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« You know, you can lose family, Min Hwani. Family whom you loved more than life. But you can also find family—those who come into your life a stranger yet make you feel as though you've known them for all your life … »
The Forest Of Stolen Girls – June Hur

« Tu sais, on peut perdre sa famille, Min Hwani. Une famille que l'on aime plus que sa propre vie. Cependant, on peut aussi trouver une famille – ceux qui entrent dans ta vie comme des étrangers et te donnent pourtant l'impression que tu les as toujours connus… »
The Forest Of Stolen Girls – June Hur


Chapitre 59 : Family


Sirius leur avait trouvé une petite pièce poussiéreuse et clairement abandonnée depuis des lustres, près de l'infirmerie, où patienter à l'abri des regards indiscrets avant de disparaître à nouveau pour aller s'enquérir de l'état de Severus.

Il semblait à Narcissa qu'il s'était passé des heures depuis qu'elle avait rejoint Poudlard mais elle savait qu'il ne s'était pas écoulé tant de temps que cela dans les faits.

La pièce était petite et circulaire, son usage était un mystère. Il y avait une cheminée, quelques meubles de rangement, deux fauteuils et un sofa, un tapis rongé de mites… Peut-être à une autre époque avait-elle servie à recevoir les familles des élèves malades ou blessés mais était depuis longtemps tombée en désuétude sous l'égide de Madame Pomfresh qui préférait son bureau pour ce genre de choses.

Sur le petit canapé qui tenait plus de la causeuse et qui aurait eu du mal à contenir deux personnes si elles n'avaient pas été collées l'une à l'autre, Draco s'était plus ou moins laissé aller dans les bras de sa petite-amie, témoignant d'un manque de dignité que Narcissa hésitait depuis plusieurs minutes à lui reprocher. Elle l'aurait fait s'ils avaient été en public mais il semblait évident que la jeune fille ne comptait pas. Et si Narcissa avait songé à lui faire remarquer, à elle, que c'était un temps pour la famille et qu'il aurait été de bon ton qu'elle se retire, elle semblait tellement apaiser son fils qu'elle n'avait rien dit.

Hermione Granger.

Cela faisait des mois qu'elle entendait parler d'elle et elle ne savait toujours pas quoi en penser.

Elle les observait songeusement, tout en caressant son ventre dans l'espoir de calmer le bébé qui remuait, répondant à son état pour le moins agité malgré les apparences – et pour lequel Andy ne manquerait pas de lui faire la leçon – en se demandant si son fils était certain de ce qu'il faisait.

Qu'il soit amoureux de la Gryffondor, cela ne faisait aucun doute.

Qu'il soit déterminé à la garder, voire à l'épouser, Narcissa n'en doutait pas non plus – il avait sous-entendu la chose plusieurs fois dans la correspondance régulière qu'il entretenait avec Andromeda. À l'origine, sa sœur n'avait pas été très enthousiaste à l'idée de trahir la confiance de son neveu en lui faisant lire les lettres mais Cissy n'avait jamais laissé quelque chose d'aussi bénin qu'un tiroir fermé à clef l'arrêter lorsqu'elle voulait quelque chose. Et des nouvelles directes de son fils, elle en était affamée.

Que Draco s'entiche d'une Sang-de-bourbe, passe encore.

Qu'il l'épouse… Les Malfoy n'avaient pas vu leur arbre généalogique souillé par autre chose que l'occasionnel Sang-Mêlé – qui avait déjà fait scandale – depuis au moins quatre générations. Toutefois, puisqu'il semblait que les Malfoy aient désormais rejoint le camp des progressistes menés par Dumbledore, il serait sans doute de bon ton de se mettre au diapason, quitte à revenir à des traditions plus drastiques par la suite. Politiquement, cela faisait sens.

Mais s'il devait épouser une Sang-de-bourbe, il fallait que ce soit la bonne Sang-de-bourbe.

La manière dont elle lui avait tenu tête plus tôt, avait osé élevé la voix contre elle…

Pourtant, elle l'avait fait pour défendre Draco.

Narcissa aurait préféré une bru plus docile, au caractère moins farouche, et qui aurait été facilement malléable… Cependant, d'un autre côté, une femme forte n'avait jamais fait de mal à aucun homme et si cette Hermione Granger avait la tête aussi bien faite que tout le monde semblait s'accorder à le penser…

L'étiquette, les coutumes, le rôle attendu de Lady Malfoy… Tout ça pouvait s'apprendre.

La loyauté envers son époux, l'amour profond qui la pousserait à le protéger envers et contre tout, les sacrifices faits pour épargner ses sentiments… Cela, ce n'était jamais acquis. Mais elle en voyait les prémices chez cette fille.

Si Narcissa la prenait en main…

« Mère, êtes-vous sûre que vous vous sentez bien ? » demanda Draco, coupant court à sa réflexion.

Elle sursauta légèrement et s'alarma intérieurement de se laisser aussi facilement surprendre. Elle avait toujours été parfaitement maîtresse d'elle-même en toutes circonstances. Elle blâmait les mois passés chez Andy et Ted. Une fois dépassées les premières semaines gênantes et les disputes à demi-mots qui l'avaient opposées à sa sœur alors qu'elles tentaient de réparer quelque chose qui semblait irrémédiablement brisé, elle s'était sentie à l'aise chez sa sœur, à la maison presque. Certes, le cottage était trop petit comparé au Manoir et elle avait eu l'impression qu'ils se marchaient sur les pieds, tout du long, mais cela lui avait également rappelé leur enfance et…

Les raisons qu'avaient eu Andy de s'enfuir, Narcissa pouvait les comprendre. Elle aurait tout sacrifié pour Lucius. Ce qu'elle désapprouvait, c'étaient les origines de Ted.

Et il aurait été plus simple de s'en tenir à cette désapprobation si Ted avait été un rustre sans manières mais elle avait dû admettre, après plusieurs semaines passées à s'accrocher à ses préjugés, qu'il était très difficile de ne pas l'apprécier. C'était un homme discret qui ne concevait d'autres plaisirs que de fumer sa pipe, de lire ses livres ou de disparaître dans son jardin. Il était cultivé et s'il ne s'était jamais élevé aux plus hauts échelons de la carrière de Botaniste, il semblait simplement heureux de faire ses expériences et d'entretenir ses plantes qu'il vendait régulièrement à plusieurs apothicaires.

Ted et Andy menaient une vie simple, si éloignée de celle de Narcissa que s'en était risible. Et pourtant, ils étaient heureux.

Elle tenait toujours à la pureté de la lignée, autant celle des Malfoy que des Black. Elle croyait toujours, dur comme fer, que les Sang-Purs auraient dû diriger la communauté magique.

Mais elle n'était pas assez stupide ou aveugle pour penser que le Seigneur des Ténèbres était toujours la réponse. Déjà, à l'époque, elle avait eu ses doutes.

Si Draco finissait par épouser Granger… Eh bien, elle deviendrait une Malfoy et cela compenserait son manque de pédigrée, décida-t-elle, tant que la jeune fille prouvait qu'elle avait les épaules pour assumer son titre.

Narcissa réservait son jugement.

« Mère ? » insista son fils, visiblement inquiet.

« Mrs… Lady Malfoy, voulez-vous que j'aille chercher du thé ou quelque chose de sucré ? » proposa la lionne.

Un point en sa faveur, décida Narcissa distraitement. Au moins, elle avait des qualités d'hôtesse.

« Je vais bien. » mentit-elle.

Ni l'un, ni l'autre des adolescents n'était dupe mais la porte s'ouvrit, les empêchant de persister.

Sirius leva immédiatement les mains lorsque tous les regards se tournèrent vers lui. « Je n'ai pas de nouvelles de Malfoy. »

Les épaules de Draco s'affaissèrent à nouveau. La jeune fille s'empressa de lui murmurer des paroles encourageantes à l'oreille que Narcissa ne chercha pas à surprendre.

Au lieu de ça, elle donna sa pleine attention à son cousin qui vint se tenir près de son fauteuil. « Severus ? »

« Toujours pareil. » soupira-t-il. « Il est stable mais personne ne comprend pourquoi il ne se réveille pas. Et personne ne comprend comment il peut ne plus avoir de Marque, non plus. » Il haussa les épaules. « Ils l'ont transféré dans une pièce à l'écart, plus facile à défendre au cas où… »

Il laissa sa phrase en suspens mais Narcissa comprit très bien le sous-entendu. Ils avaient repoussé les Mangemorts et démasqué un espion mais cela ne signifiait pas qu'il ne restait pas de danger à l'intérieur du château or l'espion qui avait par deux fois échappé aux griffes du Seigneur des Ténèbres était ennemi à abattre.

Il en était sans doute de même pour Lucius mais elle ne pensait pas qu'aucun d'eux s'en préoccupait.

Ingrats.

« Et Nymphadora ? » s'enquit-elle. « Comment va-t-elle ? »

« Inconsciente, elle aussi. » admit Sirius. « Mais Ted dit que c'est normal. J'ai laissé Harry avec lui… » Il se passa la main dans les cheveux, la laissa trainer sur sa nuque avec nervosité. « Il n'a plus de raisons de se sauver maintenant donc je suppose que je n'ai pas besoin de le surveiller. Et, très franchement, je suis tellement furieux que… »

Un sourire joua sur les lèvres de Narcissa. « Toi qui adorait commander Bella et Reg, tu aurais la paternité difficile ? »

« Moque-toi. » marmonna-t-il, en levant les yeux au ciel. « C'est beaucoup plus simple d'être l'oncle sympa. »

Son sourire se transforma en grimace et ses mains se crispèrent. Elle souffla lentement.

Alarmé, Sirius s'accroupit, posant d'autorité une main sur son ventre. « Hey, tu m'as promis que tu n'étais pas sur le point de pondre ! »

« Mère ? » s'horrifia Draco.

Elle serra la mâchoire à s'en faire mal pour mieux dissimuler la douleur.

« Sirius, ce n'est pas une façon de parler d'une femme ! » s'agaça la jeune fille.

Deux points en sa faveur.

« Exactement. » trancha Narcissa, en lui jetant un regard noir. « Je ne suis pas une poule. » Elle s'efforça de sourire. « Et ce ne sont que des contractions passagères. »

« Tu vois, moi, j'entends le mot contractions et je sais qu'il faut que j'aille chercher un Médicomage en urgence. » rétorqua Sirius, en se redressant d'un bond.

Elle lui attrapa le poignet avant qu'il ait pu s'éloigner. « Cesse ton cirque, Sirius. Ce n'est rien du tout. Je vis avec une Médicomage depuis des mois, cette grossesse n'aurait pas pu être mieux contrôlée. Je suis prête à admettre que la journée a été particulièrement angoissante et qu'il vaudrait sans doute mieux que je me repose mais je te promets que je vais bien. »

Sirius n'avait pas l'air tout à fait convaincu et Draco ne l'était pas davantage. Ils échangèrent un long regard qui contenait toute une conversation silencieuse et Narcissa se demanda quand exactement son cousin en était venu à connaître aussi bien son fils.

« Mère. » intervint l'adolescent, le ton tout ce qui était de plus raisonnable et poli. « Peut-être devriez-vous vous retirer dans les appartements de Sirius. S'il y a des nouvelles je vous informerai immédiatement et… »

« Je te remercie, Draco, il me semble que, jusqu'à nouvel ordre, je suis toujours ta mère et, en conséquence, je prends les décisions. » rétorqua-t-elle.

« Je pense simplement au bébé. » se défendit le garçon.

« Sous-entendrais-tu que moi pas ? » siffla-t-elle, en levant les sourcils.

Il y eut un lourd silence qui fût brisé par le raclement de gorge gêné de la jeune fille. « Je crois qu'ils veulent juste dire qu'ils sont inquiets pour vous. On pourrait peut-être transformer le sofa… Vous pourriez vous allonger ici ? »

Elle fronça le nez. Le manque de dignité d'une telle chose la rebutait.

Pourtant…

« Si les contractions ne passent pas dans les dix minutes » compromit-elle. Elle foudroya des yeux son cousin et son fils qui semblaient beaucoup trop prompts à se liguer contre elle à son goût, puis tourna le regard vers la lionne, un peu à contrecœur. Essayait-elle de l'amadouer ou était-elle naturellement prévenante ? « Peut-être qu'une tasse de thé n'est pas une si mauvaise idée, après tout. »

Cela s'avéra même être une excellente idée parce que cela leur donna, à tous, quelque chose à faire.

Le thé et ses rituels sauvaient, encore une fois, une situation gênante.

Du moins, jusqu'à ce que la porte ne s'ouvre et qu'Andromeda ne les rejoigne, l'air trop grave et trop épuisé. Ses cheveux noirs, à présent grisonnant aux tempes malgré les suppliques répétées de Cissy de la laisser les lui teindre avec une potion, étaient retenus en un chignon désordonné, et, s'il n'y avait pas une goutte de sang sur les robes blanches probablement empruntées à Pomfresh, le malheur semblait toutefois y coller.

Sirius fit apparaitre une cinquième tasse qu'il remplit sans un mot avant de la lui coller d'autorité entre les mains. Andy lui offrit un petit sourire reconnaissant, avant de la boire presque d'un trait, comme si cela avait été un verre de whiskey.

Sans doute aurait-elle préféré, songea Narcissa, parce que lorsque sa sœur se tourna vers elle, son expression était à la fois résignée et triste.

« Parle. » exigea-t-elle, les mains accrochées aux accoudoirs comme une reine à son trône.

Elle refusait de se donner en spectacle comme Nymphadora l'avait fait plus tôt. Elle comprenait la jeune femme, plus qu'elle n'aurait aimé l'admettre, mais si le pire devait survenir, elle l'affronterait avec le calme et la distinction que se devait d'avoir Lady Malfoy. Elle devait penser aux enfants avant de penser à son propre chagrin. Elle n'avait pas le loisir de se complaire dans sa douleur. Pas avec son fils et le bébé à naître.

Andy laissa son regard dériver vers Draco avant de revenir le poser sur elle.

« Je ne vais pas te mentir, Cissy, ce n'est pas bon. » soupira sa sœur. « Nous ne parvenons pas à identifier le maléfice, même le spécialiste de Sainte Mangouste n'a pas d'idée, et avec le Ministère en ruines… Nous avons du mal à trouver un Briseur de Sorts ou un Langue-de-Plomb qui pourrait potentiellement nous en apprendre plus. Si nous n'en trouvons pas dans l'heure, je réveillerais Bill Weasley. »

« Réveille-le immédiatement. » contra-t-elle. « Je le payerai ce qu'il désirera. »

Andromeda grimaça. « Ce n'est pas si simple, Cissy. Il a perdu son frère, hier, et, quant bien même, il a aussi subi un traumatisme crânien. Je préfèrerais attendre encore un peu avant de le réveiller, être certaine qu'il soit au mieux de ses capacités. »

« Qu'a Père exactement, ma tante ? » intervint Draco. Il s'était levé du sofa, la jeune fille toujours fermement accrochée à sa main, et paraissait attendre le verdict comme un condamné va à l'échafaud.

« Le maléfice semble… » commença-t-elle, avant de se passer une main sur le visage. « Pour simplifier, le maléfice semble affecter ses organes les uns après les autres. Il les… attaque, à défaut d'un meilleur terme. Nous pouvons traiter les symptômes mais tant que nous n'avons pas éliminé la source, le maléfice continuera à le ronger à petit feu. Nous lui avons donné des potions, il ne souffre pas. »

« Et le pronostic ? » demanda froidement Narcissa.

Froidement parce qu'emmurer son cœur de glace était la seule manière de survivre à ce moment.

Sirius voulut la toucher mais elle esquiva sa main.

« Le pronostic n'est pas bon. » admit Andromeda.

« Que signifie pas bon ? » s'énerva Draco. « Ce… »

« Ça veut dire que si on n'identifie pas le maléfice rapidement, il ne survivra probablement pas parce qu'ils ne savent pas comment le soigner. » clarifia Sirius, épargnant à Andy de devoir le faire.

« Combien de temps avons-nous ? » s'enquit Cissy.

Andromeda grimaça tristement. « Au rythme où vont les choses et vu l'adaptabilité du maléfice face à nos sorts de soin… Je dirais la journée, peut-être la nuit si on a de la chance. Mais le maléfice est agressif et nous résiste, cela se compte plutôt en heures. » Elle planta son regard dans celui de sa sœur. « Je n'abandonne pas, Cissy. S'il y a un remède, on va le trouver. Il y a quatre Médicomage en plus de moi sur son cas. »

« Pouvons-nous le voir ? » exigea l'adolescent.

« Cissy a eu des contractions. » la dénonça Sirius, dans la même seconde.

Andy ne paraissait pas autrement surprise, mais la soumit tout de même à un sort de diagnostic complet.

« Il est conscient. » déclara sa sœur, tout en l'examinant. « Il vaudrait mieux y aller un par un, pour l'instant, toutefois. Ne pas trop le fatiguer. »

Le reste, Narcissa le vécut comme un cauchemar. Elle écouta à peine la jeune fille proposer à Draco d'aller à la bibliothèque faire des recherches ou Sirius offrir d'attendre avec son fils ou Andromeda qui lui recommandait bien d'alerter quelqu'un si les contractions reprenaient.

Tout fût flou jusqu'à ce qu'Andy la guide dans la pièce où ils avaient installé son mari qui portait désormais les pyjamas standards de l'infirmerie. Ils paraissaient si déplacés sur lui. Elle devait à tout prix appeler un de leurs elfes de maison, lui ordonner de ramener un de ses pyjamas en soie ou en satin…

Andy la laissa seule et, alors qu'elle avançait vers le lit comme un pantin dont quelqu'un d'autre aurait manipulé les ficelles, Lucius ouvrit des yeux fatigués.

Et Narcissa revint dans son propre corps comme si on l'avait lâchée du haut de la tour d'astronomie.

Andromeda avait dit qu'il ne souffrait pas mais il y avait de la douleur dans ses yeux. De la douleur, de la peur et de la tristesse aussi.

Pourtant tout ça s'effaça lorsqu'il la vit.

Les yeux gris se mirent à briller de plaisir et sa bouche s'étira en un faible sourire qui appela le sien.

« Narcissa… » murmura-t-il.

Elle voulait pleurer mais elle sourit davantage à la place. Elle fit comme si tout allait bien et avança plus près encore jusqu'à ce qu'il puisse la voir correctement, jusqu'à ce qu'il s'aperçoive de…

Ses yeux s'arrêtèrent sur l'arrondi de sa robe et il ouvrit la bouche sans émettre un son, à court de mots, la surprise totale.

Elle avait si souvent pensé à comment elle allait lui annoncer la chose ! Elle avait craint, dernièrement, de ne pas en avoir la possibilité avant le terme… Puis, elle s'était imaginée lui mettant un bébé tout rose dans les bras avec fierté, sachant d'avance qu'il en aurait été fou de bonheur…

« Comment ? » balbutia-t-il.

« Un miracle. » offrit-elle, en prenant sa main un peu trop molle pour venir la poser sur son ventre. « Et, comme Andromeda se plait à me le répéter, un manque d'attention alarmant envers mon propre corps. » Son sourire se fit plus doux, plus heureux, alors qu'elle se penchait pour lui murmurer ce qu'elle avait tant espéré pouvoir lui confier. « Un autre fils, Lucius. »

« Un fils ? » répéta-t-il, toujours sous le choc, son pouce caressant doucement la courbe de son ventre. « Tu es certaine ? »

« Andy l'est. » répondit-elle. « Tu aurais peut-être préféré la surprise mais je devais savoir. »

« Ta curiosité n'a aucunes limites. » plaisanta-t-il.

« Aucunes, tu le sais bien. Il y a des choses pour lesquelles je n'ai aucune patience. » Elle fit apparaître une chaise confortable et y prit place, sans lâcher sa main. « Sirius m'a expliqué ce qu'il s'était passé. Autant qu'il a pu en déduire, du moins. Te sacrifier pour Potter ? Vraiment ? »

« Un excès de courage après que notre fils m'ait traité de lâche. » marmonna Lucius, avant de lever des yeux alarmés vers elle. « Ne le lui répète pas. Il ne le pensait pas, je le sais très bien. Et puis… Potter a l'âge de Draco, il m'y faisait penser. C'était… Honnêtement, j'ignore ce qui m'a pris. Un réflexe idiot que je regrette déjà. » Il soupira. « Avons-nous, au moins, sauvé Severus ? »

« Oui. » mentit-elle. Severus, de ce qu'elle en retenait, n'était pas encore tiré d'affaire, mais, cela, Lucius n'avait pas besoin de le savoir. « Nymphadora t'en remerciera certainement. »

Il eut un bruit amusé mais referma les yeux, comme fatigué. « Puisque nous voilà dans l'autre camp… Elle ne ferait pas une mauvaise marraine pour celui-ci, sais-tu ? » Il se força à rouvrir les paupières dans la seconde, sa main se promenant sur son ventre, sans cacher son émerveillement. « Combien de mois ? »

« Presque huit. » murmura-t-elle. « Il n'y a plus très longtemps à attendre. »

« Un autre fils… » souffla Lucius, des étoiles pleins les yeux. « Tu as déjà décidé d'un nom ? »

Étudier les vieux manuels d'Astronomie que Nymphadora avait abandonnés dans sa chambre après ses B.U.S.E.s avait été leur occupation principale à elle et Andy depuis près de deux mois. Toutefois…

« Y a-t-il meilleur nom que le tien ? » contra-t-elle. « Après tout, ce serait… »

Le rire de son époux sonna un peu trop creux. « Je suis donc bien mourant. Ta sœur ne voulait rien dire mais si tu en es à vouloir affubler notre pauvre fils de mon prénom au lieu de celui d'une constellation… »

Black un jour, Black toujours.

Lors de sa première grossesse, elle avait insisté et tempêté jusqu'à ce qu'il la laisse suivre cette tradition ancestrale.

« Bien sûr que tu ne vas pas mourir, Lucius. » cingla-t-elle sèchement. « Je vais engager les meilleurs Médicomages, le meilleur Briseur de Sorts et… »

« Je te connais trop bien, mon amour. » l'interrompit-il. « Quoi qu'ils t'aient dit, ce n'est pas optimiste. »

« Lucius. » gronda-t-elle. « Je t'interdis de… »

« Mieux vaut parler de choses plus joyeuses. » soupira-t-il, tournant à nouveau son attention vers son ventre. « Quel prénom as-tu en tête ? »

Elle hésita à insister puis capitula. Tout pour lui faire plaisir, tout pour le distraire.

« Orion. » lâcha-t-elle.

À nouveau, Lucius émit un bruit amusé. « Est-ce une coïncidence que cela soit le deuxième prénom de ton cousin ? »

« C'est un prénom familial. » répondit-elle, puis, devant son regard amusé, leva les yeux au ciel. « Très bien. Puisque nous voici dans le camp de Dumbledore, Sirius ferait un excellent parrain pour lui et, puisqu'il n'a pas d'héritier, il serait juste qu'il lui laisse tout. Ainsi chacun de nos enfants s'élèvera à une position appropriée en temps venus. »

Et elle remettrait la Maison Black dans le droit chemin, au passage, ce qui n'était pas négligeable.

« Tu oublies le fait que Black a probablement déjà désigné Potter comme héritier. » remarqua-t-il.

Narcissa balaya l'air de la main. « Potter a déjà sa Maison à gérer. Sirius verra bien qu'il est plus sage de choisir Orion au bout du compte. Et puis… Si jamais il persistait, il me suffirait simplement de m'assurer que le garçon se marie jeune et ait une fille rapidement. Après quoi, nous les marierons. Ce ne sera certes pas la méthode la plus expéditive mais le rendu final sera le même. »

Lucius la regarda avec tendresse. « Machination sur machination, je te reconnais bien là. »

Le cœur un peu serré par la résignation qu'elle sentait dans sa voix, elle porta sa main à ses lèvres et y déposa un baiser. « Je t'aime. »

« Je t'aime aussi. » offrit-il, sans la moindre hésitation. « Et, si le pire arrivait, tu vas devoir être forte, Narcissa. Pour nos enfants. »

Elle voulait trépigner, nier l'évidence, hurler comme Nymphadora l'avait fait, plus tôt, dans la cuisine…

Mais elle était Lady Malfoy et Lady Malfoy ne se donnait pas en spectacle.

« Ma Maison avant tout. » murmura-t-elle.

Une promesse.

°O°O°O°O°

Nymphadora revint à elle lentement – et douloureusement. Son corps lui faisait l'effet d'avoir été fracassé plusieurs fois contre un mur particulièrement dur et, plus inquiétant, elle se sentait toujours très faible. Elle savait, avant même de se repousser en position assise, qu'elle était toujours incapable du moindre sortilège et que, si elle avait été plus intelligente, elle se serait tournée et rendormie en attendant que ça passe.

« Dora ! » s'exclama une voix un peu trop forte dans le silence qui régnait dans la pièce. « Tu vas mieux ? »

La pièce.

Ils n'étaient plus dans l'infirmerie ou, du moins, plus dans la partie centrale. Les mêmes panneaux de bois ouvragés couvraient les murs, le sol était le même, l'orientation des fenêtres… Ils étaient toujours dans la même zone du château. La pièce n'était pas très grande et il n'y avait qu'un seul patient allongé dans un lit, au centre : Severus. Sa mère, l'air éreinté, était en train de l'examiner à grands coups de sortilèges… Il portait les pyjamas standards de l'infirmerie, à présent, et, bien qu'elle soit soulagée pour lui que son corps ne soit plus exposé à tous les regards, elle détestait ces pyjamas qui semblaient le diminuer alors que…

Une main se posa sur son épaule, comme pour s'assurer qu'elle n'allait pas retomber sur le lit d'appoint, inconfortable au demeurant, poussé contre le mur, sur lequel elle était assise.

Harry portait toujours les mêmes robes un peu trop grandes et trop habillées et, s'il ne semblait plus pleurer de manière incontrôlable, les traces de larmes étaient toujours visibles sur ses joues. Derrière lui, Ted se tenait droit, les bras croisés, l'air tout aussi fatigué que le reste d'entre eux.

Le garçon ne tremblait plus.

« Tu as vu un Médicomage ? » demanda-t-elle immédiatement.

Il leva les yeux au ciel avec un agacement teinté d'affection. « Ted m'a forcé. Dumbledore m'a donné la potion de Severus. »

Ted.

Avait-elle seulement fait les présentations, plus tôt ?

Ce n'était…

« Harry et moi sommes de vieux amis, maintenant. » plaisanta son père, en l'étudiant attentivement. « Chérie, tu as une mine épouvantable. »

Elle se frotta le visage comme si cela avait pu miraculeusement remédier à la chose. Aurait-elle eu ses pouvoirs… « Combien de temps est-ce que j'ai été inconsciente ? »

« Moins d'un heure. » répondit Ted, son regard s'égarant vers sa mère et Severus. « Aucun changement pour l'instant. »

« Mais il est stable. » offrit Harry rapidement, comme s'il voulait lui offrir la bouée de sauvetage à laquelle il se raccrochait lui-même. « C'est une bonne chose. »

« Une très bonne chose. » confirma son père d'un ton apaisant, en tapotant l'épaule du garçon.

« On ne sait toujours pas ce qu'il a ? » insista-t-elle. « Maman ? »

Andromeda venait de baisser sa baguette et de s'éloigner du lit. Elle se rapprocha d'eux, son expression neutre au possible, ce qui signifiait qu'elle ne voulait pas l'inquiéter mais…

« Tu devrais être couchée. » la gronda sa mère, en lançant un sortilège de diagnostic sur elle. « Tu as besoin de repos, de fluides et quelque chose à manger ne te ferait pas de mal. »

« Severus. » contra-t-elle avec entêtement. « Qu'est-ce qu'il a ? »

Elle et Andromeda s'affrontèrent un moment en silence puis sa mère glissa un regard vers Harry qui attendait avec une patience contrainte et capitula. « Concrètement ? Je l'ignore. À l'évidence, la Marque des Ténèbres a disparu, ce qui ne devrait pas être possible. Son état général n'est pas préoccupant : ses nerfs présentent toujours des signes de dégénération mais elle est stabilisée et ne s'est pas aggravée depuis la dernière fois où je l'ai vu, sa jambe doit le faire souffrir vu l'état du muscle, je suppose qu'il l'aura blessée durant la bataille ou qu'il a trop forcé dessus, mais ça non plus n'est pas nouveau, juste une séquelle de la dernière fois. Mis à part ça… Il y a des traces de lacérations plus ou moins superficielles sur son torse et son dos. Si je devais deviner, je dirais qu'elles viennent d'une lanière ou… »

« Une ceinture. » lâcha Harry rageusement, en se dirigeant vers le lit pour mieux attraper la main du sorcier qui y reposait. « Voldemort aime ses effets de manche. »

L'horreur saisit Nymphadora à la gorge.

« Oui, c'est possible. » admit Andromeda, un peu à contrecœur. « La bonne nouvelle, c'est que je ne détecte aucune trace de Doloris. »

« Mais il reste inconscient ? » insista-t-elle, tâchant de ne pas montrer son effroi. Quelqu'un devait rester calme pour Harry et il devenait évident que c'était elle. Merlin savait où était Sirius.

« C'est davantage que de l'inconscience à ce stade. » grimaça Andy. « Je n'ai pas les réponses pour le moment. Poppy vient de reprendre connaissance, elle ne tardera pas à venir l'examiner et je veux la consulter. Je voudrais aussi parler à Bill Weasley de la Marque. Pour l'instant, il est stable et il n'y a aucuns signes alarmants qui me font dire que ça pourrait changer dans les prochaines heures, il n'y a donc pas d'urgence. »

Harry manqua s'étouffer d'indignation et Andromeda leva la main pour anticiper ses protestations.

« Je comprends, mon garçon. C'est ton père et, pour toi, il est plus important que tout. » déclara-t-elle. « Mais l'état de Lucius Malfoy est plus préoccupant et, en conséquence, il a la précédence. »

Nymphadora avait beaucoup de compassion pour Narcissa mais… « Severus est de notre côté depuis des années. Severus est un héro. Lucius… »

« Lucius espionnait pour le compte de l'Ordre. » l'interrompit Andromeda sèchement. « Et serait-il le bras droit de Tu-sais-qui que je tenterais tout de même de le soigner parce que j'ai prêté un serment, Nymphadora, et ce n'est pas le genre de choses que je prends à la légère. »

« Ce n'est pas comme si personne ne s'occupait de lui, Dora. » temporisa son père.

C'était vrai, supposait-elle. Pomfresh allait venir et…

« Écoute… » soupira Andromeda. « Nous devons faire un point avec Albus à neuf heures. Vous ne ferez rien de plus ici, tous les deux, à part vous mettre dans les pattes des Médicomages. Pourquoi vous n'iriez pas vous reposer ? Prendre une douche, dormir quelques heures… »

« Je reste. » contra immédiatement Harry.

Et ce fût exactement la réaction de Nymphadora, sauf que…

Sa mère lui jetait un regard lourd de sens que le garçon ne remarqua pas.

Et un coup d'œil au gamin lui indiqua pourquoi.

Harry était dans un état épouvantable et si personne ne le forçait à prendre soin de lui-même… La dernière fois qu'ils s'étaient retrouvés dans cette situation, le Gryffondor avait campé dans l'infirmerie pendant des semaines, au grand dam de McGonagall.

Avec un soupir, elle attrapa le bras de son père pour mieux voir la montre à son poignet. Il était à peine cinq heures du matin… Deux à trois heures de sommeil ne leur feraient sans doute aucun mal ni à l'un ni à l'autre, surtout si l'état de Severus persistait et qu'il leur fallait tenir la distance…

Prudemment, elle se mit debout et, lorsque le monde cessa de tanguer, fût heureuse de constater qu'elle était au moins un tout petit peu plus stable sur ses jambes. Elle se dirigea vers le lit à pas lents et posa les mains sur les épaules du garçon qui se tendit légèrement.

« Je ne veux pas le laisser. » grinça Harry, sentant visiblement le traquenard venir.

Techniquement, ce n'était pas comme si elle avait une quelconque autorité sur lui ou pouvait l'obliger à quoi que ce soit.

Severus était si pâle… Mais son torse se soulevait et retombait à intervalles réguliers, paisibles, lui donnant l'apparence du sommeil profond.

Elle n'aimait pas l'idée de le laisser, ne serait-ce qu'un peu. Ils auraient pu dormir à tour de rôle sur le lit d'appoint mais, outre le fait qu'il n'était pas confortable, elle doutait qu'ils puissent fermer l'œil.

« Tu as besoin de te reposer ou tu ne vas pas tenir. » lâcha-t-elle. « Et tu sais ce qu'il dirait. »

Il se tourna vers elle, la suppliant du regard. « Mais… »

« Harry. » l'interrompit-elle, en fronçant les sourcils. « Tu auras suffisamment d'ennuis quand il se réveillera. Ce serait mieux que tu ais l'air reposé et présentable. Inutile de lui rappeler tout de suite ce que tu as fait… »

Elle s'efforça de prendre un ton plus léger parce qu'elle sentait qu'une parole de trop et le gamin pourrait se remettre à pleurer comme une fontaine. Il y avait quelque chose qui la dérangeait un peu dans son regard depuis la veille et… La réponse lui vint brutalement : ses boucliers. Harry n'avait plus aucune défense mentale.

Elle pinça le tissu sale des robes habillées et l'agita légèrement pour mieux lui faire comprendre.

Il hésitait mais ne semblait pas tout à fait décidé…

« Si tu restes, je reste. » déclara-t-elle. « Et j'ai vraiment besoin de m'allonger un peu. »

Les épaules du garçon s'affaissèrent et il soupira longuement. « D'accord, mais pas longtemps. »

« On sera là à neuf heures tapantes. » promit-elle. « Et je suis sûre que Pomfresh aura eu une idée d'ici là. »

Un peu rasséréné, le Gryffondor hocha la tête mais jeta un regard coupable au Maître des Potions. « Je ne veux pas qu'il soit seul… »

« Il ne sera pas seul. » intervint Ted, en sortant un petit livre de la poche arrière de son pantalon. « J'ai de quoi m'occuper jusqu'à ce que vous reveniez. Il sera en parfaite sécurité avec moi. »

« Et s'il se réveille… » hésita Harry.

« Tu seras le premier au courant. » jura son père.

Dans le dos d'Harry, Nymphadora le remercia silencieusement. Ted lui fit un clin d'œil.

« Albus a dit que les elfes avaient préparé des appartements pour les gens qui allaient rester là un moment. Ils nous ont rassemblés par familles pour optimiser l'espace. » offrit Andy. « Nous sommes au quatrième étage de l'aile est, je crois. »

Harry se tendit et elle secoua immédiatement la tête. « On va rentrer à la maison. »

C'était visiblement la bonne réponse parce que le garçon se détendit sur le champ.

Ce ne fût qu'en voyant le regard un peu perplexe de sa mère qu'elle se rendit compte de ce qu'elle venait de dire et elle se racla la gorge, gênée. « Dans les cachots. Chez Severus, je veux dire. » Soudain désespérée d'éviter le regard de ses parents, elle se pencha vers le Maître des Potions pour lui caresser la joue et pouvoir murmurer à son oreille. « Merci d'être revenu. Ce serait sympa que tu te réveilles vite, maintenant… »

Elle déposa un léger baiser à la commissure de ses lèvres et, sans croiser le regard de personne, encouragea Harry à se diriger vers la sortie.

°O°O°O°O°

« Ce n'est pas ta faute. »

Draco leva les yeux vers son cousin qui, accoudé à la cheminée, l'observait avec un peu trop de perspicacité. Il baissa le regard vers ses mains nues de toute bague et résista avec peine au besoin de chercher à son cou la chaine que ses kidnappeurs avaient arrachée l'avant-veille et sur laquelle pendait habituellement le sceau familial. Son poids lui manquait.

Une part de lui aurait préféré que Granger reste avec lui plutôt que d'aller à la bibliothèque tenter de percer le mystère de ce maléfice mais il lui était également reconnaissant de l'avoir proposé. Déjà parce que, s'il y avait quelque à trouver, elle le trouverait. Ensuite, parce qu'elle n'avait aucune autre raison d'aider Lucius Malfoy, un Mangemort, que l'affection qu'elle lui portait à lui et il avait besoin de cette preuve d'amour parce que…

Andromeda n'était pas revenue après avoir guidé sa mère jusqu'à son père. Elle l'avait laissé seul avec Sirius qui, si Draco était franc, aurait probablement mieux fait d'aller s'écrouler dans son lit que de rester là. Il avait l'air affreusement fatigué.

C'était amusant, d'une certaine manière, parce que l'adolescent qui avait été si épuisé toute la nuit ne sentait désormais plus la fatigue. Ou même les hématomes qui lui couvraient le corps. Il ne sentait plus grand-chose du tout.

Dès que son esprit dérivait, il le ramenait dans le tunnel ou dans le couloir. Blaise et Daphné, les enfants, un déluge de briques… En boucle.

« Potter ne m'a pas drogué. » avoua-t-il. « Je lui ai donné le sceau des Malfoy pour qu'il puisse passer les protections. Je lui ai même proposé de l'accompagner. »

Sirius le regarda longtemps puis se frotta le visage.

« Merlin me préserve des ados idiots… » marmonna-t-il. « On discutera d'une punition pour ce manque de jugement, plus tard. Je n'ai plus l'énergie de me mettre en colère, là tout de suite. »

Il ne lui fit pas remarquer qu'avec ses parents au château, Sirius était délivré de toute responsabilité à son égard.

« J'ai dit à Potter de lui rendre le sceau, de lui dire que… » continua-t-il, sans parvenir à terminer. « S'il l'a aidé uniquement parce que… »

« Draco. » l'interrompit son cousin, dans un soupir. « Lucius espionnait pour Dumbledore. »

Il dévisagea l'Animagus longtemps sans que les mots fassent sens.

Après la virée au Ministère, il savait que son père avait décidé de prendre des décisions drastiques pour les protéger mais il avait pensé… Lui était en sécurité au château sous la protection de Dumbledore et s'était acharné à se rapprocher de Potter pour mieux… Sa mère avait disparu, présument dans un endroit sûr…

Il avait pensé que…

Il n'avait jamais imaginé que…

Pourtant, en y repensant, en y réfléchissant, il était évident que…

Draco laissa tomber son visage dans ses mains.

« Draco, ce n'est pas ta faute. » répéta Sirius.

Qui d'autre alors ?

C'était lui qui avait suivi Granger au Ministère. C'était lui qui s'était sacrifié pour Luna. C'était lui qui avait mis le feu aux poudres en se présentant devant le Seigneur des Ténèbres entouré d'une Sang-de-Bourbe et de traîtres à leur sang… C'était lui avait mis l'engrenage en place et…

La porte de la petite pièce poussiéreuse s'ouvrit et sa mère entra d'un pas mesuré, le visage fermé. Son expression s'adoucit à peine lorsqu'elle posa les yeux sur lui.

« Il veut te voir. » déclara-t-elle, en tendant la main. Obéissant, il se leva et alla vers elle, la laissant remettre un peu d'ordre dans ses cheveux en bataille puis lui caresser la joue. « Il est très faible, mon dragon. Prépare-toi et ne laisse rien paraître, tu comprends ? »

Il hocha la tête.

Le sourire de Narcissa était tendu. « Et je te prierais de garder tes idées politiques pour toi. »

Tout son corps encaissa le coup comme si les mots étaient un sort de diffindo. Ils le déchiquetèrent.

Incapable de croiser son regard, il détourna les yeux. « Je suis désolé, Mère. »

« Désolé ? » répéta Narcissa, confuse.

« Draco pense que tout est sa faute. » expliqua Sirius, avec lassitude. « Ça dure depuis la fin de la bataille. »

Il observait résolument le sol usé par les années mais ça ne l'empêcha pas de sentir le regard lourd de sens qu'échangeaient les adultes.

« Ton père a fait les choix qu'il pensait les meilleurs pour notre Maison et pour nous. » offrit finalement sa mère, radoucie. « Tant qu'il vit, c'est sa responsabilité de faire ces choix, Draco, et ce ne serait pas lui rendre justice que de t'affliger parce que tu juges que ce ne sont pas les bons. »

« Vous ne pouvez pas approuver. » contra-t-il, avec incrédulité. « Espionner pour l'Ordre du Phoenix ? C'est… »

« Ce qu'il devait faire pour que Dumbledore accepte de nous protéger, toi et moi. » coupa-t-elle.

« Sérieusement ? » cracha Sirius, en se rapprochant. « C'était ça leur accord ? Dumbledore a négocié votre sécurité ? »

Son cousin semblait dégoûté mais pas surpris.

Narcissa hésita. « La mienne, tout du moins. »

Le regard gris de l'Animagus dériva jusqu'au ventre arrondi. Il serra la mâchoire puis il planta les yeux dans ceux de la sorcière avec détermination. « Si… Si tu as à nouveau besoin de protection, ne va pas voir Dumbledore. Viens me trouver, moi. »

« Nous sommes des Malfoy. » lui rappela-t-elle.

« Tu étais une Black avant d'être une Malfoy. » rétorqua Sirius. « Et quelqu'un m'a récemment fait la leçon sur mes responsabilité de Chef de famille. Il est peut-être temps que je rappelle à certaines personnes que la Maison Black a toujours eu du poids dans la communauté magique. »

Face au regard interrogateur de sa mère, Draco haussa les épaules.

Amusée malgré tout, elle sourit. Toutefois, ce sourire ne tarda pas à mourir. « Va le voir, Draco. Et toi, aide-moi à traquer ces Médicomages. »

Sirius laissa échapper un bruit amusé. « Les terrifier ou les menacer ne va pas les aider à trouver une solution plus vite. »

Narcissa leva un sourcil sarcastique. « Souhaites-tu parier, cousin ? »

Draco les laissa à leurs chamailleries et se dirigea vers la partie centrale de l'infirmerie qui commençait à se réveiller doucement. Il passa près des Weasley, nota l'agitation autour du lit de Charlie qui était apparemment réveillé mais exhibait des signes évidents de détresse… Ses frères et sœur étaient tous rassemblés autour de lui, leur mère essayait visiblement de le calmer…

Il hésita mais continua finalement à marcher vers l'annexe lorsque l'un des jumeaux tira le rideau pour leur donner un peu d'intimité. Leurs regards se croisèrent brièvement. Draco inclina la tête avec compassion et George – il pensait que c'était George, du moins – lui rendit son geste, l'air triste.

Ce n'était pas qu'il trainait les pieds ou qu'il ne voulait pas voir son père, c'était juste que…

Il y avait cette dichotomie dans sa poitrine entre la partie de lui qui adulait Lucius et ne voulait surtout pas qu'il lui arrive quoi que ce soit et la partie qui avait vu mourir trop d'enfants et exécrait l'idée même des Mangemorts. C'était dur de concilier les deux. Et, maintenant, il s'avérait que Lucius avait accepté d'espionner pour Dumbledore en échange de sa sécurité et de celle de sa mère ? Or Draco, par proxy, lui avait jeté au visage qu'il était lâche et…

La honte prédominait lorsqu'il poussa la porte de l'annexe et elle ne fit que s'accentuer lorsqu'il vit l'état dans lequel était son père. Le pyjama de l'infirmerie paraissait déplacé sur lui et c'était sans parler de ses joues creusées, de sa pâleur inquiétante ou des plis de douleur aux coins de sa bouche. Andromeda avait dit qu'il ne souffrait pas mais…

La Médicomage en robes vertes qui venait juste de lui faire avaler une potion leva les yeux vers Draco et lui offrit un sourire compatissant. « Pas trop longtemps. Il a besoin de repos. »

Lucius leva les yeux au ciel mais le garçon acquiesça, prenant la chose avec sérieux.

Il attendit toutefois qu'ils soient seuls pour baisser la tête. « Père, je vous dois des excuses. Je… »

« Assieds-toi, Draco. » soupira Lucius, l'interrompant.

Sans oser lever les yeux du sol, trop honteux pour affronter le regard de son père, le garçon s'exécuta.

« Sais-tu que je n'ai jamais trouvé le courage de m'opposer ouvertement à ton grand-père ? » lâcha le Sang-Pur, au bout d'un long moment de silence. « Certes, cela démontrait certainement d'une meilleure éducation. Les manières de tes amis de moins bonne naissance semblent déteindre sur toi. »

Draco se redressa brusquement, piqué par cette attaque injuste. Il savait qui Lucius visait : Granger et les Weasley. Il savait aussi qu'après ce qu'il avait fait et dit, il aurait dû se taire et subir mais Blaise et Daphné étaient morts et il ne pouvait pas… « Ne parlez pas d'eux comme ça. »

Même allongé dans un lit d'hôpital, Lucius était impressionnant et il dût lutter pour ne pas flancher lorsque son père eut une moue désapprobatrice. « Tu es beaucoup trop émotif, Draco. »

« Blaise est mort. » cracha-t-il. « Des dizaines d'élèves sont morts. J'ai cru que j'allais mourir quinze fois aujourd'hui. Hier, qu'importe. Vous êtes blessé parce que j'ai donné à Potter les clefs du Manoir. Je crois que j'ai le droit d'être un peu émotif. »

Quelque chose passa sur le visage de Lucius, surprise et regret mêlés. « Zabini est mort ? »

« Daphné aussi. Daphné Greengrass. » ajouta-t-il, à voix basse, perdant toute énergie combative.

Et tellement d'autres.

« Je suis blessé parce que j'ai fait un choix, en toute connaissance de cause. » déclara Lucius, après un moment. « Ce n'est ni ta faute, ni celle de Potter. Tu devrais garder le garçon sous le coude, d'ailleurs. Il est loin d'être bête et Lord Potter ferait un bon allié lorsqu'il aura hérité du domaine familial… Il n'a aucune idée de comment jouer son rôle, évidemment, mais tu pourrais le guider. Il y a pire personnage qui pourrait avoir une dette envers toi que le Survivant. »

Draco se frotta le visage.

Il n'avait guère envie de fomenter des machinations, à l'instant. Ou de parler comme si Lucius allait…

« Apprenez-lui, vous-même. » suggéra-t-il. « Potter est assoiffé de figures parentales. Un mot gentil à droite, un encouragement à gauche et il vous mangera dans la main. »

Il se sentit immédiatement coupable d'en avoir avoué autant, même s'il n'avait aucune véritable loyauté pour Potter et…

Mais quel merdier, songea-t-il. Il ne savait même plus où allait son allégeance, où…

« Ta mère t'a demandé de prétendre que je n'étais pas en train de mourir, n'est-ce pas ? » s'amusa Lucius, comme si c'était une plaisanterie. Mais il y avait de la tristesse dans son regard.

Et Draco ne trouvait pas ça drôle.

« Vous n'allez pas mourir, Père. » décréta-t-il. « Je vais engager les meilleurs Médicomages… »

« Vraiment ? » coupa Lucius. « Et avec quel argent vas-tu engager ces Médicomages ? » D'un geste ostensiblement négligeant, le Sang-Pur tourna l'épais sceau autour de son annulaire droit. « N'as-tu pas renoncé à ton nom et à ta Maison ? »

Il avait oublié.

L'espace d'une seconde, il avait oublié.

L'argent, cependant, était un détail. « Sirius m'avancera ce dont j'ai besoin. Ou Potter. »

Son père le dévisagea un moment avant d'émettre un bruit amusé. « Lorsque je disais ne jamais avoir tenu tête à mon père, tout à l'heure, j'essayais de te complimenter. Non que j'approuve la forme, mais sur le fond… Un bon Chef de famille doit savoir quand faire passer la Maison avant ses sentiments personnels. » Lucius fronça les sourcils et son regard se fit plus intense. « Envers ses parents peut-être, pas envers ses enfants. Je t'ai dit, un jour, que ta Maison devait passer avant tout le reste mais pas avant ta femme ou tes enfants, te souviens-tu ? »

« Oui. » acquiesça-t-il. « Mais… »

Lucius dût tourner la bague plusieurs fois avant de parvenir à la glisser hors de son doigt. Il la lui tendit mais le garçon ne fit aucun geste pour la prendre.

Ce n'était plus une promesse de responsabilité à venir dans des années ou une preuve de confiance anticipée.

C'était concret et…

« Vous avez un autre héritier, à présent. » remarqua-t-il.

« Et j'en suis comblé au-delà de ce que je ne saurais t'exprimer. » contra son père. « Mais tu es mon premier né et l'avenir de notre Maison te revient de droit. »

Il ne fit toujours aucun geste pour prendre le sceau. « Peut-être mon frère ou ma sœur serait-il plus amène à diriger la Maison Malfoy d'une manière qui vous satisferait davantage. »

La main de Lucius retomba sur le lit comme s'il n'avait plus la force de la tendre une seconde de plus. Rien ne filtrait sur son visage, cependant.

« Comptes-tu vendre le domaine, le Manoir, te débarrasser de l'élevage de chevaux, et dissoudre ce que des générations de Malfoy ont créé ? » demanda son père.

« Non. » répondit honnêtement Draco. « Mais mon épouse ne sera pas une Sang-Pure, nos enfants seront des Sang-Mêlés et je ne compte pas poursuivre de politique puriste. »

« L'aimes-tu ? » s'enquit franchement son père. « Assez pour renoncer à tout ce que je peux t'offrir ? Assez pour renoncer à prendre ta place légitime dans l'histoire familiale ? Es-tu certain qu'il ne s'agit pas que d'un béguin qui passera avec le temps ? Es-tu certain qu'elle vaut de renoncer à tout ? »

Il prit tout de même le temps d'y réfléchir une seconde parce qu'être le Chef de famille, assumer les responsabilités du domaine, avait toujours été un projet de vie. Il n'avait jamais rien envisagé d'autre, mis à part une carrière de dragonnier, brièvement, dans son enfance. Il n'avait jamais eu l'impression de se retrouver coincé dans un rôle dont il ne voulait pas vraiment. La gestion du domaine, du patrimoine, le passionnait. Il avait beaucoup d'idées et, ces dernières années, Lucius avait été suffisamment patient pour en appliquer certaines et lui expliquer pourquoi d'autres étaient irréalisables. C'était une responsabilité qu'il avait toujours prise sérieusement. Et il savait que, sur le plan technique, il y excellerait.

Mais ce n'était pas la gestion qui posait problème, c'étaient les valeurs.

« Oui. » répondit-il finalement.

Lucius le surprit. Au lieu de le sermonner, il lui sourit. « Bien. Si nous en étions arrivés là, j'aurais tout abandonné pour ta mère. Et, elle a beau le nier, elle aurait probablement suivi l'exemple d'Andromeda pour moi. Ce n'est pas une faiblesse que d'aimer ta famille, Draco. »

« Mais la politique… » insista-t-il.

« Une fois que tu seras Chef de famille, ce sera ta responsabilité de faire prospérer notre Maison. » l'interrompit son père. « Si cela implique d'embrasser une politique plus moderne… » Lucius grimaça. « Simplement… N'oublie pas d'où tu viens. N'oublie pas nos coutumes, nos traditions… Promets-moi de les enseigner à tes propres enfants. Sang-Mêlés ou pas, il n'y a aucun mal à connaître les us et coutumes des sorciers, désuets ou non. Notre culture doit survivre. Promets-moi de les enseigner aussi à ton frère. »

« Mon frère ? » releva-t-il. « Est-ce… »

« C'est un garçon. » confirma Lucius, avec un sourire heureux. « Ta mère ne te l'avait pas dit, je vois. »

« C'est une surprise. » admit-il. « Mais une bonne surprise. Une excellente surprise. »

« Oui… » murmura son père, sans se départir de son sourire. Ses paupières papillonnaient pourtant comme s'il luttait pour ne pas les fermer. « Tu vas devoir prendre soin d'eux, bien sûr, et c'est injuste de t'en demander autant si jeune mais je sais que tu t'acquitteras de cette tâche avec brio. S'il y a des choses qui m'inquiètent ou que je regrette, ce n'est pas l'avenir des Malfoy, pas avec toi à leur tête. »

Il fit un effort visible pour rouvrir les yeux, lui tendit une nouvelle fois le sceau.

Cette fois-ci, Draco le prit avec un respect accru, la gorge nouée par une envie de pleurer qu'il fit de son mieux pour ravaler. « Vous n'allez pas mourir, Père. Ce n'est pas Pettigrow qui va vous tuer. »

Lucius grogna. « Il semble bien déterminé à nous achever les uns après les autres, ce rat. »

« Quelqu'un finira bien par le tuer. » déclara-t-il. Pettigrow avait trahi trop de monde.

« Je l'espère car un Malfoy paye ses dettes. » commenta son père, avec un regard lourd de sens. « Directement ou indirectement. »

Comprenant sans mal le sous-entendu, Draco hocha la tête.

Il tourna le sceau plusieurs fois entre ses doigts avant de le passer à sa main gauche. Il semblait plus lourd qu'avant.

« Je suis fier de toi. » murmura Lucius.

Ce fût le coup de grâce. Il dût baisser la tête pour ne pas que son père aperçoive les larmes qui brillaient dans ses yeux. « Je suis désolé, Père. Je suis tellement… »

« Lord Malfoy ne s'excuse jamais. » le coupa Lucius, fermement mais sans hostilité, avant de laisser échapper un bruit amusé. « Sauf devant Lady Malfoy et puis-je suggérer d'accompagner ces excuses de fleurs ou d'un bijou extrêmement cher. »

« Granger préfèrerait un livre rare. » lâcha-t-il.

« Un livre rare, dans ce cas. » marmonna son père, luttant à nouveau pour ne pas fermer les paupières. « Il y a trop de choses que je n'ai pas eu le temps de te dire ou de t'enseigner… J'aurais voulu… »

« Vous n'allez pas mourir. » répéta-t-il, plus une supplique qu'autre chose. « Tante Andromeda va trouver une solution. » Un coup bref à la porte l'empêcha de réitérer qu'il allait personnellement s'assurer que les meilleurs Médicomages se penchent sur son cas. « Entrez. »

La porte s'ouvrit sur Bill Weasley qui portait encore les vêtements poussiéreux de la veille et ne paraissait pas en grande forme. Automatiquement, Draco se leva et s'inclina légèrement comme il était de bon ton d'accueillir un Chef de famille, fût-il un Weasley. Le frère de Ron l'observa un moment comme si ça n'avait aucun sens pour lui puis se frotta le visage.

« Mrs Tonks m'a demandé de jeter un coup d'œil à ce maléfice. » expliqua le jeune homme, visiblement mal à l'aise.

Lucius sembla se réveiller dans un sursaut. Ses yeux gris parcoururent la pièce puis se posèrent d'abord sur Draco et ensuite sur Bill…

« Weasley… » marmonna-t-il. « Il y avait un Weasley au Ministère… »

Draco se figea d'horreur et se tint prêt à sortir sa baguette, au cas où…

Bill aussi s'était figé, son expression virant d'embarrassée à haineuse, en un quart de seconde…

« Je me suis assuré qu'il entende qu'il y avait des bombes… » continua Lucius, sans sembler se rendre compte de ce qu'il disait. Était-il encore lucide ? Ses yeux gris étaient perdus dans le vide. « Je n'ai dit à personne qu'il était là… Est-il parvenu à sortir ? J'espérais qu'il sorte. »

« Oui. » mentit-il, parce que Bill était toujours figé. « Oui, il est sorti, Père. Vous l'avez sauvé. »

« Oh… » lâcha Lucius. « Bien. »

Draco s'éloigna et entraîna Bill à l'extérieur de la pièce. Le jeune homme se laissa faire, visiblement sonné.

« Je suis désolé. » offrit-il. Lord Malfoy ne s'excuse jamais. Oui, eh bien, il n'était pas encore Lord Malfoy et, s'il avait son mot à dire, il ne le serait pas avant de nombreuses années. « Si vous ne pouvez pas être objectif… » Il faillit proposer une somme astronomique, se rendit compte qu'une telle chose ne fonctionnerait pas sur un Weasley… Il se frotta le visage. « Si vous me donnez les coordonnées de votre meilleur collègue, je… »

« Tu peux me tutoyer. » l'interrompit le frère de son ami, en se reprenant. « Et si ce qu'il dit est vrai… »

« Vous êtes certain que Percy est… » hésita-t-il. « Enfin, je veux dire… »

Un chagrin indescriptible passa sur le visage du Briseur de Sorts. « Si Percy a entendu qu'il y avait des bombes, il ne se serait pas sauvé. Il aurait essayé de les désamorcer. Mais, ça, je suppose que Malfoy ne pouvait pas le savoir. Il a essayé au moins. »

Ces Gryffondors, songea Draco, sans pourtant être suffisamment indélicat pour le dire à voix haute.

« Si cela te pose un problème de travailler pour nous… » reprit-il, s'efforçant de rassembler ses pensées éparses.

« J'ai déjà travaillé pour ton père. » l'interrompit Bill. « Et tu es un ami de Ron. Ça me suffit. »

Le garçon leva vers lui des yeux un peu perdus. « Si simplement ? »

Parce que n'importe quelle autre de leurs relations habituelles aurait exigé une compensation ou aurait négocié des honoraires exorbitants ou…

« Tu devrais t'allonger. » conseilla Bill, non sans gentillesse. « Dormir au moins une heure ou deux. »

Draco refusa immédiatement d'une secousse de tête. « J'ai des choses à faire. »

À savoir : sauver son père.

°O°O°O°O°

Nymphadora toisa le chat qui, assis sur la commode, battait sa queue dans le vide avec un déplaisir évident.

« Je sais que tu ne m'aimes pas beaucoup mais il va falloir t'habituer à moi parce que je compte bien passer de plus en plusde temps ici. » déclara-t-elle, tenant fermement la serviette sur sa poitrine.

La douche lui avait fait beaucoup de bien, même si elle avait manqué glisser plusieurs fois. Outre le plaisir simple de se sentir propre, cela avait contribué à la réveiller davantage alors qu'elle avait eu beaucoup de mal à émerger, malgré le sort d'alarme qu'elle avait demandé à Harry de poser un peu plus tôt parce qu'elle ne s'en sentait pas capable.

Sur ce plan là, après deux heures de sommeil, elle sentait sa magie un peu plus encline à lui répondre. Elle ne serait pas prête à jeter des sorts conséquents avant un moment mais elle devrait pouvoir utiliser des sortilèges simples. Comme un sortilège d'attraction pour sortir des vêtement propres de la commode…

Mais c'était une question de principes, à ce stade.

« Si tu me griffes, pas de croquettes. » prévint-elle le félin, avant de prudemment tendre la main vers le tiroir que Severus lui avait attribué.

Le chat ne l'attaqua pas mais sauta du meuble et s'en alla en crachotant.

Très mauvais caractère, grommela-t-elle en son fort intérieur, en attrapant de quoi s'habiller. Un autre plaisir simple : enfiler des vêtements propres qui ne dataient pas d'avant ou de la fin de sa scolarité à Poudlard. Elle retrouva avec joie un jean suffisamment usé pour être confortable, lacéré aux genoux, qu'elle coupla avec un tee-shirt assez court pour laisser apparaître son ventre et elle termina la tenue en passant une chemise large à carreaux rouges et noirs à manches longues. Si elle l'avait pu, elle aurait coloré ses cheveux en bleu turquoise ou en violet juste pour…

Un peu de normalité, juste un peu de normalité…

En tout cas, laisser davantage de vêtements chez Severus avait été une excellente idée.

Elle avait presque l'impression d'être à nouveau humaine. Si seulement ses jambes pouvaient cesser de lui donner l'impression qu'elles allaient lâcher…

Avec un soupir résolu, elle jeta un dernier coup d'œil à la chambre, avisa sa baguette sur la table de nuit et, à défaut d'avoir son étui, la coinça dans la poche arrière de son jean avec une pensée pour Fol'Œil. Elle ne savait pas où était passé le sien, probablement chez ses parents. Avec un peu de chance, Severus en avait un en plus quelque part…

Elle allait demander à Harry.

Cela l'étonnait que le garçon n'ait pas encore tambouriné à la porte pour s'assurer qu'elle n'allait pas être en retard.

Son regard tomba sur le lit qu'elle n'avait pas pris le temps de faire et, plus particulièrement, sur la baguette d'aubépine et le bout de parchemin plié en deux qu'elle avait soigneusement laissés là où ils étaient. La baguette était autant en sécurité ici qu'ailleurs et lorsque Severus se réveillerait, ce serait tout aussi simple de la lui ramener. Quant au mot… Après un instant d'hésitation, elle l'empocha.

Le reste des appartements était trop silencieux, ça la frappa dès qu'elle quitta la chambre. Pas d'Harry faisant les cents pas pour la presser, bien qu'ils aient théoriquement du temps devant eux parce qu'elle avait prévu une bonne marge lorsqu'elle lui avait demandé de jeter un sort d'alarme.

Était-il parti sans elle ?

S'était-elle mise en colère – un peu injustement, il fallait l'admettre – après Sirius uniquement pour se faire elle aussi rouler dans la farine ?

Ses pas la menèrent jusqu'à la porte de la chambre de l'adolescent. Elle n'était pas tout à fait fermée et elle entendait des reniflements à l'intérieur.

Au moins, Harry était là…

Mais s'il était à nouveau en train de pleurer…

Nymphadora grimaça et, pour la première fois depuis la veille, éprouva une pointe d'irritation envers Severus de l'avoir mise dans cette situation. Certes, ce n'était pas sa faute s'il s'était fait capturer, surtout s'il pensait qu'elle était morte… Mais, maintenant qu'elle avait l'esprit un peu plus clair, elle n'était pas entièrement certaine de pourquoi elle avait semblé penser être responsable d'Harry ou de pourquoi personne, de Sirius à Dumbledore, n'avait insisté pour qu'il reste avec quelqu'un qui était légitimement en droit de veiller sur lui.

Ce Médicomage à la mangue l'avait appelé son fils et elle n'avait même pas corrigé. Elle n'imaginait pas ce qu'en pensait l'adolescent. Il n'avait rien dit mais… La présomption dont elle avait fait preuve alors qu'elle s'était donné tant de mal pour ne pas trop envahir sa relation avec Severus…

Elle rebroussa presque chemin jusqu'au salon pour l'appeler et feindre ne pas avoir entendu sa détresse.

Presque.

Deux mois plus tôt encore, c'était ce qu'elle aurait fait.

Mais elle n'était plus une gamine et, dans cette situation – une situation dans laquelle elle s'était mise toute seule – c'était elle l'adulte et donc à elle de s'assurer qu'Harry allait bien.

Prenant son courage à deux mains et se rappelant qu'une Poufsouffle ne flanchait pas devant les obstacles, elle frappa à la porte. « Harry ? »

Il y eut un moment de silence gêné, davantage de reniflements puis une voix enrouée. « Oui ? »

À l'abri derrière le panneau de bois, elle laissa tomber la tête en arrière et espéra qu'elle n'allait pas trop mal s'en tirer. « Je peux entrer ? »

Le silence s'étira un plus longtemps cette fois puis le garçon soupira. « Si tu veux. »

Elle n'avait encore jamais mis les pieds dans cette pièce même si elle l'avait entrevue une fois ou deux, Harry laissant parfois la porte ouverte. Elle était passablement en désordre mais pas beaucoup plus que son appartement, la décoration tranchait, par contre, avec le reste des lieux. Il n'y avait aucun doute que la pièce était aux goûts d'Harry et pas à ceux de Severus.

Ce n'était toutefois pas la déco qui attira son attention mais le garçon recroquevillé sur son lit. Il s'était lavé et changé à un moment donné mais avait apparemment décidé que se rallonger en position fœtale avec le vieux plaid du canapé maladroitement jeté sur les jambes était plus attrayant que d'attendre qu'elle se lève.

Elle ne pouvait pas vraiment lui jeter la pierre.

Plus alarmantes étaient les larmes qui roulaient sur ses joues.

Avait-il seulement cessé de pleurer depuis l'infirmerie ?

« Harry… » soupira-t-elle, en venant s'assoir sur le bord du lit. « Tu as dormi, au moins ? »

« Un peu. » marmonna le garçon, en s'essuyant les yeux d'un revers de manche. Il évitait son regard et il était évident qu'il était aussi embarrassé qu'elle.

Et pourquoi, après tout ? Parce qu'il pleurait et que c'était un garçon ? Parce qu'il jouait à l'adulte mais qu'il n'était encore qu'un gosse ?

« Je sais que tu ne vas pas me croire, mais ça va aller, mon chat. » promit-elle, avant de grimacer intérieurement. Ce surnom idiot, encore. Plus tôt, à l'infirmerie, il lui était venu naturellement parce qu'Harry avait été tellement bouleversé qu'il avait eu l'air plus jeune et, qu'après cette nuit, elle s'était sentie plus vieille. Et voilà qu'elle recommençait. « Désolée. Je ne sais pas pourquoi je n'arrête pas de t'appeler comme ça. Je te jure que je n'ai pas l'habitude de donner des petits noms aux gens. »

Elle avait tenté de prendre un ton plus léger, celui de la plaisanterie, mais Harry ne rit pas ou ne s'empressa pas de faire comme si rien ne s'était passé. Il se frotta à nouveau le visage pour essuyer ses larmes, toujours incapable de la regarder en face.

« Ça m'est égal. » finit-il par dire, rougissant encore un peu plus. « Personne ne m'a jamais donné de nom spécial. Tu peux continuer, si tu veux. »

Ça la démangeait de lui demander ce qu'il en était des Dursley mais elle se rappelait trop bien de la réaction de Severus lorsqu'ils en avaient parlé pour la dernière fois. Elle doutait que sa tante soit du genre à montrer son affection par des petits noms. Ou tout court, d'ailleurs.

« Ça t'est égal que je t'appelle mon chat devant tes amis ? » le taquina-t-elle, juste pour provoquer une autre réaction que ces larmes qu'il ne semblait pas contrôler.

Le garçon croisa finalement son regard, une lueur amusé passant brièvement dans ses yeux. « Peut-être pas en public. »

« Marché conclu. » plaisanta-t-elle, avec un clin d'œil.

L'ambiance étant légèrement plus détendue, elle s'efforça de lui adresser un sourire confiant. « Severus va s'en sortir, tu sais. Il est solide. »

« Ils ne savent pas ce qu'il a. » contra-t-il immédiatement.

« Mais ils vont trouver. » déclara-t-elle, avec beaucoup plus d'aplomb qu'elle n'en ressentait. « Je te parie que d'ici trois jours, il se sera évadé de l'infirmerie. »

C'était très optimiste mais un peu d'optimisme n'avait jamais fait de mal à personne.

Avec un soupir, le garçon s'assit, s'adossant à la tête de lit pour mieux ramener ses jambes contre son torse et presser son visage contre ses genoux. Il tremblait encore.

« Peut-être qu'on demandera à Pomfresh de s'assurer que le Doloris n'a pas laissé de séquelles quand on sera à l'infirmerie. » suggéra-t-elle, avec hésitation. « Ne le prends pas mal mais tu n'as pas l'air dans ton état normal. »

Il fallut plusieurs secondes avant qu'il se force à lever la tête, à la regarder en face…

« Ce n'est pas le Doloris, c'est l'Occlumencie. » admit-il. « J'en ai abusé cette nuit et depuis que mes boucliers ont explosé… »

« Ah, je comprends mieux. » Et elle était rassurée. Parce qu'elle ne lui aurait pas tenu rigueur d'être perturbé ou bouleversé par les évènements des dernières vingt-quatre heures mais ça ne lui ressemblait pas d'être aussi émotif.

« Je n'arrive pas à les relever. » souffla-t-il, avec agacement. « Et je n'arrive pas à arrêter de pleurer comme un bébé. »

Elle avait l'impression de marcher sur de la glace. Personne ne lui avait donné le mode d'emploi d'un adolescent.

« Déjà, il n'y a pas de honte à pleurer. » décréta-t-elle, levant la main en anticipant ses protestations. « Et ensuite, la dernière fois que ça m'est arrivé, à moi, j'ai fait une crise d'hystérie complètement ridicule alors tant que tu ne te mets pas à hurler comme une harpie sans raison, tu vois, ça pourrait être pire. »

« Ça t'est arrivé ? » releva-t-il, en l'observant avec intérêt.

Elle n'allait certainement pas rentrer dans les détails.

« Du repos et un bon petit-déjeuner. » annonça-t-elle, avant de consulter la montre que le garçon portait au poignet. « Pas dans cet ordre parce que sinon on sera en retard. Mais dès qu'on aura fait le point avec Dumbledore, tu te rallongeras et tu essayeras de dormir un peu plus. »

Elle fit de son mieux pour ne pas ouvertement montrer un quelconque signe de faiblesse en se levant, feignant d'être entièrement à l'aise sur ses jambes. Elle avisa une lettre encore cachetée sur le bureau, jetée sur un tissu fluide qui reflétait bizarrement la lumière…

Harry suivit son regard et fit disparaître rapidement la lettre dans le premier tiroir du bureau, l'air coupable.

Le parchemin qu'elle avait subtilisé dans la chambre lui brûlait la poche.

« Est-ce que tu sais si Severus a un étui à baguette de rechange ? » s'enquit-elle, feignant de ne rien trouver d'anormal à son comportement. « J'ai perdu le mien. »

« Sûrement mais je ne sais pas où. » répondit le Gryffondor. « Mais tu peux prendre le mien. J'en ai un deuxième dans les dortoirs. J'irai le chercher plus tard. »

Elle accepta la proposition sans hésiter, attachant le fourreau de cuir à son avant-bras. Il était plus petit que le sien, moins confortable, mais sa baguette y tenait et c'était le principal. Elle ne pensait pas avoir besoin de s'en servir tout de suite – elle n'était pas capable de s'en servir tout de suite –mais en cas de besoin elle préférait avoir sa baguette à portée plutôt que dans la poche de son jean.

Ils venaient à peine de mettre un pied dans la cuisine – et Nymphadora avait déjà décidé qu'ils se contenteraient de toasts, de thé pour Harry et de café pour elle parce qu'elle ne voulait pas cuisiner – lorsqu'un craquement sonore annonça l'arrivée d'un elfe de maison.

Elle regarda avec ahurissement l'elfe aux oreilles et aux pieds couverts de paires de chaussettes qui se trémoussait visiblement mal à l'aise.

« Il y a un problème à l'infirmerie ? » demanda-t-elle immédiatement, son esprit sautant à la pire conclusion possible parce que Severus interdisait l'accès à ses appartements aux elfes de maison. Même le linge disparaissait et réapparaissait à des endroits spécifiques sans qu'ils ne mettent un pied à l'intérieur.

« Non, Miss. » répondit l'elfe, en se torturant les mains. « Dobby est désolé de désobéir aux ordre du Professeur Snape, Miss. Dobby se punira. »

Et, comme pour prouver sa bonne foi, il se précipita vers la table pour mieux se donner un coup sur la tête.

« Non ! » s'écria Harry. Il attrapa rapidement l'elfe et l'écarta. « Arrête, Dobby ! Je t'interdis de te punir ! »

L'elfe ne devait pas y tenir tant que ça parce qu'il n'essaya pas de se frapper à nouveau.

« J'ai l'impression que j'ai raté un épisode… » hésita-t-elle.

« Dobby est mon ami. » expliqua le garçon.

L'elfe ouvrit de grands yeux émerveillés et regarda l'adolescent avec de l'adoration pure avant de brusquement se rembrunir.

« Dobby est l'ami d'Harry Potter. » confirma sobrement l'elfe. « Mais Dobby n'aime pas ce qui s'est passé tout à l'heure. Harry Potter a dit à Dobby de l'abandonner et Dobby l'a fait et… »

« Tu es revenu avec Sirius. » lui rappela l'adolescent.

« Parce que Monsieur Weasley a dit à Dobby que c'était la chose à faire ! » contra l'elfe de maison. « Et Dobby a désobéi à son ami en emmenant le Professeur Black et… » Les grands yeux de l'elfe se remplirent de larmes. « Dobby a l'impression que, peut-être, Harry Potter savait qu'il mettait Dobby dans une situation délicate… Harry Potter a dit à Dobby qu'il avait un plan pour échapper à Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom mais Harry Potter a… menti. »

« Tu veux dire que tu penses que je t'ai manipulé. » soupira Harry, la mâchoire contractée. « Et… C'est vrai. Je suis désolé de ne pas avoir été franc, mais je savais que tu ne m'aiderais pas si je te disais tout. »

« Harry Potter est désolé mais pas désolé, en somme. » L'elfe avait l'air atrocement déçu.

Si possible l'humeur d'Harry sembla devenir encore plus désespérée et Nymphadora décida que c'était là qu'elle devait intervenir. Elle se racla la gorge. « Dobby, la nuit a été longue et… »

« Bien sûr, Miss. » l'interrompit l'elfe. « Dobby s'en va. »

« Dobby… » hésita Harry. « Je suis vraiment désolé de t'avoir blessé. C'est juste que je ne peux pas être désolé d'avoir sauvé Severus. »

L'elfe de maison inclina la tête puis disparut.

Dans la seconde qui suivit, deux assiettes généreusement garnies apparurent sur la table avec une théière et une cafetière fumantes. Nymphadora se jeta sur le café avant même de s'asseoir.

L'adolescent, en revanche, ne s'empressa ni de manger, ni de boire. Pourtant, vu tout ce qu'il avait pleuré, il devait être déshydraté. Il continuait de devoir essuyer des larmes…

Elle lui servit d'autorité une tasse de thé et la poussa vers lui, soudain mal à l'aise parce que…

Avec un soupir, elle tira le parchemin désormais froissé de sa poche et le lui tendit. « Tu veux sans doute récupérer ça. Et le brûler, de préférence. »

Severus n'avait ni besoin de le voir, ni besoin de le lire.

Il ne fit pas semblant de ne pas savoir ce que c'était, il le posa à côté de son assiette sans le déplier. « Tu l'as lu ? »

Elle n'avait pas de raison de mentir alors elle haussa les épaules. « Oui. »

Ça n'avait pas pris longtemps, il n'y avait que deux lignes sur ce parchemin.

On savait tous les deux que ça finirait comme ça. Ce n'est pas ta faute.

Merci d'avoir été mon adulte.

Après ce que lui avait confessé Severus : que d'échouer à sauver Harry était sa plus grande terreur, elle ne pensait pas qu'il soit bon pour lui de lire ça, surtout après ce qu'il avait dû endurer. Il n'y avait aucun moyen de lui cacher ce que le garçon avait fait – et elle ne s'y serait pas amusé, ils n'avaient pas de secrets l'un pour l'autre, certainement pas d'aussi énormes – mais entre le moment où elle avait lu le parchemin pour la première fois et le moment où Dobby avait disparu, elle avait décidé qu'il n'y avait pas non plus besoin d'insister sur le fait qu'Harry pensait ne pas avoir besoin d'un billet retour vers Poudlard.

Elle l'observa prendre sa fourchette et la planter plusieurs fois dans ses œufs brouillés sans jamais la porter à sa bouche.

Le garçon ne semblait pas savoir par où commencer. « Est-ce qu'il t'a dit pour… Euh… Qu'est-ce que tu sais ? »

« Pas autant que je le voudrais. » admit-elle. « Ce que je sais, en revanche, c'est que te perdre, ça le tuerait. »

Harry ne releva pas les yeux. « Peut-être si Charlie avait réussi à te tuer… Mais quand je mourrais, tu seras là et il tient trop à toi pour retomber dans ses vieux travers. »

Quand pas si.

Elle n'avait pas toutes les informations, elle le savait bien, mais…

« Tu ne vas pas mourir. » contra-t-elle fermement.

Il y avait plus que la prophétie dans cette histoire, ça aussi, elle le devinait. Pourtant…

Il leva la tête juste assez longtemps pour croiser son regard et ce qu'elle y lut l'effraya un peu. Il avait l'air désolé. De lui faire de la peine.

« Raconte-moi ce qui s'est passé hier. » exigea-t-elle. « Je n'ai eu droit qu'à la version abrégée. »

Lui demander de faire un compte-rendu de la bataille n'était peut-être pas le plus intelligent et elle s'en aperçut à la seconde où il débuta son récit parce que…

« Ce qui s'est passé dans les cachots n'est pas ta faute. » l'interrompit-elle fermement. « Les Mangemorts auraient attaqué que tu sois resté en bas ou pas. »

« Oui mais l'A.D. aurait été là. » contra-t-il. « Malfoy n'aurait pas été seul. »

Ça, elle ne pouvait pas le contester. Et quand elle pensait à ce qui aurait pu arriver à Draco… Elle l'avait négligé cette nuit et il avait sans doute besoin de soutien lui aussi. Oui, il avait Sirius, Andromeda et Narcissa mais… Elle mit Draco de côté pour l'instant.

« Les si, ça n'apportent rien. » déclara-t-elle. « Dans une bataille, on doit souvent prendre des décisions sur le moment, bonnes ou mauvaises. Pourquoi est-ce que tu as décidé de rebrousser chemin ? »

Il soupira avant de lui parler de la dernière prophétie de Trelawney, entre deux bouchées. Si elle peinait à avaler quoi que ce soit et devait se forcer, Harry, lui, semblait avoir retrouvé son appétit à défaut de son entrain.

« Ce qui me fait peur c'est que la prophétie n'est pas complète. » avoua Harry. « Si elle parlait d'Anthony, Severus et Lucius Malfoy… Anthony a peut-être accompli sa vengeance mais Lucius m'a sauvé alors si la rédemption est pour lui ça veut dire que Severus… Mais d'un autre côté, Severus n'a plus de Marque, alors ça pourrait vouloir dire que la rédemption le concerne. Mais dans ce cas là, c'est ma faute si Lucius… »

« C'est n'importe quoi. » l'interrompit-elle.

Le garçon leva les yeux au ciel et repoussa son assiette vide pour se servir une seconde tasse de thé. « C'est ce qu'a dit Hermione mais Trelawney fait de vraies prophéties de temps en temps et… »

« Peut-être. » le coupa-t-elle à nouveau. « Mais ce genre de prophéties, ça peut tout dire et rien dire. Tes hommes de l'ombre, par exemple… Oui, ça peut être des espions. Oui, ça semble correspondre à Anthony, Severus ou Lucius… Mais ça peut aussi être n'importe qui d'autre. Vengeance, rédemption, mort… C'est super vague. Ça ne veut rien dire. »

Harry fronça les sourcils.

« Mais ça colle. » insista-t-il.

Elle se força à finir son toast avant de hausser les épaules. « Si tu cherches un peu, tu pourrais faire coller cette prophétie à n'importe qui. Regarde, prends Grindelwald… Il est mort. Il a vécu dans l'ombre de Dumbledore depuis cinquante ans, d'une certaine manière, vu que c'est lui a connu la gloire pour l'avoir arrêté. Quant à la vengeance… Crois-moi, vu la pagaille que ça devait être, hier, plus d'une personne a vengé un ami ou un membre de sa famille. Pareil pour la rédemption. Charlie ne m'a pas achevée, par exemple. Même Grindelwald, d'un certain côté, s'est racheté avant de mourir. Tu comprends ce que j'essaye de dire ? »

Le Gryffondor la regardait avec hésitation.

Elle termina sa tasse de café d'une longue gorgée, un œil sur la pendule accrochée au mur.

Elle devait se débrouiller pour parler seule à seul avec Dumbledore à un moment. Elle ne savait pas trop pourquoi mais ce besoin la tiraillait. Elle devait lui dire quelque chose. Elle devait… Mais quoi ?

« À trop vouloir voir le résultat d'une prophétie ou en voulant la contrer, on la crée. » clarifia-t-elle. « Du moins, c'était ce que Fol'Œil disait, que c'était un ramassis de conneries. Et je suis d'accord avec lui. »

Harry émit un bruit qui aurait pu être amusé s'il n'avait pas été aussi amer. « Severus aussi pense ça. Mais la prophétie qui me lie à Voldemort… Je la comprends parfaitement. Elle est limpide. »

« Est-ce qu'elle est vraiment limpide, mon chat, ou est-ce que c'est toi qui l'interprète pour mieux la faire coller à ton idée ? » le défia-t-elle gentiment.

Il s'enferma dans un silence songeur.

Peut-être qu'elle n'avait pas dit ce qu'il fallait, au final…

Parce qu'il n'avait toujours pas prononcé un mot lorsqu'ils arrivèrent à l'infirmerie.

°O°O°O°O°

Granger s'était déjà mise au travail lorsque Draco débarqua dans la bibliothèque. Visiblement, elle avait également convaincu Madame Pince de l'aider parce que la bibliothécaire allait et venait, transportant régulièrement d'épais grimoires – dont certains de la Réserve – jusqu'à la table que la jeune fille s'était attribuée dans l'entrée. Il la salua d'un geste de la tête qu'elle lui rendit.

« Bill Weasley ne connait pas le maléfice. » annonça-t-il, sans s'embarrasser de baisser la voix.

L'endroit était vide et si la bibliothécaire lui jeta un regard légèrement désapprobateur, ça semblait être davantage un réflexe qu'autre chose.

Granger leva les yeux de l'épais grimoire poussiéreux qu'elle était en train de consulter. « Le Médicomage qui faisait les recherches est parti à Sainte Mangouste. Apparemment ils ont des archives, là bas. Je n'ai rien trouvé dans Tous Les Maléfices Retords, Une Histoire De La Magie Noire À Travers Les Siècles ou Un Traité Sur Les Malédictions mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a rien ailleurs. »

Madame Pince revint sur ces entrefaites, les bras chargés de trois gros grimoires tout droit sortis de la Réserve.

« Essayez celui d'Elbert Mirador. » conseilla-t-elle. « Je vais chercher de mon côté . »

Il y avait déjà une belle pile sur la table et, si Draco la remercia d'un sourire fatigué, il tira à lui le livre qu'elle avait indiqué.

« La bibliothèque n'a pas trop souffert ? » demanda-t-il, plus pour être poli qu'autre chose. Après tout, rien n'obligeait Madame Pince à l'aider.

« C'est une des zones les plus sûres du château, à présent. » répondit la sorcière, d'un ton fier. « Nous l'avons renforcée après la tempête magique. Rien n'atteindra ces livres sans devoir me passer sur le corps. »

Elle était sérieuse, c'était bien le plus effrayant.

Il prit place à côté de Granger et ouvrit le livre, scannant le sommaire à la recherche d'un chapitre prometteur.

« Bill n'avait pas une seule piste ? » s'enquit la lionne, avec un brin d'hésitation.

Il secoua la tête. « Il a dit que c'était sans doute un vieux maléfice et qu'il en comprenait le mécanisme mais qu'il ne savait pas comment l'arrêter. Il va venir nous aider, il devait parler avec Andromeda. Apparemment, ils pensent que le coma de Snape est lié à l'absence de la Marque des Ténèbres. »

Du moins, c'était ce qu'il avait entendu sa tante confier à Sirius lorsqu'il avait écouté aux portes – sous le nez de sa mère, qui plus était, mais Narcissa ne lui en avait pas fait le reproche. Lucius s'était rendormi et, s'il avait hésité à quitter sa mère, il voulait se sentir utile. Il lui avait fait promettre de le prévenir au moindre changement.

« Je croyais que retirer la Marque était… » hésita la jeune fille.

« Impossible, oui. » confirma-t-il. « Du moins sans le tuer. Ce qui explique sans doute pourquoi ils pensent qu'il n'a peut-être plus toutes ses facultés mentales. »

Ça aussi il l'avait entendu par le trou de la serrure.

L'expression de sa petite-amie s'affaissa. « Tu as vu Harry ? Tu crois que ça va ? »

Il ne savait pas trop quoi penser de Potter et de son rôle dans toute cette histoire. C'était pour le sauver que Lucius… Si Potter n'était pas allé se jeter dans la gueule du loup, en premier lieu… Pourtant, c'était lui qui lui avait donné la clef pour le faire et il n'avait pas vraiment chercher à l'arrêter… Il était tout aussi responsable que le Survivant.

« Je ne sais pas. » admit-il, son esprit dérivant vers quelque chose de plus positif. « C'est un garçon. Le bébé. Je vais avoir un frère. »

Il ne put s'empêcher de le déclarer avec fierté, en se tenant un peu plus droit. Le sourire ravi naquit naturellement sur ses lèvres parce que c'était bel et bien un miracle et que…

L'idée que Lucius ne soit pas là pour l'élever, le voir grandir, fit éclater son bonheur comme une bulle de savon.

Granger lui sourit gentiment, avec un léger amusement. « Tu es vraiment content que ta mère soit enceinte, hein ? »

« Bien sûr. » répondit-il, dans un haussement d'épaules. C'était la seule bonne nouvelle qu'il ait eu depuis bien, bien longtemps. « Pourquoi est-ce que je ne serais pas content ? »

« C'est juste que ce sera une sacrée différence d'âge. » remarqua-t-elle. « Et que tu es habitué à être enfant unique alors… »

« Je pourrais avoir dix ans de plus je serais tout de même heureux. » l'interrompit-il. « C'est un miracle, tu comprends ? Ils n'en ont jamais parlé mais ils ont essayé pendant des années… Je sais qu'il y a eu… plusieurs échecs. »

« Oh… » murmura-t-elle avec compassion.

« J'ai toujours voulu un frère ou une sœur. » insista-t-il. « Un frère, c'est encore mieux. Quand je vois Ron avec Ginny, je préfère encore ne pas penser à l'idée d'une sœur. Il me faudrait terrifier beaucoup trop de garçons… »

Ça arracha un rire amusé à la jeune fille.

Puis, tacitement, ils se concentrèrent à nouveau sur leur tâche.

Au bout de longues minutes, Draco dût se rendre à l'évidence : il ne trouvait rien. Un maléfice semblait prometteur mais la liste des symptômes ne correspondait pas tout à fait et…

Bill Weasley pénétra dans l'infirmerie, suivi de près par Ron et Ginny.

« Que faites-vous là ? » demanda-t-il, plus que surpris de les voir.

« On vient aider à faire des recherches. » répondit le cinquième année, avec un haussement d'épaules nonchalant. « Cette question. »

Leur frère ainé s'était éloigné, sans doute pour aller parler à Pince.

Draco regarda ses amis approcher, sans comprendre. « Mais Charlie ? »

« Les jumeaux et Maman sont avec lui. » expliqua Ginny. « Et Bill nous a dit que vous alliez sans doute avoir besoin d'aide alors nous voilà. »

La jeune fille paraissait l'ombre d'elle-même. Elle était d'ordinaire un vrai bout en train, la voir sans aucune énergie, le regard éteint…

« Vous n'êtes pas obligés. » s'entendit-il insister, bien que toutes les bonnes volontés seraient bienvenues. « Je suis sincèrement désolé pour… »

« Percy adorait la recherche. C'est probablement le plus bel hommage qu'on puisse lui rendre. » l'interrompit-elle avec un sourire forcé qui n'atteignit pas ses yeux.

Il se sentait mal et coupable, toutefois. Son père avait visiblement pris part à ce qu'il s'était passé au Ministère et…

La quatrième année dût le lire dans ses yeux parce qu'elle soupira. « Draco, est-ce que j'ai envie d'aider un Mangemort ? Un Mangemort qui a aidé Tu-sais-qui à me posséder en première année, qui plus est ? Non. Mais c'est ton père et je ne veux pas qu'il lui arrive quoi que ce soit parce que tu es notre ami et que je n'ai aucune envie de voir un ami souffrir. Alors c'est peut-être le dernier des salauds mais on va le sauver pour toi, d'accord ? »

Il n'avait pas les mots.

Il n'avait pas les mots et il était trop fatigué et Blaise et Daphné… Réagissant à l'instinct, il l'attira contre lui. Elle lui rendit brièvement son étreinte avant de s'éloigner, lui tapotant le torse tout en levant théâtralement les yeux au ciel. « Ta copine est juste là, Malfoy. Contrôle-toi. » Elle se laissa tomber à côté de Granger qui n'avait encore rien dit et tira un livre vers elle. « Alors, on cherche quoi ? »

Ron ne dit rien non plus mais, lorsqu'il passa à côté de lui pour aller s'assoir, il lui claqua amicalement l'épaule.

Sa mauvaise épaule.

Draco ne put retenir un sifflement de douleur.

« Merde ! » s'inquiéta le Gryffondor. « Ça va ? »

Dire que ça allait aurait été un gros mensonge parce que rien n'allait. Rien du tout.

Et pourtant…

Pourtant il était étrangement ému que les Weasley se soient déplacés pour aider son père alors qu'ils le détestaient, que…

« Ça va maintenant que vous êtes là. »

De sa part, c'était dégoulinant d'affection.

Granger posa discrètement une main sur sa cuisse, sous la table, à l'abri des regards.

Ron le dévisagea comme s'il envisageait de le trainer à l'infirmerie.

Ginny leva les sourcils, un sourire amusé un peu plus sincère aux lèvres.

« Eh bien, on est sûrs qu'il a pris un coup sur la tête, maintenant ! »

Il répondit par une pique sarcastique machinale et laissa Granger expliquer ce qu'ils cherchaient mais il ne pouvait pas s'empêcher d'éprouver ce sentiment de gratitude un peu incrédule face à ce geste d'amitié.

Une gratitude qui ne fit qu'enfler lorsque, au bout d'une vingtaine de minutes, d'autres personnes débarquèrent à l'infirmerie.

Londubat, Luna, Bones et Abbot, les jumelles Patil…

Il était incapable de parler.

Incapable d'avaler la boule qui lui obstruait la gorge.

Parce que ses amis n'étaient pas là pour Lucius Malfoy, non…

Ils étaient là pour lui.

Et ça…

Ça, c'était un sentiment plus fort que tout ce qu'il aurait pu exprimer.

°O°O°O°O°

Harry avait à peine mis un orteil dans la chambre de Severus que Pomfresh claquait la langue avec désapprobation, l'entraînait à l'écart et le soumettait à tout un tas de sorts de diagnostic. Il jeta un regard suppliant à Dora mais cette dernière feignit de ne rien voir pour aller parler à son père qui ne tarda pas à s'éclipser, probablement fatigué d'avoir veillé toute la nuit.

L'infirmière lui posa tout un tas de questions sur sa consommation de potions, ces dernières heures, le sermonna longtemps sur le mélange potion calmante et philtre de force – autant que sur le mélange alcool et potion de Sommeil-sans-rêves – mais, au bout du compte, elle lui donna une nouvelle dose de potion calmante, le força à avaler un carré de chocolat et lui enjoignit de se reposer dès qu'il le pourrait.

Il détestait être l'objet de l'attention de Madame Pomfresh, pourtant, personne ne pouvait nier qu'elle était la meilleure Médicomage au monde, parce que, le temps que Dumbledore entre dans la pièce, suivi d'Andromeda, Harry avait finalement cessé de devoir essuyer des larmes traîtres. Ses boucliers mentaux se dérobaient toujours à lui, l'Occlumencie lui faisait l'effet d'un muscle qu'il aurait froissé à trop l'utiliser, mais ses émotions, si elles menaçaient toujours de le submerger, n'étaient plus si écrasantes qu'il ne pouvait pas les gérer.

« Miss Tonks, je suis ravie de vous trouver à nouveau sur pieds. » salua Dumbledore avec un sourire fatigué. Avait-il seulement dormi ? « Harry. Poppy. »

Ils échangèrent tous des bonjours – un peu impatients de sa part et de celle de Dora – puis Andromeda se racla la gorge.

« Allons droit au but… » déclara la sorcière avec une certaine réticence.

« Vous avez trouvé ce qu'il a ? » demanda Tonks, n'y tenant visiblement plus.

Elle s'était rapprochée du lit jusqu'à pouvoir attraper la main de Severus. Harry vint se tenir près d'elle, de manière à pouvoir toucher l'épaule de son père, juste pour qu'il sache qu'il était là lui aussi. Dumbledore se planta au pied du lit et se tourna vers les Médicomages avec une expression polie mais légèrement inquiète.

Andromeda et Pomfresh échangèrent un regard.

« Pas à proprement parler. » soupira finalement l'infirmière, avec un coup d'œil attristé pour le sorcier inconscient sur son lit d'hôpital. « En pratique, aucun de nos examens ne soulève de problèmes. La dégénération des nerfs de ses mains ne s'est pas aggravée, les blessures qu'il a reçues hier ne sont pas si sérieuses, et, médicalement, ce coma a peu de sens. »

« Il n'y aucun problème neurologique. » intervint Andromeda. « Aucun signe de Doloris ou d'un maléfice similaire qui aurait pu affecter son cerveau. »

Harry se retint à grand peine de leur faire remarquer qu'on aurait dit qu'elle n'en savait pas plus que quelques heures plus tôt. Principalement parce que Dora s'était tendue et n'avait pas l'air plus heureuse que lui.

« La Marque. » lâcha-t-elle. « Ça a forcément un rapport avec… »

« Oui. » confirma Andromeda, en lui coupant la parole. « C'est notre théorie. »

« La magie noire ne se serait pas laissée retirer facilement. » commenta Dumbledore. « La Marque, au demeurant, est un pacte magique. Le briser aurait dû être impossible. »

« Peut-être pas, de l'avis de Bill Weasley. » contra Pomfresh, en hésitant légèrement. « Du moins, cela l'aurait été pour Severus ou tout autre Mangemort, mais il n'exclut pas que Vous-savez-qui aurait pu le faire. La Marque, à l'origine, est un dérivé d'un sortilège d'esclavage et le rapport entre les deux partis n'est pas égal. Vous-savez-qui reste le maître dans ce cas de figure. »

« Il l'a fait, très visiblement. » intervint Harry, n'y tenant plus, en désignant le bras du Professeur d'un geste. « La Marque n'est plus là. »

« Non. » acquiesça l'infirmière. « Et, qui plus est, il n'y a plus aucune trace d'elle. Pas même une cicatrice. Pas le plus petit résidu de magie. »

« Il n'aurait pas dû y survivre. » murmura Dumbledore, avant de sursauter légèrement comme s'il n'avait prévu d'en dire autant à voix haute. Il leur jeta, à Tonks et lui, un regard d'excuse. « J'ai fait quelques recherches de mon côté, il y a quelques années. Et je m'y suis replongé lorsqu'il s'est avéré évident que la Marque posait problème, il y a quelques mois. Le fait est que je ne vois pas comment Severus aurait pu survivre à sa disparition. Bill n'a pas tort, Voldemort aurait sans doute pu la lui arracher à coup de magie brute, mais que Severus soit parvenu à y survivre… »

« D'où notre théorie. » intervint Andromeda. « Dans les faits… Son état est assez similaire à celui des victimes d'un Détraqueur. »

« Maman, si tu es en train de dire qu'il a perdu son âme lorsque Tu-sais-qui lui a retiré la Marque… » grinça Tonks, le visage fermé.

« Les domaines de recherche magique liée aux âmes est pauvre. » soupira à nouveau Pomfresh. « Et le fait est que… »

« Il n'a pas perdu son âme. » cracha Harry.

Dumbledore secoua la tête. « C'est une conclusion extrême. J'avoue ne l'avoir examiné que brièvement, cette nuit, mais son activité cérébrale, à défaut d'être tout à fait normale, n'était pas inquiétante. Une victime de Détraqueur… »

« Son état est similaire, ce n'est pas forcément tout à fait la même chose. » le coupa l'infirmière.

« Similaire en quoi ? » s'énerva Dora. « Juste parce qu'il est inconscient… »

« Il est plus qu'inconscient, Nymphadora. » intervint Andromeda, prudemment. « Son esprit est toujours là, Poppy et moi sommes d'accord sur ce point là, mais il semble être ténu, à peine présent. Comme… un résidu. »

« Un résidu ? » répéta la jeune femme avec colère.

Harry, lui, était trop figé d'horreur face à ce qu'elles étaient en train de dire pour se mettre en colère.

« Le retrait de la Marque a très bien pu déchirer son esprit de la même manière qu'un Détraqueur arrache l'âme de ses victimes. » admit Pomfresh, cillant rapidement parce que ses yeux se remplissaient de larmes. « Je ne m'explique pas qu'il soit toujours en vie, dans tous les cas. Admettons que la magie l'ait simplement fait souffrir lentement au lieu de le tuer sur le coup, la douleur qu'il a dû éprouver… Son corps n'aurait pas dû résister. »

« Son cœur aurait dû lâcher. » clarifia Andromeda, en grimaçant. « Je sais qu'il a une tolérance extrêmement accrue à la douleur mais il y a une limite à ce qu'un esprit humain peut supporter… Le stress d'une telle souffrance sur le corps, particulièrement chez quelqu'un comme lui qui a des antécédents médicaux importants… »

Il y a une limite à ce qu'un esprit humain peut supporter…

Harry attrapa brusquement l'avant-bras de Tonks. Elle tourna son regard horrifié vers lui, fit un effort visible pour se contrôler…

« L'Occlumencie. » lui dit-il, avec une pointe d'excitation – de soulagement.

Severus n'était pas n'importe qui.

Severus était un Maître Occlumens.

Et Severus avait des années d'expérience lorsqu'il était question d'occluder la douleur.

« L'Occlumencie aurait pu l'aider à contrôler la souffrance mais elle n'explique pas son coma. » remarqua Dumbledore.

Harry ne lui prêta pas attention, rivé au regard de Dora, la suppliant de comprendre. « Et si l'Occlumencie basique n'avait pas été suffisante ? Et s'il avait dû aller… plus loin ? »

Il ne savait pas exactement à quel point Severus l'avait entraînée dans l'art de l'Occlumencie mais…

Une lueur d'espoir s'alluma dans ses yeux gris. « Le coffre. »

Il hocha la tête, un sourire se dessinant sur ses lèvres. « Le coffre. »

Dumbledore se racla la gorge. « Il semble que vous ayez une théorie mais j'ai bien peur que… »

« Il est dans son coffre ! » s'exclama le garçon, en se tournant finalement vers le vieux sorcier. « Ça explique pourquoi son esprit est là mais… mais ténu ! Ou pourquoi il ne se réveille pas ! »

« Son coffre ? » répéta le Directeur, en fronçant les sourcils, alors que les Médicomages échangeaient un regard perplexe.

« Le dernier recours d'un Occlumens ! » répondirent Harry et Dora en cœur.

« Mes enfants, vous m'avez perdu. » avoua Dumbledore. « Je n'ai aucune idée de ce dont vous êtes en train de parler. »

« Une seconde. » intervint Andromeda, en regarda sa fille avec incrédulité. « Depuis quand connais-tu quoi que ce soit en Occlumencie ? »

Elle haussa les épaules, balayant la question d'une main impatiente. « Severus m'a enseigné les bases. » Au bout d'une seconde, elle se corrigea. « Plus que les bases. »

La Médicomage l'observait avec surprise et, peut-être, un respect nouveau. « C'est de la magie très avancée. »

« Oui, eh bien… » grimaça Dora, un peu gênée. « Je suis encore loin de la maîtriser entièrement. »

« Et tu n'as pas pensé à m'en parler ? » demanda sa mère. « Et tant qu'on en est à parler des choses que tu n'as pas jugées bon de me dire… Ton père m'a dit que tu avais affirmé être mariée avec lui. Est-ce que… »

Tout le monde se tourna vers la jeune femme avec curiosité, Harry compris.

Elle les dévisagea tous les uns après les autres, les joues rougies. « Sérieusement ? »

« Il faut admettre que Severus a le goût de la discrétion. » commenta Dumbledore. « Un mariage secret ne m'étonnerait pas tant que cela venant de lui… »

« Sans moi ? » grommela Harry, un peu vexé.

« Bien sûr que non, pas sans toi. » rétorqua Dora, avant de croiser les bras, un peu sur la défensive. « Et, non, nous ne nous sommes pas mariés en secret. J'ai juste dit ça parce que… » Elle souffla avec agacement. « Ce Médicomage était stupide et je savais qu'il ferait moins d'histoires s'il pensait... Est-ce que c'est vraiment important ? »

La toux que le Directeur étouffa dans son poing avec tact ressemblait à s'y méprendre à un petit rire. Tout amusement disparut bien vite, cependant, et il se tourna à nouveau vers eux, sourcils levés. « Vous parliez d'un coffre. Puisque Severus vous a formés tous les deux à l'Occlumencie et que je n'ai jamais entendu parler d'une telle technique, je suppose qu'il en est l'inventeur ? »

Dora haussa à nouveau les épaules. « Je ne suis pas encore… Mon coffre n'est pas fonctionnel. »

« Le mien, oui. » déclara Harry, s'attirant tous les regards. « C'est comme… C'est comme une poche au milieu de tous mes souvenirs. C'est… » Il hésita, peinant à décrire ce que Severus avait conçu comme un ultime recours. « Mettons que mon esprit soit en passe d'être détruit par un Legilimens plus puissant, si je me réfugie dans mon coffre, je serais à l'abri… Le problème c'est que… Une fois qu'on est à l'intérieur, qu'on s'y enferme, le coffre se scelle et on n'existe plus qu'à un certain niveau de conscience… On est coupé du monde extérieur. »

« Ah… » marmonna Dumbledore. « Je reconnais là l'ingénuité de Severus. Je présume qu'il est possible d'enfermer bon nombre d'informations sensibles dans ce coffre, empêchant ainsi l'ennemi de mettre la main dessus ? »

« Oui, voilà. » acquiesça-t-il. « Et ça coupe de tous les stimuli extérieurs, de la douleur, de la panique… »

« Mais le danger est passé. » contra Pomfresh. « Pourquoi y serait-il encore ? »

« Parce qu'il ne le sait pas. » murmura Dora.

« Il devait penser qu'il allait mourir dans tous les cas. » renchérit-t-il, d'accord avec elle. « Il devait penser… Il n'a pas de raison de sortir vérifier que le danger est passé. Pas s'il croit… »

« Mais il s'est passé des heures. » insista Andromeda. « Même s'il n'avait pas pensé pouvoir s'en sortir, il… »

« Le temps passe différemment sur le plan psychique, surtout si ce procédé fonctionne comme je le pense. » coupa Dumbledore, en se lissant pensivement la barbe. « Harry, connais-tu un moyen d'ouvrir le coffre d'un Occlumens de l'extérieur ? »

Il secoua la tête. « Pas sans la clef. Severus pourrait ouvrir le mien parce qu'il m'a aidé à le créer mais… » Mais il n'avait pas la clef de celui de Severus. « Un coffre est conçu pour résister à toutes les attaques… » Ce qui n'allait pas l'arrêter. « Je peux essayer de le contacter par Legilimencie. »

Le vieux sorcier l'étudia avec une moue dubitative. « Serait-ce sans danger pour toi ? Je connais trop bien Severus… S'il a prévu un point de repli, j'ai du mal à imaginer qu'il n'y ait pas un piège pour un intrus dans le reste de son esprit. »

« C'est censé former un labyrinthe. » intervint Dora.

Il lui jeta un regard trahi mais elle fronça les sourcils et il leva les yeux au ciel.

Finalement, peut-être qu'avoir un seul parent suffisait.

« Les souvenirs qui ne sont pas au coffre vont se disperser et, théoriquement, ils devraient désorienter un intrus. Pas vraiment l'attaquer, mais… Ils seront durs à éviter parce que personne ne les contrôle. » admit-il. « Parvenir jusqu'au coffre sans se perdre dans son esprit pourrait être compliqué mais je suis déjà allé le chercher dans son pire souvenir, ça ne peut pas être beaucoup plus difficile. »

« Quand tu dis te perdre dans son esprit… » demanda Andromeda.

Harry fit la grimace. « Je devrais m'enfoncer loin, du coup si je perds le chemin jusqu'à mon propre corps… »

« C'est très risqué, Harry. » remarqua Dumbledore.

« Il ne répondra pas à quelqu'un à qui il ne fait pas confiance. » rétorqua-t-il. « Même vous, ce n'est pas sûr qu'il… »

« Certes. » admit le Directeur, son regard dérivant vers Tonks. « Toutefois… »

« Je n'ai pas d'expérience avec la Legilimencie. » déclara-t-elle. « Je veux bien essayer mais… »

« Non. » décréta Andromeda. « C'est beaucoup trop risqué pour une novice, de ce que dit le garçon. Je ne suis pas certaine… »

« Ça ne va pas m'empêcher d'essayer. » l'avertit Harry, avec un peu trop d'insolence s'il en croyait le regard agacé qu'elle lui jeta.

« Tu peux essayer. » l'y autorisa Dumbledore. « Mais pas aujourd'hui. » Il ouvrit la bouche pour protester mais le Directeur leva la main avec autorité. « Harry, tes boucliers sont inexistants. La magie de l'esprit est dangereuse. Peux-tu m'affirmer, sans mentir, que tu es en état d'entreprendre ce genre d'expérience délicate sans aucun danger pour toi ou pour Severus ? »

Il referma la bouche et baissa les yeux vers ses baskets.

« Est-ce qu'attendre ferait une différence ? » s'enquit Tonks. « Est-ce que… Est-ce qu'il est en danger ? »

« À priori non. » répondit Pomfresh. « Son état est stationnaire. Évidemment, je ne suis pas certaine qu'il soit bon pour son état psychologique d'être coupé du monde comme Potter le décrit mais nous ne le saurons que lorsqu'il se réveillera et Severus étant Severus… Je suppose que c'est un problème que nous passerons sous le tapis, de toute manière. Physiquement, il ne risque rien. »

« Très bien. » commenta Dumbledore, non sans compassion pour lui. « Harry, je veux que tu te reposes, aujourd'hui. »

« Je ne veux pas le laisser. » protesta-t-il rapidement.

Le Directeur n'eut pas l'air étonné. Il transforma le lit d'appoint toujours dans un coin de la pièce en un lit un peu plus confortable et le lui désigna d'un geste.

« Je te fais confiance pour ne rien tenter d'inconsidéré. » déclara le Directeur, avec un regard lourd de sens. « Tu as entendu Poppy, son état est stationnaire et tu seras plus amène de l'aider une fois que tu auras récupéré tes forces. Dors quelques heures, mange, vas prendre l'air, tâche de reconstruire tes boucliers… Demain matin, si j'estime que tu es en état, tu essayeras d'établir le contact avec lui. Si tu n'y arrives pas, je tenterai ma chance. Et nous réessayerons autant de fois que nécessaire. »

Harry aurait préféré qu'ils le fassent tout de suite mais… Il ne pouvait pas nier qu'il n'était pas en état de jouer les Maîtres Occlumens, encore moins les Maîtres Legilimens. Prendre quelques heures pour rétablir ses défenses mentales n'était sans doute pas une mauvaise idée, aussi frustrant que cela puisse paraître.

Apparemment satisfait, Dumbledore se tourna vers Dora.

« Auror Tonks, si vous vous en sentez capable, Kingsley et Remus m'attendent dans mon bureau. » poursuivit-il. « Il nous faut discuter de l'avenir du Ministère, entre autres choses. »

Tonks se tint légèrement plus droite et hocha la tête. « Je peux vous parler en privé, une minute, avant ? »

Le Directeur eut l'air légèrement étonné mais lui indiqua de le précéder hors de la pièce. Elle n'hésita que le temps de caresser la joue de Severus, puis se tourna vers Harry.

« Pas de bêtises. » ordonna-t-elle, un peu plus sérieusement que d'ordinaire. « Je reviens dès que je peux, d'accord ? »

À moitié agacé de se voir traiter comme en enfant, à moitié heureux qu'elle se soucie simplement de lui, il hocha la tête. Elle jeta un dernier regard à Severus puis passa la porte que le Directeur tenait patiemment ouverte pour elle. Il allait lui emboîter le pas lorsqu'il s'immobilisa, fronçant les sourcils en direction du garçon.

« Harry, j'ai omis de te poser la question, cette nuit… La Carte… » hésita le vieux sorcier.

« Détruite. » dit-il rapidement. « Il ne l'a pas. »

Dumbledore lui adressa un sourire approbateur qui n'atteignit pas tout à fait ses yeux. « Tu en es certain ? » Il confirma et le Directeur hocha lentement la tête. « Repose-toi. »

Comme si c'était aussi facile à dire qu'à faire.

°O°O°O°O°

Albus ressentait le besoin d'utiliser sa pensine dès que possible.

Il avait trop de pensées parasites en tête, trop de préoccupations qui n'auraient pas dû prendre la précédence sur d'autres, trop d'émotions volatiles qui se disputaient à son côté rationnel…

Que la Carte ait été détruite était un soulagement, cela rayait un problème de la liste des urgences.

Qu'ils aient trouvé une explication plausible à l'état de Severus, qu'ils aient un plan visant à son rétablissement, était un soulagement sans nom et lui ôtait une autre épine du pied.

« De quoi vouliez-vous me parler ? » s'enquit-il avec curiosité – et une pointe d'appréhension, s'il devait être honnête – une fois que lui et la jeune femme se furent éloignés de l'infirmerie. Dans cette zone du château, les couloirs étaient déserts. Minerva avait dû autoriser les élèves à quitter la salle commune de Serpentard, avait dû commencer à réorganiser le château pour le transformer d'école en refuge, mais, pour l'instant Poudlard semblait toujours accuser le coup de la veille.

Il fût étonné lorsque Tonks attrapa son bras pour le traîner vers la pièce vide la plus proche. Une salle de classe déserte qui n'avait pas servi depuis plus de trente ans, en l'occurrence.

Albus fronça les sourcils, plongeant la main dans la poche ample de ses robes pour mieux attraper sa baguette… Elle avait, après tout, passé un certain laps de temps avec Charlie et Anthony. Rien ne disait qu'elle n'était pas, elle non plus, sous Imperium et que sa cible…

« J'ai un message pour vous. » lâcha-t-elle, un peu nerveusement.

Son comportement était étrange. Elle se frottait le front, comme si quelque chose la dérangeait, les doigts de sa main libre tressautaient comme si elle luttait contre quelque chose…

« Nymphadora. » appela-t-il doucement, avec méfiance, espérant que son prénom la mettrait suffisamment en colère pour qu'elle parvienne à contrôler le sort qui la tenait visiblement sous la contrainte.

Il n'en fût rien.

Pas si étonnant, au demeurant, se morigéna-t-il, Severus l'appelait tout le temps ainsi et il s'était passé du temps depuis qu'il l'avait entendue protester l'usage de son prénom pour la dernière fois.

« Je ne savais pas… » expliqua-t-elle, sans sembler se rendre compte qu'il était à deux doigts de lui jeter un stupefix.

Il avait laissée Harry seul avec elle. Il n'avait pas pensé à vérifier que… Peut-être serait-il plus sage de s'assurer que tous les membres de l'Ordre, particulièrement ceux qui avaient passé du temps avec Anthony, ne soit prisonnier d'aucun maléfice.

« Luttez contre le sort, Tonks. » l'encouragea-t-il, tirant lentement sa baguette de sa poche.

La jeune femme n'avait pas sorti la sienne et elle avait beau avoir l'avantage de la jeunesse, il n'était pas vraiment inquiet de la voir prendre le dessus sur lui.

« Le sort ? » répéta-t-elle, en fronçant les sourcils. Elle croisa son regard, l'air confus. « Je suppose que c'est un sort, oui. » Elle fit la grimace et porta à nouveau la main à son front. « J'aimerais que tout le monde arrête de jouer avec ma tête. » Elle soupira. « Grindelwald a laissé un message pour vous dans mon esprit. »

Cela le prit de court.

« Pardon ? » souffla-t-il.

« Je ne savais pas. » grimaça-t-elle davantage. « Je savais que je devais vous parler quand je me suis réveillée, ce matin, mais je ne savais pas de quoi. Et je n'ai compris que lorsque nous nous sommes retrouvés seuls. »

La magie de l'esprit était une forme de magie extrêmement complexe et délicate, comme il l'avait dit à Harry. Que Gellert ait pu faire une chose pareille ne l'étonnait pas, il était brillant. Avait été brillant. Mais…

« Il y a une pensine dans mon bureau. » offrit-il. « Nous pouvons… »

« Non. » l'interrompit-elle, visiblement irritée par toute cette affaire. « Ce n'est pas ce genre de message. »

Elle croisa les bras avec mauvaise humeur et, peut-être, une pointe d'angoisse. Elle n'avait toujours pas cherché à tirer sa baguette et cela le heurta, tout à coup, que ce n'était pas une preuve de confiance de sa part mais plutôt un aveu de faiblesse. Andromeda lui avait dit que sa fille ne serait pas en état de faire grand-chose avant un certain temps, qu'elle s'était épuisée à se soigner.

Tonks savait qu'elle n'avait aucune chance contre lui.

Était-elle seulement capable du moindre sortilège, à l'instant ?

« Je vais vous laisser entrer dans mon esprit. » cracha-t-elle, à contrecœur. « Vous regardez le message et vous sortez. Vous ne fouillez pas. Vous ne cherchez pas autre chose. Et si vous tentez une nouvelle fois d'effacer certains de mes souvenirs… »

Albus ravala un soupir. « Je suppose qu'il est trop tard pour vous présenter mes excuses pour… »

« Oui. » l'interrompit-elle sèchement. « Beaucoup trop tard. Nous avons peut-être besoin de vous pour gagner cette guerre mais ça ne veut pas dire que je dois vous faire confiance sur tous les plans. Et, au niveau humain, je ne vous fais absolument pas confiance. Je ne suis pas non plus obligée de vous apprécier. »

C'était justifié, décida-t-il, et il ne lui fit aucun reproche.

« Êtes-vous certaine que vous souhaitez me laisser pénétrer dans votre esprit ? » demanda-t-il pourtant.

« Oh, je suis certaine que je ne pourrais pas penser à autre chose tant que ce ne sera pas fait, au risque de me rendre folle. » rétorqua-t-elle. « Foutu Grindelwald. »

« Gellert était… déterminé. » confirma-t-il, sans parvenir à cacher son affection. Ou sa tristesse. « Prête ? » Il croisa son regard, lui laissa le temps de se préparer. « Legilimens. »

Severus l'avait bien entraînée. Il aurait probablement pu briser ses boucliers s'il avait eu assez de temps et de détermination mais cela lui aurait demandé un certain effort. Ils ressemblaient à ceux du Maître des Potions avant son saut dans le passé, faits de souvenirs sans importance et d'écrans de fumée… Elle devait avoir un certain penchant naturel pour la discipline, décida-t-il.

Il eut à peine le temps d'admirer ses défenses avant qu'elle ne les abaisse suffisamment longtemps pour lui jeter un souvenir au visage.

Non…

Pas un souvenir.

Il fût absorbé par ce fameux message et le vécu comme une claque en plein visage. Au travers des yeux de Gellert, il revécut leur première rencontre, la première fois où, timidement, Albus avait osé effleurer sa main sous couvert de lui emprunter une plume, le premier baiser avide dans un champ…

Il se souvenait encore de la sensation de l'écorce du tronc d'arbre dans son dos alors que Gellert se pressait contre lui. C'était un des souvenirs qu'il utilisait généralement pour créer un Patronus.

Mais, à cette seconde, il le revécut comme Gellert l'avait vécu.

Une pensine permettait d'étudier un souvenir de manière neutre, d'assister à la chose de l'extérieur… Voler un souvenir dans la tête de quelqu'un, c'était vivre la scène de leur perspective. Il y avait tout : le son, l'image, les odeurs, les sensations…

Et ce que Gellert avait ressenti…

Le souvenir se fondit dans un autre, plus précieux, plus secret… La chambre sombre, les draps plissés, la découverte de l'autre…

Le bonheur.

L'espoir.

L'ambition.

Le futur ouvert grand devant eux.

L'amour.

L'amour brut qui recouvrait tout.

Le souvenir suivant datait des années trente, à en croire les tenues.

Albus marchait au loin dans la rue, perdu dans ses pensées, et Gellert le suivait de loin.

Il ne l'avait jamais su.

Le tiraillement que le mage noir avait ressenti, le désespoir, le besoin de lui parler, d'attirer son attention… Renoncer à ses ambitions, peut-être. Le convaincre de le rejoindre, plutôt. La certitude que rien ne serait pareil sans lui.

Puis Darmstadt.

Ce moment où Gellert aurait pu gagner, aurait pu le tuer. Cette microseconde où il y avait pensé. Puis n'avait pu s'y résoudre.

La baguette de sureau échappa à ses doigts et s'il y avait une bonne dose de colère en lui, il y avait aussi du soulagement à capituler parce que cela signifiait qu'Albus vivrait.

L'amour battait comme un cœur à la lisière du souvenir. Puissant. Sourd.

Gellert descendait du carrosse, affaibli, las, prêt à mourir, et Albus l'attendait. La crainte du rejet se transforma en soulagement lorsqu'il lui ouvrit les bras.

L'amour encore.

Aussi fort, aussi brut qu'au tout début, à peine terni par les années.

Son bureau.

La bataille.

La certitude qu'il n'en réchapperait pas, qu'ils étaient à court de temps.

Mais Gellert était en paix avec ça.

Et ses sentiments étaient clairs, nets.

De l'amour.

Beaucoup de regrets.

Mais davantage d'amour.

Sa mort en face sous les traits de Charlie Weasley.

Pas de peur.

Juste de la paix.

Un peu de reconnaissance d'avoir le droit de mourir baguette à la main, en faisant de la belle magie, plutôt que seul au fond d'une prison.

Le regard de Tonks qui se tortillait de douleur sur le sol.

Un dernier exploit magique.

Un message par-delà la mort.

La tristesse qu'Albus doive continuer seul.

La certitude qu'il se remettrait.

Ich liebe dich.

Auf Wiedersehen, Liebling.

Il fût éjecté sans ménagement de l'esprit de la jeune femme à la seconde où ce souvenir se conclut. Elle avait l'air perplexe, un peu mal à l'aise, et très attristée aussi.

« Je suis désolée. » offrit-elle. « Je ne savais pas… Je suis désolée. »

Il sentit une larme lui échapper, rouler sur sa joue pour aller se perdre dans sa barbe. « Personne ne le sait. » Il songea à Severus qui avait à peine cillé lorsqu'il le lui avait avoué, à Abelforth qui n'avait jamais approuvé… « Presque personne, du moins. »

Après un instant d'hésitation, elle toucha son bras doucement, son expression passant de méfiante à compatissante. « Je suis désolée. »

Pour sa perte, pour son chagrin…

Elle comprenait sa douleur, il le savait, il le lisait dans ses yeux. Il ignorait combien de temps elle avait été consciente avant de débarquer à Poudlard, combien de temps elle avait vécu en pensant avoir perdu Severus. S'il n'avait pas encore été certain que ces deux là s'aimaient sincèrement, cette lueur particulière dans son regard, à cet instant précis, l'en aurait convaincu.

Il espérait que, contrairement à lui, Severus ne serait pas assez stupide pour laisser passer sa chance d'être heureux.

Il se força à lui sourire. « Merci. »

« Cela restera entre nous. » promit-elle ensuite, comme si c'était la conclusion logique à cette conversation.

Et ça l'était, sans doute.

Plus tant parce qu'il avait honte de ce secret qu'il avait porté pendant tant d'années mais parce que si cela s'apprenait qu'il avait eu des sentiments pour Gellert Grindelwald… Ils ne pouvaient pas se permettre de voir sa réputation remise en cause. Plus maintenant.

« Vous avez dit que Kingsley attendait dans votre bureau ? » lui rappela-t-elle, un peu gênée.

Du pouce, il toucha discrètement la bague qu'il portait à l'annulaire, s'efforça de faire le vide dans son esprit, de se concentrer sur les problèmes concrets qu'il pouvait résoudre.

Se rouler en boule et sangloter comme un enfant ne ramènerait ni Gellert, ni Abelforth.

Cela n'avait certainement pas ramené Arianna à l'époque.

« Cette réunion sera cruciale, Tonks. » l'informa-t-il. « Si nous voulons une chance de gagner cette guerre… Nous devrons avoir un Ministre lorsque nous quitterons mon bureau. »

Et Kingsley ne paraissait pas disposé à accepter la chose.

°O°O°O°O°

Sirius avait besoin d'une cigarette.

Il avait tellement besoin d'une cigarette.

Et de dormir.

La sieste imposée par Harry ne l'avait pas reposé, elle l'avait simplement laissé avec une migraine et des aigreurs d'estomac qu'il faisait de son mieux pour ignorer. Regarder Narcissa terrifier des Médicomages n'avait pas été aussi distrayant qu'il l'avait espéré, surtout lorsque Andromeda était venu lui dire que Lucius Malfoy voulait lui parler.

À lui.

Sirius avait presque refusé par principe mais un regard un peu trop gardé de la part de Cissy et il avait soupiré, puis suivi Andy sans plus protester, laissant son autre cousine menacer ou cajoler pour obtenir des réponses.

Et le voilà à avoir pitié de Malfoy parce que le Sang-Pur avait l'air aux portes de la mort et pas de la meilleure manière qu'il soit. Il était pâle, légèrement en sueur, s'agitait un peu sur son lit d'hôpital… Ses yeux étaient à demi-clos comme s'il devait lutter pour rester conscient…

« Je croyais que tu avais dit qu'il ne souffrait pas ? » murmura-t-il à Andy.

« Son état s'aggrave de plus en plus. » avoua sa cousine. « La Marque n'aide pas la situation. Severus gérait la chose avec tellement de… Disons qu'il donnait l'impression que ce n'était pas aussi terrible que ça l'était en réalité. J'ai demandé à Bill de réaliser le même rituel sur lui mais soit le maléfice interfère, soit il est trop faible pour que cela ait un effet majeur. »

L'Animagus se frotta le visage, puis laissa tomber sa main avec un soupir et s'humecta les lèvres, avant de baisser encore la voix, soulagé que Narcissa ne les ait pas immédiatement suivis.

« Il va mourir ? »

Andromeda croisa son regard et il y lut de la tristesse. Pas pour Lucius Malfoy. Ni l'un, ni l'autre ne se préoccupait de Lucius Malfoy. Mais Narcissa, Draco et le bébé à naitre…

« Et merde. » marmonna-t-il.

Il voulait une cigarette.

Voire le paquet.

« Il le sait ? » demanda-t-il.

« Je ne le lui ai pas dit. » répondit-elle, dans un haussement d'épaules. « Mais je doute qu'il veuille te parler pour rattraper le bon vieux temps. »

Ils échangèrent un autre long regard durant lequel Sirius la supplia presque de prendre sa place, d'aller parler à l'homme mourant à qui il vouait une haine féroce. Elle approcha avec lui, suffisamment longtemps pour jeter un sort de diagnostic et lui faire avaler une nouvelle potion antidouleur. Ce ne devait pas être la première parce que Lucius avait le regard embrumé mais, lorsqu'il prit la parole, son ton était lucide.

« Black. » marmonna le Sang-Pur, avec un dédain nettement perceptible.

« Malfoy. » rétorqua-t-il, sur le même ton.

« Gardez vos baguettes là où elles sont. » les avertit Andromeda, comme si le Mangemort avait été en état de faire quoi que ce soit avec, de toute manière. Et Sirius n'avait pas l'habitude de frapper les gens à terre.

Sauf Severus. À l'occasion. À l'époque.

Malfoy attendit que la Médicomage quitte la pièce pour tourner son regard gris, un peu voilé, vers lui. « J'ai sauvé ton filleul. »

Il ne savait pas si c'était une bonne chose ou non que le sorcier ne cherche pas à s'embarrasser de sous-entendus ou de propos offerts à demi-mots. Aller droit au but ne ressemblait pas à un Serpentard et cela ne ressemblait certainement pas au Lucius Malfoy qu'il connaissait.

Certes, Sirius préférait une discussion franche.

Mais il devinait aussi que si Malfoy ne cherchait pas à noyer le poisson, c'était parce qu'il se savait à court de temps.

« Tu veux qu'on fasse le compte de tous les gens que tu n'as pas sauvés ? » cracha-t-il. « De ceux que tu as tués ? »

Il était soulagé qu'Harry soit sain et sauf, ce n'était pas ça, mais il ne ressentait pas véritablement de gratitude envers Lucius pour lui avoir sauvé la vie. Il n'était toujours pas persuadé qu'il l'ait fait exprès. Cela lui ressemblait tellement peu…

Le ricanement amer de Malfoy se termina dans une toux grasse qui avait l'air douloureuse. « Oh, je pense que je ne vais pas tarder à devoir répondre de ces faits là… »

Agacé de la pointe de tristesse qu'il ressentit – parce que trop de gens étaient déjà morts ces dernières vingt-quatre heures – il baissa les yeux. Il ne voulait pas le voir, ne voulait pas se rappeler à qui il s'apprêtait à faire ce genre de serment.

« Ce n'est pas la peine de marchander en me rappelant que tu as sauvé, Harry. » lâcha-t-il. « Merlin sait comment, vu le père qu'il a, mais Draco est un bon gamin. Je ne vais pas le laisser tomber. »

« Narcissa… » souffla le Sang-Pur. « Et le bébé… »

Il savait ce que Malfoy voulait et il rechignait à lui donner quoi que ce soit mais il pensa à Cissy, à l'enfant dans son ventre, et il serra les dents.

« Ils sont tous les trois sous la protection de la Maison Black. » promit-il. « Du moins, ce qu'il en reste. »

Les traits du sorcier s'apaisèrent un peu, ses lèvres s'étirèrent en un sourire amusé. « Donne deux mois à Narcissa et la Maison Black sera aussi prospère que par le passé. »

« Ce n'est pas vraiment ma priorité. » rétorqua-t-il.

« Non, mais il faudra bien la distraire et il n'y a rien qu'elle aime plus que les jeux de la société… » marmonna Malfoy. Sans prévenir, son regard croisa le sien et il attrapa son poignet avec plus de force que Sirius ne lui aurait soupçonné vu son air malade. « Draco… Il est presque adulte, je le sais… Mais il est encore si jeune… »

L'Animagus soupira. « Je garderai un œil sur Draco, je te dis. »

Malfoy hocha la tête puis le lâcha, ses paupières retombant comme si elles étaient trop lourdes. « Le bébé… J'aurais aimé… »

Sirius ne saurait jamais ce qu'il aurait aimé parce que le Sang-Pur semblait s'être endormi. Ou avoir perdu connaissance.

Un peu inquiet qu'il lui claque dans les pattes – ce que Narcissa n'aurait sans doute pas manqué de lui reprocher – il se dépêcha d'aller chercher Andy.

°O°O°O°O°

Tonks suivit Dumbledore lorsqu'il entra dans son bureau, lui enviant un peu la facilité avec laquelle il avait relégué ses émotions au second plan. Elle était toujours trop fatiguée pour parvenir à gommer l'épuisement ou l'inquiétude de son visage et, si elle devait être honnête, le paquet de souvenirs que Grindelwald avait planté dans son esprit sans son consentement lui avait laissé un goût amer. Pas seulement parce que, encore une fois, sa tête avait été traitée comme une commodité mais, surtout, parce que c'était si triste que…

Elle ne savait pas comment Dumbledore pouvait être en état de faire quoi que ce soit.

Au-delà de l'ahurissement qu'Albus Dumbledore et Gellert Grindelwald aient pu vivre une passion secrète sans que qui que ce soit ne le découvre jamais, tous ces sentiments, cette tristesse, cette sensation de perte avaient ravivé ce qu'elle avait éprouvé cette nuit et…

Elle avait dû se faire violence pour ne pas rebrousser chemin et retourner voir Severus. Qu'ils aient un vague plan pour le soigner n'était pas le réconfort qu'elle aurait aimé que ce soit. Ce n'était qu'une théorie, après tout, et elle n'aimait pas l'idée que ce soit Harry qui doive s'y risquer. Elle voulait juste…

« Tonks. » l'accueillit Kingsley avec un plaisir manifeste, en se levant de son siège avec difficulté.

Elle sourit au son de sa voix, avant de froncer les sourcils lorsqu'elle aperçut le bandeau qui lui couvrait un œil. « Qu'est-ce que… »

« Voldemort. » lâcha-t-il, en guise d'explication. « Madame Pomfresh espère que je pourrais récupérer une vue partielle avec le temps mais pour l'instant… » Il haussa les épaules. « Ce n'est pas si terrible. Il y a des sorts pour prévenir les problèmes d'équilibre et ce genre de choses. J'ai un angle mort et je ne serais pas capable de toucher un dragon à un mètre mais, avec l'aide de Madame Pomfresh, un peu d'entraînement et je devrais pouvoir retourner sur le terrain dans quelques jours. »

Elle n'osa pas lui dire que ça avait l'air affreux. Elle se força à sourire, à mettre un peu de bonne humeur dans sa voix. « Ça pourrait être pire. Tu pourrais avoir un œil magique et une jambe de bois. »

Elle se tourna vers l'autre personne qui avait attendu dans le bureau, un peu étonnée que le loup-garou ne l'ait pas encore interpellée ou ne se soit pas levé pour l'accueillir. Un coup d'œil rapide confirma que Remus n'avait pas souffert d'une blessure trop importante. Il la dévisageait calmement mais ne paraissait pas décidé à croiser son regard, ses mains s'accrochaient aux accoudoirs…

« Merci pour le Patronus. » offrit-elle. « Et pour avoir aidé à me sauver la vie. »

Andromeda avait mentionné que c'était lui qui l'avait portée jusqu'à l'infirmerie après que Slughorn l'ait soignée. Encore un à qui elle devait des remerciements…

« De rien. » répondit Remus, avec un peu trop de détachement pour que ce soit sincère. « Je suis heureux de te voir sur pieds. Des nouvelles de Severus ? »

Elle se tendit par réflexe, avant de se rendre compte que c'était une vraie question et pas une pique.

« Toujours inconscient mais on a une idée de ce qu'il a et on espère pouvoir le réveiller sous peu. » expliqua-t-elle.

Dumbledore avait fait le tour de son bureau et s'était installé dans son fauteuil. Elle se dirigea vers le seul siège libre entre son partenaire et le loup-garou mais, avant qu'elle ait pu s'asseoir, Kingsley lui tendit un épais tissu plié, à la couleur bleue familière.

Elle déplia les robes, une boule lui obstruant la gorge. Elles étaient propres mais avaient visiblement vécu la bataille sur le dos de quelqu'un. Elle ne demanda pas qui, ne demanda pas si la personne était encore vivante ou non. Elle retira sa chemise en flanelle et la remplaça par les robes d'Auror, se sentant étrangement plus à l'aise une fois qu'elle eut l'uniforme sur le dos.

C'était ironique, sans doute, se dit-elle, parce qu'ils n'avaient jamais vraiment porté les robes bleues avant la bataille. Mis à part ceux qui patrouillaient dans la rue ou ceux en service officiel pour le Ministre, les Aurors étaient en civil la plupart du temps.

Elle échangea un regard lourd de sens avec Kingsley, notant que lui aussi avait choisi de réenfiler ses robes, aussi abimées qu'elles soient, et fût sûre qu'ils ressentaient la même chose : dans un monde qui partait à vau l'eau, c'était bon de savoir qu'ils appartenaient à quelque chose de plus grand.

Le Directeur se racla la gorge et les deux Aurors reprirent leur place.

Remus serrait toujours les accoudoirs et faisait un effort visible pour l'ignorer. Elle ne savait pas ce qu'elle lui avait fait mais elle décida d'en faire de même. Mieux valait s'ignorer que de se disputer.

« Entrons directement dans le vif du sujet… » commença Dumbledore, dans un soupir. « Lucius a eu le temps de me confirmer, hier soir, que Rufus et Amélia avaient tous les deux été éliminés, ainsi que les membres du Magenmagot qui étaient en séance au moment de l'attaque. » Le vieux sorcier ôta ses lunettes pour les essuyer avec ses robes, le geste trahissant plus de fatigue qu'il n'y paraissait. « La ligne de succession est claire, Kingsley. »

Nymphadora s'obligea à prendre des inspirations régulières.

La ligne de succession était claire.

Et si Kingsley devenait Ministre, alors elle serait Chef du Département des Aurors, à moins qu'il ne préfère nommer un des Aurors plus âgés rappelés en service – ce pour quoi elle ne le blâmerait pas.

« Nous en avons déjà discuté, Albus. » contra calmement Kingsley.

« Il n'y a rien à discuter. » riposta le vieux sorcier, en le regardant par-dessus ses lunettes en demi-lunes.

Les deux hommes s'affrontèrent un moment du regard, poussant Tonks à échanger un coup d'œil avec Remus. Ce dernier haussa discrètement les épaules en signe d'ignorance.

« Très bien. » capitula l'Auror, après de longues secondes. « Dans ce cas, mon premier et unique décret en tant que Ministre sera de vous forcer à accepter le poste à ma place. »

Ah.

Nymphadora grimaça.

La solution était logique et avait ses avantages, bien qu'elle ne soit pas ravie à l'idée de voir Dumbledore avec les pleins pouvoirs. Pourtant…

« Non. » refusa tout net le Directeur. « Je n'ai jamais voulu être Ministre. Je n'ai aucune légitimité et… »

« Aucune légitimité ? » l'interrompit-elle, un peu moqueuse. « Ne m'avez-vous pas dit, en chemin, que certains parents d'élèves voulaient rester ? Que beaucoup des survivants du Ministère s'étaient présentés au château ? Ils ne viennent pas parce que les Aurors sont ici, Professeur. Ils viennent parce que vous y êtes. »

Le regard bleu se posa sur elle, désapprobateur. « Ne m'avez-vous pas dit, vous, que vous ne me faisiez aucune confiance sur le plan humain ? Vous ne pouvez approuver… »

« Une armée a besoin d'un chef. » le coupa-t-elle.

C'était ce que Severus lui avait répété à plusieurs reprises. Elle l'avait entendu sans vouloir le comprendre, sans vouloir accepter les justifications à des actes qu'elle jugeait répréhensibles mais… Ils avaient passé un cap. Et il n'était plus temps de jouer les ignorants ou de parler à demi-mots. Le temps d'une armée de l'ombre était révolu, le temps où les Aurors et l'Ordre du Phoenix, seuls, auraient pu l'emporter était passé. Ils auraient besoin de toutes les bonnes volontés. Ils auraient besoin de tous les volontaires. Et ces gens là ne viendraient pas parce que le Ministère le leur demanderait.

Le Ministère avait tenté de redresser la barre sous Scrimgeour mais les années passées sous Fudge, la corruption ambiante, les batailles politiques internes… Tout ça entachait la confiance que la communauté magique lui vouait.

« Et elle l'aura. » contra Dumbledore, en désignant Kingsley d'un geste.

Le sorcier secoua la tête. « Je serais plus utile sur le terrain. » Il avisa les regards dubitatifs et croisa les bras, sur la défensive. « Pomfresh m'a promis qu'avec ses potions, ses sorts et un peu d'entraînement, je serais apte au combat dans quelques jours. Je ne compte pas rester ici pendant que les Mangemorts ravagent le Royaume-Uni et on ne peut pas se passer d'un bon combattant. Et je suis un de vos meilleurs combattants, Albus. Donnez-moi une semaine et je serai à nouveau au niveau, je vous le jure. »

Nymphadora se frotta le visage. « Il a raison. Ce n'est pas juste qu'on ne peut pas se passer d'un bon combattant, c'est aussi qu'on a besoin de gens sur le terrain qui savent diriger. » Elle se tourna vers son partenaire. « Combien d'Aurors avons-nous perdu ? »

« Trop. » répondit sèchement Kingsley, avant de baisser la tête. « Trop… Si nous voulons avoir une chance, nous aurons besoin de l'Ordre et de civils. » Il croisa le regard de Dumbledore, le soutint. « Je n'ai ni votre expérience, ni vos contacts et cela ne me vexe pas d'admettre que je n'ai pas non plus votre discernement. Nous sommes à un stade où ils nous faut considérer le bien de la communauté magique dans son ensemble et pas nos désirs personnels. Si je pensais être ce dont nous avons besoin pour gagner cette guerre, j'accepterais le poste. Mais nous savons tous que vous êtes le meilleur choix. »

Dumbledore ne répondit pas immédiatement. Il s'était engoncé dans son fauteuil et paraissait réfractaire à tous leurs arguments.

Tonks attendit de voir si le loup-garou allait offrir son opinion mais, lorsque rien ne vint, elle se racla la gorge. « Il y a autre chose… Se priver d'un combattant comme Kingsley, simplement pour avoir un Ministre-marionnette serait stupide. Nous savons tous qui dirigerait vraiment en coulisses, alors… »

Elle haussa les épaules, ignorant les regards réprobateurs des deux hommes assis de par et d'autre d'elle.

« L'argument fonctionne en sens inverse. » remarqua Dumbledore. « Avec Kingsley en figure d'état, je suis libre de mes mouvements. »

« Avez-vous besoin d'être libre de vos mouvements ? » le défia-t-elle. « Parce que jusque là, vous avez dirigé cette guerre depuis Poudlard alors je ne vois pas trop la différence. »

Ils s'affrontèrent du regard et elle renforça ses boucliers juste parce que l'idée qu'il pénètre encore dans son esprit la faisait frissonner.

« Vous ne m'appréciez guère, Tonks. » commenta-t-il.

« Vous avez violé mon esprit. » rétorqua-t-elle, refusant de minimiser la chose. « Et ensuite, vous avez tenté de couvrir votre crime en effaçant mes souvenirs. »

Remus se redressa brusquement, son regard ambré braqué sur Dumbledore, choqué et trahi. « Quoi ? Quand… »

Ils l'ignorèrent tous les deux, tout comme ils ignorèrent Kingsley qui avait froncé les sourcils.

« Et c'est un homme comme moi que vous voudriez voir à la tête du pays ? » insista le Directeur. « Un homme qui n'hésiterait pas à violer l'esprit d'une jeune femme simplement parce qu'il soupçonne qu'elle lui cache des choses ? Vous vous mettriez au service d'un tel homme ? »

La mâchoire contractée, elle s'efforça de ne rien laisser paraître. « Que je le veuille ou non, n'y suis-je pas déjà ? » Elle balaya l'air de la main. « On perd du temps, Monsieur le Ministre. Vous voulez un consensus ? Allons demander aux gens dans le château qui ils voudraient voir succéder à Scrimgeour. Je peux déjà deviner la réponse. »

Il pinça les lèvres avec plus de tristesse que d'irritation, sa voix avait pris un ton un peu suppliant. « Je ne peux pas simplement me déclarer Ministre, ce n'est pas… »

« Vous ne vous déclarez pas Ministre. » intervint Kingsley. « Je déclare la loi martiale et vous offre le poste. Vous l'acceptez. S'il reste des membres du Magenmagot pour venir contester la chose, libre à eux de se manifester. Nous les remettrons à leur place. »

« Albus, ils ont raison. » offrit Remus. Sa première véritable intervention.

Dumbledore les observa chacun longtemps, tour à tour, puis se leva et marcha jusqu'à la fenêtre. Il regarda dehors pendant plusieurs minutes, tournant et retournant une bague qu'elle n'avait jamais remarquée auparavant à son doigt.

« Savez-vous combien de fois j'ai refusé ce poste ? » demanda-t-il finalement, plus pour lui-même que pour eux.

« Personne de décent n'est jamais prêt pour le pouvoir. » murmura-t-elle, avant d'avoir pu s'en empêcher.

C'étaient les mots de Severus.

Et Severus lui manquait.

S'il avait été là, avec eux, qu'aurait-il dit ? Qu'il aurait été plus malin d'avoir un Ministre facile à contrôler ? Ou bien que Dumbledore aurait dû cesser de tergiverser ?

« C'est bien le problème, Miss Tonks. » soupira-t-il, en se tournant vers eux. « Je suis prêt. J'ai toujours été prêt. » À nouveau, il croisa le regard de chacun d'entre eux. « Très bien. »

« Vous ne quittez plus le château sans escorte. » décréta-t-elle immédiatement, parce qu'elle commençait à le connaître. « Et je suis sérieuse. »

« Vous ne vous déplacez pas dans le château sans escorte. » renchérit Kingsley.

Avec un sourire légèrement amusé, Dumbledore revint s'asseoir dans son fauteuil et s'adressa à Remus. « Et moi qui pensait que le Ministre donnait les ordres… »

« Pas en ce qui concerne votre sécurité. » contra-t-elle, avant que le loup-garou ait pu en plaisanter avec lui. « Votre sécurité, c'est notre responsabilité et, sur ce plan, vous nous obéissez. »

Rien qu'à voir son expression, elle devinait que ça allait être encore plus compliqué que de faire entendre raison à Scrimgeour l'avait été.

Kingsley se racla la gorge. « Puisqu'on en est à parler sécurité, je n'aime pas qu'il y ait autant de gens se déplaçant librement dans l'école. »

« Habituez-vous y parce que je compte ouvrir les portes de Poudlard à quiconque voudra s'y réfugier. » rétorqua calmement le vieux sorcier.

Nymphadora se retint à grand peine de ne pas lever les yeux au ciel.

Tout ce cinéma alors qu'au fond, il avait déjà tout planifié. Peut-être ne voulait-il pas du titre officiel mais elle n'avait aucun doute qu'il aurait fait plier Kingsley et l'aurait rangé à son avis de toute manière.

« Nous restons ici, alors ? » demanda-t-elle. « Parce que je ne suis pas certaine que ce soit le meilleur plan. Nous avons des lieux sûrs, nous pourrions… »

« Et combien de ces lieux sûrs Anthony a-t-il donné à Lord Voldemort ? » l'interrompit le Directeur, avant de secouer la tête. « Il nous faut l'interroger au plus vite. »

« Est-ce qu'on sait comment il a pu nous tromper aussi facilement ? » hésita Remus. « Je veux dire… »

Dumbledore eut un geste d'ignorance. « Je n'en ai honnêtement aucune idée. Je suis certain d'avoir fait quelques recherches lorsque Charlie me l'a présenté, pourtant j'avais oublié jusqu'à son nom de famille jusqu'à hier. À vrai dire, en repensant à ces derniers mois, je ne peux pas dire qu'il m'ait beaucoup effleuré l'esprit. »

« C'est moi qui ait fait les recherches, l'année dernière. » confirma Kingsley. « Rien d'alarmant. Mais il ne m'est jamais venu à l'idée de le soupçonner. »

« Moi non plus. » admit Remus. « Et pourtant, à y réfléchir, je me souviens avoir tiqué à plusieurs moments… »

« Moi aussi. » soupira-t-elle. « Il devait y avoir un sortilège. Peut-être pas un Imperium ou un sortilège de confusion mais quelque chose de similaire. »

« Il nous faut également interroger Charlie Weasley. » déclara Dumbledore, la bouche pincée comme si cela lui déplaisait. « Déterminer ce qu'il savait. »

« Il était sous Imperium. » le défendit-elle immédiatement.

« Certes, mais depuis combien de temps ? » rétorqua le Directeur, sans hostilité. « À quel point était-il impliqué avant cela ? Je préfère penser, comme vous, qu'il n'est qu'une victime innocente dans tout ça mais nous ne pouvons pas en être certain avant de l'avoir interrogé. Sous Véritaserum. »

Elle en comprenait la nécessité mais…

« Je peux m'en charger. » offrit Kingsley.

« Ou moi. » proposa Remus. « Tu n'es pas obligée de… »

« Je vais le faire. » le coupa-t-elle, en relevant un peu le menton. L'idée même lui donnait la nausée mais… « J'étais la plus proche, je n'ai rien vu… C'est à moi de le faire. »

Le Directeur l'étudia, non sans compassion. « Ce n'est certainement pas votre faute, Tonks. »

« Sirius en sait peut-être davantage. » remarqua le loup-garou. « C'est lui qui l'a arrêté, après tout. » Il se pencha un peu en avant. « À ce propos, Albus… Une réunion du Conseil ne serait pas superflue… Nous devrions mettre toutes les informations sur la table et… »

« Le Conseil est dissous. » déclara Dumbledore.

Tonks ne pouvait pas dire qu'elle était tout à fait surprise.

Kingsley, de même, ne trahit aucun signe d'étonnement.

Remus, lui… Il fronça les sourcils. « Comment… »

« La nature de la guerre a changé. » expliqua le vieux sorcier, avec une pointe de regret mais sans cacher la note de fer dessous. « Et n'allez pas penser que me voici devenu un tyran à peine institué Ministre, Remus… » Il soupira. « J'avais déjà entrevu cette possibilité bien avant la bataille. »

« L'Ordre devrait devenir un organisme officiel avec une hiérarchie claire, de toute manière. Au moins le temps de la guerre. » conseilla Tonks. « Si on veut gagner… Il faut une certaine unité. »

« C'est tout à fait mon opinion. » approuva Dumbledore. « Kingsley, vous resterez à la tête des Aurors, naturellement. Tonks, je vous charge de veiller à la bonne coordination des deux groupes. Remus… » Le vieil homme hésita. « Vous avez fait un travail remarquable en me suppléant jusque ici mais je crains que cette phase n'exige une personne d'une nature plus tactique à la tête de l'Ordre. »

Oh.

Nymphadora baissa les yeux, préférant faire semblant de brosser une poussière imaginaire de ses robes.

Était-il obligé de faire ça devant eux ? C'était gênant et très peu respectueux de Remus qui, malgré tous ses défauts, avait toujours fait son maximum pour l'Ordre.

Sans compter que ça n'allait pas plaire à…

« Inutile de deviner par qui vous me remplacez. » gronda Remus, le loup perçant dans sa voix.

Lunard.

« Dès que Severus se sera remis, il prendra la tête de l'Ordre. » confirma Dumbledore. « N'y voyez pas un affront personnel, Remus, je vous estime beaucoup et vous le savez. Cela n'a rien à voir avec vos capacités, il est simplement le choix évident pour ce poste et… Il a toujours été destiné à l'être. Si je vous ai laissé penser le contraire, je m'en excuse. » Le vieux sorcier se racla la gorge. « Sur ce sujet, j'aimerais qu'il soit clair que s'il m'arrivait quelque chose et que vous vous trouviez à chercher par qui me remplacer… Severus est la personne toute désignée. »

Nymphadora résista à demander si c'était entendu entre eux. Parce que ça avait l'air entendu.

Et Severus ne lui avait jamais dit que…

Mais ils avaient aussi toujours été d'accord pour dire que les secrets professionnels ne comptaient pas. Néanmoins, quelque chose d'aussi énorme…

Elle aurait préféré qu'il lui en parle.

« Severus. » cracha Remus, en serrant les accoudoirs si fort que le bois craqua de façon audible. « Et que sommes-nous censés faire en attendant que Severus soit capable de remplacer le Conseil ? »

« En attendant, Kingsley et Tonks garderont les membres de l'Ordre à disposition des Aurors. » répondit calmement Dumbledore. « Et, au besoin, vous assurerez l'intérim sous leur direction. »

« Où est la démocratie dans tout ça, Albus ? » railla le loup-garou.

Tonks étouffa un bruit amèrement amusé. Avait-il toujours véritablement cru que l'Ordre était une démocratie ?

« Tu trouves ça drôle ? » grinça le loup, tournant son regard un peu trop sauvage vers elle.

« Non. » lâcha-t-elle. « Non, je ne trouve pas ça drôle. Mais on fait tous notre part, Remus. Tu crois que ça m'amuse d'être responsable de la vie de tellement de gens ? Tu crois que je ne préfèrerais pas qu'on décide tous ensemble ? Ça ne fonctionne pas comme ça. Quelqu'un décide, les autres suivent. Et, crois-moi, c'est parfois plus simple d'être celui qui suit les ordres que d'être celle qui les donne. »

Remus la dévisagea avec un agacement manifeste mais Kingsley intervint avec un soupir avant qu'il ait pu l'accuser de quoi que ce soit – probablement de prendre le parti de Dumbledore juste parce que ça concernait Severus.

« Le fait est que j'aimerais aussi pouvoir croire que la démocratie l'emporterait sur la tyrannie. » déclara Kingsley. « Mais le débat n'a pas exactement fonctionné jusqu'à présent. Le Magenmagot n'a fait que nous freiner. C'est la raison précise pour laquelle je parlais de loi martiale. Le Ministre aura les pleins pouvoirs et ne rendra compte à personne. »

« Jusqu'à la fin de la guerre lorsque nous pourrons reformer un gouvernement. » nuança Dumbledore. « Si la manière dont je souhaite procéder vous pose problème, Remus… »

Ce n'était pas tant la manière que de ne pas être celui à donner les ordres, supposait-elle. Ou plutôt, de devoir suivre les ordres de Severus. Lunard ne devait pas du tout apprécier.

Dans l'intérêt de tous, elle choisit de taire ses observations.

« Ce n'est pas comme si j'avais le choix. » répliqua Remus. « Vous me mettez au pied du mur, ce que je n'apprécie pas. Je ne suis pas certain que les autres membres de l'Ordre apprécieront davantage. »

Tonks n'était pas tout à fait sûre qu'il ait raison sur ce point là.

McGonagall suivrait. Sirius râlerait très certainement pour la forme mais finirait par se ranger derrière Severus. Merlin savait où était Mondingus. Molly et Bill n'oseraient pas protester, pas après Charlie. Charlie n'aurait sans doute plus voix au chapitre. Fleur… Fleur se s'opposerait pas à Dumbledore. Nyssa non plus, d'ailleurs. Flitwick n'avait pas assisté à une réunion depuis des lustres et ne dirait sans doute rien…

« Y a-t-il une chance que vous changiez d'avis à propos d'ouvrir Poudlard aux réfugiés ? » demanda Kingsley, en se raclant la gorge. « Nous pourrions faire entrer le loup dans la bergerie. À nouveau. »

« Non. » répondit Dumbledore fermement. « Je suis toutefois d'accord sur le fait qu'il nous faut des mesures de protection plus importante que celles déjà en place. La sphère de Troie aurait fonctionné sans Anthony mais notre manque de coordination pendant la bataille ne parle pas en notre faveur… Quant à d'éventuels espions, c'est le risque qu'il nous faudra courir. Je n'étais pas en train de suggérer que tout le monde puisse accéder à toutes les parties du château. Sur ce point, je peux contrôler Poudlard bien mieux que Scrimgeour pouvait contrôler le Ministère. Nous pouvons compartimenter des zones entières à notre seul usage. »

« Où sont les Langues-de-Plomb ? » s'enquit-elle, quêtant le regard de Kingsley. « Nous n'en avons récupéré aucun ? »

« Les rescapés arrivent toujours au compte-goutte et, mis à part ceux qui sont venus me trouver directement, je n'ai pas encore de liste. » expliqua son partenaire. « Cela n'aide pas que nous n'ayons pas encore fait de déclaration officielle. Les Langues-de-Plomb qui étaient au Ministère ont certainement rejoints le combat contre les Mangemorts et ne s'en sont pas sortis. Ceux qui étaient en mission ou de repos… Tu sais comment ils sont. »

Leurs secrets avant tout le reste.

« Faire une déclaration officielle est la priorité. » décréta-t-elle. « Suivie de près par trouver un moyen de mieux défendre le château. »

« Je m'en occupe. Tu organises les autres, je veux un poste d'opération fonctionnel ainsi que des patrouilles régulières sur tout le domaine, intérieur du château compris, puis tu interroges Charlie et Anthony. » ordonna Kingsley. « Il y a d'autres prisonniers dans les cachots aussi. Ce qui soulève la question… Que sommes-nous censé faire d'eux ? »

Parce que ce n'était pas comme s'ils pouvaient les envoyer à Azkaban…

« Je n'aime pas l'idée de m'abaisser aux tactiques de l'ennemi. » admit Dumbledore. « Cependant, s'ils refusent volontairement de parler, il nous faudra peut-être recourir à des méthodes moins avouables… »

« Avons-nous assez de Véritaserum pour tout le monde ? » demanda Tonks.

« Nous avons ce que Severus garde sous clefs. Il vous faudra le récupérer vous-même, il le garde sous des protections similaires à celles de ses appartements. » répondit le Directeur. « Horace pourra sans doute en préparer davantage, en temps voulu, mais il se concentre sur les potions dont l'infirmerie a besoin pour l'instant. » Il délibéra un moment puis agita la main. « Laissez les prisonniers tranquille pour le moment. Severus saura en tirer les informations nécessaires, le cas échéant. »

Elle tiqua. « C'est une chose d'en faire votre bras droit, une autre d'en faire votre bourreau. Si l'on commence à torturer… »

Il s'exécuterait mais cela n'aiderait pas son estime de soi déjà flageolante de se voir reléguer à la torture. Elle ne laisserait pas Dumbledore le forcer à faire des choses qui le dégouterait davantage de lui-même.

Et puis…

Il devait y avoir des limites à ce qu'ils étaient prêts à faire ou…

« Il n'y aura pas besoin de torturer qui que ce soit, Tonks. » la coupa le vieux sorcier, avec lassitude. « Il est un des Legilimens les plus habiles de ma connaissance. Il peut extraire toutes les informations pertinentes sans la moindre goutte de sang versée. »

« Et sur le long terme ? » intervint Remus. « Parce que si vous comptez vraiment accueillir tout le monde magique ici, il y a des considérations pratiques à prendre en compte. Le ravitaillement… »

« J'ai passé les dernières années à remplir les stocks en prévision d'une situation comme celle-ci. » le coupa Dumbledore. « Nous ne manquerons pas et, le cas échéant, j'ai une liste de contacts qui nous fournira en vivres. Minerva est, en ce moment même, en train de s'occuper de la partie logistique. »

Auraient-ils la place ? Poudlard était gigantesque et elle savait que l'école n'avait jamais rechigné à s'agrandir par magie au mépris de la logique ou des lois de la physique mais…

« Remus n'a pas tort. » remarqua-t-elle. « Et il nous faut aussi un plan sur le long terme pour les prisonniers. Les garder ici est un gros risque en matière de sécurité. »

« Les envoyer ailleurs implique de diviser encore un peu plus nos troupes. » contra Kingsley, en grimaçant. « Je n'aime aucune des deux options. »

Il y eut un silence.

Un long silence.

Parce que la solution évidente ne plaisait à personne et personne ne voulait être celui à la proposer.

« Nous n'allons pas les exécuter. » trancha finalement Dumbledore. « Ce n'est pas le message que nous voulons envoyer. »

Une part d'elle en fût soulagée.

« Et… Que faisons-nous pour les morts, Albus ? » demanda Kingsley.

Ils ne pouvaient pas enterrer les corps. Pas avec le risque de les voir transformés en une armée d'Inféris.

Le vieux sorcier se lissa la barbe, l'air triste. « Nous les brûlerons dans le parc… Demain. Laissons les gens se remettre aujourd'hui… Une cérémonie de commémoration pour les victimes ne serait sans doute pas malvenue non plus. Remus, peut-être pourriez-vous établir une liste de noms des pertes à Poudlard et au Ministère… »

Il y avait une centaine d'autres décisions à prendre mais ils s'en tinrent là d'un commun accord pour l'instant, convenant d'une deuxième réunion en début d'après-midi pour faire le point.

Nymphadora s'efforça de ne rien laisser paraître jusqu'à ce qu'ils se séparent tous, au détour d'un couloir : Kingsley et Dumbledore annoncer officiellement qui était Ministre, Remus passer sa colère sur quelqu'un d'autre et elle en direction des cachots récupérer le Véritaserum que Severus gardait – illégalement – sous clef.

À la seconde où elle se retrouva seule, cependant, elle se laissa glisser le long du mur et resta assise par terre un long moment.

Ce n'était pas juste le vertige ou le fait que son corps criait grâce ou l'envie de pleurer qui lui serrait la gorge…

C'était ce qu'elle avait vu venir depuis des semaines et des semaines sur le terrain.

La noirceur, le désespoir…

Le monde était entièrement différent, à présent.

Et ça la terrifiait.