J'espère que ce chapitre vous plaira!

Enjoy & Review!


« I imagined her screaming for me, scared out of her mind. I forced the thought away, into that awful corner of a parent's mind where dwell the incomprehensible fates you know would destroy you if made real. »
The Adventures of Amina Al-Sirafi – Shannon Chakraborty

« Je l'imaginai m'appeler en criant, terrifiée. Je rejetai la pensée, la forçant dans cet affreux coin de l'esprit d'un parent, là où traînait les destins inconcevables qui, vous le saviez, vous détruiraient s'ils se réalisaient.
The Adventures of Amina Al-Sirafi – Shannon Chakraborty


Chapitre 77 : A Parent's Mind


Le galet ricocha deux fois sur la surface lisse du lac puis coula à pic.

Harry poussa un grognement de dépit parce que celui d'Hermione rebondit quatre fois avant de disparaître dans l'obscurité grandissante.

« Tout est dans le poignet. » fanfaronna-t-elle, avec un amusement évident.

Il leva les yeux au ciel mais ne contredit pas son amie et ne fit pas la plaisanterie facile et un peu crasse qui le démangeait. Si Ron avait été là… Mais Ron s'était éclipsé avec Draco, un peu plus tôt, les laissant seuls.

Harry n'avait pas passé une mauvaise journée. Ses meilleurs amis – et Draco – l'avaient trouvé en début d'après-midi, lui avaient sauté dessus et l'avaient traîné un peu partout dans le parc. Ils s'étaient faufilés aussi près du stade de Quidditch qu'ils l'avaient osé et avaient observé l'entraînement des troupes aériennes. Elles étaient constituées en grande partie de joueurs de Quidditch plus ou moins célèbres, ainsi que de quelques autres qui se débrouillaient sur leurs balais. Alicia et Angelina étaient parmi eux, tout comme Olivier et Cho.

Ron était fasciné par Dragomir Gorgovitch et les quelques autres joueurs des Cannons de Chudley qui avaient rejoint Poudlard. Draco paraissait plus intéressé par les manœuvres auxquelles ils s'entraînaient. Hermione avait passé le temps en lisant un livre.

Et Harry…

Harry aurait donné très cher pour pouvoir monter sur son balai et les rejoindre. Pas parce qu'il avait envie de se battre, il refusait toujours de s'entraîner aux duels, mais parce qu'il mourrait d'envie de voler

Au bout de deux heures passées à observer, commenter et s'enthousiasmer sur le talent des uns et des autres, Hermione avait réussi à les traîner jusqu'à chez Hagrid où ils avaient pris le thé et s'étaient cassé les dents sur un gâteau un peu trop cuit. Mais c'était l'intention qui comptait et Harry avait apprécié que le demi-géant ait pris le temps de pâtisser pour lui et de planter seize grosses bougies sur le glaçage un peu maladroit.

Cela lui avait rappelé un autre gâteau, partagé dans une cabane humide sur un rocher frappé par une tempête.

Ils s'étaient attardés longtemps chez Hagrid, puis ils avaient terminé la journée au bord du lac, à parler de tout et de rien – surtout de rien, à faire semblant que le monde tournait toujours rond et que ce n'était qu'un jour d'école comme un autre.

Il avait naïvement pensé que son anniversaire serait différent avec une vraie famille.

Ce n'était pas la faute de Severus ou de Dora s'ils avaient oublié.

Ces deux dernières semaines, les attaques s'étaient à nouveau multipliées au point que les Aurors et l'Ordre peinaient à faire face. Sirius avait fini par accepter de déployer la moitié de ses recrues simplement parce qu'ils manquaient de combattants et partait désormais au front à peu près aussi souvent que les autres Aurors.

Dumbledore peinait à calmer le gouvernement Moldu autant qu'il peinait à convaincre la communauté magique internationale qu'il avait la situation en main. Severus s'attendait à tout moment à ce que la Confédération Internationale ne les oblige à prendre des décisions drastiques…

Dora était rentrée à trois heures du matin, cette nuit-là, trébuchant de fatigue, couverte de poussière, de sang et d'autres choses dont il préférait ne pas connaître la provenance. Severus, lui, n'était réapparu que vers sept heures, l'air hagard, après avoir passé la nuit avec Dumbledore dans son bureau, et ne s'était arrêté que le temps de se changer et d'avaler rapidement un café. La jeune femme était repartie en même temps que lui et ils avaient été si concentrés sur leur conversation à propos des prochaines cibles potentielles des Mangemorts qu'ils lui avaient à peine adressé la parole.

Son anniversaire n'était pas du tout important et il en était parfaitement conscient.

Pourtant, il ne pouvait nier que ça lui avait fait un peu de peine qu'aucun adulte, mis à part Hagrid, n'y pense.

Il avait croisé Sirius, en coup de vent, dans un couloir, et son parrain avait été trop pressé pour s'arrêter longtemps.

« Il commence à faire nuit. » remarqua Hermione, en lançant son dernier galet. « On devrait rentrer. Ça t'ennuie si je te raccompagne ? Je voudrais demander au Professeur Snape si je peux emprunter sa copie Des Grandes Noirceurs de la Magie… Ses annotations avaient l'air passionnantes. »

Harry haussa les épaules. « Tu peux mais je ne suis pas sûr qu'il sera rentré. Si c'est important, je peux voir s'il est dans son bureau. Sinon, tu peux le consulter à la maison… Tu n'as qu'à rester avec moi pour dîner. Dora et Severus ne sont pas souvent là, en ce moment… »

Et passer la soirée en compagnie d'Hermione lui paraissait plus attrayant que de rester seul à contempler le feu dans la cheminée en ressassant tout ce qui n'allait pas dans sa vie.

Il ne voulait pas faire ça le jour de son anniversaire.

Hermione venait de jeter un coup d'œil discret à sa montre et lui attrapa le bras pour le tirer vers le chemin en haut de la butte. « Si tu veux. »

« Tu ne dois pas prévenir Mrs Weasley ? » demanda-t-il. « On peut faire un crochet par chez les Weasley… Peut-être que Ron a fini ce qu'il devait faire. »

Non pas que son ami ait été très explicite sur le sujet. Plus tôt, il avait bredouillé avoir quelque chose à faire et avait entraîné Draco qui, lui, avait prétexté devoir s'occuper de son frère. C'était bizarre mais Harry avait déduit qu'il avait rendez-vous avec Lavande ou quelque chose dans ce goût-là.

« Non, non… » refusa-t-elle.

« Mais elle risque de s'inquiéter, non ? » insista-t-il.

Il ne voulait pas causer de soucis à Mrs Weasley.

« J'utiliserai la cheminette. » décréta Hermione, en le tirant un peu plus rapidement vers le château.

Harry leva les yeux au ciel. « Tu es si pressée que ça de lire ce bouquin ? »

« C'est qu'il est passionnant. » répondit-elle, en lui faisant une petite grimace coupable.

Au contact de Severus et de Lily, il avait appris à apprécier davantage la lecture mais il doutait ressentir un jour le besoin de courir à la perspective de lire un livre en particulier.

Hermione était Hermione, cependant, et ce sursaut de normalité le fit un peu sourire.

Elle le lui rendit, diminuant un peu l'allure qu'elle leur imposait. « Tu as passé une bonne journée ? »

« Oui. » répondit-il et, si la réponse avait été plutôt automatique, il s'aperçut que ce n'était pas faux. Bien que… « Mon père, Dora et Sirius ont oublié mon anniversaire. »

« Oh ? » lâcha-t-elle.

Était-ce son imagination ou son regard était-il un peu fuyant ? Peut-être était-elle gênée par la remarque. Après tout, ils avaient beau avoir fait semblant toute la journée, la réalité restait ce qu'elle était.

Severus, Sirius et Dora avaient d'autres chats à fouetter que le fait qu'il ait seize ans.

Seize ans.

Ça lui semblait énorme, si vieux et si jeune à la fois…

Le temps passait vite.

La silhouette imposante du château se détacha par-dessus les arbres, en contraste avec l'orangé du crépuscule qui donnait l'impression que le ciel était en feu.

Il lui semblait que c'était hier qu'il avait vu Poudlard pour la première fois.

Il lui semblait que c'était cent ans plus tôt.

Le paradoxe l'avait hanté toute la journée.

Si vieux, si jeune…

Il aurait dû avoir toute la vie devant lui et au lieu de ça…

Il ne verrait pas ses dix-sept ans.

Ils n'avaient pas trouvé le diadème.

Severus, Sirius, Dumbledore, Bill et Dora avaient pratiquement retourné l'école ces dernières semaines. Si l'horcruxe était là, il était trop bien caché.

Cependant, ils finiraient par le trouver.

Tout comme ils finiraient par mettre l'Opération Niffleur en action.

Dora maîtrisait presque parfaitement son imitation de Bellatrix désormais. De la voix aux mimiques, elle faisait un double si parfait que ça en était perturbant.

Severus détestait ces moments où elle se baladait dans le salon en imitant sa tante mais prenait sur lui pour faire des critiques constructives. Harry, pour sa part, était partagé entre son admiration pour ses dons d'actrice et le dégoût qu'il éprouvait pour Bellatrix.

Hermione fit une remarque sur le bruit perpétuel qui régnait dans le château dès qu'ils eurent franchi les Grandes Portes. Elle n'avait pas tort. D'une certaine manière, c'était pire que lorsque l'école était pleine d'élèves. Le bruit qui venait de la Grande Salle était assourdissant, probablement parce que le premier service du dîner battait son plein et que la plupart des gens préféraient prendre leur repas en commun.

Harry, quant à lui, préférait manger seul dans ses cachots mais au calme.

Il entraîna Hermione, entretenant distraitement la conversation sans trop y prêter attention. La jeune fille paraissait un peu nerveuse mais il le mit sur le compte du fait qu'elle voulait emprunter un livre à son père. Ron et Hermione étaient un petit peu plus à l'aise avec Severus, ces temps-ci, mais ils étaient toujours un peu hésitants lorsqu'il les ramenait chez lui.

« Tu as un rendez-vous ? » plaisanta-t-il pourtant, lorsqu'il la surprit pour la troisième fois à consulter sa montre.

« Non. » protesta-t-elle, les joues un peu trop rouges. « Pas du tout. »

Si Ron s'était sauvé rejoindre Lavande, plus tôt, il pariait qu'elle trouverait le moyen d'aller voir Draco avant la fin de la soirée.

La morsure de la jalousie n'était plus aussi brutale ou violente et fut rapidement occludée. Il occludait dès qu'il pensait à Ginny, désormais. C'était plus simple ainsi.

Par réflexe, il caressa le niffleur qui se baladait sur son épaule. Paillette en profita pour attraper le sceau des Prince et tirer. Il laissa échapper un bruit amusé et, suffisamment distrait, relâcha un peu sa prise sur ses boucliers.

Lorsqu'ils arrivèrent chez lui, il avait fermement repoussé toute pensée de Ginny à l'arrière de sa tête. Il manipula les protections sans même y penser pour laisser entrer Hermione et ouvrit la porte, espérant un peu trouver les lumières allumées et son père et Dora en train de discuter au salon.

Tout était éteint.

Il n'était pas vraiment surpris.

Il marmonna un Lumos et ôta machinalement ses baskets sans prendre la peine de dénouer les lacets, les abandonnant dans l'entrée comme Severus le détestait, avant d'indiquer à Hermione de le suivre d'un geste distrait. Il n'eut pas le temps de lancer un autre Lumos pour allumer le salon.

La lumière s'alluma d'elle-même, éblouissante.

Alarmé, il leva sa baguette avant même d'entendre la cacophonie soudaine.

Son entraînement prit le dessus et, vraiment, ce fut un réflexe de pousser Hermione plus franchement derrière lui et de lancer une batterie de sortilèges offensifs sur les cibles qui…

venaient de crier « Surprise ! », souffla son cerveau avec un temps de retard.

C'était probablement une bonne chose que Severus, Sirius, Bill et Dora aient d'excellents réflexes, eux aussi. Les boucliers miroitaient dans l'air, leur magie crépitant là où elles se chevauchaient…

Harry resta planté là bêtement, la baguette encore levée, sans comprendre la scène.

Le salon avait été complètement déménagé, les meubles momentanément déplacés pour faire plus de place… Il y avait une longue table placée devant la fenêtre sur laquelle trônait quelques assiettes pleines de nourriture ainsi qu'un énorme gâteau en forme de Vif d'Or et des paquets cadeaux… Des lettres flottaient au-dessus de la cheminée formant un Joyeux Anniversaire ! aux couleurs changeantes. Il y avait des ballons ci-et-là, des fanions, des…

Les gens rassemblés au milieu de la pièce – trop de gens pour la taille de la pièce, vraiment – étaient interdit, choqués par sa réaction peut-être. En plus de Severus, Dora, Sirius et Bill, il y avait Ted, Andy, McGonagall, Narcissa, Draco, Luna et les Weasley au grand complet…

Dans le silence qui s'éternisait et menaçait de devenir gênant, Severus se racla la gorge. « Excellent réflexe. Dix points pour Serpentard. »

McGonagall leva les yeux au ciel. « Je crois que vous voulez dire Gryffondor, Severus. »

Le Maître des Potions leva les sourcils, annulant son sort de bouclier d'un geste. « Non… Non, je ne crois pas que ce soit ce que je voulais dire… »

Passant outre leurs chamailleries habituelles, Mrs Weasley s'avança, les bras tendus vers lui. « Bon anniversaire, Harry, mon chéri ! »

Il balbutia un remerciement, lui rendant son étreinte uniquement pour passer dans celle de Tonks.

« Tu ne pensais pas qu'on avait vraiment oublié, quand même, si ? » le taquina-t-elle.

Il n'eut pas le temps de répondre, Severus avait posé une main presque solennelle sur son épaule. « Joyeux anniversaire, Harry. »

Puis il y eut Sirius qui lui ébouriffa les cheveux, McGonagall qui lui offrit sobrement ses meilleurs vœux, Bill qui le félicita en riant un peu pour avoir réussi à lancer trois sorts offensifs sans même ciller, Charlie qui paraissait mal à l'aise, Ginny qui l'était encore plus, les jumeaux qui étaient beaucoup moins exubérants que par le passé, Narcissa qui était un peu guindée, Andy qui le complimenta sur ses réflexes, Ted qui lui adressa un sourire affectueux, Luna qui le serra dans ses bras, et enfin Ron, Draco et Hermione qui paraissaient tous ravis du tour qu'ils lui avaient joué…

Harry ne savait plus où donner de la tête.

Il était reconnaissant, heureux, mais il y avait beaucoup de monde et beaucoup d'attention sur lui et…

Il s'éclipsa dans sa chambre dès qu'il le put, lançant le vague prétexte d'aller coucher Paillette que la musique un peu trop forte qu'avait mise Dora dérangeait. Masque aussi avait trouvé refuge dans sa chambre. Le chat s'était roulé en boule sur son oreiller et battait la queue avec agacement mais ne protesta pas lorsque Harry s'assit tout au bord du matelas et le caressa distraitement. Paillette avait repéré le galion sur la table de nuit et lui échappa pour aller jouer à son jeu préféré qui consistait à tenter de faire entrer la pièce dans sa poche ventrale abîmée. Il n'y parviendrait pas et finirait par s'endormir dessus…

Il n'avait pas totalement fermé la porte, se contentant de la pousser, et il leva la tête lorsqu'il entendit les légers coups sur le chambranle. Son père entra sans attendre la permission et vint s'asseoir à côté de lui, une expression légèrement soucieuse sur le visage.

« Qu'y a-t-il ? » s'enquit Severus, un peu gardé.

Probablement parce qu'il pensait qu'Harry était ingrat et n'appréciait pas la fête surprise. Or le garçon savait à quel point l'homme avait sans doute dû se faire violence pour l'organiser. Il détestait qu'on envahisse ses appartements. Il détestait ce genre de choses.

Et ce n'était pas qu'Harry n'appréciait pas ou n'était pas reconnaissant, pas du tout, c'était juste que…

« Je n'ai jamais eu de fête surprise, avant. » lâcha-t-il.

Son père posa la main sur son épaule. « Cela va sans dire. »

Il déglutit, observant Paillette plutôt que d'affronter les yeux noirs qui l'étudiaient. « J'ai cru que vous aviez oublié. »

Severus grimaça. « Sirius et Nymphadora pensaient que cela ne ferait que renforcer l'effet de surprise. J'avais mes doutes sur l'intelligence de cette idée mais ils ont plus d'expérience que moi dans ce genre d'événements alors je leur ai fait confiance. Visiblement, j'aurais dû suivre mon instinct. »

« Ce n'est pas grave. » s'empressa-t-il de protester. « C'est juste que… »

« Ce n'est pas grave. C'est juste que… » répéta son père, dans un soupir. « Je pensais que nous avions banni ces mots de ton vocabulaire. Tu as le droit d'avoir des émotions, tu sais. Tu as le droit de trouver ça grave et ça n'a pas besoin d'être juste quelque chose. » L'ancien espion secoua la tête. « Je savais que c'était une mauvaise idée de prétendre avoir oublié. C'est ma faute. Je m'excuse. »

« Non ! » refusa-t-il, en secouant lui aussi la tête. « Non ! C'est… Personne n'a jamais fait quelque chose comme ça pour moi… Je… »

À court de mots, il se tourna pour l'étreindre, sachant que son père ne lui refuserait pas ce genre de réconfort. Il avait seize ans, à présent. Il aurait dû être trop grand pour ce genre de gestes d'affection dont il était pourtant assoiffé.

« Merci. » lâcha-t-il, en appuyant brièvement le menton sur l'épaule de Severus.

« L'année prochaine, nous nous passerons de l'effet de surprise. » promit son père. « Tu voudras sans doute l'organiser toi-même, de toute manière. La majorité est une chose qui se fête. »

Il n'osa rien dire et fut soulagé de voir Dora se faufiler dans la chambre, l'air aussi incertain que Severus.

« Tout va bien, mon chat ? » demanda-t-elle, avec incertitude.

Harry lâcha son père pour se tourner vers elle. S'il dut se forcer un peu à sourire au début, cela devint vite naturel.

« Oui. » répondit-il. « C'était juste un peu… surprenant. »

« Harry pensait que nous avions véritablement oublié son anniversaire. » clarifia Severus, d'un ton plein de reproches.

Elle grimaça. « Donc, tu avais raison et je suis une idiote. »

« Ai-je jamais dit une chose pareille ? » grommela l'homme.

« Ce n'est pas grave. » intervint-il.

« Bien sûr que si c'est grave. » contra Dora. « Surtout si ça t'a fait de la peine. Je suis désolée, mon chat. »

Il ouvrit la bouche pour continuer à protester puis la referma, écrasé par une vague d'émotions qu'il ne tenta même pas d'occluder.

Il y avait certaines émotions dont il fallait profiter.

Même si elles vous piquaient les yeux.

« Je vous aime, vous savez. » lâcha-t-il.

Severus se raidit un peu, jamais très à l'aise avec ce genre de déclarations, mais passa pourtant à nouveau un bras autour de ses épaules.

Harry n'osa pas trop regarder vers Dora. C'était la première fois qu'il sous-entendait que…

« Nous aussi on t'aime. » répondit-elle pourtant, très sérieusement.

Son père resserra brièvement sa demi-étreinte avant de le lâcher et de se racler la gorge. « Nous devrions retourner nous occuper de nos invités. Être impoli me dérange moins que la perspective d'avoir laissé Sirius aux commandes. »

Harry se laissa entraîner, éprouvant une autre de ses vagues d'émotions lorsqu'il se retrouva brièvement pris en sandwich entre eux deux alors qu'ils essayaient tous de passer la porte en même temps.

Plus jeune, il avait imaginé faire ça avec ses parents et…

Il plaça ce précieux sentiment dans un coin de sa tête, le préservant à l'abri derrière un bouclier, et partit rejoindre ses amis qui n'avaient pas l'air de savoir si la fête avait, ou pas, été une bonne idée.

°O°O°O°O°

La fête battait son plein et malgré son début plus ou moins mitigé semblait être un succès. Les assiettes s'étaient vidées en un temps record, les adolescents et les plus jeunes des Weasley s'étaient laissés aller à danser un peu, les adultes discutaient…

Il y avait trop de monde dans ses appartements à son goût mais Severus les y aurait tous séquestrés si cela avait garanti qu'Harry continue de sourire. Son fils paraissait heureux et bien plus à l'aise que lorsque Granger l'avait mené droit dans ce traquenard.

À bien y penser, une surprise avait été une très mauvaise idée.

Harry avait réagi au quart de tour comme s'il avait été agressé par des Mangemorts et Severus ne pouvait qu'admirer ses réflexes. Il refusait peut-être toujours de s'entraîner mais, au moins, il n'avait pas oublié tout ce qu'il avait mis des mois à lui enseigner.

Appuyé contre le chambranle de la porte du salon pour soulager sa jambe, il observait les uns et les autres, content de se faire oublier. Sirius avait rejoint les adolescents sur la piste de danse improvisée et accaparait l'attention, de toute manière.

C'était aussi bien.

« Hé. » souffla Nymphadora, en se glissant dans son dos. Sa main s'attarda le long de ses reins tandis qu'elle le dépassait pour aller poser son sac de sport près de la porte d'entrée.

La vue du sac provoqua en lui une vague glacée d'angoisse qu'il se vit dans l'obligation d'occluder immédiatement, sous peine de faire quelque chose de très humiliant comme de la supplier de changer d'avis. Il la regarda revenir vers lui et ne protesta pas lorsqu'elle se blottit contre son flanc, bien qu'ils soient en public.

Il était trop tendu, trop angoissé pour lui refuser ce genre de démonstration d'affection.

« Es-tu certaine d'être prête ? » s'enquit-il simplement, pour ce qui semblait être la cinquantième fois depuis que la décision avait été prise.

Elle pressa un baiser contre sa joue.

Il était conscient qu'au moins quatre paires d'yeux étaient braquées sur eux, sans aucun doute pour des raisons variées. Charlie Weasley, Andromeda, Bill et Sirius.

« On partira après les cadeaux et le gâteau. » confirma-t-elle, à voix basse.

« Je préfèrerais être disponible. » insista-t-il. « Vous accompagner au moins sur le Chemin de Traverse… »

« On a déjà discuté de ça, Severus. » répondit-elle. « On s'en tient au plan. »

« Le plan implique une prestation sans filet et je n'aime pas ça. » marmonna-t-il. Ses yeux noirs dérivèrent vers son fils. « Il t'en voudra, tu sais. »

Ils avaient choisi ce soir-là pour mettre en place l'Opération Niffleur en partie parce que c'était l'anniversaire d'Harry et que cela offrait un alibi parfait. De plus, Nymphadora ne voulait l'informer qu'après coup, pour lui éviter de s'inquiéter. La fête serait une distraction idéale. Si tout allait bien, elle et Bill pourraient potentiellement revenir avant même qu'elle ne se termine.

Si tout allait bien.

« Il me pardonnera quand je lui ramènerai la coupe. » décréta-t-elle. « C'est le meilleur cadeau d'anniversaire que je puisse lui faire. »

Severus s'humecta les lèvres, notant que Bill avait posé son verre de jus de fruit et se rapprochait plus ou moins discrètement.

« Cela fait des jours que je fais le même cauchemar, sais-tu ? » souffla-t-il, en tournant la tête vers elle. Il prit une profonde inspiration, s'emplissant les poumons de son parfum… « Tu finis dévorée par un dragon. »

Il ne fit aucun effort pour déloger la main qu'elle glissa sur sa joue et ne tenta pas non plus d'esquiver le léger baiser qu'elle déposa sur ses lèvres.

« Tout se passera bien. » promit-elle. « Et si ça ne se passe pas bien et qu'on ne revient pas, on restera en vie suffisamment longtemps pour que Dumbledore, Sirius et toi fassiez sauter la banque. »

C'était le plan C, celui que tout le monde voulait éviter à tout prix.

Le plan B impliquait des négociations parce qu'ils espéraient que si la situation partait à vau-l'eau et qu'elle s'identifiait, son statut suffirait à convaincre les Gobelins qu'elle était plus précieuse vivante que morte – et que cela protégerait également Bill. Ou alternativement qu'ils parviendraient à tenir les Gobelins en respect assez longtemps pour que le Ministère puisse négocier. S'ils ne se faisaient pas dévorer par un dragon d'abord, bien entendu.

L'Opération Niffleur avait été pensée et repensée, chaque possibilité évaluée et réévaluée… Il était impossible de parer à tous les imprévus mais ils en avaient couverts autant qu'ils pouvaient en imaginer.

Ils étaient prêts.

Severus savait qu'ils étaient prêts.

Il savait aussi qu'ils n'avaient pas le choix.

« Est-ce que la balade tient toujours ? » demanda Bill d'un ton nonchalant, en les rejoignant.

Nymphadora se détacha de lui, forçant un sourire joyeux que démentaient un peu ses cheveux d'un brun sombre. Elle jeta un coup d'œil à la pendule. « On part dans quarante minutes. »

Elle alla rejoindre les autres sur la piste de danse improvisée, se lançant dans un tel numéro avec Sirius que tous les adolescents éclatèrent de rire. Charlie Weasley et les jumeaux étaient ceux qui se moquaient le plus fort mais, loin de se soucier du ridicule, elle et son cousin s'en donnèrent à cœur joie.

Severus devinait que, au bout de quelques minutes, elle suggérerait innocemment à Harry d'ouvrir ses cadeaux.

« Je vous promettrais bien de vous la ramener en un seul morceau mais, s'il y a un problème, c'est probablement elle qui me ramènera. » plaisanta Bill, sans véritable humour.

D'eux tous, il était celui qui appréhendait le plus cette mission.

Il était également celui qui connaissait le mieux Gringotts.

« Peu importe qui ramène l'autre tant que vous revenez tous les deux. » répondit-il, en jetant un coup d'œil à son ancien élève. « Je n'ai pas tant d'amis que je puisse me permettre d'en perdre un. »

Il dissimula son incertitude maladroite sous une couche de sarcasme.

Bill lui sourit sans que cela n'atteigne ses yeux. « Tout va bien se passer. On est prêts. »

Nymphadora avait passé des heures et des heures dans la pensine à visionner tous les souvenirs que Sirius et lui avaient partagés. Elle tenait le rôle de Bellatrix. Elle le tenait si bien que Severus devait se retenir de sortir sa baguette parfois.

C'était le plus gros obstacle : convaincre les Gobelins et obtenir l'accès au coffre.

À partir de là…

« Vous avez tout ce qu'il vous faut ? » s'enquit-il.

Il faudrait contenir l'horcruxe.

À supposer qu'il y ait un horcruxe.

La théorie de la jeune femme paraissait solide mais ils n'avaient pas plus de preuves que la coupe était véritablement dans le coffre des Lestrange qu'ils n'avaient de preuves que le diadème était à Poudlard.

Le Briseur-de-Sorts hocha la tête. « On ne sera jamais plus prêt, Severus. » L'affirmation sonnait faux, pourtant, et le jeune homme ne tarda pas à s'humecter les lèvres. « S'il m'arrivait quelque chose… » Severus laissa échapper un bruit agacé, ne voulant pas entendre ce genre de choses, mais Bill insista. « S'il m'arrivait quelque chose, vous garderiez un œil sur ma famille, n'est-ce pas ? »

C'était une responsabilité dont il ne voulait pas.

Et pourtant, lorsqu'il croisa son regard, il découvrit qu'il ne pouvait pas refuser.

Certes, au début, Bill avait eu l'impression de lui devoir quelque chose parce qu'il avait aidé Molly et l'ancien espion en avait joué, mais… Ils avaient dépassé ça depuis longtemps. D'abord parce que le Briseur-de-Sorts l'avait aidé avec sa Marque et ensuite… Une fois mis au courant pour les horcruxes, une fois mis au courant pour Harry, Bill n'avait jamais hésité, même lorsque cela impliquait d'aller contre la volonté de Dumbledore.

Severus n'était pas très doué pour se faire des amis ou pour exprimer ce qu'il ressentait mais il était indéniable que c'était ce que Bill était devenu : un ami proche à qui il faisait confiance.

« Vous savez bien que oui. » confirma-t-il, sérieusement bien qu'un peu sèchement.

L'aîné des Weasley ne s'en formalisa pas. Il se contenta de grimacer un sourire et d'adopter un ton positif. « Tout va bien se passer. »

Il y eut une clameur générale du coin où la fête battait son plein.

Nymphadora venait de convaincre Harry d'aller ouvrir ses cadeaux.

« Tout va bien se passer. » répéta Severus, avec beaucoup moins d'optimisme, en allant rejoindre son fils.

°O°O°O°O°

Être le roi de la fête était à la fois absolument grisant et un peu embarrassant.

Ricanant bêtement, un peu gêné d'être la cible des regards, Harry laissa Sirius et Dora le pousser vers la table où attendait le gâteau. Quelqu'un avait allumé des bougies qu'il se retrouva à souffler tandis que les autres chantaient joyeux anniversaire avec énormément de faussetés mais beaucoup d'entrain. Le chant laissa place à des applaudissements et des sifflets…

L'adolescent baissa la tête, les joues rouges mais secrètement ravi.

Sirius lui tendit un paquet carré pas plus gros que sa paume, entouré d'un papier cadeau orange criard. Son parrain avait l'air malicieux qu'il avait vu des dizaines de fois sur le visage du Sirius de soixante-quinze, généralement avant de faire quelque chose d'irrévérencieux qui lui vaudrait des remontrances des Professeurs.

Harry déballa une boîte banale qui avait clairement été réutilisée et, à l'intérieur… Il y avait une clef. Pas une clef de maison, non, mais une clef de…

Fronçant les sourcils, il leva les yeux vers son parrain. « Tu m'offres une voiture ? »

« Pardon ? » s'exclama Severus, quelque part sur sa gauche.

« Bien sûr que non. » répondit Sirius, comme si c'était stupide. « Je t'offre une moto. Elle est à la maison. On va devoir la restaurer et lui jeter tous les enchantements pour la faire voler mais… »

« Jamais de la vie. » intervint son père, rouge de colère, en confisquant la clef. « As-tu complètement perdu l'esprit ? Il faudra me passer sur le corps ! »

« Ça peut s'arranger ça, tu sais. » plaisanta son parrain. « Surtout avec une moto magique. »

« Black. » siffla l'ancien Mangemort, une veine battant fort à son front. « Je te jure que… »

Sirius éclata de rire. « Si tu voyais ta tête… Je plaisante, évidemment ! Mon vrai cadeau est dans le tas. »

« Tu as intérêt. » l'avertit Severus, visiblement soulagé.

Mais dès qu'il se fut détourné, son parrain lui fit un clin d'œil. Harry en déduisit qu'il y avait bel et bien une moto cachée quelque part.

Le 'vrai' cadeau de Sirius s'avéra être un tout nouvel échiquier, avec des pièces taillées dans des blocs de marbre avec une précision époustouflante. C'était très clairement une pièce de collection familiale qu'Harry tenta de refuser mais son parrain agita la main et déclara qu'il valait mieux qu'elle serve plutôt que de prendre la poussière dans un placard.

Hermione avait rassemblé quelques romans de sa collection personnelle et lui expliqua, un peu gênée, que sans magasins elle avait dû faire avec ce qu'elle avait.

De même, Draco lui offrit un vif d'or d'entraînement dont il ne se servait plus mais qui était encore en excellent état.

Ron et Ginny s'étaient débrouillés pour lui trouver des gants de Quidditch tout neuf et d'excellente qualité.

Mrs Weasley avait réalisé une couverture en patchwork qu'il adora immédiatement et qu'il s'empresserait d'étaler sur son lit à la première occasion.

Les jumeaux lui donnèrent un panier plein de leurs meilleurs produits ainsi que quelques échantillons de certains encore en développement.

Mrs Malfoy, de la part de qui il n'attendait rien, lui offrit un livre sur les us et coutumes traditionnels des sorciers, précisant bien que les devoirs d'un Lord étaient détaillés dans le chapitre cinq.

Ted lui avait apporté une plante en pot et promit qu'elle était facile à maintenir en vie.

Andromeda lui offrit plusieurs livres sur la médecine magique.

McGonagall lui confia un grimoire qui semblait sur le point de tomber en morceaux mais qui était apparemment très rare et traitait de métamorphose Animagus plus avancée.

Charlie avait rempli quelques parchemins avec des recettes de friandises maison que Paillette pourrait apprécier une fois qu'il serait sevré.

Bill lui passa une pierre gravée de runes de protection qui était censée rendre le porteur difficile à localiser à travers des sorts classiques.

Luna avait tricoté un bonnet en forme de niffleur qui était tout aussi ridicule que charmant et qu'Harry se fit un devoir de mettre sur sa tête.

Nymphadora lui offrit son propre tourne-disque pour sa chambre, ainsi que quelques disques d'artistes sorciers qu'il aimait bien – juste pour faire rager Severus, sans aucun doute.

Il y avait aussi un paquet de chocolat d'Honeydukes dans le tas qui venait de Remus – il le mit de côté, sans savoir s'il voulait vraiment l'accepter – ainsi qu'une dizaine de paires de chaussettes toute plus farfelues les une que les autres de la part de Dumbledore et un panier de muffins faits maison de la part de Kreattur.

Mais le meilleur cadeau était sans conteste celui de Severus.

Son père lui avait offert un appareil photo sorcier.

« Comment… » balbutia-t-il.

Sans accès au Chemin de Traverse…

Heureux de son petit effet, le Maître des Potions leva les sourcils. « Il s'avère que j'ai désormais le bras long. »

Harry passa plusieurs minutes à prendre des photos. De lui et de ses amis, de lui et Severus, de Dora et Severus, de lui et Sirius, de Sirius et Severus, de sa fête d'anniversaire en général…

« Tu aurais dû prendre plus de pellicules. » glissa Sirius à Severus, en ricanant.

Harry se moquait des railleries.

Il était heureux.

Si heureux qu'il rata complètement le moment où Dora s'éclipsa.

Ce ne fut que lorsqu'il voulut prendre une photo d'elle avec Ted et Andromeda qu'il se rendit compte qu'elle n'était plus là.

Bill non plus n'était plus là.

Et Severus et Sirius avaient soudain l'air plus tendus.

Il rejoignit son père, l'angoisse soufflant son bonheur passager comme une bougie.

« Papa, où est Dora ? » demanda-t-il, à voix basse, pour ne pas alarmer les autres. « Il y a eu une attaque ? »

« Non. » le rassura Severus, en posant une main sur son épaule. « Elle et Bill sont simplement allés vérifier les protections à Pré-au-Lard. Ils seront de retour sous peu. »

Il eut l'impression que ce n'était pas vraiment la vérité mais l'expression du Maître des Potions était trop lisse pour trahir quoi que ce soit.

Il choisit d'accepter l'explication, tout en sachant, au fond, que si Bill et Dora étaient allés à Pré-au-Lard, ils n'y étaient probablement plus.

Que les deux se soient éclipsés ensemble ? La coïncidence était trop grosse.

Ils ne connaissaient peut-être pas tous les détails de l'Opération Niffleur, mais il avait entendu les grandes lignes.

Que pouvait-il faire, cependant ? Qu'ils aient décidé de ne pas l'informer le blessait un peu mais rien qu'à voir l'expression de son père, il devinait que ça partait d'un bon sentiment, que c'était une manière de ne pas l'inquiéter…

Un coup d'épée dans l'eau.

Il eut beau s'échiner à faire comme si tout allait bien…

Au fond, il était mort d'inquiétude.

°O°O°O°O°

Ne pas informer Harry était stupide, comme il avait été stupide de prétendre avoir oublié son anniversaire ce matin-là.

Sirius et Nymphadora ne le comprenaient pas comme lui.

Pourtant Severus tint sa promesse et ne souffla pas mot du fait que l'Opération Niffleur était en cours. Il n'en eut pas véritablement besoin. Son fils était loin d'être idiot et pouvait additionner un plus un. Harry n'avait rien dit mais il avait compris.

Le sourire sur ses lèvres était plus factice et il avait beau plaisanter avec ses amis, ses yeux restaient voilés. À chaque fois qu'il les croisait, le Maître des Potions y apercevait le reflet des flammes de ses boucliers mentaux.

« Nerveux ? » demanda Sirius, en lui tendant un verre que Severus prit par réflexe.

Il n'avait pas mis de bouteille d'alcool à disposition pourtant un simple reniflement lui apprit qu'il n'y avait pas que du jus d'orange dans le verre. Il n'était pas tout à fait surpris que l'Animagus ait apporté le sien. Du whiskey, s'il se fiait à l'odeur.

Sans commenter sur ses tendances à se tourner vers la boisson, le Maître des Potions en avala une gorgée. L'alcool était suffisamment dilué pour ne pas l'enivrer, surtout s'il s'en tenait à un demi-verre.

« Penses-tu. » ironisa-t-il.

Draco venait de lâcher le vif d'or et s'en suivit un jeu improvisé ou les garçons, Ginny, Luna, les jumeaux et Charlie Weasley luttaient pour l'attraper le premier.

Granger avait battu en retraite auprès de Narcissa, Andromeda et Molly.

Ted et Minerva les encourageaient.

Tout ça au milieu de son salon.

Severus dut lutter contre le besoin de leur hurler de cesser leurs pitreries et de débarrasser le plancher.

Il reprit une gorgée de son jus d'orange amélioré.

Pour Harry, se dit-il fermement, tout ça, c'est pour Harry et, en conséquence, pour la bonne cause.

« Dis, je sais que ce n'est pas le moment… » hésita son ami. « Mais tu n'as pas eu de… »

« Je regrette, rien depuis le dernier message. » le coupa-t-il. Ils avaient la conversation plusieurs fois par semaine.

Nyssandra n'était pas revenue et ses messages se faisaient de plus en plus attendre.

Sirius avait cessé d'en recevoir.

Severus avait cessé d'espérer l'impossible.

Il ignorait si elle s'échinait véritablement à rassembler un bataillon de vampires ou si elle prenait juste son mal en patience en attendant la bataille finale loin de Sirius mais… Il avait beau avoir toujours su que cela finirait probablement ainsi, il aurait préféré qu'elle soit plus claire avec son ami. Il n'aimait pas voir l'ancien Maraudeur ainsi.

Sirius le cachait derrière des sourires de façade et des plaisanteries fanfaronnes mais il souffrait. Et, d'expérience, Severus savait qu'un cœur brisé n'était pas si facilement ignoré.

« Je vois. » lâcha l'Animagus, la mâchoire contractée.

Le Maître des Potions avait tenté de le mettre en garde par le passé et s'était vu opposé une fin de non recevoir, il garda donc le silence. Tout ce qu'il avait à dire, son ami ne voulait pas l'entendre, de toute manière.

« Des nouvelles de Lupin ? » s'enquit-il, à la place.

Un autre sujet délicat et qui fâchait.

« Pas depuis la pleine lune. » répondit Sirius. « Et toi ? »

« Non. » admit-il.

Avec l'aide d'Horace, il avait un peu modifié la potion Révèle-Loup. À nouveau, Sirius était allé encadrer les loups sous sa forme Animagus, pour s'assurer qu'ils ne quittent pas le périmètre qu'ils avaient sécurisé pour eux tout autant que pour s'assurer que personne ne les attaquerait. Les échanges avant et après, en revanche, paraissaient en être restés au minimum.

Flemmings lui avait affirmé ne pas avoir perçu de différence par rapport à la potion Révèle-Loup habituelle.

Ronald Weasley, qu'il avait innocemment questionné sans en avoir l'air, avait plus ou moins confirmé que Brown paraissait un peu moins… sauvage.

Il aurait aimé, néanmoins, un retour de la part de leur Alpha.

Mais c'était sans doute trop en demander à Lupin que de les tenir au courant.

La brûlure dans sa poche lui tordit le ventre d'angoisse mais il sortit le carnet de l'intérieur de ses robes et l'ouvrit sans attendre ou se préoccuper de le cacher à Sirius. Il n'y avait rien de bien incriminant dans les échanges précédents qu'il lut par-dessus son épaule.

En place.
Début de l'Opération N.
Plus de contact jusqu'à la fin de la mission.

Il sortit un stylo moldu de sa poche, se détourna légèrement pour griffonner une réponse.

Compris.
Soyez prudents.

S'il ne le leur avait pas demandé cent fois…

Un point d'encre apparut sans former de lettre, comme si elle hésitait sur ce qu'elle voulait écrire.

Je t'aime

Loin d'apaiser son angoisse, la déclaration le crispa d'autant plus. Il aurait dû être avec elle. Il aurait dû être à la place de Bill. Les horcruxes étaient sa responsabilité et…

Reviens-moi

Sirius avait suivi la conversation par-dessus son épaule et, lorsqu'il referma le carnet et le rangea dans sa poche, lui asséna une légère bourrade amicale qui se voulait réconfortante.

« Dumbledore est en place ? » demanda son ami.

Severus hocha la tête. « Il me l'a confirmé par Patronus. »

Albus s'était sacrifié et passerait les deux prochaines heures la tête dans la cheminée à discuter budget avec le Gobelin en charge du compte du Ministère. Le raisonnement étant que si les Gobelins s'apercevaient d'un cambriolage au sein de la banque, cela ferait suffisamment de bruits pour alerter le Ministre qui pourrait alors déclencher le plan B.

Severus et Sirius, eux, se tenaient prêts pour le plan C.

« Au moins, Harry passe un bon moment. » décréta l'Animagus. « On aura au moins réussi ça. »

Harry venait de laisser passer une occasion d'attraper ce fichu vif d'or qui lui donnait des flashback de James, simplement pour éviter d'approcher Ginny Weasley. Il s'était tenu loin de la jeune fille toute la soirée.

Severus n'était pas certain qu'il soit en train de passer un bon moment.

Mais il riait et paraissait raisonnablement heureux.

C'était déjà ça, supposait-il.

°O°O°O°O°

Écrire avec des mains qui n'étaient pas les siennes était délicat et Nymphadora espérait vraiment qu'elle n'aurait pas besoin de signer quoi que ce soit. Elle s'était entraînée au cas où à griffonner la signature de Bellatrix mais elle aurait préféré s'abstenir.

Elle rangea le carnet dans le sac à main de sa tante et eut un hochement de tête pour Bill.

Ensemble, ils sortirent de la ruelle et remontèrent l'allée centrale du Chemin de Traverse complètement désert. L'endroit était mort. Les magasins étaient soit barricadés, soit dévastés… Les appartements abandonnés… La lueur tremblotante des lampadaires et les ombres qu'elle jetait partout ne faisaient que renforcer l'impression apocalyptique.

Les seuls bâtiments illuminés étaient le Chaudron Baveur à un bout du Chemin et Gringotts à l'autre. Si l'on voulait de la vie, il fallait s'aventurer dans l'Allée des Embrumes et Merlin savait que la faune qui y rôdait n'était pas recommandable.

« On s'en tient au plan. » murmura-t-elle, alors qu'ils montaient les marches en marbre qui menaient à la banque.

Bill ne répondit pas mais prit une grande inspiration alors qu'ils atteignaient le grand portail de bronze qui marquait l'entrée du territoire Gobelin. Deux d'entre eux, en livrées, se tenaient de chaque côté malgré l'heure tardive et leur jetèrent des regards tout aussi curieux que méfiants.

Nymphadora, dans son rôle, les toisa avec mépris et détourna la tête comme s'ils la dégoûtaient.

Ils avancèrent jusqu'aux portes closes en argent où attendaient deux autres Gobelins qui les détaillèrent avec la même suspicion que ceux de l'extérieur. Sur les portes le poème qu'elle avait vu des centaines de fois auparavant paraissait prendre une toute autre ampleur.

Car celui qui veut prendre et ne veut pas gagner,

De sa cupidité le prix devra payer.

Elle s'arrêta et attendit, se composant une expression irritée.

Au bout de quelques secondes, les gardes leur ouvrirent les portes et ils pénétrèrent dans le hall de la banque. À cette heure-ci, il y avait moins de Gobelins que d'ordinaire derrière le long comptoir et pas un seul autre sorcier en vue.

Elle se dirigea vers le Gobelin le plus proche, laissant Bill la suivre, mais elle n'avait pas fait deux pas vers le comptoir qu'elle fut interrompue par l'appel de son nom d'emprunt.

« Madame Lestrange. »

Elle se retourna pour faire face à un Gobelin en costume auquel elle avait eu affaire une ou deux fois auparavant en tant qu'Auror. C'était le Directeur.

Aurait-elle été Nymphadora, elle l'aurait salué poliment.

Bellatrix, en revanche, se serait contentée de lui jeter un regard agacé de cette perte de temps et ce fut donc ce qu'elle fit.

« Monsieur Weasley. » lâcha le Gobelin, en le détaillant des pieds à la tête. « Je ne m'attendais à vous trouver en telle compagnie. »

« Qu'insinuez-vous par là ? » siffla-t-elle, d'un ton aussi offensé qu'agressif.

« Rien si ce n'est que William a d'ordinaire d'autres… fréquentations. » répondit le directeur de la banque, en l'étudiant à nouveau. Ses petits yeux noirs croisèrent les siens et…

Ses boucliers mentaux étaient déjà en place mais elle les raviva, s'assurant que rien ne puisse passer au travers, certainement pas sans l'en avertir. Le Gobelin eut l'air contrarié mais pas particulièrement surpris.

« Il faut bien que je gagne ma vie, Gloröm. » rétorqua Bill froidement. « Ce n'est pas à vous que je vais apprendre que les convictions ne mettent pas du pain sur la table. »

Gloröm concéda la chose d'un geste. « Croyez-le ou non, je regrette que nous ayons dû mettre un terme à notre collaboration. Vous étiez un excellent employé. Si votre frère… »

« Ce qui est fait est fait. » le coupa le Briseur-de-Sorts. « Et je ne crois pas avoir de comptes à vous rendre sur mes activités ou mes fréquentations. »

« Tant qu'elles sont honnêtes… » commenta le Gobelin.

Il se doutait qu'il y avait une entourloupe.

Nymphadora aurait dû venir seule.

« Je souhaite accéder à mon coffre. » intervint-elle sèchement. « Si vous voulez débaucher mon Briseur-de-Sorts, faites-le plus tard, sur son temps libre. Vous me faites perdre le mien. » Elle plissa le nez et jeta un regard dédaigneux alentour. « Le service n'est plus ce qu'il était à Gringotts. »

« Peut-être parce que l'économie n'est plus aussi florissante eut égard à la guerre civile qui ravage le pays. » rétorqua Gloröm, avec beaucoup moins de neutralité que ce à quoi elle s'attendait.

Peut-être que tenter de rallier les Gobelins serait une bonne idée, en fin de compte.

Il fallait admettre qu'avec la majorité de la communauté magique réfugiée à Poudlard ou Pré-au-Lard et les nombreux exilés qui avaient préféré fuir le pays… La banque ne devait pas faire beaucoup de profits.

« Il n'y a pas de guerre civile. » contra-t-elle, avec un sourire cruel. « Il y a le règne du Seigneur des Ténèbres et il y a ses ennemis. Ceux-ci finiront six pieds sous terre, je vous l'assure. » Elle poussa un ricanement à glacer le sang qu'elle termina abruptement pour mieux le prendre de haut. « Je veux accéder au coffre des Lestrange. Tout de suite. »

Gloröm la détailla puis tourna le regard vers Bill.

« Vous avez été un excellent employé, William, et parce que vous avez été un excellent employé je vous suggère de bien peser vos actes et de ne rien faire de… stupide. » l'avertit le Directeur. « Vous savez qu'on ne vole pas Gringotts. »

« Qui parle de voler ? » s'irrita-t-elle. « Je veux accéder à mon coffre. » Elle tira la clef de son sac et la plaqua sur le comptoir devant le gobelin qui suivait la conversation comme un jeu de ping-pong. « Voilà. »

S'ils lui demandaient sa baguette en guide d'identification supplémentaire, ils étaient foutus.

Il lui semblait qu'ils étaient tous suspendus aux lèvres du gobelin anonyme qui inspectait désormais la clef. Ce dernier se racla la gorge, cherchant le regard du directeur de la banque.

« C'est le double. » déclara-t-il.

« Et alors ? » soupira-t-elle. « Rodolphus a la clef, j'ai récupéré le double de ma sœur. Où est le problème ? »

« Il n'y a pas de problème. » répondit Gloröm. « Techniquement. Lady Malfoy n'est-elle pas à Poudlard ? »

« Vous êtes bien préoccupé par les allers et venues des uns et des autres. » siffla-t-elle. « Peut-être devrais-je vous enseigner une leçon pour vous apprendre à vous mêler de vos affaires ? »

Elle plaça la main sur son poignet gauche, comme pour tirer sa baguette, et fut heureuse de la présence d'esprit de Bill, qui l'arrêta d'un geste vif. L'expression mécontente du Briseur-de-Sorts n'était pas tout à fait feinte.

« Vous ne gagnerez pas contre un gobelin. » lâcha-t-il. « Surtout sur leur territoire. »

Gloröm soupira à son tour puis fit un signe de la tête au Gobelin derrière le comptoir.

Ce dernier sauta de son tabouret et les enjoignit à le suivre.

« J'espère que vous savez ce que vous faites, William. » offrit le directeur, en guise d'au revoir. « La sécurité est renforcée, de nos jours. Aucune supercherie ne serait tolérée. »

Super, songea-t-elle, en se hâtant vers le wagonnet.

°O°O°O°O°

Severus saisit la première opportunité venue pour se réfugier dans la cuisine : à savoir ramener les assiettes vides et collantes des restes de gâteaux. Il aurait pu lancer la vaisselle par magie mais, parce qu'il était désespéré de prolonger ces quelques minutes de solitude, il remplit l'évier d'eau chaude et entreprit de les laver à la main.

C'était un bon exercice pour ses mains, de toute manière.

Tout ce qui impliquait d'exercer un certain contrôle sur ses doigts était un bon exercice.

Et si cela lui permettait d'échapper au brouhaha de l'autre pièce et aux jumeaux Weasley qui voulaient à tout pris s'entretenir avec lui de leurs brillantes idées, eh bien…

Elles étaient brillantes, songea-t-il, en se concentrant pour ne pas lâcher une assiette dans l'eau savonneuse, il fallait le reconnaître. Ils étaient parvenus à développer un équivalent des oreilles à rallonge et les groupes d'Aurors qui l'avaient testé ne juraient plus que par ça. Il les avait autorisés à les fabriquer en masse une fois le prototype affiné, ce qui prendrait du temps et des ressources mais… Nymphadora avait juré que la différence sur le terrain valait le coût.

Ils avaient d'autres idées.

Et ils étaient parvenus à tenir leurs langues et à ne pas trahir de secrets d'état malgré les pièges que Severus leur avait tendu avec la complicité de Shacklebolt, de Bill et de Nymphadora.

Abbot refusait peut-être de lui emmener les Langues-de-Plomb – ou, plus préoccupant, échouait à les convaincre – mais si les jumeaux continuaient dans cette veine, ils pourraient s'en passer. Si Severus désirait mettre la main sur les Langues-de-Plomb désormais, c'était davantage parce qu'ils manquaient de combattants et que, consciemment ou non, ils se préparaient tous à une confrontation qui serait probablement finale.

« Où est passée Tonks ? »

Severus refusa de sursauter mais jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, peu surpris de trouver Charlie Weasley sur le seuil de sa cuisine. Le jeune homme n'avait cessé de l'observer plus ou moins ouvertement depuis qu'il était arrivé et ce malgré toutes les tentatives de Nymphadora pour le mettre à l'aise. Il avait mis ça sur le compte du contexte. Draco, les jumeaux et Ginny non plus n'avaient pas eu l'air de savoir comment se tenir dans les appartements de leur Professeur de Potions honnis. Granger et Weasley s'habituaient à peine… La seule qui était demeurée imperturbable – mais il ne se serait pas attendu à moins – était Lovegood.

Quoi qu'il en soit, il s'était tenu loin de Charlie Weasley.

Par égard pour le jeune homme d'abord, parce qu'il se sentait vaguement responsable de ce qu'il lui était arrivé. Parce qu'il n'avait pas envie d'affronter toutes ces complications, ensuite, ou d'empirer les choses. Charlie comptait énormément pour Nymphadora et il était toujours fragile. Il avait très bien compris qu'il devrait composer avec le dragonnier dans sa vie mais ne savait pas comment gérer la situation. Charlie était son ancien élève, ils ne se fréquentaient pas même au sein de l'Ordre, n'avaient eu jusque là que des rapports plus ou moins hostiles…

« Partie régler un problème à Pré-au-Lard avec votre frère. » répondit-il posément, notant que le joyeux chahut du salon venait de tomber en sourdine. Il sentit le poids du sort de silence que Charlie avait lancé sur la cuisine et espéra fortement que ce n'était pas pour mieux l'attaquer discrètement parce qu'il n'avait guère envie d'annoncer à Nymphadora qu'il avait blessé son meilleur ami. « Elle reviendra sous peu. »

Chaque seconde qui passait sans que le carnet ne brûle l'angoissait davantage.

Il s'efforçait d'occluder la panique et de rester calme. Rationnel.

Ils avaient estimé que même si tout se passait bien il faudrait probablement plus de trente minutes pour accomplir la mission. Une heure semblait une estimation correcte. Une heure trente, la limite possible. Passé ce délai… il pourrait s'inquiéter. Or depuis le message qu'elle lui avait envoyé, il ne s'était passé que vingt petites minutes.

Le temps pouvait s'écouler de manière extrêmement subjective. Une minute pouvait paraître durer une heure. Et il ne pouvait rien faire que prendre son mal en patience.

Au lieu de retourner vers la fête, Charlie entra dans la cuisine et ferma la porte derrière lui, les isolant définitivement des autres invités.

Severus resta détendu, ne marqua aucun signe extérieur d'appréhension, mais sortit les mains de l'eau savonneuse pour les essuyer tranquillement avec un chiffon – et avoir un meilleur accès à sa baguette le cas échéant.

Charlie n'était plus sous Imperium, la chose avait été établie.

Mais les conséquences d'un Imperium aussi prolongé pouvaient être imprévisibles. N'avait-il pas demandé à voir Anthony ? Peut-être était-il persuadé que…

« Je l'ai déjà vue amoureuse. » lâcha le dragonnier, en venant appuyer une hanche contre le comptoir. Il croisa les bras, son expression dure et fermée. « Je ne l'ai jamais vue aussi amoureuse. »

Ah.

Severus réévalua la situation, peu sûr de ce qu'il aurait préféré. Que Charlie se révèle être un autre espion ou avoir été retourné par un lavage de cerveau aurait été gênant. Cette conversation menaçait de l'être davantage encore.

Préférant ne rien dire, il plia distraitement le chiffon et le plaça dans un coin avant d'imiter la position du jeune homme et de s'appuyer au comptoir pour lui faire face. C'était sa mauvaise jambe et celle-ci le faisait souffrir dernièrement.

Il blâmait les multiples excursions dans la Chambre.

Ou peut-être était-ce le fait qu'il jouait les cobayes. Horace avait fini par préparer la potion dérivée de son traitement contre le Doloris qu'ils avaient ébauchée ensemble et Severus en prenait une dose chaque matin. Il ne s'attendait pas à une amélioration miraculeuse même s'il devait admettre constater déjà un certain soulagement. Ses mains étaient moins promptes à se crisper, bien que les tremblements demeurent un problème. Sa jambe, en revanche…

De guerre lasse, et sous la menace de Nymphadora, il était allé consulter Andromeda qui, une fois mise au courant et ayant fortement désapprouvé la consommation de potions non homologuées, avait décrété que c'était peut-être un mal pour un bien. Il n'y avait aucune dégradation qui expliquait pourquoi sa jambe le gênait plus que d'ordinaire.

Un manque de repos évident, avait décrété la sorcière.

Se reposer… Quelle plaisanterie. Où trouverait-il le temps de le faire ?

« Tu ne vas rien dire ? » le défia Charlie.

Qu'était-il censé dire exactement ? Il lui semblait avoir eu une dizaine de versions de cette conversation avec autant de gens. Sirius, Andromeda, Ted, Draco

« Nous nous tutoyons ? » ironisa-t-il, laissant percer une certaine pointe d'hostilité.

Il n'aimait pas ces manières.

Il n'aimait pas que le dragonnier envahisse sa cuisine, se permette de jeter des sorts de silence ou de prendre des libertés qu'il n'accordait qu'à quelques personnes. Ce n'était pas tant qu'il tenait absolument au vouvoiement que le principe de la chose.

Il ne tutoyait pas Bill et il appréciait Bill.

Il n'était pas certain d'apprécier Charlie.

N'en déplaise à Nymphadora, Charlie lui faisait l'effet d'un gamin gâté, trop populaire et à qui l'on pardonnait tout parce qu'il avait un joli minois. La version Weasley de James Potter en somme, la méchanceté en moins. Déjà, lorsqu'il l'avait eu en classe, Severus le supportait à peine et c'était une chance qu'il n'ait pas eu à l'accueillir dans ses classes d'A.S.P. .

« Je ne vais pas vouvoyer le copain de ma meilleure amie. » rétorqua Charlie, en plantant son regard dans le sien.

Une erreur.

Severus fut très tenté de sonder l'esprit entièrement ouvert et sans défense mais se retint par pure décence. On lui avait suffisamment violé l'esprit comme ça.

« Je ne suis pas son copain. » cracha-t-il, avec agacement. « Je n'ai pas quinze ans. »

« Ça, personne ne l'oublie. » commenta sèchement le dragonnier.

Le Professeur ne fit même pas l'effort de tenter de ne pas lever les yeux au ciel. « Pensez-vous être le seul à avoir remarqué la différence d'âge ou l'avoir soulignée ? »

Il avait su dès le moment où elle avait suggéré que la relation devienne sérieuse qu'ils auraient à affronter ce genre de commentaires toute leur vie. Sans parler de l'autre remarque, celle qui ne tarderait pas à suivre, lui rappelant bien inutilement qu'il avait été son enseignant.

Comme s'il avait pu l'oublier.

Comme s'il n'avait pas pleinement mesuré la chose avant de…

« Je ne l'ai jamais vue aussi accro à quelqu'un. » insista Charlie. « Tu pourrais la laisser en miettes. »

Il dut résister à l'envie instinctive de l'envoyer paître dans les grandes largeurs.

Nymphadora tenait à lui.

Il se devait d'au moins essayer de faire un effort.

« La réciproque est tout aussi vraie. » répondit-il, plus posément. Il n'aimait pas s'exposer autant, révéler autant de vulnérabilité, et il masqua le tout sous une expression neutre, se repliant derrière ses boucliers.

Charlie, cependant, ne semblait pas vouloir le croire. « Je n'aime pas l'influence que tu as sur elle. »

Combien de fois Lupin l'avait-il accusé de ça ?

Les mots le firent voir rouge.

« Qui de nous deux a-t-elle voulu impressionner en allant planter une bannière de Poufsouffle en haut de la Tour d'Astronomie et manquer se rompre le cou par la même occasion ? » riposta-t-il. « Et ce n'est qu'une seule parmi tant d'autres des idées de génie que tu lui as soufflées. Comparativement, je dirais que mon influence est bien moins dangereuse. »

C'était faux, bien entendu.

Les derniers mois l'avaient prouvé.

Le tutoiement sonnait faux, mesquin, et il s'en voulut de ne pas parvenir à y mettre le bon ton. Il avait l'impression de participer à une querelle d'adolescents, cela lui rappelait trop les Maraudeurs et… Nymphadora avait énormément mûri, ces derniers mois, au point qu'il en oubliait souvent la différence d'âge. Face à Charlie Weasley, elle était impossible à ignorer.

Et il refusait de s'abaisser à son niveau.

Se détournant, il envoya se ranger les assiettes propres d'un geste négligeant de la main. La démonstration nonchalante de magie sans baguette n'était pas sans arrière-pensée. Il espérait un peu que Charlie aurait la présence d'esprit de comprendre qu'il s'attaquait à plus fort que lui et d'abandonner la partie.

Mais, bien sûr, c'était mal connaître les Gryffondors.

« C'est ma meilleure amie. » gronda le dragonnier. « Je veux juste la protéger. »

Il prit une profonde inspiration, compta jusqu'à trois et la relâcha dans une piètre tentative pour maîtriser son mauvais caractère. « Elle n'a pas besoin qu'on la protège. »

Charlie laissa échapper un bruit amèrement dubitatif. « Et c'est censé me convaincre que cette relation est… »

« Je n'ai pas à te convaincre de quoi que ce soit. » le coupa-t-il sèchement, parvenant à rendre le tutoiement un peu moins guindé, un peu plus naturel. « Notre relation ne concerne personne d'autre que nous et je pense que tu es parfaitement conscient qu'elle n'apprécierait pas cette conversation. »

Il l'étudia d'un coup d'œil discret, notant les ongles rongés, la manière dont il agitait nerveusement le genou comme s'il ne semblait pas capable de tenir en place, le regard un peu trop désespéré. Severus se serait-il aventuré à pénétrer son esprit qu'il était certain de ce qu'il y aurait trouvé : le chaos le plus total.

Il eut plus de peine pour lui qu'autre chose, bien que le dragonnier n'aurait sans doute pas apprécié sa pitié.

« Je n'ai aucune intention de me mettre entre vous. » ajouta-t-il, plus calmement.

Les yeux bleus avaient dérivé vers le carrelage, agacés et fatigués. Ils remontèrent brusquement pour croiser les siens.

Il n'avait pas besoin de Legilimencie pour percevoir l'angoisse que Charlie exsudait par tous les pores.

Ainsi, c'était ça le véritable objet de cette embuscade.

Pas tant une mise en garde que…

« On est proches. » lâcha le dragonnier, presque comme un défi.

« Je ne l'ignore pas. » répondit-il, soudain moins décontenancé. À présent qu'il avait compris ce que voulait Charlie, il lui semblait avoir repris la main et il préférait les choses ainsi. Il préférait contrôler la conversation.

« Très proches. » insista le jeune homme. « Tout le monde ne comprend pas. »

« Je ne suis pas tout le monde. » contra-t-il.

« Ce ne serait pas la première fois qu'un de nos copains serait jaloux ou… » continua Charlie, comme s'il n'avait rien dit.

Las de cette discussion qu'il jugeait futile, Severus soupira. « À ma connaissance, tu n'as aucun intérêt pour les femmes, correct ? » Il attendit que Charlie hoche la tête, les joues légèrement empourprées, puis agita la main. « Quelles raisons aurais-je d'être jaloux, dans ce cas ? »

Le dragonnier n'avait toujours pas décroisé les bras mais, soudain, cela paraissait moins de la belligérance et plus une autre marque de détresse.

« On débarque l'un chez l'autre à pas d'heure et sans prévenir. » l'avertit Charlie. « On dort ensemble parfois. On se dit tout. »

Cela lui paraissait extrêmement invasif et, si c'était une description exacte de ce à quoi s'attendre, il allait falloir mettre des règles. À commencer par…

« Mon lit est hors-limite. » décréta-t-il. « Pour le reste… Nous prévoyons d'acheter une grande maison, je suis certain que nous trouverons comment ne pas nous marcher sur les pieds. »

Le dragonnier cilla, comme s'il ne s'était pas attendu à cette réponse.

Severus lâcha un bruit amusé. « N'aies pas l'air si choqué, en termes d'amis qui arrivent à tout heure du jour et de la nuit sans s'annoncer, il semble que j'ai acquis, en ce qui me concerne, un chien. »

Parce qu'il ne savait pas quoi faire d'autre, il mit la bouilloire sur le feu.

Lorsque la situation était gênante, du thé n'était jamais superflu.

« Tu n'es pas… Je ne m'attendais pas à ce que tu réagisses comme ça. » avoua Charlie.

C'était son tour de buter sur le tutoiement, ce qui réjouit grandement Severus parce que, lui, parvenait désormais à le rendre entièrement naturel.

« Je ne suis plus ton Professeur. » rétorqua-t-il. « Et je suis encore moins son geôlier. Je n'ai aucune intention de la couper de ses amis ou de dicter sa conduite ou… »

Ou de l'isoler de tout pour qu'elle n'ait aucun endroit où fuir lorsqu'il passerait ses nerfs sur elle.

Il n'était pas Tobias.

Il refusait d'être Tobias.

« Je ne promets pas d'être toujours aimable. » marmonna-t-il, en attrapant des tasses dans le placard, rajustant sa prise au tout dernier moment pour éviter la casse parce que sa main droite tremblait. « J'aime ma solitude et mon calme et personne ne m'a jamais accusé d'être sociable. Mais je ne l'empêcherai pas de recevoir des amis ou de voir sa famille. »

Charlie parut finalement se décrisper. Il décroisa les bras et tira une tasse vers lui avec hésitation.

« Du coup… Je me suis un peu ridiculisé, là, non ? » voulut plaisanter le dragonnier, dissimulant très mal sa gêne.

Severus aurait pu l'humilier ou le rabaisser.

Il choisit de tendre une branche d'olivier, dans l'intérêt de la paix de son ménage.

« Je suis un Serpentard entouré de Gryffondors, j'ai l'habitude du ridicule. » répondit-il, en retirant du feu la bouilloire qui sifflait.

À bien y penser, ce n'était probablement pas aussi aimable qu'il l'avait voulu, mais…

Le rire de Charlie fut rauque et bref mais paraissait sincère.

Il resta silencieux tandis que Severus versait l'eau dans les tasses et préparait leur thé.

« Je ne peux pas la perdre. » murmura le dragonnier, si bas qu'il aurait été facile pour lui de prétendre n'avoir rien entendu.

Severus leva les yeux vers la pendule.

Quarante minutes et le carnet ne brûlait toujours pas.

« Je ne pense pas trahir un secret en disant qu'elle éprouve la même chose pour toi. » répondit-il.

Il sentit le regard du jeune homme qui suivait chacun de ses mouvements alors qu'il boitait jusqu'à la table de la cuisine, sa tasse prudemment logée entre ses deux mains pour ne rien renverser. Il écarta une chaise du pied et s'assit, incapable de dissimuler une grimace de soulagement lorsqu'il put étendre sa jambe.

Après une seconde d'hésitation, il fit venir à lui une fiole de potion antidouleur d'un accio informulé et sans baguette. Il l'avala d'un trait.

S'il devait voler au secours de Nymphadora et de Bill plus tard, il voulait pouvoir bouger correctement.

Avec une hésitation à peine perceptible, Charlie attrapa sa tasse, se repoussa du comptoir et vint s'asseoir en face de lui. « Elle a dit que tu ne m'en voulais pas. »

Il leva un sourcil. « Pour ? »

Le jeune homme détourna la tête et déglutit avec difficulté. « Ce que j'ai fait. Tout ce que j'ai fait. »

« Sous Imperium ? » Il n'attendit pas la confirmation pour soupirer. « Inutile que je te rappelle que tu n'étais pas responsable de tes actes, je suppose ? »

Sans prévenir, le dragonnier enfouit son visage dans ses mains tremblantes. « Je ne sais plus de quoi je suis responsable ou pas. Ma tête… C'est un tel boxon dans ma tête. »

Le nouveau soupir qui lui monta aux lèvres, Severus le ravala avec résignation. « Occlumencie. »

Tout le corps de Charlie tressaillit comme s'il venait de prononcer un mot tabou.

Le Maître des Potions remua son thé, gardant un œil sur la pendule et un œil sur son ancien élève.

« Anthony… » lâcha le jeune homme, d'une voix brisée.

« Est un Maître Occlumens. » confirma Severus.

Encore que personne ne l'avait laissé déterminer qui d'entre eux deux était le meilleur, ce qui, il fallait l'admettre, l'agaçait.

Nymphadora avait trouvé des excuses pour l'en empêcher à chaque fois qu'il avait émis l'idée de le réinterroger. Sans doute parce qu'elle craignait qu'il ne perde son calme et ne le tue. Elle n'avait pas tout à fait tort.

Si la survie du jeune homme assis en face de lui n'avait pas dépendu de celle d'Anthony, le traître serait déjà mort.

« Cela ne change rien au fait que l'Occlumencie te permettrait de remettre de l'ordre dans ton esprit. » continua-t-il. « Sans parler du fait qu'une maîtrise basique de l'Occlumencie est généralement suffisante pour résister naturellement à l'Imperium. »

Une lueur d'espoir s'alluma dans le regard de Charlie.

Il anticipa la question avant qu'elle ne lui soit posée.

Il n'avait aucune intention de l'entraîner lui-même. « Ton frère a des bases solides. Il pourrait certainement t'aiguiller. »

Il prit une gorgée de thé et jeta un autre coup d'œil à la pendule.

Quarante-huit minutes.

Poppy aurait sans doute eu beaucoup à redire sur sa tension à ce moment précis.

°O°O°O°O°

Bill s'accrochait au banc métallique du wagonnet, le cœur au bord des lèvres et pas simplement à cause des mouvements saccadés ou du slalom entre les stalactites. Le vacarme des roues crissant sur les rails était assourdissant et empêchait toute conversation, ce qui était encore pour le mieux.

Tonks jouait son rôle à la perfection mais Gloröm n'avait pas été convaincu.

Et si Gloröm n'avait pas été convaincu…

Combien de minutes s'étaient écoulées depuis qu'ils étaient montés à la suite du Gobelin dans le wagon ? Plusieurs. Suffisamment pour qu'ils soient désormais très loin sous la banque.

Au détour d'un virage à couper le souffle, un torrent d'eau se déversait plus loin devant eux.

La Cascade des Voleurs.

Tonks se crispa légèrement à côté de lui.

Bill n'eut pas le temps de retenir sa respiration.

Le wagon fonça tout droit et ils furent trempés des pieds à la tête.

Le Gobelin se tourna vers eux, d'un air accusateur et triomphant…

… et déchanta très vite en se retrouvant la cible du regard le plus noir d'une Bellatrix Lestrange dont les cheveux et les vêtement lui collaient à la peau.

« Ma… Madame Lestrange ! » s'exclama le Gobelin, sa voix à peine audible par-dessus le crissement du métal.

« Et à qui vous attendiez-vous, pauvre imbécile ! » tonna Tonks.

Bill, qui ne parvenait pas tout à fait à savoir s'il était soulagé ou reconnaissant que le stratagème ait fonctionné, les sécha tous d'un sortilège discret, laissant le pauvre Gobelin marmonner des excuses.

Des excuses qui furent rapidement avalées par un bruit qui couvrit complètement celui des roues sur les rails.

Un rugissement.

Le wagon s'arrêta brusquement au milieu d'une caverne, bien heureusement plus près de la paroi que de l'énorme Pansedefer ukrainien qui faisait savoir son mécontentement en raclant le sol de la patte. Il était tenu en respect par des gardes Gobelins qui agitaient des instruments de métal.

Gloröm les attendait là, devant la porte du coffre, et eut l'air stupéfait en voyant Bellatrix descendre du wagonnet.

Il le masqua vite mais Bill vit la sidération passer sur son visage.

Le directeur avait été certain de l'imposture.

Il ne savait pas ce qui avait mis la puce à l'oreille de son ancien employeur parce que Tonks – qui s'était lancée dans un monologue cinglant sur le confort des clients et le respect dû aux plus vieilles familles qui sonnait plus vrai que nature – faisait un excellent travail. Peut-être était-ce sa présence à lui qui avait fait tiquer Gloröm. Peut-être que Severus avait eu raison, en fin de compte. Peut-être que s'il avait accompagné la jeune femme lui-même, il y aurait eu moins de questions.

« Madame Lestrange. » lâcha le directeur de Gringotts, d'un ton qui trahissait sa gêne. « Nos excuses. Nous pensions… »

« C'était, , l'erreur. » cracha Tonks, visiblement – ou faussement – furieuse. « Des créatures comme vous ne devraient pas essayer de penser. »

Bill grimaça.

Il aurait préféré qu'elle évite d'insulter ouvertement les Gobelins alors que ces derniers les menaçaient avec un dragon. Un dragon en piteux état, certes, mais un dragon tout de même.

« Puis-je accéder à mon coffre, à présent, ou vous faut-il un échantillon de mon sang pour vous convaincre que je suis bien qui je dis être ? » ironisa-t-elle.

Gloröm pinça les lèvres, les yeux plissés de colère face à cet affront, et chercha le regard de Bill qui haussa les épaules et se sentit obligé de lui adresser une expression d'excuse.

« Bien entendu. » offrit le directeur, plus aimablement, et fit signe au Gobelin qui les avait accompagnés jusque là d'ouvrir le coffre.

Bill nota qu'il n'ordonna pas aux gardes d'emmener le dragon ailleurs.

Il savait de source sûre – à savoir Charlie – que les dragons étaient délibérément postés à des endroits stratégiques. Il doutait que le Pansedefer réside dans cette caverne. Gloröm l'y avait fait emmener pendant leur trajet en wagonnet.

Il semblait à présent convaincu que Bellatrix était bien la vraie… Qu'il n'ordonne pas le retrait du dragon…

Soit c'était une manière de menacer subtilement Tonks pour l'avoir insulté, soit il avait toujours un doute et…

Bill ne voulait pas y penser.

Il suivit la jeune femme à l'intérieur du coffre que le Gobelin venait de déverrouiller, agacé que Gloröm les suive.

L'endroit était gigantesque.

Il pensa au coffre familial des Weasley qui, déjà, lui paraissait énorme pour le petit tas de pièces qui y était rangé et avala difficilement son amertume. Un quart de l'or dans cette grotte aurait suffit à assurer l'avenir de sa famille. Du sol au plafond, à perte de vue, il y avait des montagnes de pièces… Des galions, des noises, des mornilles… Des galions surtout. Il y avait des peaux de bêtes de toutes les couleurs et les formes, dont plusieurs qui venaient tout droit d'espèces en voie d'extinction et dont la chasse était interdite. Des armures en argent comme on n'en faisait plus se disputaient la place avec des candélabres et des coffrets. Il y avait des potions dans des flacons ouvragés, de la vaisselle, des bagues, des bijoux… Et énormément de coupes.

Un seul coup d'œil lui apprit qu'il y avait bien trop de coupes.

Tonks dut se faire la même remarque à la même seconde parce qu'elle se retourna vers les Gobelins et se racla la gorge avec agacement. « Est-il possible d'avoir un peu d'intimité ou bien allez-vous également faire entrer votre lézard albinos ? »

« Ce qui se passe à Gringotts est confidentiel. » siffla Gloröm, peut-être davantage insulté que lorsqu'elle avait dénigré son peuple.

« Vous m'excuserez d'en douter. » rétorqua-t-elle. « Le Seigneur des Ténèbres accorde très peu de foi à la confidentialité de Gringotts. »

Elle leva les sourcils, attendant que les deux Gobelins quittent le coffre…

« Tu es obligée de les mettre en colère ? » murmura Bill, une fois qu'ils furent seuls, en sortant sa baguette pour jeter quelques sorts de détection. « Ils ont un dragon, au cas où tu n'aurais pas remarqué. »

« Une pierre, deux coups. » répondit-elle, en haussant les épaules, perdant momentanément le timbre de Bellatrix pour retrouver le sien. « Si on peut les convaincre que Tu-sais-qui ne ferait pas un bon partenaire commercial au passage… »

Elle parlait bas et jetait des regards méfiants vers la porte restée entrouverte, comme si elle soupçonnait Gloröm de les espionner.

Très franchement, elle avait probablement raison.

Il ne fut pas surpris qu'elle jette un des sorts de Severus pour s'assurer que leur conversation demeure privée.

« Combien de putains de coupes est-ce qu'il y a dans ce putain de coffre ? » s'énerva-t-elle, en approchant du tas d'or le plus proche.

Elle tendit la main vers l'une d'elles…

Bill eut à peine le temps d'attraper son poignet et de la tirer en arrière lorsqu'il obtint le résultat de ses sorts de détection.

Elle lâcha un petit cri qui parut résonner beaucoup trop fort dans le coffre et, ce, malgré le tintamarre à l'extérieur qui tenait le dragon en respect.

L'espace d'un instant, ils se regardèrent, retenant leur respiration, attendant les exclamations de Gloröm et des autres Gobelins…

Lorsque personne ne se précipita à l'intérieur pour s'enquérir du bruit, ils soufflèrent tous les deux. Le sort de Severus semblait fonctionner.

Il la lâcha et elle se massa le poignet, l'air renfrogné. Sur le visage de Bellatrix Lestrange, cela était terrifiant.

« Ne touche à rien. » siffla-t-il. « Il y a des maléfices de Gemino et de Flagrance. Entre autres. » Il n'avait aucune envie de finir enterré sous un tas d'or ou brûlé vif par la chaleur qui s'en dégagerait. Il agita la baguette, cherchant comment désamorcer les protections… Et grinça des dents lorsqu'il obtint sa réponse. « Les Sang-Purs et leur obsession pour le sang… Quelques gouttes suffirait à tout désactiver. »

Elle se tourna vers lui, hésitante. « J'ai du sang Black… »

« Pas pur. » contra-t-il, en secouant la tête. « Et je suis prêt à parier que celui de Bellatrix ne fonctionnerait pas de toute manière. On est chez les Lestrange, après tout. »

Elle s'humecta les lèvres. « Tu peux te débarrasser des maléfices ? »

« Oui. » confirma-t-il, après un moment d'hésitation. « Mais pas facilement et pas rapidement. » Et peut-être pas sans déclencher d'alarmes. « Essaye de trouver la coupe pendant que je travaille mais, vraiment, ne touche à rien. »

Elle hocha la tête pour indiquer qu'elle avait compris et se mit à observer chaque recoin, attentive à ne pas buter sur quoi que ce soit.

Étant donné le capharnaüm ambiant, c'était plus difficile qu'il n'y paraissait et Tonks était la personne la plus maladroite qu'il connaissait.

Il se résolut à travailler vite, imaginant déjà le désastre si elle trébuchait et s'étalait tête la première dans un tas de pièces…

°O°O°O°O°

Quatre-vingt-deux minutes.

Severus était en train de passer en revue les symptômes d'une crise cardiaque et se demandait s'il était pertinent d'en discuter avec la Médicomage qui s'était laissée convaincre de disputer une partie de go contre Molly Weasley. Elles avaient trouvé le plateau sur une étagère. Il avait complètement oublié qu'il était là.

Narcissa s'était éclipsée pour retrouver le bébé qu'elle avait confié à Kreattur le temps de la fête.

Ted, se sentant visiblement à l'aise, avait emprunté un livre sur une étagère et s'était installé dans un fauteuil.

Les jumeaux, Ginny et Charlie étaient partis…

Les quatre adolescents restants s'étaient retranchés dans la chambre d'Harry.

Minerva semblait en grande discussion avec un Masque peu réceptif.

« Je vais au bureau de Dumbledore. » décida Sirius, en lui pressant le bras. « On verra s'il a des nouvelles… »

Techniquement, ils étaient toujours dans le laps de temps qu'ils avaient jugé non préoccupant.

Techniquement, ils n'avaient pas encore de raisons de s'inquiéter.

Techniquement.

« Je t'accompagne. » décréta-t-il, uniquement pour voir sa proposition refusée d'une secousse de la tête.

« Tu as encore des invités. » contra son ami. « Et Harry pourrait s'inquiéter. J'y vais seul. Je te tiens au courant, d'accord ? Pas de nouvelle, bonne nouvelle. »

C'était le dicton le plus stupide qu'il n'ait jamais entendu.

Tout comme l'idée de cette fête comme distraction avait été la plus stupide qu'il n'ait jamais…

« Servilus. » Sirius serra à nouveau son bras. « Ça va aller. »

Il aurait aimé pouvoir le croire sur parole.

Une fois que l'Animagus fut parti, parce qu'il ne supportait pas l'idée de s'asseoir et de se ronger les sang sans rien faire, Severus entreprit de remettre la pièce en ordre. Il y avait moins de gens, à présent, et les meubles ne gêneraient plus autant. Ted ne broncha même pas lorsque son fauteuil se déplaça brusquement de vingt centimètres sur la droite. Andromeda, en revanche, lui fit savoir ouvertement que s'il secouait le plateau et dérangeait leur partie de go, il y aurait de lourdes conséquences.

La menace étant factice, il leva les yeux au ciel. Il laissa toutefois les deux sorcières à leur partie et s'occupa en dépoussiérant les étagères d'un coup de baguette, bien qu'elles soient déjà impeccables.

« Puis-je savoir ce qui vous rend si nerveux ou bien est-ce secret défense ? » plaisanta Minerva, en le rejoignant près de sa table de travail qu'il avait débarrassée pour l'occasion. Ses recherches diverses et variées s'entassaient dans le bureau du Directeur de Maison, sous clef. Il ne dut pas parvenir à occluder tout à fait son appréhension parce que l'expression de la vieille femme s'assombrit. « Je vois. secret défense donc. Et je suppose que cela a un rapport avec la disparition subite de notre hôtesse ? »

Notre hôtesse.

C'était étrange de penser à la chose ainsi.

Il avait beau savoir que ces appartements n'étaient plus uniquement les siens, l'entendre formulé ainsi…

« Nymphadora reviendra sous peu. » affirma-t-il.

Il espérait ne pas mentir.

Il espérait également qu'elle reviendrait en un seul morceau.

La veille, elle était rentrée tard, épuisée après avoir passé des heures à lutter contre une armée d'Inféris… Lui-même n'avait pas dormi. Peut-être aurait-il été moins inquiet s'il avait été reposé au lieu de tenir grâce à un complexe mélange de deux parts de gâteau et de philtres de force.

« Je n'en doute pas. » offrit Minerva, avec la conviction dont il manquait.

Plus que les tentatives maladroites de réconfort de Sirius, cela le rassura.

C'était stupide, bien évidemment, parce que la sous-directrice n'avait aucun moyen de savoir où était la jeune femme ou les dangers qu'elle était en train d'affronter mais… C'était le ton qu'elle employait parfois. Comme s'il était toujours un élève et elle la personne qui avait toute autorité. Hiérarchiquement, il était son supérieur désormais, tout aussi momentané que ce soit, mais, pour lui, elle resterait toujours son ancien Professeur et il était parfois bon d'avoir l'impression que quelqu'un d'autre était aux commandes.

« Je dois dire que je suis impressionnée, Severus. » reprit-elle, en se tournant pour embrasser le salon du regard. Elle ne parlait pas très fort et ni Molly, ni Andromeda ne leur prêtait attention. Ted paraissait absorbé par son livre mais il était tout à fait possible qu'il ait une oreille qui traîne. « Je n'aurais jamais pensé possible que vous parveniez à partager votre territoire avec quelqu'un. »

Le changement de sujet aurait pu paraître abrupt s'il n'avait pas été certain qu'elle tentait de le distraire.

Et, de fait, il se renfrogna. « Je ne suis pas si intransigeant. »

Les lèvres de la vieille femme tressautèrent d'amusement. « N'avez-vous pas, un jour, fait un caprice uniquement parce que nous avions décidé de changer les fauteuils de la salle des Professeurs ? »

« Ces fauteuils étaient parfaits. » s'agaça-t-il. Cela faisait huit ans et il ne leur avait toujours pas pardonné. « Et ce n'était pas un caprice, simplement une différence d'opinion. »

« Exprimée par une tasse lancée contre le mur et une semaine complète de mutisme. » se moqua-t-elle. « Autrement défini comme un caprice. »

Il la fusilla du regard. « Je suis capable de m'adapter malgré tout ce que vous sous-entendez. »

« En quinze ans, rien ou presque n'a changé dans vos appartements. » l'accusa-t-elle. « Quelques babioles en plus, soit. Mais les meubles ? Les meubles sont à la même place depuis que vous avez emménagé. »

Il refusa de rentrer dans son jeu. « Pourquoi modifier ce qui fonctionne ? »

Les yeux pétillants, elle se fit un devoir d'étudier à nouveau la pièce, avec exagération. Sachant qu'il allait le regretter, Severus en fit de même, s'obligeant à voir ce qu'elle voyait.

Il s'y était habitué et avec une rapidité déconcertante mais il était indéniable qu'il n'était plus seul à vivre là. Nymphadora avait la fâcheuse habitude de laisser traîner ses affaires et, comme il n'était pas toujours ordonné lui-même, sans parler d'Harry, le salon avait pris des allures un peu négligées. Ses disques, ses livres, le sweater qu'elle avait promis de ranger trois jours auparavant et qui était toujours sur un des fauteuils… Sans parler des cartes explosives qu'Harry avait perdu à un moment et qu'ils ne cessaient de retrouver à des endroits surprenants, probablement aidées par leurs multiples animaux de compagnie ou de la collection de biberons de Paillette abandonnés sur la cheminée ou…

Le salon n'était plus le sien.

Plus uniquement le sien.

Certes, les meubles étaient toujours à leur place mais il ne pouvait nier que l'endroit n'aurait pas pu être plus différent quelques mois plus tôt.

Et au lieu de s'irriter des taquineries de sa collègue, il se surprit à sourire.

Parce qu'il aimait voir son salon ainsi.

Il aimait que la couverture d'Harry soit à demeure sur le dossier du canapé. Il aimait le fait qu'il flotte toujours une vague odeur de fauve dans la maison. Il aimait s'asseoir en face de son fils, le matin, au petit-déjeuner, et l'écouter parler de ce dont il avait envie. Il aimait la certitude que le garçon se sente chez lui.

Il aimait le fait que s'il s'aventurait dans sa chambre, il trouverait plus que probablement un tas de vêtements sales dans un coin parce que Nymphadora était incapable de les mettre directement dans le panier à linge. Il aimait le fait qu'il s'en agacerait plus tard et lui ferait la remarque. Il aimait le fait qu'elle chercherait à se faire pardonner – ou à le distraire – en l'embrassant.

« Je suis heureuse pour vous. » offrit Minerva, beaucoup plus bas, ce coup-ci. « Je suis heureuse de vous savoir heureux. »

Heureux, il l'était.

Pour combien de temps, c'était la question.

Parce que Gringotts.

Parce que les horcruxes.

Parce que…

« Pouvez-vous garder un secret ? » demanda-t-il, bien inutilement, sur un coup de tête.

Les seuls secrets qui perduraient étaient ceux que l'on ne confiait pas.

D'un geste silencieux, il les entoura pourtant d'un assurdiato.

Sa curiosité piquée, Minerva se tourna vers lui. « Vous savez bien que oui. »

« Nous projetons de nous marier. » lâcha-t-il. Anticipant ses exclamations de joie, il leva la main. « Après la guerre. Et nous ne voulons en parler à personne d'ici là. Nous ne l'avons pas même dit à Harry. »

Il aurait dû le faire, sans doute. Il avait, après tout, promis au garçon de ne pas prendre de décisions qui les impliquaient tous les deux sans en discuter avec lui d'abord.

Mais c'était Harry qui avait mis le premier le sujet du mariage sur la table, lui encore qui lui avait donné sa bénédiction avant même qu'il ne la lui demande…

Il savait ce qu'en dirait son fils.

La sous-directrice, après avoir jeté un coup d'œil aux autres invités qui ne pouvaient entendre leur conversation, parvint visiblement à se contenir. Ça ne l'empêcha pas de serrer sa main avec émotion.

Elle paraissait à court de mots et Severus pouvait la comprendre.

Tout ça lui paraissait toujours, parfois, complètement surréaliste.

« Votre secret est en sécurité avec moi. » promit-elle, finalement. « Je serais une tombe. »

Pas littéralement, espérait-il.

« Oh, Severus… » souffla-t-elle. Elle serra sa main presque à lui faire mal. « Vous le méritez, mon garçon. »

Le Maître des Potions se rembrunit.

Le sujet de ce qu'il méritait ou pas…

Un coup d'œil à la pendule le fit frémir.

Ils approchaient dangereusement de l'heure et demie et son carnet ne brûlait toujours pas.

°O°O°O°O°

À une autre époque, Nymphadora aurait probablement trébuché en s'emmêlant les pieds et aurait déclenché une catastrophe. Cela faisait longtemps que ça ne lui était pas arrivé.

On ne pouvait pas trébucher perpétuellement quand on menait une armée, ça faisait désordre.

Derrière elle, Bill marmonnait des contre-sorts à n'en plus finir alors qu'elle s'appliquait à plisser les yeux pour inspecter le moindre recoin du coffre à la lumière faiblarde des torches. Sans pouvoir déplacer les objets les plus encombrants, c'était difficile de déterminer avec certitude si la coupe était là ou pas.

Le temps pressait.

Elle n'avait pas besoin de jeter un Tempus pour savoir qu'ils étaient dangereusement près de la limite de temps qu'ils s'étaient imposée pour cette mission. Cela faisait plus de dix minutes, déjà, que le Briseur-de-Sorts travaillait et, à l'extérieur, le tintamarre continuait sans parvenir à couvrir les rugissements du dragon. Combien de temps avant que le directeur et les autres Gobelins ne s'impatientent et ne viennent voir ce qui les retenait aussi longtemps dans le coffre.

Elle n'était pas naturellement sujette à la claustrophobie mais cette espèce de grotte naturelle, trop sombre et trop encombrée, l'oppressait. Trop régulièrement, elle tournait les yeux vers la porte qui était restée entrouverte comme pour vérifier qu'ils pouvaient toujours sortir.

Une goutte de sueur glacée coula le long de son échine et elle s'obligea à retourner à sa tâche.

Le problème, c'est qu'il y avait trop de coupes.

Elle savait à quoi celle de Poufsouffle était censée ressembler. Dumbledore lui avait montré des souvenirs et de multiples illustrations. Ils n'avaient jamais escompté qu'elle soit perdue au milieu d'un tel trésor.

Le crâne humain sur lequel était vissé une couronne sertie de joyaux était particulièrement dérangeant.

Elle osait espérer que le reste du squelette n'était pas quelque part sous le tas de pièces d'or et que l'homme – ou la femme – était mort avant d'être enfermé ici.

Parce que l'idée que la porte claque et qu'ils se retrouvent emmurés vivants…

Mais ça n'arriverait pas.

Ils ne mourraient pas dans le coffre des Lestrange.

Dumbledore négocierait leur libération.

Et si cela échouait, Severus détruirait cette banque brique par brique jusqu'à la retrouver.

Elle savait que c'était très romanesque de croire qu'il pourrait prendre Gringotts d'assaut à lui tout seul mais, honnêtement, entre lui, Sirius et Dumbledore… Elle n'aurait pas parié sur les Gobelins.

Elle était sur le point de se tourner vers Bill pour voir où il en était lorsqu'elle repéra l'étagère dans le fond, presque hors de vue. Au milieu d'une collection de fioles remplies de potions diverses…

La coupe était là.

Hors d'atteinte.

Mais .

Elle attendit impatiemment que Bill termine de marmonner ses formules. Cela prit cinq minutes de plus et, lorsqu'il eut fini, il s'affaissa un peu, vacilla… Il se reprit vite mais son visage était moite de sueur et il était évident que ce qu'il venait de faire lui avait demandé un gros effort.

« J'ai désamorcé le Gemelio. » l'informa-t-il. « Mais le Flagrance est relié aux protections de la famille. Si je le contre, je suis à quatre-vingt-dix pourcent sûr que Rodolphus Lestrange sera alerté d'une manière ou d'une autre. »

Le Flagrance était un maléfice vicieux. Tout objet qu'ils toucheraient se mettrait à dégager une chaleur insupportable. Multiplié par le nombre de pièces et de babioles dans cette grotte…

« La coupe est là. » offrit-elle, en désignant l'étagère. « Mais pour l'atteindre… »

Pour l'atteindre, ils allaient devoir escalader un tas d'or.

Tandis que Bill sortait de sa besace un coffret gravé de runes conçu pour contenir des artefacts de magie noire et des gants épais en peau de dragon, elle tenta un sort d'attraction et un sort de lévitation par acquis de conscience. Ils n'eurent aucun effet.

Severus l'avait prévenue que l'horcruxe serait certainement immunisé contre des sorts basiques de ce type.

Ils étudièrent tous les deux le problème en silence, cherchant une solution qui ne les brûlerait pas vif et n'alarmeraient pas les Gobelins.

« L'étagère est accrochée au mur. » déclara Bill, au bout de plusieurs secondes. « Tu vois les clous ? »

Elle les distinguait à peine dans l'obscurité. Il y en avait quatre. Deux en haut, deux en bas. « Tu veux faire léviter l'étagère ? »

« Quand on ne peut pas influencer un objet à cause d'un maléfice, on essaye de modifier son environnement. » expliqua-t-il, presque comme s'il récitait un précepte quelconque.

« Il y a des chances que tout tombe. » remarqua-t-elle.

« Il faudra un sort de lévitation extrêmement stable. » confirma-t-il. « Si tout tombe… Le Flagrance se déclenchera probablement. »

« Super. » soupira-t-elle, en se penchant un peu pour mieux voir. Les clous avaient l'air très profondément enfoncés dans la pierre. Les retirer n'allait pas être drôle. « Tu t'occupes de stabiliser l'étagère, je m'occupe de sortir les clous. »

Cela allait demander une certaine coordination.

Aurait-ce été Kingsley ou Severus avec elle, elle n'aurait pas eu autant d'appréhensions.

Mais Bill…

Elle n'avait pas l'habitude de travailler avec Bill et ils n'auraient pas le droit à l'erreur dans ce qui allait s'apparenter à une partie de Kapla potentiellement mortelle.

Ils n'avaient pas le choix, cependant.

C'était un meilleur plan que d'attendre qu'une solution miracle leur tombe dessus.

°O°O°O°O°

Les derniers invités venaient de partir et Dora n'était toujours pas revenue.

Harry se percha sur le canapé, s'entortillant par réflexe dans la couverture qui y demeurait, et ne protesta pas lorsque Masque lui sauta sur les genoux. Il le caressa d'une main distraite, grattant la tête de Paillette, qui était niché contre son cou, de l'autre.

Severus était à genoux, la tête dans la cheminée, ce qu'il évitait généralement de faire, d'une part parce qu'il trouvait la position dégradante et d'une autre parce que sa jambe se prêtait mal à l'exercice.

Le garçon s'exhortait au calme depuis plus d'une heure, prétendant que tout allait bien, tentant de profiter pleinement de sa fête d'anniversaire…

Lorsque son père sortit finalement le haut du corps de la cheminée, il masquait mal son inquiétude et ce malgré l'Occlumencie. Il lui jeta un coup d'œil mais ne fit aucun commentaire sur sa présence, forcé de prendre appui sur la table basse pour se relever…

« Est-ce que ça s'est mal passé ? » demanda Harry. « Est-ce que… Est-ce qu'ils vont bien ? »

Au lieu de prétendre qu'il ne savait pas de quoi il parlait ou de lui servir à nouveau ce mensonge sur les protections de Pré-au-Lard, Severus pinça les lèvres. « Je l'ignore. Ils sont en retard mais, à priori, il n'y a pas eu d'alarmes à Gringotts. »

Ils s'observèrent en silence un long moment.

Harry détourna les yeux le premier. « Vous auriez pu me dire la vérité. »

« Elle ne voulait pas que tu t'inquiètes. » offrit son père. « Elle espérait pouvoir te présenter la chose comme un fait accompli. »

« Raté. » lâcha-t-il, en secouant la tête. « Qu'est-ce qu'on fait ? »

« Pour le moment, rien. » répondit Severus. « Je vais rejoindre Albus et Sirius. S'ils n'ont pas pris contact d'ici une demi-heure, nous aviserons. »

« Ils pourraient être morts dans une demi-heure. » murmura-t-il, son imagination trop pessimiste s'emballant déjà.

L'expression de son père s'assombrit davantage encore. « Espérons que non. »

« Je viens. » décréta Harry, en repoussant le chat et la couverture.

L'ancien espion ne l'empêcha pas de le suivre et si Sirius et Dumbledore eurent l'air légèrement surpris de le voir débarquer dans le bureau du Directeur… Ils se reprirent vite.

Seulement… À part attendre, il n'y avait pas grand-chose à faire.

Les trois sorciers se penchèrent sur des plans incomplets de la banque, tâchant d'échafauder une ébauche de mission de secours…

Le garçon alla se poster à la fenêtre et appuya la tête contre les pierres froides, scrutant le parc en contrebas dans l'espoir ténu de voir apparaître deux silhouettes familières.

Si Tonks ne revenait pas…

On n'a pas besoin d'être vraiment quoi que ce soit pour être vraiment autre chose. Les familles, on en trouve de toutes les formes, tu sais.

Nous aussi, on t'aime.

Il commençait à peine à s'habituer à l'idée d'avoir deux parents et…

Il ferma les yeux.

°O°O°O°O°

Sa robe était trempée de sueur et elle serrait les dents à s'en faire mal.

Elle avait déjà jeté des sorts bien plus complexes qu'un simple sortilège de lévitation ou d'attraction et pendant bien plus longtemps mais le degré de précision que cette opération impliquait… Bill aussi peinait. Elle entendait son souffle exagéré à chaque inspiration et expiration, comme s'il faisait un effort conscient pour garder sa respiration régulière, pour réguler sa magie.

L'étagère était restée d'une stabilité impressionnante durant les dix dernières minutes.

C'était le temps qu'il lui avait fallu pour ôter deux clous sans rien heurter, que ce soit l'étagère, une des fioles, la coupe ou un des multiples objets dans le reste du coffre. C'était plus dur qu'il n'y paraissait. Les clous étaient rouillés, profondément enfoncés dans la pierre qui avait dû jouer autour d'eux au fil des décennies si ce n'était des siècles… Les retirer avait demandé qu'elle mette plus de puissance dans son accio que d'ordinaire mais qu'elle contrôle également sa force au risque de voir le clou voler dans l'autre sens… D'où le sortilège de lévitation qu'elle devait jeter rapidement dès que le morceau de métal s'arrachait au mur…

Il en restait deux.

Les deux du haut.

Ceux qui seraient sans doute les plus compliqués.

Au cas où les clous seraient eux aussi soumis au maléfice de Flagrance, elle les avait alignés sur un coin du sol qui n'était pas recouvert de trésor, loin l'un de l'autre autant que des autres objets.

Le troisième clou racla contre le bois de l'étagère et elle se figea, le cœur battant à tout rompre. Si le maléfice se déclenchait, le bois pourri de l'étagère ne manquerait pas de s'embraser et…

Il ne se passa rien.

Elle échangea un regard avec Bill mais, ne voulant pas tenter sa chance, se dépêcha d'aligner le clou avec les autres.

« Plus vite, si tu peux. » ordonna le Briseur-de-Sorts, d'un ton tendu.

Sa main ne tremblait pas mais le muscle de son avant-bras, sous sa manche retroussée, était crispé à l'extrême.

Elle reporta son attention sur le dernier clou, prit une profonde inspiration, occluda l'angoisse et répéta l'opération.

Évidemment, le morceau de métal se cassa en deux et, sous l'effet du sortilège d'attraction, la tête du clou vola vers elle trop violemment pour qu'elle fasse autre chose que dresser un bouclier entre et le missile de fortune. Le métal rebondit sur son bouclier et alla ricocher sur une armure qui glissa de plusieurs centimètres sur le tas d'or et…

Bill recula prestement pour éviter de toucher les pièces qui se déversèrent vers lui en torrent.

Nymphadora bondit sur le côté pour en faire de même, se retrouvant isolée sur un minuscule îlot, perdu au milieu de l'or. Si elle bougeait d'un millimètre, elle toucherait quelque chose.

Miraculeusement, la chaleur ne devint pas insupportable.

Le maléfice de Flagrance requérait sans doute un contact direct avec un humain pour se déclencher.

L'étagère avait bougé à cause du mouvement brusque de Bill et une fiole en tomba pour aller s'écraser dans un autre tas d'or qui entraîna un nouvel éboulement. Le Briseur-de-Sorts parvint toutefois à stabiliser le tout et à glisser l'étagère le long de la tige de métal brisé fichée dans le mur. Avec une concentration palpable, il attira l'étagère à lui et attrapa la coupe de sa main gantée et, sans mettre fin au sort qui maintenait l'étagère en l'air, la plaça dans le coffret à ses pieds. Il en ferma le couvercle et se retrouva à chercher son regard.

« Et maintenant ? » demanda-t-il.

Parce que s'il posait l'étagère quelque part, il risquait de déclencher un nouvel éboulement et…

Il y avait un tapis de pièces et d'objets entre eux.

Ou, plus précisément, entre elle et la sortie.

« Maintenant… » hésita-t-elle. « Je suppose que c'est le moment où je te dis de partir sans moi… »

Il leva les yeux au ciel. « Oui, c'est sûr, ce ne sera pas suspect du tout si j'abandonne Bellatrix Lestrange dans son coffre… »

« Gloröm a l'air de bien t'aimer. » plaisanta-t-elle à moitié. « Si tu as de la chance, il ne te posera même pas de questions. »

« Tonks, sois sérieuse. » s'agaça-t-il. Semblant prendre une décision, il fit léviter l'étagère jusqu'à un coin reculé du coffre et la déposa lentement sur un portrait abandonné là. Des fioles se perdirent en route, faisant glisser des bagues et des pièces, agrandissant encore le fossé entre eux.

Nymphadora devait se tenir sur la pointe des pieds, à présent, pour ne rien toucher et…

Elle ne tiendrait pas longtemps.

Plaisanterie mise à part…

« Sors. » ordonna-t-elle, d'un ton autoritaire qu'elle employait avec ses troupes. « Dis-leur que je veux rester seule pour… Je ne sais pas, moi, compter mes pièces ! Dis-leur que tu dois retourner en surface. Je tiendrais le temps qu'il faudra. Tu avertis Dumbledore et… »

« C'est ça. » lâcha-t-il, avec un bruit mi-amusé, mi-irrité. « Et comment est-ce que j'explique à Severus que je t'ai abandonnée pour servir de dîner à un dragon ? Non merci. Je crois que je préfère encore tenter ma chance avec les Gobelins. »

« Bill. » grinça-t-elle.

Il s'était accroupi pour lancer tout un tas de sorts sur le coffret qu'il fit disparaître dans sa besace avant de se relever pour analyser la situation.

« Tu pourrais sauter… » proposa-t-il, sans grande conviction. « Si je peux t'attraper… »

Plus d'un mètre les séparait.

Et elle n'avait aucun élan.

Sans parler qu'elle commençait à fatiguer d'être sur la pointe des pieds et que son équilibre n'avait jamais été excellent et que… Le corps de Bellatrix était différent du sien. Elle avait appris à imiter sa démarche, ses gestes, la manière dont elle se tenait… Mais lui demander de faire quelque chose de complexe avec, c'était compliqué. Si elle avait dû se battre, elle aurait repris son propre corps ou, du moins, aurait modifié celui de sa tante juste assez pour avoir sa marge de manœuvre habituelle.

Elle secoua la tête.

Soudain, Bill grimaça. « J'ai une idée. Ce n'est pas une bonne idée mais c'est une idée. »

« Une mauvaise idée, c'est mieux que pas d'idée du tout. » décida-t-elle.

S'il lui avait dit ce qu'il comptait faire, elle aurait probablement protesté.

« Wingardium Leviosa. » lança-t-il.

Sur elle.

Les sorts de lévitation étaient notoirement aléatoires sur les êtres humains et elle ne put retenir un glapissement alors qu'elle se sentait soulevée dans les airs… Bill peinait à maintenir le sort. Son poids, la difficulté de garder une trajectoire stable… Elle tournait dans tous les sens, un peu au ralenti, tiraillée entre les lois de la physique et celles de la magie…

Finalement, une poigne solide l'attrapa et, lorsque le sort se dissipa, elle s'effondra à moitié sur Bill qui encaissa le choc avec un bruit de souffrance qui aurait probablement été offensant si elle n'avait pas été dans le corps de sa tante au lieu du sien. Elle aimait à penser qu'elle n'était pas si lourde que ça.

« Ça va ? » s'inquiéta-t-il.

« Je crois que j'ai laissé ma dignité dans le coin, là-bas, mais à part ça, ça va. » répondit-elle, lui offrant un sourire tremblant qui n'avait pas sa place sur le visage de Bella. « La coupe ? »

« Sous clef. » répondit-il. « Je n'ai pas le temps de l'examiner plus que ça. On doit y aller. »

Elle acquiesça rapidement.

Les autres devaient être morts d'inquiétude.

La voie jusqu'à la porte du coffre était libre de pièces et ils parvinrent à rejoindre la caverne plus large sans encombre. Elle s'obligea à ne pas frissonner en se retrouvant à nouveau beaucoup trop près de ce dragon.

Retrouvant son rôle de composition, elle ordonna au Gobelin qui les avait accompagnés depuis le comptoir de verrouiller à nouveau son coffre et jeta un regard plein de mépris à Gloröm. « Toujours là ? »

Le directeur les soupçonnait très, très visiblement de quelque chose mais, faute de preuves, ravala ses accusations.

« Madame Lestrange, toujours un plaisir. » mentit-il effrontément, déplaçant ses petits yeux noirs vers Bill. « William. Restons en contact. Gringotts ne vous réemploiera pas mais nous avons parfois besoin de Briseurs-de-Sorts contractuels. »

« J'ai une meilleure offre. » répondit posément l'aîné des Weasley. « Mais je vous remercie. »

Nymphadora se dirigea vers le wagonnet avec autorité, comme si la conversation entre eux n'aurait pas pu moins l'intéresser. Elle s'installa sans tarder, impatiente de laisser la caverne et le dragon derrière elle.

Un instant plus tard, Bill et l'autre Gobelin la rejoignirent.

Le wagon se mit en marche, remontant vers la surface…

Il n'y eut pas de Cascade des Voleurs, cette fois-ci.

Rien ne vint troubler les dix minutes de montagnes russes si ce n'était le crissement assourdissant des roues sur les rails.

Ils débarquèrent, traversèrent le gigantesque hall sans que personne ne les arrête, franchirent les portes en argent, pressèrent le pas jusqu'au portail en bronze, dévalèrent les marches avec probablement un peu trop de précipitation…

Elle ne s'autorisa pas à respirer avant d'avoir atteint la ruelle où elle avait l'habitude de transplanner.

Laisser fondre le corps de Bellatrix pour retrouver sa véritable apparence fut un soulagement, même si elle flottait dans la robe trop grande de sa tante.

Sans plus attendre, elle tira le carnet et un stylo bic de son sac.

Mission accomplie.

On rentre.

La réponse apparut dans la seconde.

Vous vous êtes fait attendre.

Elle aurait levé les yeux au ciel si elle n'avait pas pu lire toute l'inquiétude et le soulagement à travers l'écriture tremblante de Severus.

D'autres mots apparurent soudain, l'écriture plus nette, plus énergique…

Est-ce que vous allez bien ?

Elle sourit malgré elle.

Elle aurait dû savoir que tenter de cacher la mission à Harry était une erreur. Ce gamin était beaucoup trop malin pour son propre bien.

Pas une égratignure.

On arrive, mon chat.

°O°O°O°O°

Severus était trop impatient pour boire la tasse de thé que lui avait servie Albus. Il faisait les cent pas dans le bureau, sous le regard d'Harry qui grignotait anxieusement biscuit après biscuit que lui tendait le Directeur. Sirius s'était affalé dans son fauteuil, visiblement épuisé par les dernières heures d'attente. Quant à leur Ministre, il buvait son thé comme si tout s'était passé exactement comme prévu.

« Ils viennent de passer les grilles. » les informa tranquillement Albus.

Le Maître des Potions souffla lentement, s'autorisant enfin à relâcher l'angoisse qui lui nouait le ventre.

Il fallut attendre dix minutes supplémentaires avant que la porte du bureau ne s'ouvre sur eux. Nymphadora n'avait pas pris le temps de se changer et la robe trop grande de Bellatrix lui donnait des allures d'enfant cherchant à se déguiser.

Il n'eut pas le temps de dire ou de faire quoi que ce soit. Harry s'était déjà élancé comme un boulet de canon et la percuta avec suffisamment de force pour la faire reculer de deux pas.

« Si tu t'étais faite tuer, ça aurait été un cadeau d'anniversaire vraiment pourri ! » la gronda le garçon, en la relâchant rapidement. « Tu ne peux pas faire ce genre de trucs et ne pas me le dire avant ! C'est… »

Nymphadora passa du sourire au froncement de sourcils dans la seconde. « Harry, je fais ce genre de trucs tous les jours. »

« Je n'espère pas. » marmonna Bill, en se glissant derrière elle pour venir s'avachir dans le fauteuil qu'Harry avait abandonné. Il s'empara de la tasse de thé que l'adolescent n'avait pas touché et la descendit d'un trait avant de faire la grimace. « Je n'aurais rien contre quelque chose de plus fort… »

Sirius émit un bruit amusé et lui lança sa flasque.

L'aîné des Weasley en prit une longue gorgée, sous l'œil pétillant d'Albus qui lui proposa un verre de scotch.

Les ignorant pour le moment, Severus approcha de sa famille.

« Oui, mais c'est différent quand c'est aussi dangereux. » insistait son fils. « Tu dois me le dire avant. »

« Pourquoi ? Pour que tu t'inquiètes ? » rétorqua la jeune femme, en lui ébouriffant les cheveux. « Tout était parfaitement sous contrôle, mon chat. »

À l'autre bout de la pièce, Bill lui jeta un regard qui en disait long et qu'elle feignit soigneusement de ne pas voir.

Elle tendit également la main vers Severus qui s'en empara et la serra sans hésiter, simplement heureux de la retrouver en un seul morceau. Il l'attira vers lui et elle ne résista pas, se laissant brièvement aller contre son torse pour une brève étreinte. Puis elle baissa les yeux vers sa tenue, plissa le nez et sortit sa baguette pour transformer la robe trop grande en un jean et un tee-shirt noirs.

Albus se racla la gorge, ayant versé son scotch hors d'âge dans quatre verres qu'il distribua. Il en garda un pour lui, en tendit un à Sirius, un autre à Bill et proposa le dernier à la jeune femme qui l'accepta sans protester. Il y avait un cinquième verre mais un seul regard à Severus et il le rangea sans un mot.

« Je suppose que la mission est un succès ? » demanda le vieux sorcier.

Bill sortit un coffret désormais familier de sa besace et le posa sur le bureau. « C'est la coupe de Poufsouffle et elle est saturée de magie noire. Je n'ai pas pu l'examiner plus en détail. »

« Donc on est pas sûrs que c'est un horcruxe ? » s'enquit Sirius, sourcils froncés.

« Pourquoi avoir mis tant de temps ? » intervint Severus, en se postant derrière son fils. Il posa les mains sur les épaules trop tendues du garçon qui fixait le coffret comme s'il représentait sa mort. Harry se détendit légèrement mais pas complètement.

« Les Gobelins avaient des soupçons. » soupira Nymphadora. « Et il y avait tout un tas de maléfices dans le coffre même. On a eu quelques difficultés pour la récupérer. » Elle et Bill échangèrent un coup d'œil. « Mais tout est bien qui finit bien. » Elle termina son verre et le posa sur le bureau avant de croiser les bras. « Par contre, je pense que ça vaudrait le coup de tenter notre chance avec les Gobelins. Leur offrir un contrat qu'ils ne pourront pas refuser ou quelque chose comme ça… Le directeur de Gringotts déteste Bellatrix et il n'a pas l'air de porter Vous-savez-qui dans son cœur. On peut en jouer. »

« Ce n'est pas qu'il déteste Bellatrix ou Tu-sais-qui. » corrigea Bill. « C'est qu'il les trouve mauvais pour l'économie. Mais je suis d'accord… Si le Ministère leur offre un contrat assez juteux… Ce n'est pas gagné mais ça se tente. »

« C'est une discussion pour une autre réunion. » trancha impatiemment Severus. « La coupe. »

Parce qu'ils étaient forts de l'expérience du médaillon, Sirius et Bill se levèrent de leurs fauteuils et sortirent leurs baguettes. Severus, lui-même, força Harry à reculer de quelques pas avant d'aller les rejoindre. Nymphadora se tenait sur le côté, un peu curieuse, sa baguette à la main. Albus, quant à lui, jeta un puissant sortilège de bouclier sur le coffret.

Lorsque le Briseur-de-Sort fit basculer le couvercle du coffret, ils retinrent tous leur souffle…

… et rien ne se passa.

Pas de voix qui murmurait à l'arrière de leur tête, pas de silhouettes fantomatiques, pas d'apparitions…

Bill et Albus lancèrent tous les deux quelques sorts…

« C'est bien un horcruxe. » confirma le Directeur, au bout d'une minute.

« Pourquoi est-ce qu'il est inerte ? » demanda Sirius, d'un ton méfiant.

« Le médaillon aussi était inerte jusqu'à ce qu'on le réveille. » lui rappela Bill. « Ou, du moins, il faisait semblant de l'être. »

Il bascula le couvercle du coffret pour le renfermer et y apposa une demi-douzaine de sorts pour contenir l'horcruxe à l'intérieur.

« Le rituel. » lâcha Severus. « Nous devons le réaliser sans tarder. Il est au point, à présent. Si… »

« Le rituel attendra demain matin, Severus. » décréta Albus. « Il est tard et deux d'entre nous, au moins, ont besoin de repos. Étant donné ce que vous m'avez décrit de votre dernière tentative, je préférerais que nous soyons tous au mieux de notre forme. »

Il ouvrit la bouche, voulut protester…

« Quelques heures de plus ne feront pas beaucoup de différence, Servilus. » remarqua Sirius, en tendant la main pour lui serrer le bras. « Ce sera mieux si on a tous dormi avant. »

Il pinça les lèvres puis se rendit à la logique de cet argument. Albus prendrait la place de Bill durant le rituel alors, en soi, ils auraient pu le faire dès à présent mais… Il était vrai qu'il était plus prudent d'attendre que tout le monde soit en état de se battre correctement. Or Bill et Nymphadora étaient visiblement épuisés.

« Avez-vous l'objet ? » demanda-t-il pourtant à Albus.

Le Directeur sortit du troisième tiroir de son bureau un écusson doré gravé du nom de Jedusor et d'une date.

« C'est la récompense pour services rendus à l'école. » commenta Harry. « Celle qu'il a eu pour avoir piégé Hagrid. »

Albus inclina la tête. « En effet. Cela fera-t-il l'affaire ? »

Severus hésita un peu puis acquiesça. « Le trophée lui appartient et je suppose qu'il a dû y attacher de l'importance, arrogant comme il l'est… Oui, cela devrait fonctionner. »

« Il reste le problème du sang. » leur rappela Bill.

« Je m'occuperai d'aller voler une banque de sang Moldue demain matin. » offrit Sirius, dans un soupir. « Je l'ai déjà fait avec Nyssa. J'ai l'habitude. »

Le Briseur-de-Sorts hésita un moment puis soupira lui aussi. « Je suis désolé… Mais je reste persuadé que sans sang fraîchement versé… »

« Nous avons assez de prisonniers Mangemorts dans nos geôles le cas échéant. » décréta Severus. « Retentons ainsi et si cela ne fonctionne pas… »

« On ne va pas tuer des gens. » intervint Harry, choqué.

Le garçon croisa le regard de chacune des personnes dans la pièce. Bill et Sirius furent incapables de le soutenir. Nymphadora finit par détourner les yeux après quelques secondes. Albus et Severus, en revanche, ne se dérobèrent pas.

« Nous ferons ce qui est nécessaire. » déclara l'ancien espion.

« Non. » protesta immédiatement son fils. « Non. Je refuse. »

« Ce n'est pas toi qui décide, Harry. C'est nous. » murmura Nymphadora.

Harry reporta sa colère et son désespoir sur elle. « Mais vous faites ça pour moi. C'est comme si je tuais moi-même quelqu'un. Encore. Vous ne pouvez pas… »

« Nous ferons ce qui est nécessaire pour te sauver que cela te plaise ou non ! » tonna Severus, avant d'avoir pu s'en empêcher.

Le garçon le dévisagea comme il l'aurait fait près d'un an plus tôt, comme s'il ne le connaissait pas, comme s'il était un étranger…

« On n'en aura pas besoin. » intervint Sirius, nerveux, en s'interposant entre eux. « Le rituel est au point. Les poches de sang feront l'affaire, tu verras. Tout ça, on en parle juste… au cas où. Mais on ne va tuer personne. Harry, tu verras, tout se passera bien… »

Harry, c'était évident, ne croyait pas son parrain.

À raison.

Il connaissait trop bien Severus.

Il savait jusqu'où irait Severus et sans sourciller avec ça.

Le Maître des Potions occluda la colère, l'impuissance… « Harry… »

« Je ne veux pas que quelqu'un d'autre meure à cause de moi. » lâcha froidement le Survivant. « C'est clair ? »

« C'est très clair. » déclara Albus, avec un sourire. Severus se tourna vers lui, le visage dur, mais le Directeur leva la main. « Il est prématuré d'en discuter, mon garçon. Pour ce que nous en savons, le rituel fonctionnera très bien ainsi. Nous avons modifié les runes, nous avons un objet ayant appartenu à Tom et, sans vouloir offenser notre brillant Briseur-de-Sorts, je me chargerai moi-même de vous donner la réplique… Si le rituel ne fonctionne pas, nous aviserons. »

« Si le rituel ne fonctionne pas, il faudra contenir l'horcruxe. » lâcha-t-il. « Le contenir, surtout ne pas le détruire. »

Il ne restait plus que le diadème et Nagini, en dehors de la coupe.

Le serpent était hors d'atteinte et le diadème…

Ils ne pouvaient pas se permettre de rater leur chance.

« Naturellement. » approuva le Directeur.

Ils se séparèrent là-dessus, s'accordant sur une heure pour accomplir le rituel.

Harry devint un tigre à la seconde où ils quittèrent le bureau et partit en courant en direction des cachots. Severus n'eut pas la force de chercher à le rattraper, s'appuyant plus fermement sur sa canne, la besace que Bill lui avait confiée pendant lourdement sur son épaule. Nymphadora marchait à côté de lui, les mains dans les poches, l'expression un peu fermée.

« Ne lui donne pas raison. » gronda-t-il, lorsqu'ils furent à mi-chemin.

« Je ne peux pas lui donner raison, je veux qu'il survive autant que toi. » rétorqua-t-elle, sans croiser son regard, sa mâchoire contractée. « Mais il n'a pas tort non plus, tu sais. Si on doit… en arriver pour le sauver… Ce sera lui qui en portera le poids tout le reste de sa vie. »

« Il sera en vie et c'est tout ce qui compte. » rétorqua-t-il.

Elle émit un bruit dubitatif.

Il aurait été très facile de se draper dans sa colère, de s'en envelopper comme d'un bouclier. Quelques mois plus tôt encore…

Le réflexe était là.

Toute l'angoisse de la soirée, la fatigue… Il aurait été simple de prétendre qu'il était simplement furieux et…

Il se frotta le visage, ignorant les quelques réfugiés qu'ils croisèrent au niveau du hall d'entrée. Comme toujours, il dut faire attention en attaquant les marches qui descendaient vers les cachots. Ce n'était pas seulement l'humidité qui les avait rendues lisses, c'était le passage de centaines de chaussures d'élèves jour après jour pendant des siècles. Canne ou pas, c'était un passage délicat.

Une autre humiliation de plus sur une longue liste.

« Severus. » soupira Nymphadora, une fois qu'ils eurent dépassé les Aurors en faction pour s'enfoncer véritablement dans les couloirs tortueux. « Parle-moi. »

Une demande risquée au vu de son humeur.

Pourtant, lorsqu'elle glissa ses doigts sur son bras pour attraper sa main libre, il ne se déroba pas.

« Il n'y a pas grand-chose de plus à dire. » admit-il. « J'ai besoin… J'ai besoin que tout se passe comme prévu, demain. J'ai besoin que cela fonctionne. » Il secoua la tête. « En moins de douze mois, j'ai battu les lois de l'espace temps et j'ai révolutionné la gestion de la lycanthropie… J'ai accompli l'impossible deux fois, je peux le faire une troisième. »

Il avait l'impression d'être prisonnier d'un manège qui ne cessait jamais de tourner qu'importe combien il voulait en descendre.

Il devait faire fonctionner ce rituel.

Il devait sauver Harry.

Il devait

« Tu sais que tu n'es pas surhumain. » lui rappela-t-elle doucement. « Tu peux faire ton maximum et ça peut tout de même ne pas marcher. Ce ne sera pas ta… »

« Non. » la coupa-t-il. « Je refuse de penser ainsi. Il est impensable que nous échouions, tu m'entends ? Impensable. »

Ils étaient arrivés à la porte de leurs appartements.

Il tendit la main pour déverrouiller la porte mais elle le stoppa, grimaçant légèrement.

Il se tourna vers elle, une question sur le visage et un avertissement dans le regard.

Il ne voulait pas entendre ses mises en garde.

Il ne voulait pas entendre que…

« Tu es stressé et fatigué. » lâcha-t-elle. Il ouvrit la bouche et elle leva sa main libre pour l'interrompre. « On l'est tous. Tout le monde fait de son mieux mais, soyons honnêtes, toi, Kingsley, Albus et moi on en fait encore plus que les autres. Et je sais comment moi je me sens même quand je dis que je vais bien. »

« Stressée et fatiguée ? » suggéra-t-il, ses épaules s'affaissant un peu.

« Stressée et fatiguée. » confirma-t-elle. « Et à bout de nerfs. Et quand on est à bout de nerfs, on dit ou on fait des choses qu'on ne pense pas et qu'on regrette très, très vite. »

« Je ne suis pas à bout de nerfs. » nia-t-il.

Elle inclina légèrement la tête sur le côté. « Tu viens de hurler sur ton fils. »

Il leva les yeux au ciel. « Je n'ai pas hurlé. J'ai haussé un peu le ton. »

« Hurlé, Severus. » corrigea-t-elle, très sérieusement. « Alors, voilà ce qu'on va faire. Tu vas aller t'excuser parce que c'est son anniversaire et que c'était censé être une bonne soirée, pas un désastre. Ensuite, on va aller se coucher et dormir une nuit complète. Et, demain, on fera tout ce qu'on peut pour que ça se passe bien. Et si ça ne se passe pas bien, on avisera. Calmement. Rationnellement. »

Il n'aimait pas beaucoup quand elle était plus logique et posée que lui.

Ronchonnant un peu, il glissa sa main libre sur sa joue et se pencha pour l'embrasser.

« Au stress et à la fatigue, rajoute l'angoisse de te voir dévorée par un dragon. » marmonna-t-il contre ses lèvres.

Son sourire semblait légèrement forcé. « Je ne veux plus jamais en voir un d'aussi près. D'ailleurs, je crois que je ne veux plus jamais aller à Gringotts. »

« Vais-je avoir droit au récit plus détaillé ? » demanda-t-il. Cela ne lui avait pas échappé que le résumé avait été succinct.

« Peut-être. » offrit-elle, en déverrouillant elle-même la porte. « Mais, d'abord, parle à Harry. Moi, j'ai besoin d'une douche et de brûler cette robe. »

Le sort de métamorphose qu'elle avait jeté sur la robe de Bellatrix pour la transformer en jean et tee-shirt était en train de disparaître.

Severus referma la porte derrière eux et la laissa partir, faisant un crochet pour enfermer la besace et son précieux contenu dans son coffre-fort. Puis il prit une profonde inspiration avant de frapper à la porte de son fils. Il attendit quelques secondes mais lorsqu'aucun son ne lui parvint, il entra. Pour la deuxième fois ce soir-là, il trouva Harry sur son lit en train de ruminer.

Cette fois-ci, cependant, c'était un tigre qui l'accueillit et il n'avait pas l'air particulièrement heureux de le voir.

Le lit grinça énormément lorsque Severus y posa une demi-fesse et il s'empressa de renforcer les sorts qui garantissait que le sommier ne s'écroulerait pas sous le poids du fauve.

« Je regrette de m'être emporté. » offrit-il. « Je ne regrette pas ce que j'ai dit. Ce sera un dernier recours, bien entendu, mais s'il faut en passer par là pour te sauver… » Le Maître des Potions s'humecta les lèvres. « Tu n'ignores pas quel genre d'homme je suis. Tu sais le genre de crimes que j'ai commis par le passé. Si tu penses que je rechignerai à me salir à nouveau les mains pour quelque chose qui me tient autant à cœur… » Il s'interrompit. Ce n'était sans doute pas le genre de choses qu'Harry voulait ou avait besoin d'entendre. « Je ne sacrifierai pas un innocent. » Parce qu'il avait d'autres options. Une cellule entière pleine d'autres options qu'il fallait nourrir et qui les encombraient. « Mais nos ennemis ? »

Le tigre poussa un soupir qui sembla faire trembler tout son corps puis, toujours sans le regarder, secoua la tête en guise de refus.

« Ce ne sera pas toi le responsable. » insista-t-il. « Ce sera moi. Et tu seras libre de me détester autant que tu le voudras. Je me moque que tu me détestes tant que tu es vivant. »

Le fauve poussa un autre soupir et se traîna plus près jusqu'à poser sa grosse tête sur ses genoux. Severus le caressa lentement, la gorge nouée.

« Je sais que ce n'est pas ce que tu veux. Je le sais… » avoua-t-il. « Mais je ne peux pas te laisser renoncer. Nous devons tout tenter. »

Il n'y avait pas de limites à ce qu'il était prêt à faire.

Aucune.

« Je regrette d'avoir gâché ton anniversaire… » ajouta-t-il, pourtant. « Je voulais qu'il soit parfait. »

La grosse tête du tigre lui donna un coup dans le ventre, comme pour le rabrouer.

« Tu ne veux pas redevenir humain, je suppose ? » soupira-t-il.

Le fauve secoua la tête et la reposa sur ses genoux.

Severus resta là longtemps à caresser la fourrure rouille striée de noir, occludant de justesse la panique que faisait naître en lui l'idée qu'il pouvait échouer.

Harry dormait lorsqu'il s'extirpa de sous sa tête et il ne fut pas surpris, en rejoignant sa chambre, de trouver Nymphadora déjà au lit.

Elle avait volé son haut pyjama.

Il leva un sourcil. « Besoin de réconfort ? »

C'était généralement ce qui la poussait à subtiliser ses vêtements.

Elle haussa les épaules, l'air soucieux.

L'absence de répartie ou de taquinerie lui fit froncer les sourcils. « Tout va bien ? »

Elle se frotta le visage et s'enfonça un peu plus sous les couvertures. « Je… Je suis juste crevée, je crois. »

Il émit un bruit compréhensif et se dirigea vers la salle de bain, impatient de se coucher, lui aussi. Puisqu'elle avait pris son haut de pyjama, il enfila le tee-shirt trois fois trop grand pour elle qu'elle utilisait pour dormir. Il était bleu et rouge et avait le logo des Catapultes de Caerphilly sur le devant. Pourquoi est-ce qu'elle possédait le tee-shirt d'une équipe de Quidditch Galloise qu'elle ne soutenait pas à sa connaissance, Merlin seul le savait. Mais elle devait l'apprécier parce qu'il avait un trou au col.

Il capta son reflet dans le miroir et se figea, cherchant à se rappeler la dernière fois où il avait volontairement porté quelque chose de couleur. Ou, du moins, d'une couleur qui n'était pas suffisamment sombre pour s'apparenter au noir. Il était incapable de s'en souvenir.

Il décida que ce n'était pas bien grave, de toute manière.

Personne ne le verrait qu'elle et elle ne ferait probablement pas de commentaire.

Elle se blottit contre lui dès qu'il se glissa dans le lit et s'endormit dans les cinq minutes.

Il mit plus de temps à trouver le sommeil, ressassant encore et encore tout ce qui pourrait mal tourner.

Il s'avéra très vite qu'il y avait des choses que même lui ne pouvait pas imaginer.

°O°O°O°O°

Nymphadora se réveilla en sursaut, le souffle bloqué dans la gorge.

Severus ne broncha pas lorsqu'elle échappa au bras qu'il avait passé autour de sa taille pour s'asseoir.

Elle frissonna.

Elle était trempée de sueur et l'air humide des cachots lui donnait la chair de poule.

Avait-elle fait un cauchemar ?

Peut-être.

Il lui semblait se souvenir de la sensation d'être prisonnière d'un des wagonnets de Gringotts… Et cette voix qui…

Viens à moi…

Elle cilla, frissonnant davantage.

Était-ce elle ou faisait-il vraiment froid ?

Viens à moi

Sans réfléchir, elle glissa les jambes hors du lit et se leva.

Pourquoi faire ? Elle ne se souvenait plus.

Ah si… Elle avait froid et…

Elle cilla sans comprendre comment elle s'était retrouvée au salon.

Elle devait être encore un peu endormie.

Elle avait froid.

Elle voulait sans doute allumer un feu.

Oui…

Oui, c'était ça, un feu de cheminée dissiperait ce froid glacial qui la faisait trembler.

Cependant, ce ne fut pas vers l'âtre qu'elle pointa sa baguette mais vers le rayonnage de la bibliothèque qui abritait le coffre-fort dissimulé.

Le murmure à l'arrière de sa tête se fit plus excité.

Les protections étaient les mêmes que celles qui entouraient les appartements. La magie de Severus s'écarta au contact de la sienne, caressante et accueillante comme une étreinte. La porte du coffre bascula.

Quand avait-elle ouvert le faux rayonnage ?

Elle sortit le coffret couvert de runes de la besace.

Libère-moi

Libère-moi

Elle leva sa baguette pour désamorcer les protections…

… et elle lui échappa des doigts.

Elle regarda sa main vide sans comprendre ce qu'il s'était passé.

Elle avait froid.

Il faisait si…

Elle gémit presque de soulagement en sentant les bras se refermer sur elle, la plaquant contre un corps chaud. L'étreinte n'était pas tendre, pourtant. Ses bras étaient coincés contre ses flancs et…

Elle se débattait.

Pourquoi se débattait-elle ?

Le corps de Severus était chaud.

Et elle avait froid.

Elle avait tellement…

Tue-le…

Libère-moi…

« Occlude. » ordonna sèchement Severus directement dans son oreille. « Nymphadora, pour l'amour de Merlin, occlude ! »

Occluder ?

Occluder quoi ?

Qu'y avait-il à…

« Papa ? » appela une voix ensommeillée.

Tue-les

Tue-les tous les deux…

« Nymphadora… » siffla Severus avant de la lâcher précipitamment et de reculer, une main plaquée sur le nez.

Parce qu'elle venait de jeter sa tête en arrière pour mieux le frapper avec.

Pourquoi ?

Pourquoi faisait-elle…

Tue-les.

Tue-les tous les deux !

Il y avait une baguette dans sa main.

Quand l'avait-elle repris à Severus ?

Était-ce important ?

Elle avait froid.

Si froid…

Elle voulait juste que le froid s'arrête…

Par réflexe, elle jeta un bouclier pour se protéger du stupefix qui fusait vers elle.

Pourquoi l'attaquaient-ils ?

Elle voulait juste…

Tue-les.

S'il fallait en passer par là pour ne plus avoir froid…

Sa baguette fouetta l'air.

Il y eut un cri de douleur en réponse.

Et quelque chose en elle s'en réjouit.