Hello! Juste pour info, sous pression du discord j'ai écrit et publié un petit bonus au chapitre 18. Il s'agit d'une scène explicite qui fait le lien entre le pov Nymphadora et le pov Severus. Je ne l'ai mis que AO3 mais vous pouvez la trouver sans mal en cliquant sur le lien de la série si le coeur vous en dit.
J'espère que vous aimerez ce chapitre!
Enjoy & Review!
« You are not among the good that has happened to me. You are the best of all that I have known. You are what I searched for when I left that house and wandered this earth, boy and man. You are the part of myself I never thought to find because I did not even dare to dream you existed. You are all that I want and more than I deserve, and I will go to my grave thanking a god in whom I do not believe for bringing me to you. »
An Unexpected Peril – Deanna Raybourn
« Vous ne faites pas partie de ce qui m'est arrivé de bien. Vous êtes ce qui m'est arrivé de mieux de tout ce que j'ai jamais connu. Vous êtes ce que je cherchais lorsque j'ai quitté cette maison et que me suis mis à parcourir cette terre, adolescent et adulte. Vous êtes la part de moi que je n'aurais jamais pensé trouver parce que je n'aurais jamais osé rêver que vous existiez. Vous êtes tout ce que je désire et davantage que je ne mérite, et lorsque l'on me couchera dans ma tombe, je remercierai toujours un dieu auquel je ne crois pas de vous avoir mise sur ma route. »
An Unexpected Peril – Deanna Raybourn.
Chapitre 66 : For Bringing Me You
Severus longeait le mur de pierres rouges, laissant sa main trainer sur la surface crayeuse, sans savoir s'il cherchait toujours de possibles fractures comme aux premiers instants ou s'il agissait ainsi machinalement parce qu'il s'ennuyait, au fond.
Le coffre fonctionnait exactement comme il l'avait prévu.
Les protections tenaient.
Les hauts mur de pierres rouges rehaussés de grilles avec des piques emprisonnaient le monde extérieur à l'extérieur et le laissait, lui, en sécurité.
À l'intérieur, tout était paisible.
Les arbres s'agitaient gentiment dans une brise imaginaire, les bancs étaient tels qu'il les avait connus dans son enfance : métalliques avec des trous, inconfortables au possible et un risque d'infection au tétanos. Les balançoires étaient rouillées mais soutenaient son poids lorsqu'il s'aventurait à s'y asseoir. Le toboggan jaune poussin à la peinture fanée succombait lui aussi lentement au rouge orangé qui le dévorait petit à petit.
Ses souvenirs étaient rangés ci-et-là, sous telle feuille de tel buisson, sous le banc, entre les branches… Tout était organisé ici. Il se laissait aller à revivre ses préférés de temps en temps. Il n'y avait aucune raison de se priver, après tout.
Le temps s'étirait sans que cela n'ait grand sens pour lui.
Il attendait.
Oui, songea-t-il, en regagnant la balançoire qui avait été la préférée de Lily à l'époque, il attendait.
Il l'attendait.
Le Seigneur des Ténèbres semblait prendre son temps pour l'achever mais cela viendrait et lorsqu'il passerait le Voile…
Elle viendrait.
Il savait qu'elle viendrait.
Il leva la tête vers le ciel qui n'en était pas un. Rien ici n'était réel. Tout n'était qu'une construction imaginaire destinée à apaiser son esprit, à le garder calme.
Il avait toujours su que s'il en venait à se réfugier au coffre, la fin ne serait pas loin.
Il avait toujours su que ce serait l'antichambre de la mort.
Ce qu'il ne savait pas, c'était ce qui viendrait après.
Longtemps, il avait espéré le pardon. Il avait espéré Lily.
À présent…
À présent, il attendait Nymphadora.
Elle viendrait.
Elle viendrait le chercher.
Elle avait promis de ne jamais l'abandonner.
Il n'avait besoin de personne d'autre, ne voulait voir personne d'autre…
Il ignorait ce qui l'attendait derrière le Voile, s'il y avait un paradis et un enfer ou une variante du concept, les sorciers n'avaient pas de véritable définition de l'au-delà à part la certitude que le Voile existait et il n'avait jamais été séduit par les religions Moldues. Il doutait, pourtant, qu'ils soient destinés au même endroit car il devait y avoir une justice en ce monde et si elle était vouée à la paix, il était sans doute condamné au tourment mais il lui faisait confiance pour venir le chercher en dépit de toutes les règles.
Nymphadora…
Il préférait penser à Nymphadora qu'à Harry.
Il préférait penser à la joie de la retrouver qu'au désespoir de le perdre.
S'il devait mourir, il ne voulait pas voir Harry avant longtemps parce que, s'il revoyait le garçon, cela signifierait que lui-aussi était tombé et ça…
Non.
Il chassa ces pensées parasites de sa tête.
Les souvenirs qui étaient dans le coffre avec lui étaient les plus vivaces mais cela ne signifiait pas qu'il avait oublié ceux qui étaient à l'extérieur. Ils étaient simplement un peu moins précis, un peu plus lointains, comme une empreinte de pas sur le sable que les vagues effaçaient lentement à chaque remous…
Assis sur la vieille balançoire, il attendait.
Cependant, il commençait à penser qu'elle prenait son temps.
Au bout d'un moment, il se releva et refit le tour du parc, laissant à nouveau trainer la main sur le mur crayeux.
Combien de temps cela faisait-il qu'il était là, à présent ?
C'était difficile à estimer.
Le plan psychique et le plan physique avaient une temporalité différente et le coffre en lui-même pouvait modifier la perception du temps qui s'écoulait à l'extérieur. Ne devrait-il pas déjà être mort, cependant ?
Le Seigneur des Ténèbres avait été en train de lui retirer la Marque. Comment aurait-il pu survivre à ça ? Le coffre avait coupé l'afflux de douleur et la douleur aurait probablement été la cause du décès, théorisa-t-il, son cœur n'aurait jamais tenu s'il avait dû l'endurer, mais… Mais, très certainement, le mage noir l'aurait achevé une fois qu'il n'aurait plus été qu'une coquille vide ?
Excepté s'il comptait se servir de lui pour attirer Harry dans un piège.
Et Harry foncerait tête baissée si le Seigneur des Ténèbres l'appâtait.
Toutefois, Sirius et Albus ne le laisseraient jamais faire.
Sirius saurait le protéger et se méfier de tous les coups tordus que pourrait inventer son fils. Harry savait être retord lorsqu'il le souhaitait. Ce n'était pas pour rien que le Choixpeau l'avait envoyé à Serpentard au début de l'année. Son ancien rival savait tout ça. Il saurait se méfier.
Le piège échouerait et, le Seigneur des Ténèbres n'étant pas connu pour sa patience, il finirait par l'achever.
Nymphadora viendrait le chercher et tout serait fini.
Il lui fallait juste attendre.
Attendre.
Severus était patient.
Très patient.
Extrêmement patient.
Mais à la cinquième répétition de ce cycle où il inspectait les limites du coffre, s'asseyait ici ou là, revisitait un souvenir favori, et attendait davantage que Nymphadora vienne lui ouvrir le Voile, il commença à se dire que quelque chose n'allait pas.
Cela prenait trop de temps.
Il était possible, bien sûr, qu'elle ait changé d'avis et l'ait abandonné pour de bon. Elle avait une bonne excuse : elle était morte à cause de ses erreurs passées.
Mais cela n'expliquait pas pourquoi il ne mourrait pas.
Les grilles du parc étaient en métal ouvragé mais rouillé comme le reste et, surtout, cadenassées d'une chaine épaisse et indestructible. Il plongea la main dans la poche de sa robe noire et referma les doigts sur la clef, la tournant et la retournant entre ses doigts.
Il était tenté de sortir.
Mais la douleur…
Peut-être s'était-il passé moins de temps à l'extérieur qu'il ne le pensait.
Peut-être son corps était-il toujours en train de souffrir le martyre et cette douleur là…
Il était coutumier de la souffrance, c'était une vieille amie de laquelle il s'accommodait, mais la douleur qui l'avait envahi lorsque le Seigneur des Ténèbres avait commencé à lui arracher la Marque était pire que tous les Doloris, pire que les coups de Tobias, pire que tout ce qu'il avait jamais éprouvé. C'était la magie noire pure contenue dans la Marque qui avait essayé de le brûler alors qu'elle était déracinée et la magie noire pouvait être extrêmement douloureuse.
Il recula, laissant la clef là où elle était.
Assez de souffrance.
Assez.
Il retourna à sa balançoire, attrapa la chaine rouillée dans sa main et y appuya la tête.
Il était en paix avec sa propre mort.
Son seul regret était de laisser Harry.
Harry était un trou béant dans son cœur.
Mais il était en paix.
Il ne voulait plus souffrir. Plus comme ça.
C'était lâche d'abandonner, il le savait mais…
Il ferma les yeux.
Nymphadora était morte.
Et ce souvenir là était peut-être à l'extérieur du coffre mais il en sentait pourtant toujours la morsure aussi profondément que s'il avait été là avec lui. La douleur était un puits sans fond. Il voulait juste que tout s'arrête. N'avait-il pas fait sa part ? Il s'était battu jusqu'au bout comme il l'avait promis à Harry. N'avait-il pas mérité le repos ? N'avait-il pas gagné le droit de…
Il voulait la revoir…
Il voulait la revoir ne serait-ce qu'une dernière fois…
Il pouvait accepter une éternité de tourments sans elle à expier ses fautes s'il était autorisé à la revoir une dernière fois… À lui dire…
Il avait indirectement causé sa mort, exactement comme il l'avait toujours craint… L'histoire se répétait. Et pourtant, trop égoïste, il n'aurait pas changé une ligne de leur histoire. Pas un mot. Pas un…
Il voulait la revoir.
C'était faux, il aurait changé la fin, bien évidemment.
Il aurait pris sa place.
Il serait mort pour la laisser vivre.
Il voulait la revoir.
Il refit le tour de son coffre toujours aussi impénétrable. Si le Seigneur des Ténèbres avait repris ses assauts, avait mis ses souvenirs en charpie, au moins, le coffre tenait bon. Il ne sentait même pas l'intrusion. Il ne sentait rien.
Et cela commençait à l'angoisser.
L'impression de claustrophobie le prit à la gorge bien qu'il soit techniquement au grand air.
Le parc était une illusion et s'il s'aventurait à y penser, il n'était, au fond, plus que sa conscience enfermée dans une poche hermétique au fond de sa tête. Il était prisonnier. Coincé.
À nouveau, il reprit le chemin qui menait aux grilles, à nouveau il en contempla les lourdes chaines retenues par un cadenas… Encore une autre illusion, comme la clef qui lui brûlait la poche, comme…
Soudain, sans prévenir, après une éternité sans aucun changement, le vent forcit brusquement. Les grilles s'agitèrent comme secouées par une tempête qui n'aurait jamais dû les toucher. Rien n'aurait dû les atteindre. Le coffre était trop bien protégé, trop bien caché, trop…
Peut-être était-ce la mort qui le rattrapait enfin ?
Peut-être…
Les grilles battaient à présent, uniquement retenues par les chaines épaisses qui les fermaient…
Malgré lui, il approcha…
La bourrasque de vent le heurta de plein fouet et…
Il ferma les yeux, inclina la tête…
S'il avait eu un véritable cœur dans sa poitrine, il se serait emballé parce que…
Était-ce une autre illusion ? Son esprit qui lui jouait des tours ?
La tempête n'était rien d'autre qu'une tornade d'émotions qui n'étaient pas les siennes… Mais l'esprit auquel elles appartenaient lui était aussi familier que celui d'Harry…
L'espoir le prit.
L'espoir que…
Luttant contre le vent qui n'en était pas, il se fraya un chemin jusqu'aux grilles, posa la main sur le cadenas… Il n'avait pas véritablement besoin de la clef dans sa poche, n'avait pas véritablement besoin de…
À la seconde où il déverrouilla le coffre, les mots le heurtèrent comme autant d'uppercuts.
Reviens-moi. Reviens-moi. Reviens-moi.
En boucle.
Son esprit quitta la poche enterrée sous ses boucliers et s'élança en direction de l'intrus sans plus tergiverser. Soit c'était un piège et alors il se ferait tuer. Soit c'était bel et bien la mort qui venait le cueillir et la mort avait sa voix, ses traits, sa forme…
La tempête était un hurlement de souffrance et d'amour mêlés.
Il trouva son esprit sans mal qui hurlait, en périphérie du sien, et l'embrassa dans une tentative malhabile de faire taire sa douleur.
Il abhorrait l'idée qu'elle souffre.
Il étreignit son esprit et accepta que c'était la fin, attendit que le Voile se soulève et qu'elle l'emporte, que…
Tout explosa.
Il se retrouva projeté loin d'elle et il la perdit.
Elle n'était plus dans son esprit.
Elle n'était plus…
Mais c'était le dernier de ses soucis.
Parce que hors du coffre, son instinct de survie s'était réveillé et son instinct de survie voyait tous ses souvenirs éparts et transformés en système de défense se tourner vers lui.
Voilà qui allait être douloureux, eut-il le temps de penser, juste avant qu'ils ne l'assaillent de toute part et qu'il ne perde complètement pied.
°O°O°O°O°
Longtemps, Severus erra dans ce demi-plan de conscience, forcé de subir pendant que sa tête se remettait en ordre…
Il voulut se replier vers le coffre à un moment mais c'était impossible.
Occluder était impossible.
Il n'y avait rien d'autre à faire que d'attendre que cela passe ou le tue.
Et puis, finalement, au bout d'un très long moment, tous les morceaux de son esprit semblèrent s'être recollés dans le bon sens et il fut enfin libre de sombrer dans une inconscience totale.
°O°O°O°O°
Quasi-totale.
°O°O°O°O°
Il lui semblait refaire surface parfois et entendre des voix familières sans parvenir à les identifier.
C'était étrange d'avoir à nouveau la sensation de lourdeur qui venait avec un corps, de redevenir plus qu'un esprit sans attaches.
Il n'arrivait pas à ouvrir les yeux, avait du mal à se réapproprier sa forme physique.
°O°O°O°O°
Le temps s'étirait.
Minutes ?
Heures ?
Jours, peut-être ?
Des gens lui parlaient mais les mots n'avaient aucun sens. Certaines voix lui nouaient la gorge mais il n'aurait pas su dire qui ou pourquoi.
Il sentait des mains qui prenait les siennes et il les serrait par réflexe.
On le touchait. Ses cheveux, son visage, ses épaules… Il n'aimait pas ça. S'agitait.
Plus de voix.
Rassurantes.
Il s'apaisait.
Il n'arrivait pas à ouvrir les yeux.
°O°O°O°O°
Sa tête lui faisait mal à en hurler.
°O°O°O°O°
Et puis, finalement, après une errance interminable, au prix d'un effort qui le laissa nauséeux, il parvint à entrouvrir les paupières.
« Severus ? » appela quelqu'un, une voix familière.
Et pour la première fois, les mots avaient un sens.
Il leva la main par réflexe, chercha…
Une main se referma sur la sienne, la poigne forte et solide. Il la serra par réflexe, désorienté et cherchant à s'ancrer à quelque chose.
« Severus ? » insista la voix.
Il lui fallut quelques secondes pour l'identifier.
« Sirius… »
Sa voix était rauque, pâteuse…
Le rire qui lui répondit était incongru. Soulagé, peut-être.
Severus tentait toujours de soulever pleinement les paupières, d'ouvrir correctement les yeux… Il voulut bouger, se réapproprier son corps…
« Doucement. » le mit en garde l'Animagus. « Ça fait un moment que tu dors. On commençait à se dire que tu n'allais jamais te réveiller. »
Dormir… Dormir n'était pas le bon terme.
Il n'avait été endormi, il avait été…
Le coffre était distant, son expérience flou, et, surtout, il n'osait pas trop fouiller dans sa tête parce qu'elle lui faisait tellement mal… Ses boucliers étaient hors de portée. Ses souvenirs en désordre ou, si ce n'était en désordre, du moins encore en train de regagner leur place habituelle…
Il n'arrivait pas à bouger.
Et dans un sursaut de lucidité et d'horreur, il comprit.
« Jambes… » souffla-t-il, son esprit encore trop pâteux pour les phrases, s'accrochant à la main de son ancien rival simplement pour se prouver qu'il le pouvait, que ses doigts, bien que tremblants, fonctionnaient encore, eux. « Paralysées ? »
« Quoi ? » s'inquiéta l'Animagus.
« Peux pas bouger… » murmura-t-il, s'obligeant à mettre les mots dans le bon ordre. Un semblant de…
Il cherchait toujours à ouvrir les yeux en entier.
« Oh… » soupira Sirius avec soulagement. « Non, c'est ce qui arrive quand on a un tigre à moitié couché sur soi en permanence. Crois-moi, je sais, j'ai les bleus pour le prouver. »
Ça n'avait aucun sens.
Si ?
Il parvint finalement à ouvrir les paupières à temps pour voir Sirius secouer l'énorme forme féline roulée en boule à moitié sur la couverture qui recouvrait ses jambes.
Un tigre.
Il lui fallut quelques secondes pour comprendre.
Harry.
Le soulagement de le retrouver après tout ce qu'il s'était passé l'envahit d'un coup. Il s'était préparé à ne jamais le revoir, à mourir, à le laisser derrière et…
La tête du tigre se redressa brusquement et, dans un mouvement d'humeur, il grogna sur son parrain. Un grondement sourd qui aurait probablement arrêté une armée au pas de charge et provoqua, chez lui, une réponse instinctive d'envie de fuite.
Cet instant s'effaça bien vite lorsque les yeux verts se posèrent sur lui et, semblant oublier sa mauvaise humeur du réveil, le tigre se leva d'un bon souple et remonta plus haut sur le lit trop large pour un lit d'hôpital jusqu'à venir lui asséner des coups de tête contre sa joue.
Severus laissa échapper un grognement devant la brutalité accidentelle de ces marques d'affection mais lâcha Sirius pour attraper la fourrure du fauve à pleines mains, incapable de s'empêcher de sourire…
« Doucement, Harry. » enjoignit Sirius, riant à moitié. « Il n'a pas encore l'habitude… »
Harry l'ignora royalement, émettant des bruits entre le rugissement et le gémissement de détresse, lui donnant des coups de tête, ce qui n'améliorait pas sa migraine, frottant son museau contre sa joue, son cou…
« Kreattur. » appela l'Animagus.
Il y eut un craquement mais Severus ne pouvait rien voir d'autre que le tigre qui lui bouchait la vue et Harry s'agitait trop. Il finit par passer les bras autour de son cou juste pour le coincer et l'empêcher de lui cogner la tête avec son crâne de prédateur un peu trop solide. Il n'avait pas mesuré à quel point sa forme animale serait massive. Il agissait comme un chiot mais un seul coup d'œil aux énormes crocs prouvait qu'il était bien plus dangereux qu'il ne le réalisait peut-être.
À sa décharge, l'adolescent se laissa faire sans protester, s'allongeant aussi près de lui qu'il le pouvait sans l'écraser, apparemment heureux de poser sa grosse tête sur son épaule.
« Va chercher Andromeda, dis-lui qu'il est conscient et réactif. » ordonna Sirius. « Puis va prévenir Tonks. »
Tonks…
Son nom était un coup de poignard en plein cœur.
« Oui, Maître. » croassa la voix de l'elfe des Black, avant qu'un nouveau craquement ne l'emporte.
Tonks.
C'était impossible.
Il avait mal entendu ou il ne s'agissait pas de cette Tonks là.
Il n'était pas tout à fait certain d'être vraiment réveillé.
Les pensées tourbillonnaient dans sa tête douloureuse, les questions…
Il était dans une des annexes de l'infirmerie. Il reconnaissait les panneaux de bois aux murs, la forme de la pièce…
Mais… Comment ?
« Sirius… » marmonna-t-il.
Le sorcier se rapprocha immédiatement du lit, posant une main sur l'échine du tigre et appuyant l'autre sur l'oreiller au-dessus de sa tête pour mieux le surplomber. Severus détesta ça mais saisit l'occasion d'étudier son ancien rival, les cernes sous ses yeux, la barbe incontrôlée qui lui mangeait les joues, ses vêtements froissés…
« Sirius, pourquoi mon fils est-il un tigre ? » demanda-t-il.
Il avait peut-être l'esprit embrumé mais pas au point de ne pas remarquer que ce n'était pas normal qu'Harry n'ait pas encore repris forme humaine.
L'Animagus eut l'air gêné mais se reprit très vite. « Une excellente question que je devrais te poser. Pourquoi tu ne m'as pas dit que mon filleul s'entraînait à devenir un Animagus ? »
La riposte le prit de court.
Pourquoi ne l'avait-il pas dit à Sirius ? Il n'était pas certain. Il…
Le regard fuyant de l'ancien fugitif lui fit dire qu'il cherchait à noyer le poisson.
« Black. » gronda-t-il, s'attirant un petit coup de tête réconfortant du tigre dans le menton.
Sirius grimaça. « D'accord, d'accord… Mais ne hurle pas. »
Ce n'était jamais un bon préambule.
« Les Dursley ? » l'interrompit-il, lorsqu'il eut commencé à lui expliquer, dans un dangereux sifflement.
Le tigre poussa un grondement que Severus fit taire d'une caresse.
« Je sais, je sais… » soupira Sirius, en se frottant le visage. « Pour ce que ça vaut, Tonks et moi, on a fait ce qu'on a pu. Dumbledore… » Il poussa un autre soupir. « Severus, je ne sais même pas par où commencer… »
C'était la deuxième fois.
La deuxième fois.
Il cadenassa la graine d'espoir qui voulait naître dans son cœur.
Comme s'il sentait sa détresse, le tigre laissa échapper un léger gémissement et poussa à nouveau son menton d'un coup de tête. En termes de marques d'affection, Severus préférait encore ses étreintes brutales.
« Nymphadora… » lâcha-t-il.
L'expression de Sirius se figea d'horreur. « Merde. Oui, j'aurais dû commencer par ça. Elle est vivante. »
Severus ferma les yeux, pris à la gorge par des émotions qu'il ne pouvait pas contenir sans ses boucliers. Il déglutit plusieurs fois sans parvenir à avaler la boule qui rendait sa respiration trop hachée. Ses yeux le brûlaient.
Il ne voulait pas céder à cet espoir qui menaçait de l'engloutir.
Il…
Si c'était un piège, si rien de tout ceci n'était réel…
Le tigre le gronda d'un semi-rugissement puis une langue râpeuse attaqua sa joue et Severus rouvrit brusquement les yeux pour le fusiller du regard. Le fauve n'eut même pas le bon sens d'avoir l'air coupable.
« Nymphadora est morte. » déclara-t-il. Pour lui-même. Pour Harry. Et pour Sirius, peut-être. « Anthony l'a faite tuer. À cause de moi. »
« Charlie a résisté au sort autant qu'il l'a pu. » contra son ami. « Elle a été blessée, c'est passé très, très près, mais elle est remise. Elle ne t'a pratiquement pas quitté, tu sais. Surtout depuis que tu as cessé de trainer dans ton coffre… Mais le Premier Ministre Moldu a exigé de voir Scrimgeour, ce qui, bien sûr, a posé problème puisqu'il est… » Sirius s'interrompit puis haussa les épaules. « Elle est à Downing Street, c'est elle qui a les contacts là-bas, elle était obligée d'accompagner Dumbledore. J'ai envoyé Kreattur, elle va revenir aussi vite que possible. »
Trop d'informations…
Elles n'avaient pas toutes de sens et…
La porte de la chambre s'ouvrit tout d'un coup et il se tendit, cherchant par réflexe sa baguette…
Bellatrix…
Non, Andromeda.
Andromeda qui lui souriait comme si elle était heureuse de le voir, ce qui était… Ce n'était pas normal. Andromeda ne l'appréciait pas, appréciait encore moins sa relation avec sa fille et…
Et si rien n'était réel ?, murmura une petite voix à l'arrière de son crâne. Et si Voldemort avait détecté le coffre, trouvé un moyen d'en percer les défenses et lui faisait à présent miroiter une fausse existence où… Dans quel but ? Découvrir ses secrets ? S'il avait accès au coffre, il avait accès à tout le reste. Le torturer ? En lui donnant ce qu'il désirait le plus ? Harry et Nymphadora ?
« Severus… Je suis heureuse de vous voir conscient. » déclara la sorcière.
Rien n'avait de sens.
Rien n'avait de…
« Combien de temps ai-je perdu ? » demanda-t-il, dirigeant sa question vers Sirius, ignorant la Médicomage.
« Une semaine et demie, à peu près. » répondit Sirius. « Mais il s'est passé beaucoup de choses. »
Suffisamment de choses pour qu'Andromeda Tonks soit heureuse de le voir après qu'il ait manqué faire assassiner sa fille ?
Si tant était qu'elle soit réellement…
« Nymphadora ? » demanda-t-il, dirigeant sa question vers la sorcière, jaugeant sa réponse, pas tout à fait certain que ce n'était pas Bellatrix ou le Seigneur des Ténèbres ou…
« Elle va revenir. Kreattur est allé la prévenir. » lui répondit Andromeda avant de gratter l'épaule du tigre à moitié avachi sur lui comme si c'était totalement naturel. « Sors de là, tu veux ? » Harry laissa échapper une série de grondements mécontents. « Oui, eh bien, c'est toujours la même chose, Harry. Je suis ravie d'en discuter si tu veux bien reprendre forme humaine. Sinon, écarte-toi. Je dois l'examiner. »
Harry grommela un peu plus puis sauta du lit pour aller s'asseoir aux pieds de Sirius qui lui gratta la tête sans même sembler y penser. Comme s'il s'agissait d'un gros chat et pas d'un adolescent.
Severus s'humecta les lèvres. « Pourquoi mon fils est-il un tigre ? »
Il avait déjà posé la question et n'avait pas obtenu de réponse satisfaisante.
« Il refuse de redevenir humain. » expliqua calmement Andromeda, en jetant plusieurs sorts de diagnostic. « J'ai bon espoir qu'il change d'avis maintenant que vous êtes de retour parmi nous et nous allons avoir une discussion sérieuse sur son régime alimentaire, vous et moi. »
Il ne comprenait pas de quoi elle parlait.
Ou pourquoi le régime alimentaire de son fils la regardait.
Ou…
« Vous avez l'air relativement cohérent. » remarqua la Médicomage.
Relativement était sans doute le mot clef de cette phrase.
« Pourquoi mon fils est-il un tigre ? » répéta-t-il pour la troisième fois, avec une anxiété grandissante.
« Parce que j'ai merdé. » lâcha Sirius. « Je t'expliquerai plus tard, quand tu iras un peu mieux. Mais Harry va bien physiquement. »
Physiquement.
Physiquement ne voulait pas dire mentalement.
Les Dursley.
Il avait mentionné les Dursley.
« Sirius et Dora ont pris soin de lui. » intervint Andromeda. « Occupons-nous de vous, à présent. Pouvez-vous me dire votre nom, votre âge et… »
« Nymphadora ? » la coupa-t-il.
Aucun d'eux ne faisait sens.
Il n'était toujours pas entièrement persuadé que rien de tout ça soit réel.
« Elle arrive. » répéta Sirius.
« Severus. » insista Andromeda, en touchant son épaule pour attirer son attention. « Votre rythme cardiaque et votre tension sont très élevés. »
« Parce que personne ne veut me dire ce qu'il se passe ! » s'énerva-t-il, en essayant de se redresser.
Ce qui s'avéra être une erreur.
Le vertige manqua le plier en deux et il serait lourdement retombé en arrière si Andromeda ne l'avait pas retenu. Avec un regard désapprobateur, elle tapa le lit d'un coup de baguette pour le surélever un peu dans son dos, le laissant en position assise.
« Je comprends que vous soyez désorienté mais j'ai besoin de vous examiner. » rétorqua la Médicomage. « Et vous devez vous calmer. Vous ne rendrez service à personne en faisant un infarctus. »
Il leva les yeux au ciel, ce qui n'arrangea pas sa migraine. « C'est le refrain préféré de Poppy. »
« Vous devriez écouter Poppy plus souvent. » rétorqua-t-elle. « Elle sait de quoi elle parle. Allez-vous vous tenir tranquille ou bien dois-je vous rendormir ? »
Il la fusilla du regard mais se tint tranquille pendant qu'elle jetait davantage de sorts de diagnostic.
« Votre nom, votre âge, le nom de toutes les personnes présentes dans la pièce. » exigea-t-elle ensuite.
« N'avons-nous pas déjà joué à ce petit jeu, la dernière fois que le Seigneur des Ténèbres m'a capturé ? » soupira-t-il, en se frottant le visage.
Le tremblement de ses mains était prononcé mais ne semblait pas s'être aggravé. La douleur dans sa jambe remontait jusqu'à sa hanche mais n'était pas insupportable.
Par contre…
« Je sais que ça vous parait idiot mais il faut en passer par là. » contra Andromeda. « Alors ? »
Severus ne l'écoutait plus.
Sa tête le lançait d'une migraine terrible, ses mains tremblaient, sa jambe lui faisait mal mais… Il leva son bras gauche, remarqua l'absence de bande de gaze dépassant de la manche de son pyjama…
C'était tellement étrange de ne pas avoir mal au bras gauche.
Son cerveau cherchait presque la douleur et ne comprenait pas pourquoi il n'en trouvait plus.
La main de la Médicomage se posa sur la sienne alors qu'il s'apprêtait à relever sa manche, stoppant son geste.
« Severus, allez-y doucement, voulez-vous ? » insista-t-elle. « Ça fait beaucoup de chocs d'un coup. »
« Je n'ai plus mal. » lâcha-t-il. « Je… Je ne la sens plus. »
« Tu n'as plus de Marque. » expliqua Sirius, s'attirant le regard courroucé de sa cousine.
« Est-ce que je ne viens pas de dire doucement ? » grinça cette dernière.
Plus de Marque…
« C'est impossible. » commenta-t-il. « Impossible. » Il secoua la tête, oubliant momentanément sa migraine. « Rien de tout ceci n'est réel. » L'angoisse le prit à la gorge. « C'est un piège. Le Seigneur des Ténèbres. Ce n'est pas réel… »
Il poussa au-delà de la douleur jusqu'à reprendre le contrôle de ses boucliers, chercha à les mettre entre lui et quoi que soit cette illusion…
« Severus, c'est très réel. » contra Andromeda, un peu alarmée. « Je sais que c'est difficile à appréhender. Il s'est passé beaucoup de choses en votre absence et… »
« Non. » siffla-t-il. « Non, ce n'est pas… Nymphadora est vivante ? Plus de Marque ? Vous ne me ferez pas croire que… »
« Harry m'a drogué et m'a faussé compagnie pour aller te sauver. Il a réussi mais c'était censé être une mission suicide et on ne l'a récupéré que de justesse. » l'interrompit Sirius, comme s'il n'y tenait plus. « Lucius Malfoy est mort, Narcissa est enceinte. Le Ministère a été complètement détruit. Percy Weasley est mort. Flitwick aussi, d'ailleurs. Et beaucoup trop de gamins. Ensuite, Dumbledore est devenu Ministre, Poudlard est le dernier bastion libre du Royaume-Uni et Harry est retourné chez les Dursley. À ma décharge, j'ai vraiment essayé de l'empêcher. Évidemment le plan génial de Dumbledore a foiré et Voldemort a attaqué Privet Drive. Vernon Dursley est mort. Harry a tué MacNair sous sa forme de tigre avant qu'on ne l'évacue et il ne veut plus redevenir humain depuis. Et il faut pratiquement le forcer à se nourrir parce qu'il ne supporte plus la viande mais les tigres, c'est pas vraiment herbivore. Ah, et Tonks a apparemment vraiment agacé Voldemort parce que les Mangemorts attaquent partout et qu'il y a des Inféris aux quatre coins du pays, les Moldus meurent à la pelle. Voilà, je crois que j'ai fait le tour. Alors, tu vois, ta Marque et Tonks, c'est à peu près les deux seuls points positifs. » Il grimaça. « Juste au ca où tu pensais que c'était un monde parfait. »
« Sirius ! » s'exclama Andromeda avec colère.
Pas autant de colère que le coup de patte, griffes rentrées, que lui asséna Harry derrière le genou et qui manqua le faire trébucher.
Mais Severus, lui, contre toute attente, se calma un peu.
Il n'avait pas tout saisi et il allait lui falloir davantage de détails mais…
Lentement, il relâcha ses boucliers et, écartant la main de la Médicomage, releva sa manche.
Son avant-bras était blême.
Il ne restait pas même une ombre.
Pas une cicatrice.
Il n'aurait pas su dire ce qu'il éprouvait.
C'était comme l'absence de douleur.
Trop étrange.
Lentement, il reporta le regard sur Sirius, s'efforçant d'organiser ses pensées, de… « Mission suicide ? »
L'Animagus secoua la tête avec un coup d'œil discret pour le tigre à ses pieds. « On en parlera plus tard. Toi et moi. »
Parce qu'il ne voulait qu'Harry entende ce qu'il avait à dire, ce qui signifiait que ce n'était sans doute pas bon.
« Dumbledore est Ministre ? » répéta-t-il ensuite.
Andromeda se racla la gorge. « Oui, et ce n'est pas un franc succès pour le moment. Peut-on se concentrer sur vous, Severus ? J'ai besoin de vérifier que… »
La porte de la chambre s'ouvrit brusquement.
Et toute pensée cohérente déserta Severus.
Son regard passa des bottes en cuir au jean usé, glissa sur le tee-shirt et les cheveux une teinte trop sombre qui lui tombaient sur les épaules, avant de finalement croiser les yeux gris déjà pleins de larmes.
Les siens le brûlaient et sa gorge était beaucoup trop serrée.
Il y a plus d'une manière d'arracher le cœur de quelqu'un.
Mais son cœur était là, sur ses deux jambes, bien vivant.
Elle laissa échapper un bruit qui ressemblait à un sanglot étouffé puis elle s'élança et Severus, vaguement conscient qu'Andromeda s'était reculée pour lui laisser la place, ne put qu'ouvrir les bras.
Il oublia tout le reste.
Il oublia tout le reste parce que, à cet instant, il n'y avait qu'elle qui comptait, que cette seconde chance impossible qui lui était offerte.
À la seconde où il referma les bras sur elle, il se sentit plus léger. Sa respiration se fit plus facile, tous ses doutes s'effacèrent…
Si c'était une illusion, il voulait s'y complaire.
Il effleura à peine ses mèches brunes qu'elles virèrent soudain au rose vif, lui arrachant un sourire qu'il n'eut pas le temps de terminer parce qu'elle encadra son visage de ses mains et l'embrassa.
Un baiser qu'il lui rendit avidement bien qu'un peu maladroitement.
Il la serrait si fort qu'il devait lui faire mal mais il aurait été incapable de la lâcher si une nouvelle tempête magique avait ravagé l'infirmerie. Leurs lèvres se détachèrent juste assez longtemps pour une inspiration tremblante avant de se retrouver avec désespoir. Elle pleurait. Il sentait ses larmes tomber sur son propre visage, en goûtait le sel sur sa bouche…
Il détestait la voir pleurer.
Tendrement, il repoussa ses cheveux derrière son épaule, glissa une main tremblante jusqu'à sa nuque, appuya le front contre le sien, euphorique de sentir son odeur, du goût de ses lèvres sur les sienne…
« Mon amour… » murmura-t-il.
Le bruit étranglé qui échappa à la jeune femme était entre le sanglot et le rire.
Le baiser qu'elle vola ensuite était plus qu'humide de larmes.
« J'ai cru que tu étais mort. » avoua-t-elle contre sa bouche.
Il fronça les sourcils, sans comprendre comment ou pourquoi… Mais les explications pouvaient attendre un peu plus longtemps.
« Tu étais morte. » contra-t-il. « Le carnet… »
« Et, du coup, il a fallu que tu en fasses une compétition ? » rétorqua-t-elle, en s'écartant un peu. « Il fallait que tu fasses pire que moi en te faisant capturer par Voldemort puis en allant t'enfermer dans ta propre tête ? »
« Mon coffre… » contra-t-il.
« Que tu n'utiliseras plus jamais. » le coupa-t-elle, en secouant la tête, le désespoir envahissant ses yeux gris. « Je t'ai demandé de revenir… »
C'était elle qui avait atteint son coffre, forcément. Il ne comprenait pas bien comment, elle n'était pas Legilimens mais… Il avait été en train de l'attendre. Pour mourir, certes, mais il l'attendait bel et bien et… Peut-être cela avait-il suffit pour lui permettre l'accès. Peut-être ses défenses l'avaient-elles laissée passer parce que son subconscient l'attendait…
« Je t'ai entendue. » offrit-il. « Je suis revenu. »
Il effaça les larmes de ses joues avec ses pouces, l'observant tout son soul, y croyant à peine…
« Nymphadora… » souffla-t-il. « Je… »
Ce fut à ce moment précis, alors qu'il s'apprêtait à lui dire très franchement ce qu'il éprouvait pour elle, qu'il se rappela qu'ils n'étaient pas seul.
Principalement parce qu'il y avait un tigre qui les observait à la dérobée, les yeux verts grand ouverts, beaucoup plus proche qu'il ne l'avait été quelques secondes plus tôt. Du tigre, son regard passa à Sirius qui se tenait là, les bras croisés et l'air un peu gêné, à Andromeda qui cillait rapidement comme pour maîtriser des larmes, à Albus Dumbledore qui, sur le seuil, avait, lui aussi, les yeux un peu trop brillants.
Severus se sentit rougir jusqu'à la racine des cheveux.
« Ah, mon garçon… Ne soyez pas embarrassé… » soupira le Directeur. « Nous avons tous besoin d'un peu plus d'amour en ce monde. »
Alité ou pas, à peine revenu d'entre les morts ou pas, le Maître des Potions n'était pas sorcier à se laisser déstabiliser aussi facilement.
Il transforma donc cet embarras en colère.
« Vous avez renvoyé mon fils chez Pétunia ? » siffla-t-il, sans autre forme de procès.
Albus perdit bien vite son air réjoui et, très curieusement, s'excusa dans la seconde pour aller traiter une urgence en promettant de revenir très vite.
« Je suis heureux de vous retrouver. » offrit-il, avant de s'enfuir.
Il n'allait pas être heureux longtemps, se promit Severus, en son fort intérieur.
Cependant, il était difficile de rester en colère lorsque ses doigts étaient entrelacés à ceux de Nymphadora et qu'Harry était là, en un seul morceau à défaut de sous forme humaine. Il se plia même bon gré, mal gré à l'examen d'Andromeda, répondit à ses questions stupides censées déterminer si son cerveau fonctionnait correctement – son cerveau fonctionnait très bien ou, du moins, fonctionnerait à nouveau normalement dès que cette migraine se serait estompée – et accepta finalement la dose d'antidouleur qu'elle lui tendit avec un regard impérieux.
Le temps que la Médicomage ait décrété qu'il vivrait mais devait se reposer, Sirius s'était laissé aller sur une chaise à côté du lit, Nymphadora était toujours assise sur le bord du matelas et Harry avait calé sa tête sur la jambe de la jeune femme qui lui caressait la tête distraitement.
Il attendit docilement qu'Andromeda soit partie après avoir réitéré qu'il devait prendre du repos, puis se hissa un peu plus haut dans le lit, s'appuyant contre les oreillers dans son dos pour combattre la sensation de vertige. Et là, il les dévisagea tous tour à tour, faisant de son mieux pour ne rien laisser paraître de son inconfort.
« J'ai trois questions. » annonça-t-il.
« Trois seulement ? » se moqua Sirius, sans véritable humour. « Et moi qui pensais que ça allait être compliqué… »
« Un : pourquoi traitez-vous tous mon fils comme s'il était un animal et pas un humain ? Deux : sommes-nous en sécurité ? » énuméra-t-il lentement. « Et trois : es-tu certaine que tu vas bien ? »
La dernière question était adressée à Nymphadora.
Parce qu'il sortait peut-être d'un pseudo-coma magique – Andromeda n'avait pas mâché ses mots quant à ce qu'elle pensait de son coffre – mais il n'était pas aveugle. Miracle ou pas miracle, la jeune femme était l'ombre d'elle-même. Et ce n'était pas dû qu'aux cernes sous ses yeux ou aux quelques égratignures et hématomes plus ou moins importants sur ses bras et, le supposait-il, sur le reste de son corps. Ses cheveux avaient lentement virés au noir pendant que la Médicomage l'auscultait, un brun plus sombre que sa couleur naturelle. Pourtant, elle n'avait pas l'air furieuse or le noir, d'ordinaire, signifiait la fureur. Et il y avait comme une ombre dans son regard. La manière dont elle se tenait, aussi, dans une posture un peu défaitiste, trop vulnérable, l'alarmait.
Le hurlement dans son esprit, celui qui l'avait sorti du coffre… Il y avait eu tellement de douleur…
Il sut que c'était grave lorsqu'elle ne fit même pas l'effort de faire semblant. Elle s'humecta les lèvres, entrelaçant à nouveau leurs doigts. « On en parlera en privé. »
Il fouilla son regard, incapable de se reposer sur ses dons de Legilimens, même pour un simple balayage de surface, parce que la migraine lui vrillait les tempes…
« Ça va. » promit-elle, en lui serrant la main.
« Non, ça ne va pas. » trancha Sirius. Sous le regard noir de sa cousine, il leva les deux mains. « Désolé, mais non, ça ne va pas. Entre toi et Harry… » Il soupira et croisa le regard de Severus. « Je suis très content que tu sois de retour parmi nous. Je n'en peux plus d'être la personne responsable. »
Nymphadora émit un bruit amèrement amusé. « Je suis plus responsable que toi. » Harry émit un grondement qui aurait pu passer pour un assentiment. « Merci, mon chat. »
Severus leva un sourcil. « Mon chat ? »
Elle rougit un peu et évita son regard, soudain gênée. « J'ai aidé Sirius à s'occuper de lui pendant que tu étais… » Elle grimaça. « Je veux dire… »
« Elle veut dire qu'elle s'est occupée de lui à ta place. » intervint à nouveau l'Animagus.
« Et où étais-tu, toi ? » rétorqua-t-il. « N'avions-nous pas un accord sur le sujet ? »
S'il tombait, Sirius était censé prendre le relais, s'occuper d'Harry comme un père l'aurait fait. Que s'était-il passé pour que Nymphadora soit obligée de remplir ce rôle alors que… Ils n'avaient jamais véritablement discuté de la place qu'elle pouvait occuper auprès du garçon, une fois que cela deviendrait plus sérieux entre eux que cela ne l'était déjà. Elle était si jeune et… Harry n'avait jamais manifesté le désir d'une présence maternelle dans sa vie. Molly Weasley était déjà une constante. Severus n'était pas certain que…
Il ne voulait rien imposer à Harry.
Il était reconnaissant à la jeune femme de l'avoir fait spontanément mais il aurait préféré pouvoir en discuter avec son fils d'abord. Il avait toujours été entendu qu'il ne prendrait aucune grosse décision qui les affecterait tous les deux sans en parler avec lui au préalable or laisser Nymphadora s'impliquer ainsi lui paraissait être une énorme décision.
L'Animagus avait l'air à moitié résigné, à moitié désespéré. « J'ai merdé, d'accord ? J'ai merdé et… »
« Ce n'était pas la faute de Sirius. » l'interrompit Nymphadora. « Harry aurait pu mieux gérer la situation. »
Nouveau grondement du tigre, cette fois-ci plus menaçant.
Le Maître des Potions pointa un doigt tremblant dans sa direction. « Si tu veux participer à la conversation, fais-le avec des cordes vocales humaines. »
« Ne sois pas trop dur avec lui. » rétorqua immédiatement la jeune femme, avec un soupçon de nervosité mais pas d'hésitation. Soudain, elle avait l'air mortellement protecteur. « Il a eu des jours difficiles. »
« Sans compter que j'ai essayé la manière forte sans grand succès. » soupira Sirius.
Severus ouvrit la bouche puis la referma, avant de se pincer l'arrête du nez.
Il avait tellement mal à la tête…
Et son corps était fourbu. Ils l'avaient maintenu en bon état grâce à des sorts et des potions mais plus d'une semaine d'inconscience avait laissé des traces.
Techniquement, il aurait pu suivre les conseils d'Andromeda, se rallonger et laisser à plus tard ces conversations difficiles. Pourtant, à nouveau, il sentait l'urgence de la situation et ne pas en connaître tous les tenants et les aboutissants l'angoissait. Comment pouvait-il protéger son fils s'il ignorait dans quel guêpier ils étaient ?
« Racontez-moi tout. » ordonna-t-il. « Lentement et en détails. »
Nymphadora et Sirius échangèrent un regard puis la jeune femme secoua la tête. « Fais-le. Je vais en profiter pour faire un aller-retour au poste des Aurors. Il faut que je briefe Kingsley. Dumbledore a tendance à oublier les détails qui l'arrangent. »
« Comment ça s'est passé avec le Premier Ministre Moldu ? » s'enquit Sirius.
« Mal évidemment. » soupira-t-elle. « Il ne voulait pas tant des explications que des garanties et, ça, on ne peut pas les lui donner. Dumbledore ne comprend pas les Moldus autant qu'il aime à le croire et… » Elle haussa les épaules. « Il faut que je briefe Kingsley. J'ai peur que les Moldus essayent de s'en mêler et la dernière chose dont on a besoin c'est d'un troisième groupe ultra-armé à chaque échauffourée. »
Severus fronça les sourcils. « Sommes-nous si mal en point que ça ? »
« Pire. » répondit franchement Nymphadora, en se levant.
Avec Sirius et Harry qui les fixaient, Severus était un peu mal à l'aise lorsqu'elle se pencha pour l'embrasser, surtout que le baiser s'étira un peu. Pourtant, il était incapable de le lui refuser ou de l'écourter.
Pouvoir l'embrasser tenait du miracle pur et simple.
« Pourquoi tu n'emmènerais pas Harry avec toi ? » suggéra soudain Sirius. Le grondement de protestation ne se fit pas attendre. L'Animagus lui jeta un regard peu impressionné. « On a un accord, il me semble ? Sur le fait que tu doives prendre l'air au moins une fois par jour sinon je te traine dans le parc par la peau du cou devant tout le monde ? »
Il doutait sincèrement que la jeune femme veuille emmener un fauve avec elle où que ce soit, pourtant elle sembla rebondir avec une facilité incontestable. « Oui, viens avec moi, Harry. Je devrais probablement faire une petite patrouille autour du domaine tant que j'y suis, juste pour vérifier que tout est en ordre, ça te dégourdira les pattes et tu pourras me tenir compagnie… » Les oreilles du tigre se dressèrent d'un coup et, sans plus discuter, il se leva et trotta jusqu'à la porte où il attendit qu'elle le rejoigne. C'était visiblement trop facile parce qu'elle fronça les sourcils et échangea un regard étonné avec Sirius. Puis elle haussa les épaules et se pencha à nouveau pour voler un dernier baiser que Severus, une nouvelle fois, fut incapable de ne pas lui rendre. « Je reviens très vite. »
« Je t'attends ici. » ironisa-t-il, s'attirant un sourire amusé.
Cela le rassura un peu qu'elle sourit toujours aussi facilement.
Elle avait l'air bien trop fragile.
Il mit la question Nymphadora de côté pour l'instant puisqu'elle lui avait plus ou moins promis une explication lorsqu'ils seraient seuls et, une fois que la porte se fut fermée, rendit sa pleine attention à l'Animagus.
« Que signifiait ce regard ? » s'enquit-il.
« C'est plus difficile de le convaincre de sortir d'ici d'habitude. » soupira Sirius.
Le Sang-Pur cala les pieds sur le bord du matelas pour balancer sa chaise en arrière dans un équilibre précaire, comme un adolescent. Il n'eut qu'à lever un sourcil pour que l'autre sorcier arrête son numéro et repose ses bottes sales au sol comme une personne normale.
« Il faut que tu saches… » continua l'ancien fugitif, en se penchant un peu en avant, calant ses avant-bras sur ses cuisses, mains nouées. « J'essaye de lui donner un semblant de liberté de temps en temps mais… J'ai ordonné à Kreattur de garder un œil sur lui en permanence, hors de vue. J'ai peur qu'il se fasse du mal. Tonks est d'accord avec moi. »
Severus eut l'impression désagréable qu'on lui déversait un seau d'eau glacé sur la tête.
Instinctivement, il chercha ses boucliers mais son crâne lui faisait toujours mal malgré la potion et il y renonça. Il était certain que ses émotions étaient gravées sur son visage. Sa détresse, son inquiétude…
Sirius baissa la tête, comme s'il était incapable de soutenir son regard, ses propres émotions clairement perceptible dans sa voix. « Je suis désolé. »
« Raconte-moi tout et n'omets rien. » ordonna-t-il. « Non, attends… Ma baguette ? »
Cela faisait déjà une dizaine de fois qu'il la cherchait puis oubliait de la demander. Il blâmait sa tête douloureuse, blâmait ses souvenirs et ses pensées qui étaient toujours en train de se réorganiser, blâmait ses boucliers trop lourds…
Il y avait de fortes chances pour que sa baguette soit perdue et il le savait. La bataille avait été brutale et le Seigneur des Ténèbres n'avait pas été tendre lorsqu'il l'avait désarmé.
« Tonks l'a laissée dans tes appartements. » expliqua Sirius.
Le soulagement qu'il éprouva à savoir qu'elle était intacte était léger comparé à l'inquiétude qu'il éprouvait pour Harry, pour Nymphadora, mais cela le rassura quelque peu de savoir qu'il n'aurait pas à se contenter d'une baguette empruntée ou volée sur un cadavre et qui ne lui répondrait pas tout à fait.
Après avoir exigé que Sirius jette des sorts assurant que leur conversation ne serait pas espionnée, il lui fit signe de commencer à parler.
Il l'interrompit plusieurs fois, incapable de s'en empêcher, parce que certaines décisions de la part des uns ou des autres étaient plus que stupides. Il posa également les questions qui lui semblaient pertinentes. Toutefois, lorsque Sirius eut fini de couvrir les points les plus importants, Severus devait serrer les dents contre la migraine qui lui vrillait les tempes et avait légèrement glissé dans le lit pour trouver une position un peu plus confortable.
« Tu veux que je ferme les rideaux ? » offrit son ancien rival, avec une légère grimace de compassion.
Il accepta d'un hochement de tête et, bien que le changement de luminosité ne soit pas le soulagement immédiat qu'il aurait souhaité, il s'efforça de ne pas perdre de vue ce qui était important.
« Harry a tué quelqu'un. » lâcha-t-il.
Et pas n'importe qui mais MacNair. Cela aurait été suffisamment difficile s'il avait été question d'un sous-fifre lambda que le garçon ne connaissait pas mais MacNair… S'il n'avait jamais côtoyé ou rencontré la version adulte, il s'était trop bien entendu avec la version adolescente. Severus se souvenait l'avoir mis en garde, en songeant précisément à ce genre de scénario-ci…
Harry était d'une nature douce en dépit de tout. Tuer quelqu'un… D'une manière aussi brutale que ce que Sirius lui avait décrit…
Il lui arrivait encore, parfois, de rêver de Quirrel alors MacNair…
« Tu m'en veux. » déduisit l'Animagus, d'un ton dépité.
Severus dut se mordre la langue pour ne pas lui dire que, effectivement, il était plus que contrarié par les décisions que le sorcier avait prises. Sirius se blâmait déjà tellement et, comme Nymphadora, avait l'air tellement à bout que ce ne serait pas productif d'en rajouter.
Oh, ce n'était pas que de la générosité de sa part… C'était simplement qu'il avait besoin de Sirius. Pour les horcruxes, pour Harry, pour…
« Pas pour les Dursley. » répondit-il. « Il est évident que tu as fait ce que tu as pu et l'obliger à emmener Kreattur lui a probablement sauvé la vie. » Il lui jeta un regard noir. « Mais boire ce whiskey ? C'était stupide. On pourrait croire que tu connaitrais toutes les manœuvres de Serpentards, vu ton éducation. »
« J'étais un peu distrait par le fait que j'avais perdu mon meilleur ami, qu'il y avait des morts partout et que Draco vrillait complètement. » se défendit Sirius.
Il se redressa légèrement, éprouvant une pointe de plaisir à l'idée que… « Tu n'as pas mentionné Lupin. A-t-il péri dans la bataille ? »
Il n'allait sûrement pas pleurer sur sa tombe.
Ah… Mais cela expliquait peut-être la tristesse qu'il avait senti chez Nymphadora. Peut-être que…
« Quoi ? Non. » le détrompa Sirius, en fronçant les sourcils.
Severus était déjà suffisamment confus comme ça, sans qu'il n'en rajoute. « Ton meilleur ami. Qui d'autre pourrait-ce… »
La réponse lui apparut avant qu'il n'ait terminé la question, principalement parce que l'Animagus avait détourné la tête, un peu gêné.
« Oh. » lâcha-t-il, avant de se racler la gorge. « S'il s'agit d'une tentative pour atténuer ma colère, sache qu'elle est pathétique. »
Sirius croisa son regard où brillait beaucoup d'ironie. « Tu m'as démasqué. »
« Évidemment. » se moqua-t-il, avant de se frotter les yeux, ramenant la conversation sur le seul sujet qui importait. « Harry. »
« Il m'a vraiment fait peur. » admit Sirius. « C'est une chose de se lancer à ta poursuite, c'est une autre de le faire sans même essayer d'en réchapper. On n'a même pas eu le temps de parler de la bataille, lui et moi… Il se sentait coupable de ce qui s'est passé dans les cachots. »
« Évidemment. » répéta-t-il, dans un soupir. « Il se sent toujours coupable de tout. »
« Oui, mais couplé au fait que tu étais en passe de mourir puis dans un coma qu'on ne comprenait pas… » insista l'Animagus. « C'était déjà suffisamment compliqué sans rajouter le tigre et MacNair dans l'équation. D'ailleurs, à ce sujet… Je sais que tu as plus de raisons que moi d'être en colère mais, je ne vais pas te mentir, découvrir que mon filleul a passé des mois à s'entraîner à devenir Animagus de la bouche de Dumbledore et de McGonagall… Ça ne m'a pas vraiment fait plaisir. »
Il pouvait l'entendre.
« Harry ne souhaitait pas t'en parler, initialement. » expliqua-t-il. « J'ai suggéré que tu serais la personne la plus appropriée pour l'aider, crois-le ou non. Il t'en voulait encore trop à ce moment là. Ensuite… J'avais trop de préoccupations pour y penser, Sirius. Je me suis dit qu'il t'en parlerait lorsqu'il serait prêt à le faire. »
« Visiblement, on n'a pas fait autant de progrès que je le pensais, lui et moi. » remarqua son ancien rival, en se tassant un peu plus sur sa chaise, bras croisés. « La bataille, la manière dont j'ai géré ce qu'il a fait… Ça ne va rien arranger. »
Il avait l'air triste et trop fatigué.
Et beaucoup trop débraillé.
Sirius Black avait toujours un style un peu négligé mais c'était savamment étudié. Là…
« Depuis quand n'as-tu pas pris une douche ? » railla-t-il, juste pour le provoquer.
Il n'aimait pas le voir aussi abattu.
« Ce n'est pas moi qui sent le fauve, c'est Harry. » riposta l'Animagus, avec à peine une touche d'humour. Et forcée avec ça.
Severus devait choisir ses batailles et son fils avait précédence sur son meilleur ami autoproclamé. « As-tu essayé de lui parler ? »
« Non, penses-tu… » rétorqua Sirius, avec beaucoup de sarcasme. « J'attendais que tu te réveilles. On ne savait pas si ce serait dans deux jours ou dans deux mois mais, bien sûr, que j'attendais que… »
« C'était une simple question. » l'interrompit-il sèchement.
L'ancien fugitif le fusilla du regard quelques secondes puis parut se rendre compte que sa réaction était disproportionnée parce qu'il se passa une main sur le visage. « Désolé. Je suis… »
« Très visiblement épuisé. » termina-t-il pour lui. « Dis-moi, as-tu perdu ton rasoir ? »
Cette pseudo-barbe le perturbait.
L'Animagus leva les yeux au ciel. « Je tente un truc. »
« Tente moins. » lui conseilla-t-il.
« Nyssa déteste. » confirma son ami.
« Elle n'a donc pas mauvais goût en tout. » rétorqua-t-il.
Sirius étouffa un petit rire. « Et dire que je pensais que tu me manquais. J'avais oublié à quel point tu peut être chiant. »
« J'espère que tu n'as pas utilisé ce vocabulaire devant mon fils. » commenta-t-il. « Piètre exemple. »
« Oui, eh bien… » souffla le Sang-Pur. « C'est moi, non ? Le piètre exemple. » Il haussa les épaules et redevint sérieux. « J'ai essayé de lui parler, Andy et Kreattur aussi… Il est plus réceptif avec Ted et Tonks mais ce n'est pas ça non plus. Il refuse de voir ses amis. Et pour répondre à ta question de tout à l'heure… Ce n'est pas qu'on le traite comme un animal, c'est juste qu'il ne veut pas nous écouter et qu'il se referme dès qu'on lui dit que ce n'était pas sa faute ou qu'on essaye de lui parler de ce qu'il s'est passé. Le contact physique, c'est une des seules choses qu'il ne rejette pas entièrement. Andromeda trouve que c'est bon signe qu'il nous en permette autant, qu'il faut continuer à lui faire part de notre affection de toutes les manières possibles pour qu'il n'en doute pas. Enfin… C'est ce qu'elle dit. »
Parlant d'Andromeda…
« Ta cousine était suspicieusement aimable avec moi… » remarqua-t-il.
Le regard de l'Animagus était un peu ironique mais surtout triste. « Que crois-tu qu'il se soit passé quand Tonks s'est réveillée et qu'ils lui ont dit que tu étais sûrement mort ou en passe de l'être ? » Severus fit la grimace et Sirius émit un bruit pas tout à fait amusé. « Exactement. Il n'y a pas que Harry, tu sais. Elle non plus, elle ne veut pas me parler mais… Elle a été obligée de faire des choix pas jolis, ces derniers temps. Ça la ronge. »
« Laisse-moi me préoccuper de Nymphadora. » marmonna-t-il.
« Avec plaisir. » Sirius paraissait un peu soulagé. « Je te l'ai dit, tout ça, c'est trop de responsabilités. Je veux bien partager. »
Il écouta, sans véritablement écouter, le monologue dans lequel l'homme se lança à propos de Narcissa qui se serait installée chez lui et qui lui rendait la vie difficile… Narcissa qui était enceinte. De Lucius qui était mort, pas de Sirius bien heureusement, il n'aurait plus manqué que ça.
Il y avait tellement à assimiler, tellement…
Il n'était pas certain de quand il s'endormit, bercé par la voix de son ancien rival.
°O°O°O°O°
Il faisait nuit lorsqu'il se réveilla.
La différence de luminosité était flagrante, rideaux tirés ou non, la pénombre était quasi-totale, le silence avait une qualité plus ouatée… Severus ouvrit les yeux et se tint immédiatement en alerte. Il lui fallut plusieurs minutes pour reconnaître la pièce dans laquelle il se trouvait, pour se souvenir de pourquoi il y était, pour identifier le poids sur son ventre et les deux corps qui l'encadraient…
« C'est ma faute. » murmura la voix familière de Nymphadora sur sa droite. « Je l'ai laissé faire une fois et maintenant c'est tous les soirs. »
Il cilla, essayant de comprendre comment son fils de seize ans, sous forme de tigre ou non, en était venu à considérer normal de dormir tous les soirs pelotonné contre son flanc, la tête sur son torse comme si c'était un oreiller acceptable.
Après ce que lui avait dit Sirius, il avait compris qu'Harry était fragile mais il n'avait peut-être pas mesuré à quel point.
Quant à Nymphadora, elle était calée de l'autre côté, la tête sur son épaule, les jambes pliées appuyées sur sa cuisse… Ça ne pouvait pas être confortable.
« Je t'ai ramené ta baguette. » continua-t-elle, à voix basse. « Elle est dans ta manche droite. »
Son bras droit était coincé entre eux ce qui n'était pas vraiment pratique, il essaya de se dégager, dans le but non avoué de l'étreindre un peu mieux mais ne parvint qu'à réveiller le tigre qui leva la tête avec un grondement ensommeillé. Il cilla plusieurs fois, les regarda tour à tour, puis, grommelant toujours, se leva, s'étira comme un chat puis sauta au sol pour aller s'installer sur un lit d'appoint dans le coin où il se roula en boule, mettant visiblement un point d'honneur à leur tourner le dos.
Severus en profita pour s'installer au centre du matelas agrandi par magie, très clairement pour éviter que le tigre ne l'étouffe dans son sommeil, dégageant son bras pour le passer autour d'elle. Il se tourna également sur le côté pour lui faire face, la laissant caler sa tête sur son bras et se blottir plus franchement contre lui, une jambe jetée sur les siennes. Lorsqu'ils furent installés, il passa son autre bras autour de sa taille et soupira de satisfaction en la sentant l'enlacer étroitement en retour.
Il n'avait pas voulu chasser Harry. Avoir une conversation avec lui était en tête de sa liste de priorités mais…
Il sentit le poids d'un sortilège de silence tomber autour d'eux, ne put retenir un demi-sourire… « Et toi qui prétendais ne pas maîtriser la magie sans baguette… »
« Tout est question de motivation. » rétorqua-t-elle. Elle n'eut pas besoin de bouger beaucoup pour frotter son nez contre le sien, pour que leurs bouches se frôlent…
« Harry. » lui rappela-t-il, un peu à regret, trop conscient de la présence de son fils quelque part derrière lui… « Il semble qu'il ait vécu suffisamment de traumatismes sans que nous en rajoutions. »
Ce qui ne l'empêcha pas de glisser la main dans son dos, sous son tee-shirt, juste pour sentir la tiédeur de sa peau, pour la sentir vivante… Nymphadora ferma les yeux sous les caresses de son pouce.
« Il faut que je te dise quelque chose. » souffla-t-elle. « Et peut-être que ça va te faire peur ou… Je ne sais pas… Mais c'est la seule chose à laquelle je pense depuis que… »
« Je t'aime. »
Elle rouvrit brusquement les yeux et les plongea dans les siens.
Il lui fallut plusieurs secondes pour comprendre que c'était lui qui avait prononcé ces mots. Il n'était pas certain de les avoir jamais dit à haute voix auparavant. Quand il était jeune peut-être les avait-il offerts à Eileen mais, de mémoire, il ne se souvenait pas avoir jamais…
Il attendit que la panique l'emporte mais elle ne vint pas.
Il était calme.
Calme et serein parce qu'il lui était impossible d'ignorer cette vérité, à présent. Que cela se soit avéré vrai ou non, elle était morte et il l'avait perdue – l'avait crue morte et avait cru la perdre. Et il était indéniable qu'il l'aimait. Il l'aimait plus qu'il n'aimait qui que ce soit d'autre à l'exception d'Harry et ce n'était pas la même chose, pas le même genre d'amour.
Il aurait donné sa vie pour Harry sans sourciller ou hésiter, il était sa plus grande source de joie et de fierté, il voulait le voir grandir et devenir adulte, le voir réaliser ses rêves… Le perdre l'aurait tué, l'aurait laissé anéanti et incapable de se relever.
Nymphadora…
Elle lui était tout aussi essentielle.
Mais différemment.
Elle… Elle le complétait.
Il avait besoin d'elle, de son regard... Elle le rendait meilleur, lui donnait envie d'être meilleur… Elle le grandissait. Elle le comblait.
Il était mécontent lorsqu'il passait une journée sans la voir et il lui était devenu inconcevable de passer plus de quelques heures sans lui parler.
Elle était devenue sa confidente, la personne vers qui il se tournait instinctivement lorsqu'il avait besoin de réconfort…
La voir s'épanouir avec sa magie, la voir occuper un poste haut-placé avec brio, la voir gagner en assurance… C'était un privilège qu'il mesurait.
Elle était tout pour lui.
Presque tout.
La partie de lui qui n'appartenait pas à Harry était entièrement à elle.
« Je t'aime. » répéta-t-il, de manière un peu plus consciente, sans lâcher son regard.
Il y avait beaucoup d'autres choses à dire, à adresser, mais celle-ci était la principale. N'était-ce pas pour cette raison précise qu'il avait été si désespéré de revoir son esprit avant de passer le Voile ? Pour le lui dire ? Pour…
Il ne savait pas exactement à quelle réponse il s'attendait mais ce n'était certainement pas à voir ses traits se tordre de détresse et ses yeux se remplir de larmes. Pris de court, il ne put que resserrer son étreinte alors qu'elle se mettait à pleurer…
Il ignora la morsure de la déception dans son ventre, la douleur.
« Ce qui n'était visiblement pas ce que tu voulais entendre. » lâcha-t-il, avec amertume.
La colère n'était pas loin, toujours nourrie par le rejet dont il était si coutumier.
Ses mots semblèrent la choquer parce que, soudain, elle glissa la main sur sa joue, pressa son front contre le sien.
« Je t'aime. » murmura-t-elle, presque comme une réprimande, comme s'il était idiot d'en douter. « Je t'aime. » répéta-t-elle encore. « Je t'aime. Je t'aime. »
Il ne résista pas lorsqu'elle l'embrassa, cette fois-ci, espérant un peu qu'Harry s'était rendormi et que le sort de silence couvrait le reste.
Le désespoir qu'il avait éprouvé lorsqu'il avait ouvert le carnet et l'avait trouvé noyé de sang n'avait d'égal que l'euphorie de ce moment-ci.
Leurs lèvres se détachèrent mais ni l'un ni l'autre ne recula le visage, heureux de simplement profiter de la proximité de l'autre. S'il devait produire un Patronus sous peu, il savait que ce serait vers ce souvenir-ci qu'il dirigerait ses pensées.
« Ne me refais plus jamais quelque chose comme ça. » ordonna-t-elle, au bout de longues minutes.
Il leva un sourcil. « Je pourrais en dire autant. »
« Absolument pas. » rétorqua-t-elle, en enfonçant un doigt accusateur dans son épaule. « Parce que, moi, je ne suis pas allée m'enfermer dans un coffre sans clef dont personne ne savait comment me sortir. »
Il continua à lui caresser lentement le dos du pouce. « Tu l'as ouvert. Je ne suis pas bien certain de comment. Je suis bien certain, en revanche, que c'était dangereux. Tu n'as aucune expérience en Legilimencie. Tout est un peu flou, mais cela ressemblait à un hurlement. »
Elle haussa légèrement les épaules. « C'était un peu ça. »
« Il y avait tellement de désespoir, Nymphadora… » remarqua-t-il, dans un murmure, en fouillant son regard.
Elle ne chercha pas à se dérober. « Peut-être que j'étais désespérée. »
Il sortit la main de sous son tee-shirt pour lui toucher les cheveux, heureux de constater qu'ils étaient à nouveau roses. « Sirius a mentionné Privet Drive. »
« Privet Drive est le sommet d'un iceberg de merde. » marmonna-t-elle.
Il leva les yeux au ciel. « Sirius et toi êtes devenus bien vulgaires en mon absence. »
« J'ai toujours parlé comme ça. » protesta-t-elle.
« Uniquement quand tu ne vas pas bien ou que tu es fatiguée. » contra-t-il, en laissant sa main dériver jusqu'à son cou. « Parle-moi. »
Son sourire était tremblant, entre tendresse et amusement. « À peine réveillé, et tu vas déjà tout reprendre en main ? »
Il fallait bien que quelqu'un le fasse, que quelqu'un prenne soin d'elle et Harry – et, dans une moindre mesure, garde un œil sur cet idiot de cabot visiblement.
Il caressa la ligne de sa mâchoire, refusa de la laisser botter en touche. « Parle-moi. »
Elle soutint son regard un long moment, un peu gardée, puis finit par se blottir davantage encore contre lui, ce qu'il n'aurait pas cru physiquement possible, enlacés étroitement comme ils l'étaient. Elle cala pourtant la tête dans son cou.
« Tu m'aimerais encore si j'étais mauvaise ? » demanda-t-elle, d'une toute petite voix qui ne lui allait pas. « Si j'étais froide et calculatrice ? Si je sacrifiais des Moldus sans ciller juste pour sauver un bataillon d'Aurors ? »
Il ferma les yeux, heureux qu'elle ne puisse pas voir l'expression dévastée sur son visage. Il avait toujours su qu'ils risquaient d'en arriver là mais il avait espéré que ce genre de décisions ne lui tomberaient pas sur ses épaules à elle. Lorsqu'il parla, il s'assura que sa voix reste égale, ferme. « Je doute fort que tu ais pris ce genre de décisions sans ciller. »
« Ce n'était pas aussi difficile que ça aurait dû l'être. Pas sur le moment. » avoua-t-elle.
« Parce que sur le moment, tu n'avais pas le temps pour les remords ou les regrets. » contra-t-il. « Tu as fait ce que tu devais faire, dans l'intérêt de la guerre. Être froid et calculateur en situation d'urgence n'est jamais une mauvaise idée. Ça ne fait pas de toi quelqu'un de mauvais. »
« Ça ne fait pas de moi quelqu'un de bien, non plus. » contra-t-elle doucement.
Le bien était surfait et n'existait que chez les enfants ou les martyrs.
Mais ce n'était pas ce qu'elle avait besoin d'entendre.
« Ça fait de toi un leader. » déclara-t-il. « Et un bon. Mais tu sais déjà tout ça. Dis-moi quel est le véritable problème. »
Elle resta silencieuse un long moment. « J'ai leur sang sur les mains. »
« Non. » contra-t-il fermement, en pressant un baiser sur le haut de sa tête. « Non, mon amour. Les Mangemorts ont leur sang sur les mains. Le Seigneur des Ténèbres a leur sang sur les mains. Pas toi. Et quiconque dit le contraire est un idiot à qui je me ferais un plaisir de donner une leçon. »
Il pouvait sans mal deviner qui lui avait mis ce genre de choses en tête.
La formulation, le sentiment derrière, c'était signé par une patte de loup.
« Tu m'aimeras toujours, alors ? » insista-t-elle. « Si… Si cette guerre me change ? »
Sa déclaration précédente mise à part, il était un peu mal à l'aise d'en discuter aussi franchement. Cependant, si c'était ce qu'elle avait besoin d'entendre pour aller mieux…
« Nymphadora, si tu décidais de sortir dans la rue et de tuer des personnes au hasard, je ne cesserais pas de t'aimer pour autant. » répondit-il, très sérieusement. « J'aurais certainement quelques questions et plus d'un commentaire à faire, mais je t'aiderais également à te débarrasser des corps ainsi que des Aurors qui viendraient frapper à ta porte. »
Ses doigts se crispèrent un peu sur son épaule. « Je ne sais pas si c'est romantique ou tordu. »
« C'est la seule manière dont je sache aimer quelqu'un. » offrit-il, un peu incertain.
Entièrement.
Sans restrictions.
Dissimuler des meurtres n'aurait pas couté grand-chose à sa conscience déjà trop lourde de bien pire.
Il aurait fait de même pour Harry.
Et, peut-être même, pour Sirius.
« C'est dans mes gênes, tu sais. » soupira-t-elle. « La folie meurtrière ? Je pensais que j'étais plus Tonks que Black mais… » Elle haussa légèrement les épaules. « Tu es sûr que… »
« Certain. » confirma-t-il.
Il la sentit se détendre complètement contre lui. « Tu m'as manqué. Je… Tu m'as manqué. »
Il déposa un autre baiser sur ses cheveux, un peu hésitant ce coup-ci. « Puisque nous en sommes aux sujets qui fâchent… »
« N'essaye même pas de me dire que je serais plus en sécurité sans toi ou que c'est ta faute si Anthony est un psychopathe. » l'avertit-elle, un peu sèchement et avec beaucoup de perspicacité. « Je ne peux pas gérer ça, en ce moment, Severus. Je suis désolée, je sais que ce n'est pas juste et que tu as tes problèmes avec ce genre de trucs, mais si tu me dis que tu veux rompre avec moi juste parce que… »
« Je suis trop égoïste pour rompre avec toi, même pour ton bien. » la coupa-t-il. « Nous n'en sommes plus là. »
Elle recula le haut du corps, juste assez pour qu'il puisse apercevoir son expression sceptique.
Il leva les yeux au ciel. « Très bien, cela m'a effleuré l'esprit. Puis je me suis souvenu que tu es terrifiante lorsque tu es en colère et que cela te mettrait probablement en rage si je m'avérais d'essayer. »
Elle le dévisagea un moment puis eut un sourire qui se transforma en un petit rire… Il la ramena contre lui, souriant lui aussi un petit peu, conscient qu'ils étaient ridicules.
« Je t'aime. » lâcha-t-elle, à propos de rien.
Ces mots étaient-ils toujours si agréables à entendre ? C'était une boule de chaleur qui se logeait contre son cœur.
À peine eut-il pensé cela qu'il leva à nouveau les yeux au ciel.
« Tu m'as transformé en Poufsouffle. » grommela-t-il.
« C'est très bien un Poufsouffle. » rétorqua-t-elle, en lui volant un léger baiser.
Il y avait pires choses qu'un Poufsouffle, certes…
Mais il ne voulait pas laisser la conversation trop dévier.
« Sérieusement… » hésita-t-il. « Et au risque de me faire hurler dessus… »
« Ce n'était pas ta faute, Severus. » contra-t-elle immédiatement.
« Ce n'est pas tout à fait vrai. » argumenta-t-il. Sirius lui avait fait un résumé succinct de leur interrogatoire et… « Je ne me souviens pas avoir tué son père mais il n'est pas le seul dont j'ai pris la vie avec autant de désinvolture. Je sais que tu préfères ignorer cette partie de moi mais… »
« Je ne l'ignore pas. » l'interrompit-elle. « Je sais juste que tu n'es plus la même personne. Je sais que tu as fait tout ce que tu as pu pour te racheter. Je sais que tu ferais des choix différents, aujourd'hui. »
« Peut-être. » lui accorda-t-il. « Mais c'est une chose de savoir tout ça et une autre d'y être confrontée. Je ne te blâmerais pas si… »
« Severus. » le coupa-t-elle.
« Tu as failli mourir des conséquences de mes erreurs. » insista-t-il. « Ton meilleur ami en a subi les conséquences or je sais à quel point tu tiens à lui. J'ai une part de responsabilité. Je ne peux pas l'ignorer. Tu ne peux pas l'ignorer. »
Elle leva la tête, posant une main sur sa joue.
« Tu viens de me dire que tes sentiments pour moi ne changeraient pas si je devenais une tueuse en série. » lui rappela-t-elle. « C'est si dur à croire que je puisse éprouver la même chose ? »
« C'est différent. » contra-t-il immédiatement. « Je… »
Sa main glissa jusqu'à sa bouche et le bâillonna avant qu'il ait pu terminer sa phrase. « Si tu dis que tu me mérites pas, je vais te frapper. Avec tout mon amour. Et il est conséquent. Ne viens pas te plaindre après. »
Malgré lui, malgré tout, il ferma les yeux, ravalant un petit rire.
« Tu es si têtue. » l'accusa-t-il, une fois qu'elle l'eut libéré.
« Regarde qui dit ça. » rétorqua-t-elle.
Il ne pouvait pas lui donner tort. D'un geste tremblant, il repoussa à nouveau les mèches roses qui ne cessaient de lui tomber dans les yeux.
L'amusement quitta peu à peu le visage de la jeune femme, remplacé par de la culpabilité et de la tristesse.
« Je serais venue te chercher, tu sais. » murmura-t-elle. « Je voulais, j'ai essayé. J'étais trop faible. Mon père m'en a empêchée. »
« Et il eu raison. » trancha-t-il, éprouvant un élan de panique à l'idée qu'elle ait pu tenter quelque chose d'aussi imprudent. « J'aurais été furieux. Je suis déjà furieux qu'Harry ait été aussi stupide. »
La colère durcit légèrement sa voix et il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule pour s'assurer que le tigre n'avait pas bougé. Le sort de silence semblait tenir, cependant, et le fauve paraissait endormi.
« Ne sois pas trop dur avec lui. » soupira-t-elle. « Sirius était hors de lui, ce soir là. Ça n'a pas aidé. »
Il reporta son attention sur elle, peu certain d'apprécier ces conseils légèrement intrusifs sur sa relation avec son fils.
Il était exclus, de toute manière, qu'il se mette en colère contre Harry tant qu'il était si fragile – un fait qui ne devait pas avoir échappé à son fils, à un certain niveau, et qui devait expliquer en partie son obstination à rester un tigre. Tant qu'il n'était pas humain, il n'aurait pas à véritablement affronter les conséquences de ses actes. Tous ses actes.
« Est-ce la raison pour laquelle tu t'es retrouvée si impliquée ? » demanda-t-il.
Il pouvait comprendre que Sirius ait été au-delà de la fureur. Entre l'adrénaline et la panique, il n'aurait probablement pas mieux réagi à sa place. L'Animagus avait été un peu vague sur les raisons pour lesquelles Nymphadora avait, au final, été celle à veiller principalement sur Harry avant qu'il ne retourne chez les Dursley – et, après, de ce qu'il avait compris.
« C'est ton fils et tu n'étais pas en état de prendre soin de lui. » répondit-elle, un peu sur la défensive.
« Je ne te le reproche pas. » commenta-t-il.
Elle se détendit légèrement mais pas complètement. « Il avait besoin de moi. Je ne pouvais pas… »
« Je ne te le reproche pas, Nymphadora. » la coupa-t-il, en touchant son bras dans une caresse. « C'est simplement un peu étrange de t'entendre l'appeler mon chat. Il n'a pas huit ans. »
« Il était si mal, ce soir là… » expliqua-t-elle, en secouant un peu la tête. « Il était… Il a dit que personne ne lui avait jamais donné de surnoms de ce genre, qu'il aimait bien. » Son regard se durcit. « Tu ne m'avais pas dit qu'ils l'avaient fait vivre dans un placard. »
« Il t'en a parlé ? » s'étonna-t-il.
« Non. Kreattur l'a fait. » cracha-t-elle. « Je n'ai pas voulu m'occuper de sa tante et de son cousin. J'ai laissé ça à McGonagall. J'avais trop peur de perdre mon calme. »
Il se raidit. « Pétunia est à Poudlard ? »
Sirius n'avait pas précisé ce qu'il était advenu d'elle et de son fils.
« Ne me demande pas ce que Dumbledore compte en faire, de ce que je sais, elle hurle à corps et à cris qu'elle veut partir. » marmonna-t-elle. « Mais oui. » Son expression s'assombrit à nouveau. « Elle n'a pas demandé à voir Harry et il n'a pas cherché à les retrouver. » Elle contracta la mâchoire. « Il mérite beaucoup mieux que ces pauvres excuses de Moldus. Le gamin, ce n'est pas forcément sa faute, mais, elle, je l'aurais volontiers laissée se faire massacrer si je n'avais pas su que ça aurait fait du mal à Harry. »
Quelque chose avait changé en elle, songea Severus, quelque chose de profond.
Elle avait perdu un autre bout d'innocence, avait dû prendre des décisions qui l'avaient laissée à vif et peut-être un peu trop prompte à emprunter le chemin de la violence.
Quant à sa relation avec Harry… Il y avait une note possessive dans sa voix qui n'avait pas été là auparavant. Protectrice, elle l'était depuis un moment quand son nom venait dans la conversation mais le feu dans ses yeux à ce moment-là… Il n'avait aucun doute qu'elle aurait tué pour son fils – et qu'elle aurait dit à Pétunia le fond de sa pensée si l'occasion lui en avait été donnée, peut-être de manière un peu musclée.
Était-il possible que les choses changent autant et aussi fondamentalement en quelques jours ?
Et Harry ? Que pensait-il de tout ça ?
Il n'était pas aussi étonné qu'il aurait dû l'être que le garçon accepte aussi facilement ce genre de surnoms affectueux mais un peu ridicules. Précisément parce qu'il n'en avait jamais eus. Toutefois, les ramifications de ce que cela impliquait…
« Tu m'as longtemps affirmé que tu n'étais pas prête à jouer les belles-mères… » remarqua-t-il prudemment.
Elle soutint son regard longtemps puis s'humecta les lèvres. « C'est si loin tout ça. »
Ce n'était pas si loin que ça.
C'était les événements récents qui lui donnaient cette impression et il ne voulait pas risquer un réveil brutal à un moment donné.
« Je veux juste que tu sois certaine de vouloir t'impliquer autant. » insista-t-il. « Il n'est pas… Il ne vivrait pas bien un abandon plus tard. »
« Pour qui tu me prends ? » s'agaça-t-elle.
Il ouvrit la bouche pour répliquer, la referma, puis soupira… « Je ne cherche pas à me disputer avec toi. Je dis simplement… »
« Tu n'as pas besoin de le dire. » l'interrompit-elle. « Ça fait une semaine et demie que je m'occupe de lui et il n'était pas exactement au mieux de sa forme. Je sais qu'il est plus fragile qu'il ne le laisse paraitre. Je… Merde, Severus, ça fait des jours qu'on s'inquiète avec Sirius, qu'on a peur que… » Elle se dégagea pour s'asseoir, mettant entre eux une distance qu'il détesta immédiatement. « Je sais très bien dans quoi je m'engage. »
Pas tout à fait.
Elle ne savait pas pour l'horcruxe.
Et puis…
C'était peut-être injuste mais il ne pouvait s'empêcher de penser qu'on lui avait ôté une décision des mains. Soudain, il semblait qu'Harry et Nymphadora avaient un lien indépendant de ceux qui le liaient à eux et… Il n'était pas sûr de comment cela était censé fonctionner. Lorsqu'il s'était laissé aller à penser à ce genre de choses, il s'était dit qu'ils iraient lentement, prudemment, que…
« Je ne te reproche rien. » répéta-t-il pour la troisième fois. « Je te suis reconnaissant d'avoir aidé Sirius. Simplement… » Il laissa sa phrase en suspens, pas entièrement certain de comment exprimer ce qu'il ressentait. Il y avait une part de lui, toute petite, qui rechignait à partager Harry, qui aimait être son adulte et avait peur de perdre ce lien spécial entre eux. « Cela fait beaucoup de changements à admettre d'un coup, Nymphadora. Laisse-moi le temps de m'habituer. »
Elle baissa immédiatement la tête vers lui avec un air coupable.
Il fut soulagé qu'elle se rallonge contre lui, qu'elle se blottisse à nouveau dans ses bras.
« Pardon… » murmura-t-elle. « Je suis fatiguée et… » Elle soupira. « Je perds vite mon calme, en ce moment. »
Elle était à fleur de peau et l'idée qu'elle soit déployée sur le terrain dans cet état l'effrayait. Il était évident qu'elle n'était pas à cent pour cent.
« Tu sais que tu ne m'as pas encore dit comment tu allais… » remarqua-t-elle.
« J'ai toujours la migraine. » répondit-il, un peu évasif. « Mes boucliers ne me sont toujours pas accessibles. »
Il aurait préféré continuer à parler d'elle ou d'Harry. De la guerre, s'il l'avait fallu, encore qu'il rechignait à ramener ces horreurs dans ce lit, entre eux. Il faudrait l'évoquer bien assez tôt.
Elle leva un sourcil, absolument pas dupe, et retraça ses traits du bout des doigts, des plis inquiets sur son front jusqu'à l'arrête crochue de son nez. Il ferma les yeux, s'abandonnant à ses caresses.
« J'étais là quand le Médicomage t'a soigné, le premier soir. » déclara-t-elle, avec prudence. « Ils t'ont torturé. »
« Rien de nouveau. » marmonna-t-il, peut-être un peu sèchement.
« Tes blessures… Ils ont dit… » hésita-t-elle.
« Je ne veux pas en parler. » cingla-t-il.
Il ne voulait même pas y penser.
Pas sans boucliers.
Pas sans pouvoir se servir de l'Occlumencie pour enterrer ce souvenir tout au fond de son esprit avec les autres cauchemars que lui avait laissés Tobias.
Il sentit ses lèvres prendre la place de ses doigts et, progressivement, il laissa son corps se détendre, alors qu'elle embrassait doucement son visage. Lorsque sa bouche frôla la sienne, il ne résista pas à l'envie de la capturer mais se força à mettre un terme au baiser rapidement, toujours conscient de la présence d'Harry dans la pièce.
« Promets-moi que tu vas bien et que tu ne me caches pas quelque chose pour me protéger. » insista-t-elle.
Amusé malgré lui, parce que cela n'aurait pas été si improbable, il leva un sourcil. « Comme ? »
Son visage ne reflétait aucun amusement, juste une angoisse sourde. « Ma mère et Pomfresh n'étaient pas sûres des conséquences du retrait de la Marque… Tout le monde est d'accord pour dire que tu n'aurais pas dû pouvoir y survivre. »
D'autorité, elle attrapa son bras et le força à l'enlacer à nouveau étroitement, ce qu'il était trop heureux de faire.
Il prit le temps d'y réfléchir quelques secondes, puis déposa un baiser sur son front.
« Je me sens bien, mis à part la migraine. » offrit-il. « J'ignore comment expliquer le reste, pour l'instant. »
Elle laissa échapper un bruit pas tout à fait convaincu mais n'insista pas, frottant son nez contre son cou à la place. « Tu m'as manqué. »
Ses lèvres s'étirèrent en un sourire un peu satisfait. « Tu l'as déjà mentionné… Mais continue, je t'en prie, c'est très bon pour mon ego. »
« Ton ego n'a pas besoin de plus de flatteries. » rétorqua-t-elle, en pressant ses lèvres contre sa gorge, dans ce qui n'était pas tout à fait un baiser.
« C'est discutable. » décréta-t-il, glissant à nouveau la main sous son tee-shirt. Juste pour sentir sa peau. Et s'il en vint à jouer distraitement avec l'agrafe de son soutien-gorge…
« Ton fils. À deux mètres. » lui rappela-t-elle, l'humour clairement perceptible dans sa voix. « Sans parler du fait que tu sors à peine du coma. »
« J'essaye simplement de te prouver que je me sens bien. » plaisanta-t-il, déclenchant un rire qu'elle étouffa dans son épaule. « S'il est utile de le préciser… » reprit-il, après quelques secondes. « Tu m'as manqué aussi. »
Elle releva la tête, lui vola un baiser qui s'étira un peu tout en restant tendrement chaste… Il se transforma en un deuxième, puis un troisième…
Elle s'endormit un peu après, d'un sommeil si lourd et si rapide qu'il devinait sans mal la profondeur de son épuisement.
°O°O°O°O°
Severus sortit du sommeil un peu brusquement, alerté par un sixième sens affiné durant des années d'espionnage. Il ne commit pas l'erreur de laisser tressauter ses paupières, ne se tendit qu'un quart de seconde avant de redonner à son corps l'apparence lourde du repos…
Ses bras étaient toujours pleins de Nymphadora et elle était, elle, toujours profondément endormie. La chaleur dans son dos, par-dessus la couverture, lui fit dire qu'Harry était revenu s'allonger avec eux.
Ce qui signifiait qu'il était coincé entre eux.
Ce qui signifiait qu'il ne pouvait pas réagir aussi prestement qu'il l'aurait souhaité.
Or il était évident qu'il y avait un danger dans la pièce.
La qualité du silence avait changé.
Sa baguette était dans sa manche droite avait dit Nymphadora mais la tête de la jeune femme était calé sur son bras droit qui s'était endormi à un moment de la nuit. Il ne sentait pas sa main, aurait été bien incapable de la faire tomber dans sa paume rapidement s'il l'avait fallu. Le temps qu'il la sorte avec sa main gauche…
« Ne planifiez pas trop vite mon assassinat, Severus. »
Son corps se détendit d'un coup et, abandonnant tout semblant de sommeil, il rouvrit les yeux pour fusiller Albus Dumbledore du regard.
Sa tête ne lui faisait plus mal, ses souvenirs étaient à nouveau en place – encore que… mais cela devrait attendre – et ses boucliers répondirent immédiatement lorsqu'il les déploya pour protéger son esprit. Ce qui signifiait qu'il était libre de finalement laisser libre court à sa colère. Et, Merlin, il était en colère.
« Que leur avez-vous fait ? » cracha-t-il.
Ce n'était pas normal que Nymphadora et Harry ne soient pas déjà debout, baguettes – ou griffes, supposait-il – prêtes à l'emploi. Ils étaient en guerre. Même dans la sécurité de ses appartements, l'Auror tendait à avoir le sommeil léger et à se réveiller dès qu'il quittait le lit ou se déplaçait dans les autres pièces. Quant à Harry… Severus l'avait déjà vu se réveiller d'un coup, alarmé par un bruit ou un mouvement trop brusque de sa part, baguette levée même avec un air somnolent.
« Un simple sort de sommeil pour que nous puissions discuter seul à seul. » le tranquillisa Albus. « J'ose dire qu'ils en avaient besoin tous les deux. »
« Ce n'est pas à vous de le décider. » siffla-t-il. « Toutefois, vous êtes coutumier d'imposer vos choix là où vous n'avez pas à le faire, n'est-ce pas, Dumbledore ? »
Le vieux sorcier eut l'air un peu peiné. « Je déteste quand vous m'appelez ainsi. »
Severus le savait très bien.
Avec prudence, il extirpa son bras droit de sous Nymphadora, peu enclin à avoir une quelconque conversation dans cette position extrêmement vulnérable, particulièrement pour les deux personnes qui comptaient le plus pour lui. Il lui fallut manœuvrer un peu pour arriver à s'assoir mais, malgré une légère faiblesse dans les muscles, il fut heureux de constater l'absence de vertige. Ignorant le Directeur, pour l'instant, il attrapa son poignet droit et fit tourner sa main plusieurs fois, pliant et dépliant des doigts qui rechignaient à lui obéir. Ce n'était pas juste les fourmis qui le picotaient après trop de temps passé avec la circulation coupée, c'était un très mauvais jour pour sa main droite.
Durant cet intermède, il détermina à la faible luminosité qu'il était encore très tôt, probablement juste après l'aube et qu'Albus avait calculé sa visite pour qu'ils aient un maximum d'intimité. Et, de fait, il ne tarda pas à sentir les sorts anti-intrusion se refermer sur la pièce.
« Je n'ignore pas que vous êtes furieux après moi et que vous avez beaucoup à me reprocher. Je ne me dédouanerai pas sur ce point, bien que je puisse justifier mon raisonnement si vous souhaitez l'entendre. » offrit le vieux sorcier.
Severus lui jeta un regard courroucé. « Vous devriez travailler sur votre manière de présenter des excuses. »
« Mes excuses, en l'occurrence, ne changeront pas les conséquences de mes erreurs. » admit Albus. « Je souhaiterais mettre ça de côté, quelques minutes, si vous le voulez bien. »
« Ça. » répéta-t-il, non sans sarcasme. « Ça étant la sécurité et le bien-être de mon fils ? Mon fils, Albus. Vous saviez pertinemment… »
« Quelques minutes et vous pourrez me hurler dessus tout votre soul, Severus. » le coupa-t-il. « Je vous promets même de me tenir là en silence et de vous écouter. »
Il était tellement condescendant que l'ancien Mangemort était fort tenté de lui jeter un petit maléfice au visage.
Au lieu de cela, il augmenta légèrement ses boucliers, et riva son regard sur sa main récalcitrante. « Que voulez-vous ? Si c'est un rapport, je crains de ne pas avoir grand-chose à vous apprendre. Avant que je ne perde connaissance, le Seigneur des Ténèbres n'a rien laissé échapper de significatif. Plusieurs Mangemorts paraissaient mécontents que leurs enfants se soient retrouvés pris en tenaille dans la bataille mais, cela, Lucius pourra sans doute… » Il s'interrompit, se frotta brièvement le front. « Lucius est mort, n'est-ce pas ? »
C'était ce qu'avait dit Sirius, la veille…
Il y avait eu tellement d'informations à la fois que…
Il éprouva une pointe de tristesse qu'il étouffa grâce à l'Occlumencie.
« Oui. » confirma le vieux sorcier, sans laisser paraître d'émotions. « Et je ne souhaite pas un rapport, Severus, cela peut attendre. Je veux simplement… Comment vous sentez-vous ? »
Il le dévisagea, incrédule, puis émit un bruit moqueur qui n'était pas du tout amusé. « Est-ce une plaisanterie ? »
Les yeux bleus du Directeur brillaient à présent d'affection et d'inquiétude. « Savez-vous que je vous croyais à nouveau perdu ? Vous devez véritablement cesser ce genre d'actes de bravoure complètement irréfléchis, mon garçon. »
« Ce genre de… » répéta-t-il, avant de secouer la tête. « Albus, nous n'allons pas échanger des civilités quand vous avez renvoyé mon fils chez les Dursley malgré mes instructions et… »
« Il n'est pas légalement votre fils. » le coupa le vieux sorcier.
C'était probablement une bonne chose pour lui qu'il y ait un corps endormi et bien trop précieux de chaque côté de Severus. Sans réfléchir, il posa une main protectrice sur le tigre étalé de tout son long.
« Vous savez très bien… » gronda-t-il.
« Miss Tonks a exigé que vous et Sirius soyez les seuls habilités à prendre les décisions pour lui, à l'avenir. » l'interrompit encore le vieux sorcier. « J'ai accédé à sa requête. Vous l'ont-ils dit ? En ce qui me concerne, vous êtes, à présent, ses tuteurs légaux. »
Mais ça n'avait de valeur que jusqu'à ce qu'il change d'avis, songea Severus, jusqu'à ce que cela ne l'arrange plus.
Sans Ministère pour entériner la décision, sans bureaucratie, sans paperasse, il n'y avait aucune garantie à ce genre de déclarations.
« Cela n'efface rien. » rétorqua-t-il.
Albus soupira et baissa la tête. « Je le sais bien. J'ai fait une erreur. Maintenir la protection de Lily me semblait essentiel mais je n'avais pas mesuré… Je ne m'inquiétais que de maintenir la connexion du côté de Pétunia, je n'avais pas saisi qu'Harry avait déjà coupé les attaches qui le reliait encore à la famille de sa mère. »
« Sirius n'a-t-il pas tenté de vous le dire ? » rétorqua-t-il. « Ou Nymphadora ? Ce n'est pas le récit que j'ai eu, Albus. Ne réécrivez pas l'histoire simplement pour alléger vos fautes. À cause de vous, mon fils s'est non seulement retrouvé en danger mais va, en plus, devoir porter le poids d'avoir brutalement tué quelqu'un pour le reste de sa vie. C'est votre faute. Et quand bien même tout se serait bien déroulé, quand bien même n'y aurait-il eu aucune anicroche dans votre plan… Avez-vous une seule idée de ce que ces Moldus lui ont fait subir ? »
« Ils ne l'auraient pas touché. » se défendit Albus. « Je… »
« Il y a d'autres formes de violence que la force physique ! » tonna-t-il.
Sa magie lui échappa.
L'air crépita dangereusement, les vitres se fendirent sur la hauteur et les instruments tressautèrent sur leur plateau dans le coin de la pièce.
Surpris et un peu alarmé par la violence de sa magie, Severus s'empressa d'en reprendre le contrôle, se repliant plus loin derrière ses boucliers. Nymphadora et Harry s'agitèrent tous les deux avant de sembler retomber dans un sommeil plus profond – nul doute sous l'effet du sortilège.
« Le jeu me paraissait en valoir la chandelle. » soupira le Directeur, en agitant négligemment la main pour réparer les vitres. « Mais j'avais tort. » ajouta le vieux sorcier avant que Severus ait pu à nouveau perdre son calme. « Et je ne peux que m'excuser et vous promettre de tenter de faire mieux à l'avenir. »
« Promettez-vous de laisser Harry loin de votre guerre ? » railla-t-il. « Car c'est le seul serment qui m'importe et si vous étiez sincère vous consentiriez à en prêter un inviolable. Pourtant, nous savons tous les deux que ce ne sont que des paroles en l'air, n'est-ce pas ? »
Albus avait l'air triste et fatigué mais Severus n'éprouvait pour lui qu'une compassion extrêmement limitée.
« Ne nous mentons pas. » reprit-il, amèrement. « Et ne me manquez pas de respect en feignant de m'amadouer avec la garde d'Harry. Nos intérêts convergent et, en conséquence, je reste à votre service mais ne vous méprenez pas : tout ce que je fais, je le fais pour Harry, pas pour vous. »
Le vieux sorcier détourna le regard, dissimulant rapidement la douleur sur son visage derrière le masque sympathique qu'il arborait généralement. « Ne doutez pas de mon affection pour vous ou pour ce garçon. »
« Je ne doute pas que vous ayez de l'affection pour nous. » riposta-t-il, sans aucune diplomatie ou aucun égard pour ses sentiments. « Je doute, en revanche, qu'elle soit inconditionnelle. Vous aimez vous présenter en figure paternelle lorsque cela vous arrange mais vous êtes le genre de figure paternelle dont l'affection tue. Croyez-moi, j'ai une expérience inégalée en la matière. »
Le Directeur encaissa le coup.
Severus ne se laissa pas éprouver une once de culpabilité.
Il avait toujours été loyal. Toujours. Mais sa limite était la sécurité et le bien-être de son fils or Albus l'avait sciemment franchie et, cela, il n'était pas prêt de l'oublier ou de le lui pardonner.
Si l'issue avait été différente, si Harry avait été blessé ou capturé, il aurait mieux valu pour le vieil homme qu'il ne sorte jamais du coma. Il l'aurait tué de sang-froid. Albus était peut-être le plus grand sorcier de leur siècle mais cela n'aurait pas arrêté Severus.
« Que me vouliez-vous ? » reprit-il, sèchement.
Albus garda la tête détournée.
« Simplement savoir comment vous alliez. » répondit le Directeur, d'une voix un peu trop égale.
L'Occlumencie faisait des miracles pour permettre de garder une contenance.
Ou pour mettre sous cloche un sentiment bourgeonnant de regret à avoir blessé un homme qu'il avait trop longtemps admiré même en sachant qu'il n'était qu'un pion parmi tant d'autres pour lui.
« Étonnamment bien pour quelqu'un qui devrait être mort. » décréta-t-il.
Et c'était la vérité la plus absolue.
Sa main droite tremblait beaucoup mais c'était un inconvénient auquel il était désormais résigné. Sa main gauche était plus stable, ce matin-là, le tremblement intermittent et moins prononcé. Quant à sa jambe, la douleur s'était un peu apaisée dans la nuit. L'immobilité prolongée n'avait pas dû lui faire grand bien si elle lui faisait mal à l'effort, elle avait également tendance à s'ankyloser s'il restait immobile trop longtemps. Sa migraine s'était dissipée et si ses muscles restaient généralement un peu engourdis et qu'il gardait un sentiment général de faiblesse très désagréable, il se sentait globalement en bonne santé.
L'absence de douleur dans son bras gauche était toujours une source d'étonnement perpétuel. Son cerveau ne semblait pas vouloir passer au-dessus. Une part de lui restait aux aguets du retour de la souffrance…
« Bien, c'est bien… Pouvez-vous me dire ce qui est arrivé à votre Marque ? » s'enquit Albus, d'un ton un petit peu plus sérieux.
Severus tressaillit, renforçant davantage encore ses boucliers.
Cela, toutefois, n'échappa pas à l'œil de lynx du Directeur qui eut le bon ton de grimacer légèrement. « Je me doute que l'expérience n'avait rien d'agréable et je comprends qu'il vous soit difficile d'évoquer le sujet, toutefois… »
« Il me l'a arrachée. » lâcha-t-il. Il cilla une fois, deux fois, s'enfonça plus loin derrière ses boucliers. « L'Occlumencie m'a permis de me couper de la douleur. »
« Votre coffre. » clarifia Albus.
Il hocha la tête. « Je ne pensais pas en réchapper. Je souhaitais simplement… »
Il laissa sa phrase en suspens mais le vieux sorcier le connaissait trop bien. « Ne plus souffrir. »
« Sa baguette. » hésita-t-il. « Même Lui n'aurait pas dû pouvoir retirer la Marque mais sa baguette est… J'ai rarement vu un artéfact magique aussi noir. » Sans y penser, il couvrit son avant-bras gauche de sa main peu coopérative. « Je n'aurais pas dû y survivre. »
Albus émit un bruit pensif. « D'une certaine manière… Vous aviez commencé à rompre le contrat magique entre vous lorsque vous lui avez retiré votre loyauté pour me la donner… »
« Cela ne fonctionne pas ainsi. » contra-t-il.
« Peut-être… » admit le Directeur. « Peut-être aussi que votre dévotion indéfectible pour Harry vous a protégé… Après tout, leur lien est sans précédent… Peut-être que cette protection associé à votre maîtrise de l'Occlumencie… » Albus soupira. « À ce sujet… Je devrais cesser de m'étonner de vos brillantes inventions et, pourtant, elles me prennent toujours au dépourvu. Ce coffre était une idée pour le moins élégante. »
Et qu'il n'avait jamais compté partager avec le grand public.
« Je suppose qu'Harry et Nymphadora ont dû se sentir obligés de vous en détailler le fonctionnement. » grommela-t-il.
Ce qui signifiait que le procédé devrait être modifié à l'avenir s'il devait s'en resservir.
Certes, il avait créé le coffre avec le Seigneur des Ténèbres à l'esprit mais il n'avait jamais commis l'erreur de sous-estimer Albus et ses dons de Legilimens.
« Nous cherchions à vous réveiller. » concéda le Directeur.
« J'attendais de mourir. » rétorqua-t-il. « Vous auriez pu vous tuer à la tâche, j'étais le seul à pouvoir l'ouvrir. » Il lui jeta un regard agacé. « Et laisser Harry essayer en sachant que cela serait dangereux ? »
« Tentez donc de retenir votre fils lorsque vous êtes en danger, Severus. » répondit plaisamment Albus. « Je préférais superviser que le voir agir dans mon dos. »
Étant donné ce qui était arrivé à Sirius, il ne pouvait pas tout à fait lui donner tort.
« Si vous étiez le seul à pouvoir l'ouvrir, comment… » s'enquit le Directeur.
« Je ne suis pas certain. » le coupa-t-il, son regard glissant vers Nymphadora qui dormait toujours profondément. « Une combinaison de facteurs. »
Il avait été en train de perdre patience et il l'avait crue morte. Il avait cru qu'elle venait le chercher et il avait ouvert les portes. Quant à pourquoi elle avait pu atteindre le coffre en premier lieu alors qu'Albus et Harry n'y étaient pas parvenus…
« Severus… Vous n'allez pas apprécier mais, au risque de me voir à nouveau forcé de faire face à votre colère, je vous dois la vérité… » grimaça le vieux sorcier. « Lorsque Harry et moi tentions d'atteindre votre coffre, vous avons tous les deux vu nombres de vos souvenirs. Moi, davantage que le garçon. »
La sensation d'avoir été violenté fut immédiate mais il se força à la rationaliser. Étant donné les informations qu'ils avaient eu en main, tenter de forcer son coffre leur avait paru la solution la plus logique.
Il ne répondit pas, pourtant, garda le regard rivé devant lui.
Il n'y avait aucun moyen pour lui de déterminer ce qu'ils avaient vu ou non. Ses souvenirs les plus précieux étaient au coffre avec lui mais il en restait trop à l'extérieur qu'il n'aurait pas voulu partager.
Il aurait été beaucoup trop optimiste de penser qu'Albus n'en avait vu aucun d'humiliant.
Un tour d'horizon dans sa tête lui rappela… « Pourquoi y a-t-il des trous dans ma mémoire ? »
C'était différent d'un sortilège d'oubliette. Il sentait toujours l'écho des deux souvenirs que sa mère avait effacés de son esprit dans sa jeunesse, leur absence une zone obscure dans un coin de sa tête. Mais les quelques trous ça et là… Il décomptait au moins quatre souvenirs inexplicablement tronqués, deux qu'il avait oubliés, qu'il savait avoir oubliés par recoupement avec d'autres éléments.
« Ah, une expérience malheureuse. » expliqua Albus. « Harry tentait d'atteindre votre coffre avec un bouclier élémentaire. En y repensant, les flammes n'étaient pas un choix judicieux. Savez-vous ce que vous avez perdu ? »
Les souvenirs abimés n'étaient pas un mystère.
Il savait que Lily lui avait offert quelque chose pour ses quatorze ans mais ne se rappelait plus du moment où il avait ouvert le paquet, n'avait qu'une vague idée, parce qu'il savait l'avoir lu plus tard, qu'il avait été question d'un livre.
Le second impliquait Harry et une dispute en soixante-quinze mais il n'était pas sûr de pourquoi ils se disputaient ou de si c'était important. Il avait beau chercher dans sa mémoire, il ne trouvait rien en corrélation qui lui donnerait un contexte. Cependant, il y avait eu de nombreuses disputes, certaines sans conséquences ou importance, il supposait que c'était une de celles-là.
Un autre était à propos de Nymphadora. Un matin anodin où ils s'étaient attardés au lit. Ce qu'ils s'étaient dit, ce qu'ils avaient fait… C'était perdu mais si le souvenir avait été réellement important, il l'aurait placé au coffre, en premier lieu.
Le dernier, il était heureux de le voir tronqué. Une excursion avec d'autres Mangemorts, avant qu'il ne change de camp. Le genre qu'il regrettait désormais ardemment.
Quant à ce qui était irrémédiablement perdu…
Il savait, parce qu'il l'avait rédigé et se revoyait ensuite en remettre une copie à Albus, qu'il avait modifié son testament. Il savait que sa copie était rangée dans son coffre-fort, au salon. Il savait qu'il avait prévu de donner la troisième à Sirius. Il savait qu'il l'avait fait. Mais le souvenir de quand il l'avait fait… Évaporé. C'était important, pourtant. Il avait voulu le testament comme un symbole. Le lui confier, c'était lui confier Harry. Mais il ne se souvenait pas de comment cela s'était passé.
Il demanderait peut-être à Sirius de partager son propre souvenir de la scène.
Quant au dernier…
« J'ai oublié comment préparer la Goutte du Mort Vivant. » lâcha-t-il. Il l'avait préparée plusieurs fois, toutefois, et se revoyait en train de le faire mais la recette… La recette était partie de son esprit. « C'est encore le plus fâcheux. » Il reprit machinalement les exercices visant à assouplir sa main droite, pliant et dépliant les doigts. « Faites-moi un résumé de la situation. »
Albus eut un geste de déni. « Cela peut encore attendre que… »
« Vraiment ? » ironisa-t-il.
Le Directeur le regarda par-dessus ses lunettes en demi-lune, l'air fatigué et beaucoup trop éreinté. Severus aurait mis sa main à couper qu'il avait abusé des philtres de force, ces derniers jours. Cela dit, il n'était pas le seul. Il n'en avait pas fait la remarque à Nymphadora mais il n'était pas encore aveugle et un Maître des Potions restait un Maître des Potions.
« Non. » admit finalement le vieux sorcier. « Nous sommes très mal en point et manquons cruellement d'organisation. Néanmoins, cela peut attendre quelques heures voire quelques jours. Prenez le temps de… »
« Je doute que les cerbères qui gèrent l'infirmerie me laissent sortir de si tôt mais je peux très bien commencer à travailler d'ici. » le coupa-t-il. « Dites-moi ce qu'il se passe, ce qui a été mis en place et comment je peux y contribuer. »
Albus hésita puis croisa les bras. « Tom ne parait pas pressé de réattaquer Poudlard… »
« Il n'a pas gagné, la dernière fois. » remarqua-t-il. « Certes, il n'y avait pas toutes ses troupes ou ses lieutenants mais… Cela lui aura peut-être donné à réfléchir. »
« La situation extérieure est préoccupante. » avoua le Directeur. « Mais Tonks peut probablement vous briefer plus efficacement que moi sur le sujet. » Il croisa son regard, le soutint quelques secondes. « Vous êtes officiellement à la tête de l'Ordre et l'Ordre a été absorbé par le Ministère. Vous travaillerez avec les Aurors. »
Il acquiesça, peu surpris. Cela, après tout, avait été entendu.
« Avec qui dois-je me mettre en relation ? » demanda-t-il. « Mis à part Shacklebolt et Nymphadora, évidemment. »
Albus fronça les sourcils, apparemment surpris par la question. « Si vous souhaitez une hiérarchie claire… Je suppose qu'il y a moi, vous, Kingsley puis les autres. »
Severus le dévisagea, ayant peur de comprendre. « Albus, dites-moi que vous avez nommé des gens aux postes clefs. »
« Bien entendu. » contra l'homme, un peu sur la défensive. « Je viens de vous le dire. Je… »
« Et qui gère les fonds ? Le ravitaillement ? Qui supervise les réfugiés ? Qui se préoccupe de l'entraînement des troupes ? De la diplomatie avec le gouvernement Moldu ? » rétorqua-t-il. « Avec les autres pays ? »
« Eh bien… Moi. » s'agaça Albus. « Je… »
« Vous devriez vous concentrer sur la guerre. » siffla-t-il. « Merlin, quand je pense à la manière dont vous dirigez Poudlard, j'ignore ce qui leur a pris de vous nommer Ministre d'un pays ! »
« Dites donc… Je comprends que vous ayez des griefs, mais je ne suis pas un si mauvais Directeur que ça. » rétorqua le vieux sorcier.
À nouveau, Severus leva les yeux au ciel. À s'en faire mal. « Oh, bien sûr, lorsqu'un projet vous tient à cœur, vous le supervisez personnellement et je ne nierai pas que vous vous investissez auprès des élèves qui attirent votre attention… Mais qui se soucie des délais et des budgets, Albus ? Qui fait tourner l'école tout au long de l'année ? Qui organise les emplois du temps, gère les impondérables et, la plupart du temps, joue l'arbitre entre les professeurs ? »
« Minerva ne fait pas tout. » grommela le Directeur.
« Non, elle ne fait pas tout. Du moins, pas seule. » se moqua-t-il. « Mais elle fait la majeure partie du travail. Et seriez-vous le meilleur Directeur que Poudlard ait jamais eu, un pays n'est pas une école, Albus. Franchement. Si vous comptez gouverner, mettez au moins en place un semblant de gouvernement. »
« J'escomptais que vous m'aideriez. » contra son mentor.
« En plus de diriger l'Ordre, poursuivre mes recherches sur la potion Révèle-Loup et vous aider à localiser… Vous-savez-quoi ? » ironisa-t-il.
Les sorts anti-intrusions tenaient, il les sentait toujours.
Mais il sentait aussi que Nymphadora et Harry s'étaient tous les deux raidis mais feignaient l'un et l'autre de dormir.
Albus ne devait pas être beaucoup plus dupe parce qu'il baissa brièvement les yeux vers la jeune femme.
« Que souhaitez-vous faire, Severus ? » soupira l'homme. « Puisque vous semblez mieux savoir que moi comment diriger un pays ? »
« Commencez par nommer quelqu'un qui nous dira combien d'argent nous avons. Une guerre coûte, surtout si nous devons nourrir toute la communauté magique. » Il leva la main avant que le Directeur n'ait pu ouvrir la bouche. « Je n'ignore pas que vous avez fait des provisions. Mais combien de temps tiendront-elles ? Avez-vous songé à les rationner ? »
« Nous avons suffisamment de provisions. » insista Albus. « J'ai fait les calculs. »
« Et les elfes sont-ils au courant de ces calculs ? » le défia-t-il. « Qui est en charge de quoi en cas d'attaque ? Très clairement, si la dernière bataille m'a appris quoi que ce soit, c'est que nous manquions cruellement d'organisation. »
Le Directeur-Ministre le regarda longuement puis poussa un profond soupir. « Très bien. Vous avez carte blanche. Faites ce qui vous semble nécessaire, déléguez ce que vous voulez déléguer et faites-moi parvenir un compte-rendu en fin de journée. »
C'était lui qui avait insisté pour reprendre du service, se rappela Severus, et mieux valait le faire soi-même qu'être esclave des décisions tardives d'Albus.
La porte de la chambre s'ouvrit lentement, discrètement, comme pour ne pas le réveiller mais Andromeda oublia toute notion du furtivité lorsqu'elle aperçut le Directeur.
« Ah, non. » s'énerva-t-elle. « Je vous ai averti, hier. Il a besoin de repos. »
« Et je l'y laisse. » promit Albus, en levant les deux mains.
Il sourit à la Médicomage dont l'expression ne s'allégea pas. Elle le fusilla du regard jusqu'à ce qu'il quitte la pièce.
Severus se racla la gorge. « Pourriez-vous cesser cette comédie ? »
Andromeda fronça les sourcils, visiblement interpellée, mais sembla comprendre lorsque sa fille se redressa d'un coup. Harry, lui, ouvrit un œil paresseux puis le referma, sa queue battant toutefois l'air avec une irritation manifeste.
« Il ne manque pas de culot. » soupira Nymphadora. Elle s'étira, les bras tendus haut au-dessus de sa tête, étouffant un bâillement dans son épaule… Severus n'étant qu'un homme, son regard dériva brièvement vers sa poitrine … « Je ne serais pas mécontente quand je pourrais dormir dans un vrai lit. »
« Ça, ça ne tient qu'à toi. » remarqua Andromeda. « Et c'est pareil pour toi, d'ailleurs. » Harry gronda un peu lorsqu'elle lui asséna une légère claque sur le postérieur mais ne bougea pas de là où il était pour autant. « L'un de vous doit me faire de la place pour que je l'examine. »
« Je me sens bien. » protesta Severus. « D'ailleurs… »
« Vous ne quitterez pas cette chambre avant que je sois certaine que vous soyez en parfaite santé. » décréta Andromeda.
« Tiens, je te laisse la place. » offrit Nymphadora à sa mère. « Je rentre à la maison me doucher. Je reviens après. Je te ferais un point pendant le petit-déjeuner. »
La dernière partie était pour lui.
« Pas de travail. Du repos. » insista la Médicomage.
« Je ne suis guère doué pour rester sans rien faire. » déclara-t-il, une fois que Nymphadora se fut éclipsée.
La Médicomage lui fit les gros yeux. « Faites un effort. »
Il se laissa examiner parce que c'était encore le moyen le plus rapide d'en finir mais elle ne cessa pas ses œillades réprobatrices.
« Nymphadora ne se remettrait pas s'il vous arrivait quelque chose. » finit-elle par lâcher, une fois qu'elle eut terminé de lancer sa panoplie de sorts de diagnostic. « Pas plus que ce garçon beaucoup trop têtu pour son propre bien. » Elle gratta la tête du tigre qui consentit à répondre à la caresse d'une légère bourrade. « Pensez à ça, Severus, et levez le pied. »
« Vous avez changé de discours. » remarqua-t-il, sans pouvoir s'en empêcher.
Le regard qu'elle lui jeta était triste. « J'ai vu son cœur se briser devant moi quand nous lui avons dit que vous… » Elle secoua la tête. « Vous récupérer en vie et en bonne santé relative était un miracle. Ne la forcez pas à revivre ça. » Son regard se durcit. « Et il va sans dire que si vous ne la traitez pas avec tout l'amour et le respect qu'elle mérite, vous aurez affaire à moi. Je ne suis peut-être pas un Maître des Potions émérite mais je sais comment faire souffrir quelqu'un. »
La menace était un petit peu ridicule parce qu'il avait déjà traversé l'enfer et en était ressorti mais il ne commit pas l'erreur de paraître amusé. À vrai dire, il n'était pas amusé. Il avait un fils, il pouvait comprendre ce qui poussait Andromeda à faire ce genre de déclaration.
Il inclina donc la tête avec respect. « Je ne mériterais rien d'autre si je la faisais souffrir. »
« Bien. Dans ce cas, nous sommes sur la même longueur d'onde. » décréta la Médicomage.
Harry, pour sa part, leva sa grosse tête vers lui et cilla de manière exagérée. Un tigre pouvait-il sourire ? Severus savait quand son fils se moquait de lui. Il poussa le fauve sans aucune pitié.
« Crétin d'enfant. » gronda-t-il, sans hostilité.
Le tigre roula sur le dos sous l'effet de sa main, émettant un bruit étrange que Severus finit par interpréter comme étant un rire – ou l'équivalent impossible chez un félin.
Andromeda sourit puis rangea sa baguette. « Je vous laisse. »
Trop occupé à se moquer de lui, Harry rata sa sortie.
C'était la première fois qu'ils se retrouvaient seuls depuis qu'il s'était réveillé, la veille, et c'était également la première fois que son fils faisait preuve d'un minimum de joie de vivre. Severus ne voulait pas briser sa bulle mais il lui fallait aussi, pourtant, adresser ce qu'Harry préférait ignorer. Il laissa toutefois son amusement passer par lui-même, peu surpris lorsque le tigre cessa d'émettre ces bruits incongrus d'un coup, comme frappé. Il ne fut pas surpris non plus lorsqu'il revint se rouler en boule contre lui et posa sa tête sur son torse, se faisant aussi petit qu'un fauve de sa taille le pouvait.
Après une seconde d'hésitation, Severus passa sa main tremblante sur son échine. « Ne veux-tu pas redevenir humain pour que nous en parlions de vive voix ? »
Le tigre ferma les yeux et pressa son museau contre son torse, comme pour se cacher le visage.
« Harry, tu n'es pas un félin et, contrairement à tous les autres, je sais pertinemment pourquoi tu préfères cette forme. Je te connais par cœur. » lui rappela-t-il, non sans douceur. « Commençons par le début, tu veux éviter ma colère… Je ne suis pas en colère. »
Son fils lui jeta un regard lourd de sens qui lui fit lever les yeux au ciel.
« Très bien. Je suis furieux que tu ais risqué ta vie pour la mienne. Je suis furieux que tu ais prévu de sacrifier ta vie pour la mienne. » se corrigea-t-il. « Et, dans une moindre mesure, je suis aussi en colère que tu n'ais pas respecté mes ordres et évacué durant la bataille, encore que cela t'a peut-être sauvé la vie, alors j'aurais tendance à te pardonner cet écart là. Commençons par là, néanmoins. » Il soutint le regard vert. « Sirius dit que tu te sens coupable d'avoir laissé les plus vulnérables dans les cachots. Comment aurais-tu pu savoir ce qui allait se produire ? Oui, tu aurais pu m'obéir et la situation aurait peut-être été différente mais elle aurait également pu être pire. Nous ne le savons pas et nous ne le saurons jamais. Dans une bataille, les regrets sont inutiles. Des décisions sont prises sur le moment, souvent majeures et avec des conséquences que l'on ne peut, au mieux, que tenter d'anticiper. Tu as fait ce qui te paraissait le plus sensé sur le moment. »
Le tigre lâcha un long grondement.
« Sirius m'a aussi dit qu'il n'aurait jamais pu tenir le hall sans ton groupe. » continua-t-il. « Comprends-tu ? Tu aurais pu prendre des décisions différentes, aider des gens différents, mais, même toi, tu ne peux être à deux endroits à la fois, Harry. Tu as fait des choix dans le feu de l'action, accepte-les, apprends d'eux et tu feras mieux la prochaine fois. Et si tu pouvais m'obéir, la prochaine fois, ce serait parfait. »
Il enfouit ses doigts tremblants dans sa fourrure, la gorge nouée de ce qui aurait pu se passer si...
« Quant à ta mission de secours… J'ignore si je ne préférais pas lorsque tu agissais simplement comme un Gryffondor. » murmura-t-il. « Te voir faire des choses insensées en y mettant une tactique de Serpentard… La notion me terrorise. »
Un gémissement, cette fois, qu'il ignora.
« Que crois-tu qui se serait passé si je m'étais réveillé pour m'entendre dire que tu étais mort en me sauvant ? » continua-t-il doucement. « Crois-tu sincèrement que je t'aurais survécu longtemps ? »
Pas même pour Nymphadora.
Il aurait trouvé le moyen le plus rapide de mettre sa mort au profit de la cause et aurait foncé les yeux fermés.
Harry n'était pas un échec auquel il voulait survivre.
« Harry, je ne sais plus comment t'expliquer que ta vie a cent fois plus d'importance que la mienne. » soupira-t-il. « Et, non, pas parce que tu es l'Élu ou toutes ces idioties que se plait à répéter Albus mais parce que tu es mon fils. »
Sa voix se brisa légèrement et il se racla la gorge, se repliant un peu plus derrière ses boucliers qui compartimentaient déjà sa fureur.
« Mon fils. » répéta-t-il. « Un fils que je ne supporterais pas de perdre. Un fils de qui je ne me détournerai jamais, peu importe ce qu'il a fait. »
La transition était peu subtile et Harry laissa échapper un autre gémissement.
« Tu n'es pas responsable de la mort de ton oncle. » déclara-t-il d'abord. Ce n'était pas un point sur lequel Sirius s'était attardé mais il connaissait trop bien Harry, savait trop bien comment il raisonnait… « Si quelqu'un est coupable, c'est Albus. Il n'aurait jamais dû te renvoyer là bas, en premier lieu. »
Et le garçon n'aurait jamais dû le laisser faire mais il ne blâmait pas Harry de s'être laissé manipuler. Les Dursley étaient un point sensible, un problème qui ne se réglerait pas en quelques mois. Qu'un adulte en position d'autorité persiste à vouloir l'y renvoyer comme si ce dont il avait souffert là bas était moindre ne contribuait pas à lui faire accepter que ce qu'il avait subi n'était ni normal, ni acceptable.
Nouveau gémissement.
« Redeviens humain, Harry, s'il te plait. » demanda-t-il, en lui caressant l'échine. « Je veux discuter du reste avec toi, pas monologuer. »
Le tigre secoua la tête, se faisant plus petit encore, ce qui était déjà un exploit.
Severus soupira. Il avait su que ce ne serait pas facile mais…
« Ce MacNair n'était pas ton ami. C'était un Mangemort. » Il ignora le grondement menaçant qui venait du ventre du fauve. « Il t'aurait tué sans sourciller. Il aurait massacré ta tante et ton cousin. » Encore que cela n'aurait pas été une grosse perte. Mais il prit soin de garder son opinion sur ce sujet pour lui. « Ce n'était pas l'adolescent que tu as rencontré, de la même manière que je ne suis pas mon double ou que Sirius n'est plus le même abruti sans cervelle. »
Harry s'agita mais il plaça la main sur sa nuque, l'empêchant de sauter du lit et de se sauver pour mieux éviter la conversation.
« Cela ne change pas ce qui s'est passé, je suis d'accord. » insista-t-il. « Cela ne rend pas la chose moins affreuse, je m'en doute. Tuer n'est jamais anodin. »
Surtout pour quelqu'un avec un cœur tel que le sien.
« Mais il y a une différence entre tuer pour défendre et tuer pour le plaisir. Il y a une différence entre réagir pour protéger et calculer le meurtre de quelqu'un. » continua-t-il. « Il t'aurait fait du mal. Il aurait tué Pétunia et ton cousin. Il y a des situations ou il faut tuer ou être tué. Je regrette que tu ais dû le vivre mais ce n'est rien que tu ne savais déjà. »
Le rugissement colérique ne l'impressionna pas, malgré les crocs acérés qui se découvrirent à quelques centimètres de son visage.
Il préférait la colère à l'apathie.
« Tu ne peux pas passer le reste de ta vie sous ta forme Animagus parce que tu as honte de ce que tu as fait. » asséna-t-il, sans douceur cette fois. « Personne ne te le reproche sauf toi. Rien n'a changé. Personne ne te voit différemment. »
Nouveau rugissement, un peu moins colérique mais plein de douleur.
« Rien ne changera jamais pour moi. » persista-t-il. « Harry, tu es mon fils et je… »
Cela avait été si facile de le dire à Nymphadora, dans la nuit, mais, à présent… En plein jour, face à face, en pleine possession de ses capacités cognitives… Harry avait le droit de l'entendre, cependant… Il avait besoin de l'entendre.
La bouche sèche, un peu nerveux, mal à l'aise de devoir exprimer ainsi ses sentiments, il attrapa automatiquement la carafe d'eau sur la petite table à côté du lit, la trouva vide… Il la reposa pour prendre le verre, sortit sa baguette…
« Aguamenti. » marmonna-t-il, sans y penser.
Harry émit un feulement surpris lorsqu'il se retrouva trempé, avec tout le reste du lit.
Severus cilla sans comprendre, contemplant les draps mouillés. Le tigre sauta au sol et s'ébroua avec agacement, mettant davantage d'eau dans la pièce…
Il avait voulu faire apparaître un filet d'eau, pas un torrent.
Se concentrant un peu plus sur ce qu'il faisait, il voulut sécher les draps – et lui-même – d'un coup de baguette. L'air devint si chaud dans la pièce qu'il était presque irrespirable.
Harry laissa échapper un bruit interrogatif.
Les yeux noirs de Severus s'attardèrent sur lui, son cœur battant un peu trop vite, puis il pointa sa baguette vers la chaise, faisant un effort conscient pour mesurer son sort.
« Windardium Leviosa. » murmura-t-il.
La chaise s'envola si vite et si fort qu'elle alla se fracasser contre le plafond.
Il n'eut que le temps de lever les bras pour se protéger des débris qui plurent sur eux.
Harry avait filé sous le lit.
Il en ressortit, les yeux écarquillés.
Severus posa prudemment sa baguette sur la table de nuit, s'exhortant au calme même s'il sentait la panique naître au creux de son ventre.
« Je pense que tu ferais mieux d'aller chercher Andromeda ou Pomfresh. » exigea-t-il.
Sa magie était erratique.
Et il venait sans doute de découvrir les conséquences du retrait de la Marque.
