Juste un petit mot parce que j'ai vu passer ça plusieurs fois dernièrement dans les reviews: même si je ne reçois plus de mails je regarde manuellement les commentaires sur LDS du coup je lis bien vos commentaires. Simplement la mécanique du site rend le système de réponse beaucoup trop compliqué et ça prend trop de temps, c'est pour ça que je dis que si vous voulez un échanger, ce sera plutôt sur AO3 (ou sur le discord) parce que là bas je peux répondre correctement =) Mais je regarde les reviews, pas de soucis.

Enjoy & Review!


« He was my anchor, my sole point of reference in a world that spun too fast, that would have thrown me off my balance if he had let go of me.

But he did not let go. He kept me upright, anchored, and that was the moment that I understood how he had changed me. I had been so long on my own, so apart from everyone, that I had not realized how he had pierced my solitude. I had finally acknowledged that I loved him, but it was not until that moment that I understood I needed him. »

A Murderous Relation – Deanna Raybourn

« Il était mon ancre, mon unique point de référence dans un monde qui tournait trop vite, qui m'aurait fait trébucher s'il m'avait lâchée.

Mais il ne me lâcha pas. Il me tint debout, ancrée, et ce fut le moment où je compris à quel point il m'avait changée. J'étais restée seule si longtemps, tellement à l'écart des autres, que je ne m'étais pas rendue compte combien il avait percé ma solitude. J'avais finalement admis que je l'aimais, mais ce ne fut qu'à ce moment que je compris que j'avais besoin de lui. »

A Murderous Relation – Deanna Raybourn.


Chapitre 70 : A World That Spun Too Fast


Le bacon grésillait dans la poêle, l'odeur une affreuse torture.

Harry le retourna pour ne pas qu'il s'accroche, nauséeux et affamé à la fois. Lorsqu'il fut doré exactement comme il le fallait, il pêcha chaque morceau avec une fourchette et les plaça au centre d'une assiette, avant d'attraper deux tranches de pain blanc préalablement coupées et de les placer dans la poêle encore chaude.

« Maître Harry. » insista Kreattur, ses oreilles s'agitant. « Kreattur peut préparer le petit-déjeuner. »

C'était le troisième matin consécutif que l'elfe faisait la remarque.

Il la faisait aussi au déjeuner, surtout s'il lui demandait de s'asseoir et de partager son repas.

Il la faisait aussi au dîner.

Sans répondre, Harry retourna les bouts de pain. Lorsqu'ils furent prêts, il les disposa dans des assiettes propres puis cassa deux œufs.

Les bruits de pas le firent se tendre, appréhendant une taloche gratuite à l'arrière du crâne qui ne vint pas parce que Dudley et Tante Pétunia avaient quitté Poudlard et ne risquaient plus de lui prodiguer ce genre d'attentions.

« Déjà debout, mon chat ? Techniquement, tu es en vacances, tu sais. Tu as le droit de ne pas te lever à l'aube. » lança Tonks, un peu trop joyeusement. Comme son sourire qui était un peu trop forcé.

Ces derniers jours, elle ne semblait plus savoir comment lui parler.

Harry ne pouvait pas trop la blâmer. Il avait conscience d'ouvrir à peine la bouche et de se comporter un peu bizarrement. Il pouvait passer des heures recroquevillé dans un fauteuil ou sur le canapé à regarder le feu dans la cheminée, sans se rendre compte du temps qui passait. Et s'il n'avait pas eu un accès restreint aux ingrédients, rationnement oblige, il aurait probablement passé sa journée à cuisiner. Il avait supplié Kreattur de lui apporter de quoi faire des brownies, la veille. Ça lui occupait l'esprit.

« Désolé de t'avoir réveillée, cette nuit. » marmonna-t-il, les joues rougies, en posant sur la table le plat de bacon. Les œufs étaient cuits, le jaune coulant, le blanc juste assez ferme… Il les souleva avec une spatule et les posa sur chacun des deux toasts.

Kreattur fit léviter l'assiette juste à l'endroit où Dora venait de s'asseoir avant qu'Harry ne puisse la déplacer.

« Je ne dormais pas, de toute façon. » mentit-elle, sans se départir de son sourire.

Combien des cernes sous ses yeux étaient dues à ses hurlements incessants au milieu de la nuit ? Il avait tenté de jeter un silencio mais Severus l'avait senti et s'était mis en colère. Lui aussi avait des cernes.

Il passait la moitié de ses nuits debout à le consoler comme un enfant.

« Tu n'étais pas obligé de cuisiner. » offrit-elle, son sourire se faisant plus hésitant. « Je ne suis pas une as des fourneaux mais je peux faire griller des toasts de temps en temps, tu sais ? »

Il fronça les sourcils. « Tu préfères du pain grillé, ce matin ? »

« Non. » grimaça-t-elle. « C'est très bien, merci. Et je suis sûre que c'est très bon aussi. Mais tu n'es pas obligé de faire ça, tous les matins, Harry. »

Ou tous les midi ou tous les soirs.

La chose avait été établie.

Régulièrement.

Par tous les adultes qui supervisaient sa vie, même Sirius qui avait pourtant dévoré tous les brownies.

« Kreattur a réparé les robes de maîtresse Nymphadora. » déclara l'elfe. « Les robes sont pendues dans l'armoire de maîtresse. »

« De Severus. » corrigea rapidement la jeune femme, avec une autre grimace, juste au moment où l'homme pénétrait dans la cuisine dans un claquement de capes. Ce devait être un bon jour parce qu'il n'avait pas sa canne et son boitement était à peine prononcé.

« Encore en train de médire de moi ? » la taquina-t-il, avec un amusement qui semblait moins forcé que l'expression neutre qui tomba sur ses traits lorsqu'il vit Harry en train de faire dorer un autre toast.

« Toujours et à chaque instant. » rétorqua Tonks, en remplissant la bouilloire d'un coup de baguette.

Erreur stupide, songea Harry. Il aurait dû s'assurer que le thé était prêt avant la nourriture. Ou le café. Ne préférait-elle pas le café le matin ? Mais c'était bien plus difficile de préparer du café à Poudlard que ça ne l'était chez les Moldus. Il tendit la main vers le moulin à grains…

Deux mains se posèrent sur ses épaules et le redirigèrent vers la table…

« Mais… » protesta-t-il.

« Tu en fais assez. » trancha Severus, en prenant sa place pour terminer de faire cuire son petit-déjeuner.

« Mais ton assiette va être froide ! » insista-t-il. Et c'était meilleur chaud. Et…

« Kreattur va la garder chaude, Maître Harry. » intervint l'elfe, en claquant des doigts. Un autre claquement et un mug de café fumant apparut devant Dora qui lui jeta un regard reconnaissant. Encore un autre et un pichet de jus de citrouille vint se placer juste devant le verre du garçon.

Toujours agacé, il se servit un verre de jus, reconnaissant l'ordre tacite. « Sirius n'a pas besoin de toi, ce matin ? »

« Sachi s'occupe de Maîtresse Cissy et de Maître Draco. Sachi n'est pas une mauvaise elfe. » Kreattur eut une expression entre le mépris et le dubitatif. « Kreattur a espoir d'en faire une bonne elfe. Et Maître Sirius est avec Miss Nyssa et ne veut pas être dérangé. »

Dora grogna. « Je me serais passée de cette information. »

Severus déposa l'assiette fumante devant Harry, laissant sa main s'attarder sur son épaule avant de prendre sa place à table. Les yeux noirs atterrirent sur le plat de bacon, semblèrent calculer ce qui serait le pire entre le laisser là ou se servir, croisèrent ceux de la jeune femme qui paraissait attendre de voir comment il voulait gérer le problème…

Hier, ça avait été la même chose avec la saucisse au petit-déjeuner. Avant-hier avec le poulet au dîner.

Harry ne touchait jamais la viande.

Mais l'odeur du bacon lui mettait l'eau à la bouche.

Finalement, Severus se servit comme si de rien n'était et Dora fit de même. Kreattur était planté à côté du garçon, jaugeant sa réaction, sans doute prêt à faire disparaître le plat de bacon s'il trahissait la moindre détresse…

Ils ne semblaient pas comprendre pourquoi il s'obstinait à cuisiner quelque chose qu'il ne voulait pas manger.

Ou pourquoi il cuisinait tout court d'ailleurs.

Severus ne cessait de lui rappeler qu'il n'était pas obligé, qu'ils n'étaient pas chez les Dursley, qu'ils pouvaient très bien le faire à tour de rôle… Il lui avait interdit de faire la vaisselle, même si le sort était simple et rapide – peut-être parce que, comme la cuisine, Harry avait tendance à privilégier la méthode Moldue à la magie.

« Tu as des projets, aujourd'hui, Harry ? » s'enquit Severus, après l'avoir complimenté sur son toast.

Avec un temps de retard, le garçon attrapa ses couverts et coupa un bout de son propre petit-déjeuner. Il prétendit ne pas remarquer les soupirs soulagés des deux adultes qui semblaient compter chaque bouchée qu'il avalait chaque jour. C'était irritant. Harry se nourrissait correctement.

« Je ne sais pas. » répondit-il, laconique.

Ces projets étaient les mêmes qu'hier et avant-hier : s'affaler sur le canapé jusqu'à ce que ce soit l'heure de préparer le déjeuner puis répéter la chose jusqu'au dîner. Peut-être se laisserait-il convaincre de jouer une partie de Gringottpoly si Kreattur le suppliait assez.

« Je pense que cela te ferait du bien de prendre l'air. » décréta son père, un peu plus fermement que la veille, lorsqu'il avait fait cette même suggestion.

Harry secoua immédiatement la tête. « Je n'ai pas envie de sortir. »

Il avait beau garder la tête baissée, il les observait sans en avoir l'air à travers sa frange. C'était un art qu'il avait perfectionné chez les Dursley, au cas où Oncle Vernon… Il reposa sa fourchette. Le mouvement trop soudain brisa leur conversation silencieuse et ramena leur attention sur lui. Il prit une gorgée de jus de citrouille, comme si de rien n'était.

Comme s'il ne venait pas de se souvenir de Vernon les yeux et la bouche grand ouverts sur un ordre qu'il ne terminerait jamais.

Son estomac se contracta de manière déplaisante.

Il occluda le souvenir, le rangea dans un coin de sa tête.

« J'ai croisé Granger, hier. » lâcha Severus. « Elle et Weasley s'inquiètent. Ils sont à deux doigts de défoncer notre porte. Pourquoi n'irais-tu pas te promener dans le parc avec eux, un petit moment ? »

« Je suis obligé ? » demanda-t-il franchement.

Tonks avait avalé son assiette en un temps record, et termina son café d'une longue gorgée tout en se levant.

« Je file, je vais être en retard. » déclara-t-elle, avec un regard furtif pour le Maître des Potions. C'était faux mais il supposait qu'elle voulait les laisser seuls.

Elle s'arrêta juste assez longtemps derrière la chaise d'Harry pour passer un bras autour de lui pour une étreinte rapide et pressa un baiser sur sa joue. Il grommela pour la forme mais ne tenta pas de repousser ces marques d'affection qu'il avait passé son enfance à envier à Dudley.

« Ça te ferait du bien de prendre l'air. » remarqua-t-elle, perdant le ton trop enjoué qu'elle adoptait désormais en permanence autour de lui. « Juste une petite heure ? »

Elle partit sans attendre de réponse, avec un simple clin d'œil pour Severus en guise d'au revoir. Harry reprit sa fourchette pour torturer ce qu'il restait de son toast, sans oser croiser le regard de son père. L'homme attendit d'entendre la porte d'entrée se refermer pour parler.

Kreattur s'était éclipsé en silence, lui aussi.

Harry savait reconnaître un traquenard lorsqu'il en voyait un.

« Nos appartements ne peuvent pas être le nouveau tigre. » offrit doucement Severus, prudemment.

Harry détestait la manière dont ils s'adressaient tous à lui, en prenant des pincettes, comme s'il allait se briser s'ils lui parlaient trop fort.

Il n'était pas si fragile.

Il…

« Et la cuisine… » continua le Professeur, puisque l'adolescent ne disait rien. « Tu sais que tu n'es pas obligé de… Harry, la seule chose que j'attends de toi c'est que tu ranges ta chambre et que participes un minimum au ménage, ce qui n'a jamais été un problème. Tu n'es pas forcé de cuisiner. »

« Ça ne me dérange pas de cuisiner. » contra-t-il. « Et vous êtes occupés, Dora et toi, alors… »

« Kreattur peut préparer les repas. » le coupa le Maître des Potions. « Ou l'un des elfes de Poudlard. Ou nous pouvons aller dans la Grande Salle. Nous sommes rationnés, pas affamés. Tu n'es pas obligé… »

« Mais ça me donne quelque chose à faire. » contra-t-il, avec un soupir. « Et… ça m'aide à me concentrer sur autre chose. Ce n'est pas comme si je pouvais juste aller au stade de Quidditch pour voler, si ? »

Severus hésita. « En théorie, le stade de Quidditch est largement dans les limites des protections mais il est très éloigné du château et… »

« Oui, oui, je sais… » soupira-t-il. « On ne peut pas me faire confiance sur un balai. »

« Ce n'est pas ce que j'ai dit. » protesta l'homme.

« Tu le penses si fort. » railla-t-il, s'attirant un regard sévère.

« Je suppose que je devrais être rassuré que tu aies retrouvé ton insolence chronique. » plaisanta le Professeur, sans amusement.

Harry poignarda un bout d'œuf de sa fourchette. « Donc, je n'ai plus le droit de faire la cuisine ? »

Severus se frotta les yeux. « Je ne te l'interdis pas. Mais il me semble que le système que nous avions jusque là fonctionnait bien et que tu te rends bien compte que cette nouvelle passion pour la cuisine est… excessive. » L'homme poussa un long soupir. « Harry, je sais que tu n'as guère envie d'affronter le monde extérieur mais je pense que cela te ferait du bien de voir tes amis, de leur parler. » Son ton s'allégea quelque peu, pour plaisanter. « Sans compter que je préfèrerais que les embuscades de Grangers et Weasley cessent. Crois-le ou non, ils me croisent par hasard à chaque détour de couloir au moins deux fois par jour. »

Malgré lui, il se prit à sourire. « Ils ne sont pas très subtils. »

« Ce sont des Gryffondors. » remarqua Severus. « Je ne m'attends pas à des miracles. Mais ils pourraient au moins tenter d'être un peu plus sournois, surtout lorsque Draco les accompagne. » Le Professeur tendit la main, effleura la sienne qui serrait sa fourchette à s'en faire mal. « Ils sont inquiets pour toi. »

« Tout le monde est inquiet pour moi. » cracha-t-il, en osant croiser son regard. « Et ça m'étouffe. » Il s'en voulut immédiatement de son ingratitude. « Désolé. Je… »

Son père balaya l'excuse d'un geste de la main. « J'en ai conscience et je le regrette. Mais je peux pas simplement faire comme si tout allait bien alors qu'il est évident que non. Un bon compromis serait que tu acceptes d'aller voir tes amis. »

Harry fronça les sourcils. « Pas sûr que ce soit la définition d'un compromis. J'y gagne quoi, moi ? »

Severus l'observa un moment puis leva lui-même un sourcil, un rictus aux lèvres. « Je pourrais me laisser convaincre de superviser une session de vol. »

C'était tentant mais il refusa d'une secousse de tête. « Tu n'as pas le temps. »

« Je peux trouver le temps. » contra le Maître des Potions.

Sur son temps personnel déjà réduit ? Lorsque Severus ne travaillait pas, n'était pas penché sur ses recherches ou en train de s'entraîner pour tenter de maîtriser sa magie, il s'occupait d'Harry. Ces derniers jours, c'était à peine s'il avait pris cinq minutes pour lui. Même Tonks paraissait avoir un emploi du temps plus léger, encore que c'était à peine mieux.

« Je préfèrerais que tu trouves le temps de te reposer. » commenta-t-il. « Tu étais encore dans le coma, y a un peu plus d'une semaine. »

Le Maître des Potions pinça les lèvres avec une légère irritation mais ne lui rappela pas que c'était lui l'adulte et, donc, à lui de veiller sur l'adolescent. « Très bien. Si tu fais l'effort de sortir d'ici et d'aller voir tes amis, ne serait-ce qu'une heure, je ferais l'effort de passer un moment sans m'inquiéter de la guerre ou du reste. Ce compromis te satisfait-il ? »

Harry y réfléchit puis capitula, simplement heureux que Severus ait accepté de se reposer un peu. « D'accord. » Il leva les sourcils. « Mais ne crois pas que je n'ai pas remarqué que tu m'as manipulé en m'obligeant à céder pour que tu prennes soin de toi. C'est très déloyal. »

« Très. » acquiesça son père, en terminant sa tasse de thé. « C'est également très efficace. »

L'adolescent leva les yeux au ciel mais ses lèvres s'étirèrent également en un petit sourire.

°O°O°O°O°

Sirius faisait léviter les mannequins, un par un, en ligne au centre de la pièce pour préparer la leçon du jour. Le premier groupe de volontaires n'allait pas tarder à arriver et ce serait le premier d'une longue série.

« Quand est-ce que je récupère Remus ? » soupira-t-il, en direction du sorcier qui feuilletait le cahier de présence qu'il avait exigé que chaque volontaire signe en début de séance.

« Espérons-le jamais. » marmonna Severus, avant de lever les yeux vers lui. « J'admets, cependant, que ta charge de travail est lourde… Plusieurs des Aurors blessés à Dartmouth sont hors d'état de combat pour quelques jours… Je peux demander à Nymphadora de t'en affecter un ou deux. »

« Je ne dis pas non. » avoua-t-il.

Enseigner lui plaisait mais former des troupes à la guerre, c'était entièrement différent. Et puis, ce n'était pas comme si c'était sa seule responsabilité. Il continuait à participer aux patrouilles et, pas plus tard que la veille, il avait mené sa véritable première mission en solo…

Il avait été un peu vexé lorsque Severus avait promu Bill comme son second, il n'allait pas mentir, mais il s'était vite aperçu que le Maître des Potions, comme à l'accoutumé, voyait plus loin que le bout de son nez. Bill n'était, au fond, qu'un secrétaire ou un assistant. Sirius, lui, s'était vu promu chef d'équipe sur le terrain, ce qui lui convenait bien mieux.

Il avaient attaqué, la veille, les caches dont Severus avait arraché l'emplacement aux prisonniers par Legilimencie. Siruis avait insisté pour emmener, dans son groupe, les volontaires qu'il estimait prêts parce qu'ils ne sauraient jamais s'ils l'étaient effectivement avant de les avoir testés sur le terrain. C'était un petit groupe : six personnes, dont trois de ses septième année… Il avait choisi la mission la plus facile du lot : un terrain boisé, uniquement deux gardes…

Cela s'était très bien passé et il avait recommandé que ces volontaires là soient intégrés dès à présent dans les unités d'Aurors. Le seul couac avait été la colère des jumeaux Weasley à se voir mis sur le banc de touche alors que Lee Jordan passait à l'étape supérieure. Sirius n'avait pas voulu les emmener par égard pour Molly. Ce n'était pas très juste, il en avait conscience, mais il savait par Narcissa qui, pour une raison qu'il ne comprenait pas, prenait régulièrement le thé avec elle, qu'elle peinait à garder la tête hors de l'eau entre la mort de Percy et l'état préoccupant de Charlie.

« Qu'est-ce qui s'est passé avec Remus ? » demanda-t-il, pour rester sur le sujet.

Personne n'avait d'explication satisfaisante à lui fournir. Laura, si elle savait la vraie raison de son départ précipité, restait bouche close… Dumbledore bottait en touche… Tonks ne voulait pas entendre parler de lui… Et Severus… Severus se referma immédiatement comme une huître, derrière ses boucliers d'Occlumencie.

« Rien qui ne te concerne. » décréta son ancien rival, en refermant le cahier d'un geste brusque.

Sirius cessa la mise en place de sa salle d'entraînement pour le dévisager avec agacement. « Si ça concerne Harry, ça me concerne. Tu soupçonnais encore un problème. Si… »

« S'il y a un problème entre Lupin et Harry, je n'ai pas encore découvert lequel. » le coupa Severus, d'un ton las. « Mais pour cela, encore faudrait-il qu'Harry me parle… »

L'Animagus traversa la pièce pour le rejoindre, sans cacher son air inquiet.

Ils n'avaient guère eu le temps de discuter, plus tôt. Sirius était arrivé en retard à ce qui était devenu leur entraînement matinal hebdomadaire, retenu par les bras très convaincants de Nyssa, et, pendant le duel en lui-même, toute son attention était focalisée sur Severus. Ses sorts étaient encore très aléatoires, voire beaucoup trop puissants, et le combat était dangereux. Contre un Mangemort, cela aurait été excellent, mais pour la sécurité de tous, il était essentiel qu'il parvienne à maîtriser sa force, ce qui passait par la pratique régulière.

« Il continue à se comporter comme un elfe de maison ? » demanda-t-il. Les brownies avaient été excellents, cela dit…

Severus soupira, secouant la tête, avant de croiser les bras. La canne était appuyée contre le mur, davantage un accessoire, ce jour-là, qu'une nécessité. « Si ce n'était que la cuisine… Il ne semble même pas s'en rendre compte. Kreattur m'a confirmé qu'il avait fait la poussière, avant-hier. À la Moldue. J'ai l'impression qu'il retombe dans les schémas qu'il a connus chez les Dursley. Je m'attends à tout moment à le retrouver recroquevillé dans un placard. »

Sirius sentit son cœur se serrer d'angoisse. Il passait autant de temps qu'il le pouvait avec Harry, parfois sous sa forme de chien simplement parce que cela semblait faire davantage de bien au garçon de caresser Patmol que de parler avec l'humain, mais il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir que son filleul n'était pas dans son état normal.

Et ne semblait pas tout à fait s'en rendre compte.

« Il m'a promis d'aller voir ses amis, aujourd'hui. » ajouta Severus.

« Pas trop tôt. » décréta-t-il. « Hermione campe dans mes appartements. »

Que Draco y soit était un bonus. Elle paraissait souvent se trouver là dans l'unique but d'exiger qu'il la laisse voir son filleul comme si lui et Severus le gardaient sous clef.

« J'espère simplement que cela n'envenimera pas la situation. Harry est si fragile… Un mot de travers serait dramatique. » commenta le Maître des Potions. « J'hésitais à leur parler d'abord, les mettre en garde… »

« Harry t'en voudra. » remarqua Sirius.

« Harry peut m'en vouloir autant qu'il veut si cela garantit son bien-être. » rétorqua Severus, d'un ton las.

Sa fatigue était aussi évidente que la mélancolie de son filleul.

Les cernes sous ses yeux, son teint un peu cireux, le tremblement prononcé de sa main droite…

« Tu as dormi combien d'heures, cette nuit ? » demanda-t-il, avec désapprobation.

Severus travaillait comme dix. Lorsqu'il n'était pas en train de gérer l'Ordre ou de seconder Albus, il planchait sur les recherches de l'horcruxe ou rejoignait Slughorn au laboratoire pour étudier la question de la potion Révèle-Loup. Et lorsqu'il ne faisait pas tout ça, il s'occupait d'Harry. Si Tonks ne vivait pas avec lui, il était probable qu'il l'aurait à peine croisée pendant des jours.

Le sorcier leva les yeux au ciel. « Préfères-tu que je laisse Harry se débattre seul avec ses cauchemars ? »

Des cauchemars qui, s'il comprenait bien, s'élevaient à deux ou trois par nuit, entrecoupés de longues périodes d'insomnie où, la plupart du temps, Severus lui tenait compagnie.

« Vous ne pouvez pas vous relayer avec Tonks ? » suggéra-t-il.

Ce n'était visiblement pas la chose à dire.

« Harry est mon fils. » cingla Severus, en se rembrunissant. « Je suis tout à fait capable de prendre soin de lui. »

« Je sais bien. » riposta-t-il, en levant les yeux au ciel. « Inutile de monter sur tes hippogriffes. Je dis juste… » Il haussa les épaules. « Écoute pourquoi est-ce que je ne squatterais pas ton canapé, ce soir ? C'est l'avantage de Patmol, je ne prends pas trop de place. Tu jettes un sort de silence sur ta chambre et tu me laisses m'occuper d'Harry. »

Preuve que l'ancien Mangemort en faisait trop et avait besoin de repos, il hésita. Puis, il secoua finalement la tête. « Je serais incapable de dormir en le sachant en détresse. C'est une idée, cependant… Je pourrais dormir sur le canapé et jeter un sort de silence sur la chambre, laisser Nymphadora prendre du repos… »

Sirius émit un bruit amusé. « Tu peux essayer et voir ce qu'elle en dit. M'est avis que sa réponse sera violente et insultée. »

L'expression sombre de son ancien rival s'atténua quelque peu, ses lèvres tressautant presque en ce qui aurait pu, chez un humain normal, passer pour un sourire. « Il est tout à fait probable qu'elle ait une opinion tranchée sur la question, effectivement. » Son amusement devint pourtant, un peu hésitant. « Sa présence semble faire du bien à Harry. »

Une nouvelle fois, Sirius haussa les épaules. « Il ne manque pas d'hommes autour de lui mais les femmes adultes… Il n'y en a pas cinquante. Et Molly n'a pas été très disponible, cette année… » Il fronça les sourcils. « Et puis, c'est une bonne chose, non ? Je veux dire… Toi et Tonks, c'est clairement… C'est pour de bon. C'est beaucoup mieux s'il s'entend avec elle, non ? »

« Je ne suis pas certain qu'elle mesure dans quoi elle s'engage. » admit Severus, en détournant le regard. « Je crains un peu qu'elle ne fasse machine arrière lorsqu'elle s'en rendra compte et qu'il n'en souffre. »

Sirius n'était pas tout à fait sûr qu'ils parlaient toujours d'Harry mais il savait, en revanche, qu'il n'aimait pas ce qu'il entendait. Il poussa l'épaule de son ami, attentif à ne pas y mettre trop de force.

« Hey, c'est de ma cousine dont tu parles. » lui rappela-t-il sèchement. « Et elle n'est pas comme ça. »

Si Severus lui jeta un regard agacé, il avait toujours l'air préoccupé. « Elle ne sait pas tout, Sirius. »

Elle ne savait pas pour l'horcruxe.

Sirius n'avait été très emballé par l'idée de mettre Bill dans la confidence. Plus il y avait de gens au courant, plus grandes étaient les chances que Dumbledore flaire leur combine. Pourtant…

« Dis-lui, alors. » suggéra-t-il. « Elle est Occlumens. Probablement meilleure que moi. Qu'est-ce qui t'arrête ? » Severus ne répondit pas et refusait toujours de croiser son regard. Sirius fronça les sourcils. « Elle ne va pas se sauver juste parce que les choses sont un peu plus difficiles que prévu. Pour une raison que je ne m'explique pas, elle est amoureuse de toi, Servilus. »

Cela lui valut un nouveau regard agacé.

« Et elle aime Harry. » insista-t-il. « Elle n'était pas obligée de s'occuper de lui, tu sais. J'étais prêt à le prendre chez moi. J'étais prêt à m'en occuper à plein temps. »

Le silence dura un long, long moment et Sirius s'attendait à tout moment à ce qu'il change de sujet mais, finalement, au bout de ce qui semblait être un profond débat intérieur, le Maître des Potions soupira. « Elle prend une place que… Je ne suis pas certain du type de relation qu'Harry souhaite avoir avec elle. »

L'Animagus croisa les bras, l'étudiant attentivement. « Elle ne remplacera jamais Lily. Comme tu ne remplaceras pas James. »

« Ce n'est pas la question. » marmonna Severus, sur la défensive. « Le fait est que… » L'homme s'interrompit, peut-être un peu gêné. « Oublie cette conversation. Je dois… »

Il attrapa son bras pour l'empêcher de se sauver.

« On se confie à son meilleur ami, Severus. » lui rappela-t-il.

« Je n'ai jamais accepté cet état de fait. » grommela froidement le sorcier, en se dégageant. Pourtant, il cessa ses tentatives pour rejoindre la porte. « Très bien mais si tu le répètes à qui que ce soit, personne ne retrouvera ton cadavre. Est-ce clair ? »

Pour toute réponse, il leva les yeux au ciel.

Severus se racla la gorge. « Sur le plan… romantique, Nymphadora et moi sommes… Nous fonctionnons très bien à deux. Seulement avec Harry… Ce schéma familial à trois… Je ne suis pas certain de comment cela est censé fonctionner. Ou même si je devrais l'autoriser. Si nous venions à nous séparer et qu'Harry se soit attaché à elle… »

Sirius secoua la tête. « Vous n'allez pas vous séparer. »

« Tu n'en sais rien. » cracha son ami. « Je ne suis pas la personne la plus facile à vivre. Il se peut très bien… »

« Je le sais parce que je l'ai vue quand tu étais dans le coma. » le coupa-t-il. « Tu sais… Il y a ces couples, quand tu les vois ensemble, c'est l'évidence. Comme Arthur et Molly ou même Narcissa et Lucius. Vous êtes pareils. »

Severus rougit un peu et se racla la gorge. « Crois-moi, c'est loin d'être la même chose. Tu décris des gens qui ont su au premier regard que… »

« Lily et James étaient comme ça. Évidents. » l'interrompit-il encore, sachant qu'il détesterait la comparaison. « Et pourtant, c'était loin d'être gagné. Surtout au premier regard. »

Le Maître des Potions sembla momentanément à court de mots, ce qui était un exploit.

« Laisse faire les choses naturellement. » lui conseilla-t-il. « Et arrête de te prendre la tête sur des trucs idiots comme si on n'avait pas déjà assez d'ennuis. »

Severus pinça les lèvres mais croisa son regard, avant de lever un sourcil sarcastique. « Tu veux dire comme toi avec ta vampire, je suppose ? Toujours persuadé qu'elle va te quitter du jour au lendemain ? »

Sirius savait bien qu'il n'aurait pas dû autant s'épancher auprès de lui. Il avait monologué, Severus avait à peine écouté un mot, mais, bien sûr, il se souvenait de tout. Le sorcier était agaçant.

« Elle refuse toujours d'avoir quoi que ce soit à voir avec Cissy ou Andy. » soupira-t-il. « Narcissa et Andromeda me harcèlent pour que je la leur présente et trouvent toutes les excuses possibles pour se balader dans le château à la nuit tombée mais Nyssa les esquive. »

Et sa position, entre les deux, n'était pas tout à fait enviable.

Il avait promis à Nyssandra de la flexibilité mais il avait aussi à cœur d'être un meilleur chef de famille qu'il ne l'avait été jusque là et cela impliquait de garder la paix dans la famille – or sa famille voulait rencontrer la femme qu'il aimait, ce qu'il ne trouvait pas déraisonnable au demeurant. Ils étaient dans l'impasse.

« Tu connais mon opinion sur le sujet. » décréta Severus.

Sirius lui jeta un regard noir. « Tu es plein de préjugés. C'est une vampire, pas… »

L'ancien Mangemort leva les deux mains en signe de défense. « Que tu n'aies aucun instinct de survie en couchant avec une vampire, c'est ton affaire. Que tu y engages tes sentiments… Je crains simplement que tu ne subisses une cruelle désillusion à l'arrivée, Black. Vous vivez dans deux mondes différents et elle ne pourrait rejoindre le tien, même si elle le souhaitait. » Les yeux noirs de Severus se durcirent. « Et si tu t'avises de lui demander de te transformer en vampire, je te fais enfermer à Sainte Mangouste. L'issue ne semble guère prometteuse. »

Il secoua la tête, têtu et ne voulant surtout pas entendre des objections que Nyssa avait déjà soulevées. « On peut très bien être ensemble malgré tout. Il suffit de trouver comment. Je n'ai pas besoin d'une vie de famille bien rangée. Et puis… Si je veux une vie de famille, je n'aurais qu'à squatter chez Tonks et toi. »

La taquinerie fit mouche et il esquiva le maléfice cuisant que son ami jeta dans sa direction, laissant éclater un rire amusé qui fut pourtant de courte durée. Il secoua la tête, croisant le regard de Severus, l'œil pétillant.

« Regarde-nous à parler de problèmes de femmes… » se moqua-t-il. « Qui aurait pu croire qu'on en serait là, il y a un an ? »

Il y a un an, à quelques semaines près, Albus les avait forcés à se serrer la main dans la pénombre de l'infirmerie alors qu'Harry venait d'échapper de très près à la mort.

« Personne. » admit Severus, non sans humour.

Le brouhaha d'un groupe de gens approchant mit un terme à la conversation alors que ses volontaires arrivaient.

C'était sans doute pour le mieux.

Un peu plus et ils se seraient fait des déclarations larmoyantes d'amitié, songea Sirius, avec amusement. N'empêche, si on lui avait demandé, un an auparavant, s'il pensait être capable de vraiment travailler avec Severus Snape…

La vie était parfois surprenante de la bonne manière.

Et il en était reconnaissant.

°O°O°O°O°

Harry avait procrastiné autant qu'il l'avait pu le moment de quitter la maison.

Il avait remis un peu d'ordre dans le salon, avait rangé sa chambre, avait vidé sa malle et réorganisé ses placards… Le déjeuner était passé et il avait forcé Kreattur à manger avec lui, ce qui mettait l'elfe mal à l'aise et ne cessait de déclencher des monologues sur ce qui était ou pas approprié pour l'héritier de deux grandes Maisons.

Il était à court d'excuses.

Bien sûr, songea-t-il en restant planté devant la porte d'entrée à en fixer le cadre, il pouvait toujours admettre qu'il avait peur de sortir et rester terré là.

Ou il pouvait se souvenir qu'il était un Gryffondor et faire un effort.

Cela vaudrait le coup juste pour alléger l'inquiétude sourde dans les regards de Severus, Dora et Sirius.

« Kreattur. »

L'elfe apparut immédiatement à côté de lui. Son regard aussi était inquiet.

« Est-ce que tu peux me dire où sont Ron et Hermione ? »

La Carte des Maraudeurs lui manquait déjà.

Il ne fallut pas longtemps à Kreattur pour lui répondre. « Kreattur pense qu'ils sont dans les appartements des traîtres à leur… » L'elfe se frappa. « Des Weasley. »

« Et… C'est où ? » demanda-t-il. Le château semblait s'être transformé durant le temps qu'il avait passé au chevet de Severus.

S'il avait eu l'impression que Poudlard débordait lorsqu'il avait accompagné Severus voir sa tante et son cousin, c'était encore pire en plein milieu de la journée. Il y avait des gens partout. Certains avaient l'air de savoir où ils allaient, marchant d'un pas décidé, sans doute occupés à remplir une tâche ou une autre d'autres paraissaient désœuvrés et un peu perdus des enfants se couraient après dans les couloirs, criant et riant, pris par leurs jeux quelques adolescents traînaient par ci, par là… Plusieurs le saluèrent mais Harry ne les connaissait pas vraiment et se contenta d'un hochement de tête poli.

Ça aurait été différent s'il avait croisé Neville ou Luna ou un autre de ses amis. Ou peut-être pas. Il était déjà nerveux à l'idée de voir Ron et Hermione, alors les autres…

Les instructions de Kreattur étaient précises et il arriva sans encombres devant la bonne porte mais il avait l'estomac qui faisait des nœuds. Il sentait qu'il n'en faudrait pas beaucoup pour déclencher une crise de panique.

Il ne voulait pas vraiment être là.

Il ne voulait pas vraiment avoir à affronter ses amis qu'il avait ignorés si longtemps, avoir à s'expliquer encore, il…

Il frappa à la porte d'un coup sec.

Gryffondor, se remémora-t-il.

Au bout d'une minute, elle s'ouvrit sur Mrs Weasley dont le visage s'éclaira lorsqu'elle le vit. Avant d'avoir pu dire quoi que ce soit, il fut attiré dans ses bras et, s'il se tendit un moment, il lui rendit vite son étreinte, sentant une boule se former dans sa gorge à l'affection qu'elle offrait toujours sans compter.

« Harry, mon chéri… » souffla-t-elle, avec un soulagement manifeste. « Je suis si heureuse de te voir… Entre, entre… »

Elle chercha à l'attirer à l'intérieur mais il pila net.

Ginny était probablement là.

Ginny qu'il avait traitée horriblement mal et qui voulait toujours lui parler.

Ginny à qui il devait des explications et, par-dessus tout, des excuses.

Mais la perspective d'affronter la jeune fille, à cet instant…

Il sentit le souffle se bloquer dans sa gorge. Ses doigts le picotaient. Il avait envie de pleurer. Et il n'était pas aussi discret qu'il l'aurait voulu, non plus. Mrs Weasley se figea.

« Tout va bien, mon chéri ? » hésita-t-elle.

« Je… » se força-t-il à répondre. « Ron et Hermione ? »

Elle l'observa un moment avec inquiétude – la même inquiétude que celle qui brillait dans les yeux de Severus – puis se tourna vers l'intérieur des appartements pour crier: « Ron ! Hermione ! Vous avez de la visite ! »

« Comment va Charlie ? » se força-t-il à demander, dans l'intervalle.

Elle lui sourit mais c'était triste et ça n'atteignit pas ses yeux. Il n'avait pas besoin de Legilimencie pour deviner que ce qui allait sortir de sa bouche était un mensonge. « Un peu mieux, merci de demander, Harry. Et toi ? Comment vas-tu ? »

« Bien. » mentit-il, en retour.

Il lui fut épargné d'élaborer davantage par l'arrivée d'Hermione qui se jeta sur lui dès qu'elle le vit. « Harry ! »

L'étreinte était étouffante mais il la lui rendit pourtant avec le même abandon, croisant le regard de Ron par-dessus l'épaule de la jeune fille. Son meilleur ami avait l'air content de le voir et souriait. Harry voulut sourire en retour mais quoi que fit sa bouche, ça ne devait pas être convaincant parce que l'inquiétude désormais familière s'alluma dans le regard bleu.

Dès qu'elle le lâcha, Hermione tenta de l'attirer à l'intérieur mais il résista.

« Je voulais… On va faire un tour dehors ? » proposa-t-il, à la hâte.

Mrs Weasley les encouragea d'un sourire et ferma la porte, non sans avoir dit à Harry qu'il était toujours le bienvenu chez eux.

Ron et Hermione avaient mille questions.

Ils l'en bombardèrent.

Qu'est-ce qu'il s'était passé chez les Dursley ? Depuis quand travaillait-il à sa forme Animagus ? Était-ce difficile ? Pourquoi ne pas leur avoir dit ? Pourquoi était-il resté un tigre si longtemps ? Est-ce qu'il savait des choses à propos de la guerre ? Est-ce que…

Lorsqu'ils arrivèrent dans le parc, la tête lui tournait sous l'assaut de toutes ces interrogations.

Il n'avait répondu à aucune.

Il avait envie de vomir.

Il y avait trop de monde dans le parc et pas les élèves en uniformes qu'il aurait su comment éviter mais des inconnus qui le fixaient dès qu'ils le reconnaissaient presque avec soif, comme s'il était la réponse à leurs prières et…

« Harry, tu veux qu'on trouve un coin tranquille ? » proposa soudain Ron, interrompant une énième question d'Hermione. La jeune fille se tut instantanément, l'étudia un moment puis lui attrapa le bras comme si elle peur qu'il s'écroule.

Ce qui, devait-il admettre, n'était pas si improbable.

« Il y a beaucoup de monde, c'est vrai. » compatit Hermione. « Je sais que tu n'aimes pas la foule… »

« Le lac est toujours pris d'assaut. » acquiesça Ron. « Mais il y a des endroits plus tranquilles… »

Ils cherchèrent à l'entraîner mais Harry avait les pieds bien plantés dans le sol, la respiration un peu courte, trop conscient des regards braqués sur lui.

Il ne voulait pas d'un coin tranquille.

Il voulait fuir.

Il voulait être en sécurité.

Il…

« Harry. » Ron remplit soudain son champ de vision et posa une main sur chaque épaule. « Respire avec moi. » Son meilleur ami inspirait et expirait de manière exagérée. Sans même le vouloir, il l'imita. « Tout va bien. » promit l'autre garçon, d'un ton calme. « Tout va très bien. Tu es en sécurité. Si tu ne veux pas rester ici, on peut aller ailleurs. Trouver une classe vide ou quelque chose comme ça… »

Harry continua de respirer avec lui quelques minutes jusqu'à ce qu'il soit certain qu'il n'allait pas faire une crise de panique, là dehors, devant tous ces gens qui le dévoraient des yeux comme s'il était leur sauveur.

« Comment… » hésita-t-il.

« Charlie. » répondit Ron, laconique. « On apprend plein de choses quand on passe la moitié de son temps à l'infirmerie. »

Harry hocha la tête, quêtant le regard d'Hermione, un peu perdu. Sans surprise aucune, la jeune fille paraissait inquiète.

« Dis-nous où tu veux qu'on aille. » suggéra-t-elle, immédiatement. « Et… Et on ne posera plus de questions, si tu veux. On veut juste… On veut passer du temps avec toi. »

« On peut retourner chez nous et jouer aux échecs. » proposa Ron.

La perspective de retourner chez les Weasley, d'affronter Ginny…

« Ou on peut aller chez Sirius. » se dépêcha d'offrir Hermione. « Draco est sûrement là-bas. »

Il n'avait rien contre Draco mais, là tout de suite, Ron et Hermione étaient peut-être déjà plus qu'il ne pouvait en supporter.

Non…

Il n'y avait qu'un seul endroit où il voulait aller.

°O°O°O°O°

Le Bureau du Professeur de Défense était suffisamment proche du poste que les Aurors avaient installé pour que Severus y ait établi son quartier général. C'était également là qu'il cachait toutes ses recherches sur les horcruxes, cela faisait donc sens d'y enfermer les autres informations délicates.

C'était sur les horcruxes qu'il se penchait, à l'instant, laissant à Bill le soin de gérer le reste. La journée était calme, une fois n'était pas coutume. Pas d'attaque, pas d'urgence vitale, pas de drame…

Bien entendu, c'était alarmant en soi.

Ils avaient, la veille, détruit avec succès trois caches de potions et un lieu sûr qui servait de repli ou de point de rendez-vous à leurs ennemis. Cinq Mangemorts morts. Deux capturés, interrogés sans grand succès puis jetés dans les geôles avec les autres – trouver une alternative pour garder les prisonniers était sur sa liste des choses urgentes – et une bonne dose de potions, dont ils avaient cruellement besoin, récupérées. Slughorn était en train de tester chaque fiole, en ce moment même, pour s'assurer qu'il n'y aurait pas de surprises mais le nombre de potions explosives l'avait un peu rasséréné.

Toujours était-il que Severus s'était attendu à une réplique de la taille de Dartmouth si ce n'était Cardiff.

Les Aurors, comme les membres de l'Ordre, s'étaient tenus prêts à intervenir toute la journée.

Il semblait qu'ils retenaient tous leur respiration, attendant le coup de massue…

Et, en attendant, chacun s'occupait comme il le pouvait : Severus, pour sa part, relisait pour la centième fois le dossier qu'avait monté Nymphadora pour lui, tout en réfléchissant à ce qu'avait dit Sirius, ce matin-là. Mettre la jeune femme au courant avait toujours été dans ses plans à long terme, si ce n'était que parce qu'elle aurait sûrement de meilleures idées que lui pour trouver cette fichue coupe. Toutefois, elle était souvent au contact des Mangemorts et s'ils la capturaient… Il savait que le Seigneur des Ténèbres parviendrait à lui arracher l'information au bout d'un moment.

Sa maîtrise de l'Occlumencie était désormais meilleure que celle de Sirius, l'ancien fugitif avait raison sur ce point, mais elle n'avait pas de coffre – et ne souhaitait pas en créer un vu ce qui lui était arrivé à lui.

Elle pourrait être un atout, au moins sur la recherche des horcruxes, mais elle pouvait aussi s'avérer un point faible pour le secret et…

Les coups frappés à la porte l'arrachèrent des notes sur Hepzibah Smith qui ne l'aidaient guère, de toute manière. Que le Seigneur des Ténèbres lui ait volé la coupe après l'avoir assassinée était évident. Ce qu'il en avait fait ensuite, ça…

« Entrez. » dit-il, en élevant légèrement la voix, après avoir refermé le dossier et l'avoir glissé sous une pile de mémos qu'il avait mis de côté pour les étudier plus tard.

La porte s'ouvrit sur un Harry un peu trop pâle et à l'air extrêmement hésitant. Il resta sur le seuil, à jouer nerveusement avec le sceau des Prince à son doigt, son regard se baladant partout dans le bureau avant de se poser sur lui.

Severus était heureux de le voir enfin hors de ses appartements mais… « Tout va bien ? Entre. Assieds-toi. »

D'une torsion du poignet, il dégagea une des chaises qui faisaient face à son bureau et sur laquelle s'empilaient des parchemins et autres livres de référence mais Harry ne bougea pas du seuil. « Ça va. Je voulais juste te demander quelque chose… »

Il fronça les sourcils, étudiant automatiquement le garçon à la recherche d'une quelconque trace de blessure ou autre signe qu'il mentait et n'allait pas bien. Il ne trouva rien. Son fils était un peu pâle, semblait nerveux, mais, mis à part ça, il n'était pas différent des derniers jours.

« Comment es-tu arrivé jusqu'ici ? » demanda-t-il curieusement.

Cette aile du château était désormais non officiellement « le Ministère », on n'était pas censé y rentrer comme dans un moulin, surtout à ces étages qui regroupaient les Aurors et l'Ordre.

Harry haussa les épaules et enfonça les mains dans les poches de son jean beaucoup trop grand pour lui. « Je suis Harry Potter et les quelques Aurors qui m'ont demandé ce que je faisais là n'ont pas posé de question lorsque j'ai dit que je devais voir mon père et que mon père, c'était toi. » Il fit une légère grimace. « Si je peux me permettre, la sécurité n'est pas terrible. »

Amusé malgré lui – bien qu'un peu en colère qu'un adolescent ait si facilement atteint le cœur de leurs opérations, Harry Potter ou pas – il agita la main. « Je te laisse l'expliquer à Nymphadora. »

Harry secoua la tête, un sourire se dessinant sur ses lèvres. « Non merci. »

« Eh bien, à présent que tu as infiltré notre Ministère improvisé, que puis-je pour toi ? » s'enquit-il. « As-tu déjà rendu visite à tes amis ? »

Le garçon baissa les yeux vers ses chaussures. « Euh… C'est ça le problème. Est-ce que ça te dérange si je les amène à la maison ? »

Severus fronça à nouveau les sourcils, jetant un coup d'œil par la fenêtre. « Il fait beau. Ne souhaitez-vous pas profiter du soleil ? Cela te ferait du bien de… »

« Il y a trop de gens. » le coupa Harry, sans le regarder en face. « On a essayé d'aller dehors. C'est… Il y a trop de gens, papa. »

Qu'il ait essayé lui suffisait, c'était déjà bien.

Et il n'était pas extrêmement surpris que la foule dérange Harry étant donné les derniers événements.

« On restera dans ma chambre. » promit son fils, en levant finalement les yeux de ses chaussures. « On va juste jouer aux échecs avec Ron et Hermione veut lire. Ils n'iront nulle part ailleurs, je te jure. »

En temps normal, laisser entrer des élèves chez lui serait impensable. Néanmoins…

« Harry, c'est chez toi aussi. Je n'ai rien contre le fait que tu reçoives des gens. » déclara-t-il, en faisant un effort pour gommer de sa voix toute l'appréhension que l'idée d'une horde d'adolescents envahissant ses appartements faisait naître. Il lui était impossible de continuer à vivre en ermite, pourtant, pas avec un fils de seize ans. Et puis, il était soulagé que le garçon ait rétabli le contact avec ses amis, même si le prix à payer pour ça était qu'ils passent du temps chez lui… « Tu sais comment manipuler les protections pour leur autoriser l'entrée de manière temporaire, n'est-ce pas ? »

Le garçon hocha rapidement la tête, l'air soulagé.

« Ce sont des invités, pas des prisonniers. » ajouta-t-il ensuite, sans se laisser hésiter. « Inutile de les enfermer dans ta chambre. Ma table de travail, ma chambre, mon laboratoire et mon bureau leur sont évidemment interdits mais ils sont libres de se déplacer comme ils veulent dans les autres pièces. » Il grimaça légèrement. « Ce n'est pas si grand, cela dit, alors disons pas plus de trois invités à la fois ? Et si Granger touche à mes livres, qu'elle les remette exactement où elle les a trouvés. »

Il s'attendait un peu au boulet de canon qui traversa le bureau pour venir l'étreindre comme s'il venait de lui faire un cadeau précieux au lieu de lui donner une permission qui aurait dû être évidente de base.

Il aurait vraiment dû jeter un petit maléfice à Pétunia, songea-t-il en rendant son étreinte au garçon.

« J'apprécie que tu m'aies demandé l'autorisation. » lui assura-t-il. « Mais, à l'avenir, considère que tu es libre d'inviter qui tu veux, dans la mesure du raisonnable. » Il lui vint soudain une pensée et il éloigna fermement son fils par les épaules pour planter son regard dans le sien. « Pas de fille seule dans ta chambre. Pas même Granger. »

Harry acquiesça rapidement, le feu aux joues. « Merci. »

« Si tu veux me remercier, fais le compte du nombre d'Aurors qui échouent à t'arrêter ou te demander des comptes sur le chemin de la sortie. » se moqua-t-il. « Tu en auras besoin lorsque tu diras à Nymphadora que ses gardes sont pitoyables. »

Ça arracha un bruit amusé au garçon qui repartit le pas plus léger et la tête un peu plus droite. Il attendit quelques minutes plus boita jusqu'à la pièce d'à côté qui avait été convertie en un bureau pour Bill qui semblait se débattre avec plusieurs parchemins. La porte était ouverte et le Briseur de Sorts leva la tête lorsqu'il sentit sa présence sur le seuil.

« Toujours aucun mouvement chez les Mangemorts ? » s'enquit-il.

« Non. » offrit Bill. « C'est d'un calme plat. »

« Autant en profiter, dans ce cas. » soupira-t-il. « Avez-vous vos recherches ? »

Ils repassèrent dans son bureau où ils passèrent un temps certain à plancher sur les recherches de Bill pour libérer Charlie puis sur le rituel qu'ils avaient mis au point pour l'horcruxe. Le Briseur de Sorts, inspiré par le travail qu'il avait réalisé avec Abbot, voulait modifier quelques-unes des runes et ils débattirent du mérite pendant un long moment, jusqu'à ce que Severus soit distrait par l'arrivée d'un hibou.

Si le plus gros problème de la journée concernait les centaures qui prenaient ombrage des patrouilles qu'ils effectuaient un peu trop profondément dans la Forêt, c'était un bon jour.

Il voulut se replonger dans ses recherches mais sa tête était beaucoup trop pleine. S'il n'avait pas su qu'Albus en faisait un usage régulier, il lui aurait emprunté sa pensine. En l'état, il jeta un coup d'œil à la pendule, et décida que puisque Harry avait rempli sa part du marché, il pouvait tout aussi bien faire de même.

Après tout… Le monde n'allait pas s'écrouler s'il prenait une petite pause.

Albus lui-même ne cessait de le mettre en garde – bien hypocritement étant donné ses propres habitudes – sur le fait qu'il travaillait trop et ne tiendrait pas la distance s'il ne se détendait pas de temps à autre.

Il avertit Bill qu'il souhaitait se dégourdir un peu les jambes et s'aérer la tête, puis se dirigea, sans vraiment l'avoir calculé, vers le poste des Aurors où régnait toujours le même désordre organisé. Son premier arrêt fut la pièce que s'étaient attribués Shacklebolt et Nymphadora comme bureau mais elle était vide. Personne ne lui posa de questions lorsqu'il se dirigea vers celle, plus grande, qui servait de cellule de crise et de salle de briefing.

Shacklebolt était là, entouré de quelques personnes plus âgées qu'eux, que Severus identifia de vue comme des Aurors à la retraite. Il faisait chaud dans la pièce et ils avaient tous retiré les sur-robes bleues familières dont un exemplaire pendait désormais dans son armoire. L'ambiance était relativement décontractée bien que la discussion ait l'air sérieuse. Ils étaient penchés sur des cartes…

Severus y jeta un coup d'œil, reconnu les plans d'Azkaban et décida de ne pas se laisser attirer dans la conversation. Il l'avait régulièrement avec Nymphadora au milieu de la nuit, entre deux insomnies d'Harry. La forteresse était imprenable, ses protections étaient trop extensives et quand bien même parviendraient-ils à les briser, restait le petit problème de la mer tout autour – et du fait qu'ils n'avaient pas assez de troupes.

Il fut toutefois accueilli avec suffisamment de politesse et de respect pour ne pas pouvoir déroger aux banalités d'usage. Il coupa court aussi rapidement qu'il le put sans offenser qui que ce soit, ce qui aurait été contreproductif étant donné son poste.

« Savez-vous où est ma… » demanda-t-il, un peu distraitement à Shacklebolt, refermant la bouche au tout dernier moment, avant d'avoir pu dire quelque chose d'embarrassant. Il se racla la gorge mais n'eut pas l'opportunité de se corriger.

Shacklebolt répondit trop vite, une étincelle amusée dans le regard. « Je lui ai ordonné d'aller prendre l'air avant qu'elle ne terrifie définitivement nos recrues. Elle leur a fait faire un exercice pratique et n'était pas convaincue par leurs performances. »

Severus suivit ses instructions jusqu'à une passerelle peu utilisée qui reliait l'aile dans laquelle ils se trouvaient à la partie centrale du château. Il la trouva là, assise sur le parapet en pierre, dos au vide, la tête un peu en arrière pour observer un hippogriffe qui volait haut, criant sa suprématie à tout Poudlard.

Elle aussi avait tombé les robes d'Auror. Le jean bleu troué au genou collait à ses jambes, le débardeur noir était simple mais épousait ses courbes… Ses cheveux pendaient en arrière dans un rideaux brun, l'élastique qui les avait emprisonnés, ce matin-là, à son poignet…

Elle était si belle…

Cela le heurtait toujours comme un coup au ventre.

Elle tourna la tête vers lui en l'entendant arriver mais au lieu du sourire auquel il s'était attendu, il eut droit à une petite grimace coupable dont il comprit l'origine lorsqu'elle porta à ses lèvres une cigarette.

« Grillée. » soupira-t-elle.

Il leva un sourcil un peu moqueur. « Si tu pensais que je l'ignorais… »

Il lui arrivait de sentir le tabac. C'était ponctuel et il pouvait dire à chaque fois qu'elle avait fait un effort pour se débarrasser de l'odeur mais il était Maître des Potions et, en conséquence, il avait le nez fin. Il la rejoignit d'un pas tranquille qui dut la rassurer sur le fait qu'il n'y avait pas d'urgence parce qu'elle ne lui posa pas la question, se contentant d'écarter un peu les jambes lorsqu'il vint se poster juste devant elle. Malgré lui, il sourit en sentant ses cuisses presser l'extérieur des siennes.

Il dut pourtant se faire violence pour ne pas lui voler la cigarette des mains dans un vieux réflexe qui ne s'effacerait probablement jamais.

« Ne fume pas devant Harry ou à la maison, c'est tout ce que je te demande. » soupira-t-il.

Elle tira sur la cigarette une dernière fois puis tourna la tête pour souffler la fumée, tout en écrasant ce qu'il en restait sur le parapet. « Ce n'est pas vraiment une habitude. C'est juste que parfois c'est le meilleur moyen de déstresser. »

« Le meilleur ? Vraiment ? » se moqua-t-il, en écartant de son visage les mèches brunes qui y tombaient. Elles virèrent au rose sous ses doigts.

« Peut-être pas le meilleur. » admit-elle, les yeux brillants d'amusement, en jouant avec un des boutons de ses sur-robes. « Mais quand le meilleur moyen n'est pas disponible, c'est un bon substitut. »

« Te sentirais-tu négligée, mon amour ? » demanda-t-il, plaisantant à moitié, tout en laissant ses doigts effleurer le côté de son cou, suivre la ligne de sa clavicule jusqu'à l'échancrure de son débardeur, remonter le long de sa gorge pour incliner son menton vers le haut…

Il était déjà en train de se pencher lorsqu'elle tira sur ses robes mais il refusa de l'embrasser comme elle le voulait. Il effleura sa bouche de la sienne, déposa des ébauches de baisers sur ses joues, sa mâchoire…

Il s'amusait beaucoup des bruits frustrés qui lui échappaient… Elle n'était toutefois pas femme à subir sans prendre ce qu'elle désirait. Il ne fut donc pas surpris lorsqu'elle encadra son visage de ses mains et l'attira dans un baiser brûlant. Conscient du vide derrière elle, il passa un bras dans son dos dans un sursaut de lucidité, juste au cas où.

Il appréciait sa tenue parce qu'elle lui offrait beaucoup de peau nue à explorer mais la sienne devait s'avérer frustrante parce qu'elle attaqua sa cravate, la dénouant avec une expertise qu'il lui enviait un peu étant donné ses difficultés avec ses mains, dernièrement. Distrait, toutefois, par ce que ne cachait pas tout à fait son haut, il ne protesta pas, grognant même de plaisir lorsque ses lèvres quittèrent les siennes pour se poser sur sa gorge et que ses dents s'enfoncèrent juste assez pour que…

« Nymphadora… » murmura-t-il, un avertissement.

Un avertissement qui s'avéra prophétique parce que, alors qu'ils s'embrassaient à nouveau, il entendit grincer la porte à l'autre extrémité de la passerelle.

Il eut le temps de s'écarter d'elle, pas celui de remettre de l'ordre dans sa tenue ou ses cheveux que les doigts de la jeune femme avait mis en bataille.

La bande d'adolescentes de troisième année s'immobilisa comme si elles s'étaient retrouvées face à un Epouvantard, ce qui n'était peut-être pas loin de la vérité étant donné la force de son regard noir. Sa fureur, en revanche, ne compensait sans doute pas son aspect débraillé. Il n'y avait pas grand doute quant à ce qu'ils avaient été en train de faire.

« Que faites-vous ici ?! » tonna-t-il. « Cette zone est interdite aux civils ! Partez avant que je ne vous mette en retenue toute l'année prochaine ! »

Il y eut un cœur de « Oui, Professeur Snape Désolé, Professeur Snape » dont l'effet fut un peu gâché par les gloussements et éclats de rire généraux dès qu'elles se sentirent en sécurité de l'autre côté de la porte.

Il fixa du regard la porte désormais close un moment puis se pinça l'arrête du nez. « Tu ruines ma réputation. »

Sa seule réponse fut un éclat de rire alors qu'elle sautait du parapet pour venir entourer sa taille de ses bras. Il sentit ses lèvres courir le long de sa mâchoire, ce qui allégea fortement son embarras et sa contrariété.

« Est-ce que c'est grave ? » le taquina-t-elle.

« Si je ne terrifie plus mes élèves, comment vais-je faire régner l'ordre dans ma classe ? » rétorqua-t-il.

« Avec le respect dû à un grand héros de guerre ? » suggéra-t-elle, en tirant sur le lobe de son oreille avec ses dents.

Ce qui était traître.

Terriblement traître.

Parce qu'elle savait très bien que…

« Il faut vraiment que nous parlions de la sécurité de cette aile du château. » grommela-t-il.

« Là tout de suite ? » murmura-t-elle, contre ses lèvres. « Parce que, là tout de suite, j'allais te proposer de faire l'école buissonnière, Professeur Snape… »

« Ne m'appelle pas comme ça. » marmonna-t-il, en répondant pourtant à son baiser avec ardeur. Il glissa une main sous son débardeur, faisant déjà taire la petite voix de la culpabilité à l'arrière de sa tête. Certes, c'était du temps qui serait mieux employé ailleurs mais ils ne cessaient tous de lui dire de prendre du repos et ils seraient joignables par Patronus en cas d'urgence et… Il grogna en plein milieu du baiser, son enthousiasme grandissant douché par une triste réalité. « Mes appartements sont pleins d'adolescents. Harry a invité Granger et Weasley. »

Son bureau était libre, cela dit.

Celui du Directeur de Maison de Serpentard, pas celui de Défense. Celui de Défense était trop fréquenté. Elle excellait en Métamorphose… Transformer une chaise en sofa ne serait pas…

« Mais il y a ma chambre. » remarqua-t-elle, avec un nouveau baiser. « Et c'est plus près, en plus. »

« Chez tes parents ? » hésita-t-il, alors qu'elle l'attirait déjà vers la porte qu'avaient empruntée ses élèves quelques minutes plus tôt. « Es-tu certaine qu'ils ne sont pas là ? »

Il se sentait souvent comme un adolescent avec elle mais jamais autant qu'à cet instant. Non pas qu'il ait énormément d'expérience avec les cinq à sept clandestins chez les parents d'une petite-amie potentielle. Ça n'avait jamais été un problème pour lui à l'époque.

« Ma mère reste à l'infirmerie jusqu'à pas d'heure et mon père aide Chourave aux serres, il rentre toujours tard. » répondit-elle, en jetant un coup d'œil à la montre qu'elle portait au poignet. « On est tranquille pour quelques heures. »

« Quelques heures ? » releva-t-il, sourcils levés.

« Trop optimiste ? » se moqua-t-elle, en le lâchant complètement. Elle marcha à reculons jusqu'à la porte, tout en agitant les sourcils avec exagération.

Il aurait dû trouver ça idiot ou ridicule, au lieu de ça il devait se faire violence pour contenir son amusement.

Vraiment, elle l'avait transformé en Poufsouffle.

Ils parvinrent à rester sages et à se contenir le long des couloirs qui menaient aux appartements des Tonks. À peu près, du moins. Si leurs mains s'effleuraient régulièrement et si leurs doigts s'accrochaient quelques secondes, ce n'était l'affaire de personne.

Il jeta un Hominum Revelio pendant qu'elle déverrouillait les protections standards sur la porte, juste pour s'assurer qu'il n'y aurait pas de surprise à l'intérieur mais puisque l'endroit était vide, il laissa tomber sa canne qui ne lui était pas essentielle, ce jour-là, pour l'attraper et l'attirer à lui.

Ils s'embrassèrent avec abandon, comme s'ils ne s'étaient pas touchés depuis des jours, ce qui était faux. Ils n'avaient peut-être pas eu beaucoup de temps pour ça mais ils dormaient enlacés et avaient généralement le réveil tendre.

Il était si occupé à l'embrasser qu'il ne retint pratiquement aucun détail de l'endroit, la laissant le guider jusqu'à sa chambre… Où il se cogna immédiatement le pied dans un carton beaucoup trop lourd qui lui arracha un juron étouffé.

« Est-ce une chambre ou un débarras ? » demanda-t-il, en étudiant le bazar qui régnait dans la pièce avec un froncement de sourcils.

Ce n'était pas non plus le désordre qu'elle tendait à laisser derrière elle. S'il y avait bien quelques vêtements abandonnés ici ou là, comme elle en avait la mauvaise habitude, le gros du désordre venait des cartons empilés contre les murs, poussés au milieu de la pièce ou sur les quelques meubles… Il y avait un chemin distinct qui allait de la porte au lit et c'était à peu près tout l'espace disponible.

Il n'aurait pas dormi là si on l'avait payé pour ça. Les piles semblaient un peu trop instables et le risque de se retrouver écrasé dans son sommeil non négligeables.

Il comprenait mieux pourquoi elle passait toutes ses nuits avec lui – non pas qu'il s'en plaigne. Il n'aimait déjà pas les fois où elle rentrait tard et où il était forcé de se coucher seul. Il ne parvenait jamais à s'endormir et attendait son retour avec angoisse.

« Vu le genre d'attaques de Mangemorts, j'avais peur qu'ils détruisent mon immeuble. » expliqua-t-elle. « J'ai emporté tout ce qui était important. »

Ça faisait beaucoup de cartons de choses importantes…

S'il avait dû, lui, emporter l'essentiel, il aurait attrapé Harry, Masque et peut-être l'équivalent d'une malle, principalement d'ingrédients rares ou de potions, le contenu de son coffre-fort et…

« Tu es retournée chez toi ? » releva-t-il. « Nymphadora, c'était extrêmement imprudent. »

« Je n'étais pas seule. » rétorqua-t-elle. « Et est-ce que tu es sûr que tu veux qu'on se dispute maintenant ? »

Elle retira son débardeur et le jeta sur un carton avant d'en faire de même avec son soutien-gorge.

Il savait que c'était installer un mauvais précédent que de se laisser détourner d'une conversation importante par un biais aussi traître mais son regard était rivé à sa poitrine et il perdit le fil de son argument lorsqu'elle le poussa vers le lit.

« Nous aurons cette dispute plus tard. » décréta-t-il, simplement pour avoir le dernier mot, en l'attirant plus près.

Son rire prouvait qu'elle n'y croyait pas mais il n'en prit pas ombrage, décidant de la punir de son imprudence d'une manière plus créative.

°O°O°O°O°

« Tu es sûr que tu ne veux pas aller chez nous ? » demanda Ron pour la dixième fois, alors qu'Harry se concentrait pour manipuler les protections de Severus.

« Le Professeur Snape a dit qu'il était d'accord. » soupira Hermione, avec irritation. « Vraiment, Ron… Il n'aurait pas dit oui s'il ne le pensait pas. »

« Tu veux juste voir les livres. » contra Harry, sans y penser, en poussant la porte et en leur faisant signe d'entrer. Hermione et Ron passèrent le seuil sans problème et les protections se refermèrent facilement sur leurs appartements. Parce qu'ils semblaient un peu hésiter dans le couloir, il poussa la porte la plus proche. « Ma chambre. »

Ron y rentra avec un peu moins d'hésitation et en fit le tour, hochant la tête avec approbation aux quelques posters de Quidditch accrochés au mur. Hermione s'intéressa davantage aux croquis et aux quelques photos d'eux.

« C'est très sympa. » commenta finalement son meilleur ami, en se penchant pour mieux étudier la vue de la fenêtre au-dessus du bureau. « On ne dirait pas qu'on est dans les cachots… La fenêtre est enchantée ? »

« Évidemment que la fenêtre est enchantée, Ron. » décréta Hermione. « Nous ne nous sommes pas téléportés dans les hauteurs. »

« Téléportés ? » répéta leur meilleur ami, en fronçant les sourcils.

« Transplannés. » traduisit Harry, avec un léger sourire. S'il était toujours un peu nerveux, il appréciait que ses amis trouvent sa chambre agréable. « Et si tu aimes la fenêtre attend de voir celle du salon… »

Il les y guida avec une autre pointe de nervosité, même si Severus avait dit qu'ils avaient le droit. Il n'avait jamais eu le droit de ramener personne chez les Dursley – et n'avait jamais eu personne à y ramener de toute manière. Il avait l'impression de faire quelque chose d'interdit bien que son père lui ait donné l'autorisation explicite de le faire.

La fenêtre qui prenait tout un pan du mur donnait sur la Forêt Interdite et remplissait la pièce d'un soleil artificiel. Harry la préférait ainsi parce que, lorsque les rideaux étaient tirés, ce qui arrivait fréquemment lorsque Severus passait par là, le salon lui semblait un peu trop étroit et il lui était difficile d'oublier qu'ils étaient sous le lac.

« Wow. » lâchèrent Ron et Hermione au même moment, encore que pas pour les mêmes raisons.

Le garçon se précipita vers la fenêtre, la jeune fille vers les bibliothèques qui s'alignaient le long des murs.

Elle en parcourait déjà les tranches du bout des doigts lorsqu'Harry rejoignit Ron. « Finite Incantatem. »

La Forêt Interdite disparut, laissant place à la lumière verdâtre et changeante du lac où évoluaient poissons et l'occasionnel être de l'eau. On pouvait discerner leur village dans le lointain. Même Hermione ne résista pas à l'attrait et vint se poster avec eux pour observer la vue atypique.

« J'ai aperçu un bout du calamar géant, une fois. » offrit Harry, alors que Ron s'amusait à faire des grimaces à un des tritons qui s'était approché de la vitre pour mieux les étudier.

« C'est presque dommage de cacher cette vue… » remarqua Hermione.

« Tu dis ça parce que tu ne t'es pas retrouvée en pyjama face à une horde d'êtres de l'eau au petit matin. » se moqua-t-il gentiment. « On les fascine autant que nous, ça donne un peu l'impression d'être du mauvais côté de la vitre du zoo. Severus préfère garder les rideaux tirés, en général. Moi, j'arrive à oublier s'il y a la Forêt Interdite. »

Il les laissa admirer la vue, se dirigeant vers la cuisine pour mettre la bouilloire sur le feu. Il avait été devancé par l'elfe de maison.

« Kreattur est un bon elfe et Kreattur va préparer le thé pour les invités de Maître Harry. » décréta Kreattur, sans lui laisser le choix.

Harry capitula, les mains levées, et retourna au salon où Hermione avait à nouveau enchanté la fenêtre et était retournée inspecter les rayonnages tandis que Ron jetait des coups d'œil curieux partout dans la pièce sans oser toucher à quoi que ce soit.

« Ce n'est vraiment pas comme ça que j'imaginais la maison de Snape. » déclara l'adolescent, en avisant Harry.

« Tu voyais ça comment ? » demanda-t-il, en se laissant tomber sur le canapé. Il ôta ses chaussures et se recroquevilla dans le coin, résistant à peine à l'envie d'attraper sa couverture. Cette simple sortie dans le château l'avait vidé.

« Je ne sais pas… » avoua Ron, dans un haussement d'épaules. « Une cave bien glauque ? Un cercueil ? Des bocaux pleins d'ingrédients partout, comme dans son bureau ? »

« Les bocaux dans son bureau sont surtout là pour faire de l'effet et faire peur aux premières années. » lui confia-t-il, espérant que Severus ne lui en voudrait pas de trahir son secret. « Tu peux t'asseoir, tu sais. »

Ron posa le bout des fesses dans un fauteuil avant de sembler se rendre compte que la prudence n'était pas forcément de mise et de s'installer plus confortablement.

Le glapissement d'Hermione les alarma tous les deux.

« Il a une copie des Traités de Mélusine ! » s'exclama-t-elle avec un enthousiasme très disproportionné étant donné le tome aux cuir très élimé qu'elle venait d'attraper sans pour autant le tirer de l'étagère.

« Il a dit que tu pouvais lire tant que tu remettais tout à sa place. » lui rappela Harry, un peu anxieux qu'il y ait un problème pourtant. Hermione était la dernière personne qui abimerait un livre mais les accidents arrivaient et il ne voulait pas avoir à expliquer à Severus pourquoi sa collection avait été détruite la première fois où il ramenait quelqu'un à la maison alors que…

Avec une délicatesse absolue, elle sortit le vieux tome qui semblait prêt à tomber en morceaux et alla s'installer dans un autre fauteuil, l'air béat. Son excitation dura jusqu'à ce qu'elle ouvre le livre, passe les premières pages et laisse éclater son horreur. « Oh mon dieu ! Il annote les livres ! »

Elle le dit sur le même ton qu'elle aurait pu utiliser pour dire 'oh mon dieu ! Il collectionne les têtes d'elfe de maison !'.

Ron et Harry échangèrent un regard puis éclatèrent de rire.

C'était si bizarre de rire.

Il s'interrompit en plein milieu et toucha sa gorge, surpris que le son soit venu de lui.

« Moquez vous. » grommela la jeune fille, feignant de ne pas remarquer son trouble. « Il n'y a que les irrespectueux qui écrivent dans les livres. » Elle parcourut une page ou deux sans vraiment s'imprégner du texte… « Oh… C'est plutôt pertinent, en fait… »

Ron leva les yeux au ciel et se déplaça du fauteuil au canapé pour se rapprocher d'Harry, la laissant marmonner dans son coin. Les yeux bleus l'étudièrent attentivement puis se détournèrent. « Alors ? Il a aussi un plateau d'échecs, Snape ? »

Le temps qu'il installe le plateau et qu'il aille chercher ses propres pièces dans sa chambre, Kreattur avait servi le thé, accompagné de petites tartelettes aux fraises.

« Je vois que tout le monde n'est pas rationné. » plaisanta Ron, à moitié. « Nous on a des quotas stricts à respecter… »

« Kreattur n'utilise pas les réserves de Poudlard mais celles des Black. » expliqua Hermione, avant que l'elfe ait pu prendre ombrage. « Sachi non plus ne se sert pas des réserves mais de celles des Malfoy. »

« Sachi ? » demanda Ron, en fronçant les sourcils.

« C'est l'elfe principal des Malfoy. » répondit-elle.

« Kreattur forme Sachi. » ajouta fièrement l'elfe, en s'inclinant devant la jeune fille. « Lorsque Mademoiselle Hermione rejoindra la glorieuse famille Malfoy, Sachi sera un bon elfe pour la future Lady Malfoy. »

Harry leva haut les sourcils tandis que Ron s'étouffait avec la tartelette dans laquelle il venait de croquer.

« J'ai raté une annonce ? » toussota ce dernier.

Hermione grimaça. « Merci Kreattur. Ça a l'air délicieux. Tu peux disposer. »

Kreattur se tourna vers Harry qui confirma le semi-ordre d'un hochement de tête.

Ron les dévisagea tour à tour, avant d'émettre un bruit amusé. « Regardez-vous, tous les deux. De vrais aristocrates avec leurs elfes de maison. »

« Je fais un effort parce que tous les elfes des Malfoy sont terrifiés par moi. » contra Hermione. « Apparemment, il y a une rumeur selon laquelle je voudrais tous les renvoyer dès que j'en aurais le pouvoir. »

« En tant que Lady Malfoy. » pressa Harry. Il n'était pas exactement surpris. Si Draco était certain de ses sentiments… Les Sang-Purs comme lui étaient élevés pour le mariage.

« Tu peux parler, toi. Lord Potter. » rétorqua-t-elle, entre la moquerie et la taquinerie.

« D'accord, je suis perdu. » décréta Ron, en finissant sa tartelette. « Lord Potter ? Je pensais que le titre était perdu ou un truc du genre… »

Il haussa les épaules. « Techniquement, mon père en avait hérité, c'est juste qu'il ne l'utilisait pas. Lucius pensait qu'il y avait un domaine aussi mais que je ne le récupèrerais pas avant ma majorité… »

« Oh, Draco m'a parlé de ce genre de choses… » répondit Hermione. « Parfois les domaines s'endorment jusqu'à ce que leur propriétaire soit en âge ou en état de les prendre en charge… C'est comme un sort de stase. Un peu comme ce qui est arrivé au Square Grimmaurd. Tu sais qu'il y a peut-être des elfes prisonniers dans ce domaine ? Tu devrais vraiment te renseigner à Gringotts parce que… »

« Ce n'est pas vraiment la priorité, Hermione. » la coupa-t-il. Et ce serait un problème pour le futur Lord Potter qui, vu son espérance de vie, ne serait sans doute pas lui.

« Mais… » insista la jeune fille, uniquement pour se faire couper la parole par Ron.

« En tout cas, ces tartes sont super bonnes… » intervint leur ami. « Depuis quand Kreattur est aussi serviable ? Parce que personne ne m'a expliqué comment il est passé de vieux bougon à ça. Dobby le déteste, au fait. » Ron plissa le nez. « Entre deux elfes cinglés, je préfère encore celui qui ne m'insulte pas tout le temps. »

« Kreattur fait des efforts pour améliorer son comportement. » le défendit immédiatement Harry. « C'est un bon elfe. »

Ron jeta amusé à Hermione. « Tu ne vas pas dire que les seuls bons elfes sont les elfes libres, Lady Malfoy ? »

Cela lui valut un coussin balancé en pleine tête. Riant, Ron le lui renvoya.

Harry observa la trajectoire du dit coussin avec tension, inquiet qu'ils cassent quelque chose… Mais Hermione remit le coussin dans son dos et se pencha pour servir le thé avant de se replonger dans son livre.

Ron et Harry, eux, se concentrèrent sur le plateau d'échecs. Si les pièces de Severus furent initialement récalcitrantes avec Ron, discutant chacune de ses décisions et tentant de lui donner des conseils, elles ne tardèrent pas à admirer son génie tactique. Celles d'Harry, en revanche, étaient résignées à leur sort.

C'était presque facile de prétendre être dans la salle commune, un soir après les cours. Ils avaient passé tellement de soirées comme ça… Harry commença à se détendre.

Ron gagna la première partie.

Ils étaient au milieu de la seconde, lorsque Masque débarqua, la queue en panache, et sauta sur le dossier du canapé pour mieux passer sur les genoux d'Harry où il se roula en boule, certain d'être bien accueilli. Il le caressa d'une main distraite et étudia le plateau, en se demandant vaguement si ce serait impoli de terminer la dernière tartelette avant que Ron ne s'en empare.

« Dis… » hésita son meilleur ami, dans un raclement de gorge. « Je sais qu'on a dit pas de questions mais je me demandais… Est-ce que tu sais si Snape a fait des progrès avec sa potion pour les loups-garous ? C'est juste que demain c'est la pleine lune et… Lavande est très angoissée. »

Lavande.

Il avait oublié Lavande.

Remus avait dit…

« Je ne sais pas. » répondit-il honnêtement. « La Potion Révèle-Loup est moins brutale que la Potion Tue-Loup, de ce que j'ai compris. »

« Mais je croyais qu'il y avait des problèmes avec. » remarqua Hermione. « Tu as dit que ça influençait le comportement… »

Il haussa les épaules. « Ils l'ont testée sur l'amie de Remus et il n'y a eu aucun problème. Le seul qui a changé, c'est Remus. Peut-être que ça veut dire que ça n'a pas de rapport et que c'est juste un connard. »

Il sentit la colère enfler en lui, comme à chaque fois qu'il s'aventurait à repenser à ce qu'il avait surpris dans le parc.

Ron leva les sourcils, surpris et peut-être un peu choqué. « Remus n'est pas… Tu y vas un peu fort, là, mon pote, non ? »

« Oh que non. » décréta-t-il fermement, en ordonnant à son fou de se déplacer.

Mais son meilleur ami s'était totalement désintéressé du jeu. Il l'observait avec incompréhension. « Remus est un bon professeur. Et il est gentil. Ce n'est pas… »

« Remus est un salaud. » le coupa sèchement Harry. « Un salaud qui ferait mieux de prier pour ne pas se retrouver sur mon chemin une nouvelle fois sauf s'il souhaite voir qui est vraiment le plus fort entre un tigre et un loup-garou. Surprise, surprise, ce ne sera pas le loup. »

La froideur dans sa voix, la cruauté peut-être, les alarmèrent tous les deux et Harry fut incapable de les regarder en face. Il se concentra sur Masque, passant et repassant les mains dans sa fourrure pour le faire ronronner.

« Ce n'est plus quelqu'un de bien. » insista-t-il.

« Est-ce qu'il s'est passé quelque chose ? » demanda doucement Hermione. « Quelque chose de plus que la dernière fois, je veux dire ? »

« Pourquoi j'ai l'impression que je ne suis pas au courant de tout ? » s'agaça Ron.

« Remus était avec Tonks avant qu'elle ne se mette avec Severus. » expliqua-t-il. Ce n'était vraiment plus un secret, à présent. « Il est jaloux et ça le rend complètement imprévisible. Il s'en est pris à moi parce qu'il était en colère après mon père. Il n'a que le mot meute à la bouche et il agit comme s'il était le plus gros prédateur du château sauf que, ça, c'est dans sa tête. » Il leva les yeux vers Hermione. « Et pour répondre à ta question… Disons que j'ai vu un truc qui ne m'a pas plu. Du tout. »

« Avec Tonks ? » hésita-t-elle.

Il serra la mâchoire et haussa les épaules. « On peut parler d'autre chose ? » Remus n'était pas le sujet, de toute manière. « On peut demander à mon père pour Lavande, si tu veux. S'il pense que la potion Tue-Loup serait mieux que la Révèle-Loup… »

Il était évident que Ron et Hermione auraient voulu insister à propos de Remus mais l'autre garçon, après avoir hésité un instant, se contenta d'un hochement de tête. « Oui, merci. Ce serait bien. »

Ils se concentrèrent à nouveau sur leur partie, Hermione se leva pour échanger son livre contre un autre…

Harry n'avait plus du tout l'esprit à ce qu'il faisait.

Penser à Remus lui avait fait penser au tigre et avait réveillé ses instincts.

Sirius lui avait proposé deux ou trois fois, ces derniers jours, de passer un peu de temps avec lui à travailler sa forme Animagus mais il avait refusé de sortir… Peut-être devrait-il s'y remettre… Avec Nyssa pour encadrer, ce n'était pas aussi effrayant d'explorer ses capacités… La vampire pouvait sans doute l'arrêter en cas de problème…

Et pas une fois depuis qu'il était revenu à Poudlard il n'avait manqué de faire mal à qui que ce soit. Les instincts du tigre étaient forts mais, comme l'avait dit Nyssa, ils étaient tout à fait contrôlables. Même lorsqu'il s'était mis en colère après Remus, il ne l'avait pas sérieusement blessé.

C'était durant ces moments dont il n'avait qu'un souvenir flou, ce trou noir dans son esprit, que l'instinct du tigre avait pris le dessus.

Il ne craignait pas sa forme Animagus mais…

« J'ai tué MacNair. »

Les mots résonnèrent dans la pièce où seul le tic tac de l'horloge brisait le silence.

Il sentit les regards insistants, peut-être choqués, de ses meilleurs amis sur lui, ne leva pas les yeux du plateau d'échecs.

La boule dans sa gorge qui l'empêchait presque de respirer, ses mains qui tremblaient dans la fourrure de Masque, sa vision qui se floutait parce que les larmes l'aveuglaient…

« J'ai tué MacNair. » répéta-t-il, plus clairement, après s'être raclé la gorge. « C'était… » Il ne termina pas sa phrase. Ce n'était pas vraiment un accident. Il avait voulu l'arrêter, avait voulu, s'il était honnête, le tuer parce que dans l'urgence du moment il avait eu l'impression que c'était tuer ou voir quelqu'un qu'il aimait – peut-être un peu – mourir. « Je lui ai arraché la gorge. Avec mes dents. J'ai avalé des bouts. »

Une sueur froide descendit le long de sa colonne alors que son estomac se contractait désagréablement. Il repensa à l'odeur alléchante du bacon qu'il ne pouvait pas se décider à toucher, regretta les quelques tartelettes qu'il avait avalées par gourmandise.

« J'ai tout vomi après. » précisa-t-il, parce qu'il ne voulait pas qu'ils croient qu'il était devenu cannibale. « Mais il était mort. » Évidemment qu'il était mort. Il lui avait déchiré la gorge. « C'était ma première fois en tigre. »

Le silence s'étira longtemps.

Trop longtemps.

Harry attrapa la couverture qui revenait de soixante-quinze et la tint contre lui, trouvant un léger réconfort dans le bout de tissu un peu râpé. Comme un enfant.

Severus avait beau dire le contraire, Harry savait qu'il se comportait comme un bébé.

Un bébé qui n'osait pas affronter le jugement de ses amis.

Le plateau d'échecs fut posé au sol sans ménagement, les pièces renversées malgré leurs protestations. Masque se précipita immédiatement pour en rosser une ou deux, toujours enclin à faire la police avec ces bout de marbre qui parlaient… Ron se rapprocha beaucoup, comme sous une impulsion, avant de s'immobiliser, la main tendue vers lui…

Harry se recroquevilla un peu plus, sans trop savoir pourquoi il appréhendait une réaction violente alors que ce n'était vraiment pas le genre de son meilleur ami. Hermione aussi avait mis le livre de côté pour se rapprocher et hésitait désormais debout à côté du canapé.

« Harry… » murmura-t-elle et il y avait tellement de douleur dans sa voix…

Il enfouit le visage dans ses genoux.

Ce fut visiblement le geste de trop pour Hermione qui se précipita pour l'étreindre, tombant à genoux à côté du canapé pour mieux l'agripper. Ron fit de même, passant ses bras autour d'eux deux autant qu'il le pouvait avec les jambes d'Harry au milieu.

Ses amis le serraient si fort, l'enlaçaient avec tellement d'affection…

Il n'avait pas réalisé à quel point le poids de ce semi-secret lui pesait, pas avant de l'avoir avoué à haute voix. Il se remit à pleurer sans pouvoir contenir ses larmes, le chagrin trop profond, la blessure trop grande…

Il avait sauvé Pétunia, il le savait.

Mais à quel prix ?

Et Pétunia qui s'était mise devant lui…

Lily qui s'était mise devant lui.

Il aurait tout donné pour pouvoir lui parler à nouveau, une dernière fois, pour l'entendre rire avec Sev ou pester sur un devoir d'Arithmancie…

Qu'aurait-elle dit si elle avait su que son fils était un tueur ?

Sirius affirmait que James aurait compris mais Lily ? Aurait-elle compris, elle ? Lui aurait-t-elle pardonné ?

« Ce n'était pas ta faute. » affirma soudain Hermione. « Je te connais. Si tu avais eu le choix… Ce n'était pas ta faute. »

« Et MacNair était une pourriture. » enchaîna Ron rapidement, en le serrant d'autant plus fort. « Tu as pratiquement rendu un service à la communauté. »

« Ron. » siffla la jeune fille.

Harry secoua déjà la tête. « Ne dis pas ça… Ne dis pas ça… »

« D'accord, d'accord… » L'autre garçon fit immédiatement marche arrière. « Harry, je suis désolé, je ne sais pas quoi dire d'autre… Je ne sais pas comment t'aider… »

Il fit un effort pour lever la tête, pour essuyer d'un revers de bras les larmes sur son visage, pour croiser le regard de Ron, puis celui d'Hermione. Ses amis avaient l'air tout aussi en détresse que lui.

« Je suis désolé. » dit-il, sans trop savoir pourquoi.

D'avoir tué MacNair ?

De toujours les mettre dans la position où ils devaient le consoler d'une chose ou d'une autre ?

Ron s'assit un peu plus droit. « Ce n'est pas ta faute. Tu n'aurais jamais dû te retrouver tout seul là-bas, de toute façon. »

« On a essayé d'obliger Dumbledore à te ramener, tu sais ? » ajouta Hermione. « On a réuni tout le monde et on a envahi son bureau mais il ne voulait rien entendre. Si quelqu'un doit être désolé, c'est lui. »

C'était un changement de discours, songea-t-il, parce que jusque-là, elle avait plutôt été pro-Dumbledore…

« Sirius était très en colère. » confirma Ron. « Et Tonks aussi, d'ailleurs. Ils n'arrêtaient pas de dire que si Snape avait été là, Dumbledore ne s'y serait pas amusé… »

« C'est trop facile de dire que c'est la faute de Dumbledore ou des circonstances. » marmonna Harry. « C'était moi. Je l'ai fait. Je ne m'en suis même pas rendu compte avant que ce soit fini. Ça doit bien vouloir dire que je le porte en moi, que je suis un tueur… »

Un peu accidentellement, il accrocha le regard d'Hermione, espérant qu'elle comprendrait ce qu'il ne voulait pas dire à haute voix. Severus insistait pour dire que ce n'était pas lié à l'horcruxe mais dans un certain sens, c'était pire. Si ça ne venait pas de l'horcruxe, ça venait de lui.

« Ça ne veut rien dire du tout. » décréta Hermione. « Et MacNair… Je suis désolée, Harry, mais Ron a raison, ce n'était pas quelqu'un de bien et il t'aurait sans doute tué sans hésiter, et ta famille avec. C'est terrible que tu aies dû le tuer, ça n'aurait jamais dû arriver, il y aurait dû y avoir un Auror ou un membre de l'Ordre pour vous défendre, mais cela ne veut pas dire que tu es mauvais ou quelque chose de ce genre. »

« Bien sûr que non. » renchérit Ron, en lui attrapant l'épaule.

« Ça veut juste dire que lui était mauvais. » insista Hermione. « Et que, d'une certaine manière, il n'a eu que ce qu'il méritait. Ce qui est tragique, ce n'est pas qu'il soit mort, c'est que tu doives, toi, en porter la responsabilité. »

Ça le refit pleurer.

Mais quelque chose se dénoua un peu en lui.

« J'ai l'impression d'avoir cinq ans. » avoua-t-il, en s'essuyant à nouveau le visage, alors qu'elle lui frottait le dos et que Ron lui tapotait l'épaule avec un peu de gêne. « Je ne fais que pleurer. »

Et encore… À cinq ans, il avait déjà renoncé aux larmes ou appris à pleurer en silence dans son placard. Au pire cela agaçait les Dursley, au mieux ils l'ignoraient.

Il ne poussa pas la honte jusqu'à admettre qu'il avait passé plus d'une nuit roulé en boule contre son père, plus pour son propre bénéfice que parce qu'il s'inquiétait de la sécurité de l'ancien espion.

« Ça fait beaucoup en peu de temps. » remarqua Hermione, avec hésitation. « Et je ne pense vraiment pas que tu sois le seul qui ne fasse que pleurer, tu sais… »

Ron détourna les yeux, grimaçant un peu. « Moi aussi je pleure souvent. Même Bill pleure. Alors, tu vois… » Il se racla la gorge. « Tu crois qu'il y a moyen d'avoir davantage de ces tartelettes ? J'ai un creux. »

« Ron ! » s'agaça leur amie.

Mais Harry se détendit un peu, reconnaissant envers le garçon de lui offrir une porte de sortie.

Il appela Kreattur qui arriva immédiatement avec une collation plus légère parce qu'il ne voulait pas qu'ils n'aient plus d'appétit pour le dîner. L'elfe se laissa convaincre de sortir le plateau de Gringottpoly et même Hermione s'assit avec eux autour de la table basse, intriguée par la version sorcière du Monopoly.

Sans surprise – et parce qu'il trichait, Harry en était certain – Kreattur ne tarda pas à les plumer.

Sirius débarqua vers la fin du jeu et sembla heureux de ce qu'il vit, il s'installa sur un fauteuil et commenta la partie avec sa bonne humeur habituelle, acceptant sans se faire prier de rejoindre la partie suivante une fois que Kreattur eut indubitablement gagné et ne s'excuse pour aller préparer le repas.

Harry se surprit à rire une fois ou deux.

Il avait toujours un peu l'impression de flotter dans son corps, que sa tête n'était pas tout à fait à l'endroit, mais avec Ron et Hermione pour l'ancrer au moment présent, ce n'était pas si terrible.

°O°O°O°O°

« Laisse-moi deviner… » murmura Nymphadora, en traçant des figures imaginaires sur son torse du bout des doigts. « Tu es en train d'essayer de régler un des problèmes qu'on a fuis. »

Severus émit un bruit un peu somnolent, entièrement détendu pour une fois. Mais elle avait cet effet là sur lui.

Le matelas était un peu trop mou à son goût et les piles de cartons éparpillées aux quatre coins de la pièce avaient quelque chose d'oppressant mais le corps nu de la jeune femme alanguie contre le sien compensait complètement cet inconfort. Il faisait plus chaud dans les hauteurs que dans les cachots, ils ne s'étaient pas empressés de remonter les draps qui gisaient en tas, au pied du lit, et il appréciait la vue.

« Je me demande si nous pourrions utiliser une dose légère de belladone pour augmenter les propriétés du spathiphyllum sans pour autant diminuer celle de l'aconit dans la potion Révèle-Loup. » expliqua-t-il. « Et sans empoisonner le patient, bien entendu. »

Encore que dans un cas en particulier…

Elle appuya la tête sur sa main pour mieux l'observer, un sourire amusé aux lèvres. « Si tu peux encore réfléchir à ce genre de choses, je n'ai pas dû être très performante. »

« Au contraire. » protesta-t-il, ses lèvres s'étirant légèrement. « J'ai l'esprit si vide que c'est le moment rêvé pour réfléchir à ce genre de choses sans pensées parasites… »

« C'est une manière originale de stimuler sa réflexion… » se moqua-t-elle.

« Pas tant que cela. » contra-t-il. « Le sexe ou les drogues ont souvent cet effet sur les prodiges… »

Sa plaisanterie fut récompensée d'un éclat de rire. « Modeste avec ça. »

« Tu m'inspires, qu'y puis-je ? » répondit-il, plaisantant un peu moins. Il tira gentiment sur une des mèches roses qui cascadaient sur ses épaules, toujours un peu plus long qu'à l'accoutumée dans ces moments-là. « Oserais-je demander ce à quoi tu pensais, toi ? »

« Oh, j'étais totalement en train de réfléchir à une solution pour stopper cette guerre dès ce soir. » répondit-elle, très sérieusement mais les yeux pétillants. « Je pensais à quelque chose de très utile pour la communauté magique. »

Il glissa sa main le long de son ventre, jusqu'à son bas-ventre, en une caresse qui invitait au voyage. « Es-tu certaine que ce n'était pas plutôt à ceci que tu pensais ? »

Elle ne se fit pas prier pour s'allonger et il était trop heureux de mettre de côté ses réflexions sur les loups-garous pour couvrir son corps de baisers jusqu'à atteindre l'endroit qui la fit se cambrer avec une petite inspiration.

Il prit son temps, s'amusant à la torturer à petits feux, étouffant ses ricanements contre sa cuisse lorsqu'elle perdait son sang-froid et l'abreuvait de reproches parce qu'il ne terminait pas ce qu'il avait commencé…

Lorsqu'il prit pitié de ses gémissements de plus en plus désespérés, il l'autorisa finalement à atteindre le plaisir qu'elle recherchait puis remonta le long de son corps en une série de baisers brûlants jusqu'à trouver sa bouche. Elle était un peu assommée par son orgasme et lui rendit son baiser paresseusement.

« Je t'aime… » murmura-t-elle, en appuyant son front contre le sien, une fois qu'elle eut repris son souffle.

« Surtout quand je t'embrasse là, j'ai déjà remarqué. » lâcha-t-il, pour le simple plaisir de l'entendre rire à nouveau.

Il cessa lui-même de rire quand sa main s'aventura sur lui, ferma les yeux alors qu'elle prenait sa revanche…

Et quelle revanche

« Toujours en train de résoudre des histoires de potions impossibles ? » railla-t-elle, juste après.

« Non. » marmonna-t-il, un bras passé sur les yeux pour se cacher de la lumière qui entrait par les fenêtres. « Tu m'as achevé, cette fois-ci. »

Il sentit ses lèvres sur son cou, sur sa mâchoire… Il répondit à son baiser immédiatement et sans hésitation.

« Menteur. » l'accusa-t-elle contre sa bouche.

Elle s'installa contre lui, une jambe possessivement jetée par-dessus sa hanche, sa tête bien calée dans le creux de son épaule… Il referma le bras sur elle, laissa ses doigts courir le long de son flanc alors qu'elle retraçait du pouce les nouvelles cicatrices déjà en passe de s'effacer…

« À quoi penses-tu ? » demanda-t-il.

Parce qu'il était évident qu'elle n'aurait pas posé la question en premier lieu si elle n'avait pas eu, elle, quelque chose à l'esprit.

« Je pense qu'une fois que tout ceci sera fini, j'aimerais qu'on parte en vacances. » décréta-t-elle. « On a mérité des vacances. »

L'idée était séduisante, à vrai dire, même s'il se doutait qu'elle ne serait pas si facilement mise en pratique. En admettant qu'ils gagnent… L'après-guerre ne leur laisserait sans doute pas beaucoup de loisirs pour un voyage. Ils étaient trop importants tous les deux pour pouvoir s'éclipser rapidement.

« Et où partons-nous en vacances, mon amour ? » s'enquit-il, jouant toutefois le jeu.

« Sous les tropiques. » décréta-t-elle. « Là où il y a des plages et des cocktails géants avec des parapluies dedans. Harry pourra apprendre le surf. Nous on pourra lézarder sur la plage. Ou profiter du bungalow. » Il émit un bruit dubitatif qui lui fit lever un peu la tête. « Quoi ? »

« Rien… Je me demandais simplement combien de temps il me faudrait pour brûler… » répondit-il, en faisant mine d'inspecter son bras trop pâle. « Deux ou cinq minutes… »

Il n'avait pas besoin de voir son visage pour savoir qu'elle levait les yeux au ciel. « Si seulement il existait quelque chose qui s'appelle l'écran total… »

« Il existe quelque chose qui s'appelle un baume anti-soleil. » rétorqua-t-il. « Et laisse-moi te dire que ce n'est pas d'une efficacité extrême. Encore que je suppose que si on substituait l'aloe vera à… »

Elle étouffa un rire dans son épaule et il s'interrompit avant de se lancer dans une dissertation théorique sur les améliorations de potions.

« Tu ne peux pas t'en empêcher. » se moqua-t-elle, avec affection.

« Je te l'ai dit, tu m'inspires. » répondit-il, sur le même ton.

« Bon, si les tropiques, ça ne tente pas, tu voudrais aller où ? » demanda-t-elle, un peu curieuse.

Ce n'était pas une question qu'il avait jamais eu l'occasion de se poser.

Il avait voyagé, oui, principalement pour des congrès de Maître des Potions mais c'était rarement du loisir. S'il ne voyageait pas pour présenter ses recherches ou défendre une théorie, c'était pour chasser les ingrédients rares. Il n'avait jamais visité un pays pour le plaisir, n'avait jamais, de lui-même, décidé d'aller ici ou là.

Il était quasiment certain, également, qu'Harry n'avait jamais mis un orteil hors de l'Angleterre ou de l'Écosse… Voyager plairait sans doute au garçon et Merlin savait qu'il aurait besoin de se changer les idées une fois que tout ceci serait terminé. Il refusait d'envisager une éventualité où il le perdrait.

Et puis, à ce stade, ce n'était qu'un fantasme. Un projet ridicule qui avait peu de chances d'aboutir. Il lâcha donc la première chose qui lui passa par la tête.

« Je suis allé à Athènes, il y a quelques années, mais je n'ai pas eu l'occasion d'explorer autant que je l'aurais voulu. » déclara-t-il. « La Grèce est un joli pays… Et il y a des plages. Nous pourrions en faire le tour… »

« Le tour du pays ? » releva-t-elle, en se redressant. Il ne protesta pas parce qu'elle s'assit sur lui, à califourchon, pour pouvoir le regarder en face et que ce n'était pas exactement une vue qui le dérangeait. « Je dois te rappeler combien je gagne ? »

Il leva les yeux au ciel, glissant les mains sur ses cuisses. « Étant donné le poste que tu occupes actuellement, tu devrais déjà avoir eu une augmentation. »

« C'est mignon. Tu penses qu'on est encore payés ? » ironisa-t-elle, avant de froncer les sourcils. « Attends, Poudlard te paye encore ? »

Il haussa les épaules. « Aucune idée. Les salaires sont virés par les Gobelins du compte de Poudlard sur ceux des enseignants jusqu'à échéance du contrat… Si personne n'a annulé la chose, je suppose que oui. Et quand bien même… Nous aurions de quoi partir en Grèce. Ou même sous les tropiques, si tu y tiens véritablement. »

« À tes frais ? » rétorqua-t-elle, un brin irritée. « Je peux payer ma part. »

Il fronça légèrement les sourcils parce qu'il sentait que c'était un réel problème pour elle. Ils avaient déjà eu sensiblement la même conversation lorsqu'ils s'étaient aventurés à parler d'un endroit où vivre dans un futur potentiel…

« Je gagne plus que toi, Nymphadora. » lui rappela-t-il calmement. « C'est une réalité qui ne changera pas même si tu devenais Chef du Département… Le salaire de Professeur de Poudlard est généreux, j'ai un bonus car je suis Directeur de Maison… Et c'est sans compter les divers brevets qui me rapportent des intérêts et les commandes ponctuelles pour des potions trop complexes pour être trouvées dans le commerce. Bien que, je te l'accorde, je doute de pouvoir en prendre beaucoup à l'avenir. »

Elle fit la moue et il soupira.

« Tu aimes ton métier, n'est-ce pas ? » demanda-t-il, avant de grimacer. « Indépendamment du contexte actuel, je veux dire. »

« Bien sûr. » répondit-elle.

« En changerais-tu pour un salaire plus élevé ? » insista-t-il.

« Non. » soupira-t-elle. « Mais je n'aime pas l'idée de me faire entretenir. »

« Je ne vois pas en quoi je t'entretiendrais. » contra-t-il. « Le Ministère est pingre avec ses Aurors, beaucoup moins avec les Professeurs de son unique école de magie… Et puis, je t'avoue que si je n'ai jamais pris le temps d'une réflexion poussée sur ce sujet, je crois que je préfère considérer que ce que nous avons est commun… »

Tobias avait toujours considéré que tout était à lui. C'était lui qui ramenait l'argent à la maison – lorsqu'il ne le buvait pas – lui qui gardait un toit au-dessus de sa tête… Eileen n'avait rien eu à elle mis à part sa baguette dont elle ne faisait pas souvent usage…

Ce n'était pas la vision de Severus.

Il voulait quelque chose d'égalitaire mais commun, pas que chacun fasse l'inventaire de ce qui lui appartenait de son côté.

Nymphadora l'observait sans rien dire et il eut l'impression d'avoir gâché ce moment volé de légèreté.

« Il est prématuré d'en parler, de toute manière. » conclut-il, un peu gêné, en laissant ses mains courir sur ses cuisses dans des caresses qu'il espérait apaisantes.

« Non, tu as raison. » admit-elle. « C'est juste que… Je ne sais pas, c'est stupide. J'ai l'impression que ça touche à mon indépendance. »

« Ça toucherait à ton indépendance si j'exigeais que tu arrêtes de travailler pour mieux te garder sous ma coupe. » contra-t-il. « Je ne cherches pas à… Je n'utiliserai jamais l'argent comme un outil de contrôle. »

« Je sais bien. » le rassura-t-elle.

« Mais cela me semble normal de vous en faire profiter Harry et toi. » ajouta-t-il. « Que ce soit pour des vacances ou… autre chose. Cela ne signifie pas que tu peux pas contribuer mais puisque j'ai plus de moyens, il me semble normal de payer une plus grosse part. Surtout si cela nous concerne tous les deux. Cela te paraît-il raisonnable ? »

Son irritation avait à nouveau laissé la place à cette affection un peu amusée. « Presque trop. »

« Lorsque tu seras Ministre de la Magie et que je serai à la retraite, ce sera ton tour de nous garder à flot. » railla-t-il.

Elle éclata de rire. « Ministre de la Magie, rien que ça ? »

« Tu pourrais difficilement faire pire qu'Albus. » remarqua-t-il. « Je voterais même pour toi. »

« Pour mes talents de diplomates ? » le taquina-t-elle, en se penchant pour l'embrasser. C'était un baiser langoureux qui le laissa un peu essoufflé. « Ou pour les autres ? »

Il feignit d'y réfléchir. « Une démonstration de ces talents serait peut-être nécessaire… »

« Ah oui ? » Elle frôla sa bouche de la sienne, avant de l'embrasser à nouveau un peu plus fermement.

Il venait de repousser ses cheveux par-dessus son épaule lorsqu'il entendit une porte claquer au loin.

Elle se redressa d'un coup, l'air tout aussi paniquée qu'horrifiée. « Severus, quelle heure il est ? »

Le murmure était bas et il répondit sur le même ton. « Je ne sais pas, ce n'est pas moi qui aie la montre. »

Elle le fusilla du regard une brève seconde avant de se laisser tomber à côté de lui pour attraper la montre qu'elle avait jetée sur la table de nuit, un peu plus tôt. C'était superflu, toutefois. À entendre les bruits qui venaient d'à côté, il était évident que quelqu'un était entré dans l'appartement.

C'était déjà une chance qu'ils aient pensé à fermer la porte.

« Merde. » lâcha Nymphadora, en pêchant les vêtements épars et en les lui jetant pour qu'il se rhabille rapidement, ce qu'il était plus qu'enclin à faire. « Merde. Merde. Merde. »

« Inutile de paniquer. » déclara-t-il, aussi bas que possible. « Il nous suffit d'attendre le moment propice pour nous éclipser… »

Que ce soit son père ou sa mère, la personne irait sans doute prendre une douche à un moment donné ou bien utiliserait la salle de bain…

Ou bien…

« Tu pourrais les distraire le temps que je me sauve. » suggéra-t-il, ensuite.

Elle venait de se lever pour renfiler son jean et lui jeta un regard un peu agacé. « Tu me laisserais m'expliquer toute seule ? »

« Pas besoin de t'expliquer s'ils ne découvrent jamais que j'étais là. » remarqua-t-il, en reboutonnant sa chemise avec quelques difficultés. « Et, puis, quand bien même le découvriraient-ils, ce n'est pas comme s'ils pensaient que tu étais encore vierge, Nymphadora. »

« Il y a une différence entre savoir que je suis une grande fille et me trouver au lit avec un homme. » siffla-t-elle, en pointant un doigt accusateur vers lui. « Je n'ai pas vraiment envie d'expliquer ce qu'on faisait chez eux à mes parents. »

« C'était ton idée de venir ici. » rétorqua-t-il.

« Oh oui, j'ai tellement dû te forcer la main ! » grinça-t-elle, un peu trop fort.

Il n'y avait plus aucun bruit de pas dans la pièce à côté, plus aucun bruit du tout, à vrai dire. Il se dépêcha de renfiler ses robes alors qu'elle passait son tee-shirt à la va-vite .

« Dora ? » appela Ted Tonks de l'autre côté de la porte, clairement sur ses gardes.

Severus aurait presque préféré Andromeda.

Il fouilla les lieux du regard à la recherche d'une cachette potentielle mais avec tous ces cartons…

Il était évident que la jeune femme hésita l'espace d'un instant à faire la morte, en espérant que son père pense avoir entendu des voix. Puis elle se reprit avant qu'il ne se décide à investiguer.

« Papa ? » appela-t-elle, tentant et échouant à avoir l'air naturelle.

« Ton tee-shirt est à l'envers. » remarqua Severus, dans un murmure.

Cela lui valut un nouveau regard noir tandis qu'elle rectifiait rapidement la situation.

« Tout va bien, ma chérie ? » insista Ted, encore plus proche de la porte, semblait-il.

Elle l'ouvrit avant que son père n'ait pu le faire, plaquant un grand sourire absolument pas naturel sur son visage. « Papa. Tu es rentré tôt… »

Severus fit de son mieux pour se fondre dans l'ombre des cartons, caché par la porte.

« Pas tant que ça. » répondit Ted. « C'est toi qui reviens rarement aussi tôt d'habitude. Ou tout court, d'ailleurs. »

Severus ferma les yeux parce qu'il percevait nettement l'amusement dans la voix du sorcier et qu'il n'y avait pas trente cinq explications possibles à cela. Ted pouvait-il apercevoir le lit défait par-dessus l'épaule de la jeune femme ? Elle bloquait l'entrée autant que possible mais…

« Puisque tu es là, viens donc prendre une tasse de thé avec moi. Je ne te vois pas souvent, en ce moment. » offrit l'homme. Nymphadora le suivit, amorçant un geste pour refermer la porte… « Et joignez-vous donc à nous, Severus. »

Peu surpris mais grimaçant, avec l'impression d'être un adolescent pris en faute, Severus sortit de sa cachette, occludant l'humiliation d'être attrapé la main dans le sac. Refusant de perdre contenance, il salua le sorcier d'un hochement de tête. « Mr Tonks. »

« Oh, vu la situation, je pense que nous en sommes vraiment aux prénoms. » se moqua Ted, tandis que Nymphadora posait les yeux partout sauf sur lui, rouge comme une écrevisse.

« On cherchait un dossier. » lâcha-t-elle, en guise d'explication. « Dans mes cartons. Tu sais. »

« Je préfère ne pas savoir, à vrai dire. » riposta son père, un peu trop sérieusement. Lorsqu'il se détourna pour se diriger vers la cuisine, ils le suivirent tous les deux docilement bien que Severus n'aurait rien voulu d'autre que fuir à toutes jambes.

Nymphadora avait l'air un peu trop fragile à son goût. Il posa la main au creux de son dos en piètre démonstration de soutien et fut heureux de la voir se détendre légèrement.

« Comment va Harry ? » demanda Ted, en faisant chauffer la bouilloire d'un coup de baguette. Il sortit les tasses du placard à la main pourtant. « Cela fait quelques jours que je ne l'ai pas vu. »

« Il est humain à nouveau. » répondit posément Severus, soulagé que l'incident soit visiblement clos. La chose était embarrassante et il préférait la voir balayée sous le tapis. « Pour le reste, c'est plus difficile. »

Ted hocha la tête avec compréhension, préparant la théière avant d'y verser l'eau chaude. « Le pauvre… Cela fait beaucoup. L'adolescence est déjà suffisamment difficile comme ça… »

« Je préfèrerais de beaucoup que ses problèmes les plus graves soient typiques d'un adolescent lambda. » admit-il. La main de Nymphadora atterrit discrètement sur sa cuisse, sous le plan de travail. Il la couvrit de la sienne.

« Ça va s'arranger. » promit-elle.

Il l'espérait mais demeurait inquiet.

Harry était d'une nature résistante qui survivait à presque tout mais cela ne voulait pas dire qu'il n'y laissait pas des plumes à chaque fois.

« Je suis sûr qu'il n'y paraîtra bientôt plus. » renchérit Ted, en versant le thé dans les tasses. Il n'était pas suffisamment infusé pour Severus mais il l'accepta tout de même. « Et peut-être changerez-vous d'avis à propos des problèmes typiques d'ados… Merlin sait qu'un parent peut en voir de toutes les couleurs… »

« Papa. » grinça Nymphadora, d'un ton d'avertissement.

« Quoi ? Ce n'est pas à lui que je vais apprendre que tu as accroché une bannière de Poufsouffle en haut du toit de la tour d'Astronomie en cinquième année. Il était là, si je ne m'abuse. » répondit le sorcier.

La jeune femme ne fut pas la seule à faire la grimace, cette fois-ci.

Severus se souvenait parfaitement de la chose parce que, de toutes les stupidités qu'avaient pu faire les élèves au cours de ses années d'enseignement, celle-ci demeurait dans le top dix. Nymphadora avait manqué se rompre le cou, à l'époque. Il se souvenait parfaitement avoir attendu que Pomona et Minerva aient terminé de lui hurler dessus – fait rare dans le cas de la Directrice des Poufsouffle – pour en rajouter une dose ponctuée de commentaires acerbes.

Cela le mettait mal à l'aise d'y repenser pour des raisons évidentes.

Il se racla la gorge, gêné, sans savoir s'il devait laisser glisser cette pique évidente sur leur ancienne relation ou, au contraire, tenter de convaincre le sorcier qu'il n'était pas le pervers que Lupin avait sous-entendu.

« C'était il y a longtemps. » commenta-t-il finalement, d'un ton ferme. « Presque une autre vie. »

« Ce n'était pas il y a si longtemps que ça, mais je vous accorde l'autre vie. » répondit Ted avec un peu de malice mais sans véritable malveillance. L'homme attendit que Severus ait pris une gorgée de thé pour enchaîner, d'un ton tout à fait plaisant. « Harry a-t-il déjà fait entrer en douce une fille à la maison ? »

Le Maître des Potions manqua de s'étouffer avec son thé à cette idée.

« Bien sûr que non. » lâcha-t-il.

Il l'aurait su. Les protections lui appartenaient toujours. Harry et Nymphadora pouvaient les manipuler mais elles l'informaient dès que quelqu'un les passait. Il savait, par exemple, qu'en ce moment même Granger, Weasley et Sirius étaient auprès d'Harry.

« Papa. » le gronda Nymphadora. Ses cheveux roses prenaient des reflets rouges.

« Attendez un peu qu'il s'y mette. » plaisanta Ted, avec un regard pourtant entendu. « Vous verrez très vite qu'il faut savoir prendre le bon côté de la situation et en tirer son parti. Personnellement, j'ai toujours trouvé ça très drôle d'embarrasser au maximum les garçons qui faisaient semblant de chercher des dossiers dans la chambre de ma fille… Sans rancune, bien sûr. C'est après tout ma fille et ma maison. »

La jeune femme avait caché son visage derrière sa main.

Severus refusait de réagir ne serait-ce que d'un iota. L'Occlumencie, encore une fois, lui sauvait la mise.

« Je suppose que c'est de bonne guerre. » déclara-t-il, tout à fait calmement.

Ted l'étudia quelques secondes puis eut un petit rire avant de taper gentiment le bras de sa fille pour la réconforter. « Tu sais, ma chérie, ça me fait plaisir que tu ne sois pas encore trop grande pour qu'on ait toujours ce genre d'échanges gênants… »

Elle laissa tomber sa main et leva les yeux au ciel. « Il y a des jours où je te déteste. »

« Faux. » contra son père, avec conviction. Il souriait et sortit une pipe de sa poche, qu'il alluma d'un coup de baguette.

« Faux. » admit-elle dans un soupir. « Et je suis désolée. »

« Mieux vaut ici que dans un placard à balais. » remarqua Ted, l'œil pétillant, en faisant des ronds de fumée. « Imaginez, si vous vous étiez faits surprendre… Le Chef de l'Ordre du Phoenix et le second du Département des Aurors… Cela ferait désordre. »

Le Maître des Potions n'était pas entièrement certain de goûter à l'humour du père de la femme qu'il aimait mais il était trop Serpentard pour faire une remarque. Il se contenta de finir sa tasse aussi rapidement que l'autorisait la politesse, avant de se lever, une excuse aux lèvres…

« Vous restez dîner, tous les deux. » décida Ted. Ce n'était pas tant une question qu'une injonction. Severus ouvrit la bouche pour refuser mais le sorcier le prit de court. « Dora a toujours de bonnes excuses mais vous avez bien le temps pour un petit repas, non ? Andy et moi aimerions beaucoup vous connaître davantage, Severus. »

Il croisa le regard de Nymphadora qui haussa légèrement les épaules, comme pour lui dire que c'était sa décision.

« Je ne veux pas laisser Harry seul… » hésita-t-il.

« Naturellement. » Le sorcier eut un geste nonchalant et un sourire sincère. « Allez le chercher. Un repas de famille ne vaut qu'avec toute la famille. »

Repas de famille.

Il eut soudain une bouffée de chaleur qui ressemblait à s'y méprendre à de la panique.

Il fit la liste de toutes les excuses qu'il pourrait donner mais aucune n'était véritablement acceptable au vu de l'incident. Un Sang-Pur lui aurait déjà demandé réparation, l'aurait provoqué en duel ou aurait sorti le contrat de mariage…

Il s'inclina donc.

Nymphadora le raccompagna et le suivit dans le couloir, tirant suffisamment la porte derrière elle pour qu'ils aient un minimum d'intimité.

« Désolée. » offrit-elle, dans un murmure.

Il jeta un coup d'œil à droite et à gauche mais, mis à part les portraits, le couloir était vide. Il l'embrassa donc sans trop de retenue.

« Je suis aussi fautif que toi. » répondit-il, sur le même ton.

« Tu n'es pas obligé de revenir ou de traîner Harry jusque ici si tu ne veux pas, tu sais. » hésita-t-elle. « Je peux prétexter une urgence ou… »

« Je ferai de mon mieux. » l'interrompit-il, en lui caressant la joue. « Mais charmer les gens n'est pas mon point fort, Nymphadora. »

Or il était évident qu'elle souhaitait l'approbation de ses parents. Elle les aimait.

Et la dernière chose qu'il souhaitait était la placer dans une situation inconfortable.

Elle lui sourit, un peu nerveuse mais plus confiante que lui. « Ils ont déjà accepté que c'était sérieux entre nous. Tu n'as pas besoin de les convaincre de quoi que ce soit. Ils veulent juste… Ils veulent te connaître, c'est tout. »

Il n'était pas persuadé que ce soit tout.

Très visiblement, plaisanterie ou pas, qu'il ait été son Professeur était toujours un point qui posait problème.

Néanmoins, il était sensible au fait que Ted ait inclus Harry dans son invitation. Il l'embrassa une dernière fois puis se mit en route vers les cachots.

Le temps qu'il atteigne ses appartements, il s'était convaincu que ce dîner était un désastre annoncé. Il n'était pas doué pour faire la conversation, était encore moins bon pour ne pas causer offense sans le vouloir, et n'était pas certain qu'Andromeda prendrait l'incident aussi bien que son époux.

Il aurait préféré partir affronter un bataillon de Mangemorts que de se rendre à ce dîner.

Le rire d'Harry chassa momentanément ses considérations.

Son salon était en proie à un léger désordre qu'expliquait le jeu de société étalé sur la table basse. Si Granger et Weasley se figèrent immédiatement en l'apercevant, Sirius, affalé par terre comme s'il avait lui aussi seize ans, le salua d'un geste distrait. Quant à Harry, il lui sourit.

Un vrai sourire qui atteignit ses yeux.

Severus découvrit qu'il vivait en apnée depuis des jours. Parce que, à cet instant là, un poids s'éleva de sa poitrine qui lui permit de mieux respirer. Pour la première fois, il eut vraiment espoir qu'Harry allait se remettre.

« Qui gagne ? » demanda-t-il, pour mettre à l'aise ses deux élèves qui paraissaient sur le point de fuir. Il ne voulait pas les décourager de revenir alors qu'ils faisaient du bien à Harry. Qui plus est, Granger avait résisté à l'envie de vider sa bibliothèque, elle aurait donc droit à quelques égards.

« Sirius triche. » annonça la jeune fille, d'un ton indigné.

« La triche fait pratiquement partie des règles du jeu ! » protesta l'Animagus, en riant. « Dis leur, Severus ! »

« Un enseignant ne devrait pas encourager ses élèves à tricher, Professeur Black. » ironisa-t-il, en plaçant ses mains sur le dossier du canapé, derrière Harry, pour mieux observer le plateau. « Néanmoins… Il n'est pas faux que personne n'a jamais gagné une partie de Gringottpoly à la loyale. »

Il jeta un regard un peu appuyé à la pendule, peu surpris lorsque Granger fut la seule à réagir.

« On devrait y aller. » lança-t-elle. « C'est bientôt l'heure du dîner. On se revoit demain, Harry ? On pourrait aller dans le parc… Il y a vraiment des coins plus tranquilles. »

Harry hésita puis accepta d'un hochement de tête. « Il y a les groupes de paroles demain, non ? »

« Je crois oui. » hésita-t-elle. « On n'y va plus, nous. Mais tu devrais y aller si ça te fait du bien. Ça aide beaucoup Draco. »

Weasley la fit taire d'une légère bourrade puis jeta à Harry un regard tout aussi peu discret que celui que Severus avait jeté à la pendule. Et, sans trop de surprise, le garçon se racla la gorge et se tourna vers le Maître des Potions. « Est-ce que tu penses que c'est risqué de donner la potion Révèle-Loup aux élèves qui ont été mordus ? »

La question le prit de court. Il tâcha de ne pas mal le prendre parce qu'il savait qu'Harry n'avait pas cherché à l'insulter. « Si je pensais qu'il y avait un véritable risque, je n'aurais pas demandé au Professeur Slughorn de la préparer. »

« Mais… » intervint Weasley, avant de rougir un peu brutalement, clairement nerveux. Parce que Severus l'intimidait, comprit-il. Après tout, leurs échanges avaient été rares et toujours hostiles jusque là.

« Poursuivez. » l'invita-t-il d'un geste. « Quel est le problème ? »

« C'est juste que… » hésita le garçon. « Est-ce que ça ne risque pas de les changer ou quelque chose comme ça ? »

Ah.

Il avait un vague souvenir de lui avoir ôté des points pour avoir été en train d'embrasser Lavande Brown dans une alcôve.

« De par la nature de la malédiction, le changement est inévitable et il serait bon de vous y préparer, Mr Weasley. » expliqua-t-il, s'efforçant d'être patient. « La potion Tue-Loup emprisonne la nature humaine dans le corps du loup durant la pleine lune. Cela est certes plus sûr pour leur entourage mais peut faire des dégâts psychologiques à longs termes, notamment pour les loups solitaires. La potion Révèle-Loup fusionne les deux natures, humaine et animale, ce qui rend la transformation moins pénible. Au lieu de lutter contre le loup qui l'habite, les deux deviennent un. »

« Ouais, enfin… » grommela Sirius. « On ne l'a testée que sur deux personnes. »

« J'admets qu'elle semble moins indiquée chez les loups dominants. » répondit Severus. « Et j'admets également que j'ai mes réserves sur le sujet. Il est encore temps de préparer un chaudron de potion Tue-Loup si certains de vos camarades le préfèrent. J'ai laissé ça à la discrétion de Lupin puisqu'il est responsable d'eux mais peut-être était-ce un tort. »

« Merci. » offrit Weasley, visiblement soulagé.

« Dites à Miss Brown de me le faire savoir assez tôt, demain matin. » déclara-t-il, son regard s'égarant vers Granger. « Et peut-être pourriez-vous réaliser la potion sous ma supervision, le cas échéant. »

Il avait, de toute manière, prévu de rencontrer Slughorn le lendemain. Cela ferait d'une pierre deux coups.

La jeune fille accepta avec une joie évidente et les adolescents prirent congé, les laissant seuls tous les trois.

Severus se racla la gorge, la panique revenant lui serrer le ventre.

« Nous sortons, ce soir. » annonça-t-il. « Nous sommes invités chez les Tonks. »

Harry lui jeta un regard curieux et pas très enthousiaste.

Sirius, pour sa part, s'esclaffa comme un idiot. « Alors ça y est, c'est les présentations officielles avec belle-maman et beau-papa ? »

L'ancien Mangemort prit une profonde inspiration et fit un effort pour se remémorer que ses sorts étaient trop aléatoires pour qu'il lui jette un maléfice sans risquer de sérieusement le blesser.

L'adolescent fronça les sourcils. « Si c'est ce genre de choses, pourquoi… »

« Parce que c'est apparemment un repas de famille et que tu es ma famille. » le coupa-t-il, avant de se rendre compte que ce n'était pas très juste et que le garçon avait déjà fait beaucoup d'efforts ce jour-là. « Bien sûr, si tu es fatigué, nous pouvons… »

« Oh, non, non, non… » intervint Sirius, ricanant toujours comme un gamin. « Tu vas y aller à ce dîner. Et, Harry, on va l'accompagner parce que je sens qu'on va bien rigoler. »

Harry gigota, un peu mal à l'aise. « Tu es sûr que je suis invité aussi ? »

« Ted a insisté. » lui promit-il. « Il t'apprécie beaucoup, semble-t-il. »

Son fils se détendit un peu. « Je l'aime bien. Andromeda aussi est gentille, au fond. »

« Au fond. » répéta Sirius dans un murmure, étouffant un nouveau ricanement.

Severus le fusilla du regard. « Je suis ravi que tout ceci t'amuse. »

« Oh, ça m'amuse vraiment. » confirma l'Animagus.

L'ancien espion, pour sa propre santé mentale, préféra s'en désintéresser et étudia la tenue d'Harry. « Peut-être pourrais-tu te changer ? Et enfiler quelque chose à ta taille ? »

Il savait que la mode était aux vêtements larges mais le garçon était si fin que cela semblait toujours exagéré sur lui.

Et, visiblement, Severus avait mis les pieds dans le plat parce que l'adolescent devint rouge pivoine.

« Dumbledore ne m'a pas donné beaucoup de vêtement pour après les cours. » avoua le gamin, sans croiser son regard. « Et la plupart sont au sale. Et d'hiver. »

Sirius avait cessé de ricaner comme un idiot pour étudier son filleul, sourcils froncés.

Severus, lui-même, était perplexe.

« Je peux mettre mon pantalon et ma chemise d'uniforme. » suggéra Harry. « Ou bien, c'est trop habillé ? »

« Que veux-tu dire par les vêtements qu'Albus t'a donné ? » demanda-t-il, avant d'avoir une illumination. « Dans le passé ? » Harry n'avait pas tant grandi depuis le début de l'année et l'étroitesse de ses vêtements n'était clairement pas le problème. « N'en as-tu pas au moins un ou deux un peu plus présentables ? »

Aurait-il frappé le garçon qu'il n'aurait pas réagi autrement… Son fils devint plus rouge encore et détourna le regard.

Et ce fut son tour d'être rattrapé par l'évidence. « Harry, à qui sont ces vêtements ? »

« Dudley. » admit finalement le garçon, dans un marmonnement.

La mâchoire de l'Animagus étant contractée à l'extrême, Severus trouva cela plus prudent de continuer lui-même cette ligne de questionnement. « Tu n'as pas de vêtements à toi, n'est-ce pas ? »

« J'ai mes uniformes. » grommela Harry. « Et quelques pulls de Mrs Weasley et des pantalons qui n'allaient plus à Ron. »

Severus se pinça l'arrête du nez, s'exhortant au calme. Pétunia était loin, désormais. Vernon était mort. Sa vengeance lui était passée sous le nez.

« Il y a des boutiques pas très loin du Square Grimmaurd. J'irais te chercher des fringues. » décréta Sirius, d'un ton sans appel.

« Ce n'est pas nécessaire. » contra immédiatement Harry, avant de grimacer, probablement parce qu'il était conscient que, au contraire, c'était absolument nécessaire. « Je peux te… »

« N'offre pas de le rembourser. » le prévint Severus. « Je le rembourserai. »

« Tu n'as pas besoin de me rembourser, tu es peut-être son père mais je suis son parrain. » rétorqua l'ancien fugitif, avec un geste blasé. « Harry, c'est notre responsabilité de t'acheter ce dont tu as besoin. Les vêtements, ce sont définitivement des choses dont tu as besoin. Il y a autre chose qu'il te faudrait ? »

« Des chaussures. » décréta Severus, en avisant l'état des baskets abandonnées à côté du canapé.

« Ce n'est vraiment pas nécessaire. » protesta le garçon.

Toutefois, il ne chercha pas à les empêcher de remettre le jean et le tee-shirt qu'il portait à sa taille. Il partit dans sa chambre mettre les chaussures qui allaient avec son uniforme et qui avait meilleure allure que ses baskets.

Severus soupira dès qu'il fut sorti de la pièce.

« Je sais. » marmonna Sirius, en s'arrachant finalement au tapis sur lequel il était vautré. « On aurait dû y penser avant. »

« Je pensais que c'était un effet de mode. » admit-il.

« Il y a tellement de trucs qu'il n'a même pas l'idée de demander… » soupira l'ancien fugitif, avant de balayer la remarque d'un geste. « Au moins, il a l'air d'aller un peu mieux. »

Severus hésita. « Penses-tu que c'est trop lui en demander d'aller à ce dîner ? »

« Je pense que tu cherches une bonne excuse pour te défiler. » rétorqua Sirius, un peu railleur. « Comment tu t'es retrouvé embarqué là-dedans, de toute manière ? Andromeda t'a coincé dans ton bureau ? »

Il hésita puis lâcha un profond soupir. « Ted, à vrai dire. Nous n'étions pas dans une position où je pouvais refuser. »

Son ami fronça les sourcils. « Qu'est-ce que ça veut dire vous… » Severus le regarda bien en face, une expression neutre sur le visage mais le sous-entendu clair. « Oh. » L'Animagus s'esclaffa de plus belle. « Oh, putain, Servilus… Même des lapins se contrôlent mieux que vous. »

« Ne m'oblige pas à te donner un coup de canne. » grommela le Maître des Potions. « Tu nous accompagnes, bien sûr. Après tout… Si c'est un dîner de famille, il n'est pas déplacé que tu sois présent. Et tu me dois une faveur. »

« En quel honneur ? » se moqua Sirius.

« Souhaites-tu vraiment que nous reparlions du fait que tu te sois fait duper par un adolescent de seize ans que je t'avais spécifiquement confié ? » rétorqua-t-il.

« C'est bas, ça, Severus. » lâcha l'Animagus, en cessant de rire.

« Aide-moi à ne pas ruiner la relation de Nymphadora avec ses parents et je fais table rase de cette histoire. » insista-t-il.

Sirius secoua la tête. « Tu t'en fais pour rien. Mais, bien sûr que je viens. Je ne veux pas rater ça, je sens que ça va être drôle. »

Il se dirigea vers la cheminée, laissant Severus perplexe. « Où vas-tu ? »

« Chercher Cissy. » répondit-il, en attrapant une poignée de poudre de cheminette tout en écartant le pare-feu du pied. « Elle a bien le droit de s'amuser un peu, elle aussi. »

Il disparut dans les flammes avant qu'il n'ait pu lui ordonner de ne rien en faire. Il n'avait toujours pas vu Narcissa et n'était pas certain que l'occasion soit la bonne.

Toutefois, l'engrenage était lancé et, une fois qu'Harry revint avec de meilleures chaussures, il se trouva à court d'excuses pour retarder le moment autant que possible. Ils firent le chemin à pied plutôt que d'emprunter la cheminée, tout aussi nerveux l'un que l'autre pour des raisons différentes. C'était loin et sa jambe commença à protester suffisamment à mi-chemin pour que la canne ne soit plus autant un accessoire qu'elle l'avait été le reste de la journée, pourtant, paradoxalement, ce fut trop court.

Il avait le ventre noué lorsqu'ils arrivèrent en vue des appartements des Tonks.

« Ils sont gentils, tu sais. » offrit Harry, les mains dans les poches. « Andromeda est un peu brusque mais… » Il haussa les épaules. « Ils sont comme Mr et Mrs Weasley… Ils aiment Dora. Ils ne feraient jamais rien pour lui faire de la peine et ils savent très bien que ça lui ferait de la peine de se séparer de toi. »

« Je ne suis pas exactement le gendre idéal, Harry. » remarqua-t-il, en se raclant la gorge. « Certainement pas ce qu'un couple comme les Tonks voudraient pour leur fille. »

« Mais elle t'aime alors le reste, est-ce que ça compte vraiment ? » rétorqua le garçon, avec cette sagesse qui le faisait parfois paraître tellement plus âgé.

C'est une question qu'il étudia alors qu'il frappait à la porte et bien après que Nymphadora les ait faits rentrer avec un sourire légèrement nerveux.

Est-ce que cela comptait ?

Le salon était plus animé que ce à quoi il s'attendait.

Sirius et les Malfoy étaient déjà là. Draco aurait visiblement préféré être n'importe où ailleurs et se dirigea droit vers Harry, en levant les yeux au ciel. « Tu t'es enfin décidé à quitter le monde animal, je vois. »

Parce que le garçon ne paraissait pas malheureux de voir le Serpentard, Severus s'éloigna pour saluer Andromeda. Et Narcissa qui trônait dans un fauteuil, une main sur son ventre extrêmement rebondi.

Il avait préparé pour elle tellement de potions de fertilité au fil des années… Il mesurait peut-être davantage que les autres ce que cette grossesse représentait pour elle.

Elle tendit la main vers lui et il s'inclina légèrement une fois qu'il l'eut saisie comme il était d'usage chez les Sang-Purs.

« Lady Malfoy. » la salua-t-il, heureux que les conversations continuent dans son dos et qu'ils aient un moment relativement seuls.

« Nous sommes en privé, Severus, et j'ai toujours été Narcissa en privé. » contra-t-elle, avec un léger sourire. « Inutile d'y mettre les formes. »

Il acquiesça, un peu soulagé par cette affirmation qui lui laissait penser qu'elle ne lui en voulait pas trop pour le rôle qu'il avait involontairement joué dans la mort de Lucius, tout en restant sur ses gardes. Narcissa était un serpent et un serpent pouvait vous donner l'impression d'être nonchalant jusqu'à ce qu'il ne se détende pour vous mordre.

« Mes condoléances. » lui dit-il, en pressant légèrement sa main avant de la relâcher. « Nous n'étions pas toujours du même avis mais je l'appréciais sincèrement. »

Ce n'était même pas un mensonge.

S'ils avaient été de natures moins sournoises, ils auraient pu être d'excellents amis.

Un voile de tristesse passa sur le visage de la Sang-Pure. « Il avait beaucoup d'affection pour toi. »

Il lui était difficile d'évoquer Lucius sans éprouver d'émotions contradictoires. Il aurait aimé le revoir après que le patriarche des Malfoy ait changé de camp, avoir une conversation franche pour une fois, peut-être…

Il y avait une autre question en suspens, toutefois.

« Naturellement, il y a une dette que… » reprit-il, uniquement pour se voir couper la parole d'un geste plein d'autorité.

« J'ai déjà réglé la question avec Lord Potter. » répondit-elle, un brin amusée semblait-il par le souvenir. « Il est l'héritier de Sirius et il n'y a pas de dettes entre Black. »

C'était un soulagement qu'elle le prenne comme ça. Il n'aurait pas aimé savoir Harry avec une dette envers les Malfoy.

« J'ai également… » hésita-t-il, prêt à offrir de veiller sur son fils mais certainement pas prêt à jurer une dette d'honneur.

« Il n'y a pas de dettes entre Black. » répéta-t-elle, son sourire s'accentuant un peu.

Une étincelle malicieuse brillait dans ses yeux.

Severus grinça des dents. C'était une chose que Sirius en plaisante, une autre de voir la chose répétée alors que Ted et Andromeda étaient à moins d'un mètre en train de discuter avec leur fille.

« Je ne suis pas un Black, Narcissa. » siffla-t-il, à voix basse.

« Pas encore. » contra-t-elle joyeusement. « J'ai tout un tas d'options, peinerais-tu à trouver une bague dans le contexte actuel… »

L'ancien espion savait admettre lorsqu'on le mettait échecs et mat.

Il battit en retraite vers Nymphadora et ses parents. À cet instant, cela lui semblait plus sûr que d'affronter Narcissa lorsqu'elle était de cette humeur d'entremetteuse. Il en avait déjà fait les frais une fois ou deux lors de dîners interminables.

Par réflexe, et parce qu'il était perturbé, il glissa une main dans le dos de Nymphadora dès qu'il fut près d'elle avant de reconsidérer immédiatement la chose, en se disant que cela ne se faisait peut-être pas devant ses parents. Mais elle se rapprocha de lui naturellement, tournant la tête pour lui sourire et, comme souvent, il se retrouva à lui sourire en retour.

« Ce n'est pas exactement le genre de dîner que j'avais en tête, Severus. » remarqua Ted, sans paraître trop contrarié.

« Je n'y suis pour rien. » mentit-il comme un arracheur de dents. « Sirius se plaît à s'immiscer dans ma vie. »

Andromeda émit un bruit dubitatif, quoi qu'un peu amusé. « Étrange. Il a dit que vous l'aviez invité. »

« Une version extrêmement personnelle de la vérité. » décréta-t-il. « Comme toujours avec Sirius. »

La Médicomage n'était pas dupe mais les invita tous à passer à table. Kreattur apparaissait et disparaissait rapidement pour mieux s'assurer que tout était parfait… Severus se retrouva entre Harry et Nymphadora, en face de Ted et d'Andromeda. Draco s'installa entre son fils et Narcissa, laissant Sirius libre de prendre le siège à côté de l'Auror.

Si la conversation fut un peu guindée, au début, elle se détendit bien vite parce que Narcissa était experte dans l'art d'animer des dîners et lançait des sujets neutres qui se prêtaient bien au repas servi par Kreattur.

« Vous avez déjà une idée des matières que vous voulez suivre pour vos B.U.S.E.s ? » demanda Ted à Harry et Draco, à un moment.

Severus avait été plus ou moins accaparé par Andromeda et Narcissa dont les questions tout à fait anodines pointaient de plus en plus vers le personnel et une évaluation discrète de ce qu'il apporterait sur la table en cas d'alliance, mais avait gardé un œil attentif sur son fils. Harry était plus renfermé que d'ordinaire mais ne paraissait pas trop angoissé ou ressentir le besoin de fuir. Il avait échangé quelques mots avec Draco, lui aussi plus taciturne que d'habitude, et s'était contenté d'écouter le reste du temps.

« Potions, Arithmancie, Sortilèges, Métamorphose, Défense. » énuméra tranquillement Draco. « Peut-être Soins aux Créatures, encore que nous n'y apprenons pas grand-chose d'utile alors je songe à passer cet A.S.P.I.C là par moi-même. Ce sont surtout les chevaux magiques qui m'intéressent, évidemment. »

Lord Malfoy se destinait très visiblement à la gestion du patrimoine familial.

« Et toi, Harry ? » insista Ted, avec un intérêt qui semblait sincère.

« Euh… Potions, Botanique, Sortilège, Métamorphose et Soins aux Créatures. » répondit Harry.

« Pas de Défense ? » s'étonna Draco.

« Pas si je peux passer l'A.S.P.I.C de suite. » répondit l'adolescent, en haussant les épaules.

« Avec ces matières, tu pourrais devenir Médicomage. » releva Andromeda, avec un grand sourire.

« Oui, j'aimerais bien. » hésita le Gryffondor. « Mais je ne sais pas si j'y arriverais. Je ne suis pas très bon en Botanique. »

« Tu n'es pas mauvais non plus. » contra Severus.

« Viens me voir aux serres quand tu veux. » offrit Ted. « Je peux t'aider avec ce qui te pose problème, si tu veux. »

« Et je peux t'apprendre quelques sorts de diagnostic et de soin basiques. » renchérit Andromeda. « Si cela t'intéresse. »

Leur attention soutenue partait d'un bon sentiment mais Severus sentait qu'être la cible de tous les regards le gênait.

« Oui, d'accord, je veux bien. » répondit le garçon, en gardant les yeux rivés sur son assiette. « Merci. »

Le Maître des Potions détourna la conversation en envoyant une pique à Sirius, ce qui n'était jamais très difficile. Comprenant probablement la raison de cette attaque gratuite, l'Animagus se dépêcha de répliquer. Nymphadora arbitra avec plus ou moins d'humour.

Au bout de dix minutes, Harry s'était à nouveau détendu et la discussion dériva sur la situation actuelle qui n'était pas des plus réjouissantes ou rassurantes.

« Le Seigneur des Ténèbres ne s'arrêtera pas avant d'avoir détruit le pays. » prophétisa Narcissa, l'air éreintée. « Si son unique objectif avait été de prendre le pouvoir… » Elle fit un geste large. « Il aurait déjà pu nous écraser, nous assujettir… »

« Il aime jouer avec nous. » commenta Nymphadora, dans un soupir. « Nous laisser espérer. »

« Ne soyons pas défaitistes. » lança Sirius, avec un entrain un peu forcé. « Voldemort n'est qu'un… »

Il s'interrompit brusquement et, sur le coup, Severus pensa que c'était à cause des bruits réprobateurs qu'ils avaient émis en cœur Narcissa, Draco et lui au son de ce nom. Mais Sirius pâlit d'un coup, porta la main à sa poitrine puis ses yeux se révulsèrent et il tomba de sa chaise…

Le temps qu'ils réagissent tous, l'Animagus convulsait.

Andromeda et lui furent les premiers à s'agenouiller à ses côtés. Severus sortit sa baguette, jeta un sort de diagnostic mal dosé qui lui déroula l'histoire médicale de son ami en entier… Le temps qu'il ait annulé le sortilège, celui de la Médicomage avait déjà rempli son office.

« Son cœur est en train de lâcher. » déclara-t-elle rapidement, entre deux formules. « Il y a une forme de magie corrosive… »

Severus n'hésita pas avant de jeter un nouveau sort, tâchant d'en mesurer la puissance, cette fois-ci. Et il repéra ce qu'elle voulait dire par magie corrosive

Un filament de magie noire était en train d'attaquer le cœur de Sirius, comme un vers faisait son trou dans une pomme.

« Gardez-le stable. » ordonna-t-il à Andromeda, avant de prendre une profonde inspiration et de se lancer dans une incantation qui n'était probablement le genre de magie dont il aurait dû faire usage devant les parents de la femme qu'il aimait.

Il maîtrisait mal ses pouvoirs mais, à cet instant, c'était un avantage. La force du sortilège délogea le vers de magie… Quant à l'extirper du corps de Sirius…

Le filament se débattait, luttait pour remplir son rôle…

C'était une malédiction ou quelque chose s'en approchant…

Que l'Animagus vienne juste de prononcer le nom du Seigneur des Ténèbres…

Un tabou.

Il s'agissait forcément d'un tabou.

Il ajusta la formule, raffermit sa prise, n'osa pas ciller de peur de rompre l'incantation qu'il était en train de former…

La bataille était rude et exigeait de lui toute sa concentration, toute son énergie… Il sentait la présence alarmée de Nymphadora accroupie dans son dos, probablement parce qu'il tremblait de manière visible et que la sueur perlait à son front. Il sentait le regard d'Harry. Ceux de Narcissa, Draco et Ted.

Andromeda luttait aussi fort que lui pour le garder en vie.

Finalement, il parvint à arracher le filament maudit du corps de Sirius mais se retrouva avec ce miasme de magie noire au bout de sa baguette.

« Il me faut quelque chose de vivant. » exigea-t-il, tandis qu'Andromeda s'employait à réparer les dégâts causés par le tabou.

Harry fut le plus réactif. Il attrapa une plante en pot et la plaça près d'eux avant de reculer précipitamment, forçant Ted à en faire de même.

Severus, avec soulagement, jeta d'une torsion du poignet le filament de magie noire sur la plante et s'écroula pratiquement sur Nymphadora, subissant le contrecoup de la puissance du sortilège. La plante commença à se consumer dans la seconde. Et ce n'était visiblement pas assez.

« Contiens-le ! » ordonna-t-il, en se redressant.

« Ad Vincula ! » jeta la jeune femme, dans la seconde.

La plante et la magie noire s'élevèrent dans les airs, emprisonnés dans une sphère lumineuse qui ne tarda pas à virer opaque et à crépiter légèrement…

« Harry, cours chercher Bill Weasley. Aussi vite que tu le peux. » lança-t-il.

Un Patronus aurait fait l'affaire mais il souhaitait éloigner le garçon autant que possible et c'était une manière rapide de le faire sans qu'il ne cherche à discuter. L'adolescent s'exécuta d'ailleurs dans l'instant, se fondant en un tigre qui partit à toute blinde.

« Narcissa, sors d'ici. Tu es la plus vulnérable. » ordonna-t-il ensuite. « Draco, aidez votre tante à transporter Sirius. Ted… »

« Je reste. » contra le sorcier avant qu'il ait pu lui dire de se sauver.

Ce n'était pas l'idéal mais le sort de confinement crépitait de plus en plus et ils n'avaient plus le temps de discuter. Il se remit debout, immédiatement imité par Nymphadora.

« Te souviens-tu du sort de protection que je t'ai appris ? » demanda-t-il. « Celui que nous avons posé sur ton appartement ? » Elle hocha la tête, les yeux un peu écarquillés. « Nous allons nous en servir pour l'emprisonner. Ted, si vous restez, un bouclier sur nous ne serait pas de trop. Aussi élaboré que vous pouvez. » Il tendit sa main libre à la jeune femme qui la prit sans hésiter. « Ensemble, de toute ta puissance, laisse-moi prendre la tête. Si cette malédiction s'échappe, elle consumera tout ce qu'elle touche. »

Ils lancèrent l'incantation en même temps, créant un pont de magie ouvert par leurs mains jointes qui permit à Severus de diriger plus efficacement leur sort. C'était du haut niveau de magie et un peu improvisé, un peu bricolé, il n'était pas certain que cela tienne…

Cela dura-t-il dix secondes ou dix minutes ?

Sirius finalement stabilisé, Andromeda, Draco et Narcissa avaient enfin quitté les lieux pour l'infirmerie. Ted maintenait entre eux et la sphère de magie brute plusieurs couches de boucliers qui ne seraient probablement pas très efficaces s'ils échouaient à contenir la malédiction…

Nymphadora s'essouffla la première. Il compensa, raffermissant sa prise sur sa baguette. Au moins, ses pouvoirs aléatoires avaient ça de bon que, dans ces circonstances, être trop puissants était plutôt un atout.

Son soulagement à voir apparaître Bill fut teinté de panique en voyant le tigre se précipiter à sa suite. Le Briseur de Sorts ne chercha pas à comprendre. Il jeta quatre sortilèges pour déterminer la nature de ce qu'ils tentaient de contenir puis parcourut la pièce du regard avant de s'arrêter sur un vieux miroir qui pendait au mur.

Le sortilège qu'il jeta ensuite, Severus ne le connaissait pas mais il sentit la magie de son ancien élève pirouetter entre la sienne et celle de Nymphadora… Le Maître des Potions relâcha juste assez les protections pour la laisser passer, la laisser agripper la malédiction et…

Bill la propulsa vers le miroir, marmonnant une incantation dans une langue aux consonances nordiques, et fit apparaître un drap pour l'en envelopper.

Severus resta un moment interdit, attendant que la magie noire ne s'en échappe… Mais lorsqu'il ne se passa rien de plus, il s'affaissa, se rattrapant à la table. Nymphadora trébucha, vidée elle aussi. Il n'eut que le temps de tendre la main pour l'empêcher de tomber. Parce qu'il venait d'avoir une réelle frayeur, il la ramena contre lui, sans se tracasser du fait qu'ils ne soient pas seuls.

« J'ai ancré la malédiction au miroir. » expliqua Bill, le souffle court. « Quiconque s'y regarde mourra sur le champ. On a un endroit où ranger ça sous clef à Poudlard ? »

« C'était quoi ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » demanda Ted.

« Un tabou. » souffla Severus, en serrant Nymphadora un peu plus fort. « Ne prononcez plus le nom du Seigneur des Ténèbres. Aucun de ses noms. » Son regard tomba sur Harry. « Va chercher Albus, s'il te plait. Bill, mettez ce miroir à l'abri et assurez-vous qu'il contienne véritablement cette malédiction, faites tous les tests et ajoutez toutes les protections que vous jugerez nécessaires. Nymphadora, vois avec Shacklebolt, il faut prévenir les gens sans créer la panique. Nous nous retrouvons à l'infirmerie. »

Il emprunta la cheminée sans attendre de voir si ses ordres seraient exécutés. Il n'eut pas de mal à trouver Andromeda et Pomfresh, il n'eut qu'à suivre l'activité autour du lit d'hôpital. Sirius était toujours en vie mais pâle. Ses paupières papillonnaient, toutefois, et l'impression d'urgence avait disparu des gestes de la Médicomage.

« Que puis-je faire ? » s'enquit-il, en retroussant ses manches.

Poppy le mit immédiatement au travail.

Ce n'était pas aussi grave que cela aurait pu l'être. Ils étaient passés extrêmement près de la catastrophe mais lui et Andromeda avaient réagi suffisamment vite pour le sauver. De fait, il retrouvait déjà ses couleurs…

Ça aurait pu être pire.

Du moins, jusqu'à ce que Nymphadora ne débarque, l'air trop sérieux, et ne l'attire à l'écart.

« On ne trouve Dumbledore nulle part. » murmura-t-elle. « Il n'est pas sur le domaine et, s'il est parti, je ne sais pas si c'est de son plein gré ou contraint et forcé. »

°O°O°O°O°

Narcissa détestait l'infirmerie.

Elle détestait chaque dalle de chaque couloir et elle détestait le fait de se voir à nouveau forcée d'attendre dans un couloir de savoir si elle allait perdre un autre homme qui lui était cher. Il lui était difficile de contenir ses émotions dans ces circonstances et le bébé qui s'agitait trop n'arrangeait rien.

Elle croisa le regard de Ted qui, appuyé au mur de l'autre côté du couloir, mordillait la pipe qu'il n'avait pas allumée par égard pour elle.

Ils n'eurent pas besoin de prononcer un seul mot pour se comprendre : perdre Sirius à ce stade serait catastrophique pour leur famille si récemment réunie. Se réconcilier avec lui uniquement pour le voir mourir aussi vite…

Et qu'adviendrait-il de la lignée de Black si…

Ce n'était vraiment pas l'important, à l'instant.

Pourtant la question était difficile à ignorer alors que l'héritier de leur Maison était assis par terre, l'air défait, les jambes repliées contre son torse, le visage enfoui dans les genoux…

Potter tremblait et Narcissa ne savait pas quoi faire.

Ted avait tenté de le réconforter mais le garçon avait tressailli et s'était éloigné…

Aurait-ce été Draco, elle l'aurait peut-être pris dans ses bras. Mais ce n'était pas son fils et elle n'était pas du genre à prodiguer ce genre de geste d'affection à des semi-étrangers, même des semi-étrangers qui faisaient partie de la famille par la force des choses.

Son fils, d'ailleurs, observait Potter, les mains dans les poches, l'expression indéchiffrable…

Au bout de dix minutes de cette torture, Draco marmonna quelque chose puis traversa le couloir et alla s'asseoir à côté du Survivant.

Narcissa ravala la remarque à propos du fait de s'installer par terre comme un miséreux parce que Potter sursauta lorsque le garçon posa une main sur son épaule mais ne le repoussa pas.

« Tante Andromeda l'a stabilisé. » déclara fermement Draco. « Si cela ne l'a pas tué sur le coup, il est très improbable qu'il en meure. Snape a réagi très vite. »

Et cela avait probablement sauvé la vie de Sirius.

« Je lui avais dit de ne pas prononcer ce nom. » s'entendit-elle gronder, incapable de contenir plus longtemps l'inquiétude et la colère qui bouillaient en elle. « À croire qu'il n'a pas grandi dans une maison où prédominait la magie noire… Les noms ont des pouvoirs. »

« Ce n'est pas sa faute… » protesta Potter, la voix rauque et sans l'énergie qu'il aurait probablement voulu y mettre.

« Granger. » lâcha Draco, en pâlissant soudain. « Elle prononce ce nom à tort et à travers… »

Il était déjà à moitié sur ses pieds mais lui jeta, à elle, un regard hésitant, ses yeux tombant sur le ventre qu'elle agrippait.

« Vas-y vite. » ordonna-t-elle. « Inutile de prendre des risques. »

Aucune annonce n'avait pour l'instant été faite.

Potter avait dit qu'il n'avait pas réussi à trouver Dumbledore, peut-être était-ce pour ça…

En attendant, toutefois, ceux trop stupides pour se rendre compte qu'on n'invoquait pas impunément certains monstres, étaient en danger.

« Garde un œil sur ma mère. » exigea-t-il de Potter qui acquiesça.

Draco partit en courant.

Narcissa ferma les yeux.

« Vous devriez vous asseoir. » hésita le Survivant.

« Il n'a pas tort. » intervint Ted qui s'était tenu tranquille jusque là.

« Je vais bien. » grommela-t-elle, en frottant son ventre.

Et ce n'était pas un mensonge.

Du moins jusqu'à ce qu'une silhouette ne se détache des ombres changeantes des torches sur leur droite et qu'elle ne sursaute, alarmant le bébé dans son ventre. Elle porta une main à sa poitrine pour calmer les battements anarchiques de son cœur, sortant sa baguette par réflexe…

Ted, lui aussi, avait sorti la sienne et s'était repoussé du mur pour venir se placer entre elle et le danger potentiel… Elle recula. Pas par couardise mais parce que l'enfant dans son ventre…

La femme qui se tenait là n'était pas humaine.

Narcissa avait suffisamment d'expérience avec les créatures magiques diverses et variées pour le deviner. Ses yeux étaient trop vieux malgré son apparente jeunesse et son expression était trop sauvage, trop assoiffée…

« Nyssa. » souffla Potter, en se hissant maladroitement sur ses pieds.

Ah, songea Narcissa, la fameuse Nyssandra

La potentielle Lady Black qui ne le serait jamais.

La vampire.

« Que s'est-il passé ? » siffla la nouvelle venue, avec suffisamment de fureur pour que Narcissa fasse un nouveau pas en arrière, laissant Ted faire un barrage désormais hésitant entre elle et eux.

Potter voulut la rejoindre, Narcissa le rattrapa par le col du tee-shirt et le força à rester près d'elle, bien loin du prédateur qui leur faisait face.

Car il fallait être lucide, c'était un prédateur qui leur faisait face.

Le garçon se dégagea avec un agacement qui s'adoucit lorsqu'il vit l'inquiétude sur son visage.

« Ce n'est que Nyssandra… » expliqua-t-elle. « Elle et Sirius… »

« Oh, je sais. » commenta-t-elle, sans lâcher la vampire du regard. « Je sais également à quel point cela est une mauvaise idée. »

« Et lui qui disait qu'on s'entendrait comme larrons en foire. » ironisa la vampire, son regard glissant à nouveau vers l'adolescent. « Harry, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Comment va-t-il ? Le Patronus de Tonks était laconique. »

Elle laissa à Potter le soin d'expliquer la situation et se tendit un peu lorsque Ted rangea sa baguette et offrit une main tendue à la vampire avec prudence après s'être présenté. Nyssandra la serra mais demeura agitée et si Narcissa détestait attendre dans un couloir de l'infirmerie, elle détestait encore davantage l'idée d'attendre dans un couloir de l'infirmerie en compagnie d'une vampire qui pourrait lui sauter dessus si elle décidait qu'elle avait un petit creux.

Bien heureusement, ils n'eurent pas à attendre beaucoup plus longtemps. Severus les rejoignit, son attention immédiatement focalisée sur son fils adoptif.

« Il va bien. » annonça-t-il. « Il est plus secoué qu'autre chose. »

Potter se jeta sur un lui pour l'étreindre comme l'aurait fait un enfant beaucoup plus jeune. Trop soulagée pour commenter, Narcissa ferma les yeux et souffla lentement.

« Je peux le voir ? » demanda Nyssandra, avant qu'elle n'ait pu faire valoir son droit de priorité.

Severus, ce traître, accepta d'un hochement de tête. « Il vous a demandée. » Il relâcha son fils mais garda les mains sur ses épaules, tournant le regard vers Ted. « Pourriez-vous raccompagner Harry ? J'ai encore des choses à faire… »

« Bien sûr. » accepta immédiatement le sorcier. Le garçon était trop exténué pour protester.

Narcissa mit un moment à se rendre compte qu'elle était désormais seule avec Severus dans le couloir. Et que le Maître des Potions avait agité la main. Elle sentit sa magie passer sur elle comme une légère caresse, devina la nature du sort…

« Je… » soupira-t-elle.

« Ne tente pas de m'affirmer que tu vas bien. » la gronda-t-il, en attrapant son bras pour l'attirer vers l'infirmerie même, là où elle ne voulait vraiment pas aller. « Tu as des contractions. »

« Légères. » rétorqua-t-elle. « Je ne suis pas en train d'accoucher. »

« Tu devrais être alitée et sous surveillance. » contra-t-il.

« Andy a placé davantage de sorts d'alarmes sur moi qu'il n'y en a sur mon coffre à Gringotts. » protesta-t-elle. « Si… »

« Andromeda est préoccupée par ton cousin. » décréta-t-il, en la menant jusqu'à un lit. « Allonge-toi. »

Il refusa de céder le premier et Narcissa avait beau être têtue, il l'était davantage qu'elle. Elle capitula donc et s'allongea, laissant Pomfresh l'examiner dès que Severus l'eut hélée.

L'infirmière n'était pas enchantée.

Et Narcissa fut peu surprise de se voir condamnée à passer la nuit là.

Au moins, Sirius et elle pourraient se tenir compagnie…

°O°O°O°O°

Les lumières du village Moldu brillaient dans le lointain, suffisamment éloignées pour que personne ne remarque la haute silhouette qui se tenait trop près du bord de la falaise.

Les embruns fouettaient le visage d'Albus, le ressac en dessous était assourdissant, les rochers glissants…

Il se fraya un chemin vers la base de la falaise tant bien que mal, manquant de déraper plusieurs fois or la chute ne pardonnerait pas. L'entrée de la caverne se dessina pourtant au bout de son périple et s'il fut contrarié de constater qu'il allait lui falloir se mettre à l'eau, il ravala son irritation et transforma ses lourdes robes en un costume de bain plus pratique.

Le tunnel était étroit, la marée haute rendait l'exercice difficile… Le niveau de l'eau était si haut qu'il renonça presque à certains moments, dut plonger à d'autres… Il se cogna la tête plusieurs fois à une saillie rocheuse mais finit par déboucher sur des marches qu'il escalada sans élégance pour se laisser tomber sur le dos dans la caverne immense.

Après quelques minutes, il se releva, retransforma son costume de bain en ses robes de velours, et regarda finalement autour de lui.

La magie noire imprégnait les lieux, c'était comme un bruissement à la limite de sa conscience.

Pourtant, ce qui le fit froncer les sourcils, ce fut les empreintes de pas qui se dessinaient dans le sable humide. Multiples et allant dans les deux sens.

Cela ne présageait rien de bon.

Voldemort s'était-il rendu compte de la disparition de deux de ses horcruxes ? Était-il venu chercher le troisième ?

Trouver le bon pan de mur fut simple, il lui suffit de suivre les empreintes. Comme pour le cottage des Gaunt, le prix à payer pour passer était du sang. Il le paya et pénétra dans la caverne suivante avec un mauvais pressentiment.

L'obscurité y était totale mis à part pour une lumière verdâtre qui semblait venir du centre du lac intérieur. L'endroit était saturé de magie noire. Il lui suffit de s'approcher un peu trop près de l'eau qui clapotait sur la rive pour comprendre pourquoi.

Combien d'Inféris y avait-il dans ce lac ?

Et qu'est-ce qui les activerait ?

Il y avait davantage de traces au sol. Des empreintes de pas, oui, mais également… Albus étudia longtemps les empreintes de sabots qui paraissaient laisser place à celles de bottes. La mâchoire contractée, il se mit en quête d'un moyen de traverser le lac.

Ce ne fut pas si difficile à trouver.

La magie laissait toujours des traces et celles-ci étaient aussi fraîches que les empreintes de pas.

Familières également.

S'il avait eu des soupçons en voyant les traces de sabots, il était quasiment certain lorsqu'il tira la lourde chaîne des profondeurs du lac. Déjà, parce qu'il faudrait un sorcier d'une certaine puissance pour y parvenir et ensuite parce qu'il côtoyait son Maître des Potions quotidiennement depuis plus de quinze ans. Sa magie lui était aussi familière que la sienne, celle de Minerva, de Pomona ou de Filius. Ils étaient ses Directeurs de Maison, contribuaient parfois aux protections de Poudlard. Et, si le doute était toujours possible, le souvenir du sortilège de la sphère de Troie était pourtant trop récent pour qu'il ne soit pas certain. Sa magie avait communié avec celle de Severus. Il l'aurait reconnue entre mille.

Non, songea-t-il, en montant dans la barque à l'aspect trop frêle qui se mit immédiatement en route vers l'îlot central, c'était une certitude : Severus était venu ici récemment, avec deux autres personnes.

Qui ? Sirius semblait une évidence. Et… Tonks ? Cela serait logique.

Pourquoi ? Là aussi, la réponse était évidente. Ils avaient découvert la vérité à propos d'Harry, ça Albus le soupçonnait depuis un bon moment l'adolescent lui-même paraissait en être conscient. Mais pourquoi subtiliser un autre horcruxe ? Expérimenter ? Faire du chantage ? À lui ou à Tom pour négocier la survie du garçon ?

Il ne prêta qu'une attention limitée aux cadavres qui battaient la coque de la barque. Les Inféris se tenaient tranquilles, il n'allait pas les déranger. Les roches qui formaient l'îlot central portaient des marques de brûlure. Visiblement les Inféris n'avaient pas été aussi complaisants avec leurs précédents visiteurs.

Albus inspecta le bassin sur son piédestal, étudia la potion à l'intérieur en prenant garde de ne pas la toucher… Il était évident qu'elle devait être bue et qu'il s'agissait d'un poison violent, probablement sans antidote connu. Il pouvait deviner à qui Tom avait confié la tâche de créer une potion pareille… Quelques sorts déterminèrent que si un artéfact extrêmement noir y avait été conservé pendant longtemps, il n'y était plus.

Plus furieux qu'il ne l'avait été depuis longtemps, le vieux sorcier remonta dans sa barque et fit le chemin en sens inverse. Il peinait à contenir sa magie lorsqu'il sortit finalement de la caverne, après une deuxième baignade inutile.

Il tolérait une certaine indépendance de la part de Severus, était prêt à lui donner du large pour mieux le laisser travailler mais son jeune ami avait dépassé les bornes.

Ce qu'il avait fait n'était ni plus ni moins que de la trahison.

De la haute trahison.

Il transplanna devant les grilles de Poudlard, ce qui lui demanda un effort supplémentaire à cause des nouvelles protections rajoutées par Abbot et Bill. Elles s'ouvrirent pour lui sans qu'il ne les touche, sentant probablement son humeur dangereuse.

Il n'eut pas le temps de faire un quart du chemin jusqu'au château qu'il se retrouva face à une Auror furieuse, aux cheveux d'un noir de jais.

« Si je n'avais pas passé les dernières heures à imaginer le pire et les conséquences qui allaient en découler, je vous tuerais. » gronda Nymphadora Tonks, en tapant sa baguette dans son autre main d'un air menaçant. « étiez-vous passé ? »

Il faillit la contraindre à avouer sa complicité sur l'instant, quitte à briser sa promesse et user de Legilimencie, mais il se contrôla à la toute dernière seconde. S'il était certain que Severus s'était compromis, il n'avait aucune preuve qu'elle soit impliquée et il n'était pas nécessaire d'éventer ce secret plus que nécessaire.

« Je n'ai pas de comptes à vous rendre, Nymphadora. » grinça-t-il, en continuant à marcher, la dépassant sans un regard. « Vous êtes à mes ordres, la réciproque n'est pas vraie. »

Elle resta interdite quelques secondes puis lui emboîta le pas. Elle était peut-être aussi en colère que lui. Son irritation nourrissait la sienne.

Il n'était ni un idiot, ni un vieillard sans défense.

Il n'avait pas besoin d'escorte, ne lui en déplaise.

« Eh bien, si Monsieur le Ministre veut bien m'accorder cinq minutes de son précieux et mystérieux temps, nous sommes en réunion de crise dans votre bureau depuis une heure. » cingla-t-elle.

Alarmé, il tourna la tête vers elle. « Que s'est-il passé ? »

« Oh, trois fois rien. » railla-t-elle. « Sirius a simplement failli mourir. »

Il attrapa son bras pour l'empêcher de le devancer à grandes enjambées et l'arrêta net, trop contrarié pour prendre des gants. « Tonks. »

Elle le fusilla du regard un moment puis parut ravaler sa fureur et redevint aussi professionnelle que possible. « Severus et Bill pensent que Vous-savez-qui a posé un tabou sur son nom. Nous n'avons pas testé son véritable nom mais nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il vaut mieux s'abstenir. »

Albus se frotta le visage. « Je suppose qu'il fallait s'attendre à une riposte après les succès d'hier. »

« Il faut prévenir tout le monde. » contra-t-elle. « Mais nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord sur la méthode. Severus veut éviter la panique, Kingsley veut faire un communiqué à la radio sur le champ, Minerva veut au moins avertir les gens présents dans le château… »

Il la suivit jusqu'à son bureau, la devançant presque, et fit face aux visages pour certains soulagés et pour d'autres réprobateurs.

Severus fut visiblement le seul à remarquer immédiatement à quel point il était contrarié mais ne posa pas de questions, se contentant de lui faire un résumé concis des événements.

S'il n'avait pas réagi aussi prestement, ils auraient perdu Sirius. Et ça aurait pu être n'importe lequel d'entre eux qui ne craignait pas de prononcer le nom honnis.

« Très bien. » décréta finalement Albus. « Il est temps de passer à l'offensive. Severus, demain matin, vous prendrez la parole à la radio et, en plus de prévenir les gens du tabou, vous expliquerez également comment il se sert de la Marque pour siphonner la magie de ses Mangemorts. Voilà qui devrait mettre un peu d'animation dans ses rangs. »

Son ancien espion fit aussitôt la grimace. « Bill Weasley serait sans doute… »

« Ce sera vous. » l'interrompit-il. « Vous êtes plus connu que Bill et la Gazette vous a déjà monté en héro tragique, ce qui nous servira. » Il l'observa intensément par-dessus ses lunettes, quelques secondes. « Et ensuite, nous aurons, vous et moi, une petite conversation en privé. »

Si Severus devinait de quoi il voulait lui parler, il le cacha bien.

Il était tard, les risques que quelqu'un prononce accidentellement le nom de Voldemort minime, il les envoya tous se coucher en s'accordant d'une nouvelle réunion à l'aube pour préparer le communiqué.

Une fois seul, Albus se servit un verre généreux de whiskey Pur-Feu et le sirota devant sa cheminée, les yeux rivés dans l'âtre, en se demandant comment il allait gérer cette situation désagréable.

Severus l'avait trahi.

Et, ça, il aurait du mal à le lui pardonner.