palier n'était pas large mais l'escalier lui semblait être à des mètres de distance. Pourtant, elle persévéra à son allume d'escargot, centimètre par centimètre, car il y avait indéniablement des bruits de voix dans la cuisine. Elle était à moitié chemin lorsque la porte de la salle de bain s'ouvrit sans crier gare.
Elle ne savait pas exactement à quoi elle s'attendait. Son père ou sa mère. Severus, d'un certain côté, n'aurait pas été trop étonnant si ses hypothèses étaient justes ou même Harry parce qu'il n'aurait jamais abandonné son fils, pas plus qu'il ne l'aurait laissée, elle.
Elle ne s'attendait absolument pas à se retrouver face à face avec Narcissa Malfoy en tenue de nuit, ses cheveux blonds défaits cascadant sur ses épaules et une robe de chambre en soie bleu roi ouverte sur une chemise de nuit luxueuse qui ne dissimulait pas un ventre un peu trop rebondi.
Cela dit, la sorcière parut tout aussi surprise qu'elle.
Ce fût pourtant sa tante qui se reprit la première.
« Nymphadora. » dit-elle avec un sourire qui, s'il était hésitant, ne manquait pas de chaleur. « J'avais hâte de faire ta connaissance. Néanmoins, je ne pense pas que tu sois censée être debout. »
Tonks cilla. Une fois, deux fois… La vision incongrue ne disparut pas.
Elle glissa légèrement le long du mur, sa tête tournait et réfléchir lui demandait une énergie qu'elle n'avait pas.
Narcissa esquissa un geste vers elle et Nymphadora recula par réflexe, se détournant d'elle pour rejoindre l'escalier aussi vite qu'elle le put. Que pouvait-elle faire d'autre ? Elle n'avait pas de baguette. Elle n'avait rien pour les défendre, elle ou ses parents.
Ce ne fût que lorsqu'elle manqua déraper sur la première marche et que des mains la rattrapèrent par le dos de son tee-shirt, lui évitant de se rompre le cou qu'elle se souvint que Narcissa était partie se cacher lorsque Draco avait plus ou moins officiellement changé de camp et qu'il n'était peut-être pas si étonnant qu'elle semble se sentir chez elle ici. Tonks l'avait soupçonné, après tout. Elle l'avait…
« Tu es blessée. » la gronda Narcissa. « Je peux appeler ta mère, si tu le souhaites, mais tu devrais… »
« Je veux descendre. » exigea-t-elle, en s'agrippant plus fermement à la rampe. Sa tête tournait tellement… Mais, à plonger dans les yeux gris de Narcissa, qui étaient identiques aux siens, identiques à ceux de sa mère, à ceux de Sirius, à ceux de Draco… Draco… « Draco. Est-ce que… »
Elle ne parvint pas à terminer la question, une boule lui obstruant soudain la gorge.
Elle n'avait aucun lien avec la femme devant elle, absolument aucun. Narcissa n'avait jamais été présente dans sa vie. Elle n'était qu'un nom que sa mère prononçait parfois avec nostalgie et une douleur qui ne s'atténuait pas avec les années…
Mais c'était son fils sur lequel elle avait juré de veiller et si elle avait échoué à le protéger, si…
« Draco va bien. » la tranquillisa Narcissa. La question parut l'adoucir davantage encore. « Je te remercie pour tout ce que tu as fais pour lui. La dette… »
Elle faillit rétorquer qu'il n'y avait pas de dette mais cela aurait été stupide, une dette pouvait toujours servir, alors elle se détourna sans écouter le reste, sans oser laisser son regard dévier vers son ventre.
Elles attirèrent l'attention de ses parents bien avant d'arriver en bas de l'escalier. Elle fût soulagée de les voir, prétendre le contraire aurait été mentir. Elle se laisser aller dans les bras de son père, le laissa la soutenir sur les quelques marches qui restaient et la mener jusqu'à une chaise autour de la table de la cuisine, ne se déroba pas lorsque sa mère la gronda pour avoir quitté son lit, lorsqu'elle se mit à lui caresser les cheveux comme si elle était encore une enfant…
La vieille radio qui résidait habituellement sur le rebord de la fenêtre était posée sur la table, la voix grave d'une journaliste sorcière célèbre égrenait sobrement des nouvelles mais trop bas pour que Nymphadora ne saisisse les mots… Son père la fit taire d'un coup de baguette.
Ils avaient été en train de l'écouter, comprit-elle, suffisamment bas pour ne pas la réveiller. Eux aussi étaient en pyjama.
« La… La bataille… » balbutia-t-elle, la tête lourde. « On… On a perdu ? »
Andromeda mit un terme à son sort de diagnostic avec une moue inquiète. « Nymphadora, tu ne devrais pas être debout. Tu… »
« Est-ce qu'on a perdu ? » la coupa-t-elle, cherchant son regard.
La maison était trop silencieuse.
Il devenait douloureusement clair que les seuls habitants étaient réunis dans cette pièce. Narcissa s'était glissée dans la cuisine à leur suite et avait noué sa robe de chambre avant de remplir la bouilloire avec une aise parfaite, comme si elle avait toujours vécu là.
« Non. » répondit sa mère, avec à peine une hésitation. « Non, nous tenons toujours Poudlard. »
Le soulagement manqua la clouer au sol et, sans plus tenter de résister, elle croisa les bras sur la table et posa sa tête dessus, fermant les yeux très fort en espérant que cela atténuerait la sensation de vertige. Elle avait vaguement conscience qu'ils discutaient entre eux, qu'ils lui parlaient…
« Pourquoi est-ce que je suis ici ? » demanda-t-elle, lorsqu'elle fût certaine qu'elle n'allait pas vomir ou perdre connaissance. Lentement, prenant appui sur la table, elle se redressa à nouveau.
Ils avaient bougé pendant qu'elle se reposait.
Ted avait pris le relais de Narcissa et préparait du thé. Sa mère se tordait les mains de l'autre côté de la table. Et sa tante, puisque visiblement elle avait une tante, à présent, s'était appuyée contre le comptoir de la cuisine et pressait une main discrète au creux de ses reins. Elle la fixait avec une telle intensité que ça attira l'attention d'Andromeda dont l'expression vira d'inquiète à sévère en une seconde.
« Assieds-toi, Cissy. » ordonna la Médicomage.
Narcissa jeta un regard agacé à sa sœur. « Je vais bien. »
« Excuse-moi, rappelle-moi qui a eu des contractions tout à l'heure ? » rétorqua sa mère.
L'autre sorcière fronça le nez, le port de tête altier et le ton hautain. « Peut-être que si je n'avais pas été forcée d'attendre pendant des heures sans savoir si mon fils… »
« Oh, je t'ai dit qu'on avait fait ce qu'on avait pu ! » riposta Andromeda. « Pour la centième fois, je n'ai pas oublié Draco. »
C'était complètement surréaliste.
Peut-être qu'elle était morte et que c'était une version bizarre de l'au-delà.
Ou alors elle était à l'infirmerie de Poudlard et elle était en train de faire un rêve extrêmement étrange. Peut-être qu'on lui avait donné les très bonnes potions antidouleur.
À défaut de savoir quoi faire, elle tourna la tête vers son père qui soupira. « Oui, elles sont toujours comme ça. » Il sortit sa pipe de sa poche, aperçut le regard noir des deux sœurs et la remit à sa place, sans même chercher à discuter. « Dora… »
« Pourquoi est-ce que je suis ici ? » répéta-t-elle.
Ça n'avait aucun sens.
« L'infirmerie était pleine. » répondit Andromeda. Une demi-vérité. Elle connaissait sa mère par cœur, savait très bien reconnaître ses entourloupes Serpentardes.
« Mais on a gagné ? » insista-t-elle.
Ils étaient tous trop bizarres.
Même Narcissa semblait sur la réserve et rechignait à croiser son regard.
La situation était…
« Oui. » acquiesça sa mère. « Oui, on a gagné. » Elle se racla la gorge. « Mais la bataille a été difficile. »
Il y avait eu des morts.
C'était ce qu'elle ne voulait pas dire.
Évidemment qu'il y avait eu des morts.
Et elle était ici toute seule.
Enfin, pas seule, mais…
Elle ne pouvait pas poser la question.
Elle ne pouvait pas…
Si…
« Charlie ? » demanda-t-elle, à la place. « Il était sous Imperium, maman. Ce n'était pas sa faute. Il faut leur dire que… »
« On sait, ne t'inquiète pas. » s'empressa de la rassurer Andromeda. « Il va bien. Je l'ai soigné moi-même. Mentalement, ce sera autre chose mais… Il est bien entouré. Ça ira. »
Trop de boniments, trop de…
Elle hocha pourtant la tête. « Kingsley ? »
Ses parents échangèrent un regard un peu trop nerveux qui en disait un peu trop long et elle sentit son estomac se crisper davantage. Fatiguée ou non, elle restait une Auror et…
Il y avait trop de signes qui lui laissaient entendre que ce qu'ils se refusaient à lui dire était grave.
Severus.
Elle ne pouvait pas poser la question.
« Kingsley est vivant. » offrit son père.
Elle s'humecta les lèvres, tourna le regard vers Narcissa. « Vous êtes enceinte. »
Il fallait bien que quelqu'un énonce l'évidence puisque ses parents semblaient déterminés à faire comme s'il était absolument normal que Narcissa Malfoy squatte leur cuisine comme si cela faisait des années qu'elle y avait ses habitudes.
La sorcière soupira mais ses lèvres s'étirèrent en un sourire lorsqu'elle posa la main sur son ventre. « Une longue histoire. »
« Pas si longue. » se moqua Andromeda. « Apparemment, même à trente-huit ans, Cissy ne sait pas compter et ne s'était pas aperçue qu'elle avait deux mois de retard. »
Ted décida soudain de s'occuper du thé, visiblement gêné.
« Bellatrix et Rodolphus avaient envahi mon manoir, le Seigneur des Ténèbres allait et venait à sa guise et Draco s'acoquinait avec des Nées-Moldues. » riposta Narcissa. « J'avais d'autres préoccupations. Après des années à essayer sans succès, tu m'excuseras de ne pas avoir pensé, à trente-huit ans comme tu as l'amabilité de me le rappeler tous les jours, que j'attendais enfin un second enfant. »
« Ce qui est drôle, c'est que Ted l'ait compris avant toi. » railla sa mère.
« Toi aussi tu vomissais à l'odeur des œufs cuits lorsque tu étais enceinte. » remarqua tranquillement son père, en versant le thé dans des tasses.
Les chamailleries entre les deux sœurs reprirent et Nymphadora se frotta le visage sans plus y prêter attention.
Tout ça était… trop. Elle se pencherait plus tard sur Narcissa et sur pourquoi ses parents la traitaient comme un membre de la famille au lieu d'une invitée gênante. Certes, cela devait bien faire presque six mois qu'elle était là mais… Cela justifiait-il l'affection évidente entre Andromeda et sa sœur après toutes ces années de silence ? Cela justifiait-il…
Concentre-toi.
« Ma baguette ? » lança-t-elle, un peu à tous les vents.
Ted venait de placer une tasse sur la table, devant elle. Il tira sa baguette de la poche arrière de son pantalon de pyjama comme s'il avait su que c'était une des premières choses qu'elle demanderait et avait voulu être prêt. Elle s'en empara avec soulagement, se sentant un peu mieux une fois armée.
« Tu ne dois pas faire de magie pour l'instant. » recommanda Andromeda. « Tu t'es complètement épuisée lorsque tu as commencé à te soigner… Il te faut du repos. »
Oui, il lui fallait du repos.
Mais plus urgent que du repos…
« Je dois aller au Ministère. » murmura-t-elle. Pas par transplannage, elle en aurait été incapable. Elle prendrait la cheminée. Mais la perspective de seulement bouger… « Ou peut-être juste contacter le Ministre… »
Le silence était trop lourd.
Le raclement de la chaise lorsque son père prit place à côté d'elle fût trop bruyant. La main qu'il posa sur la sienne trop lourde.
« Chérie… » hésita-t-il. « L'attaque à Poudlard était une diversion, la véritable cible était le Ministère. »
Oh.
C'était donc pour ça qu'ils étaient tous étranges et pas parce que Severus…
Elle fût soulagée et se sentit immédiatement coupable d'être soulagée.
Ils n'auraient jamais dû déplacer tous les Aurors à l'école. Ils auraient dû anticiper.
« Scrimgeour ? » s'enquit-elle, la voix tremblante.
« Il n'y a pas encore eu d'annonce officielle… » expliqua Andromeda, en faisant le tour de la table pour venir prendre place à côté d'elle. Elle aussi posa la main sur la sienne, de sorte qu'ils formaient un bloc, et, l'espace d'une seconde, en dépit de tout, elle se sentit complètement en sécurité. L'illusion se dissipa vite, cependant. « Mais Kingsley m'a dit tout à l'heure qu'ils ne l'avaient pas trouvé et qu'il pensait que… Il est plus que probablement mort, ma chérie, je suis désolée. »
Elle voulut ravaler les larmes mais elle n'y parvint pas.
Scrimgeour était… avait été plus qu'un Ministre. Il avait été un mentor pour elle, avait comblé le vide que Fol'Œil avait laissé… Il lui avait fait confiance, contre vents et marées, lorsque même elle doutait de ses propres décisions et…
« Je dois aller au Ministère. » décréta-t-elle, en cherchant le regard de sa mère. « Donne-moi un philtre de force ou… »
« Tu dois te reposer. » l'interrompit Andromeda. « Papa va t'aider à retourner dans ta chambre et… »
« Andy. » intervint doucement Narcissa, en venant prendre place sur la quatrième chaise vide qu'il restait, une tasse de thé entre les mains. « Ce n'est plus une enfant. »
« Je ne te dis pas comment élever ton fils, il me semble. » rétorqua Andromeda.
Sa sœur leva un sourcil moqueur et Nymphadora devina qu'il y avait eu plus d'une discussion à propos du bien fondé de ne pas s'opposer à sa relation avec Hermione.
« Qu'est-ce que vous ne me dites pas ? » exigea-t-elle de savoir, en se tournant vers son père.
Ted avait l'air vieux. Ça la choqua soudain parce qu'il n'était pas si âgé que ça, pas pour un sorcier, il n'avait même pas cinquante ans, mais, là, à la lumière crue du néon de la cuisine, il avait l'air vieux.
Et il ne semblait pas se décider à lui répondre.
Pas plus qu'Andromeda.
Alors elle se tourna vers la seule personne dans cette pièce qui semblait bien vouloir lui donner des réponses. « Mrs Malfoy… »
« Oh, non. » grimaça cette dernière. « Tante Narcissa ou Tante Cissy, je te prie. Inutile d'y mettre les formes. Et si formalités il devait y avoir, ce serait Lady Malfoy. »
Tante Narcissa n'était pas formel ? Du côté de son père, tous ses oncles et tantes étaient tatie ou tonton.
« Vraiment ? Tu trouves que c'est ton titre qui est le plus important, là tout de suite ? » railla Andromeda.
« Narcissa ? » coupa-t-elle court aux chamailleries, avant qu'elles aient pu reprendre. Elle n'était pas sûre de vouloir lui donner du ma tante comme Draco le faisait avec Andromeda. C'était trop étrange.
La sorcière se caressait distraitement le ventre. Elle devait bien en être à six ou sept mois, peut-être même un peu plus. Si elle ne s'en était aperçu qu'ici… Lucius ne l'avait pas su, ne le savait peut-être toujours pas. Ses parents avaient-ils informé Dumbledore ? Les ramifications…
Elle était trop épuisée pour penser aux ramifications qui, pourtant, donnaient corps à ses suspicions quant aux loyautés changeantes de Lucius Malfoy.
« Le Ministère a été détruit. » déclara posément Narcissa, comme si elle commentait le temps qu'il faisait et pas…
L'énormité de la chose était tellement ahurissante que…
« Comment ça détruit ? » demanda-t-elle, en essuyant les larmes qui coulaient toujours sur ses joues.
« Détruit. » répéta Ted, d'un ton grave. « Ils disent à la radio que l'explosion a rasé un pâté de maison entier. Il y a très peu de survivants Moldus ou sorciers. »
C'était impossible à comprendre.
C'était impossible à admettre.
Le Ministère ne pouvait pas avoir disparu parce que…
« Qu'est-ce que… Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » bégaya-t-elle.
« Il n'y a pas eu de communiqué officiel pour le moment. » déplora Andromeda, dans un haussement d'épaules. « Tout ce qu'ils disent à la radio, c'est que Kingsley n'a pas encore fait de déclarations mais que le Bureau des Aurors semble s'être replié sur Poudlard. Il ne m'a rien dit quand on s'est parlé. Nous n'en savons pas plus que toi, Dora. »
« Il va avoir besoin de moi. » soupira-t-elle. Il fallait qu'elle rejoigne ses collègues. Elle n'était sûrement pas la plus mal en point. Toutes les bonnes volontés allaient compter. Si Scrimgeour était mort et que personne ne parlait d'Amelia Bones… Soit Kingsley l'avait récupérée et cachée en lieu sûr, soit il était désormais Ministre de la Magie, ce qui, de facto, faisait d'elle…
Merde.
Si Kingsley était Ministre, elle était Chef du Département des Aurors.
Putain, faites que Bones s'en soit sortie…
« Oui. » confirma Andy. « Reposée et en état de jeter un sort. Tu ne pourrais même pas lancer un Wingardium Leviosa pour le moment. »
Sa mère n'avait pas tort, même si elle n'aimait pas l'admettre.
Toutefois…
« Je peux tout aussi bien me reposer à Poudlard. » contra-t-elle, en se frottant à nouveau le visage. Ce serait dur de prendre la cheminée jusqu'au Square Grimmaurd et du QG regagner les appartements de Severus mais cela vaudrait le coup. Le lit était plus familier que celui de sa chambre d'enfance et elle ne dormirait jamais aussi bien que lorsqu'il serait allongé à côté d'elle – et lui aurait expliqué pourquoi il avait laissé ses parents la transporter hors du château au lieu de l'installer chez lui. « Pourquoi est-ce que vous m'avez ramenée ici, je ne comprends pas… »
Son esprit refusait de lâcher ce morceau d'illogisme.
Et le silence s'était à nouveau fait pesant.
« Je te l'ai dit. » déclara Andromeda, après s'être raclée la gorge. « L'infirmerie était pleine. »
Elle secoua la tête. « Les appartements de Severus étaient plus près. » Elle fronça les sourcils et jeta un regard noir à sa mère – ou, du moins, il aurait été noir si elle n'avait pas été aussi épuisée. « Ne me dis pas que tu lui as fait une scène… Je suis une grande fille. Que tu désapprouves… »
Elle s'interrompit toute seule alors que le mauvais pressentiment qui l'avait cueillie au creux du ventre au réveil se manifestait à nouveau.
Andromeda avait détourné un regard qui cachait mal une certaine appréhension.
Narcissa s'était plongée dans la contemplation de sa tasse de thé, l'air triste.
Et Ted…
Nymphadora pleurait de nouveau bien avant de se tourner vers son père. « Severus ne vous aurait jamais laissés m'emmener. Il… Il… »
Ted attrapa ses mains et les serra fort. « Tu-sais-qui l'a capturé, ma chérie. »
Capturé.
Son esprit butta sur le mot.
Sans plus réfléchir, elle arracha les mains de celles de son père et attrapa la baguette qu'elle avait posée sur la table.
La seconde suivante, elle était debout.
Capturé ne voulait pas dire tué.
« Dora ! » s'écria sa mère, alarmée.
Elle ne comprit pourquoi que lorsqu'elle chancela avant de s'écrouler à nouveau dans les bras de Ted qui l'aida à se rasseoir.
Non.
Non, non, non…
« Qui… La mission de secours… Qui ? » paniqua-t-elle. Il n'y avait guère qu'en Kingsley qu'elle avait confiance pour mener une telle chose à bien et…
À nouveau, personne ne voulait croiser son regard.
Parce qu'il n'y avait pas eu de mission de secours.
Des yeux, elle chercha la vieille pendule avec le coucou qui ne fonctionnait plus, malgré tous les reparo du monde, tenta de calculer… « Combien de temps ? »
La main d'Andromeda se posa sur son bras. « Des heures. Je suis désolée. Je suis vraiment, vraiment… »
« Non. » cingla-t-elle. « Non, il est encore vivant. Il… »
« J'espère pour lui que non. » murmura Narcissa.
Tonks se leva à nouveau, se rattrapant d'une main à la table, pointant sa baguette droit sur sa tante, retenant à grand peine un Impardonnable. Seule la vue de la main qui allait et venait inlassablement sur le ventre rond l'arrêta.
« J'espère que non car il vaut mieux une mort rapide qu'une lente agonie. » précisa calmement la Sang-Pure, en soutenant son regard. « Je connais Severus depuis longtemps, c'est un ami de la famille. »
Ce n'était pas l'opinion de Severus.
Du moins, il ne pensait pas qu'ils étaient véritablement amis.
« Il n'est pas mort. » s'entêta-t-elle. « Je dois… »
Pour clarifier les choses… S'ils te capturent, je ne me précipiterai pas à ton secours. Je prendrais le temps de rassembler Black, Lupin et Charlie Weasley. Et pendant qu'ils rempliront leur rôle de chair à canon, là, je viendrai à ton secours.
Le sanglot la courba en deux et elle se laissa glisser à nouveau sur sa chaise.
Il serait venu la chercher si la situation avait été inversée. Il avait eu beau en plaisanter, elle savait qu'il serait venu la chercher. Elle devait…
« Harry. » lâcha-t-elle, soudain, la panique augmentant d'un cran. Parce que si Severus avait été pris, il allait faire une connerie. La même connerie qu'elle s'apprêtait à faire. Et ça… Elle ne pouvait pas le permettre parce qu'il n'y avait rien de plus précieux pour le Maître des Potions que son fils et s'il n'était pas là pour veiller sur lui, alors…
« Il est avec Sirius. » promit Andromeda. « Il est en sécurité. »
Elle hésita.
Sirius n'était pas l'adulte le plus responsable qui soit. Elle rechignait déjà à lui confier Draco et Draco n'était pas du genre à aller se jeter droit dans la gueule du loup alors que Harry… Mais Sirius savait tout ça. Il n'aurait jamais permis que le Survivant lui fausse compagnie. Il n'était pas aussi irresponsable que ça et il aimait trop Harry pour ne pas garder un œil attentif sur lui.
« Maman, donne-moi un philtre de force. » exigea-t-elle, en essuyant ses larmes d'un revers de bras. « Et fais tout ce que tu peux pour me remettre sur pied. »
« Tu comptes prendre Azkaban à toi toute seule ? » se moqua son père, sans méchanceté mais avec une certaine inquiétude.
« Si personne d'autre ne veut m'aider, alors oui. » rétorqua-t-elle.
« Alors non. » répondit Ted fermement. « Nymphadora, c'est trop dangereux. » Elle ouvrit la bouche mais il leva la main, l'air triste mais déterminé. « Si ce n'était que dangereux, je pourrais peut-être me laisser convaincre, mais… Narcissa a raison, il est probablement déjà mort. »
Les mots lui firent plus mal que la lame crantée que Charlie avait enfoncé dans sa poitrine.
Le gémissement qui lui échappa n'était ni digne, ni mesuré. Elle aurait hurlé si elle avait pu, elle aurait…
« Non. » refusa-t-elle.
« C'est suicidaire, Dora. » continua son père, en adoucissant son ton. « C'est pour ça que Dumbledore n'a envoyé personne à leur poursuite. Et, oui, si tu essayais vraiment, tu pourrais probablement nous fausser compagnie, aller à Azkaban et te faire tuer… Mais outre le fait que tu nous tuerais également ta mère et moi parce que nous partirions à ta poursuite, prends le temps de réfléchir deux secondes à ce qu'il voudrait, lui. Parce que s'il t'aime, il serait probablement furieux que tu ailles mourir pour lui. Avec lui. »
Mais mourir avec lui était cent fois préférable à vivre sans lui.
Son père ne mentait pas, pourtant. Si elle partait, ils la poursuivraient et…
« Je pourrais très bien vous empêcher de me suivre. » grinça-t-elle.
« Tu pourrais nous ralentir. » contra Ted. « Mais, honnêtement, vu l'état dans lequel tu es, même la femme enceinte te battrait en duel. »
« La femme enceinte aimerait signaler à son cher beau-frère que quelques gouttes de potion de Sommeil-sans-rêves dans le thé, comme elle l'avait suggéré, aurait réglé la situation depuis longtemps. » glissa Narcissa, pince-sans-rire.
Nymphadora retomba sur sa chaise, refusant toujours d'y croire, refusant d'admettre que…
« Le carnet. » lâcha-t-elle, en portant la main à son torse avant de se souvenir que ses vêtements étaient… « Mes robes ? Où sont-elles ? »
Elle se tourna vers sa mère qui leva les deux mains. « Elles étaient au-delà du réparable. Je les ai jetées. »
« Le carnet. » insista-t-elle. « Il y avait un carnet dans la poche… »
« Il était imbibé de sang. » grimaça Andy.
« Où tu l'as mis ?! » s'énerva-t-elle, perdant patience.
« À la poubelle. » répondit sa mère. « Dora… »
Elle voulut se lever, s'effondra lorsque ses genoux refusèrent de la porter, ne se laissa pas arrêter pour autant… Malgré les protestations de ses parents qui voulaient l'aider à se relever, elle se traina jusqu'au petit placard sous l'évier où était rangée la poubelle à l'abri des regards. Elle la renversa sans se préoccuper des ordures qui se déversaient sur le sol propre. Ses robes étaient là, rigide de sang séché, et dessous…
Elle serra le carnet contre son cœur.
Il était froid.
« Tu l'as ouvert ? » lança-t-elle à sa mère.
Andromeda secoua la tête. « Non, je… Je ne pensais pas que c'était important. Je pensais que c'était juste pour prendre des notes… »
« Qu'est-ce qu'il a de si important ce carnet ? » s'enquit patiemment son père.
Mais, déjà, elle le feuilletait jusqu'à trouver la dernière page, espérant…
Les pages étaient durcies et gondolées par le sang séché, collées entre elles, plus de la moitié de leurs conversations étaient désormais illisibles… Le sort avait dû transférer le sang. Qu'avait-il dû croire lorsqu'il avait vu les pages noircies ?
Ça la rendait malade de penser qu'il ait pu s'inquiéter de son sort alors que…
Severus, s'il te plaît, supplia-t-elle mentalement, arrivant à la dernière page.
Il n'y avait pas de nouveau message.
La dernière phrase avait été griffonnée à la hâte par sa propre main.
Je dois y aller. Réunion.
Voilà la dernière chose qu'elle lui aurait dite si…
Non, non, non…
Elle devait…
Elle voulut se remettre debout, ne parvint qu'à tomber encore…
Elle devait aller le sauver…
Son père la prit dans ses bras. Elle le repoussa.
Ce n'étaient pas ses bras qu'elle voulait autour d'elle.
« Severus ! » appela-t-elle, comme s'il pouvait l'entendre.
Elle agrippa le rebord du plan de travail, s'en servit pour se hisser sur ses pieds… Ne fit qu'un pas avant que son père ne l'attrape et ne la soulève, un bras passé sous ses genoux, l'autre calé dans son dos. Elle se débattit, le frappa, hurla comme une furie… Il manqua la lâcher mais elle batailla encore jusqu'à ce que finalement, ses forces l'abandonnent tout à fait…
« Je dois le sauver… » répéta-t-elle pourtant encore. « Je dois… Je dois le sauver… »
Elle supplia son père du regard de comprendre et sans doute comprenait-il mais il n'y avait rien qu'il puisse faire.
Par-dessus son épaule, elle vit sa mère qui pleurait en silence. Narcissa avait passé un bras autour de ses épaules…
Si elle avait eu ne serait-ce qu'un quart de ses forces…
Mais elle était vidée, épuisée…
Elle enfouit le visage dans le creux de l'épaule de Ted.
Et elle hurla jusqu'à ce que sa voix se brise.
Elle hurla sans que cela soulage la douleur qui lui vrillait le cœur.
°O°O°O°O°
Harry se glissa derrière la lourde porte de pierre et la referma doucement, sans un bruit. Leurs appartements avaient une impression de vide. Les lumières étaient éteintes, il y faisait froid parce que personne n'avait pris la peine d'alimenter le feu… Il frissonna à l'humidité qui suintait du lac mais ne se laissa pas flancher.
Il devait suivre le plan et il devait se dépêcher.
Il alluma les lumières d'un lumos distrait et rejoignit sa chambre. La première chose qu'il fit fût de plier la cape d'invisibilité puis de la poser sur le lit, bien en évidente. Ensuite, il s'assit à son bureau, attrapa un morceau de parchemin et rédigea un mot à l'attention de Dumbledore. Direct. Simple. Il lui dit que ce qu'il savait était caché dans le tiroir à chaussettes, qu'il souhaitait que la cape d'invisibilité revienne à Sirius, sa fortune divisée de manière égale entre Ron, Hermione et Severus, que ce dernier était son héritier donc que le titre de Lord Potter lui revenait et que, si jamais il échouait à le sauver, le titre devait passer à Ginny. Il termina en lui souhaitant bonne chance avec Voldemort, signa, plia le papier, le glissa dans une enveloppe qu'il cacheta avec le sceau des Prince et la posa sur la cape.
Sur une autre feuille, il coucha quelques lignes inadéquates qu'il mit de côté.
Puis il se débarrassa des vêtement empruntés à Sirius et sortit son meilleur pantalon et sa meilleure chemise de son armoire. C'étaient des vêtements qu'il avait ramenés de soixante-quinze et qui étaient presque neufs.
Il ne pouvait pas aller affronter Voldemort dans un pyajama trop grand.
Non… Le plan demandait un minimum de théâtral et personne ne prendrait un gamin mal habillé au sérieux. Les Sang-Purs ne respectaient que les gens qui jouaient le jeu, se prêtaient au simulacre des apparences…
Harry Prince l'avait appris dans le passé.
Harry Potter devrait l'appliquer ce soir.
Il n'avait aucune robe qui ferait l'affaire alors, sans un bruit, il se dirigea vers la chambre de Severus dont la porte était restée entrouverte. Il la poussa avec une légère hésitation. Il l'avait déjà suivi jusqu'au seuil mais n'était jamais entré et certainement pas lorsqu'il n'était pas là.
« Lumos. » murmura-t-il.
Des bougies s'enflammèrent toutes seules sous l'effet du sort, baignant la pièce d'une lueur tamisée.
Masque était lové sur la robe de chambre que Severus avait jetée sur le lit, ce matin là, et le garçon eut du mal à ravaler la boule qui lui obstruait la gorge. Sans plus tergiverser, il pénétra dans la chambre et alla caresser le chat qui se mit à ronronner, sans paraître comprendre la gravité de la situation.
« Tu vas devoir aller chez Hagrid ou McGonagall quelques temps. » lui dit-il. « Ils prendront soin de toi. »
Avec une dernière gratouille derrière l'oreille, il abandonna le chat pour poser la baguette de Severus et le parchemin simplement plié en deux sur l'oreiller, là où le Professeur finirait bien par les trouver.
Il savait que son père serait furieux. Il savait. Il espérait juste, qu'avec le temps, il parviendrait à lui pardonner, à comprendre que c'était simplement le destin qui suivait son cours.
On ne pouvait pas lui échapper éternellement.
Un tee-shirt rose qui n'appartenait définitivement pas à Severus avait été abandonné sur la commode. Harry ne se laissa pas flancher, ne se laissa pas penser à Tonks, alors qu'il se dirigeait vers l'imposante armoire où il savait que le Maître des Potions gardait ses sur-robes et robes pour ne pas qu'elles se froissent.
Perdre ses parents, ça arrivait malheureusement, supposait-il, mais deux fois ? Que ça se répète tendait à prouver qu'il y avait un problème chez lui. Peut-être que les Dursley n'avaient pas tort… Peut-être qu'il portait malheur. Peut-être qu'ils avaient eu le nez creux en refusant de l'aimer. Les gens qui l'approchaient d'un peu trop près avaient tendance à tomber comme des mouches.
Non pas que Dora ait été un de ses parents. Elle n'en avait pas eu le temps. Il ne savait pas si ça l'aurait intéressée de toute manière ou si lui-même aurait voulu qu'elle le devienne. Le fait qu'elle soit avec Severus ne signifiait pas… Il était déjà grand, après tout, il n'avait pas besoin de… Mais les quelques fois où elle était restée pour le petit-déjeuner ou où elle avait été à la maison en même temps qu'Harry, elle s'était greffée si facilement à leur vie que… Il avait aimé ce qui se dessinait à l'horizon. La possibilité d'une famille – un peu spéciale peut-être, mais une famille néanmoins.
Malfoy n'avait peut-être pas eu tort sur ce point, ce matin là, lorsqu'il avait avancé que c'était pour ça qu'il approuvait tellement leur liaison.
Harry raviva davantage ses boucliers, sachant qu'il arrivait rapidement à la limite de ses capacités d'Occlumens. Il ne tarderait pas à devoir lâcher prise, à devoir affronter les émotions qu'il gardait emprisonnées. Bientôt mais pas tout de suite. D'abord, il devait terminer son plan.
Le Professeur n'avait rien d'autre que du noir dans son armoire mais il n'en était pas surpris. Il décrocha une robe plus habillée qui avait été poussée tout à fait à gauche et n'avait probablement jamais été portée ou très peu. Le tissu chatoyait à la lumière des bougie, pas tant noir que d'un vert très foncé. Elle avait des liserés argentés finement ouvragés en forme de serpent sur le devant, le col et les manches…
Harry l'enfila sans plus tergiverser, l'ajustant à sa taille d'un coup de baguette un peu maladroit.
Un coup d'œil dans le miroir de la salle de bain confirma que l'effet aristocrate arrogant était adéquat.
Il ne se laissa pas jeter un dernier regard vers Masque avant de quitter la chambre, ne se laissa pas respirer à pleins poumons la légère odeur de diverses herbes fraichement coupées qui s'accrochait toujours à Severus.
Il fit un dernier crochet par sa chambre, se força à sortir ce qu'il suspectait être la pierre de résurrection du tiroir à chaussettes. Il hésita une seconde puis la serra au creux de sa main, fermant les yeux et pensant de toutes ses forces à Severus, l'appelant intérieurement… Il n'était pas certain de comment fonctionnait la pierre – si c'était bien la pierre, mais il était persuadé que oui – mais son instinct lui disait que c'était ainsi.
Il ne se passa rien.
Aucun spectre n'envahit la pièce.
Parce que Severus n'était pas encore mort.
Il faillit appeler le fantôme de Tonks. Juste pour… Il se força à remettre la pierre en place, cachée dans une paire de chaussettes, là où Dumbledore la trouverait facilement après avoir lu sa lettre.
Puis il se consacra à mettre en place la pièce cruciale de son plan.
« Dobby. »
L'elfe apparut dans un craquement, les yeux grands ouverts, les oreilles couvertes de ses chaussettes, toujours si désespéré de plaire…
Harry se sentait un peu mal d'abuser de son amitié mais pas suffisamment pour que cela l'arrête.
« Harry Potter a besoin de Dobby ? » demanda joyeusement l'elfe, comme si c'était un grand honneur.
Il ne put s'empêcher de penser à Kreattur qui avait été si impatient de servir Voldemort et en avait été si pauvrement récompensé. Avait-il regardé le mage noir avec la même ferveur que Dobby mettait à l'observer, à l'instant ?
« J'ai besoin d'un elfe digne de confiance. » déclara-t-il, plus froidement qu'il ne l'aurait fait d'ordinaire, déjà dans son personnage. Harry Prince. Harry Potter. Du pareil au même. Le nom des Prince aurait eu plus de poids mais il était le Chef de famille des Potter, vu qu'il ne restait que lui, ce qui comptait tout autant. « Un elfe qui m'obéira sans poser de questions et qui ne me trahira pas. »
Dobby se redressa, gonflant la poitrine de fierté. « Dobby peut tout faire, Harry Potter, monsieur ! »
« Tu es sûr? » insista-t-il. « Parce que ce que je vais te demander est dangereux et probablement un peu fou et si tu dois aller tout rapporter à Dumbledore, je peux demander à Kreattur de… »
« Dobby peut servir Harry Potter mieux que le vieux grincheux. » grinça l'elfe de maison. « Dobby est loyal à Harry Potter ! Tout ce qu'Harry Potter voudra ! »
Il n'aimait pas manipuler les gens.
Certes, c'était une méthode utile et efficace mais il n'aimait pas ça.
Kreattur, s'il avait seulement été en état, n'aurait jamais accepté de lui obéir, qu'il en ait l'ordre ou pas. Il se serait peut-être arraché une oreille en punition mais il aurait enfermé Harry quelque part jusqu'à ce que Sirius récupère.
Dobby…
Dobby voulait lui faire plaisir en toutes circonstances.
« Très bien, alors écoute. » ordonna-t-il. « Voilà ce que je veux que tu fasses. »
°O°O°O°O°
Le front appuyé contre la vitre froide du salon, recroquevillée sur la banquette de la fenêtre qui avait toujours été son endroit préféré pour lire dans la maison, Nymphadora suivait des yeux sans les voir les allées et venues du hibou familial dans le ciel nocturne. Archimède, paresseux, n'allait jamais loin pour chasser.
Le carnet était serré contre son cœur, coincé entre sa poitrine et les jambes qu'elle avait repliées.
Elle ne tourna pas la tête, pas même lorsque Ted s'assit sur la partie libre de la banquette et chercha à lui tendre une tasse encore fumante.
« C'est de la camomille. » offrit-il.
Elle ne bougea pas.
Quand elle avait cessé de se débattre et de hurler, plus tôt, il avait voulu la porter dans sa chambre mais elle avait refusé. De guerre lasse, ses parents l'avaient laissée s'installer au salon, en vue de la cheminée, au cas où quelqu'un aurait des nouvelles et les contacterait. Au cas où…
Elle attendait l'aube.
À l'aube, elle retournerait au château, quoi qu'il lui en coûte, pour rejoindre Harry. Certes, il était en sécurité avec Sirius, certes elle n'avait aucun droit sur lui et ils n'étaient pas plus proches que ça, mais… Mais ils aimaient tous les deux Severus et elle ne voulait pas que l'adolescent soit seul lorsque… Elle ne savait pas s'ils auraient des nouvelles mais elle doutait que Voldemort ignore l'opportunité de leur faire savoir que l'homme qui s'était joué de lui était mort. Elle voulait être avec Harry quand la nouvelle arriverait. Elle voulait être là pour lui. C'était la seule chose qu'elle pouvait faire pour Severus, maintenant.
Elle avait essayé plusieurs fois d'atteindre la porte d'entrée dans le but non avoué d'aller à son secours mais elle ne tenait pas debout.
Ted soupira mais n'insista pas pour qu'elle prenne la tasse. « Dora… »
Elle était vaguement consciente que sa mère se tenait sur le seuil du salon, comme si elle ne savait pas trop si elle serait la bienvenue ou pas. Narcissa était retournée s'allonger, non sans avoir murmuré à l'oreille d'Andromeda de venir la chercher si elle avait besoin de discuter.
Elle s'était réveillée dans un monde entièrement différent de celui de la veille.
Elle n'avait plus la force pour les sanglots ou les hurlements mais les larmes continuaient à couler silencieusement sur ses joues comme si ses yeux débordaient.
« Chérie, ça me tue de te voir comme ça. » murmura son père, avec une douleur sourde dans la voix.
Elle se sentait morte à l'intérieur.
« Je ne lui ai jamais dit que je l'aimais. »
Il lui fallut quelques secondes pour réaliser que c'était elle qui avait parlé, que cette voix cassée, rauque d'avoir trop crié, était la sienne.
Ted posa la main sur son genou. Elle était chaude sur sa peau.
Nymphadora avait froid, pourtant elle savait qu'il faisait bon dans la maison.
« Je suis sûr qu'il sait. Savait. » chercha-t-il à la consoler.
Elle secoua la tête, le front toujours collé à la vitre, les yeux toujours rivés sur le hibou qui fondait en piquet, ayant sans doute repéré une pauvre souris qui ne reverrait jamais sa famille et qui…
« Il faut lui dire ces choses là… » murmura-t-elle. « Il ne sait pas… Il… On lui a fait tellement de mal… Il ne sait pas comment… J'aurais dû lui dire. »
Elle aurait dû.
Qu'est-ce qui l'avait arrêtée ? Une pudeur stupide ? Une peur ridicule qu'il ne lui rendrait pas ses sentiments alors que…
Elle ne l'entendrait plus jamais l'appeler mon amour.
Elle ferma les yeux, le corps secoué de spasmes qui ne se décidaient pas à se transformer en sanglots.
« On lui a fait tellement de mal… » répéta-t-elle. « Il commençait à peine à être heureux… Ce n'est pas juste… Ce n'est pas… Et Harry… Harry va être… Ce n'est pas juste. »
Harry n'avait pas seize ans et allait devoir enterrer un second père.
Ted serra son genou. « Harry a Sirius. Et… » Il chercha le regard d'Andromeda derrière elle. « Et il nous aura nous aussi. On ne va pas le laisser tomber comme ça. »
Ce n'était pas la même chose.
Ce ne serait jamais la même chose.
Ce qu'ils auraient pu construire tous les trois…
« C'est l'amour de ma vie. » lâcha-t-elle, en croisant finalement le regard de son père, avant de vaguement jeter un coup d'œil derrière elle. « Je sais ce que tu penses. » cracha-t-elle pour sa mère. « Tu penses que c'est un cliché, que je suis trop jeune, que… »
« Oh, ma chérie, on s'en moque de ce que je pense. » l'interrompit Andromeda, en venant les rejoindre à grandes enjambées. Elle s'agenouilla à coté de la banquette, plaça une main sur son épaule, l'autre sur la jambe que Ted n'agrippait pas déjà. « On s'en moque. Je préfèrerais cent fois qu'il soit là pour que je puisse désapprouver et te faire la leçon. Je vois bien que tu es très amoureuse. Je vois bien que… »
« C'est l'amour de ma vie. » réitéra-t-elle calmement, tristement. « Peut-être que ce n'était pas un coup de foudre… Peut-être que je ne m'en suis pas aperçu au premier regard… »
« Il valait mieux vu qu'il était ton professeur… » marmonna sa mère, s'attirant un regard réprobateur de la part de Ted.
Tonks continua comme si elle n'avait rien dit. « Mais, un jour, c'était comme si j'avais ouvert les yeux et il était là et… J'ai su que c'était avec lui que j'allais finir ma vie, que… J'ai su. Je sais. » Elle secoua la tête. « Vous pouvez vous moquer de moi, me traiter de gamine, mais… »
« Je pense que tu as oublié à qui tu parles. » intervint gentiment son père. « On a inventé l'histoire d'amour impossible. »
« Je l'aime tellement. » avoua-t-elle, sa voix se brisant à nouveau. « Je ne peux pas… Je ne peux pas… »
Cette fois-ci, quand sa mère essaya de l'enlacer, elle se laissa faire, sans chercher à ravaler ses larmes.
« Je suis désolée. » murmura Andromeda. « Je suis tellement, tellement désolée. »
« Ce n'est pas juste… » insista-t-elle. « On lui a fait trop de mal. Il mérite… Ce n'est pas juste. »
« Je sais, bébé. Je sais. » promit sa mère. Sans doute savait-elle. Elle l'avait soigné, après tout. Elle avait dû voir les cicatrices et en conclure le reste. « Ce n'est pas juste. »
« Je voulais… Je voulais… » balbutia-t-elle. « On avait parlé d'une maison à Londres… Après la guerre… On… Je voulais… » Sa mère la serra plus fort contre elle, la berçant gentiment et Nymphadora s'y abandonna. « Il est tellement persuadé qu'il ne mérite rien de bien, que… C'est un homme bien. Peut-être qu'il ne le voit pas, peut-être que la plupart des gens se laissent avoir par ses airs froids, mais, moi, je le vois. C'est un homme bien… »
« Je te crois. » offrit Andromeda. « Je te crois… »
Elle sentit la main de son père lui caresser les cheveux, silencieux mais là.
« Je ne sais plus comment vivre sans lui… Je ne sais plus… » leur dit-elle.
Loin de se moquer ou de lui promettre des banalités comme quoi le temps atténuerait la douleur, ses parents échangèrent un regard et se contentèrent de la serrer tous les deux entre eux, comme si leurs corps avaient pu faire rempart au chagrin.
Mais ce chagrin là… Rien ne pourrait jamais l'effacer.
Il se passa longtemps avant qu'elle ne cesse de pleurer, plus longtemps encore avant qu'ils ne consentent à la lâcher et que Ted ne la convainque d'au moins s'allonger sur le canapé si elle ne voulait vraiment pas rejoindre sa chambre.
« Tu peux me passer un crayon ? » demanda-t-elle, alors qu'il partait refaire de la camomille parce qu'ils en avaient tous besoin.
S'il la regarda avec curiosité alors qu'elle ouvrait le carnet avec ce qui s'apparentait à de la déférence, il lui laissa son intimité lorsqu'il vit qu'elle voulait écrire dedans.
Elle tourna les feuilles jusqu'à trouver une page propre, vide de sang.
Reviens-moi.
Deux mots.
Deux mots pour un espoir fou qui, malgré tout, refusait de mourir.
Tant qu'elle n'aurait pas de preuves, elle…
Elle ne pouvait pas tirer un trait sur lui comme ça, faire comme s'il était déjà mort, faire comme si…
Deux mots.
« Reviens. » murmura-t-elle tout bas, les yeux étroitement fermés comme une prière. « S'il te plait, reviens. »
°O°O°O°O°
Affalé dans un des vieux fauteuils au cuir patiné de la bibliothèque, Lucius observait son avant-bras gauche qu'il avait dénudé après son deuxième verre de Whiskey Pur-Feu. Il en était au quatrième et ce n'était pas encore assez pour lui faire oublier le son des hurlements de Severus.
La Marque était d'un noir d'encre sur sa peau.
Il ne se souvenait plus d'un temps où elle n'avait pas été là.
Severus avait cessé de hurler lorsqu'il était finalement parvenu à s'éclipser d'Azkaban. Il n'était pas le seul à avoir filé rapidement. Plus d'un Mangemort avaient récupéré leurs progénitures un peu trop horrifiées de voir leur Professeur torturé de la sorte et s'étaient empressés de les mettre à l'abri. Et c'était sans compter les grondements murmurés de ceux dont les enfants n'avaient pas été là, ceux qui s'étaient vus coincés à Poudlard ou peut-être pire. Lucius ne s'était pas attardé pour voir si ceux là auraient le cran de demander des comptes à leur Seigneur et Maître. C'était, de toute manière, improbable.
Draco n'avait pas été dans le tas de gamins et il n'était pas prisonnier de Greyback non plus mais personne n'avait pu lui dire…
Severus avait cessé de hurler lorsqu'il était parti mais ce n'était pas forcément une bonne chose. Le Seigneur des Ténèbres avait toujours été en train de tenter de retirer la Marque de son bras et… Lucius ne voyait pas comment le Maître des Potions pouvait y survivre. En admettant que la magie noire ne l'achève pas, la douleur le ferait. Il y avait des limites à ce qu'un corps humain pouvait supporter.
Et il était déjà affaibli par…
Lucius ferma les yeux et occluda les bruits de ceinture qui claquait dans le silence.
Il avait été soulagé de ne pas avoir l'honneur de devoir prendre part à sa torture mais il n'aurait pas souhaité ça à son ami non plus.
Si le corps de Severus survivait à ce que le Seigneur des Ténèbres était en train de lui faire… La souffrance le briserait. Son esprit se briserait. Au-delà d'un certain seuil de souffrance… Il ne resterait plus rien de lui.
Calant son verre entre son pouce et l'index, il retraça la Marque de ses autres doigts. S'il y avait eu une manière de la retirer en tout sécurité…
Mais il n'y en avait pas.
Pas plus qu'il y avait un moyen de savoir si Draco était encore en vie, mis à part se précipiter à Poudlard.
Et il y avait songé.
Oh, il y avait songé…
Dumbledore ne répondait pas à son miroir, qui s'était sans doute, de toute manière, brisé avant la bataille…
L'aurait-il su si son fils unique était mort ? L'aurait-il senti ? Y avait-il un espèce d'instinct qui laissait savoir à un père que son fils…
Parce que je l'aime.
Il comprenait Severus plus qu'il ne comprenait aucun des autres Mangemorts qui avaient risqué la vie de leurs enfants en choisissant de les confier à Greyback. Encore qu'ils n'avaient pas véritablement choisi. Seul un fou s'opposait aux ordres du Seigneur des Ténèbres.
Il porta le verre à ses lèvres puis se figea lorsqu'il le sentit.
Les protections autour du Manoir fluctuèrent, sans lui demander la permission, pour laisser entrer quelqu'un par cheminette. Et ce n'était ni Draco, ni Narcissa, ni Bellatrix, ni Rodolphus, ni le Seigneur des Ténèbres or il n'y avait qu'une seule autre raison pour laquelle les protections autoriseraient une tierce personne à entrer sans le consulter.
Le sceau familial.
Il se précipita vers le grand salon, en ignorant l'elfe de maison qui venait d'apparaître dans la bibliothèque pour l'informer de l'intrusion.
Il n'était pas certain de ce à quoi il s'attendait.
Hermione Granger, peut-être.
Dans tous les cas, il ne s'attendait certainement pas à trouver l'adolescent qui se tenait au milieu de son tapis en peau de veaudelune et qui observait le mobilier avec dédain, comme s'il était dans une porcherie au lieu d'à l'intérieur d'une des plus sublimes demeures d'Angleterre.
Sur le coup, Lucius ne le reconnut même pas.
Cela faisait longtemps qu'il ne l'avait pas vu, après tout, et ce n'était plus un petit garçon qui se tenait là mais un jeune homme. Un jeune homme au menton haut, à l'expression fière et aux épaules rejetées en arrière qui n'aurait pas dépareillé au milieu des Sang-Purs que le patriarche des Malfoy fréquentait d'ordinaire. Les robes élégantes, la tranquillité avec laquelle il se tenait, le charisme indéniable et, surtout, les boucliers mentaux qu'il ne cherchait même pas à cacher… Un brasier brillaient dans les yeux verts. Patricien jusqu'au bout des ongles.
Severus n'avait pas chômé.
À le voir comme ça, Lucius comprenait presque pourquoi le Seigneur des Ténèbres craignait son influence.
À le voir comme ça, s'il lui était venu l'envie de se déclarer indépendant des deux autres gros joueurs de cette partie d'échecs géante, Lucius aurait presque été tenté de le suivre et il n'aurait sans doute pas été le seul. Le gamin exsudait la puissance tranquille de quelqu'un qui sait qu'il a la main mise.
« Lord Potter. » l'accueillit-il, avec un léger hochement de tête, un peu moqueur.
La plupart des sorciers ne se donnaient plus la peine de respecter les anciennes coutumes, au nom de la modernité qu'emmenaient les Sang-de-Bourbes.
Potter le surprit en s'inclinant légèrement. Juste assez pour lui indiquer qu'il considérait que leurs rangs étaient égaux – ce qu'ils n'étaient pas, au demeurant, mais le léger sourire arrogant aux lèvres du jeune homme prouvait qu'il le savait et s'en défiait.
Une pointe d'amusement naquit dans le ventre de Lucius. L'alcool sans doute.
« Lord Malfoy. » répondit finalement le Gryffondor qui avait tout l'air du parfait Serpentard dans cette tenue. « Veuillez m'excuser d'envahir votre Manoir sans invitation. M'accorderiez-vous un pourparler ? »
Oh… De plus en plus intéressant.
« Vous voilà bien renseigné sur les anciennes coutumes Sang-Pures, Mr Potter. » remarqua-t-il. C'était aux antipodes de leur dernière rencontre…
« Lord Potter. » corrigea fermement le gamin. « Et vous n'avez pas répondu à ma demande. M'accordez-vous un pourparler ou est-ce que la situation doit devenir… déplaisante ? »
Lui accorder un pourparler revenait à s'engager, sur son honneur, à garantir sa sécurité jusqu'à la fin de la discussion…
« Qu'ai-je à y gagner ? » rétorqua-t-il.
Sans répondre, Potter leva la main et lui montra l'épais sceau qu'il portait à la main droite.
Sur sa main gauche, il y en avait un autre. Pas les armoiries des Potter, cela dit, mais celles des Prince. Non, décidemment, Severus n'avait pas chômé…
Le regard rivé à son sceau, Lucius fit de son mieux pour ne rien laisser paraître mais l'alcool et la journée éprouvante ne l'aidèrent pas à garder un contrôle impeccable de l'Occlumencie. « Draco ? »
Le garçon tira quelque chose de sa poche et le lui lança.
Il l'attrapa par réflexe, retraçant du pouce la broche ouvragée en forme de serpent. Ils en avaient tous les trois une. Lucius n'avait plus la sienne, l'ayant confié à Dumbledore pour convaincre Narcissa de le suivre, tant de mois auparavant.
« Il est vivant, donc ? » s'enquit-il, avec un désintérêt qui sonnait terriblement faux. Potter resta muet et Lucius perdit patience. « Très bien, j'accepte un pourparler. Je promets que vous serez en sécurité sous mon toit et que je ne lèverai pas ma baguette contre vous jusqu'à sa conclusion. Acceptez-vous les termes ? »
« J'accepte les termes. » répondit Potter, sans rien promettre en retour.
Le Gryffondor ôta le sceau de son doigt et le lui lança, avant de prononcer la phrase qui brisa son cœur.
« Vous n'avez plus de fils. »
